Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 2 - Témoignages du 24 février 2004
OTTAWA, le mardi 24 février 2004
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, autorisé à entendre de temps en temps les témoignages d'individus et de représentants d'organismes sur l'état actuel et les perspectives d'avenir de l'agriculture et des forêts au Canada, se réunit aujourd'hui à 17 h 50.
Le sénateur Donald H. Oliver (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Honorables sénateurs, c'est avec plaisir que j'ouvre la deuxième séance du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, consacrée à l'ESB.
[Français]
J'aimerais tout d'abord vous souhaiter la bienvenue, honorables sénateurs, ainsi qu'à nos observateurs ici présents. J'aimerais également souhaiter la bienvenue aux Canadiennes et Canadiens qui nous observent et nous écoutent sur les ondes du réseau CPAC et sur l'Internet.
[Traduction]
Depuis quelques mois déjà, le Canada fait face aux conséquences de l'apparition de l'ESB. Seul un cas a été détecté et pourtant les communautés agricoles partout au pays ont été gravement touchées. Les Canadiens dans leur ensemble sont conscients des conséquences économiques dévastatrices subies par le secteur de l'élevage bovin.
Ce soir, nous avons invité des hauts fonctionnaires du ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire ainsi que de l'Agence canadienne d'inspection des aliments pour qu'ils nous présenter les derniers développements dans le dossier de l'ESB au Canada.
MM. Andrew Marsland, Tom Richardson et Gilles Lavoie prendront la parole au nom du ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire. MM. Robert Carberry et Brian Evans, pour leur part, représentent l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Je donne maintenant la parole à notre premier intervenant, M. Marsland.
[Français]
M. Andrew Marsland, sous-ministre adjoint, Direction générale des services à l'industrie et aux marchés, Agriculture et Agroalimentaire Canada: Honorables sénateurs, je vous remercie. Nous sommes heureux d'être ici avec vous ce soir et nous saluons l'occasion qui nous est donnée de faire le point sur certaines questions avec vous et de formuler des observations qui s'ajouteront à celles de notre dernière rencontre du 30 octobre 2003.
Je me présente, Andrew Marsland, sous-ministre adjoint, Direction générale des services à l'industrie et aux marchés de l'agriculture et agroalimentaire du Canada. Je suis accompagné de Tom Richardson, sous-ministre adjoint d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, chargé des programmes de gestion des risques au Canada, et de M. Gilles Lavoie, directeur général principal des opérations, chargé d'une grande partie de l'activité du ministère dans le dossier de l'encéphalopathie spongiforme bovine.
À notre dernière comparution devant ce comité, le 30 octobre 2003, nous avons mentionné avoir fondé nos observations aux responsables des marchés étrangers sur une stratégie de défense de nos intérêts constatés entre les secteurs, les provinces et le gouvernement fédéral.
Nous continuons de collaborer avec la table ronde de la Chambre des valeurs du boeuf et avec les provinces afin de partager l'information et coordonner nos efforts. Les bases de notre stratégie commune nous rassemble. Disons simplement que les décisions se basent sur la science et que nous faisons du progrès.
En dépit du cas de ESB survenu en décembre, dont l'origine a été, par la suite, attribué au Canada, il n'y a pas eu d'autres perturbations de nos échanges commerciaux avec les États-Unis ou le Mexique.
L'équipe internationale d'experts a conclu son examen du cas de ESB survenu en mai au Canada en affirmant qu'il se pouvait que l'on découvre encore quelques cas isolés. Malheureusement, il s'est produit un cas de ESB dans l'État de Washington en décembre 2003, et, après enquête, son origine a été attribué au Canada. Cette découverte a été le catalyseur d'une activité intense sur ce dossier, en partie positive puisqu'elle souligne la nécessité de maîtriser l'ESB à l'échelle de l'Amérique du Nord, et celle de collaborer pour ouvrir les marchés internationaux. Aux termes de l'enquête américaine, le sous-comité américain, dont les membres étaient essentiellement ceux de l'équipe internationale susmentionnée, a conclu sans équivoque que l'ESB est un problème nord-américain.
[Traduction]
Tandis que nous continuons de travailler sans relâche sur tous les marchés, il est tout naturel que notre priorité reste de regagner l'accès au marché états-uniens pour les bovins vivants. Cela permettrait un retour à une situation commerciale plus normale et soulagerait beaucoup de segments de nos secteurs bovins et autres d'une grande partie de leurs dures épreuves.
À notre dernière comparution, les États-Unis autorisaient les importations de boeuf désossés en vertu d'un système de permis qui, en effet, rétablissait l'intégration des marchés canadiens et états-uniens du boeuf, mais non des bovins vivants. Les États-Unis étaient également sur le point de publier une règle pour autoriser l'importation de certains animaux vivants. À l'époque, beaucoup de producteurs espéraient que cela se concrétise dans le premier trimestre de 2004. Les États-Unis ont publié la règle le 4 novembre 2003, accordant un délai de 60 jours se terminant le 5 janvier 2004 pour formuler des observations.
Comme vous le savez, le 23 décembre, les États-Unis ont annoncé la découverte d'un cas d'ESB dans l'État de Washington. Comme le délai des observations sur le projet de règle tirait à sa fin, les États-Unis ont annoncé qu'il se terminerait à la date prévue à l'origine, le 5 janvier. Le Canada a préparé ses observations officielles en les fondant sur de vastes consultations de l'industrie et des provinces et il les a présentées le 5 janvier 2004.
Permettez-moi de remettre à la greffière des exemplaires d'un résumé des observations du Canada portant sur la règle, préparé par l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA).
La découverte du cas d'ESB aux États-Unis a précipité le nombre de modifications apportées par ce pays à ses politiques concernant cette maladie. Je veux brièvement mentionner la décision états-unienne de supprimer les matériels à risque spécifiés, appelés communément MRS, de la filière alimentaire humaine parce que cette décision a renforcé les arguments que nous avons exposés dans nos observations sur le projet de règle. Vous vous rappelez que les matériels à risque spécifiés sont des tissus qui, chez les bovins infectés par l'ESB, renferment l'agent qui peut transmettre la maladie.
Le Canada a commencé à retirer ces matériels des aliments destinés à l'homme dès le 23 août 2003. Les États-Unis appliquent désormais la même mesure, ce qui conforte la position canadienne selon laquelle la limite de 30 mois touchant les importations de bovins et de boeuf, dans le projet de règle, n'est pas appropriée.
Le 9 février 2004, les États-Unis ont annoncé la fin de leur enquête. Nous prévoyons l'imminence de mesures pour le parachèvement de la règle, probablement la réouverture de la période d'observations pour une période relativement courte d'une trentaine de jours. Cela remet sur pied le processus normal de parachèvement de la règle, interrompu par la découverte de l'ESB aux États-Unis.
Comme nous l'avons mentionné, dès que la nouvelle période de transmission des observations se terminera, le ministère de l'Agriculture des États-Unis, le USDA, en vertu de la loi états-unienne, devra analyser toutes les observations reçues sur le projet de règle et y réponde officiellement. Le délai de réponse dépend en grande partie du volume des observations reçu. Si nous sommes positifs quant à l'évolution du dossier, il est encore trop tôt pour avancer une date précise pour l'ouverture de la frontière aux bovins vivants.
L'industrie, les provinces et l'État fédéral collaborent avec leurs homologues de tous les niveaux pour faire ouvrir toutes les frontières. Je donnerai à la greffière une version actualisée du document résumant les mesures prises par les partenaires commerciaux contre l'ESB et préparé conjointement par l'ACIA, le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international et nous-mêmes. Nous vous avions présenté un résumé semblable lors de notre comparution précédente.
Outre les États-Unis et le Mexique, il est notable qu'Antigua-et-Barbuda, la Barbade, les îles Caïmans, la Jamaïque, Trinité-et-Tobago et les Philippines ont tous rouvert partiellement leurs frontières à divers produits canadiens. Une mission commerciale dirigée par l'industrie, avec la participation de l'ACIA, est partie samedi dernier pour la Russie, pour continuer à plaider pour la réouverture de ce marché.
Comme vous le savez, M. Bob Speller, ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, a participé à une mission en Asie en janvier pour rencontrer ses homologues coréens et japonais dans un effort pour répondre à leurs préoccupations à l'égard de l'importation de produits canadiens.
Les résultats de cette mission ont été les suivants: la Corée a accepté de poursuivre les discussions techniques et le partage de renseignements, deux mesures concrètes pour regagner ce marché. Le Japon s'est engagé à entamer des discussions techniques bilatérales pour examiner des façons de reprendre les exportations de boeuf canadien vers le Japon aussitôt que possible. Bientôt, le Canada déléguera un fonctionnaire vétérinaire à Tokyo pour collaborer avec les Japonais et les autres responsables régionaux afin de mieux expliquer les mesures qu'il a prise contre l'ESB et d'aider à dissiper les craintes du marché. M. Yoshiyuki Kamei, ministre japonais de l'Agriculture, des Forêts et des Pêches, s'est également engagé à collaborer avec le Canada à l'Office international des épizooties, l'OIE. Cela appuie l'initiative du Canada, des États-Unis et du Mexique, officialisée en septembre 2003, visant à développer une approche internationale plus pratique aux échanges commerciaux, fondée sur l'évaluation des risques.
En Amérique du Nord, une réunion bilatérale entre le premier ministre Martin et le président Bush, le 13 janvier 2004, a amené les États-Unis à s'engager à coordonner leurs efforts contre l'ESB avec le Canada. La mission du ministre Speller à Washington, plus tard dans la même semaine, a culminé avec une réunion trilatérale entre lui et Mme Ann Veneman, secrétaire du ministère de l'Agriculture américain, et M. Janvier Usabiaga, secrétaire du ministère de l'Agriculture mexicain. Dans leur déclaration commune à l'intention des ministres, ils ont confirmé leur volonté de maîtriser l'ESB dans toute l'Amérique du Nord et de faire revenir les marchés à la normale aussitôt que possible. Il a été aussi convenu que le maintien de la confiance des consommateurs dans le boeuf est fondamental pour la gestion du dossier de l'ESB et que cela restera une priorité des plus importantes dans les discussions à venir pour améliorer l'approche internationale contre l'ESB. Chaque gouvernement a consenti à désigner un sous-ministre pour coordonner les efforts permanents entre les organismes vers la reprise harmonieuse des exportations. Ces fonctionnaires se sont rencontrés la semaine dernière et se rencontreront de nouveau dans les prochaines semaines pour poursuivre leurs travaux. Le ministre Speller reste en contact fréquent avec la secrétaire américaine Veneman.
Le 9 janvier 2004, le Canada a annoncé un financement de 92,1 millions de dollars pour intensifier les mesures canadiennes concernant l'identification et la traçabilité, ainsi qu'une surveillance et un dépistage plus poussés de l'ESB. Ces mesures se fonderont sur ce qui est déjà l'un des systèmes de salubrité des aliments les plus sûrs dans le monde et elles prouvent la détermination du gouvernement à combattre l'ESB et à appuyer l'industrie canadienne. Nous continuons de collaborer très étroitement avec l'industrie. Depuis octobre, nous avons rencontré tous les membres de la Table ronde sur la chaîne de valeur du boeuf à deux occasions, et au moins une fois par semaine, je communique avec les présidents des groupes de travail de cette table ronde. Nous sommes sensibles aux très graves difficultés causées par les interdictions frappant les importations ainsi qu'à l'incertitude dans laquelle nous plonge l'ignorance de la date de la réouverture de la frontière. Nous avons modifié le programme d'aide aux propriétaires de vaches de réforme pour ne pas les obliger à les abattre, en réponse aux besoins exprimés par notre industrie. Nous nous réunissons régulièrement pour poursuivre les discussions sur la capacité de nos programmes de gestion des risques à corriger la situation économique grave dans laquelle se trouvent de nombreux secteurs touchés par l'interdiction des importations. Nous sommes ici pour répondre à toute question précise que vous pourriez formuler sur le soutien accordé à l'industrie.
Je vais maintenant céder la parole à M. Carberry.
M. Robert Carberry, vice-président, Programmes, Agence canadienne d'inspection des aliments: Merci, monsieur le président. Je suis ici aujourd'hui accompagné du Dr Brian Evans, vétérinaire en chef du Canada, que vous avez sans doute déjà vu à l'occasion d'une de ses nombreuses séances d'information technique sur l'ESB diffusées sur notre chaîne d'information nationale.
Je suis heureux de me présenter devant ce comité pour répondre aux questions qu'il se pose sur la situation actuelle de l'ESB au Canada.
[Français]
Comme le comité le sait, l'ACIA est l'organisme de réglementation du gouvernement du Canada en ce qui concerne la salubrité des aliments, la santé des animaux et la protection des végétaux. Nous sommes résolus à préserver et à rehausser le haut niveau de salubrité des aliments que les Canadiens attendent de nos disponibilités alimentaires. Nous collaborons pour ce faire avec d'autres ministères fédéraux, les provinces et les territoires, les producteurs, les transformateurs, les distributeurs et les consommateurs.
Ces dernières années, l'essentiel de nos activités a porté sur le renforcement de notre capacité à faire face à l'augmentation des risques et des urgences qui menacent la salubrité des aliments, la santé des animaux et la protection des végétaux.
[Traduction]
Lorsque le premier bovin atteint d'ESB a été dépisté au mois de mai dernier, l'ACIA a immédiatement lancé une enquête approfondie. En l'espace de quelques semaines, l'Agence a mis en quarantaine 18 élevages et a mené des enquêtes de retraçage et des analyses des aliments. Au total, nous avons analysé plus de 2 000 échantillons prélevés sur des animaux, et n'avons décelé le virus de l'ESB chez aucun autre animal.
Au mois de décembre, dans l'État de Washington, une autre vache atteinte de la maladie a été découverte. L'ACIA a collaboré de très près avec ses homologues américains pour découvrir la source de l'infection. De nouveau, l'Agence a été en mesure de retracer l'origine de la vache et aucun autre animal ne s'est révélé contaminé.
Face à l'ESB, nous avons encore renforcé notre système de salubrité des aliments et de santé des animaux dans plusieurs secteurs, à savoir la santé publique, la surveillance et l'identification. J'en dirai plus long sur certains de ces secteurs.
Pour ce qui est de la santé publique, en juillet dernier, le gouvernement a annoncé que les matériels à risque spécifiés, comme la cervelle et la moelle épinière, seraient retirés de la chaîne alimentaire humaine. La salubrité des aliments canadiens est assurée par le retrait de ces matériels des animaux à l'abattage. C'est la mesure de santé publique la plus efficace que l'on puisse prendre contre l'ESB.
Grâce à des mesures de surveillance renforcées, l'ACIA peut mieux déterminer la prévalence de l'ESB au Canada et évaluer avec quel degré d'efficacité ses programmes ont permis de prévenir la propagation de cette maladie. Notre objectif est d'être en mesure de déceler une vache contaminée par l'ESB avec un degré de précision atteignant un bovin sur 1 million.
Cette année, l'ACIA renforcera son programme de surveillance pour analyser au moins 8 000 animaux provenant de groupes à risque définis du cheptel bovin canadien. Désormais les analyses se multiplieront, reflétant ainsi les normes internationales qui devraient être révisées d'ici un an ou deux. Ces efforts bénéficieront de la participation soutenue des provinces.
[Français]
Par ailleurs, on s'emploie ici même et dans le monde entier à raffiner les tests de dépistage de l'ESB. Les chercheurs s'efforcent de trouver un moyen d'effectuer ces tests sur les animaux sur pied. L'ACIA appuie ces recherches et espère y consacrer d'autres ressources.
Depuis juin dernier, l'Agence a renforcé sa capacité à faire plus d'analyses. C'est ainsi qu'elle a équipé d'autres laboratoires fédéraux pour qu'ils puissent dépister l'ESB et qu'elle a assuré la formation des techniciens. Elle s'occupe également d'évaluer des tests de dépistage nouveaux et récents et de vérifier leur bonne utilisation dans un réseau élargi de laboratoires du Canada. L'ACIA collabore, par ailleurs, avec les provinces, les milieux de santé des animaux et les quatre collèges canadiens de médecine vétérinaire pour les faire participer à un programme élargi.
[Traduction]
Le troisième secteur est le programme d'identification. En mai dernier, grâce au programme d'identification du bétail, nous avons recueilli de précieux renseignements sur les antécédents de la vache atteinte d'ESB et, en décembre dernier, nous avons utilisé le système pour retracer le deuxième animal contaminé jusqu'à son élevage d'origine. Le gouvernement du Canada a approuvé d'autres investissements dans le programme d'identification du bétail afin de renforcer son potentiel de réaction face aux maladies animales.
Enfin, nous avons fait d'intéressants progrès dans nos efforts visant à réformer la réglementation des aliments du bétail. Le principal vecteur de transmission de l'ESB est précisément l'alimentation, en particulier les farines dérivées de ruminants contaminés, comme les bovins et les ovins, que l'on donne en nourriture à d'autres ruminants. Les restrictions qui frappent les aliments sont reconnues dans le monde entier comme le meilleur moyen d'enrayer la propagation de l'ESB et, en définitive, d'éliminer la maladie du cheptel bovin.
[Français]
En 1997, à titre de mesures de précaution, le Canada a interdit de donner en nourriture certaines protéines animales aux ruminants comme les bovins. Cette interdiction a beaucoup contribué à prévenir une flambée de l'ESB au Canada. Dans le sillage du dépistage d'un cas de l'ESB au Canada, nous devons à tout prix collaborer avec nos partenaires des provinces et de l'industrie pour renforcer nos réglementations des aliments du bétail.
[Traduction]
L'équipe internationale d'experts sur l'ESB a récemment publié son rapport sur la façon dont les États-Unis ont réagi à la découverte d'un cas d'ESB dans l'État de Washington. Il s'agissait essentiellement de la même équipe qui avait évalué l'enquête menée au Canada en juin dernier.
[Français]
Le groupe d'experts a confirmé que l'ESB est bel et bien une réalité nord-américaine. En effet, l'industrie bovine est éminemment intégrée sur ce continent en ce qui touche le pays des répercussions de tous les partenaires commerciaux d'Amérique du Nord.
[Traduction]
Les auteurs du rapport incitent vivement les partenaires de l'ALENA à collaborer pour que toutes les politiques de santé du public et des animaux soient adoptées de manière intégrée et concertée. C'est exactement ce que le Canada a toujours fait. Nous continuerons de collaborer avec les États-Unis et le Mexique pour dépister et gérer l'ESB en Amérique du Nord.
En conclusion, monsieur le président, la découverte de l'ESB en Amérique du Nord a mis à rude épreuve le système canadien d'hygiène et de salubrité des aliments. L'ACIA a passé ce test avec brio et s'est adaptée pour faire face aux nouvelles exigences. Et les Canadiens restent confiants que notre système d'hygiène et de salubrité des aliments fonctionne bien.
De fait, près du tiers des Canadiens affirment que leur confiance dans le système est plus grande que jamais grâce à la façon dont le dossier de l'ESB a été géré. Nous sommes résolus à encore améliorer l'un des meilleurs systèmes du monde.
Je vous remercie de votre attention et attends les questions des membres du comité.
Le président: Merci à tous les deux de vos excellents exposés. Avant que les sénateurs ne posent leurs questions, j'aimerais moi-même en poser deux, qui sont simples et fondamentales et qui, je pense, intéresseront de nombreux Canadiens.
Monsieur Marsland, lors de votre exposé, vous avez précisé que le Canada retire les MRS de la filière alimentaire humaine depuis le 23 août 2003. Votre tournure de phrase semblait indiquer qu'il s'agissait d'un processus continu. Que reste-t-il à faire avant qu'on puisse déclarer que les aliments destinés à l'homme sont salubres? Quels progrès ont pu être réalisés?
M. Marsland: Je vais vous répondre puis je donnerai la parole à mes collègues. La mesure qui nous intéresse a été annoncée le 18 juillet 2003 et mise en oeuvre à partir du 23 août; à l'heure actuelle, elle est appliquée dans tous les abattoirs homologués aux paliers fédéral et provincial.
M. Carberry: Les aliments canadiens sont déjà salubres. La mesure en question a été prise pour renforcer cette salubrité en réponse à cette maladie ou problème particulier. Mais les risques sont extrêmement minimes actuellement. Les aliments au Canada ne présentent aucun danger.
En collaboration avec nos partenaires, nous avons réagi rapidement. Les autorités d'homologation avaient déjà une présence dans les abattoirs au Canada où les MRS seraient retirés, du côté fédéral comme du côté provincial. Nous avons travaillé avec les provinces afin de nous assurer que cette mesure soit mise en oeuvre aussi rapidement que possible et, à ce moment-ci, on considère que c'est chose faite.
Le président: Très bien.
M. Carberry: Il est vrai qu'il y a toujours place à l'amélioration. Justement, nous travaillons en continu avec les provinces dans cette optique. Mais ces mesures ont force de loi au Canada et sont appliquées dans ce pays au moment où on se parle.
Le président: En gros, il s'agit de la cervelle et de la moelle épinière, n'est-ce pas?
M. Brian Evans, vétérinaire en chef du Canada, Agence canadienne d'inspection des aliments: Pour être très précis, au Canada, les matériels à risque spécifiés comprennent effectivement la cervelle et la moelle épinière, mais aussi d'autres tissus comme les yeux, les amygdales et d'autres groupes nerveux, ainsi que les ganglions de la racine dorsale et les ganglions de Gasser de l'animal. Ces tissus sont prélevés chez tous les animaux de plus de 30 mois. L'âge est déterminé en fonction de la dentition lors de l'abattage. De plus, un segment de l'intestin grêle est prélevé chez tous les animaux abattus parce que les recherches ont démontré qu'un segment, à savoir l'ileum distal, peut présenter un certain degré d'infectiosité même chez les animaux qui n'ont que six mois.
Le président: Dans tous les journaux qui s'intéressent à cette affaire, il est question de rouvrir la frontière aux vaches sur pied. Mais si les vaches étaient abattues et transformées ici, les éleveurs et transformateurs canadiens ne toucheraient-ils pas des revenus plus importants? Il me semble évident qu'un animal sur pied n'a pas une aussi grande valeur que le boeuf transformé. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi on met l'accent sur l'exportation de bétail sur pied?
M. Marsland: L'an dernier, le Canada a exporté quelque 1,7 million de têtes de bétail aux États-Unis. Il est vrai que c'était une année record, mais ça vous donne une bonne idée de l'importance du commerce de bétail sur pied.
L'accent qui est mis sur l'exportation de bétail sur pied s'explique par le fait que nous n'avons pas suffisamment de capacité d'abattage au Canada. Nous pouvons exporter aux États-Unis du boeuf en caisse carton, mais notre capacité d'abattage ne peut tout simplement par suffire au volume des dernières années.
Vous constatez donc qu'avant mai 2003, nos secteurs étaient véritablement intégrés, c'est-à-dire que les exportations de boeuf et de bétail sur pied réagissaient aux signaux du marché des deux côtés de la frontière. Il nous faut donc tout d'abord relancer le commerce des animaux sur pied; c'est le seul moyen de remettre en place un véritable marché intégré et de favoriser des conditions de marché normalisées.
Le sénateur Hubley: M. Marsland a indiqué que la stratégie était simple et claire. Il faut que les décisions soient prises en fonction de données scientifiques fiables. M. Carberry, pour sa part, a fait remarquer que de nouvelles méthodes de dépistage étaient évaluées et que leur utilisation appropriée était vérifiée grâce à un réseau important de laboratoires au Canada.
Cela veut-il dire que le Canada risque d'être obligé d'aller au-delà des mesures scientifiques, c'est-à-dire de prendre des décisions qui ne sont pas fondées sur des données scientifiques pour regagner l'accès au marché? Je pense à l'exemple du Japon, où tous les animaux destinés à la consommation humaine sont testés. Le Canada devrait-il mettre en oeuvre de telles mesures? Quel en serait le coût? La découverte récente de l'ESB au Japon influencera-t-elle vos décisions?
M. Carberry: Permettez-moi de clarifier les mesures qui ont été prises. Actuellement, il est malheureusement impossible de tester les animaux sur pied. Nous voudrions être en mesure de tester les animaux sans être obligés de les abattre d'abord. Bien évidemment, cela nous donnerait davantage de souplesse. L'intention n'est pas d'élaborer des tests qui nous permettraient d'agir sans fondement scientifique.
À titre d'information, je souligne que le programme de surveillance a été conçu pour déterminer la prévalence de l'ESB au Canada. C'est grâce à ce programme que nous connaissons le taux d'infection et que nous savons jusqu'à quel point les mesures prises précédemment ont porté fruit. Il nous aide aussi à déterminer comment procéder.
Les données scientifiques montrent que le dépistage de tous les animaux qui sont abattus en vue d'une consommation humaine n'est pas une mesure efficace. Nous sommes toujours d'accord avec ce point de vue. Nous sommes conscients que des deux côtés de la frontière, des producteurs individuels se sont intéressés à cette option et essaient de déterminer quels en seraient les coûts afin de respecter les protocoles souhaités par certains autres pays, mais nous pensons que cela n'a aucun fondement scientifique. Il est probable que les tests de dépistage effectués sur les animaux de moins de 30 mois ne décèlent pas la maladie en raison du temps qu'il faut à l'agent pathogène pour se manifester chez l'animal. M. Marsland pourra vous parler de l'évaluation des coûts, mais moi je peux vous dire que l'ACIA estime qu'il n'y a pas de fondement scientifique au test de dépistage systématique à l'abattage.
M. Evans: D'après nous, qui essayons de mettre cette maladie en contexte pour les consommateurs canadiens et internationaux, l'ESB a une réputation qui n'est pas fondée, qui repose sur le risque et qui a été la cause de difficultés économiques dans un grand nombre de pays. Nous essayons d'atteindre un équilibre entre le leadership que nous devons démontrer sur la scène internationale quant à la gestion adéquate de cette maladie et l'attention que nous devons porter aux forces du marché. L'aspect scientifique est une composante importante, mais il est évident que du point de vue du marketing, il faut également prendre en compte les valeurs de la société et les comportements des consommateurs.
Comme on l'a déjà indiqué, pour ce qui est des coûts globaux, grâce aux méthodes de dépistage rapide qui sont maintenant disponibles, le coût des tests individuels se situe entre 30 $ et 50 $. La période d'échantillonnage de la cervelle, le transport vers les laboratoires et tout le reste font augmenter les coûts. En moyenne, nous estimons que les coûts d'obtention d'un résultat se situent entre 120 $ et 190 $.
Nos politiques, comme celles de Santé Canada, ont pour but de protéger la santé de la population au maximum. Comme on l'a déjà fait remarquer, nous y parvenons en prélevant le MRS, méthode qui est reconnue par tous les pays et qui repose sur l'expérience internationale collective.
Quand on parle de tests de dépistage, il faut faire la différence entre des mesures visant à assurer la salubrité des aliments et des outils de marketing qui permettraient d'accroître les débouchés économiques. C'est un facteur clé qu'il nous faut prendre en compte lorsqu'on évalue les marchés à créneaux potentiels si l'on veut maintenir un équilibre économique.
Santé Canada soutient fermement que les tests de dépistage effectués sur les animaux au moment de l'abattage ne peuvent pas garantir la salubrité des aliments étant donné que la maladie se manifeste de façon progressive, comme on l'a déjà indiqué. Il est possible qu'à un moment donné les tests ne détectent pas la maladie chez un animal, mais qu'elle soit détectée par le biais d'un test ultérieur, lorsque l'animal aura développé la maladie. Les tests ne permettront pas de dépister tous les animaux infectés. On ne voudrait pas induire quiconque en erreur en disant que les tests permettent d'accroître la salubrité des aliments, car ce n'est pas le cas.
Si l'on évalue les coûts globaux à la lumière de l'efficacité des tests et sans oublier qu'il s'agit d'un investissement de fonds publics, nous savons que les tests effectués sur les animaux qui présentent des symptômes cliniques ou neurologiques rapportent entre 25 à 10 000 fois l'investissement. Notre programme a été conçu pour détecter les animaux lors de l'abattage, ou même avant, ainsi que les animaux qui ne se rendraient pas jusqu'à l'abattoir. Nous effectuons des tests à tous les niveaux du systèmes de production pour qu'on sache quelle est la véritable situation au Canada
M. Marsland: Les exportations canadiennes au Japon pour 2002, la dernière année complète, s'élèvent à près de 90 millions de dollars. Ce n'est pas insignifiant, mais il faut savoir que les exportations totales de bétail et de viande s'élèvent à 4,4 milliards de dollars.
Les exportations au Japon ou dans d'autres pays ne représentent qu'une portion de toute la carcasse, à savoir les coupes ou les organes qui sont en demande sur ce marché. C'est un grand nombre d'animaux abattus qui génèrent ces 90 millions de dollars en exportation, donc il ne s'agit pas d'un petit nombre de bovins abattus. Au contraire, un grand nombre de bêtes sont abattues, dont les diverses parties se retrouvent sur des marchés différents. Il faut prendre en compte cet aspect-là dans toute analyse économique.
Le sénateur St. Germain: Tout d'abord, je voudrais vous féliciter, monsieur Evans. Vous avez réussi à communiquer une certaine confiance dans votre travail, ce qui n'est pas facile lorsque tout le monde est pris de panique. Un vrai vent de panique s'est abattu sur l'Ouest du Canada. En fait, sur tout le pays. Je voulais donc vous féliciter d'avoir exercé un véritable leadership et d'être resté calme au plus fort de la crise.
Ma question rejoint celle du sénateur Hubley. Le système d'alimentation du bétail est-il seul en cause dans le dossier de l'ESB? Mis à part les farines animales données aux ruminants, c'est-à-dire les tissus de ruminants contaminés donnés à d'autres ruminants, y a-t-il d'autres facteurs pouvant causer la maladie? Les farines animales en sont-elles le seul vecteur?
M. Evans: Il n'y a pas de certitude scientifique sur les causes de l'ESB, mais il est vrai que la théorie prédominante est celle de la transmission par l'alimentation. Certains continuent toutefois de s'intéresser à d'autres facteurs. Il y a des théories qui ont été avancées selon lesquelles les composés organophosphorés et d'autres traitements associés aux antiparasitaires, notamment, seraient des facteurs de prédisposition. On a également spéculé sur la transmission par la mère ou encore sur la transmission spontanée par d'autres formes transmissibles d'encéphalopathie spongiforme, comme par exemple la variante sporadique de la maladie de Creutzfeldt-Jakob chez les humains.
Je répète que d'après l'expérience collective internationale, les scientifiques et les données scientifiques, la source primaire d'ESB serait les farines animales. C'est même comme ça qu'on explique l'apparition de la maladie au Royaume Uni: le changement des techniques d'équarrissage ainsi que le potentiel de croisement avec la tremblante du mouton, étant donné l'importance du cheptel ovin en Grande-Bretagne. Il existait dans cette région des facteurs de prédisposition qui ont mené à l'apparition de la maladie, qui s'est ensuite répandue par le biais des aliments pour bétail.
On attribue certainement la cause de l'apparition de la maladie au Japon à l'importation d'aliments pour bétail européens. Dans les 18 pays européens où la maladie s'est déclarée, on a déterminé que les aliments pour bétail importés étaient vecteurs de l'ESB.
La situation canadienne est unique: il y a tout d'abord l'appui important qu'ont manifesté les consommateurs après la découverte de l'ESB et, ensuite, le fait que nous soyons le seul pays, à notre connaissance, à pouvoir démontrer que la maladie s'est infiltrée au Canada par le biais de bétail sur pied importé dans les années 80. Un petit nombre de ces animaux s'est retrouvé dans la chaîne d'aliments pour bétail au Canada avant les mesures de retrait mises en place en 1994, suite à la détection d'une bête malade importée en Alberta.
Les dossiers sur l'alimentation pour bétail et l'importation indiquent qu'il y aurait potentiellement 10 animaux importés d'exploitations agricoles des Royaume-Uni qui ont été atteints de la maladie de la vache folle bien après avoir été exportés au Canada, mais étant donné la longue période d'incubation de la maladie, nous ne pouvons pas écarter ces cas-là. Voilà pourquoi nous poursuivons notre enquête afin de retracer ces animaux dans la chaîne d'alimentation pour bétail au Canada et les mouvements de ces farines animales dans les années 1980 et au début des années 1990 pour expliquer la situation actuelle. Ainsi, nous pourrons démontrer aux autres pays l'efficacité des mesures qui ont été prises par après pour gérer l'éclosion de la maladie en l'empêchant de se propager au sein du cheptel canadien.
Le sénateur St. Germain: Vous avez également indiqué que le dépistage systématique ne serait pas efficace parce que la maladie est progressive et prend un certain temps à se manifester, et pourtant le Japon effectue des tests sur tous les animaux. Les Japonais créent-ils un faux sentiment de sécurité sur leur marché? Il me semble que les derniers témoins ont parlé de la possibilité de mettre en place des abattoirs et installations de dépistage pour le marché japonais uniquement. J'ai l'impression que cela est contradictoire. Je comprends votre logique: le Japon réconforte ses consommateurs en effectuant des tests sur tous les animaux, et pourtant, il est possible que ces mesures donnent une fausse impression d'innocuité. Qu'en pensez-vous, monsieur?
M. Evans: J'aborderais deux aspects. Tout d'abord, le Japon a mis en place un programme massif de dépistage systématique à l'abattage. Des 10 animaux qui ont été détectés au Japon, on a identifié deux cas potentiels de jeunes bêtes de moins de 24 mois. Malheureusement, ces bêtes font partie de la catégorie d'animaux pour laquelle la science n'a pas encore tranché. S'il est vrai que la méthode de test rapide utilisée au Japon a décelé la présence de la maladie, les tests d'immunohistochimie et d'histopathologie acceptés au niveau international, par le biais desquels on procède à l'examen direct de la cervelle, n'ont pas généré de résultats positifs. La communauté internationale doit collaborer avec le Japon pour essayer de comprendre la situation de ces deux animaux et ce qu'ils représentent dans le contexte global de l'ESB.
Il est vrai que lorsque le premier cas d'ESB a été détecté au Japon, le marché national a été bouleversé et le pays a connu une crise de confiance par rapport à son gouvernement et à son système de salubrité des aliments. Ainsi, le gouvernement japonais a dû réagir sur deux fronts: regagner la confiance des consommateurs et démontrer l'efficacité des mesures prises pour faire face à la maladie. On a voulu convaincre les consommateurs que le dépistage systématique permettrait de rétablir la confiance perdue.
Le Japon reconnaît que les mesures mises en place avant la détection du premier cas d'ESB étaient insuffisantes. Les farines animales n'étaient pas interdites au Japon comme au Canada et aux États-Unis. Les autorités japonaises reconnaissent qu'elles importaient des aliments pour bétail européen et que c'est cela qui a causé la crise actuelle. Avant la détection de la maladie, elles ne comprenaient pas vraiment comment cette maladie était maîtrisée. Nous apprenons maintenant qu'il faudra attendre de cinq à sept ans avant de connaître l'ampleur du problème au Japon. Je pense que le Japon a abordé le problème d'une autre façon; l'objectif n'était pas nécessairement de maîtriser la maladie et de s'assurer de la salubrité de la chaîne alimentaire, mais plutôt de démontrer aux consommateurs que les autorités feraient tout leur possible, en tirant profit des outils disponibles, pas nécessairement pour assurer la salubrité des aliments, mais pour démontrer que le gouvernement comptait véritablement résoudre le problème.
Ce n'est pas seulement le Japon qui a dû faire face à ce problème. Prenons l'exemple du conseil de l'Europe, entre autres, qui a connu les mêmes problèmes. Le panel international d'experts a clairement indiqué que dans les cas canadiens et américains, le dépistage systématique à l'abattage n'était pas une mesure appropriée. Je le répète, cela mène plutôt à l'hystérie et à la paranoïa et n'assure pas la salubrité des aliments comme le prélèvement des MRS. On se retrouve aussi dans une situation où des tests sont effectués sur des animaux pour lesquels on n'a pas prouvé l'efficacité du dépistage. Ainsi on se retrouve face à un autre leurre, à savoir le recours à des méthodes scientifiques incertaines qui n'aident pas à gérer la maladie mondialement.
Le sénateur St. Germain: J'ai une question. La frontière américaine est actuellement complètement fermée. Peut-on exporter de la viande provenant d'animaux de moins de 30 mois?
M. Marsland: Oui, ce sont les bêtes sur pied et la viande provenant d'animaux de plus de 30 mois qui ne peuvent être exportées.
M. Evans: Il y a d'autres secteurs touchés qu'il ne faudrait pas négliger: les moutons, les chèvres et les cerfs; bien que le boeuf soit le poids lourd économique. Il faut reconnaître qu'il existe d'autres secteurs qui ont été touchés et se retrouvent dans une situation tout aussi difficile.
Le sénateur Fairbairn: J'aurais une observation. Vous répondiez tout à l'heure aux questions posées par le sénateur St. Germain et disiez que le Japon appliquait une politique de dépistage systématique, ce qui n'est pas le cas ici. Je pense qu'il faut reconnaître que la réaction des Canadiens a été très différente de celle des Japonais, qui ont tout simplement cessé d'acheter de la viande de boeuf. Au Canada, Dieu merci, la population a augmenté sa consommation de boeuf de façon marquée, ce qui montre à quel point elle fait confiance à notre système. Monsieur Evans, c'est en grande partie grâce à l'ACIA que nous avons connu ce climat de confiance et nous vous en remercions.
Comme vous le savez, je suis originaire du sud-ouest de l'Alberta, où l'on trouve toutes les victimes de cette crise: des producteurs, les exploitants de parcs d'engraissement et d'abattoirs, les camionneurs, ainsi que la frontière. Ce n'est pas réjouissant. En fait, c'est déchirant, mais je dois dire qu'en raison de la façon dont a été géré la crise, on espère toujours que les choses vont s'arranger.
D'ailleurs, les choses avançaient bien jusqu'à ce qu'on découvre le deuxième cas d'ESB en décembre. De plus en plus anxieux, les gens se sont mis à poser des questions sur la frontière dans nos deux pays parce qu'il n'existe pas de force unifiée aux États-Unis non plus. La population et certains intervenants du secteur agricole se sont mis à débattre du bien-fondé du dépistage systématique, question à laquelle vous avez répondu.
Mais de notre côté, nous avons aussi fermé la frontière, même si nous l'avons fait de façon plus modérée. Cela fait quelques années déjà que l'importation de certains produits japonais est interdite. De plus, le différend avec les États- Unis au sujet de la fièvre catarrhale du mouton et de l'anaplasmose s'éternise. Les intervenants du secteur sont nombreux à nous demander s'il ne serait pas possible de trouver une solution à ces problèmes commerciaux avec les États-Unis. Une résolution du problème est-elle possible? Si oui, pourquoi cela prend-il si longtemps? C'est un problème persistant.
M. Evans: De façon globale, je suis d'accord avec vous. Le Canada et les États-Unis admettent qu'ils n'ont pas toujours aidé à gérer les importations à l'échelle mondiale par l'adoption de normes internationales reconnues.
Je préciserais également que nous avons déjà importé des produits japonais. Nous avons importé du matériel génétique — du boeuf wagyu — et nous avons pris les mesures qui s'imposaient. Il est important de noter que le Japon n'a jamais demandé officiellement au Canada de permettre l'importation de ses produits carnés ou autres. Si le Japon manifestait un intérêt à cet égard, nous serions prêts à entamer les procédures. Nous estimons que le commerce doit se faire dans les deux sens, dans le respect des normes internationales des deux côtés.
En ce qui concerne la fièvre catarrhale du mouton et l'anaplasmose, nous cherchons à faire progresser l'ouverture de la frontière avec les États-Unis au fur et à mesure des progrès scientifiques. La fièvre catarrhale du mouton ne mérite pas sa désignation internationale comme maladie de la liste A de l'Office internationale des épizooties, l'OIE. Dans certaines régions du monde, notamment en Europe, la simple évocation de la fièvre catarrhale inspire autant de craintes qu'en inspire la fièvre aphteuse en Amérique du Nord. L'idée qu'on se fait d'une maladie change selon qu'on est touché par cette maladie ou qu'on ne l'est pas. C'est notamment ce qui explique que le Canada ait pu continuer à exporter du matériel génétique de façon concurrentielle et sans restrictions parce qu'il a su éviter justement l'apparition chez nous de la fièvre catarrhale du mouton et de l'anaplasmose. Nous avons tenté d'améliorer le commerce transfrontalier il y a de cela plusieurs années déjà en autorisant l'arrivée d'importations sans tests préalables pendant la période hivernale. La fièvre catarrhale du mouton est propagée par des insectes piqueurs qui ne passent pas l'hiver au Canada, si bien que les animaux se débarrassent de la maladie quand vient le printemps. Voilà ce que nous avons fait dans un premier temps pour nous attaquer au problème, et c'est ce qui a permis ces importations saisonnières.
Dans un deuxième temps, nous avons poursuivi la recherche afin de montrer que les insectes piqueurs en question n'étaient pas présents dans l'Est du Canada, et c'est ce qui a permis la libre circulation dans l'Est du Canada à longueur d'année, sans pour autant que la maladie ne s'y manifeste. Nous avons géré ces animaux dans l'Est du Canada avant qu'ils ne puissent entrer à l'Ouest.
À l'heure actuelle, des travaux progressifs sont en cours à Agriculture et Agroalimentaire Canada et au laboratoire de recherche de Lethbridge. M. Tim Lysyk fait des travaux sur la compétence de ces vecteurs, travaux qu'il devrait mener à terme d'ici huit à dix mois. En décembre, nous avons présenté un document de discussion au forum consultatif qui a réuni au Canada 126 groupes de l'industrie de même que les provinces et les facultés de médecine vétérinaire. Le document en question a été affiché pour que les gens puissent faire leurs commentaires avant la date limite qui avait été fixée au 15 février. Nous sommes en train d'étudier les commentaires que nous avons reçus afin d'en arriver à un document d'orientation définitif au début mars. Nous sommes d'avis que nous pouvons compter sur les fondements et le consensus nécessaires avec l'industrie canadienne afin de nous attaquer de façon constructive à la fièvre catarrhale et à l'anaplasmose.
Le sénateur Fairbairn: Voici une question qui ne pèse peut-être pas très lourd dans l'ensemble mais qui fait certainement partie du problème. En tout cas, c'est certainement quelque chose qui préoccupe ceux qui regardent les jours passer sans que rien ne se passe.
Dans quelle mesure avons-nous ce qu'il faut pour effectuer tous les tests supplémentaires que vous comptez faire? Devrons-nous bâtir de nouvelles installations ou agrandir les installations existantes? Je prêche ici pour ma paroisse, en l'occurrence Lethbridge.
M. Evans: Nous avons au Canada la capacité budgétaire dans nos laboratoires pour faire les tests prévus. Depuis l'annonce du cas qui a été découvert en mai dernier et la validation, comme le disait M. Carberry, ou l'évaluation de nouvelles méthodes de dépistage à notre laboratoire central de Winnipeg, nous avons réussi à homologuer trois nouvelles méthodes de dépistage au Canada, qui pourront être appliquées par les laboratoires provinciaux. Le gouvernement de l'Alberta a adopté une de ces méthodes pour élargir sa capacité au niveau provincial. Par ailleurs, il faudra investir des sommes modiques dans certains laboratoires pour passer à ce que nous appelons le bioconfinement de niveau deux. Selon le cas, il faut que le laboratoire ait les moyens de protéger ceux qui travaillent avec les maladies dépistées et aussi d'éviter que les maladies ne se propagent à l'extérieur.
Les niveaux de bioconfinement vont de un à quatre, quatre étant le niveau le plus élevé. Il s'impose pour des maladies comme l'Ebola. Pour les tests de dépistage rapide, c'est le confinement de niveau deux qui s'applique. Il faut pouvoir assurer un certain degré de confinement du matériel testé, non pas à cause d'un risque évident pour la santé publique, mais pour éviter une contamination croisée à l'intérieur du laboratoire. Nous avons au Canada un certain nombre de laboratoires qui ont une capacité de niveau deux. Il y en a d'autres qui sont en train d'améliorer leurs installations pour atteindre le niveau deux.
Nous avons, dans l'ensemble au Canada, la capacité voulue pour atteindre nos objectifs en matière de dépistage. Le plus grand défi consiste à assurer la proximité géographique entre les lieux de dépistage et les abattoirs, notamment, pour le dépistage faits sur les animaux au moment l'abattage. Tous les animaux que nous testons doivent être identifiés de manière à ce que nous puissions en retracer l'origine, si besoin est, mais les carcasses doivent être retenues jusqu'à ce que les résultats reviennent. Nous devons donc affecter nos ressources dans les endroits où se trouvent les abattoirs afin que les résultats puissent revenir dans un délai d'un jour et éviter ainsi que le programme de dépistage ne constitue un fardeau économique supplémentaire pour l'industrie.
Le sénateur Callbeck: Monsieur Evans, vous avez parlé du programme d'identification dentaire utilisé pour déterminer si l'animal est âgé de 30 mois, s'il est plus vieux ou s'il est plus jeune.
D'après ce qu'on m'a dit, le recours à cette méthode préoccupe énormément les producteurs qui trouvent qu'elle ne permet pas de déterminer l'âge avec exactitude. Or, l'âge de l'animal a une incidence considérable sur le prix qu'ils peuvent en obtenir. J'aimerais savoir ce que vous pensez de cela et vous demander aussi si vous envisagez d'autres méthodes.
M. Evans: Merci pour cette question. À l'heure actuelle, l'évaluation dentaire est la seule méthode reconnue à l'échelle internationale pour déterminer l'âge de la carcasse ou de l'animal avant l'abattage, et sa mise au point ainsi que son application sont principalement dues au système de dépistage précoce qui a été mis en place au Royaume Uni pour venir à bout du problème quand la situation était au pire dans ce pays.
Nous avons fait du travail là-dessus, et le laboratoire de Lethbridge, du côté agricole, a fait des études pour comparer l'exactitude de l'évaluation dentaire par rapport à d'autres types d'évaluation, y compris celle qui se fondent sur le cycle d'ossification de certaines parties de la carcasse. Cette méthode présente toutefois un inconvénient du fait qu'elle est utilisée plus loin dans la chaîne de transformation et que, à l'heure actuelle, les restrictions qui s'appliquent aux États-Unis nous obligent à ségréger les animaux au début de la chaîne de production pour que nous puissions les acheminer suivant une filière distincte.
C'est une méthode qui a à peu près le même potentiel diagnostique. Elle nous permet en tout temps de reconfirmer l'évaluation de l'âge qui a été faite à partir de la dentition, mais elle ajoute une autre complication du fait qu'on ne peut pas utiliser de scie ou de couteau pour ces mêmes animaux à ce point-là de la chaîne d'abattage.
Nous travaillons avec les représentants de l'industrie, qui nous ont proposé certaines améliorations au Programme canadien d'identification du bétail, qui s'appliqueraient au moment où les animaux sont étiquetés, à la ferme, afin d'inclure un paramètre fondé sur l'âge dans le processus de l'Agence canadienne d'identification du bétail ou ACIB. Grâce à ce paramètre, l'information serait disponible au moment de l'abattage. Nous avons également convenu avec l'industrie de travailler ensemble afin d'essayer de trouver un système de documentation qui serait crédible étant donné les pratiques courantes dans l'industrie selon lesquelles on achète les animaux à un certain âge pour ensuite les engraisser et les revendre avant qu'ils n'atteignent 24 mois, et ce, afin que nous puissions les vendre à l'étranger, aux États-Unis, au Mexique ou dans d'autres pays, où ces restrictions s'appliquent.
Nous sommes prêts à envisager d'autres méthodes, mais malheureusement, la seule qui soit reconnue à l'échelle internationale à l'heure actuelle, c'est l'évaluation dentaire. Quelle que soit la méthode sur laquelle nous réussirions à nous entendre avec l'industrie, il nous faudrait ensuite la faire accepter par les autres pays.
Le sénateur Callbeck: Je sais qu'il y a de nombreux programmes qui ont été mis sur pied depuis l'arrivée de l'ESB. Je sais que le Programme national de redressement de l'ESB a pris fin, et je me demande si on l'a évalué. Je m'interroge notamment sur les 45 millions sur 500 millions qui ont été remis aux abattoirs pour accroître le prix payé aux producteurs. Êtes-vous sûr que ces 45 millions on abouti entre les mains de ceux à qui ils étaient destinés? J'ai entendu dire que les abattoirs avaient empoché l'argent.
M. Gilles Lavoie, directeur général principal, Opérations, Direction générale des services à l'industrie et aux marchés, Agriculture et Agroalimentaire Canada: La grande préoccupation de l'industrie et du gouvernement l'été dernier, c'était l'incapacité des éleveurs à trouver un abattoir prêt à abattre leurs animaux. Vous vous souviendrez que vers la fin de mai, nous recevions un peu moins de 30 000 animaux par semaine, comparativement au 60 000 et plus avant l'apparition de l'ESB.
Aussi le gouvernement et l'industrie cherchaient un moyen d'encourager non pas seulement les éleveurs, mais aussi les abattoirs à acheter le bétail disponible et à rétablir ainsi la confiance dans l'industrie, même si, à l'époque, il n'y avait pas vraiment de bons débouchés pour beaucoup de sous-produits. Pour les coupes de choix, il était assez facile de s'imaginer qu'elles trouveraient toutes preneurs parmi les consommateurs canadiens. Mais pour certains des produits traditionnellement destinés à l'exportation — foie, langue, rognons et le reste —, les abattoirs disaient qu'ils s'accumuleraient en l'absence de débouchés. Nous avons donc prévu un volet du programme pour encourager les abattoirs à assumer les coûts supplémentaires de l'abattage des animaux même si, à l'époque, ils ne pouvaient pas trouver de marché pour les produits comme les langues, les foies, les rognons, et cetera.
Hier, on a posé la même question à la Chambre des communes. Un représentant d'un abattoir qui était là a dit que le programme avait certainement contribué à lui redonner, à lui et à son entreprise, la confiance nécessaire pour rappeler les employés qui avaient été mis à pied, car cela lui montrait que si le gouvernement et les éleveurs avaient confiance dans l'industrie et dans la possibilité que la frontière soit rouverte, il pouvait, lui aussi, avoir confiance dans le processus.
Nous n'avons toutefois pas fait d'évaluation officielle du programme, que je sache.
Le sénateur Callbeck: Allez-vous en faire une évaluation officielle?
M. Lavoie: Il serait extrêmement difficile de le faire. Nous pourrions effectuer un sondage auprès des entreprises qui ont reçu l'argent afin d'essayer de savoir ce qu'elles auraient pu faire d'autre n'eut été de ce programme, mais ce serait une évaluation après le fait. Le programme dans son ensemble a bien fonctionné. Nous sommes passés de 30 000 à 60 000 animaux par semaine à la fin août, et c'était là l'objectif du programme. Le but était d'amener les animaux dans les abattoirs.
Le sénateur Callbeck: Quand vous parlez du programme dans son ensemble, vous parlez non pas seulement des 45 millions de dollars, mais de tout le programme de redressement de l'ESB.
M. Lavoie: Oui.
Le sénateur Callbeck: Pour ce qui est de cette plainte selon laquelle les abattoirs auraient gardé les 45 millions de dollars pour eux, n'y aura-t-il pas une évaluation pour vérifier si c'était le cas?
M. Lavoie: Il s'agit d'un des deux volets du programme. Ce volet consistait à aider les abattoirs à offrir un meilleur prix, tandis que l'autre prévoyait des paiements directs d'indemnisation aux éleveurs.
Les abattoirs n'étaient admissibles au programme que s'ils abattaient des animaux. Ils devaient prouver qu'ils avaient abattu des animaux après le 20 mai afin d'être admissibles. Voilà les deux volets qui ont bien fonctionné ensemble.
Le sénateur Callbeck: Êtes-vous convaincu que ce volet du programme, soit les 45 millions de dollars, a vraiment atteint son objectif de départ?
M. Lavoie: D'après l'information que nous avons à l'heure actuelle, il semble avoir donné le résultat escompté, qui était d'acheminer le bétail vers le marché.
Le sénateur Gustafson: Combien y a-t-il de boeuf transformé qui arrive au Canada des États-Unis?
M. Marsland: Il n'y en a pratiquement pas pour l'instant, puisque les États-Unis ne se sont pas entendus sur une méthode de certification du boeuf qui respecte les conditions auxquelles on était arrivé l'an dernier pour les exportations canadiennes. Mais les discussions se poursuivent pour tenter de dénouer l'impasse.
Le sénateur Gustafson: Les vaches laitières sont-elles plus sujettes à la maladie que les autres types de bovins?
M. Evans: Il n'y a aucune différence de susceptibilité entre les vaches laitières et les bovins de boucherie. Nous avons toutefois été à même de constater que les vaches laitières sont généralement nourries de rations plus concentrées. C'est ce qui explique dans une large mesure ce qui s'est produit en Europe, où plus de 80 p. 100 des cas de la maladie ont été observés chez des vaches laitières. Il s'agit d'une conséquence des programmes d'alimentation liés à l'élevage de ce type de bovin; il n'y a aucun lien à faire avec la susceptibilité de l'espèce.
Le sénateur Gustafson: D'après ce que vous en savez, est-on maintenant venu à bout du problème en Europe, ou surtout en Grande-Bretagne?
M. Evans: Je ne crois pas me tromper en disant qu'au Royaume-Uni, notamment, on a adopté des mesures qui atteignent un degré d'efficacité élevé. Quand la crise a atteint son sommet au Royaume-Uni, le nombre de cas d'ESB s'élevait à plus de 1 000 par semaine. Il est maintenant bien en deçà de 100. Toute proportion gardée, les progrès sont donc considérables.
J'ai entièrement confiance que, grâce aux mesures qui ont été mises en place, le Royaume-Uni réussira à enrayer l'ESB d'ici dix ans.
Le sénateur St. Germain: Vous avez dit qu'il y en a encore 100 par semaine?
M. Evans: Au Royaume-Uni, il y a maintenant moins de 100 cas par mois.
Le sénateur Gustafson: Quelle est l'importance du marché spéculatif au Canada — ceux qui achètent du bétail en prenant pour hypothèse que la frontière va rouvrir?
M. Marsland: Je n'ai pas cette information.
Le sénateur Gustafson: C'est pourtant ce qui se passe. Êtes-vous au courant de cela?
M. Marsland: Je crois que cela fait partie du fonctionnement normal du marché.
Le sénateur Gustafson: Pensez-vous que nous avons, comme l'ont dit tous les membres du comité ici présents, un excellent programme de santé et que nous avons bien fait les choses? Le faisons-nous assez savoir sur le marché international? Devrions-nous en faire plus de ce côté-là?
M. Marsland: Diverses interventions se succèdent constamment sur de nombreux marchés dans le monde, depuis les missions techniques — visites et entretiens avec les experts techniques des pays — jusqu'aux efforts déployés de concert avec l'industrie pour faire passer le message aux marchés clés.
J'ai dit dans mon exposé préliminaire que nous allions envoyer un vétérinaire à Tokyo dès la semaine prochaine, nous l'espérons. Il sera basé à Tokyo, mais il s'occupera aussi des autres marchés asiatiques. Son rôle consistera en grande partie à faire connaître les mécanismes de gestion du risque que nous avons mis en place au Canada depuis des années et ceux que nous sommes en train d'ajouter.
Le sénateur Gustafson: Ce qui m'inquiète, c'est que dès qu'on signale un cas de maladie, comme cela s'est produit pour ce cas de grippe aviaire, les médias s'en saisissent aussitôt; et un problème qui n'était pas très important au départ prend des proportions énormes à cause de toute cette attention. Il me semble que nous devrions peut-être déployer plus d'efforts pour sensibiliser le public, au Canada et à l'étranger, à la réalité scientifique.
M. Evans: J'ai deux petits points à soulever en réponse à votre question. Le fait que la confiance des consommateurs canadiens dans notre régime réglementaire soit demeurée solide n'est pas passée inaperçue dans les autres pays. Bon nombre des questions provenant de l'étranger revenaient à nous demander: Pouvez-vous confirmer que la confiance des consommateurs canadiens est toujours solide?
Comme ils n'avaient pas vu ce genre de réaction ailleurs dans le monde auparavant, nos interlocuteurs ont été contraints de regarder notre régime sous un autre jour, de le considérer à la lumière de cette confiance que gardaient les consommateurs canadiens alors que les consommateurs d'autres pays avaient perdu toute confiance dans leur régime dès l'apparition du premier cas d'ESB. C'est là quelque chose qui impressionne énormément dans ces autres pays, le fait que les consommateurs canadiens qui mangent tous les jours des aliments canadiens estiment que leur système de salubrité des aliments répond à leurs besoins. Ce genre de publicité ne s'achète pas.
Par ailleurs — et je suis d'accord avec vous là-dessus —, il nous faut déployer tous les efforts possibles, non pas seulement entre gouvernements, mais entre gouvernement et consommateurs étrangers pour ramener la demande de produits canadiens à ce qu'elle était auparavant. Nous devons aussi faire connaître les déclarations favorables à notre endroit qui ont été faites par des organismes impartiaux — le comité international, l'Office international des épizooties, l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture. Ces organismes ont fait des déclarations publiques où ils louaient les efforts du Canada en matière de transparence de même que notre compétence, notre capacité à réagir aux circonstances et le fait que nous avons mis le consommateur et l'intérêt public au premier rang de nos préoccupations dans nos efforts pour enrayer la maladie. Ces déclarations favorables de la part d'organismes internationaux de haut niveau finiront bien par nous servir à plus long terme, car elles montreront que les autres pays du monde respectent l'intégrité de notre système d'inspection.
Il nous faut maintenant faire un grand pas pour passer à l'étape suivante, c'est-à-dire pour passer de l'étape des évaluations scientifiques et techniques et celle de l'acceptation politique de ces déclarations des organismes de réglementation internationaux. Voilà où nous devons maintenant investir nos efforts.
Le sénateur Gustafson: À propos d'acceptation politique, pensez-vous que le marché commun nord-américain — car c'est bien ce dont il s'agit — a peut-être fonctionné assez bien du point de vue économique, mais pas tellement du point de vue scientifique pour ce qui est de la collaboration transfrontalière? Dans quelle mesure est-il important de faire front là-dessus maintenant et à l'avenir?
M. Carberry: Depuis que tout cela a commencé, en tout cas depuis que les États-Unis ont été touchés eux aussi par la maladie, nous essayons de leur faire comprendre que le monde nous voit plus que jamais comme un marché nord- américain intégré, plus que quand le Canada était le pays d'Amérique du Nord qui était touché par la maladie. Étant donné le degré d'intégration de notre marché, certains pays ont compris cela. Je pense qu'ils comprennent encore plus maintenant. Pour que nous puissions convaincre le monde entier de l'innocuité des produits nord-américains et de l'opportunité d'ouvrir les marchés à ces produits, nous allons devoir prendre des mesures à l'échelle nord-américaine afin de bien montrer par nos gestes que nous croyons vraiment ce que nous disons.
L'argument semble gagner du terrain aux États-Unis, tout comme au Mexique. À ce propos, M. Marsland et moi étions justement aux États-Unis la semaine dernière, et nous avons établi un mécanisme qui nous permettra de commencer à bâtir ce système nord-américain harmonisé. Ce mécanisme existe maintenant au premier palier, c'est-à- dire sur le plan de la science et des politiques, mais il faut maintenant passer au palier suivant, c'est-à-dire faire en sorte de poser des gestes qui se traduiront par l'ouverture des frontières afin de montrer que nous avons confiance dans les produits nord-américains.
Ce sera l'un de nos outils les plus efficaces pour montrer aux consommateurs et aux gouvernements étrangers que nous croyons vraiment ce que nous disons. Nous voudrions que le processus s'enclenche le plus rapidement possible pour que nos frontières s'ouvrent le plus possible.
Le sénateur Gustafson: À combien s'élève le nombre de vaches à viande? J'entends par là les vaches dont on tire la viande à hamburger. J'imagine qu'on en écoule beaucoup dans les McDonald's et les autres entreprises de restauration semblables.
M. Lavoie: Je crois que Statistique Canada a publié il y a deux semaines des informations selon lesquelles le nombre de vaches sur les fermes canadiennes au 1er janvier 2004 était supérieur de 8,7 p. 100 au nombre recensé au 1er janvier 2003. La taille du cheptel au 1er janvier 2004 est donc de 8,7 p. 100 supérieure à ce qu'elle était le 1er janvier de l'année précédente. Si l'on prend uniquement les bovins de boucherie, on note un accroissement de 5,7 p. 100.
L'accroissement se fait surtout remarquer chez les jeunes animaux. Nous avons maintenant plus de veaux et de bouvillons de moins d'un an. Ils se trouvent quelque part dans les fermes, pas dans les parcs d'engraissement; ce qui veut dire qu'on les retient à la ferme où ils sont nés.
Il ne faut pas oublier non plus que l'année 2003 n'a pas été une très bonne année à cause de la sécheresse que nous avons connue. Il y a eu des réductions dans certaines provinces. Il faut être prudent quand on compare la taille du cheptel d'une année à l'autre. Sa taille a toutefois atteint un niveau record: 14,7 millions de bovins au Canada, c'est beaucoup.
Le sénateur Mercer: Monsieur Carberry, en conclusion de votre exposé préliminaire, vous avez dit que la découverte d'un cas d'ESB en Amérique du Nord avait mis à rude épreuve le régime canadien de protection de la salubrité des aliments.
Avons-nous réussi à passer à travers cette épreuve? En avons-nous tiré des leçons qui nous aideront à nous améliorer en prévision des cas qui pourraient survenir à l'avenir?
M. Carberry: À mon avis, nous avons certainement réussi à passer à travers l'épreuve. Vous constaterez que le public a, lui aussi, l'impression que nous nous sommes bien tirés d'affaire.
Allons-nous faire les choses différemment dans l'Amérique du Nord de l'après-ESB? Oui. Nous avons déjà commencé en prévoyant, par exemple, le prélèvement du MRS, en proposant des améliorations à notre politique d'alimentation des animaux et en renforçant notre surveillance. Oui, nous allons faire les choses différemment parce que le contexte a changé.
Nous avons effectivement réussi, comme le confirme l'accroissement de la consommation de produits du boeuf au Canada, et comme l'a dit M. Evans tout à l'heure, les déclarations favorables à notre endroit qui ont été faites par d'autres pays, par des organismes comme l'OIE et l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture ou FAO sont loin d'être négligeables. Ces déclarations visent non seulement les tests que nous avons faits au moment où nous avons découvert cette vache positive, mais aussi tout ce que nous avons fait pendant les décennies précédentes. Car les déclarations confirmaient aussi le bien-fondé du régime qui était en place depuis déjà des années.
Le sénateur Mercer: C'est tout un éloge pour le programme et pour la façon dont nous avons réagi que la consommation de boeuf ait augmenté, mais d'après l'indice des prix à la consommation, les prix du boeuf au détail ont chuté de 14 p. 100 de mai à septembre 2003. Ce fléchissement des prix était toutefois bien loin de la baisse radicale de 50 p. 100 qu'ont connu les prix du bétail.
Je serais bien curieux de connaître l'explication de ce phénomène. Je sais que les consommateurs seraient très curieux d'en connaître l'explication. C'est une question que je vais poser à tous les témoins que nous allons entendre jusqu'à ce que quelqu'un me donne une réponse qui me paraît sensée. Les pauvres agriculteurs paient le prix en obtenant 50 p. 100 de moins pour leurs animaux, mais les consommateurs n'ont pas droit à la même réduction.
Pouvez-vous m'expliquer cela?
M. Lavoie: Nous aimerions tous savoir exactement ce qui s'est produit. Il convient de souligner que quand on amène des bêtes sur pied à l'abattoir, 60 p. 100 seulement de la viande est achetée par des détaillants. En tant que consommateurs, nous n'achetons que 70 p. 100 de ce qui arrive sur le marché du détail. Le reste de la viande est transformé en farines animales et autres produits de récupération.
Le coût du transport, le coût de l'abattage des animaux, de la réfrigération, des parures, de l'emballage, tout cela ne change pas. En outre, il y a les coûts liés aux limites à l'exportation en ce moment. L'exportation permet d'équilibrer l'offre et la demande, comme l'expliquait M. Marsland, l'exportation vers les pays asiatiques, par exemple, mais bien des produits ne peuvent plus être exportés.
Ce sont les usines de transformation qui doivent maintenant assumer les frais liés aux produits qui, avant mai dernier, étaient vendus aux usines d'équarrissage. Tout cela mis ensemble — et l'estimation n'est pas de nous mais bien de l'industrie de la transformation, c'est-à-dire du Conseil canadien des viandes — finit par coûter 192 dollars la tête de plus aux abattoirs. En outre, il faut retirer le matériel à risque spécifié des carcasses des animaux plus âgés, de même que l'intestin grêle de tous les animaux.
Tout cela fait en sorte que les abattoirs, notamment, doivent assumer des coûts supplémentaires à cause de cette situation. Pour ce qui est de savoir si de ce fait, leur bénéfice est plus élevé ou moins élevé qu'auparavant, d'après les données que nous avons — et il ne s'agit que de données partielles provenant d'études faites dans certains endroits comme le George Morris Centre —, il semble que leur marge bénéficiaire soit assez bonne en ce moment.
Le sénateur Mercer: Si la marge bénéficiaire est assez bonne, c'est que les bénéfices sont plus élevés, je suppose.
M. Lavoie: Oui.
Le sénateur Mercer: Je veux revenir brièvement à quelque chose que vous avez dit au sujet du coût de l'abattage d'un animal. J'ai compris en partie ce que vous avez dit. Mais tout à l'heure dans votre exposé, vous avez parlé du fait que nous n'avions pas la capacité voulue pour abattre tous les animaux qu'il faudrait abattre. Si tel est le cas et que l'abattage se fait presque entièrement au Canada, parce que nous ne pouvons pas exporter nos animaux, il me semble que nos abattoirs doivent avoir accru leur capacité. Si tel est le cas, mon sens des affaires me dit que leur situation ne doit pas être aussi désespérée qu'ils le prétendent.
M. Lavoie: Il existe des problèmes quant à la capacité d'abattage et à l'endroit où sont situés les abattoirs. Tout d'abord, il n'y a pas de grands abattoirs au Manitoba, par exemple. La capacité d'abattage est également limitée en Saskatchewan. L'Ontario compte trois ou quatre bons abattoirs, mais à l'heure actuelle, aucun d'eux ne fait l'abattage des bêtes plus âgées, du moins en ce qui a trait aux opérations faisant l'objet d'inspections fédérales. L'emplacement des abattoirs fait donc partie du problème.
Durant la dernière semaine du mois d'août, on a abattu 72 000 bovins au Canada. À l'heure actuelle, on en a abat de 66 000 à 68 000. L'infrastructure dont nous disposons actuellement nous permettrait d'en abattre davantage. Certains abattoirs ont indiqué que s'il existait un marché pour les produits, ils seraient prêts à ajouter un quart de travail ou même à se doter d'une capacité de réfrigération supplémentaire, car cette capacité de réfrigération impose également des limites.
Le président: Combien de bovins supplémentaires pourrait-on abattre en ajoutant un quart de travail, de 68 000 à 72 000?
M. Lavoie: L'ajout d'un second quart de travail dépend de la disponibilité des travailleurs qualifiés nécessaires. S'il faut former du personnel, cela prend du temps. Le principal obstacle sera la capacité de réfrigération. Si elle n'existe pas, il faudra d'abord la mettre en place.
À l'heure actuelle, c'est la commercialisation qui fait obstacle. Nous abattons à peu près autant de vaches de plus de 30 mois aujourd'hui qu'en mai dernier, mais puisque nous ne pouvons pas en exporter la viande, nous devons la consommer en totalité au Canada. Le problème n'est pas de les abattre, mais plutôt de commercialiser la viande ou de l'utiliser. C'est l'une des questions sur lesquelles nous travaillons avec la table ronde du boeuf. Sous l'égide de cette table ronde, nous avons mis sur pied un sous-comité chargé d'examiner la mise en marché au Canada des vaches et des animaux plus âgés. Les abattoirs, les producteurs, les transformateurs, les détaillants, les restaurants et d'autres encore collaborent pour trouver de nouveaux moyens d'utiliser la viande disponible. Ils organisent des séries de colloques d'un bout à l'autre du pays, à Montréal, Toronto, Calgary et Vancouver, à l'intention de ceux qui travaillent dans ces secteurs, pour réfléchir au meilleur usage à faire de la viande disponible, vu les circonstances.
Je crois qu'ils trouveront des solutions. Cette concertation laisse augurer un avenir meilleur.
Le sénateur Mercer: La population canadienne a manifesté un grand soutien à l'industrie, mais elle ne peut en faire beaucoup plus pour l'instant. Pour l'aider à consommer davantage, il faudrait réduire les prix. Le produit serait plus attrayant. Le boeuf est encore en concurrence avec le poisson, le porc et la volaille sur le marché. Je ne dis pas que vous possédez toutes les réponses, mais c'est certes une pièce du casse-tête.
Le sénateur Ringuette: Tout d'abord, permettez-moi d'exprimer mon admiration pour le Dr Evans et sa capacité de communiquer ses connaissances. À mon avis, c'est l'une des raisons pour lesquelles les Canadiens croient ce que vous dites. Nous en avons tous été réconfortés.
Ma principale préoccupation, c'est la commercialisation de nos aliments. Nous parlons ce soir du secteur du boeuf, mais quels que soient le produit et le secteur, nous avons toujours de la difficulté à travailler de concert, à trouver des marchés et à voir comment on peut ajouter de la valeur à nos produits. Nous avons plutôt tendance à adopter la voie de la facilité dans la commercialisation. Il faut une crise comme celle dont nous sommes témoins dans le secteur du boeuf pour nous rendre compte que nous manquons de capacité de transformation. En fin de compte, nous gagnerions beaucoup plus d'argent et nous aurions un meilleur accès au marché partout au monde si nous pouvions accroître notre capacité d'abattage et de transformation. Il a fallu une situation comme celle-là pour que nous en prenions conscience.
Le président: Puis-je demander à nos témoins ce qu'ils en pensent? Peut-être ne sont-ils pas d'accord avec cette conclusion. J'aimerais connaître leur opinion.
Le sénateur Ringuette: Je n'ai pas encore posé ma question.
Le président: Je voudrais savoir s'ils sont d'accord ou non avec votre postulat de base.
M. Marsland: Je vais essayer de répondre à cela. Nous avons mentionné à plusieurs reprises ce soir la Table ronde de la chaîne de valeur du boeuf, qui existait déjà avant mai 2003. C'est l'une de huit ou neuf tables rondes que nous avons mises sur pied en collaboration avec les secteurs du porc, des céréales, des poissons et fruits de mer, et cetera — toute une gamme de secteurs. Ces tables rondes ont pour principal mandat de faciliter l'adoption d'une stratégie à moyen terme et à long terme dirigée par les secteurs, ainsi que d'analyser les problèmes et les facteurs de réussite, surtout pour les marchés internationaux. Elles examinent également quels investissements les secteurs et les gouvernements du Canada doivent faire pour garantir une réussite. Prenons l'exemple de la table ronde du porc. La première chose qu'a faite cette table ronde a été de commander une étude très approfondie sur les forces et les faiblesses du secteur du porc sur les marchés internationaux. Elle a établi toute une liste de mesures que ce secteur doit prendre au cours des prochaines années pour se tailler une place intéressante dans des marchés comme ceux du Japon et de la Chine, par exemple, pour définir ces marchés et pour déterminer quels sont les facteurs critiques pour prospérer sur ces marchés.
Je suis entièrement d'accord sur le fait que tout le secteur doit travailler de concert. Il faut que ce travail soit dirigé par le secteur et facilité par le gouvernement. Au cours des deux dernières années, nous avons réussi à stimuler ces discussions ainsi qu'à mettre en place des politiques et des stratégies qui permettent au secteur de repérer et d'exploiter les débouchés.
Le sénateur Ringuette: Je reviendrai plus tard à ma première question sur la commercialisation. Votre réponse m'a mis une autre observation en tête. En ce qui a trait à ces groupes de discussion des divers secteurs, comment communiquez-vous l'information? Il manquait un maillon dans la chaîne de connaissances. Si les transformateurs ou les abattoirs décidaient de pénétrer un certain marché, il leur faudrait augmenter la production de leurs usines. Il y aurait donc tout un processus à suivre, ainsi que des impératifs de communication. Votre table ronde doit traiter de tous les éléments de la chaîne. Dans une étude antérieure, on a relevé que la communication n'était pas non plus notre point fort.
M. Marsland: À mon avis, c'est un élément essentiel. Si ces tables rondes portent sur la chaîne de valeur, c'est que nous voulons nous assurer que des représentants de tous les niveaux, du producteur aux services alimentaires, en passant par les transformateurs, les grossistes, les exportateurs, les fournisseurs de produits intermédiaires, les détaillants, et cetera participent à nos discussions avec l'industrie. Toute la chaîne y est représentée. On peut ainsi comprendre les problèmes de commercialisation dans le contexte de toute la chaîne de valeur et tenter de les résoudre de façon coordonnée. L'information est donc diffusée dans toute la chaîne de valeur. Il y a bien sûr des problèmes de communication à régler. Nous essayons de limiter la taille des tables rondes à 25 ou 30 personnes. Nous faisons un effort délibéré pour que l'information soit communiquée à l'ensemble de l'industrie.
Nous disposons de divers mécanismes pour communiquer l'information relative aux marchés que nous obtenons de missions commerciales à travers le monde, entre autres des stratégies de commercialisation financées en partie par le gouvernement et mises en oeuvre par le truchement d'associations afin que l'information soit diffusée ou par l'entremise du service virtuel de délégations commerciales du ministère des Affaires étrangères, par exemple. Il existe toutes sortes de moyens pour cela.
Le sénateur Ringuette: Puis-je revenir à ma première question?
Le président: Bien sûr.
Le sénateur Ringuette: Le manque de capacité de transformation vient-il de ce qu'il est plus facile d'exporter du bétail vivant ou est-il dû à une sorte de marché couvert que nous aurions passé avec les États-Unis, selon lequel nous exporterions nos animaux vivants pour que les Américains s'occupent de la transformation, ce qui nous éviterait d'améliorer notre infrastructure et d'ajouter de la valeur à nos produits? Est-ce le cas?
M. Marsland: Je ne crois pas que ce soit dû à un quelconque contrat caché. La cause en est effectivement le résultat des forces du marché. Il faut se rendre compte que les bovins sont transportés aller-retour sur un axe nord-sud en réaction aux signaux du marché, selon entre autres qu'il en coûte moins cher de nourrir le bétail au sud ou au nord de la frontière, selon l'année ou la région.
Bien entendu, l'industrie se presse d'analyser les résultats positifs des quelque neuf derniers mois, car il s'agit bien d'une réussite. L'industrie a connu une vaste expansion, mais des difficultés se sont posées lorsque la frontière s'est fermée, et c'était inévitable, en ce qui a trait à la capacité d'abattre certains animaux ou de compter sur un marché d'exportation pour les bêtes sur pied. Le secteur a réussi à croître, mais cette réussite se fondait dans une certaine mesure sur l'exportation de bêtes sur pied, si je puis simplifier à outrance.
Le sénateur Ringuette: Peut-on être invité à titre d'observateur à l'une de ces tables rondes?
M. Marsland: Nous pourrions poser la question au président de l'industrie.
Le sénateur Ringuette: Merci.
M. Marsland: Ce n'est pas nous qui prenons les décisions.
M. Lavoie: À titre de complément d'information, vous vous souviendrez qu'il y a dix ans, le Conseil canadien de commercialisation agroalimentaire, le CCCA, avait mis l'industrie au défi d'exporter 4 p. 100 de tous les produits canadiens exportés sur les marchés mondiaux dans le secteur agroalimentaire. Parallèlement, on s'était fixé l'objectif global d'exporter pour 22 milliards de dollars d'ici l'an 2000. Le secteur agroalimentaire canadien s'était fixé pour objectif de renverser la proportion des produits exportés pour l'ensemble du panier d'épicerie, c'est-à-dire d'exporter 60 p. 100 de produits transformés et 40 p. 100 de produits bruts. Nous avons atteint cet objectif. Le Canada exporte maintenant, en valeur, plus de produits transformés que de produits bruts.
Je suis d'accord avec vous sur le fait que nous pouvons faire davantage, mais l'industrie a pris le taureau par les cornes et a déclaré qu'il était nécessaire d'ajouter de la valeur aux produits du Canada. Elle a atteint l'objectif qu'elle s'était fixé.
Le sénateur Gustafson: Ma question est dans le même ordre d'idée. Les économistes nord-américains semblent croire généralement qu'on assiste à des changements côté main-d'oeuvre et que nous perdrons des emplois au profit de la Chine, de l'Inde et d'autres pays. Notre comité a beaucoup entendu parler de la valeur ajoutée et de la fabrication. On peut affirmer que d'une façon générale, ce mouvement n'est pas très rapide. Mais le chômage augmente aux États-Unis et au Canada pour ces mêmes raisons. Les experts nous disent que ce n'est que la pointe de l'iceberg. La situation est peut-être différente dans le secteur bovin puisqu'il est plus difficile de transporter ses produits en vrac, entre autres, compte tenu des besoins de réfrigération. Tient-on compte de ce genre de choses?
M. Marsland: Comme M. Lavoie l'a mentionné, nous travaillons en étroite collaboration avec le Conseil canadien de commercialisation agroalimentaire, dont l'objectif principal est d'augmenter la valeur à l'exportation d'une production accrue.
La firme KPMG réalise chaque année des études sur notre compétitivité. Selon ces études, nous occupons un rang élevé, quand ce n'est pas le premier rang, en ce qui concerne la transformation d'aliments à valeur ajoutée. En tout cas, nous sommes le pays le plus compétitif en Amérique du Nord et l'un des plus compétitifs au monde. Du point de vue de la compétitivité, nous disposons de l'infrastructure nécessaire pour attirer des investissements dans la transformation de produits à valeur ajoutée, plus particulièrement pour desservir le marché nord-américain, vu l'accès à ce marché que nous procure l'ALENA.
Je ne saurais dire si je suis d'accord avec vous au sujet de votre déclaration quant à la pointe de l'iceberg. Je n'ai rien constaté de ce genre.
Le sénateur Gustafson: Cela ne touche peut-être pas précisément le secteur de la viande, mais c'est du moins ce qu'on nous dit et ce que nous lisons. En fait, je me suis trouvé dans un avion avec un homme d'affaires de Grande-Bretagne d'après qui l'évolution de la fabrication et de la production en Chine et en Inde est incroyable. Il disait que nous ne serions pas en mesure de faire concurrence à ces pays. Il a peut-être tort. Ce sera une question déterminante pendant les élections aux États-Unis.
Le président: Nous allons maintenant commencer notre second tour de table.
Le sénateur Fairbairn: Le Dr Evans a mentionné, je crois, que nous avions des gens en Russie pour négocier avec les intervenants de ce marché. Pourriez-vous me parler de la réaction des Russes?
M. Evans: Je me rends compte que la majeure partie de la discussion de ce soir a porté sur le grand marché qui est au sud de notre frontière, celui des États-Unis. Il faut avouer que nous ne nous sommes pas concentrés uniquement sur le marché américain. Nous savons que notre secteur des produits génétiques a acquis une bonne réputation en Europe, en Amérique du Sud et dans d'autres parties du monde pour la vente de sperme et d'embryons, ainsi que pour la qualité de son matériel génétique et de ses bêtes sur pied. Comme je l'ai déjà dit, nos éleveurs de moutons, de chèvres et de cervidés ont déjà des marchés partout au monde et ils ont été touchés. En plus de régler notre problème avec les Américains, nous essayons de ne pas perdre de vue le fait que le Canada exporte dans de nombreux pays autres que les États-Unis.
M. Samy Watson, sous-ministre d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, a dirigé une délégation en Russie, en septembre, pour entamer le dialogue avec les autorités russes quant à notre capacité de répondre à la demande de ce marché en viande et en bovins sur pied. Au cours des deux dernières années, la Russie a signalé qu'elle souhaitait dépendre moins des importations de produits à valeur ajoutée et remettre sur pied son propre système de production. Elle s'est tournée vers le Canada pour l'achat d'une bonne partie de ce matériel génétique. La Russie a été encouragée du fait que le Canada y a exporté au cours des derniers mois une grande quantité de matériel génétique de porc. Les Russes ont indiqué que le Canada était le pays qu'ils avaient choisi pour obtenir du matériel génétique bovin et des génisses de relève. Le groupe qui se trouve actuellement en Russie est composé de représentants des associations de race et du Canadian Beef Breeds Council. Ils sont accompagnés du Dr Larry Delver, de l'Alberta, qui travaille pour l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Nous avons présenté une demande de certification au gouvernement russe pour la viande et le bétail sur pied. Nous croyons que nous sommes très près d'en arriver à une entente dans les deux cas. Les certificats relatifs à la viande posent certains problèmes en ce qui a trait à la surveillance exercée par les Russes de la production au Canada. Nous avons invité les Russes à venir au Canada pour évaluer notre système et approuver les établissements nécessaires.
Du côté des bovins sur pied, tous les problèmes ont été réglés sauf la question de l'alimentation des animaux à exporter. Nous croyons que cette question sera résolue au cours des jours et des semaines à venir.
Je ne saurais vous dire avec certitude quand on signera un contrat pour l'exportation de bovins sur pied, mais les acheteurs russes, qui assistent à Agri-Vision et à la Farm Fair, ont invité ce groupe à travailler avec eux, avec leur gouvernement. L'industrie russe demande au gouvernement de prendre les dernières mesures nécessaires pour qu'elle puisse obtenir le matériel génétique dont elle a besoin. Nous appuyons cette mission et nous devrions obtenir des résultats au cours des prochains jours.
Le sénateur Fairbairn: Ce sont là de bonnes nouvelles.
Vous avez probablement lu l'article publié à Calgary la semaine dernière au sujet d'un groupe d'éleveurs qui se sont réunis pour discuter de la possibilité d'ouvrir leur propre usine et de s'occuper eux-mêmes de la transformation. Ils envisagent cette possibilité même si c'est une entreprise très coûteuse qui nécessite de gros investissements. C'est pour cette raison que Cargill et Tyson Foods suivent ce dossier de très près. Cette mesure, comme tant d'autres ces temps-ci chez les éleveurs, constitue presque un cri de désespoir. Les éleveurs se demandent ce qu'ils peuvent faire pour améliorer et accélérer leur production. Si vous deviez les conseiller, quelle mise en garde feriez-vous avant qu'ils ne se lancent dans un investissement de cette ampleur?
M. Lavoie: Mon premier conseil serait de ne pas envisager seulement une entreprise à court terme, mais aussi à long terme, puisqu'ils doivent investir dans le contexte d'une frontière ouverte, et non dans le contexte actuel. Nous espérons tous que la frontière sera rouverte très bientôt. Ensuite, leur investissement doit être viable à long terme.
Cela accroîtra la concurrence au Canada, et plus particulièrement en Alberta, ce qui est une bonne chose. Toutefois, ils devront également faire concurrence aux abattoirs américains, qui achètent des bovins sur pied au Canada pour abattage immédiat.
Nous exportons de façon continue environ un million de bovins sur pied par année pour abattage immédiat. Il y a eu des fluctuations au cours des dernières années, davantage du côté des bovins d'engraissement, à cause de la sécheresse. S'ils exploitent bien leur entreprise, ils réussiront probablement à attirer une partie des bêtes qui sont maintenant exportées vivantes aux États-Unis.
Ils devront faire concurrence non seulement aux abattoirs canadiens, mais aussi aux abattoirs américains qui achètent actuellement leurs bêtes du Canada.
Le sénateur Fairbairn: Il leur faudra probablement beaucoup de courage et beaucoup d'argent.
M. Lavoie: Et un gros investissement, en effet.
Le sénateur St. Germain: J'ai une petite question à poser. Vous avez dit qu'on découvre encore moins de 100 cas par mois au Royaume-Uni. On parle de bovins, mais cela touche également les bisons, les wapitis, les chèvres et les moutons. A-t-on découvert des cas de cette maladie chez ces animaux ou seulement chez les bovins? Si on n'a découvert aucun cas chez ces autres animaux, pourquoi leurs éleveurs sont-ils pénalisés?
Ils font également partie de l'industrie. Nous nous inquiétons tous du sort des éleveurs de bovins, et à juste titre, mais il y a aussi plusieurs éleveurs qui exportent d'autres animaux aux États-Unis, et ils sont maintenant durement touchés.
M. Evans: Vous avez tout à fait raison. Même si les éleveurs de bovins du Canada ont connu de graves difficultés, leur secteur est plus diversifié, entre autres grâce à la vente de matériel génétique, que les secteurs plus petits de l'élevage du mouton, de la chèvre ou des cervidés. Ces secteurs ont été doublement touchés en raison de ce manque de diversité des marchés, alors que certains producteurs de matériel génétique ont pu vendre leurs produits malgré les difficultés actuelles.
Pour ce qui est de la maladie, nous n'avons pas reçu, en ce qui concerne l'Europe, une région très touchée par l'ESB, de preuve réelle montrant que la maladie a été détectée dans des troupeaux de moutons ou de chèvres ou dans d'autres secteurs européens. Il existe d'autres formes d'encéphalopathie spongiforme bovine transmissibles. La tremblante s'attaque au mouton, mais elle doit être traitée comme une maladie distincte de l'ESB.
Chez les cervidés, il existe une encéphalopathie particulière. On en a détecté des cas en Amérique du Nord, mais pas encore dans d'autres parties du monde. Il ne s'agit pas là non plus de l'ESB.
Ce qui est triste, c'est qu'on a extrapolé la possibilité de transmission de cette maladie entre diverses espèces de ruminants; mais on sait que l'Europe a été touché par l'ESB et que la transmission entre espèces ne s'y est pas produite. Il n'y a donc aucune raison de supposer qu'elle se produirait dans des circonstances naturelles en Amérique du Nord.
On a commencé des études expérimentales dans lesquelles on a contaminé des moutons à l'ESB par des moyens autres que l'ingestion orale ou l'alimentation normale. La maladie peut se transmettre à d'autres espèces par inoculation au cerveau ou par transfusion directe de sang. Mais ce ne sont pas des cas qui se produiraient dans une ferme.
Là encore, il s'agit d'une approche très prudente. Les gens ont utilisé des données scientifiques incomplètes et les ont appliquées à d'autres espèces, ce qui a donné lieu à des mesures et des effets injustifiés pour ces autres secteurs qui, je le répète, peuvent gérer les maladies qui leur sont propres grâce aux programmes qui sont déjà en place.
Le sénateur Mercer: Ce ne sont pas des arguments que je fais valoir personnellement. Ils nous ont été proposés à notre dernière réunion par deux témoins de la région de Lethbridge, dont l'un habite la ville de Lethbridge et l'autre est lui-même un éleveur.
Quand nous leur avons demandé ce que nous pourrions faire pour les aider, ils nous ont donné deux réponses intéressantes, dont l'une m'a étonné. Celle qui ne m'a pas surpris était qu'il fallait mettre en place des garanties de prêts, et c'est probablement une bonne idée. Il faut que le ministère, le ministre et le gouvernement examinent la question.
Leur deuxième réponse m'a toutefois étonné, puisqu'elle vient d'un des groupes les plus indépendants au pays. Ils ont parlé d'établir un prix minimum temporaire pour leurs animaux. C'est une idée intéressante qui vise à stabiliser les choses afin qu'ils puissent s'organiser compte tenu des incertitudes quant à l'avenir.
Avez-vous des observations à faire sur l'une ou l'autre de ces suggestions?
M. Lavoie: La garantie de prêt est une option qui a déjà été mentionnée à quelques reprises. Elle a également été mentionnée par la Canadian Cattlemen Association, principalement pour aider les exploitants de parcs d'engraissement.
Même si elle a été mentionnée à une ou deux reprises, l'idée d'un prix minimum temporaire n'est pas appuyée pour l'instant par une majorité des gens dans l'industrie. On a déjà mentionné les problèmes et les critiques qui ont été exprimés au sujet du Programme de redressement de l'ESB. On dit que grâce aux paiements compensatoires qui sont offerts, les abattoirs ont pu obtenir les bêtes dont ils avaient besoin à un meilleur prix. Si ces arguments sont valides, ils le demeureront si on essaie de mettre en place un prix minimum temporaire.
On peut difficilement envisager de fixer un prix minimum à l'égard des bovins dans le contexte d'un marché ouvert. Parallèlement, nous devons nous assurer que les abattoirs et les transformateurs qui exportent de la viande aux États- Unis, au Mexique et, bientôt nous l'espérons, dans d'autres pays également, peuvent vendre leurs produits à des prix concurrentiels par rapport aux autres pays exportateurs. L'équation n'est pas simple. Il faut tenir compte de nombreux facteurs.
Le président: Au nom du comité, merci beaucoup. Vous avez réussi à bien répondre à bon nombre de questions difficiles. Vous avez également rassuré tous les Canadiens qui nous regardent et nous écoutent quant au travail énorme que font les Canadiens à différents niveaux pour résoudre cet énorme problème. Nous sommes maintenant grandement rassurés grâce aux témoignages que vous nous avez fournis aujourd'hui. Nous vous en remercions.
Honorables sénateurs, notre prochaine réunion aura lieu jeudi. Nous accueillerons le Conseil des viandes du Canada. Nous pourrons compléter bon nombre des réponses qui nous ont été fournies aujourd'hui, surtout celles aux questions du sénateur Mercer.
Le séance est levée.