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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts


Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 26 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 5 décembre 2001

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 15 h 34 pour examiner le commerce international des produits agricoles et agroalimentaires et les mesures à court et à long terme pour la santé du secteur agricole et agroalimentaire dans toutes les régions du Canada.

Le sénateur Leonard J. Gustafson (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, nous avons le grand plaisir d'accueillir aujourd'hui l'honorable Pierre Pettigrew, ministre du Commerce international. Étant donné qu'un très grand nombre de secteurs de l'agriculture sont liés aux échanges commerciaux, c'est un moment très opportun pour vous recevoir, surtout juste après la conférence à laquelle vous avez participé.

Allez-y, monsieur le ministre.

L'honorable Pierre Pettigrew, ministre du Commerce international: C'est la première fois que je témoigne devant un comité du Sénat. C'est donc un grand plaisir pour moi d'être ici. C'est également le premier comité parlementaire auquel j'ai l'occasion de m'adresser depuis mon retour de Doha, au Qatar, où nous avons participé à une quatrième réunion ministérielle réussie au cours de laquelle a été lancé un nouveau cycle de négociations. Je suis très heureux d'avoir l'occasion d'en discuter avec les membres de la Chambre haute.

Je signale que j'ai demandé à deux éminents fonctionnaires de m'accompagner aujourd'hui, à savoir M. Claude Carrière, du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, et Mme Suzanne Vinet, d'Agriculture et Agroalimentaire Canada. M. Carrière examine les différends et s'occupe des négociations individuelles que nous avons avec divers pays. Si vous voulez aborder des sujets très techniques, c'est la personne à laquelle il faut s'adresser. Mme Vinet s'occupe avec beaucoup de compétence des décisions internationales en attente concernant le secteur agricole. Nous avons passé la semaine à Doha ensemble; nous formions d'ailleurs une équipe très soudée.

Mes observations préliminaires porteront principalement sur l'organisation mondiale du commerce (OMC) et sur le lancement réussi d'un programme de croissance et de développement à Doha. Je suis impatient d'écouter le sénateur Wiebe qui, si j'ai bien compris, nous fera un résumé des constatations faites par le comité pendant son voyage aux États-Unis. Je me réjouis d'avance d'entendre ses opinions car j'y accorde beaucoup d'importance.

J'axerai principalement mes observations sur les éléments des négociations de l'OMC que M. Vanclief n'a pas abordés ici la semaine dernière. Je voudrais parler du commerce canado-américain de produits agricoles.

Doha a été une victoire pour les partisans d'une meilleure compréhension et d'une plus grande coopération internationales et de la libéralisation du commerce entre les nations. Il n'y a pas de doute, le succès de la rencontre est attribuable au climat de coopération qui y régnait. En effet, nous avons vu les gouvernements participants placer les besoins de l'ensemble de la communauté mondiale avant leurs stricts intérêts nationaux. Les membres de l'OMC étaient très conscients que, au lendemain du 11 septembre et compte tenu du ralentissement économique actuel, il fallait montrer que l'OMC et le régime commercial multilatéral sont importants pour notre bien-être commun.

Ces facteurs se sont alliés pour faire du 14 novembre 2001 une journée historique. Ce jour-là, le Canada et 141 autres membres de l'OMC ont convenu de lancer un nouveau cycle mondial de négociations commerciales, dont l'objectif clair et dominant est de répondre aux intérêts et aux besoins des pays les moins avancés au cours de notre progression vers une plus grande libéralisation du commerce.

Dans leur déclaration, les ministres de l'OMC ont réussi à tenir compte des objectifs et des préoccupations clés de tous les membres, parce que tous les pays en développement l'ont appuyée. Ce consensus représente une grande réalisation et un triomphe pour l'inclusivité, la transparence et la coopération.

[Français]

Nous avons réussi à tourner la page sur Seattle, après en avoir tiré les enseignements nécessaires. Nous avons comblé les fossés Nord-Sud et Est-Ouest qui ont causé l'échec de Seattle.

Le fossé Est-Ouest était centré sur le difficile problème de l'agriculture. À Doha, pour la toute première fois, 142 membres de l'OMC se sont engagés à tenir des négociations dans le but de réduire et d'éliminer progressivement les subventions à l'exportation.

Les membres se sont également engagés à diminuer considérablement les mesures de soutien interne qui faussent le commerce et à améliorer sensiblement l'accès au marché. Donc, il y aura des réductions substantielles des subventions domestiques et nous avons l'objectif de l'élimination totale des subventions à l'exportation.

Cela correspond de très près aux objectifs canadiens que le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, M. Vanclief, et moi-même avions annoncés en août 1999. Le fait que tous les membres aient convenu de ces objectifs constitue une importante avancée.

Le ministre Vanclief et moi-même sommes très fiers du rôle constructif et positif que le Canada a pu jouer dans la recherche d'une base pour un éventuel consensus concernant l'agriculture. Bien sûr, malgré les résultats positifs réalisés à Doha, de très difficiles négociations restent encore à venir. Doha n'a marqué que le lancement d'un cycle, non pas sa conclusion.

Doha a placé les négociations agricoles dans le cadre d'un programme élargi qui devrait permettre à tous les pays de trouver leurs propres secteurs d'intérêt. Nous pourrons ainsi aboutir plus facilement à des résultats significatifs dans le domaine de l'agriculture.

Le cycle élargi nous donnera la possibilité d'en réaliser davantage, dans le cadre des négociations agricoles, que nous n'aurions pu faire autrement. Ce sont là de très bonnes nouvelles pour les agriculteurs canadiens et d'une façon générale, pour le secteur de l'agroalimentaire, sans parler des consommateurs d'alimentation que nous sommes tous.

Sur le front Nord-Sud, notre succès peut se résumer dans les quelques mots utilisés pour décrire le nouveau cycle de négociation de l'OMC: le Programme de développement de Doha. Le Programme de développement de Doha contribuera à la croissance économique et à la réduction de la pauvreté dans les pays en développement. Il tient compte des préoccupations de ces pays au sujet de l'accès au marché des produits agricoles et industriels.

Mis à part le programme «croissance et développement» et les engagements pris au sujet de la réduction des subventions agricoles, je suis heureux de dire que le Canada a atteint tous les autres grands objectifs qu'il s'était fixé pour Doha.

Nous nous sommes également engagés à tenir des négociations sur l'accès aux marchés des produits non agricoles, à fixer des délais fermes et réalistes pour les négociations sur les services, à négocier l'amélioration des disciplines relatives aux mesures antidumping et aux droits compensateurs et à tenir des négociations pour l'amélioration du mémorandum d'accord sur le règlement des différends, le tout sur la base d'un calendrier accéléré, l'objectif étant de terminer ces négociations le 1er janvier 2005.

De plus, les membres ont reconnu l'importance de la transparence dans les opérations de l'OMC et de la cohérence dans la formulation des politiques économiques internationales. Nous avons également réaffirmé la déclaration de Singapour sur les normes de base du travail et exprimé notre appui aux travaux de l'Organisation internationale du travail sur la dimension sociale de la mondialisation.

En outre, notre déclaration réaffirme fermement l'objectif du développement durable et préconise la tenue de négociations équilibrées et la réalisation d'autres travaux touchant un certain nombre de questions environnementales. Elle fait également état de la prolongation du moratoire sur les droits de douane frappant les transmissions électroniques jusqu'à la 5e conférence ministérielle.

Enfin, notre gouvernement a prouvé une fois de plus son engagement envers la communication en donnant aux Canadiens la possibilité de faire connaître leurs préoccupations dans les mois qui ont précédé la conférence ministérielle.

À Doha, par exemple, différents intérêts étaient représentés parmi les conseillers de la délégation. Le ministre Vanclief et moi-même avons personnellement tenu à connaître tous les jours le point de vue du monde des affaires et des ONG à Doha et au Canada, et nous avons été informés presque instantanément des réactions aux progrès accomplis.

[Traduction]

En considérant l'avenir, j'ai la nette impression que le succès de Doha n'est qu'un commencement. À mesure que nous avancerons, les discussions en cours sur l'agriculture devront s'intensifier et s'approfondir, pour qu'il nous soit possible de bien explorer tous les dossiers avant l'élaboration d'un projet de cadre au printemps 2003.

D'autres facteurs influeront sur l'orientation et les progrès de ces négociations. De toute évidence, la façon dont l'Europe réformera sa politique agricole commune et relèvera l'enjeu que représente l'accession des pays d'Europe de l'Est nous donnera une bonne idée de l'importance des résultats auxquels nous pouvons nous attendre.

De même, le Farm Bill actuellement en cours d'élaboration aux États-Unis nous dira, une fois adopté, sur quel degré de leadership nous pourrons compter de la part des États-Unis en ce qui concerne la réduction des subventions.

Je suis encouragé par ce que j'ai vu à Doha. Les États-Unis ont préparé très tôt la voie au succès en signalant qu'ils se montreraient flexibles en matière de mesures antidumping, un domaine délicat depuis un certain temps pour nos voisins américains.

L'attitude américaine au sujet des aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) et de la santé publique a aussi considérablement évolué. L'ambassadeur américain, Robert Zoellick, a déployé des efforts constructifs tout au long de la rencontre et même pendant les moments critiques de la discussion qui s'est déroulée la dernière nuit. C'est exactement ce genre de leadership dont nous avons besoin dans le régime commercial mondial et j'espère que le Congrès américain donnera au président Bush le pouvoir nécessaire pour assurer ce leadership.

À Doha, nous avons accueilli la Chine et le Taïpei chinois dans l'enceinte de l'OMC. Je ne crois pas avoir besoin d'insister sur l'importance de ce fait; c'est formidable de voir ces deux pays devenir membres de l'OMC, surtout après les événements du 11 septembre qui constituent une attaque terroriste contre l'esprit d'ouverture et de pluralisme des sociétés démocratiques. C'est extraordinaire de voir le système mondial adopté par un plus grand nombre de citoyens de notre planète. C'est excellent.

À Doha, les pays développés riches ont, contre toute attente, accepté de s'écarter de positions tenues de longue date pour faire en sorte que les pays en développement profitent de la libéralisation du commerce. La communauté mondiale a franchi un important pas vers l'édification d'un régime commercial international dans lequel chaque pays a quelque chose à gagner.

Au cours des mois et des années à venir, nous devrons tous consacrer nos efforts à l'accomplissement de la promesse de Doha, en honorant les engagements que nous y avons pris. Ainsi, nous contribuerons à la promotion des idéaux de transparence, de compréhension et de coopération.

[Français]

Avant de passer aux questions, permettez-moi d'aborder brièvement quelques autres initiatives et priorités touchant le commerce des produits agricoles.

Le Canada et les États-Unis sont les plus importants partenaires commerciaux l'un de l'autre. Notre commerce bilatéral a atteint en moyenne une valeur de 1,8 milliard de dollars par jour, dans laquelle la part de l'agriculture s'élève à environ 350 millions de dollars. Le commerce des produits agricoles comporte, pour le Canada, un excédent dépassant 3 milliards de dollars par année.

Pour la plus grande part, ces échanges n'occasionnent aucune difficulté. Il y a bien sûr des irritants, mais nous avons des mécanismes consultatifs bilatéraux qui permettent de régler les préoccupations et les divergences avant qu'elles ne se transforment en graves problèmes commerciaux.

Dans le domaine de l'agriculture, le Comité consultatif canado-américain sur l'agriculture et le Groupe consultatif provinces-États ont eu beaucoup de succès. Bien sûr, le ministre Vanclief et moi-même avons des entretiens réguliers avec nos homologues américains.

La gestion de la politique commerciale canado-américaine a récemment été centrée sur les questions suivantes: la 8e enquête sur les pratiques du Canada concernant le commerce du commerce du blé - entreprise cette fois aux termes de l'article 320 du US Trade Act - qui doit aboutir d'ici le 22 janvier; le rétablissement de l'accès au marché américain des pommes de terre de l'Île-du-Prince-Édouard; la contestation devant l'OMC de nos pratiques de commercialisation des produits laitiers - à laquelle je reviendrai dans quelques instants puisque le groupe de l'OMC chargé d'établir les conformités a publié des conclusions favorables à notre endroit avant hier.

En se fondant sur ses accords de libre-échange avec les États-Unis et le Mexique, le Canada se positionne de façon à tirer pleinement parti des nouveaux marchés de l'hémisphère grâce à notre leadership actif aux négociations de la Zone de libre-échange des Amériques, la ZLEA.

La ZLEA pourrait aboutir à la création de la plus grande zone mondiale de libre-échange avec une population totale de 800 millions d'habitants et un PIB combiné de 17 milliards de dollars. Elle pourrait assurer d'importants avantages au secteur canadien de l'agriculture et de l'agroalimentaire.

L'Accord de libre-échange Canada-Costa Rica assurera aux exportateurs canadiens un accès préférentiel aux marchés costaricains, accès qui pourrait servir de point d'entrée dans le reste de la région. Au départ, plus de 90 p.100 des exportations agroalimentaires canadiennes à destination du Costa Rica, dont la valeur s'élève à 12 millions de dollars, bénéficieront d'une franchise partielle ou totale, dès la mise en oeuvre de l'accord. Ces avantages augmenteront au fur et à mesure de l'élimination des droits de douane et de l'augmentation des contingents tarifaires.

J'ai annoncé le 21 novembre le lancement de négociations de libre-échange avec le Salvador, le Guatemala, le Honduras et le Nicaragua, ce que nous appelons le C-4 pour Amérique centrale. La conclusion d'un accord renforcerait la capacité des exportations agroalimentaires canadiennes par rapport à celles des États-Unis, de l'UE et d'autres pays.

[Traduction]

J'aimerais profiter de l'occasion pour faire le point sur la question du bois d'oeuvre et sur les efforts constants déployés par le gouvernement du Canada. Notre objectif, qui est d'arriver à une solution à long terme, est réalisable. Les États-Unis souhaitent la mise en oeuvre de réformes visant à rendre les politiques forestières provinciales plus ouvertes, plus transparentes et davantage axées sur le marché. En échange, nous souhaitons un accès garanti au marché.

Les États-Unis sont déterminés à arriver à une solution à long terme. Le Canada ne veut pas recommencer cette bataille dans quelques années. Les États-Unis non plus. C'est pourquoi le président a nommé un représentant spécial sur le bois d'oeuvre. Il s'agit de l'ex-gouverneur du Montana, Mark Racicot, qui est devenu président du Parti républicain. Cette nomination démontre que le président est sérieux en choisissant pour coordonner ses efforts sur la question du bois d'oeuvre un intervenant clé à Washington. C'est très intéressant pour le Canada. Un intervenant clé a été désigné, à Washington, pour nous aider à faire progresser ce dossier très complexe.

M. Racicot s'emploie à rencontrer les principaux intervenants au Canada, notamment le premier ministre de la Colombie-Britannique, tous les premiers ministres des provinces Atlantiques, des ministres de la Colombie-Britannique, de l'Ontario, de l'Alberta et du Québec et des représentants de l'industrie. Ce qu'il leur dit? Que tout accord conclu devra être transparent, vérifiable et qu'il devra tenir compte des forces du marché. Il leur dit aussi qu'il sera peut-être nécessaire de créer une sorte de commission binationale pour régler les problèmes à l'avenir.

Dernièrement, je suis allé en Colombie-Britannique pour consulter les intervenants. Je consulte les principaux intervenants régulièrement dans tout le pays. Je suis heureux de vous dire que l'approche que nous avons adoptée bénéficie d'un large soutien.

Je m'entretiendrai avec M. Racicot dans les prochains jours. Nous échangerons nos vues sur la question de savoir si nous nous rapprochons d'une entente qui aboutira à une solution durable. La semaine prochaine ou la semaine suivante, il donnera suite à certains éléments précis contenus dans les propositions des provinces.

Enfin, monsieur le président, vous le savez, lundi nous avons reçu de très bonnes nouvelles de l'OMC. L'organe d'appel de l'OMC a statué que les États-Unis et la Nouvelle-Zélande n'avaient pas réussi à faire la preuve que les mécanismes d'exportation des produits laitiers canadiens étaient contraires aux règles de l'OMC. En collaboration étroite avec les provinces et l'industrie, nous nous étions efforcés de présenter des arguments solides pour notre défense. C'est une grande victoire pour les producteurs laitiers, pour les transformateurs et pour les exportateurs canadiens. Et c'est une nouvelle particulièrement rassurante pour les milliers de travailleurs qui ont un emploi grâce aux exportations de produits laitiers.

L'organe d'appel a renversé une décision antérieure d'un groupe spécial de l'OMC. Pour les exportateurs de produits laitiers, tout continue comme avant. Je suis heureux que nous puissions continuer à vendre et à promouvoir les «meilleurs produits laitiers au monde», comme le dit si bien mon collègue, l'honorable Lyle Vanclief.

La décision de l'OMC confirme la décision que je soutiens depuis que je suis devenu ministre du Commerce international, à savoir qu'un régime commercial international bien réglementé est bon pour le Canada. C'est le Sésame qui nous ouvre les portes des marchés mondiaux lorsque d'aucuns essaient de nous en barrer l'accès.

Nous aurons un programme chargé sur le front de la politique commerciale. L'amélioration de l'accès aux marchés du secteur canadien de l'agriculture et de l'agroalimentaire figure en tête de nos priorités. Le gouvernement du Canada est déterminé à tenir des consultations étroites avec l'industrie et les provinces. Nous espérons que vous continuerez à nous faire profiter de votre réflexion, et nous vous tiendrons au courant de nos progrès.

Le président: Je vous remercie. Je dois dire que j'ai des doutes pour ce qui est de convaincre les Européens et les Américains de cesser de subventionner l'agriculture. Nous avons reçu des délégués européens il y a une quinzaine de jours. Ce qu'ils nous ont dit ne nous laisse pas beaucoup d'espoir à ce sujet.

Je voudrais vous citer un passage d'un article paru dans le New York Times du 15 novembre, c'est-à-dire le lendemain de votre congrès.

Le comité sénatorial de l'agriculture a approuvé aujourd'hui une loi agricole de 88 milliards de dollars qui n'impose pas de limite sur les subventions accordées aux agriculteurs américains les plus prospères.

D'après un autre passage de cet article,

La Chambre a adopté le mois dernier un projet de loi sur l'agriculture qui coûtera 171 milliards de dollars sur dix ans, prévoyant une augmentation des subventions versées aux agriculteurs et moins de dépenses au chapitre de la conservation et de l'assistance alimentaire.

Vers la fin de cet article, on dit:

Ayant visiblement formé une alliance, les démocrates du Sénat et les républicains de la Chambre de la ceinture agricole ont réussi à contrer les efforts de réforme de la politique agricole du gouvernement Bush.

D'après un autre article paru dans le New York Times du 28 novembre dit que,

Dans les premières observations qu'il a faites au sujet du Farm Bill qui coûtera 171 milliards de dollars sur dix ans, actuellement bloqué au Sénat, M. Bush a essayé de rassurer les républicains des États agricoles en déclarant qu'il ne supprimerait pas les subventions à l'agriculture.

Nos agriculteurs, surtout les producteurs de céréales et d'oléagineux, ont traversé de rudes épreuves. Les agriculteurs canadiens touchent beaucoup moins pour leurs denrées que les agriculteurs américains et européens à cause des énormes subventions que reçoivent ces derniers.

Pour employer une expression à la mode, je suis aussi sceptique qu'un habitant du Missouri parce que j'en entends parler depuis trop longtemps; j'espère donc que vous atteindrez vos objectifs. Je dois dire que c'est important. Que ferait le gouvernement si nous n'arrivions pas à atteindre ces objectifs d'ici 2006 pour les agriculteurs? Si nous n'y arrivons pas, les producteurs de céréales et d'oléagineux seront en difficulté.

M. Pettigrew: Je comprends très bien votre argument qui est d'ailleurs clairement exposé. Ces négociations seront effectivement ardues. C'est ce que j'ai dit. J'ai dit que la réunion de Doha était une réussite extraordinaire. Les négociations que nous essayons de tenir dans un délai assez serré nécessiteront beaucoup d'habileté, de force et d'énergie de notre part et de la part de nos partenaires de l'OMC. Les Européens résisteront et les Américains aussi. Nous le savons, mais c'est précisément pour cette raison que nous avons besoin plus que jamais de l'OMC.

Nous avons besoin de l'OMC parce que, si à la table multilatérale où l'on discute de nombreux autres secteurs, les Américains veulent obtenir des concessions dans un secteur précis, ils devront en faire dans un autre. Le Canada, comme bien d'autres pays, est en faveur de la suppression des subventions à l'exportation et d'une réduction substantielle des subventions nationales. Ce sont les principales priorités dans le cadre de ce cycle de négociations.

Nous ne sommes pas les seuls à considérer cela comme une priorité importante. Le Canada a l'appui de nombreux pays dont la principale priorité est la suppression complète des subventions à l'exportation et une réduction substantielle des subventions nationales.

Le sénateur Tkachuk: Si je comprends bien, aucun membre de ce comité n'est allé à Doha. Était-ce volontaire ou était-ce un oubli?

M. Pettigrew: Ni l'un ni l'autre. Nous avons communiqué avec plusieurs sénateurs. Nous étions en contact avec les whips. J'ai invité plusieurs sénateurs à nous accompagner et nous sommes vraiment désolés ne n'avoir pas pu trouver de sénateurs pour nous accompagner à Doha. Cependant, nous avons été en contact avec les whips à plusieurs reprises. J'ai signalé à mes collaborateurs qu'il fallait éviter à tout prix que cela se reproduise.

Le sénateur Tkachuk: Si je comprends bien, au cours des prochaines années, vous vous préparerez aux discussions qui se dérouleront dans le cadre des prochaines négociations commerciales. J'ai les mêmes doutes que le président en ce qui concerne l'Union européenne. Bien que les Européens aient convenu d'inclure les résultats de ces négociations dans la Déclaration de l'OMC, il est indiqué dans le site Web de l'UE qu'aucun engagement n'a été pris de négocier la suppression des subventions à l'exportation. On dirait qu'elle a deux positions contradictoires et je voudrais que vous fassiez des commentaires à ce sujet.

M. Pettigrew: Sur quel aspect au juste?

Le sénateur Tkachuk: Le site Web de l'Union européenne indique que celle-ci ne s'engage pas à négocier la suppression des subventions à l'exportation.

M. Pettigrew: Je voudrais donner des renseignements plus précis en ce qui concerne les consultations avec les whips. Je voulais dire que le ministère aurait dû insister davantage auprès des whips du Sénat pour qu'une telle situation ne se représente pas. C'est ainsi que j'aurais dû m'exprimer.

De toute évidence, l'Union européenne réinterprétera le texte de diverses façons. C'est une période électorale en France et le gouvernement français dit qu'il ne prend pas d'engagement à cet égard. Si vous avez bien lu le texte, vous savez que nous avons tout à y gagner. Il contient bel et bien un engagement concernant l'élimination graduelle des subventions à l'exportation.

Plusieurs termes ont été ajoutés à ce texte. Pouvez-vous me citer un cas de négociations dont on aurait pu prévoir l'issue? On ne peut pas prévoir jusqu'où nous irons. Il est clair que les 142 membres acceptent la déclaration qui a pour objectif l'élimination progressive de toutes les subventions à l'exportation. C'est l'engagement qu'ils ont pris. Ils essaieront peut-être d'en minimiser l'importance mais c'est l'engagement qu'ils ont pris et nous serons nombreux à le leur rappeler. Il n'a pas été facile à obtenir; les autres pays demandaient des concessions en contrepartie. Ils voulaient des négociations sur l'environnement au niveau des organismes multilatéraux responsables de l'environnement. Ils ont obtenu gain de cause. Ils ont obtenu un certain nombre de concessions qu'ils voulaient. S'ils ne livrent pas la marchandise, ils se rendront compte qu'ils auront de la difficulté à obtenir les autres concessions qu'ils réclamaient.

Le sénateur Tkachuk: Est-ce que nous accorderons la priorité aux grains et aux oléagineux en ce qui concerne la suppression des subventions à l'exportation?

M. Pettigrew: Nous voulons que l'on supprime les subventions à l'exportation sur tous les produits agricoles.

Le sénateur Tkachuk: Je comprends cela. Cependant, vous avez parlé de négociations.

M. Pettigrew: Si vous me demandez quel produit sera en tête de liste, je compte sur mon collègue, M. Vanclief, pour me donner de très bons conseils à ce sujet. Il dirigera la plupart de ces négociations. Je ne déciderai pas par moi-même quel produit devrait être en tête de liste. Notre objectif est de faire supprimer toutes les subventions à l'exportation d'ici trois ans, dans des délais acceptables pour tous les membres.

Le sénateur Tkachuk: Je suis sûr que vous vous rendez compte que ce sont les agriculteurs de l'Ouest qui sont soumis aux règles du libéralisme économique. C'est nous qui sommes exposés aux caprices du marché. C'est nous qui sommes confrontés au fait que les Européens subventionnent leurs produits et que les Américains les imitent maintenant. Notre gouvernement semble ne pas trop savoir que faire; il ne sait pas s'il faut prendre l'engagement ferme d'instaurer un programme prévoyant l'octroi de fortes subventions aux agriculteurs des Prairies pour qu'ils cultivent tellement de blé que celui-ci inondera les marchés mondiaux. Je sais qu'on pourrait cultiver beaucoup de blé et rendre la vie plus difficile à nos concurrents ou alors perdre notre ressource la plus précieuse d'ici cinq ans, avec les exploitations agricoles familiales, les personnes qui les dirigent et les compétences que nous avons acquises sur plus d'un siècle. C'est une situation qui nous préoccupe beaucoup.

Je sais que vous ne pouvez pas nous dire ce que vous ferez au cours des cinq prochaines années, mais je voudrais que vous promettiez au moins de faire un voyage dans l'Ouest et d'écouter nos problèmes pour savoir quelle importance cela revêt pour nous. Je ne suis pas trop préoccupé en ce qui concerne l'industrie laitière mais bien en ce qui concerne les producteurs de céréales et d'oléagineux.

M. Pettigrew: Nous avons un pays splendide, caractérisé par une grande diversité d'intérêts. Je suis heureux de la victoire que nous avons remportée lundi pour l'industrie laitière. Je suis allé plusieurs fois en Colombie-Britannique pour examiner les questions concernant le bois d'oeuvre résineux. J'y étais encore il y a une dizaine de jours. J'éprouve beaucoup de plaisir à voyager dans l'Ouest. J'avais 15 ans lorsque j'ai fait mon premier voyage dans les provinces des Prairies. C'était la première fois que j'avais l'occasion de faire un voyage au Manitoba, en Saskatchewan et en Alberta. J'en ai gardé d'excellents souvenirs. Je ne rate jamais une occasion d'aller dans l'Ouest et je me réjouis d'avoir l'occasion de discuter avec les agriculteurs et les représentants de l'industrie agricole. Vous pouvez compter sur mon entier appui. D'ailleurs, le ministre de l'Agriculture vous a confirmé la semaine dernière, lorsqu'il s'est présenté devant vous, que nous formions une équipe étroitement soudée.

[Français]

Le sénateur Day: Monsieur le ministre, j'aimerais vous féliciter pour les deux succès, dont celui de Doha, au Qatar, mais aussi celui de cette semaine ayant trait à la décision de l'OMC.

Si vous me le permettez, je vais vous lire le mandat de notre comité:

Examiner le commerce international des produits agricoles et agroalimentaires.

Les sénateurs ont un intérêt pour cette question et ont même l'obligation d'être au courant de la discussion qui a eu lieu à Doha. Aucun sénateur n'a participé à cette rencontre. Peut-être la prochaine fois, pourriez-vous communiquer avec le président ou le vice-président du Comité sénatorial de l'agriculture et des forêts parce que nous étions désolés de ne pas être présents à cette rencontre.

[Traduction]

Le sénateur Day: À la page 6, vous mentionnez que le commerce bilatéral entre le Canada et les États-Unis atteint une valeur de 1,8 milliard de dollars par jour et que la valeur du commerce des produits agricoles s'élève à 350 millions de dollars par jour.

M. Pettigrew: Oui.

Le sénateur Day: Quel pourcentage de ce 1,8 milliard de dollars représente le commerce des produits forestiers?

M. Pettigrew: Il représente 11 milliards de dollars par an. Le commerce du bois d'oeuvre résineux représente une valeur de 11 milliards de dollars par an.

Le sénateur Day: J'essaie de comparer ce chiffre avec les 350 millions de dollars par jour.

[Français]

Les 350 millions de dollars par jour dans le domaine de l'agriculture représentent nos exportations aux États-Unis et nos importations des États-unis. C'est le commerce bilatéral. Les 11 milliards de dollars par année représentent que les exportations de bois d'9uvre vers les États-Unis.

Le sénateur Day: Les discussions que vous avez maintenant avec les États-Unis concernant le bois d'oeuvre, concernent-elles les problèmes de subventions et d'antidumping?

M. Pettigrew: Oui, sénateur Day.

Le sénateur Day: Est-ce que cela va tout régler?

M. Pettigrew: Venant de l'Atlantique, je comprends que vous ayez cette inquiétude puisque vous avez été exempté des droits compensatoires, mais pas du dumping.

Pour le moment, le travail se fait surtout sur les questions des programmes gouvernementaux. Dans le cas des allégations américaines et de la gestion des forêts, c'est surtout des programmes provinciaux. Nous espérons trouver une solution durable à long terme pour l'ensemble, ce qui inclurait également des façons de mieux travailler avec les Américains pour garantir l'accès du marché américain sans aucun tarif, ni compensatoire ni dumping.

Le sénateur Day: Les discussions en cours incluent-elles les deux?

M. Pettigrew: Pour le moment, elles sont concentrées sur les questions des droits compensatoires, donc surtout les mesures liées aux programmes des provinces. Les pratiques des compagnies feront éventuellement un accord général.

[Traduction]

Le sénateur Wiebe: Je vais vous poser une question difficile; c'est une question qui m'intéresse autant comme agriculteur que comme sénateur. Vous ne serez peut-être pas en mesure d'y répondre mais votre assistante, Mme Vinet, pourra peut-être y répondre à votre place.

Les gouvernements canadien, européens et américain ont mis beaucoup l'accent sur les subventions car ce sont les subventions dans le secteur agricole qui faussent le jeu normal de l'offre et de la demande sur le marché.

Les agriculteurs ont maintenant l'impression que si nous réussissons à supprimer les subventions, ce sera la fin de leurs maux. Les forces de l'offre et de la demande prendront la relève.

Les agriculteurs canadiens sont parmi les meilleurs producteurs à l'échelle mondiale. Nous avons développé cette technologie sur un certain nombre d'années mais nous l'avons également exportée aux États-Unis, en Europe et dans d'autres pays. Nous sommes compétents et les agriculteurs étrangers aussi.

Au cours des six dernières années, les agriculteurs canadiens sont ceux qui ont reçu le moins de subventions, par rapport aux agriculteurs européens et américains. Par exemple, il y a six ans, des agriculteurs canadiens ont ensemencé 20,1 millions d'acres de terre en blé de printemps. On aurait tendance à croire qu'à cause des maigres subventions, ils auraient décidé de changer de culture. Pourtant, pendant la campagne agricole 1999-2000, les agriculteurs canadiens ont ensemencé 18,6 millions d'acres en blé de printemps, soit une superficie légèrement inférieure.

Je me demande ce que les négociateurs de tous les autres pays pensent. Si l'on supprime les subventions, pourquoi les agriculteurs américains et européens auraient-ils davantage tendance que nous à réduire leur production de blé?

Le problème est que les agriculteurs européens et américains continueront de semer du blé parce qu'ils ne savent pas quoi faire d'autre de leur terre. C'est une des causes du problème qui se pose au Canada. Que faire d'autre avec nos terres? Nous savons comment cultiver du blé et nous le faisons bien. Les agriculteurs ont quelque peu diversifié leurs activités et se sont lancés dans quelques autres cultures. Cependant, dès qu'on décide de se lancer dans une nouvelle culture, comme celle des pois chiches, d'autres agriculteurs le découvrent, et on crée un excédent dans un autre type de produit. Notre gouvernement devrait peut-être envisager la possibilité d'élaborer une politique sur l'utilisation des terres au lieu d'essayer de résoudre nos problèmes par la suppression des subventions.

Je crois que les États-Unis reconnaissent que la situation ne changera pas beaucoup lorsqu'on se sera débarrassé des subventions et c'est pourquoi ils ont établi un programme de stabilisation étalé sur dix ans pour leurs agriculteurs. D'après les communiqués dont nous avons connaissance, les Européens ne semblent pas être pressés de supprimer les subventions non plus.

Sur le plan strictement commercial, notre gouvernement s'engage dans la bonne voie en voulant supprimer ces subventions. Cependant, ce n'est pas cela qui améliorera la situation des agriculteurs canadiens, américains ou européens, à moins de trouver une autre utilisation pour les terres cultivées de tous ces pays.

M. Pettigrew: Les subventions des États-Unis et de l'Union européenne influencent les décisions en matière de production. Les programmes qui sont en place au Canada n'influencent pas ces décisions et c'est une grosse différence. Si nous voulons que les Européens et les Américains cessent de fausser les décisions en matière de production, la suppression des subventions est la meilleure solution. Actuellement, les États-Unis et l'Union européenne respectent les obligations qu'ils ont contractées à l'OMC. C'est pourquoi nous tenons ces négociations spéciales. Il faut à tout prix que le niveau des subventions américaines et européennes baisse considérablement.

Le sénateur Wiebe: C'est exactement la même réponse que celle que nous ont faite les fonctionnaires du département de l'Agriculture lorsque nous étions à Washington. Les Américains prétendent qu'ils n'accordent pas à leurs agriculteurs des subventions qui stimulent la production. Je suis certain que nous avons obtenu la même réponse des représentants du Marché commun européen.

Si l'on ne met pas en place des mesures de stimulation pour les agriculteurs et qu'ils ne font pas de bénéfices en cultivant du blé, pourquoi continuent-ils à en semer? Si l'on retirait les subventions aux agriculteurs européens, dans quels types de cultures se lanceraient-ils? Que feraient-ils de leurs terres sans ces mesures incitatives pour la culture du blé? Les laisseraient-ils en jachère? Se lanceraient-ils dans d'autres cultures qui ne sont pas subventionnées? C'est une question à laquelle il est difficile de répondre; pourtant, étant donné que nous sommes législateurs, nous devrons trouver une solution à ce problème parce que je crois que nous nous leurrons si nous pensons sincèrement que les agriculteurs cesseront de semer du blé et se lanceront dans une autre culture lorsque les subventions auront été supprimées; si c'était le cas, ils l'auraient déjà fait.

Je ne pose pas cette question pour vous faire des reproches. Je la pose pour essayer de trouver la solution et, si on ne la trouve pas, les fonctionnaires du ministère pourraient peut-être se mettre à produire la semence qui permettrait de résoudre ce problème.

M. Pettigrew: Je n'interprète pas vos questions comme des critiques des négociations que nous avons entamées en vue de la suppression des subventions à l'exportation. Vous dites que cela ne suffit pas et vous demandez quelles autres possibilités nous examinons. Je suis ministre du Commerce international et pas ministre de l'Agriculture. Vous comprenez donc certainement que mes responsabilités consistent à obtenir et à négocier la suppression des subventions à l'exportation et des subventions nationales. Les négociations doivent porter là-dessus. Le cycle des négociations d'Uruguay n'a pas suffi. Les engagements qui ont été pris dans le cadre des ententes du cycle d'Uruguay ne nous ont pas permis d'obtenir satisfaction en ce qui concerne les subventions. Nous devons convaincre nos partenaires d'adopter des types de subventions qui ne faussent pas le marché et d'établir des règles plus claires.

Ils savent que ces subventions faussent la production. Quand le revenu des agriculteurs européens est subventionné dans une proportion de 66 p. 100 et celui des Américains dans une proportion de 46 p. 100, il est difficile de prouver que les subventions ne faussent pas la production. En ce qui concerne nos agriculteurs, les subventions que nous leur accordons ne représentent que 22 ou 23 p. 100 de leur revenu. Cela fait une grosse différence. À mon avis, cela explique pourquoi nous devons être là et pourquoi les négociations de Doha ont une telle importance. Nous avons un programme plus large dans le cadre duquel nous avons des objectifs plus ambitieux en ce qui concerne les subventions.

Le président: Monsieur le ministre, j'habite juste à côté de la frontière américaine et j'ai l'impression que le gouvernement américain s'est donné pour mission de nourrir la population mondiale. Il a probablement décidé que c'était l'excuse la plus acceptable politiquement pour subventionner ses agriculteurs et vendre les céréales à prix réduit aux pays du tiers monde.

Je pense que la situation mondiale a complètement changé et notre gouvernement ne s'y est pas encore tout à fait adapté. Je crois que les Européens et les Américains comprennent cette situation. Je les ai poussés à reconnaître que c'est ce qu'ils font. Ils fournissent des céréales à bas prix.

D'après les chiffres qui nous ont été communiqués, ils subventionnent environ 3 $ le boisseau de céréale. Quand on vérifie sur place, on constate que les agriculteurs américains reçoivent actuellement 6 $ CAN le boisseau de blé dur alors que nos agriculteurs n'arrivent à obtenir que 3 $, tout au plus 4 $ CAN avec de la chance. Les agriculteurs américains reçoivent de 2 $ à 3 $ de plus sur le boisseau de blé dur que nous.

Je ne comprends pas comment notre gouvernement s'attend à ce que nos agriculteurs survivent sans accepter la responsabilité mondiale de notre situation actuelle. C'est le cas dans bien des domaines, mais cette situation a de fortes incidences sur le secteur des céréales et des oléagineux.

M. Pettigrew: C'est pourquoi il est extrêmement important que nous y mettions de l'ordre. Les États-Unis abusent manifestement du principe de l'aide alimentaire. Ils s'en servent comme prétexte pour se débarrasser de leurs excédents. Ils le font pour diverses raisons. C'est pourquoi nous avons lutté avec acharnement à Doha. Le plus difficile reste à faire, dans le cadre des négociations qui approchent. Nous n'avons pas les poches aussi bien remplies que les États-Unis. Nous ne pouvons pas accorder des subventions de 6 $ le boisseau. C'est pourquoi nous sommes très heureux que les discussions de Doha aient été lancées. Cela nous donne l'occasion de discuter avec nos alliés et avec d'autres pays. D'autres pays exportateurs tenteront aussi leur chance cette fois-ci étant donné que l'échéance a été fixée au 1er janvier 2005. Je suis convaincu que c'est la meilleure solution, du moins du point de vue du commerce international.

Le président: Je pense qu'il est important que nous vous fassions savoir que les agriculteurs sont dans une situation tellement précaire qu'ils sont heureux lorsqu'ils arrivent à récupérer leurs coûts de production. Cette situation ne peut plus durer.

Le sénateur Sparrow: Avez-vous des conseils à donner aux agriculteurs canadiens pour leur permettre de survivre en attendant que l'on passe à l'action?

M. Pettigrew: Je suis certain que vous avez eu l'occasion d'en discuter avec M. Vanclief. Je ne sais pas combien de fois il a témoigné devant des comités provinciaux et des comités fédéraux et où il a obtenu du soutien supplémentaire. Il vient d'accorder 900 millions de dollars et 400 millions de dollars. Il faut être réalistes. Ne dites pas que nous demandons aux agriculteurs de patienter trois ans pendant que nous faisons des efforts dans le cadre des négociations. Notre gouvernement a été actif et il les a aidés dans la mesure de ses moyens. Nous n'avons pas les poches aussi bien garnies que les Européens ou que les Américains.

Le conseil que je donnerais aux agriculteurs est de continuer à nous tenir au courant de leurs besoins. Nous avons été attentifs à leurs besoins. Nous avons créé davantage de programmes et accordé davantage de fonds que nous ne pensions être en mesure de le faire mais nous leur faisons savoir qu'il est important qu'ils nous appuient dans le cadre des négociations commerciales. Nous ne pourrons pas accorder le même niveau de subventions que les Européens et financer 66 p. 100 du revenu des agriculteurs.

Le sénateur Sparrow: Y a-t-il un excédent de céréales dans le monde par rapport aux années précédentes? Le sénateur Wiebe a parlé des subventions et de l'accroissement de la production. Celle-ci n'a toutefois pas beaucoup changé depuis quelques années. Même si les subventions sont rétablies ou qu'elles sont réduites, cela n'entraîne pas nécessairement une très forte fluctuation de la production du blé au Canada, aux États-Unis ou dans la Communauté européenne. Le seul changement est que les agriculteurs auront des revenus supérieurs parce que nous pourrons exiger des prix plus élevés pour nos produits. Entre-temps, nous sommes en train de détruire notre industrie agricole parce que ces subventions engendrent des distorsions.

La question que j'ai posée concerne l'excédent. L'offre mondiale n'est pas plus élevée cette année qu'au cours des années précédentes. C'est donc une erreur de penser que les subventions inciteraient les agriculteurs à produire davantage de blé parce que notre production est déjà au niveau maximal.

Mme Suzanne Vinet, négociatrice principale en agriculture, Direction des politiques de commerce international, Agriculture et Agroalimentaire Canada: Un grand nombre d'études ont démontré que si les agriculteurs recevaient davantage de subventions, ils produiraient davantage de blé, peu importe le succès de cette culture. Ils opteraient pour cette culture plutôt que pour une autre pour laquelle ils n'obtiendraient pas de subventions. L'aide accordée aux agriculteurs de l'Union européenne et des États-Unis a une influence très nette sur leur production. Parfois, les producteurs n'arrivent pas à être concurrentiels par rapport à d'autres malgré leur avantage concurrentiel sur le marché international parce que les subventions accordées dans d'autres pays encouragent la production de diverses denrées pour lesquelles ils n'ont pas cet avantage concurrentiel.

Les producteurs de blé de l'Ouest du Canada font concurrence à l'État américain et, sans les fortes subventions européennes qui encouragent la production de blé, la concurrence serait plus loyale.

Les subventions de l'État influencent donc le genre de production qu'adoptent les agriculteurs et c'est ainsi qu'ils font une concurrence déloyale aux producteurs d'autres pays.

Le sénateur Sparrow: Le ministre a affirmé que les subventions versées actuellement aux agriculteurs américains les incitent à produire le plus possible de blé. C'est ce qu'il a dit.

M. Pettigrew: J'ai dit que ces subventions faussaient la production.

Le sénateur Sparrow: Pas en la faisant diminuer mais en la faisant au contraire augmenter.

M. Pettigrew: J'ai dit qu'elles la faussaient.

Le sénateur Sparrow: Est-ce que cela veut dire que les agriculteurs maintiennent leur production ou qu'ils l'augmentent?

M. Pettigrew: Ils pourraient se lancer dans d'autres cultures.

Le sénateur Sparrow: Ils ne peuvent pas le faire s'ils reçoivent les subventions et qu'ils vendent, comme nous le faisons au Canada, les quantités qu'ils sont en mesure de vendre. Au Canada, nous ne recevons pas de subventions qui rendent la production lucrative. Lorsque la superficie cultivée diminue de 20 millions d'acres à 18,5 millions d'acres de blé à cause de la capacité de production, des terres disponibles et en raison d'autres cultures concurrentielles comme celle des oléagineux, qui est très cyclique, c'est le genre de problème auquel nous sommes confrontés. Les statistiques indiquent que, même si l'on supprimait les subventions, cela n'aurait aucune influence sur la production. Si nous faisons disparaître les agriculteurs alors que le besoin subsiste en ce qui concerne ce produit, nous ne remplissons pas nos obligations envers les acheteurs de blé. Le blé dur est une autre source de problèmes mais ce n'est pas un produit dont la culture est aussi répandue au Canada que celle du blé de force.

M. Pettigrew: Quelle solution suggérez-vous?

Le sénateur Sparrow: Je pense que nous avons une décision à prendre. Vous avez dit que tous les fonds qui étaient disponibles pour l'agriculture ont déjà été affectés. Le ministre de l'Agriculture a dit qu'il ne restait plus de fonds pour l'agriculture. Nous avons par conséquent une décision à prendre. Il faut cesser de cultiver des céréales.

M. Pettigrew: Est-ce le conseil que vous donnez aux agriculteurs?

Le sénateur Sparrow: Je vous demande si c'est le conseil que vous leur donnez.

M. Pettigrew: Non.

Le sénateur Sparrow: Que doivent-ils faire en attendant les subventions pour 2003-2004? Le problème ne sera pas résolu du jour au lendemain.

M. Pettigrew: Nous continuerons à les aider à vendre leurs produits à l'étranger. Nous avons mis en place une stratégie internationale de marketing très efficace. Le nombre de délégués commerciaux à l'étranger s'élève à 530. Nous aiderons les agriculteurs au mieux de nos capacités et nous continuerons à répondre à leurs besoins en établissant des programmes. Le ministre Vanclief vient sans cesse en aide aux agriculteurs. Je pense que je suis plus optimiste que vous. Vous vous demandez pourquoi on ne renonce pas à l'agriculture au Canada parce que, même si l'on arrive à faire diminuer les subventions à la suite des négociations, cela ne suffira pas.

Le sénateur Sparrow: Parce qu'il ne restera plus d'agriculteurs d'ici là. C'est là le problème.

M. Pettigrew: Si vous n'y voyez aucun inconvénient, je persévérerai dans mes efforts pour faire supprimer les subventions au cas où ce serait avantageux.

Le président: Les cultures de légumineuses à graines permettent de voir ce qui pourrait arriver. Les agriculteurs essaient de diversifier leurs activités et d'abandonner la production du blé pour se lancer dans celle d'autres cultures comme les légumineuses à graines. Les Américains ont toutefois découvert qu'ils pouvaient en cultiver également et ils accordent des subventions sur ce type de culture. Ils feront baisser les prix comme ils l'ont fait en ce qui concerne le canola. L'année dernière, à cette période-ci de l'année, nous recevions 5 $ le boisseau et les Américains en recevaient 7,50 $. S'ils font la même chose dans la culture des légumineuses à graines, la diversification ne présentera plus aucun avantage. D'après les commentaires des agriculteurs, c'est ce qui arrivera.

M. Pettigrew: Le Farm Bill américain dont vous avez parlé n'est pas encore définitif. Cependant, nous avons des préoccupations et M. Vanclief a parlé à la secrétaire à l'Agriculture, Mme Ann Veneman. Nous suivons ce projet de loi de très près.

Le sénateur Hubley: J'ai été très heureux d'apprendre qu'il est question aussi des pommes de terre de l'Île-du-Prince-Édouard et je vous remercie pour les efforts que vous et le ministre Vanclief faites pour résoudre ce problème.

Pensez-vous qu'un processus de règlement rapide des différends soit nécessaire pour régler les différends commerciaux dans le secteur agricole, étant donné la nature périssable de plusieurs produits et l'importance économique qu'ils ont pour diverses régions? Y a-t-il une méthode à suivre quand les régions concernées sont exposées à une crise économique si le différend n'est pas réglé, en raison de la nature même du produit?

M. Pettigrew: Je ne suis pas le ministre de l'Agriculture et vous abordez des sujets qui touchent aux programmes. Je ne connais pas tous les programmes agricoles. Je ne tiens pas à mettre M. Vanclief ou le gouvernement dans l'embarras.

Mme Vinet: Les ministres de l'Agriculture des provinces ont posé la même question à la suite du problème qui s'est posé en ce qui concerne l'exportation de pommes de terre de l'Île-du-Prince-Édouard aux États-Unis.

En raison des recommandations faites par les ministres de l'Agriculture des provinces et parce que nous avons examiné le problème dans le cadre du comité consultatif canado-américain, les fonctionnaires étudient l'opportunité d'établir d'autres systèmes en ce qui concerne les produits périssables. Les procédures de règlement des différends sont en place. Nous évaluons diverses pistes pour voir quelles sont les possibilités de régler plus rapidement les problèmes.

Le sénateur Tunney: L'ambassadrice de l'Union européenne était ici il y a quelques semaines. J'ai trouvé qu'elle était très bien informée. Je l'ai interrogée au sujet de certaines subventions versées en Europe. Je lui ai dit qu'il y a quelques années, les subventions de l'État représentaient 75 p. 100 du revenu total des producteurs laitiers français. Elles ont été supprimées parce que le gouvernement français a jugé qu'il ne pouvait pas continuer à verser de telles sommes. Dans un très bref entretien que j'ai eu avec elle après la fin de la séance, elle m'a dit qu'elle avait de bonnes nouvelles pour moi. Elle m'a annoncé que l'Union européenne ne pourrait pas continuer à verser des subventions aussi élevées qu'actuellement. Je crois que les subventions disparaîtront bientôt.

Plusieurs membres de notre comité ont passé une semaine à Washington au mois d'août. À cause de mes antécédents dans le secteur laitier, on m'a demandé d'assister à une série de réunions avec les représentants du secteur laitier américain. J'ai rencontré divers membres du Dairy Export Council, de l'International Dairy Food Association et de la National Milk Producers Federation, et quatre membres du congrès du Michigan, du Minnesota et du Missouri ainsi que le sénateur Patrick Leahy, du Vermont. Sa femme est une infirmière originaire du Québec.

M. Pettigrew: C'est une preuve de discernement.

Le sénateur Tunney: Le gouvernement fédéral et d'autres organismes sont et seront toujours adversaires de notre système de commercialisation, des offices de commercialisation et de la gestion de l'offre. Au cours des réunions avec les associations d'agriculteurs et avec des agriculteurs, nous avons appris qu'ils aimeraient le genre de système qui est en place au Canada. Les membres du Congrès m'ont tous dit, sans exception, que des agriculteurs de leur région faisaient faillite et qu'ils voulaient savoir comment nous arrivions à conserver nos agriculteurs, étant donné que les produits laitiers canadiens sont meilleur marché pour les consommateurs que les produits laitiers américains. On pense que la gestion de l'offre augmente les coûts ou qu'elle exerce une pression à la hausse. Les Américains prétendent que nous court-circuitons le marché pour faire monter les prix. Les producteurs laitiers canadiens ne veulent pas que les prix augmentent; ils veulent élargir le marché.

J'ai eu des contacts très intéressants pendant mon séjour aux États-Unis.

M. Pettigrew: C'était une belle intervention. Je l'apprécie beaucoup. Mes oncles sont producteurs laitiers. La branche de la famille à laquelle j'appartiens s'est pour sa part lancée dans le commerce de l'alimentation mais il y a deux générations, nous étions des producteurs laitiers. Je connais donc très bien ce secteur. Nous procédons de façon différente. Notre système n'augmente pas les coûts pour les consommateurs. Tous les Canadiens qui vont aux États-Unis savent que le fromage y est plus cher qu'ici. Nous procédons de façon différente. Nos frais de distribution sont beaucoup moins élevés. Nous nous organisons d'une façon beaucoup plus efficace. Le distributeur prélève moins et cela fait en fin de compte une grosse différence. Notre système fait l'objet de la convoitise de bien des pays.

Le sénateur Tkachuk: Avez-vous hérité de votre quota? On voudrait que ce soit le même système pour les producteurs laitiers des Prairies.

Le sénateur Tunney: C'était hier le plus beau jour de ma vie, grâce à la décision qui a été prise en ce qui concerne le secteur laitier.

Le sénateur Chalifoux: La Commission canadienne du blé fait l'objet de sa neuvième enquête depuis 1990. Que faites-vous à part rendre visite aux membres de l'assemblée législative américaine, aux bureaucrates et aux employés de la Commission à Winnipeg? Avez-vous recours à d'autres mécanismes pour mettre les États-Unis au courant des activités de la Commission canadienne du blé?

Quelqu'un a dit que la North Dakota Wheat Commission (Commission du blé du Dakota du Nord) veut que soit imposé un droit de 50 $ US la tonne sur le blé dur et sur le blé de printemps canadiens vendus aux États-Unis lorsque les livraisons dépassent 300 000 tonnes dans le cas du blé dur et 500 000 tonnes en ce qui concerne les autres catégories de blé. Pouvez-vous faire des commentaires sur les probabilités d'imposition de droits tarifaires? Dans ce cas, pensez-vous qu'un taux de 30 p. 100 soit vraisemblable?

M. Pettigrew: C'est la première fois que j'entends parler de droits tarifaires de 30 p. 100.

M. Claude Carrière, directeur général, Direction générale de la politique commerciale, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international: L'enquête aux termes de l'article 301 qui est en cours aux États-Unis a été prolongée jusqu'au 22 janvier. À cette date, le représentant américain du commerce extérieur décidera si la pétition de la North Dakota Wheat Commission est fondée. Nous trouvons intéressant que la décision ait été reportée de plusieurs mois. Nous savons quelle sera la nature de sa décision. Nous savons que les Américains n'ont aucune raison de prendre une décision défavorable en ce qui concerne le Canada. S'ils le faisaient, nous défendrions vigoureusement nos pratiques en ce qui concerne le blé, car elles sont conformes aux règlements commerciaux internationaux.

Nous devons attendre les résultats mais nous pensons que les Américains ne prendront pas de décision qui restreindrait nos échanges. Nous ne limiterons pas notre commerce et, si les Américains prennent des mesures contre nous, nous les contesterons vigoureusement.

Le sénateur Chalifoux: Est-ce que cela irait à l'encontre de l'ALENA?

M. Carrière: La question est de savoir si les Américains prendront des mesures. Nous exercerons le droit que nous confère l'ALENA ou l'OMC; nous choisirons la solution la plus efficace pour contester leurs mesures.

Le sénateur Chalifoux: C'est probablement leur plate-forme électorale.

M. Pettigrew: Notre accord commercial n'élimine pas les lois commerciales nationales. Les Américains peuvent toujours utiliser leurs lois commerciales nationales. Dans le cadre des discussions de Doha, ils ont accepté de mettre leurs lois commerciales, leurs mesures antidumping et leurs droits compensatoires sur la table de négociation. En poursuivant les négociations, nous arriverons peut-être à trouver un point d'entente, au lieu de devoir participer à des négociations multilatérales huit ou neuf fois en une dizaine d'années.

Nous faisons constamment des efforts pour mettre nos partenaires au courant de nos activités. Ce n'est pas qu'ils ne comprennent pas. Parfois, ils ne comprennent que ce qu'ils veulent bien comprendre et, en ce qui concerne les Américains, on dirait que cette éducation est un volet très important du processus. Ils ont une attitude très semblable en ce qui concerne la question du bois d'oeuvre résineux.

Nous ferons tout notre possible pour faire valoir nos arguments, mais la protection est parfois exigée par les producteurs qui n'hésitent pas à faire une nouvelle tentative, même si c'est pénible. C'est leur prérogative.

Le sénateur Chalifoux: Lorsque je suis allée à Washington, j'ai constaté que le sénateur Leahy était le seul à savoir où se trouve le Canada. Personne d'autre ne semblait le savoir.

M. Pettigrew: Il a épousé une Canadienne française.

Le sénateur Chalifoux: Il vient chasser le canard en Alberta.

M. Pettigrew: Il prend les filles au Québec et les canards en Alberta.

Le sénateur Tkachuk: Je suis de la Saskatchewan. J'aime aussi les canards de l'Alberta et les filles du Québec.

Le sénateur Chalifoux: Entre-temps, la Commission canadienne du blé est continuellement pénalisée. Je voudrais savoir quelle sera l'issue exacte de la neuvième enquête dont elle fait l'objet. En avez-vous une petite idée?

M. Pettigrew: L'enquête peut durer aussi longtemps que l'on veut. On ne peut pas les obliger à arrêter. Nous continuerons donc à exporter. C'est malheureusement ainsi que cela fonctionne. Cela leur coûtera beaucoup d'argent pour faire cette enquête. En attendant, nous continuerons à exporter. Nous ne sommes pas obligés de suspendre cette activité juste parce qu'il y a une enquête.

Le sénateur Day: Monsieur le ministre, vous avez dit qu'à la suite des discussions de Doha, les parties se sont entendues pour négocier une amélioration de l'accord sur le règlement des différends, et je vous encourage à le faire. Je sais que ces négociations viennent de commencer mais c'est une façon de régler le problème de ces sept, huit ou neuf réunions. Souvent, les négociations s'apparentent à des obstacles commerciaux. On entreprend une négociation. Mme Vinet négocie de nombreuses ententes et on dirait que l'on crée du travail pour les avocats et les consultants.

Il convient de mettre l'accent sur la remarque du sénateur Hubley. Lorsqu'une telle chose se produit dans un secteur qui est très dépendant des échanges commerciaux avec les États-Unis, cela peut avoir des conséquences catastrophiques pour toute l'industrie. Ce fut le cas lorsqu'un coin de champ de pommes de terre a produit de mauvaises pommes de terre et que toute la récolte de l'Île-du-Prince-Édouard a été bannie par les Américains.

Nous avons un problème analogue. Il ne concerne pas l'agriculture mais plutôt l'aquaculture au Nouveau-Brunswick et le dumping que font les Chiliens dans ce secteur. Pouvez-vous faire des commentaires sur cette situation?

M. Pettigrew: J'ai été très bien informé de la situation. Je laisserai toutefois le soin à M. Carrière de faire des commentaires, parce que c'est lui qui suit la situation de près.

M. Carrière: Nous avons rencontré le représentant du secteur agricole. Nous sommes conscients des préoccupations des Américains.

Vous savez peut-être qu'une mesure antidumping a déjà été mise en place aux États-Unis contre le saumon chilien. Nous avons indiqué à l'industrie qu'elle pouvait travailler avec ses principaux collègues pour déposer une demande d'examen des marges antidumping auprès du département du Commerce. Si elle dépose cette demande et nous donne les renseignements, nous pourrons l'appuyer au cours de nos contacts avec ce département. Nous collaborons avec elle et nous attendons qu'elle nous fournisse des renseignements pour pouvoir l'aider.

Le sénateur Day: C'est une industrie qui ne sera pas capable de subsister longtemps si l'on ne résout pas rapidement ces problèmes. C'est pourquoi il est important d'instaurer un mécanisme de règlement rapide des différends.

M. Pettigrew: La première question que vous avez posée concerne la pomme de terre de l'Île-du-Prince-Édouard. Le président Bush a eu un contact quotidien avec la pomme de terre de cette région au Sommet de Québec. Le premier ministre a décidé que le président Bush verrait des pommes de terre de l'Île-du-Prince-Édouard au menu de chaque repas.

Le sénateur Day: Pouvez-vous faire des commentaires sur l'orientation que prend la politique gouvernementale en ce qui concerne les mesures spéciales concernant les pays en développement, qui seront négociées dans le cadre du prochain cycle de négociations de l'OMC?

M. Pettigrew: Nous nous sommes rendu compte que nous sommes 142 pays et que les négociations deviennent plus compliquées en ce qui concerne divers sujets comme la politique en matière de concurrence et l'investissement. Ce sont des questions très difficiles à comprendre. De nombreux pays en développement n'ont pas les ressources ou la capacité nécessaires pour vraiment comprendre ces questions et participer à ces négociations. C'est pourquoi nous devons d'abord augmenter les capacités des pays en développement. C'est pourquoi nous l'appelons cycle de négociations sur le développement. Nous tenons à intégrer pleinement ces pays au système de l'OMC afin qu'ils puissent tirer parti des avantages de leur adhésion et croître avec le système. La croissance est une source de développement. Elle va nécessairement de pair avec le commerce.

Le sénateur Day: Pouvez-vous dire quelle incidence cela peut avoir sur les mesures spéciales concernant les pays en développement et sur notre infrastructure actuelle?

M. Pettigrew: Il ne s'agit pas de mesures spéciales au sens habituel du terme. Nous aidons ces pays à devenir de meilleurs négociateurs, des négociateurs ayant une meilleure formation et à leur faire acquérir des compétences qu'ils ne possèdent pas encore. On ne leur fait pas des conditions spéciales en matière d'agriculture. Cependant, la suppression des subventions aux agriculteurs permettrait d'aplanir les règles du jeu sur les marchés mondiaux pour les pays en développement qui ne peuvent pas accorder de telles subventions.

Le sénateur Day: J'établissais un parallèle entre la réduction des redevances sur les médicaments brevetés pour les pays en développement et les produits qu'ils pourraient exporter ici, qui feraient concurrence à des produits que nous cultivons.

M. Pettigrew: Non. Dans le secteur agricole, et même en médecine, ils ne peuvent pas produire pour notre marché. La flexibilité intrinsèque que nous leur avons accordée a pour seul but de leur permettre de surmonter les difficultés dues aux pandémies dont il a été question et pas de nous faire concurrence sur nos propres marchés.

Le sénateur Wiebe: Notre exposé en ce qui concerne les constatations que nous avons faites lors de notre séjour à Washington durerait plus de dix minutes; notre rapport est donc beaucoup plus long que cela. Vous auriez par conséquent intérêt à le lire au lieu que j'en parle pendant dix minutes.

Même si je n'ai pas obtenu de réponse aux questions que j'ai posées au sujet des conséquences qu'aurait la suppression des subventions, je vous remets un exemplaire de ce rapport. Je sais qu'il me faudra beaucoup de temps pour donner les explications nécessaires. Je suis à l'entière disposition de vos collaborateurs s'ils désirent en avoir.

Je vous souhaite d'atteindre vos objectifs. J'espère qu'on les atteindra d'ici 2003. Cependant, si le prix des céréales n'augmente pas, n'oubliez pas qu'on vous l'avait dit le 5 décembre à Ottawa, à une séance de comité sénatorial.

J'espère avoir toutefois l'occasion de vous expliquer cela avant. Je pense que vous et vos négociateurs méritez des félicitations pour votre réussite à Doha. Nous vous souhaitons beaucoup de chance.

J'ai une dernière question à poser. Vous pourriez faire parvenir la réponse à mon bureau. Comme vous l'avez dit, notre excédent de la balance commerciale agricole s'élève à 3 milliards de dollars. Je pense que la majeure partie de cet excédent est représentée par des matières premières comme des céréales, du bétail, et cetera. Quel pourcentage de cet excédent représentent les produits alimentaires transformés et quelle est leur valeur?

M. Pettigrew: Mme Vinet vous fera parvenir la réponse. Elle me chuchote à l'oreille que nos exportations de produits de consommation et de bétail ont considérablement augmenté. Pendant que vous lirez sa réponse et prendrez connaissance de ces changements intéressants, j'aurai le plaisir de lire votre rapport.

Je vous remercie pour votre hospitalité. Je suis désolé de devoir quitter à 17 heures, mais je dois assister à la séance de mon comité du commerce international.

Le président: C'est le sénateur Sparrow qui posera la dernière question.

Le sénateur Sparrow: Dans le contexte de l'ALENA et des exportations de gaz naturel, le ministre a dit que cela pourrait avoir une incidence sur les exportations et le prix du bois d'oeuvre résineux. Y a-t-il moyen d'utiliser les exportations de gaz naturel dues à l'ALENA comme monnaie d'échange dans les négociations concernant le bois d'oeuvre résineux ou les produits agricoles?

M. Pettigrew: Je suis ministre du Commerce international et l'excédent de la balance commerciale avec les États-Unis est de 90 milliards de dollars. Je ne suis pas partisan de pénaliser un secteur pour en aider un autre. Je suis convaincu que nous avons d'excellents arguments en ce qui concerne l'affaire du bois d'oeuvre et que nous réaliserons des progrès sans faire de liens entre ce secteur et celui de l'énergie.

Le premier ministre n'a jamais rattaché ces secteurs au cours des négociations. Il a dit qu'il invitait les Américains à être logiques. Il leur a dit ceci: «Vous appréciez le libre-échange dans le secteur de l'énergie et vous en avez besoin parce que vous avez des problèmes dans le Sud. En ce qui nous concerne, nous apprécions le libre-échange dans le secteur du bois d'oeuvre résineux. Puisque nous apprécions tous le libre-échange, assurez-vous qu'il s'applique à tous les secteurs». Il y a une différence entre exhorter les gens à faire preuve de logique et leur faire des menaces. Le premier ministre n'a pas tendance à faire des menaces.

Le sénateur Tkachuk: Monsieur le ministre, vous parlez avec passion. On n'a pas souvent l'occasion d'en dire autant d'un ministre libéral. La façon dont vous avez géré la situation du Québec dans le cadre de vos fonctions antérieures est très appréciée par des personnes comme moi.

Monsieur le ministre, la passion que vous avez mise à mener cette lutte a été reconnue par de nombreuses personnes. Les sénateurs Sparrow, Wiebe, Gustafson et moi-même venons des Prairies et je vous invite à participer à quelques tables rondes dans cette région. Nous nous ferions un plaisir de vous aider à rencontrer les producteurs de denrées alimentaires, de céréales et d'oléagineux. Ils parlent avec le coeur et je suis certain que leur message vous touchera. Ce contact ferait de vous un négociateur encore plus efficace. Je tenais à lancer cette invitation. Je vous remercie.

M. Pettigrew: Merci beaucoup. J'accepte votre invitation. J'aime beaucoup aller dans l'Ouest et dans les Prairies. Je m'y suis toujours senti très à l'aise; un jour, à la Chambre de commerce de Calgary, on m'a même chanté «Bon anniversaire» après mon exposé. Il n'y avait pourtant pas beaucoup de libéraux parmi l'auditoire, mais les participants ont chanté après mon exposé. Je me sens comme chez moi dans les Prairies.

Le président: Je vous remercie. Nous avons eu une discussion très intéressante et vous pouvez revenir quand vous voulez; vous serez le bienvenu.

La séance est levée.


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