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Sous-comité sur la protection civile au Canada

 

Délibérations du sous-comité sur
La protection civile au Canada

Fascicule 2 - Témoignages


OTTAWA, le lundi 31 mai 1999

Le sous-comité sur la protection civile du comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui à 17 h 30 pour l'examen de la protection civile au Canada.

Le sénateur Terry Stratton (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Nous recevons aujourd'hui des hauts fonctionnaires d'Environnement Canada. Je vais demander à M. McBean de nous présenter son collègue et de faire ensuite son exposé.

Nous vous écoutons, monsieur McBean.

M. Gordon A. McBean, sous-ministre adjoint, Service de l'environnement atmosphérique, Environnement Canada: Je suis accompagné aujourd'hui de M. Denis Bourque, également du Service de l'environnement atmosphérique à Environnement Canada.

Merci de nous donner l'occasion de vous parler de cette question importante des catastrophes et de la protection civile. Je dois vous expliquer d'emblée que le Service de l'environnement atmosphérique remplit plusieurs fonctions à Environnement Canada. Nous sommes le Service météorologique canadien. Nous sommes également le service de prévision des glaces. Notre Service est chargé, au niveau fédéral, de surveiller le niveau et le débit des eaux des lacs et rivières du Canada. Nous effectuons également toutes les recherches scientifiques sur les questions atmosphériques comme les prévisions météorologiques, les changements climatiques, l'appauvrissement de la couche d'ozone, le smog urbain et autres choses du même genre.

Je vais parler principalement aujourd'hui de la question des catastrophes et de la protection civile. Je peux vous donner l'assurance que nous, au Service de l'environnement atmosphérique, comprenons très clairement l'importance des catastrophes auprès des Canadiens et Canadiennes. Depuis 138 ans, nous aidons ces derniers à réduire les risques dus aux catastrophes naturelles. Le Service météorologique canadien a été établi en 1871, à la suite d'une forte tempête qui a frappé la côte est au siècle dernier, faisant de nombreuses victimes parmi les habitants des Maritimes.

Le climat touche notre vie de tous les jours. Nous sommes non seulement préoccupés par les phénomènes météorologiques violents, comme la tempête de verglas de l'Est du Canada, les inondations de la rivière Rouge et du Saguenay, mais nous nous occupons également de la vie quotidienne des Canadiens, dans le but de réduire leur risque d'exposition à ces phénomènes. Notre objectif principal est d'assurer la sûreté des Canadiens et la sécurité de leurs biens, et les bases socio-économiques de notre pays en dépendent.

Pour qu'il y ait catastrophe, il faut que deux éléments soient réunis: un phénomène météorologique extrême et l'exposition à ce phénomène. Nous n'avons aucun moyen de contrôle sur le temps, et nous ne pouvons donc pas faire disparaître le risque de conditions météorologiques dangereuses. Notre priorité est donc de réduire le risque d'exposition des particuliers canadiens et de leurs biens en les alertant en cas d'événements imminents et en les informant sur la façon de se protéger. Nous le faisons grâce au Système d'alerte météorologique canadien.

Tous les ans au Canada, nous émettons environ 14 000 alertes. Autrement dit, au cours des 24 dernières heures, il y avait 40 alertes en vigueur quelque part au Canada. Vous en avez peut-être entendu certaines concernant notre région, à la radio aujourd'hui. Ces alertes ne doivent pas être prises à la légère. Les prévisions concernant les conditions sont considérées comme présentant une menace pour la vie et la propriété, et on s'attend que les Canadiens tiennent compte de ces alertes et prennent les mesures nécessaires pour se protéger eux-mêmes ainsi que leurs biens.

Pourtant, les répercussions et les coûts des conditions météorologiques extrêmes continuent d'augmenter. Au cours des 15 dernières années, les catastrophes naturelles qui ont coûté le plus cher au Canada étaient toutes liées aux conditions atmosphériques. Qu'il s'agisse des tornades de Medicine Hat, Barrie ou Edmonton, des tempêtes de grêle en Saskatchewan, au Manitoba ou en Alberta, des tempêtes de neige en Colombie-Britannique et en Ontario, des inondations de la rivière Rouge ou du Saguenay, ou de la tempête de verglas de l'Est canadien, nous continuons d'être soumis aux conséquences de ces événements.

Ces nouvelles tendances ne se manifestent pas uniquement au Canada, mais dans le monde entier. Cette année marque la fin de la Décennie internationale de la prévention des catastrophes naturelles. En tant que membre du comité canadien, je peux vous assurer que je sais qu'il s'agit là d'un phénomène mondial.

Les scénarios relatifs au changement climatique ne nous offrent aucun espoir de soulagement pour l'avenir. Au contraire, tout nous porte à envisager le pire. Nous prévoyons des phénomènes météorologiques violents de plus en plus fréquents. C'est une préoccupation croissante pour le secteur mondial des assurances, ce qui a entraîné la création de l'Institute of Catastrophic Loss Reduction au Canada, projet conjoint de l'industrie canadienne des assurances et de l'Université Western Ontario. Dans ces circonstances, il y a tout lieu de se demander si le Service météorologique canadien sera à même de continuer à aider les Canadiens. A-t-il les moyens de le faire?

Notre système est conçu pour déterminer les phénomènes météorologiques importants. Il se fonde sur l'intégration d'observations recueillies grâce à des instruments au sol à l'intérieur du pays et dans les régions côtières, ainsi qu'à des instruments à bord de ballons-sondes météorologiques lancés dans tout le Canada et à des radars météorologiques. Nous utilisons énormément l'information fournie par les satellites météorologiques, qui sont pour la plupart lancés par d'autres pays.

Notre système est conçu pour prévoir les probabilités de phénomènes violents. Au Centre météorologique canadien de Dorval, qui dispose d'un super ordinateur, et dans les 13 autres centres de prévisions du pays, nous disposons d'un personnel expérimenté et de chercheurs qui surveillent continuellement la météo, en suivent l'évolution et émettent des alertes.

Notre système est conçu pour informer les Canadiens, grâce à nos propres technologies ou par le biais de nos partenaires des médias. De concert avec ces derniers, nous sommes en train de mettre à l'essai un système d'alerte météorologique diffusé sur toutes les chaînes pour les foyers équipés de la câblodistribution.

Notre service fonctionne 24 heures sur 24, 365 jours sur 365, grâce à un système qui a été conçu pour réduire, voire supprimer les risques d'interruption due à une défaillance. Le système d'alerte météorologique a été désigné comme un système critique pour le passage à l'an 2000. Notre installation de Dorval est un site désigné aux fins de la sécurité nationale. La circulation aérienne s'arrête au Canada si notre service n'est plus opérationnel.

À titre d'exemple de notre planification et de notre prévoyance, le Centre météorologique canadien de Dorval, qui sert de pivot pour la transmission nationale des informations météorologiques et qui est notre principal centre de prévisions météorologiques au Canada, n'a pas cessé de fonctionner une seule minute pendant la tempête de verglas. Cela a été possible grâce aux génératrices et aux procédures en place en cas de panne d'électricité. Cette capacité de survie nous a non seulement permis de contribuer à l'effort de secours, mais cela a également empêché le reste du pays d'être totalement paralysé.

Notre système est conçu pour réagir et intervenir pendant les catastrophes, et nous avons la capacité voulue pour fournir des produits spéciaux et un soutien aux opérations et organismes d'intervention si besoin est. Toutefois, malgré tout cela, à l'instar de tous les autres organismes de nos jours, nous ne sommes pas à l'abri des problèmes. Il ressort d'un examen récent de notre service que notre infrastructure est vraiment désuète, que nos ressources humaines sont vieillissantes et que les problèmes d'ordre financier sont importants.

Nos observations doivent s'appliquer à tout le Canada et aux océans adjacents, et nous devons transmettre ces données météorologiques aux autres pays du monde car la météo parvient de toutes les directions. Sur la scène mondiale, nous occupons un vaste territoire assez peu peuplé pour l'essentiel. Cela se traduit par une capacité d'observation qui n'est peut-être pas de qualité suffisante au niveau international. Nous cherchons des façons d'y remédier, du moins en partie.

Comme pour toutes les immobilisations, nos systèmes font essentiellement appel à la technologie et ont donc continuellement besoin d'être mis à niveau. Par exemple, nous installons actuellement la nouvelle technologie de radar Doppler au Canada, pour remplacer nos systèmes conventionnels d'après-guerre qui sont désuets. Nous souhaitons mettre en place la nouvelle technologie rapidement, mais pour des raisons financières, nous devons le faire sur une période de six ans. Je pourrais vous montrer une carte indiquant la façon dont les choses vont se passer.

Si nous voulons pouvoir offrir de bons services aux Canadiens, il nous faut également rester à l'avant-garde pour ce qui est de nos systèmes informatiques et nos moyens de communications. À un coût d'environ 160 millions de dollars par an, soit moins de 2 cents par personne et par jour, les Canadiens ont accès à un système d'alerte météorologique qui est avantageux compte tenu de la dépense de deniers publics. Toutefois, nous savons également que ce système manque de ressources financières pour satisfaire les demandes actuelles, et cette situation est inacceptable. Nous cherchons toutes sortes de solutions au problème.

La qualité et l'actualité de nos produits sont des éléments essentiels pour nous. Nous tâchons, comme nous le faisons depuis 138 ans au Canada, d'assurer la sécurité des Canadiens et de leurs biens grâce à un bon système d'alerte et de prévisions. Nous comptons maintenir cette norme à l'avenir, en collaborant avec les particuliers canadiens, les organismes et les paliers de gouvernement, afin d'améliorer nos mesures de protection civile et de réduire notre vulnérabilité.

Le président: Je crois que nous avons tous ici subi une catastrophe naturelle un jour ou l'autre. Même si le Canada réagit bien dans ces cas-là, les membres du comité s'inquiètent de notre état de préparation aux catastrophes. À notre avis, il y a de meilleures solutions pour atténuer les problèmes.

Nous nous préoccupons vivement du réchauffement de la planète. Lors d'une conférence à laquelle j'ai assisté à Toronto, un responsable d'Environnement Canada a donné des prévisions quant à la situation du réchauffement de la planète au cours des 50 prochaines années. C'est une question que j'aimerais essayer de bien comprendre, car cela va influer sur les recommandations que nous formulerons au gouvernement en vue de réduire les problèmes à l'avenir.

La chaîne de télévision Learning Channel a diffusé un excellent documentaire sur la fonte de la calotte glaciaire de l'Antarctique et le réchauffement de la planète. Ces questions nous inquiètent.

Êtes-vous les bonnes personnes à qui demander où nous en serons dans 50 ans? C'est une question importante. Nous connaissons tous notre histoire récente -- les inondations du Saguenay et de la rivière Rouge et la tempête de verglas de l'est de l'Ontario. Ces incidents sont-ils dus au cycle des températures ou des événements météorologiques naturels, ou sont-ils le fruit du réchauffement de la planète? Que se passe-t-il? Vous pourriez peut-être répondre à ces questions.

M. McBean: Tout d'abord, nous sommes effectivement les personnes à qui poser ces questions. Comme je l'ai dit dans mes remarques liminaires, notre Service est responsable des recherches sur le changement climatique ainsi que de la météo.

D'après les preuves dont nous disposons, il y aura de plus en plus de phénomènes météorologiques extrêmes à mesure que notre climat va se réchauffer, et ce pour diverses raisons. Lorsque le climat se réchauffe, il y a plus d'humidité dans l'atmosphère, ce qui a pour effet de provoquer la plupart des orages. Un climat plus doux entraînera également un réchauffement de la température des océans, ce qui est favorable à la formation des ouragans. Si l'on considère la répartition des ouragans à l'heure actuelle, on constate qu'ils naissent essentiellement dans les régions équatoriales. À mesure que le climat se réchauffe, les régions d'eau chaude vont se déplacer vers le Nord et le Sud, ce qui entraînera des orages plus intenses, à des latitudes plus proches de la nôtre, et nous risquons de connaître plus d'orages semblables à des ouragans dans notre région.

Même si je n'ai pas vu le documentaire dont vous parlez, la question de l'élévation du niveau des océans est inquiétante. Étant donné que la température des océans se réchauffe, le niveau de la mer augmente depuis 100 ans. Nous prévoyons qu'il augmentera d'au moins encore 50 centimètres, voire d'un mètre, d'ici la fin du prochain siècle. Il y a également le risque de voir le niveau de la mer s'élever encore plus si l'inlandsis de l'Antarctique occidental glisse vers l'océan et fond.

Le président: C'est celui qui recouvre la terre?

M. McBean: Oui.

Le président: C'est celui-là qui vous inquiète?

M. McBean: Oui. Comme vous le savez sans doute, la fonte des glaces qui flottent déjà ne change rien au niveau de la mer. Quand les glaces qui se trouvent sur la terre fondent, cela entraîne une élévation du niveau de la mer. La glace n'a même pas besoin de fondre, il suffit simplement qu'elle coule dans l'océan. Dès que cela se produit, le niveau de l'eau augmente.

D'après les données scientifiques les plus récentes qui ont été recueillies, il semblerait que le risque de voir le niveau de la mer augmenter de 6 mètres à l'échelle mondiale, à cause d'un déplacement catastrophique de l'inlandsis de l'Antarctique occidental, soit une assez faible possibilité au cours des 100 prochaines années. Néanmoins, le risque existe.

Voilà le genre de choses dont nous devons tenir compte dans notre planification -- en tout cas la question de l'élévation de un mètre du niveau de la mer. Ce qui est inquiétant, c'est que si le niveau de la mer s'élève de un mètre et qu'on ajoute à cela un nombre croissant de phénomènes météorologiques violents, où les vents poussent les eaux -- ce que l'on appelle une houle d'orage -- on risque de voir des secteurs de nombreuses régions du Canada disparaître sous l'eau pendant ces orages. Ces forts orages se produisent déjà de nos jours, même si le niveau des océans s'élève moins rapidement.

J'ai ici un graphique préparé par les compagnies d'assurances mondiales, qui indique les pertes économiques directes dues aux catastrophes naturelles dans le monde entier du début des années 60 à la première moitié des années 90.

Au cours de la période de cinq ans que je vous montre sur ce graphique, les catastrophes ont coûté en tout 213 milliards de dollars américains. Pour l'année 1990 uniquement, le coût a été supérieur à 90 milliards de dollars américains, soit deux fois plus que la moyenne par an -- 40 milliards de dollars américains -- pour les cinq ans dont je viens de parler. Cette augmentation est due en partie au risque accru d'exposition, à la façon dont les gens ont décidé de vivre et à d'autres facteurs.

Toutefois, selon l'évaluation du bureau des assurances, cette situation n'est pas due à ces facteurs, que l'on ne peut expliquer que si la gravité et le nombre de ces catastrophes naturelles augmentent. Même s'il s'agit entièrement de catastrophes naturelles, y compris des tremblements de terre, près de 80 p. 100 des coûts sont liés à des catastrophes en rapport avec le climat, comme des ouragans, des tornades, des inondations, des sécheresses, et cetera.

Si l'on considère les répercussions sur les personnes qui sont déplacées, elles sont encore plus grandes. Près de 90 p. 100 des catastrophes qui touchent les êtres humains sont liées au climat. Elles n'entraînent pas nécessairement des pertes de vie, mais les victimes se trouvent très souvent sans abri et confrontées à toutes sortes d'autres difficultés.

Au Canada, les coûts n'augmentent pas de façon si régulière. Il faut admettre que les phénomènes extrêmes se produisent à l'occasion. Toutefois, selon nos estimations, la tempête de verglas de l'est du Canada a coûté près de 2,5 milliards de dollars. Une seule tempête de grêle à Calgary, en 1996, a provoqué des dégâts de 300 millions de dollars.

Il faut donc se poser la question suivante: Qu'aurions-nous pu faire pour éviter cela? Dans le cas de la tempête de grêle, il aurait été utile de disposer de moyens supérieurs pour pouvoir prévoir ce genre de phénomène, puisque ce sont surtout les automobiles qui ont été endommagées. Si l'on avait pu avertir les gens, ils auraient pu se protéger. Ils auraient pu mettre leurs voitures à l'abri sous des ponts ou ailleurs de façon à réduire les sinistres.

Nous avons fait d'assez bonnes prévisions pour la tempête de verglas de l'est canadien. Toutefois, nous aurions pu faire plus et réduire les pertes. Même si l'on avait pu réduire les pertes de 1 p. 100, disons, cela aurait représenté une somme non négligeable, sur un total de 2,5 milliards de dollars.

Il ressort de nos études que ce genre d'événements seront plus fréquents à l'avenir. Il faut s'attendre à une augmentation des risques et de l'exposition à ce genre de phénomènes.

Le président: Certains prétendent que le réchauffement de la planète est une réalité, mais d'autres refusent d'admettre cette situation en disant que ce n'est qu'un cycle naturel de la température. On pourrait soutenir que ce cycle naturel de la température se produit au cours d'un siècle, de deux siècles, ou même de 40 ans, quelle que soit la durée du cycle qu'on choisit. Et bien entendu, il y a des statistiques à l'appui. Le fait que nous vivions près des régions les plus dangereuses, à mesure que la densité de la population augmente, accroît le risque de dégâts possibles.

L'argument selon lequel il ne s'agit pas du réchauffement de la planète mais plutôt d'un cycle atmosphérique normal est-il fondé? Il doit y avoir des cycles de période humide; à l'inverse, il doit y avoir des cycles de période sèche.

Qu'est-ce qui vous pousse à être si convaincus que le phénomène auquel nous assistons est un réchauffement de la planète plutôt qu'un simple cycle de la température? Prenez par exemple la mini-période glaciaire qui est censée s'être produite au XVIIe siècle. Ne s'agissait-il pas d'un cycle normal de la planète?

M. McBean: Je vous dirais tout d'abord que, avant d'occuper mon poste actuel, j'étais professeur de sciences atmosphériques et océanographiques à l'Université de la Colombie-Britannique. Pendant six ans, j'ai été titulaire de la chaire de recherche climatique canadienne dans le cadre du programme scientifique des Nations Unies. J'étais responsable de la mise en oeuvre, grâce à une coordination internationale, des nouveaux programmes scientifiques sur la climatologie de 1988 à 1994. Aujourd'hui, je continue de jouer un rôle actif à l'égard de ce dossier au sein de la communauté scientifique. Comme vous pouvez le voir, je suis assez bien placé pour parler cette question.

Il va sans dire que les tenants d'une opinion contraire ont des raisons valables d'exprimer des inquiétudes. Toutefois, le consensus de l'ensemble de la communauté scientifique, que représente le Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat, le GIEC -- processus d'examen international de grande envergure auquel ont participé des scientifiques du monde entier -- est arrivé à la conclusion que -- et je paraphrase la déclaration officielle -- la prépondérance de la preuve nous porte à croire que les changements climatiques que nous connaissons à l'heure actuelle sont dus à l'intervention humaine.

Même si cette déclaration s'accompagne de certaines réserves, la communauté scientifique est encore plus convaincue que nous serons témoins de ce genre d'événements au cours du prochain siècle.

Prenons par exemple les changements de température survenus depuis la dernière période glaciaire, qui atteint son maximum il y a environ 20 000 ans. À l'époque, Ottawa était recouverte de plusieurs kilomètres de glace. La température du globe était inférieure de 5 degrés Celsius à ce qu'elle est aujourd'hui.

Depuis que nous sommes sortis de cette période, disons il y a environ 10 000 ans, l'étude des coeurs des glaces et des anneaux des arbres nous révèle que la température du globe n'a pas changé de plus d'un demi-degré Celsius. Il en est allé de même au cours de la mini-période glaciaire et pendant la période de réchauffement vers l'an 1000, lorsque les gens du Nord sont arrivés à Terre-Neuve. Les changements de température du réchauffement de la planète ont été relativement minimes.

Au cours des 100 dernières années, nous avons assisté à un réchauffement planétaire de plus d'un demi-degré Celsius. Parallèlement, la quantité de dioxyde de carbone, un gaz à effet de serre, libérée dans l'atmosphère a augmenté de plus de 30 p. 100.

Selon les prévisions, le volume de gaz à effet de serre libéré dans l'atmosphère va doubler d'ici les années 2060 à 2080. Le Protocole de Kyoto retardera légèrement cette échéance, mais n'empêchera pas que le volume d'émissions de gaz carbonique double. Le changement de température correspondant à cette situation, à l'échelle mondiale, est de l'ordre de 2 ou 3 degrés Celsius.

À nos latitudes, au nord du Canada, nous pouvons nous attendre à un réchauffement de deux, trois ou quatre fois la moyenne mondiale. Nous avons déjà pu constater que le bassin du Mackenzie s'est réchauffé de plus de un degré Celsius. Nous assistons également à un refroidissement ou à pratiquement aucun changement dans la mer du Labrador, par exemple. Cela est conforme aux prévisions établies grâce à nos modèles à l'heure actuelle.

Le président: Vous avez soulevé un autre problème. Si j'ai bien compris, les périodes glaciaires durent environ 25 000 ans et les périodes interglaciaires, 10 000 ans.

Vous dites qu'il y a 10 000 ans, la période interglaciaire a débuté. Si les périodes interglaciaires durent 10 000 ans, c'est qu'un changement est imminent. Je dois en conclure que, lorsqu'on passe d'une période à une autre, les changements ne se manifestent pas au cours d'une longue période; c'est comme la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Les événements peuvent être déclenchés de façon que l'on passe très rapidement d'une période à l'autre, n'est-ce pas?

M. McBean: C'est vrai, d'une certaine façon. Les cycles prolongés entre un maximum glaciaire et celui qui l'a précédé durent environ 100 000 ans. C'est déterminé par les écarts dans l'orbite de la terre autour du soleil, et l'oscillation.

Nos preuves découlent d'une information valable recueillie grâce à des sondes dans les noyaux glaciaires. Nous avons réussi à sonder les glaces du Groenland, à travers plusieurs kilomètres, pour atteindre la base de la couche glaciaire. Lorsqu'on retire ce noyau de glace, on y trouve de petites poches d'air. Cela nous permet de mesurer la quantité de gaz carbonique dans l'atmosphère. En examinant certains rapports isotopiques, on peut déterminer la température de cette région de la planète à l'époque où cette glace s'est formée. On trouve également des particules de poussière et bien d'autres choses.

Les prélèvements faits dans le noyau glaciaire Vostok dans l'Arctique et dans celui du Groenland permettent d'établir des données qui portent sur environ 250 000 ans. Grâce à d'autres renseignements, nous avons pu remonter à des millions d'années en arrière. Nous constatons de façon régulière ce cycle de 100 000 ans.

Nous avons la preuve -- c'est un peu comme un lac salé -- que cela prend longtemps pour se refroidir, mais que le réchauffement est soudain. En général, il y a réchauffement lorsqu'on passe d'un état froid à un état chaud. Cela ne veut pas dire que c'est une ligne droite. Il y a des oscillations en cours de route.

Nous savons que, lorsque nous sommes sortis de la dernière période froide, soit il y a au plus 20 000 ans, il s'est produit il y a environ 12 000 ans un refroidissement très net sur une période très courte, peut-être inférieure à 100 ans. Nous ne comprenons pas ce qui s'est passé. Le phénomène est apparemment en rapport avec la circulation de l'océan de l'Atlantique Nord.

Alors que le climat se réchauffe, nous craignons que le système n'atteigne un point de non-retour. La circulation des eaux de l'Atlantique Nord, qui transporte la chaleur des régions équatoriales vers l'Atlantique supérieure, en maintenant ainsi l'Europe et l'Islande à des températures douces, risquerait de s'interrompre. Les modèles indiquent que, si l'on pousse les choses un peu trop loin, non seulement cette circulation va s'interrompre mais en outre elle ne reprendra que lorsqu'on modifiera la quantité de CO2 dans l'atmosphère.

Il semble que la plupart des événements du système biologique que l'on puisse imaginer entraînent une accélération du réchauffement plutôt que le contraire. La plupart des phénomènes dramatiques que l'on peut envisager dans nos hypothèses nous portent à croire que les événements susceptibles de se produire au cours des 200 prochaines années auront plus vraisemblablement pour effet d'accélérer le réchauffement plutôt que de l'interrompre.

Le sénateur Fraser: Je vous ai entendu dire que, au cours des 80 prochaines années, l'émission des gaz à effet de serre va doubler. Cela va provoquer une hausse de 2 à 3 degrés Celsius des températures mondiales. Toutefois, à nos latitudes, l'augmentation pourrait être deux, trois ou quatre fois supérieure.

Est-ce bien ce que vous avez dit?

M. McBean: Oui.

Le sénateur Fraser: Faisons une moyenne. Disons que les températures de la planète augmentent de 3 degrés et la nôtre, de 9 degrés. Quelles seront les conséquences pour le Canada?

M. McBean: Il y aura un phénomène très important, qui aura certaines conséquences. Par exemple, si on part de l'hypothèse qui semble justifiée, d'après notre connaissance des espèces d'arbres, il a fallu de 5 000 à 10 000 ans à la plupart des espèces pour s'adapter au climat actuel. Lorsqu'on se déplacera en voiture de la baie James à la Floride, on verra des arbres différents. C'est déterminé de façon climatique.

Si l'on examine la répartition de la forêt boréale au Canada à l'heure actuelle -- et nous connaissons l'histoire de sa température et de son régime de précipitations. Si vous me demandez quel sera le climat en l'an 2100, et qu'il existe un rapport semblable quant à l'endroit où devrait se trouver en théorie la forêt boréale, vous constaterez qu'elle ne sera plus au même endroit qu'aujourd'hui. Il y en a une petite superficie au nord du Québec, aux environs d'Ungava, et une autre dans les Territoires du Nord-Ouest. Le régime climatique de l'endroit où se trouve actuellement la forêt boréale serait beaucoup plus propice à l'est du Canada, pour les arbres à feuilles caduques et dans les prairies canadiennes, pour les herbages.

En réalité, les arbres ne se déplacent pas vers les nouvelles régions. Tout d'abord, ils ne se déplacent pas aussi rapidement. Deuxièmement, le sol de ces régions ne supportera pas ce genre d'arbres, même s'il avait des centaines d'années pour s'adapter.

De même, dans les Prairies, lorsqu'on arrive dans les herbages, le régime climatique des herbages vers le Nord est tel que l'on ne peut pas imaginer cultiver du blé au nord de Prince Albert. L'état du sol en surface, la roche, etc., ne changeront pas.

Ce qui se passera, c'est que la forêt boréale sera mise à rude épreuve là où elle se trouve. Elle se trouvera dans un régime climatique peu propice à sa croissance. Sa productivité sera réduite. Elle sera plus susceptible aux parasites, aux incendies et d'autres incidents. Elle sera sans doute beaucoup moins productive.

Les responsables des services forestiers n'ont pas réussi à déterminer les conséquences que cela aura, mais il est évident que les systèmes forestiers et les autres systèmes de végétation seront confrontés à des conditions très difficiles.

Dans les régions actuellement productrices de blé, nous prévoyons des sécheresses de plus en plus fréquentes. Les climats secs que nous avons connus ces derniers temps seront de plus en plus fréquents et deviendront chose courante, au lieu de se produire à l'occasion.

Dans certaines régions du Canada, le réchauffement sera sans doute avantageux. Il n'y a pas que de mauvaises nouvelles, mais c'est un changement en profondeur. Chaque fois qu'il y a changement en profondeur sans qu'on ait bien réfléchi à la façon d'y réagir, afin de mettre en place les stratégies qui s'imposent, on se trouve en général dans le pétrin.

Le sénateur Fraser: Nous sommes aujourd'hui le 31 mai. Les villes de Montréal et d'Ottawa connaissent des températures records. Si notre température moyenne augmente de 9 degrés, que vont devenir les maxima? Faut-il envisager des vagues de chaleur énorme comme celles qui se produisent en Inde, où les températures atteignent jusqu'à 45 degrés Celsius, faisant des centaines de victimes chaque année?

M. McBean: Si l'on imagine un phénomène qui est tout à fait anormal à Ottawa, des températures de 35 degrés Celsius, qui se produisent seulement 2 ou 3 p. 100 du temps, si l'on modifie la température moyenne et qu'on considère la même répartition statistique, on pourrait très bien connaître ce genre de température 20 à 30 p. 100 du temps.

Un simple changement dans la médiane des températures, sans que les tendances générales ne soient modifiées, rend beaucoup plus probable qu'aujourd'hui ce genre de température élevée. En effet, il y a lieu de s'inquiéter.

Le sénateur Fraser: Faut-il envisager la désertification des Prairies? Faut-il envisager l'extension des badlands dans toute la partie sud des Prairies?

M. McBean: Le scénario le plus vraisemblable est l'accroissement des conditions de sécheresse. Nous nous attendons à des conditions de désert de poussière comme on en a connu dans les années 30.

On pourrait envisager l'irrigation sur une plus vaste échelle, mais cela va accroître la demande à l'égard de nos ressources d'eau limitées. On aura de plus en plus besoin d'eau pour divers usages, et notamment pour répondre aux besoins naturels des humaines, outre ceux de l'industrie. Il sera très difficile de décider de la quantité d'eau à consacrer à l'agriculture. C'est une décision politique importante qu'il faudra prendre.

Nous nous inquiétons actuellement du niveau bas des eaux dans les Grands Lacs et la Voie maritime du Saint-Laurent. Nous prévoyons que vers la deuxième moitié du siècle prochain, le niveau de la mer aux abords de Montréal aura baissé de près d'un mètre.

Le président: S'il y a réchauffement, n'allons-nous pas également connaître une augmentation des précipitations en raison de l'évaporation qui se produit?

M. McBean: À l'échelle mondiale, les précipitations moyennes vont augmenter. Elles augmentent généralement surtout dans les régions où il y a déjà des précipitations. Lorsqu'on est originaire de la côte ouest, comme moi, on s'attend à voir plus de précipitations pendant l'hiver en Colombie-Britannique.

D'après les prévisions de nos modèles, et ce ne sont que des modèles mais qui ont été bien testés, il n'y aura pas de gros changements dans le volume des précipitations dans le bassin des Grands Lacs, mais simplement une évaporation accrue due à une température plus clémente.

Le président: Il en va de même pour les Prairies?

M. McBean: C'est exact. Le volume d'eau disponible dans les Prairies canadiennes est un tout petit résidu d'importantes précipitations et de l'évaporation et des eaux qui s'écoulent des Rocheuses. Il suffit d'un petit changement très subtil pour que la quantité d'eau disponible change de façon considérable.

Le sénateur Fraser: C'est fascinant, mais je ne veux pas monopoliser la discussion.

Quelle est la courbe de ces hausses de température? Est-ce une courbe ou une ligne droite?

M. McBean: C'est une courbe.

Le sénateur Fraser: Disposons-nous d'un peu de temps avant que la situation devienne vraiment grave?

M. McBean: Tout dépend de ce que vous entendez par «vraiment grave».

Le sénateur Fraser: Par exemple, des gens qui meurent de chaud dans la rue.

M. McBean: Il est intéressant de voir la tournure que prend la conversation sur le changement climatique, car j'étais venu vous parler des phénomènes météorologiques actuels.

Le sénateur Fraser: J'aimerais en parler au deuxième tour.

M. McBean: Comme nous le disons dans les milieux scientifiques, la courbe est ascendante et concave. Elle va vers le haut. On constate un retard du réchauffement de la planète après l'accroissement de l'effet de serre à cause des océans. Les océans sont un excellent élément modérateur. Si l'on réussissait par un processus quelconque à interrompre le taux d'accroissement des gaz à effet de serre, comme nous espérons le faire un jour, le processus de réchauffement se poursuivrait quand même à cause de l'influence des océans, si l'on peut dire.

Le sénateur Fraser: Pour ce qui est des préparatifs en vue d'atténuer les problèmes, nous avons peut-être un peu de temps pour nous mettre au travail. Par exemple, dans les Prairies, y a-t-il des pratiques agricoles ou autres qui pourraient diminuer en général l'incidence du réchauffement?

M. McBean: Je suis sûr qu'il en existe. Je ne suis pas agronome, mais il y a des pratiques agricoles qui peuvent aboutir à deux résultats.

À Agriculture Canada, on procède actuellement à de nombreuses analyses pour voir comment, grâce à des pratiques d'utilisation des sols différentes, on peut utiliser les sols de façon à absorber plus de dioxyde de carbone et contribuer ainsi à réduire le taux d'augmentation des gaz à effet de serre. La plupart des sols des Prairies canadiennes, et je ne connais pas le chiffre exact, ont perdu la moitié du carbone qu'ils renfermaient au début du siècle. Grâce à une bonne gestion, par exemple, des méthodes de labourage, il est possible de récupérer une partie de ce carbone dans le sol. Cette stratégie est à l'étude.

Il existe d'autres pratiques visant la gestion des cultures. Par exemple, en offrant notre service météorologique, en fournissant de meilleures prévisions météo, nous pouvons contribuer à réduire au minimum le gaspillage. Autrement dit, il est inutile d'irriguer un jour s'il doit pleuvoir le lendemain. Cela se produit sans doute trop souvent. Il nous faut établir de meilleures prévisions météorologiques, mais il faut aussi mettre sur pied de bons programmes d'éducation publique à l'intention des agriculteurs pour qu'ils utilisent mieux l'information que nous leur fournissons. Une combinaison de ces facteurs permettra d'améliorer considérablement les choses.

Dans la société canadienne, nous faisons toutes sortes de choses sans profiter pleinement de l'information à notre disposition, et la météo en est un exemple, je crois.

[Français]

Le sénateur Ferretti Barth: Le réchauffement du climat que nous vivons maintenant à Montréal n'a jamais vraiment été ressenti auparavant. Ces changements climatiques touchent-ils seulement le Canada? Ou sont-ils une préoccupation mondiale? Votre ministère travaille-t-il en concertation avec la protection civile afin d'échanger des informations et voir ce que vous pouvez faire ensemble?

D'après ce que vous dites, le réchauffement du climat, la grande évaporation, les précipitations et la sécheresse provoqueront des désastres. Est-ce que vous communiquez vos préoccupations aux autres ministères? Il est très important de savoir ce que nous deviendrons. D'après moi, la terre est comme une personne qui nous dit que cela suffit et qu'elle fera ce qu'elle voudra. N'avons-nous pas provoqué, nous les habitants de cette terre, ce réchauffement avec notre évolution technique, des millions de véhicules, et cetera? Ce n'est pas un réchauffement naturel.

Si j'ai bien compris, vous avez également dit que la forêt boréale va peut-être devenir une bonne place pour planter des arbres, et cetera. Nous allons devoir changer toutes nos habitudes. C'est une préoccupation morale envers la jeunesse qui va à la rencontre de ce monde que nous avons connu. C'était bien, mais maintenant que faisons-nous?

Concernant les informations et les clarifications que vous nous donnez, est-ce que vous avez un moyen de transmettre ces préoccupations aux autres ministères qui se préoccupent aussi des transformations de l'environnement?

[Traduction]

M. McBean: Permettez-moi de répondre. C'est certainement un problème mondial. Tous les pays du monde contribuent à l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre dans l'atmosphère, mais certains plus que d'autres.

La contribution canadienne représente environ 2 p. 100 de la quantité mondiale annuelle de dioxyde de carbone, le principal gaz à effet de serre libéré dans l'atmosphère. La contribution des États-Unis est de 25 p. 100 et celle de la Chine d'environ 10 p. 100.

Ce problème est examiné à l'échelle mondiale dans le contexte de la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques que le Canada a signée en 1992. Les pays signataires doivent prendre des mesures pour réduire l'influence humaine sur le système climatique.

Le Protocole de Kyoto a été signé en décembre 1997, je crois. J'étais là. Il a été convenu, à Kyoto, que les pays industrialisés réduiraient leurs émissions de gaz à effet de serre d'environ 5,9 p. 100 d'ici 2010 par rapport à leurs niveaux de 1990. Cela veut dire, dans ce cas, que les pays de l'Union européenne doivent réduire leurs émissions d'environ 12 p. 100, le Canada de 6 p. 100 et les États-Unis de 7 p. 100. En fait, l'Union européenne s'est finalement engagée à les diminuer de 8 p. 100. Malheureusement, aucun engagement n'a été pris au nom des pays en développement comme la Chine et l'Inde et d'autres sources importantes de pollution.

Une molécule de dioxyde de carbone libérée dans l'atmosphère y restera pendant 100 ans. Le cycle du dioxyde de carbone est de 100 ans.

Une réduction de 6 p. 100 présente des difficultés pour le Canada, mais nous allons quand même continuer à émettre les 94 p 100 restants. D'après les tendances prévues pour la Chine, l'Inde, l'Indonésie et ces autres pays, la quantité de gaz à effet de serre libérée dans l'atmosphère devrait plus que doubler d'ici la fin du prochain siècle.

On nous a demandé si nous travaillions en collaboration avec d'autres ministères. La réponse est certainement affirmative. Le nombre de comités qui, à Ottawa, se penchent sur les changements climatiques est en pleine croissance.

Nous avons beaucoup de travail à faire pour respecter nos engagements de Kyoto. Nous nous livrons également à des activités parallèles que je codirige. Elles portent le nom de Sciences, Impacts et Adaptation. Nous essayons d'améliorer nos connaissances scientifiques et nos prévisions. Nous tentons d'utiliser les connaissances scientifiques pour prédire les répercussions, au Canada, sur la forêt boréale et les écosystèmes au niveau de la mer. Nous cherchons ensuite à établir des stratégies d'adaptation. Étant donné le changement et sachant qu'il est inévitable, nous recherchons des stratégies proactives pour réduire les répercussions négatives par tous les moyens possibles.

L'équipe Sciences, Impacts et Adaptation est coprésidée par un de mes homologues de Ressources naturelles Canada et moi-même. Ce comité comprend des représentants d'Industrie Canada, des Forêts, des Pêches et Océans et de l'Agriculture. Nous en discutons aussi avec les responsables de la protection civile au ministère de la Défense nationale. Nous avons un comité en place.

[Français]

Le sénateur Ferretti Barth: Selon vous, est-ce que nous pouvons penser qu'il y aura un mouvement de population vers les terres qui seront plus prolifiques? Prévoyons-nous également que le manque d'eau dans d'autres pays va soumettre le Canada à des pressions très graves? Vous avez dit que le port de Montréal va diminuer d'un mètre, c'est à peu près ma hauteur. Est-ce qu'il y aura aussi un mouvement de la population?

Vous dites qu'il y a des nations qui nous ont demandé de vendre notre eau. C'est un besoin mondial, il y a des pays qui ont soif. Vous dites que même chez nous l'eau va baisser. L'eau est un élément essentiel, c'est la première chose que nous avons eu quand nous sommes venus sur terre. L'eau, c'est un grand problème. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet?

[Traduction]

M. McBean: Oui, je suis certainement d'accord avec vous. Il y a déjà eu de nombreux conflits au sujet de l'eau au Moyen-Orient, dans certaines régions d'Afrique et sans doute aussi en Amérique du Nord, même si ce n'est pas aussi violent.

Vous avez mentionné l'aspect moral. C'est une dimension dont nous n'avons pas beaucoup parlé au cours de ce débat. Elle se rapporte toutefois à ce que j'appelle parfois la question de l'équité entre les générations et entre les pays. Est-il acceptable que les gens des pays hautement industrialisés continuent à émettre des gaz à effet de serre? Cela aura des résultats dévastateurs pour le Canada. Quant aux petits États insulaires, ils disparaîtront.

Les pays du monde se sont réunis pour la deuxième conférence sur le climat mondial, à Genève, en 1990. Six chefs d'État ont pris la parole. Celui dont je me souviendrai toujours était le premier ministre de Tuvalu, une petite série de récifs coralliens situés au milieu de l'océan Pacifique. Il a déclaré que si le niveau de la mer augmente d'un mètre, son pays disparaîtra. Son pays est une espèce en voie de disparition. Est-ce juste?

Comment aborder un problème lorsque les gens veulent continuer d'agir à leur guise et selon leurs propres désirs? C'est un problème qui, dans l'esprit de bien des gens, est encore bien loin dans le temps ou sur le plan géographique.

L'eau est devenu une question au centre de tout le débat sur le climat.

En effet, même si les précipitations ont augmenté dans de nombreuses régions du monde, la répartition de l'eau va changer. Cela va probablement modifier les relations basées sur certains régimes hydriques, des relations qui se sont établies sur une longue période entre les pays. Avec l'évolution de ces relations, de nombreuses questions vont se poser, au niveau international, quant à la façon de faire face à ces changements.

La question de la sécurité environnementale ou des réfugiés environnementaux commence certainement à se poser. Certains de mes collègues de l'Université de Victoria sont l'hôte d'un projet international sur les changements environnementaux et la sécurité humaine. Ils examinent, du point de vue des chercheurs, la façon dont les changements environnementaux -- et surtout les changements climatiques -- se répercutent sur la sécurité humaine et entraînent des migrations. Dans certaines régions du monde, les gens tentent de migrer, mais ne le peuvent pas parce qu'il existe maintenant des frontières qui n'existaient pas il y a un millier d'années ou lorsque ces migrations se sont produites par le passé. C'est une situation très alarmante.

[Français]

Le sénateur Ferretti Barth: L'eau deviendra un autre type de pétrole dans le futur? Avoir l'eau, c'est comme avoir le pétrole? Nous allons vers des années de grands changements et de grands problèmes environnementaux. Je pense, monsieur le sous-ministre, qu'il faut préparer la population parce que ce n'est pas bon qu'elle demeure dans l'ignorance. Il faut, petit à petit, éduquer la population. Par exemple, il faut lentement préparer les écoliers à cette éventualité. C'est très important que la population soit mise au courant et qu'elle sache qu'on va vers un changement. Vous savez, moi qui mets toujours de l'eau dans mon jardin, maintenant, vous me donnez un cas de conscience.

[Traduction]

M. McBean: Je dirais qu'un certain nombre d'activités sont en cours, au niveau fédéral, pour informer le public au sujet des changements climatiques. Mercredi, je vais donner une conférence sur la recherche scientifique concernant les changements climatiques dans le cadre d'une conférence sur les changements climatiques à laquelle participent beaucoup de gens. Je crois que les ministres, Mme Stewart et M. Goodale, et peut-être aussi le premier ministre participeront à cette conférence, mercredi ou jeudi.

Nous essayons de sensibiliser le public. L'organisation dont je suis responsable estime avoir pour rôle d'avertir les Canadiens des changements climatiques qui risquent de se produire au cours des 10 prochaines minutes, lorsqu'une tornade se prépare, ou au cours des 10 prochaines années, pour ce qui est des variations saisonnières ou même pour le prochain siècle, en ce qui concerne les changements climatiques. Nous nous considérons comme un organisme chargé d'informer et d'avertir les Canadiens des changements de temps qui s'annoncent pour aujourd'hui ou pour le prochain siècle. Nous n'y réussissons toutefois pas aussi bien que nous le souhaiterions. Nous voudrions mieux réussir à informer les Canadiens, à détourner leur attention de leur dernier véhicule à quatre roues motrices, de leur automobile 8-chevaux pour les intéresser au smog urbain qui provient de ces mêmes sources. Nous avons une alerte au smog pour Montréal aujourd'hui.

[Français]

À la fin de semaine dernière, il y en a eu une à Toronto pour la première fois.

[Traduction]

C'est un problème au sujet duquel nous cherchons à alerter les gens. J'étais à Montréal ce matin et, comme je vis à Toronto, je connais les deux situations.

Le sénateur Cook: Je viens de Terre-Neuve où nous avons l'habitude de parler du beau temps et du mauvais temps. Avez-vous dit que la température de la mer du Labrador n'avait pas changé?

M. McBean: Que nous avions assisté à un refroidissement de la mer du Labrador.

Le sénateur Cook: Depuis deux ou trois ans, nous ne voyons plus autant de glaces et d'icebergs sur la côte que par le passé. Nos hivers ne sont plus aussi rigoureux.

Je fais souvent l'aller-retour entre Terre-Neuve et Ottawa et le déglaçage de l'avion est devenu chose fréquente. Nous avons toujours eu du brouillard, mais la fréquence de la pluie verglaçante m'inquiète beaucoup. À la page 5 de votre mémoire, vous parlez d'un financement sur une période de six ans. Ce délai va-t-il vous permettre de suivre le rythme des changements climatiques? Une période de six ans semble très longue pour mettre en oeuvre certaines mesures que vous jugez nécessaires.

M. McBean: Nous avons fait des recherches sur la pluie verglaçante à Terre-Neuve et nous avons découvert que le type de pluie verglaçante qui se produit dans la province n'est pas le même que celui que nous voyons couramment en Ontario. Nous travaillons de concert avec Transports Canada pour établir comment il faudra modifier la réglementation du secteur de l'aviation pour tenir compte du fait que certains types de tempêtes risquent davantage de produire un épais verglas. Nous effectuons des recherches avec le Conseil national de recherches et Transports Canada sur les incidents de l'aviation reliés aux conditions atmosphériques. Nous examinons cette question.

Comme je l'ai mentionné, je vais vérifier pour ce qui est des icebergs.

Le sénateur Cook: On a l'impression que les glaces qui descendaient au printemps et bloquaient les baies et les ports pendant des semaines n'arrivent plus jusque-là.

M. McBean: Votre question portait sur le financement. Cela me préoccupe également. Notre infrastructure nationale -- tout notre réseau de stations météorologiques, de télécommunications et de prévisions informatisées, représente un investissement de l'ordre 350 millions de dollars. Nous avons une station météorologique à Alert, l'endroit du pays situé le plus au Nord. Nous avons des stations aux quatre coins du pays. Nous avons effectué récemment un examen important de nos systèmes. Les experts en technologie nous disent que nous devrions recycler cette technologie au moins tous les 10 ans, et de préférence tous les sept ou huit ans. Même si c'est tous les 10 ans, vous avez besoin de 35 millions de dollars par an pour réinvestir dans un système qui vaut 350 millions de dollars. En réalité, nous disposons de moins de la moitié.

Le sénateur Cook: Il me semble que six ans c'est très long pour s'adapter à la situation.

M. McBean: Ce sera notre système radar Doppler national lorsqu'il sera en place. Il comprendra 29 radars météorologiques Doppler installés d'un océan à l'autre, mais pas sur la troisième côte. Nous n'en avons pas les moyens. Avant le début de ce programme, nous en avions trois. Nous en avons ajouté deux cette année, un à Regina et l'autre à Québec. Il y en aura quatre de plus d'ici la fin de l'année civile. Toutefois, c'est seulement en 2003 que le réseau sera installé au complet et il couvrira seulement le sud du pays, où résident la plupart des Canadiens.

Cela va laisser exposés les gens des autres régions, mais les événements climatiques enregistrés dans ces régions ne sont pas du même type que ceux que le réseau de radars Doppler permet de détecter. Nous aimerions beaucoup pouvoir mettre ce système en place plus rapidement.

Dans cette région du pays, située au nord du 55e parallèle, nous ne faisons pas beaucoup d'observations météorologiques. Nous avons là un certain nombre de stations, mais elles sont toutes coûteuses à exploiter. Le Canada, qui se classe au deuxième rang sur le plan de la superficie, compte 30 millions d'habitants et le coût par habitant de ce système d'observation est assez important.

À l'heure actuelle, il y a au Canada 31 stations à partir desquelles nous lançons des ballons, qui représentent l'élément fondamental de notre système. Ils sont lâchés dans l'atmosphère deux fois par jour. Une station de l'Extrême-Arctique peut coûter 1 million de dollars par an. Nous venons d'en fermer une parce que nous n'avions pas les moyens de la conserver. Quand vous êtes dans une île de l'Extrême-Arctique et qu'il n'y a personne d'autre sur place, vous devez payer pour entretenir la piste d'atterrissage et le camp.

Par contre, à notre site d'Alert, par exemple, notre station la plus au nord où nous faisons des observations météorologiques et mesurons le dioxyde de carbone, nous comptons beaucoup sur le ministère de la Défense nationale. Notre présence sur place ne coûte pas très cher étant donné que le ministère de la Défense nationale y a déjà du personnel. C'est lui qui entretient l'infrastructure. Toutefois, pour ce qui est de nos quatre autres stations météorologiques et nos 31 stations de ballons-sondes du pays, nous devons nous charger nous-mêmes de leur entretien. La Chine compte 124 stations dans les mêmes secteurs géographiques, mais les frais de main-d'oeuvre des Chinois sont évidemment beaucoup moins élevés que les nôtres.

Le sénateur Cook: J'habite Terre-Neuve. Pourriez-vous me dire quelles sont les répercussions de l'exploration pétrolière et gazière sur les changements climatiques? Prévoyez-vous un désastre écologique?

Mon père pêchait, mais il n'y a plus de poisson. Certains disent que c'est à cause du réchauffement de la planète. Nous faisons maintenant de l'exploitation minière dans le sous-sol marin. Qu'en pensez-vous en tant qu'environnementaliste?

M. McBean: La combustion des carburants fossiles que nous tirons de divers gisements sous-marins au large de Terre-Neuve produit des émissions de gaz à effet de serre qui conduiront au réchauffement climatique.

Je ne pense pas que, si elle est bien faite, l'exploration directe entraîne des désastres, mais les risques augmentent constamment. Chacun sait qu'il y a eu des déversements ou des ruptures de pipelines qui ont causé de graves dégâts écologiques.

Dans le cas des forages pétroliers d'Hibernia, nous avons travaillé avec l'entreprise qui a construit la plate-forme pendant sa construction et lorsqu'elle l'a installée en mer. Nous lui avons donné des prévisions météorologiques spéciales pour lesquelles elle nous a payés. C'est maintenant une société privée qui lui fournit ce service. Nous n'avons pas obtenu le contrat.

Le sénateur Cook: Si le temps est mauvais, elle peut boucher ses puits.

M. McBean: Oui, tel est le but des prévisions météo spéciales, quel qu'en soit le fournisseur. Nous devons l'avertir d'avance de la venue d'un gros iceberg ou d'une tempête afin qu'elle puisse prendre des mesures de précaution en fermant les puits avant qu'une catastrophe ne se produise.

La mer du Labrador a été froide et relativement fraîche depuis une dizaine d'années. Certains chercheurs croient que c'est l'une des raisons pour lesquelles les stocks de morue de l'Atlantique Nord ne se reconstituent pas. Nous ne savons pas exactement pourquoi l'eau est froide. Il est difficile d'affirmer que c'est à cause du réchauffement de la planète, mais cela ne va pas à l'encontre du genre de phénomène que peut produire le réchauffement.

Le sénateur Cook: Le vieux pêcheur sur le quai vous dira que c'est à cause de la fonte de la calotte glaciaire au Groenland.

M. McBean: J'en doute.

Le président: Je voudrais en revenir à l'atténuation des impacts, car c'est la raison de notre présence ici.

Si vous deviez formuler des recommandations au comité sur ce qu'Environnement Canada pourrait ou devrait faire pour atténuer ces désastres, quelles seraient-elles? Vous avez déjà dit qu'un système de radars Doppler représente la première priorité. Auriez-vous d'autres recommandations à formuler?

M. McBean: Je ne voudrais pas avoir l'air de prêcher pour ma paroisse, mais c'est mon rôle.

Le président: C'est permis ici.

M. McBean: Nous avons besoin d'un programme de prévisions météorologiques et de sensibilisation du public pour mieux informer les Canadiens afin qu'ils sachent ce qu'ils doivent faire lorsqu'un avertissement est donné. Il faut que nous lancions ces avertissements mieux que nous ne le faisons actuellement.

Nous devons travailler en collaboration avec nos partenaires étant donné que ce sont surtout les médias qui diffusent l'information météorologique aux Canadiens. En général, les médias nous appuient très bien. Nous préparons un système pour la diffusion des alertes météorologiques sur les écrans de télévision des abonnés du câble. Nous préparons cette technologie avec The Weather Network -- MétéoMédia et nous la testons dans quatre régions du pays. Nous aimerions pouvoir prendre davantage d'initiatives de ce genre.

Nous voudrions pouvoir faire de meilleures observations au moyen des radars Doppler et des satellites que nous utilisons qui sont surtout des satellites américains. Nous voudrions pouvoir en faire une meilleure utilisation. Nous avons le système de super ordinateurs le plus gros du pays à Montréal, mais son coût augmente constamment. Le programme atmosphérique manque de ressources pour faire son travail aussi bien que par le passé et pourtant mon programme a été réduit de 38 p. 100 depuis cinq ans et compte 900 employés de moins, soit le tiers du personnel.

Le président: Serait-il souhaitable que le comité visite le Centre météorologique canadien de Dorval de façon à mieux comprendre ce que vous faites? Croyez-vous qu'il suffit de l'entendre de votre bouche?

Je vis dans la vallée de la rivière Rouge et je suis donc habitué aux inondations. Comme je l'ai dit souvent, j'ai rempli mon premier sac de sable quand j'avais 12 ans et j'en remplis beaucoup au cours des années. Malheureusement, il semble que nous risquions de connaître une grave inondation tous les 17 ans et une inondation record tous les 100 ou 150 ans. Si l'on remonte dans l'histoire de la vallée de la rivière Rouge, il y a eu trois grandes inondations sur une période de 35 ans, dont deux en l'espace de neuf ans. Nous craignons un retour à un cycle humide.

Vos prévisions météorologiques représentent l'élément le plus crucial. Vous êtes l'expert et si vous voulez nous aider à comprendre ce que vous faites, il serait peut-être souhaitable que nous visitions votre centre.

M. McBean: J'aimerais que vous visitiez notre centre de Montréal.

Le Service de l'environnement atmosphérique est l'un des rares organismes gouvernementaux dont l'administration centrale est à l'extérieur d'Ottawa. Je réside à Toronto et c'est là que se trouve notre service météorologique depuis 138 ans. Mais le principal centre du Canada n'est pas loin de l'aéroport de Dorval. C'est notre centre national des télécommunications où arrivent les données en provenance des principales sources.

Nous recevons toutes les six heures environ 7 000 observations météorologiques qui viennent du monde entier. Nous en recevons 700 du Canada et le reste des diverses régions du globe. Nous transformons ces données en une image tridimensionnelle du monde. Nous faisons les prévisions pour tous les pays. Lorsque l'Armée canadienne a voulu aller au Nicaragua, nous lui avons donné les prévisions météorologiques pour le Nicaragua. Nous administrons le service météorologique des Forces canadiennes dans le cadre du SEA. Lorsque les Forces canadiennes vont en Bosnie, par exemple, nous leur fournissons les prévisions pour cette région.

Nous créons une carte tridimensionnelle des conditions atmosphériques dans le monde. Nous nous servons ensuite de notre ordinateur pour prévoir le temps qu'il fera au cours des cinq ou 10 prochains jours et, une fois par mois, nous faisons des prévisions saisonnières pour 90 jours. Nous avons ces installations informatiques là-bas.

Nous disposons d'une excellente équipe de météorologistes qui surveillent les systèmes météorologiques. Ils conseillent nos bureaux des quatre coins du pays, de Gander à Vancouver, en passant par Halifax, Fredericton, Rimouski, Québec, Montréal, Toronto, Ottawa, Thunder Bay, Winnipeg, Edmonton et Kelowna. Nous en avions 56 de plus, mais nous les avons fermés il y a quelques années.

C'est également à Montréal que nous faisons la plupart de nos recherches pour les prévisions météorologiques. Cette visite pourrait être très intéressante. Mon personnel l'apprécierait beaucoup. La météo n'est généralement pas un sujet qui passionne la classe politique. Si les sénateurs s'y intéressaient suffisamment pour aller visiter le Centre, ce serait excellent pour le moral de mes troupes.

Le président: En fait, nous nous dirigeons vers un réchauffement de la planète. Ces phénomènes se manifestent de plus en plus. Que pouvons-nous faire?

L'essentiel est d'éduquer les gens afin qu'ils comprennent ce qui les attend, sans trop les inquiéter. D'après ce que vous nous avez annoncé, la situation va toutefois être dramatique. J'ai des petits-enfants et je me soucie de leur avenir. Nous avons certainement l'obligation, envers les générations futures, de sensibiliser davantage le public.

D'après votre expérience ou vos connaissances, pourrait-on faire quelque chose pour aider les gens à mieux comprendre ce qui risque de se passer à l'avenir?

M. McBean: Nous essayons de le faire dans le cadre d'un certain nombre de programmes. Nous travaillons en collaboration avec The Weather Network -- MétéoMédia à la préparation de courts métrages scientifiques que la chaîne est prête à diffuser.

Il faut un ensemble d'initiatives. Nous insistons beaucoup sur la réduction de nos émissions. C'est souhaitable, mais les émissions canadiennes ne représentent que 2 p. 100 du total mondial. Dans peu de temps, ce sera sans doute 1 p. 100.

Les Canadiens doivent comprendre qu'ils ont une incidence sur la situation. Nous avons une influence sur le smog urbain. Il y a eu des alertes au smog à Montréal et à Toronto. C'est à cause de choses qui se passent actuellement dans les localités où résident les gens. J'en ai discuté avec mes voisins et j'ai l'impression que je peux davantage les influencer en les amenant à réfléchir au problème du smog urbain qu'en essayant de les convaincre de prendre des mesures pour lutter contre les changements climatiques au cours du prochain siècle.

Pour ce qui est des changements climatiques, je crois que le Canada réussira à tenir ses engagements de Kyoto et autres. C'est le résultat de la réduction des émissions qui a été fixée en raison des changements climatiques inévitables dont nous avons parlé. Il faut éduquer le public au sujet de l'autre dimension que nous appelons l'adaptation: quelles sont les mesures logiques sur le plan politique et social? Nous devons mieux observer le climat actuel et mieux le comprendre afin de pouvoir faire des prévisions plus fiables. Nous devons réduire le nombre de Saint Thomas et de contradicteurs qui prétendent que nos prédictions sont inexactes. Nous devons améliorer notre capacité de prédire les conditions climatiques d'aujourd'hui et du prochain siècle.

En améliorant notre capacité scientifique, nous pourrons mieux rejoindre ceux qui adoptent la politique de l'autruche et croient que ce problème disparaîtra tout seul s'ils attendent assez longtemps.

C'est un problème permanent pour lequel vous pouvez jouer un rôle important. Il s'agit d'informer les Canadiens quant aux effets qu'ils produisent sur l'environnement.

Le sénateur Fraser: Pourriez-vous nous expliquer en un paragraphe ce qu'est un radar Doppler et pourquoi c'est un meilleur système?

M. McBean: Un radar météorologique Doppler nous indique qu'il y a de la pluie à un endroit, comment les nuages de pluie se déplacent et quel est le vent. C'est une source de renseignements essentielle.

Le sénateur Fraser: Vous avez dit dans votre déclaration qu'un ensemble de circonstances -- le travail que vous devez faire et l'argent à votre disposition pour le faire -- avait entraîné la baisse de qualité d'un système d'observation jugé inadéquat en fonction des normes internationales. À quel point êtes-vous éloignés des normes qui pourraient être jugées adéquates au niveau international? Telle est la question.

M. McBean: Je ne peux pas vous citer de chiffres de mémoire, mais dans la moitié septentrionale du pays, nous n'atteignons pas les normes internationales établies par l'Organisation météorologique mondiale en ce qui concerne le nombre d'observations en altitude et en surface. Selon ces normes, nous ne disposons pas de suffisamment de données pour savoir quel est le climat actuel. Je dois vérifier les chiffres. Il faudrait faire beaucoup plus d'observations.

Le sénateur Fraser: Si vous pouviez nous fournir un tableau contenant ces données, ce serait instructif.

Y a-t-il de graves manifestations atmosphériques auxquelles les Canadiens risquent davantage de se trouver confrontés? Devrions-nous, par exemple, nous soucier davantage des tempêtes de verglas que des ouragans? Si nous devions établir une série de priorités pour les catastrophes naturelles afin de faire une planification et d'atténuer leurs effets, quelles devraient-elles être?

M. McBean: Pour le moment, il est difficile d'être aussi précis. Il semble bien qu'il y aura davantage de manifestations atmosphériques de toutes sortes. La tempête de verglas s'est produite parce que nous avions une température relativement chaude, juste en dessous du point de congélation, et c'est là qu'il y a le plus d'humidité. Avec le réchauffement du climat, ce genre d'événements vont se répéter. Ce sera sans doute plus fréquent.

Nos modèles climatiques ne sont malheureusement pas encore assez détaillés pour vous fournir les prévisions nécessaires. Nous y travaillons, mais il reste plusieurs années de recherche et de travail à accomplir.

Le sénateur Fraser: C'est un travail assez important lorsqu'on veut faire une planification.

Votre système d'alerte pour les tempêtes va certainement revêtir une importance croissante dans ce contexte. Vous avez parlé de travail en collaboration avec la télévision par câble. Les gens qui ont le plus besoin de ces avertissements ne restent certainement pas assis dans leur sous-sol à regarder la télévision. Avez-vous déjà songé à un système météorologique radio comme le NOAA aux États-Unis?

M. McBean: Nous avons un système météorologique radio.

Le sénateur Fraser: Je l'ignorais. Combien de gens l'écoutent et suivant quelle fréquence pouvez-vous renouveler les prévisions?

M. McBean: Notre système radio est semblable au NOAA. Il faut acheter un poste de radio à 50 $ chez Radio Shack ou ailleurs. Le système vous envoie un signal automatique vous indiquant qu'une alerte météorologique a été lancée. En général, la plupart des Canadiens ne l'utilisent pas. Le nombre de gens qui l'utilisent est relativement limité et ce système coûte très cher à entretenir. Nous nous demandons actuellement si nous pouvons le maintenir en place ou non.

Nous pouvons vous fournir une carte des régions couvertes par notre système radio. Là encore, nous avons conclu un partenariat avec d'autres usagers des tours et des émetteurs. Nous avons un système d'alertes météorologiques au Canada. Néanmoins, le nombre de gens qui les reçoivent est encore assez limité.

Le sénateur Fraser: Avez-vous une idée du pourcentage de la population qui a besoin de ces renseignements et qui les obtient de cette façon?

M. McBean: Je n'ai pas de chiffre sous la main, mais nous allons le trouver. Nous avons une idée approximative du nombre de radios météorologiques en service. Les marins et les plaisanciers sont les principaux utilisateurs de ce service. Certains médias l'utilisent également.

Le sénateur Fraser: Et les agriculteurs?

M. McBean: Les agriculteurs aussi.

Nous nous sommes lancés dans le recouvrement des coûts. Afin de compenser la réduction de nos budgets, nous vendons maintenant des services météorologiques spécialisés. Dans les Prairies, un agriculteur qui utilise une moissonneuse-batteuse peut avoir dans la cabine de sa machine un système informatique relié par Internet à l'un de nos sites. Nous enverrons directement dans votre ordinateur portatif à l'intérieur de votre moissonneuse-batteuse des alertes météorologiques indiquant où se dirige la tempête. Vous pouvez obtenir ce genre de service en payant des droits.

Le sénateur Fraser: Lorsque vous savez qu'une grave tempête arrive, que faites-vous? Comment l'annoncez-vous? Il n'y a pas beaucoup de gens qui possèdent des radios spéciales et ce sont des radios à ondes courtes. Que faites-vous? Pouvez-vous, par exemple, diffuser votre message en priorité à la radio locale ou devez-vous compter sur la bonne volonté de la station de radio pour qu'elle interrompe son émission?

M. McBean: Nous devons compter sur la bonne volonté des radiodiffuseurs. Malheureusement, de plus en plus, les stations de radio n'ont personne sur place, surtout dans les petites localités. Elles sont automatisées. Elles retransmettent une programmation qui vient d'ailleurs.

Nous avions 56 bureaux répartis dans le pays dans des villes comme Peterborough, Windsor, Brandon et d'autres localités. Nous les avons tous fermés. Le travail du personnel de ces bureaux consistait en partie à établir des liens avec les médias et avec les services de protection civile.

Dans certaines régions, nous avons des réseaux de bénévoles qui se servent de leurs propres systèmes radio, des radio amateurs et des réseaux téléphoniques pour diffuser les avertissements.

Nous travaillons en collaboration étroite avec tous les services de protection civile. Par exemple, nous avons un système de télécopieurs qui transmettent automatiquement les alertes aux bureaux de la Protection civile. Néanmoins, étant donné les progrès technologiques, il faut réviser ce système et nous ne pouvons pas exercer de contrôle sur la façon dont ces renseignements sont diffusés.

Le sénateur Fraser: Ou la rapidité de leur diffusion.

M. McBean: En effet. Si ce n'est pas diffusé assez rapidement, c'est inutile. J'avoue que c'est sans doute l'élément le plus faible de notre système. Nous n'avons pas les vieilles sirènes de la protection antiaérienne qui faisaient partie de ma jeunesse à Vancouver. Elles n'étaient pas là pour la météo, mais à cause de la guerre froide. Si elles retentissaient, nous devions courir nous réfugier au sous-sol. Pour une raison ou une autre, nous avons démantelé ce système alors que, dans certaines régions des États-Unis, il y a encore des sirènes d'alarme pour alerter les gens.

Il a toujours été difficile de communiquer avec les gens qui n'ont pas de radio météorologique ou d'autres moyens d'information. Nous avons maintenant des avertisseurs pour les gens qui peuvent les faire câbler ou brancher moyennant des frais modestes. Nous leur envoyons un avertissement spécial. Cela ne s'adresse pas toutefois à l'ensemble de la population, aux Canadiens qui peuvent être exposés à une tornade et qui l'ignorent.

Le sénateur Fraser: Combien de temps êtes-vous averti à l'avance de l'arrivée d'une tornade ou d'un phénomène comme la tempête de grêle de Calgary?

M. McBean: Dans le cas d'une tornade, le délai est relativement bref, peut-être de 10 minutes. Nous essayons de donner une série d'alertes. Nous dirons que du temps hasardeux semble s'approcher et nous essaierons de le faire comprendre en formulant nos prévisions. C'est seulement lorsque nous avons confirmation d'une tornade, lorsque le radar Doppler voit une tornade commencer à se former dans les nuages ou en observant les vents que nous lançons l'alarme. Si vous lancez trop de fausses alarmes, les gens ne font plus attention à vous. Il faut respecter un juste équilibre. En fait, nous ne pouvons pas prévoir toutes les tornades. Nous obtenons un taux d'exactitude de 80 à 90 p. 100 pour nos prévisions de pluie ou de température, mais lors d'un phénomène extrême comme une tornade, la probabilité d'erreur est nettement plus élevée. Nous essayons de respecter un juste équilibre et de ne pas lancer trop d'alarmes.

Les États-Unis sont entièrement couverts par leur système de radars météorologiques Doppler. Ils possèdent 126 de ces radars. Ils ont commencé à les installer dans les années 80 et je crois qu'ils sont tous en place depuis un an. Le délai d'alerte pour les tornades est passé de 8 à 10 minutes à une vingtaine de minutes. Je vais vérifier ces chiffres, car je vous les cite de mémoire. Pour une tempête de grêle, il est sans doute plus facile d'avertir le public plus longtemps à l'avance étant donné que ce n'est pas un phénomène aussi extrême. Nous pouvons commencer à le voir s'établir dans les nuages et il est possible de prévoir le moment des précipitations. Vous pouvez repérer une tempête de grêle au moyen d'un radar, de l'imagerie satellite ou d'observations en surface et suivre la tempête, car elle se déplace. Par contre, les tornades arrivent balayer un secteur et repartent pour aller s'abattre ailleurs. La grêle se forme dans de plus gros nuages.

Le sénateur Fraser: Vous avez donné un bon avertissement pour la grande tempête de verglas dans l'Est.

M. McBean: Oui, je crois que nous avons fait un bon travail.

Le sénateur Fraser: Au départ, j'ignore à quel point il était clair dans l'esprit de tous que nous allions connaître un désastre important. Cela a peut-être été une décision consciente. Vous pouvez voir un ouragan se préparer plusieurs jours à l'avance.

M. McBean: Oui, mais le chemin d'un ouragan est difficile à prédire. Vous pouvez le voir venir, mais vous ne savez pas s'il passera par le Nouveau-Brunswick plutôt que la Nouvelle-Écosse ou s'il touchera Hibernia et cela fait toujours partie des incertitudes de nos systèmes de prévision.

Le sénateur Fraser: Quels sont vos plus grands besoins? S'agit-il de communiquer plus rapidement ou de façon plus large l'information publique ou d'obtenir cette information?

M. McBean: Le système d'observation représente l'élément le plus coûteux et c'est là que nous devons employer nos ressources. Pour ce qui est de la diffusion de l'information au public, il faut à la fois de l'argent et de la persuasion et, dans certains cas, une aide d'organismes de réglementation comme le CRTC pour faire comprendre aux médias que c'est une obligation plutôt qu'une chose purement facultative.

Le sénateur Cook: À long terme, sur le plan de l'éducation, par exemple, pour mes petits-enfants, préconiseriez-vous d'inscrire cette matière au programme scolaire des écoles primaires? Faudrait-il inscrire cela au programme scolaire?

M. McBean: J'ai moi-même deux petits-enfants et je me préoccupe de la prochaine génération. Oui, on pourrait améliorer les programmes scolaires des jeunes, bien que cela en fasse déjà partie. Lorsque j'étais professeur d'université, une des choses les plus intéressantes que j'ai faites était mon travail bénévole dans les écoles. Je rencontrais des enfants de 3e et de 4e année. À bien des égards, leur enthousiasme et leur intérêt étaient très encourageants. Néanmoins, lorsque j'ai rencontré des adolescents de 11e et 12e année, j'ai trouvé l'expérience moins satisfaisante, car ils manquaient nettement d'intérêt et de réceptivité.

L'un des principaux problèmes auxquels nous devons faire face est celui de trouver la prochaine génération de météorologues. Le nombre d'étudiants qui se dirigent vers la physique -- et nous sommes tous des ingénieurs ou des physiciens de formation -- n'est pas plus élevé et peut-être moins important qu'il y a 30 ans. Nous avons essayé de recruter de nouveaux météorologues, mais les universités n'en produisent plus suffisamment.

Le sénateur Cook: Un enfant de l'école primaire est très curieux. J'entends souvent les élèves de 4e année parler du recyclage et de l'environnement. C'est le groupe d'âge sur lequel nous devons concentrer nos efforts plutôt que sur les élèves de 11e et 12e année.

M. McBean: Je suis d'accord. Par le passé, nous avons certainement déployé des efforts dans le système scolaire, tant dans le cas de notre programme national que par l'entremise de notre personnel, individuellement et comme bénévoles.

Le sénateur Fraser: Vous avez dit que votre budget avait été réduit de 38 p. 100?

M. McBean: Oui.

Le sénateur Fraser: Êtes-vous arrivés au niveau minimum?

M. McBean: Oui.

Le sénateur Fraser: Avez-vous des prévisions pour l'avenir?

M. McBean: Nous sommes en train de voir, avec le Conseil du Trésor, s'il existe des sources de financement qui nous permettront de poursuivre nos activités.

Le sénateur Fraser: Si vous n'obtenez pas tout l'argent que vous voudriez, quelles solutions avez-vous? Vous avez parlé de partenariats. Pourriez-vous nous en dire plus?

M. McBean: Le partenariat se situerait du côté de la prestation des services, mais pas pour ce qui est des observations. Nous avons déjà une très bonne collaboration avec le milieu universitaire. Nous avons réparti notre capacité scientifique. Mon organisation repose en partie sur des chercheurs qui se trouvent dans des université comme Victoria, UBC, Memorial, Dalhousie, McGill et Toronto. Nous travaillons très bien avec le milieu universitaire.

Si nous n'avons pas de ressources supplémentaires à investir dans l'infrastructure, il faudra que je trouve de l'argent ailleurs dans le cadre du programme. C'est une solution qui ne me sourit guère.

Le sénateur Fraser: Le sénateur Cook et moi-même avons été frappés de vous entendre dire que vous aviez perdu le contrat de prévisions atmosphériques pour la plate-forme de forage dans la mer du Labrador. Qui sont vos concurrents et pourquoi n'avez-vous pas de monopole?

M. McBean: Il y a plusieurs petites entreprises au Canada, surtout dans la région de l'Atlantique et une à Toronto. Ce sont des petites entreprises comptant six, sept ou huit employés qui peuvent faire un travail très spécialisé et le faire raisonnablement bien. Toutefois, la météo est une activité internationale. Les services météorologiques du Royaume-Uni, de l'Allemagne et de la Nouvelle-Zélande commercialisent maintenant leurs services dans le monde entier pour atteindre leurs objectifs budgétaires. Il y a aussi plusieurs grandes sociétés américaines. Si vous examinez le journal, comme je l'ai fait ce matin, vous verrez que la carte météo indique que les prévisions sont fournies par AccuWeather.

Le sénateur Fraser: Ce n'est pas vous qui fournissez les cartes météo des journaux?

M. McBean: Certaines d'entre elles. Nous avions le contrat pour le Globe and Mail, mais nous l'avons perdu au profit de Nature Media. J'ai rencontré son président assez souvent. Nous avons de bonnes relations de travail. Une entreprise comme AccuWeather, qui est établie au State College, de Pennsylvanie, fait des prévisions pour le monde entier. Je ne vois pas d'objections à ce qu'elle le fasse; je vois toutefois des objections à ce qu'elle utilise toutes nos données sans jamais nous en attribuer le mérite. Elle ne peut pas faire de prévisions pour le Canada sans nos observations, nos données radar et les résultats de notre modèle numérique. Elle se contente de prendre ce que nous lui fournissons en disant qu'il s'agit de prévisions d'AccuWeather. Cela lui rapporte de l'argent.

Le sénateur Fraser: Vous paie-t-elle?

M. McBean: Non.

Le sénateur Fraser: Comment obtient-elle vos données?

M. McBean: Nous avons des accords internationaux. Pour faire une prévision pour le Canada, nous avons besoin d'observations météorologiques provenant du monde entier. Nous prenons des données émanant des États-Unis et du reste du monde. En échange, nous leur envoyons toutes nos données.

Aux États-Unis, la politique gouvernementale veut que tout renseignement détenu par le gouvernement américain soit communiqué gratuitement à toute entreprise qui le désire. AccuWeather peut obtenir tous nos renseignements pour rien par l'entremise du service météorologique des États-Unis et s'en servir pour nous concurrencer ainsi que les autres entreprises du Canada.

En tant que professeur de sciences atmosphériques, je n'aurais jamais cru que je me lancerais dans des questions économiques et commerciales, mais c'est une dimension très importante. Je reviens tout juste du congrès de l'Organisation météorologique mondiale qui a eu lieu à Genève et où 158 pays ont discuté de ces questions. Nous avons consacré davantage de temps au commerce des données et de la propriété intellectuelle qu'aux questions météorologiques scientifiques.

Le sénateur Fraser: C'est presque le scénario canadien classique. L'entreprise privée, éventuellement étrangère ou peut-être locale, voit un moyen de gagner de l'argent en ciblant les marchés très peuplés. Pendant qu'elle occupe ce domaine, vous ne pouvez pas vous lancer dans des activités commerciales dans une région comme l'agglomération urbaine de Toronto. AccuWeather a sans doute déjà le marché de Toronto.

M. McBean: C'est possible. Nous avons perdu certaines villes. Je crois que Winnipeg a déjà conclu un contrat avec AccuWeather, mais qu'il a pris fin.

Le sénateur Fraser: Cela complique votre vie lorsque vous essayez de prendre de l'expansion.

M. McBean: Cela a entraîné notre perte de revenus, mais surtout, les citoyens canadiens ne comprennent plus ce que leur gouvernement fait pour eux. J'écoute CBC Toronto dans ma voiture, entre mon domicile et mon lieu de travail. Depuis cinq ans, je ne l'ai jamais entendu dire que ses prévisions météorologiques étaient fournies par Environnement Canada. CBC Ottawa le mentionne.

Le sénateur Fraser: À Montréal, ce service est parfois attribué à Environnement Canada à Dorval.

M. McBean: Nos relations avec les médias sont importantes. Il n'y a pas de relations uniformes, si bien qu'il est très difficile de justifier un programme national. Les membres du comité ici présents ne me l'ont pas dit personnellement, mais certains membres du gouvernement ou les comités parlementaires ont demandé pourquoi nous ne diffusions tout simplement pas davantage d'annonces sur notre chaîne de télévision. Nous ne possédons pas de chaîne de télévision. Ils pensent que nous sommes propriétaires de MétéoMédia, mais ce n'est pas le cas.

Cela s'inscrit dans toute la question de l'attribution. Ce système est une activité entreprise dans l'intérêt public et dont le mérite devrait revenir au gouvernement canadien. Pourtant, ce dernier obtient très peu de visibilité en échange du travail qu'il accomplit. Même avec un financement réduit, nous faisons toujours un excellent travail. Nous faisons de gros efforts.

Le sénateur Fraser: Je suis d'accord pour dire, comme le président l'a dit tout à l'heure, que vous allez susciter de plus en plus d'intérêt au fur et à mesure que les conditions atmosphériques deviendront plus préoccupantes.

Le président: Nous vous remercions de votre comparution et de votre invitation à visiter le centre de Dorval. Je suis certain que nous irons là-bas. Bonne chance pour votre budget.

Sénateurs, avant de lever la séance, deux conférences sont prévues pour bientôt. L'une aura lieu le 18 juin à Red Deer, en Alberta, au sujet de la grêle. Il y aura également une conférence mondiale sur la gestion des catastrophes à Hamilton, en Ontario, du 20 au 23 juin. C'est un sujet très à la mode. La conférence des 22 et 23 juin portera sur les inondations et les ouragans. Les réunions des autres jours porteront sur d'autres désastres tels que les émeutes. Je vous informe de mon intention d'y assister si possible.

Le sénateur Fraser: D'après ce que j'ai vu, nous aurions tous intérêt à y aller. Néanmoins, je ne sais pas quel sera le programme du Sénat pour cette semaine, mais nous en saurons peut-être plus au cours des prochaines 24 à 48 heures.

La séance est levée.


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