Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 15 - Témoignages du 9 mai 2005 - Séance du matin
HALIFAX, le lundi 9 mai 2005
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 9 heures pour examiner la santé mentale et la maladie mentale.
Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour. Je voudrais remercier les témoins d'avoir accepté notre invitation en cette matinée typique pour Halifax. Ayant vécu ici pendant de longues années, je suis très heureux que vous soyez ici et d'avoir eu l'occasion de discuter avec quelques-uns d'entre vous avant le début de la séance. Nous sommes intéressés à entendre les commentaires que vous avez à faire en tant qu'individus qui ont eu des contacts très personnels avec le système de la santé mentale.
À l'occasion de nos déplacements à travers le pays, nous tentons de savoir de quelle façon il est nécessaire de modifier le système pour mieux servir les individus et leur famille. La tâche à accomplir dans ce domaine est, cela va de soi, considérable, à commencer par la base; il est en effet impératif de provoquer des changements d'attitudes dans la population et d'attaquer de front le problème des stigmates rattachés aux maladies mentales. Je signale à ce propos que deux ou trois pays, et plus particulièrement l'Australie, ont réalisé des progrès extraordinaires dans ce domaine. L'Australie met actuellement en œuvre son troisième plan quinquennal et s'active donc à améliorer la situation depuis une douzaine d'années. Les sondages d'opinion publique faits en Australie, avec un suivi annuel, indiquent un changement d'attitude considérable dans la population à la suite d'un effort concentré.
De crainte que vous ne vous laissiez trop décourager, je vous rappelle quelle était la perception des Canadiens il y a une vingtaine d'années, quand ils voyaient une personne en chaise roulante, et aussi que les personnes atteintes d'une déficience physique étaient peut-être l'objet d'un certain mépris, quoique beaucoup moins que les personnes atteintes de déficience mentale. Par conséquent, la réalité est qu'il est possible de faire changer les attitudes. C'est essentiel, mais il est en outre indispensable d'améliorer les services.
Nous sommes ici ce matin pour entendre les suggestions que vous quatre avez à faire au sujet des initiatives à prendre pour modifier le système. J'aimerais que vous fassiez tous vos commentaires préliminaires, en commençant par Susan, puis nous poserons toutes les questions que nous avons à poser, plutôt que d'en poser après chaque exposé.
Madame Kilbride-Roper, je vous remercie d'avoir accepté de témoigner aujourd'hui. Allez-y.
Mme Susan Kilbride-Roper, à titre personnel : J'ai 46 ans et j'ai un diagnostic de maladie mentale grave, à savoir le trouble affectif bipolaire, dénommé également manie-dépression. Le nom de cette maladie indique la dualité de sa nature. La maladie est caractérisée par deux phases distinctes, la dépression et la manie ou, selon la définition d'un ouvrage spécialisé, « un trouble affectif grave qui fait passer l'individu qui en est atteint d'un état de profonde dépression à un état d'exaltation extrême ». C'est naturellement beaucoup plus complexe qu'une simple alternance entre un état de dépression et un état d'exaltation. Pour donner un caractère personnel à cette maladie, je vous exposerai brièvement mon cas, puis j'aborderai quelques questions que je juge importantes.
Rétrospectivement, après de nombreuses années et de nombreuses séances de thérapie, je sais maintenant que ma vie scolaire a été parsemée de périodes de dépression, notamment une lorsque j'étais âgée de 16 ans, qui m'ont obligée à abandonner les études à la 11e année. J'ai doublé cette année, puis j'ai obtenu mon diplôme de 12e année, après quoi je me suis mariée et j'ai donné naissance à une fille quatre mois plus tard. Après un épisode douloureux de dépression post-partum, je suis allée travailler dans le milieu des affaires pendant 15 ans, en élevant ma fille toute seule pendant 12 de ces années. Avec le recul, je me rends compte que mon mariage a échoué à cause de ma maladie. Avant que ma maladie soit diagnostiquée, j'ai travaillé pendant 10 ans dans le milieu du courtage des valeurs mobilières. Mon temps libre était consacré à du bénévolat, notamment comme membre du conseil d'administration et d'un comité de la Veith House, un organisme à but non lucratif se spécialisant dans la fourniture de services aux familles à faible revenu. J'ai en outre fait du bénévolat pour La course Terry Fox et pour la Croix-Rouge canadienne.
À l'âge de 34 ans, après avoir travaillé pendant 15 ans, j'ai connu les épisodes maniaques les plus spectaculaires et les plus dévastateurs qui devaient perturber ma vie pendant des années. À cette époque, j'étais l'adjointe de trois courtiers en valeurs mobilières d'une société de courtage nationale et je touchais un revenu confortable. J'ai vécu un épisode psychotique qui m'a imprégnée de la conviction que je devais suivre les traces de Saint-François d'Assise et consacrer ma vie à aider les pauvres et les animaux. J'en étais littéralement convaincue et j'ai entrepris de réussir comme courtière, afin de rencontrer des personnes influentes et de gagner l'argent nécessaire pour construire des centres pour les personnes à revenu modique, ou sans revenu, et des abris pour animaux. J'étais ravie lorsque j'ai été engagée comme courtière, pensant avoir percé le plafond invisible qui barre aux femmes l'accès à cette profession. Cependant, cet épisode maniaque a été également marqué par des dépenses excessives et un endettement subséquent, de mauvaises décisions, l'éloignement des amis et de la famille, surtout de ma fillede 15 ans, et la consommation abusive de substances psychoactives.
L'épisode de dépression profonde qui suivit cette période et l'aggravation de mon alcoolisme, qui avait débuté vers la fin de la vingtaine, m'ont incitée à m'inscrire à un programme de 28 jours administré par les services provinciaux de lutte contre la pharmacodépendance et la toxicomanie. À la suite de mon traitement, j'ai quitté mon emploi de mon plein gré et j'ai renoncé à tous mes engagements de bénévolat afin de concentrer mes efforts sur ma désintoxication. Mes efforts de lutte contre la toxicomanie se sont poursuivis après la fin du programme et, à cette époque, on n'avait pas encore investigué l'éventualité d'une maladie mentale sous-jacente.
À l'automne de 1995, à la suite d'un épisode hypomaniaque suivi d'une dépression si profonde que j'ai envisagé de me suicider, je me suis tournée vers le système officiel de santé mentale et un diagnostic de trouble bipolaire a été finalement posé. J'ai appris au cours des cinq années pendant lesquelles j'ai suivi des séances de psychothérapie comportementale cognitive que ma toxicomanie était une forme d'automédication et qu'il était courant, dans des cas comme le mien, que la consommation abusive de substances psychoactives et des problèmes de santé mentale soient simultanés.
Je me suis mise à un régime de médicaments psychiatriques, que je compte poursuivre pour le restant de mes jours. Alors que ce régime permet de contrôler les épisodes extrêmes de mon trouble mental, les effets secondaires de ces médicaments sur ma santé se traduisent par un gain de poids très important, des tremblements de mains et, à cause de l'influence des médicaments sur le taux de glycémie, avec trois fois plus de risque que le niveau normal de contracter le diabète de type 2, qui a été d'ailleurs diagnostiqué chez moi il y a trois ans.
Je voudrais maintenant prendre le temps de discuter de quelques questions sur lesquelles j'ai des opinions bien arrêtées et qui méritent une plus grande attention de notre part. Je voudrais parler de la nécessité de rendre la psychothérapie plus accessible. Les statistiques prouvent que les médicaments seuls ne donnent pas des résultats aussi efficaces que lorsqu'ils sont jumelés à des séances de psychothérapie. D'autres types de thérapies ne sont pas accessibles à ceux et celles d'entre nous qui ont un revenu fixe ou un revenu insuffisant pour pouvoir couvrir les coûts parfois élevés liés à des thérapies faisant appel à des psychologues, des travailleurs sociaux et à des praticiens de médecine douce.
Il est essentiel d'investir davantage de fonds dans les services de première ligne. Les personnes qui ont la chance de travailler pour des employeurs ayant des régimes d'aide aux employés ont la possibilité d'un certain nombre de visites de consultation — généralement moins de dix — ou d'obtenir des services à concurrence d'un certain plafond monétaire. Cependant, lorsque le nombre de visites permis est épuisé, l'employé doit payer les autres services de sa poche. Selon les problèmes auxquels les employés et consommateurs sont confrontés, une thérapie appropriée peut durer plusieurs années et épuiser les ressources financières. De nombreuses personnes décident de ne pas chercher d'aide supplémentaire et, par conséquent, sont exposées à des difficultés permanentes dues à une maladie mentale non traitée.
Pour les chômeurs, les options en matière de thérapie sont encore plus restreintes. Une période d'attente de six à huit mois est courante pour les services psychiatriques si l'on tente d'avoir accès au système des soins de santé officiel avant une urgence. D'après mon expérience personnelle et les informations partagées par les membres de mon groupe d'entraide et d'autres consommateurs, en Nouvelle-Écosse, de nombreux psychiatres, voire la plupart d'entre eux, prescrivent des médicaments à leurs patients et vérifient les niveaux de médication selon les effets visibles des médicaments, sans toutefois proposer de psychothérapie de quelque type que ce soit, service qui s'est pourtant avéré efficace, voire essentiel, pour la guérison durable de nombreux types de maladies mentales.
Je me remets actuellement d'un épisode particulièrement pénible de dépression, qui m'a fait perdre mon emploi et m'a incitée à abandonner toutes mes activités bénévoles. Je retrouve petit à petit une certaine santé mentale, mais je ne pourrai jamais me rétablir sans l'aide d'un psychiatre et d'un psychologue. Notre régime provincial de santé couvre le coût des services psychiatriques, mais pas le coût des services psychologiques. Je dois payer sans pouvoir avoir recours à l'aide d'un régime d'assurance médicale privé. Ma famille survit avec un seul revenu, ce qui est difficile, quoique nécessaire à mon rétablissement.
Ma fille, pour laquelle un diagnostic de dépression unipolaire a été posé, fait actuellement de la psychothérapie chez un psychologue, thérapie qui lui coûte 130 $ la visite. Le régime de santé de son employeur couvre un maximum de 500 $ par an pour ce type de service; par conséquent, elle doit également payer de sa poche si elle veut recevoir des soins thérapeutiques adéquats.
Dans le document intitulé Priorités du secteur bénévole en matière de santé mentale : élaboration d'un cadre stratégique, publié dans le cadre du projet « La santé mentale : ça nous concerne! » par l'Association canadienne pour la santé mentale, en juin 2004, un des sept enjeux principaux relevés dans le cadre de la table ronde nationale de synthèse est une amélioration des services pour les personnes atteintes de maladies mentales. Compte tenu des valeurs et principes directeurs qui sous-tendent le cadre, une recommandation clé est d'assurer un accès équitable à un logement approprié, à la formation et à l'éducation, à des possibilités d'emploi et à des services de santé en tant que droits fondamentaux.
Le rapport contient également les recommandations suivantes : collaborer avec les autres paliers de gouvernement et le secteur bénévole pour s'assurer que les services de santé encouragent la détection précoce et la guérison d'une maladie mentale et des services de soutien communautaires qui peuvent aider les consommateurs à vivre et à s'épanouir dans leur collectivité; assurer un accès équitable à des services de santé mentale; élaborer une stratégie nationale de ressources humaines dans le domaine de la santé; promouvoir et soutenir les pratiques exemplaires; et soutenir des programmes modèles.
Je suis une ardente partisane de l'éducation de nos jeunes au sujet de la comorbidité de la consommation abusive de substances psychoactives et la maladie mentale. De nombreux excellents programmes et établissements axés sur la maladie mentale chez les jeunes, comme la Laing House à Halifax, ou sur la toxicomanie chez les jeunes, comme le programme Choices, ont été mis en place en Nouvelle-Écosse. Cependant, de nombreux jeunes passent par les mailles du filet. Si les jeunes pouvaient savoir que l'automédication est généralement un signe de la présence simultanée d'une maladie mentale, ils pourraient être avertis pendant leur période de scolarité et être finalement mieux préparés à gérer les deux problèmes à un âge beaucoup plus précoce que moi et que de nombreuses autres personnes qui ont dû lutter pour survivre à la toxicomanie et à la maladie mentale.
La consommation abusive d'alcool et de drogues est très courante chez les jeunes atteints du trouble bipolaire et de maladies mentales. Les résultats des études qui ont été faites à ce sujet indiquent que de nombreux facteurs contribuent peut-être à ces problèmes de consommation abusive de substances psychoactives, notamment l'automédication face aux symptômes, les changements d'humeur et les troubles liés à une substance psychoactive. Le traitement pour toxicomanie simultanée, lorsqu'il est accessible, est un volet important d'un plan global de traitement. Il est à mon avis crucial de chercher des indices de maladie mentale lorsque le diagnostic primaire concerne la toxicomanie.
Lorsque je me suis inscrite au programme de 28 jours pour régler mon problème d'alcoolisme, on m'a attribué une psychologue. Cette psychologue devait partager son temps entre ses nombreux clients et elle n'a jamais tenté de déterminer si je souffrais d'une maladie mentale sous-jacente qui aurait pu être à l'origine de mon automédication par l'alcool. Par conséquent, ce n'est que deux ans plus tard que le diagnostic a été posé. Comme j'étais incapable de travailler pendant ce temps-là, je suis passée d'un emploi à temps plein à l'assurance-emploi et, enfin, à l'assistance sociale, et j'ai rejoint les nombreuses personnes qui dépendent du système pour obtenir de l'aide financière.
Je sais qu'actuellement, l'information que je n'avais pas il y a 12 ans sur ma double condition est beaucoup plus accessible, surtout grâce aux sites Internet spécialisés. De bons programmes pour les jeunes à risque, ou pour les personnes chez lesquelles la maladie a déjà été détectée, ont été mis en place. Cependant, la mise en place d'une campagne d'éducation publique par le biais des établissements d'enseignement et des fournisseurs de services à la jeunesse sur la maladie mentale pourrait inciter les jeunes à solliciter un secours médical beaucoup plus tôt, ce qui limiterait les dommages inhérents à tous les types de toxicomanie.
Quelle que soit la longueur du chemin que nous pensons avoir parcouru, une rechute est toujours possible, voire fréquente, selon le type de maladie mentale. Les motifs sont divers. Un événement stressant, comme le décès d'un être cher, la perte d'un emploi, la maladie physique, et cetera, peut être l'élément déclencheur. Un changement de chimie corporelle peut également être à l'origine d'une rechute, ainsi que d'un retour à la toxicomanie et à l'automédication.
Les médicaments utilisés en psychiatrie perdent souvent de leur efficacité et un tout nouveau régime de traitement doit être prescrit par le médecin traitant et entrepris. Le délai qui peut s'écouler entre le début du nouveau traitement et l'allégement des symptômes peut être de plusieurs semaines, voire plusieurs mois. En outre, si le nouveau traitement n'est pas efficace, il faut tout recommencer, ce qui prolonge la période de maladie. C'est ainsi que mon rétablissement à la suite des deux très longues périodes de dépression que j'ai connues au cours de ma vie a été entravé, ce qui a eu des incidences négatives sur mon récent emploi et sur mon aptitude future au travail, étant donné que mon CV laisse voir des creux importants dans mes antécédents professionnels.
Il est capital d'élaborer des stratégies en prévision des périodes d'incapacité lorsque nous avons un emploi. La réussite de notre retour et de notre réintégration au travail repose sur une planification préalable faisant appel à des stratégies de soutien au travail. De nombreux employeurs ne sont malheureusement pas prêts à s'adapter à nos besoins, en tant que consommateurs de soins de santé mentale, parce que cela nécessite parfois des accommodements très pointus. Mme Sheila Hayes Wallace donnera des informations plus précises à ce sujet.
Je voudrais maintenant parler pendant quelques minutes des thérapies qui m'ont aidée à me rétablir et qui ont aidé de nombreuses autres personnes à guérir, à l'extérieur du système des soins de santé mentale. L'acupuncture, l'homéopathie, la massothérapie, la photothérapie, les approches corporelles, la naturothérapie, le yoga, la réflexologie, le reiki, la programmation neurolinguistique, les suppléments nutritionnels, le toucher thérapeutique et les plantes médicinales ne sont quequelques-unes des thérapies actuellement considérées comme des solutions de rechange efficaces aux thérapies médicales traditionnelles. Actuellement, dans cette province, à l'exception de quelques thérapies comme la massothérapie, qui est couverte par certains régimes d'assurance-maladie, et l'acupuncture, qui est un mode de traitement efficace des toxicomanies, il n'existe aucune possibilité de subventionner le coût de ces thérapies dites « parallèles ». La recherche et le financement de ces importants outils de guérison sont essentiels. Les praticiens, dont certains sont accrédités par des organisations nationales, ne sont accessibles qu'aux malades qui ont les ressources financières nécessaires pour s'offrir leurs services.
L'efficacité de l'effort autonome et des groupes de soutien dans le rétablissement a été très bien documentée. Mon expérience en qualité de membre et de dirigeante d'un tel groupe m'a apporté une connaissance intime des effets bienfaisants du partage des joies et des peines auxquelles nous sommes confrontés quotidiennement, du fait que nous avons des problèmes semblables. Le soutien financier pour la promotion et le financement de ces initiatives importantes est urgent. Le mouvement d'entraide prend de l'ampleur, mais il pourrait le faire beaucoup plus rapidement.
J'ai obtenu deux emplois, pour un total de cinq années d'emploi, directement attribuables à mes activités bénévoles dans divers organismes. Les consommateurs de services de santé mentale et les organisations devraient être encouragés à considérer cela comme une méthode de recrutement de personnes atteintes de maladie mentale. Mes employeurs étaient au courant de mon état et de la nature de ma maladie mentale. La divulgation de leur état est difficile pour un grand nombre de personnes mais, dans mon cas, elle a tourné à mon avantage. Ce sera peut-être le cas pour d'autres personnes également. En tout cas, le bénévolat est une excellente façon de démontrer nos aptitudes à un employeur potentiel.
Les diverses avenues que j'ai exposées ouvrent des perspectives de bien-être et de croissance pour un segment de la population qui a grand besoin des deux. Je vous prie de les examiner en cherchant des solutions aux problèmes qui sont visibles dans le système des soins de santé mentale au Canada.
Je suis très encouragée par les travaux entrepris par votre comité pour répondre à la nécessité d'un changement dans les soins de santé mentale, à l'échelle nationale. J'attends avec impatience les résultats de vos travaux et vous remercie pour cette occasion d'exprimer mes opinions sur des problèmes qui ont de l'importance pour moi à titre de consommatrice de services de santé mentale.
Le président : Je vous remercie pour cet exposé soigneusement préparé. C'était excellent.
Je donne maintenant la parole à Roy Muise. Allez-y.
M. Roy Muise, à titre personnel : Bonjour. Je voudrais être parmi les premiers à vous souhaiter la bienvenue à Halifax, en Nouvelle-Écosse. J'ai en fait eu l'occasion de discuter avec le sénateur Cordy vendredi ou jeudi de la semaine dernière, si j'ai bonne mémoire, à Ottawa.
Je suis atteint d'une maladie mentale depuis près de 30 ans. Je suis vos travaux depuis le début et j'ai lu vos rapports provisoires avec un vif intérêt. Je vous raconterai d'abord mon histoire quoique, comme vous pourrez le constater, elle soit semblable à la plupart des histoires que vous avez déjà entendues à travers le pays.
J'ai reçu mon premier traitement psychiatrique dans les années 70. J'avais alors ce que l'on appelait « les nerfs fragiles » et on m'a prescrit des tranquillisants. À l'époque, j'étais apparemment comblé. J'étais heureux dans mon mariage, nous avions commencé à fonder une famille et je travaillais à mon propre compte. Avec le temps, mon état s'est détérioré et, en 1979, j'ai été hospitalisé pour la première fois pour « neurasthénie » ou ce que l'on appelle aujourd'hui « dépression nerveuse ».
L'expérience a été horrible, et c'est un euphémisme. Cette dépression est survenue à une époque où les personnes atteintes d'une maladie mentale étaient très souvent sous médication excessive. Je parle de cette époque comme de celle où j'étais un zombie, car le terme décrit parfaitement ce que je ressentais. C'était comme si j'avais perdu totalement le contrôle de mon corps. J'ai passé trois mois à l'hôpital et, à ma sortie, j'étais à peine capable de fonctionner.
Fort heureusement, mon psychiatre m'a supprimé les médicaments aussi rapidement que possible. J'ai décidé alors que je ne reprendrais jamais des médicaments et que je ne retournerais jamais à l'hôpital. Avec le recul, je sais que c'était une très mauvaise décision. J'ai survécu au cours des années 80. J'ai perdu mon entreprise, je me suis séparé de ma femme et je suis devenu une personne que je n'aimais pas vraiment, mais je refusais d'admettre que quelque chose n'allait pas. J'étais bien décidé à ne pas retourner à l'hôpital ni à reprendre des médicaments.
Puis, vinrent les années 90. Je fus malade pendant presque toute cette décennie. J'ai fait deux tentatives de suicide et j'ai été bien proche d'en faire d'autres à de nombreuses autres occasions; j'ai même suivi une série de traitements par électrochocs.
Je me suis rendu compte que notre système de santé mentale, quoiqu'il soit encore loin d'être parfait, s'était considérablement amélioré. À l'hôpital, j'ai été traité avec respect et amabilité, mais j'ai pu constater que tous les travailleurs étaient surmenés. À cette époque, je me suis renseigné moi-même sur la dépression et j'étais prêt à tout essayer pour aller mieux. Rien ne semblait être efficace. Pendant de courtes périodes, je me portais apparemment mieux, mais je sombrais ensuite à nouveau dans la dépression. J'ai été de nombreuses fois tenté d'abandonner la partie. Vers la fin des années 90, je n'étais plus capable de travailler et je vivais grâce aux prestations d'invalidité du Régime de pensions du Canada, mais je continuais à lutter pour aller mieux.
J'ai appris grâce à des activités bénévoles que j'avais une aptitude naturelle pour discuter avec d'autres consommateurs de services de santé mentale et les écouter, et nous en avons apparemment tous tiré profit. Je savais également que si je retrouvais un jour une assez bonne santé, je voudrais travailler avec des consommateurs de services comme moi et les aider en m'appuyant sur mon expérience personnelle.
C'était un rêve que je ne pensais jamais pouvoir réaliser. Je suis aujourd'hui la preuve vivante que les rêves sont réalisables. En 2001, on m'a offert un emploi au Consumer Initiative Centre, un programme de la Self-Help Connection, organisme fondé sur le pouvoir du soutien par les pairs. J'ai été engagé comme travailleur en entraide.
J'en viens au principal commentaire que je voudrais faire ce matin. Notre système de santé mentale est en crise. À Halifax, il y a une liste d'attente de 500 personnes pour les rendez-vous à notre hôpital psychiatrique, qui ne sont pas considérées comme des cas urgents. Autrement dit, 500 personnes qui savent qu'elles ont besoin d'aide ne peuvent pas l'obtenir. On m'a dit que le délai d'attente pouvait être de six à huit mois, ou encore plus long.
Il est essentiel de se mettre à la recherche de ressources de remplacement. C'est notamment le cas de l'entraide. Elle peut se présenter sous diverses formes. La plus connue est probablement les groupes d'entraide, dont les membres s'aident mutuellement à se développer harmonieusement et à être heureux en dépit de leur maladie mentale. Un autre type d'entraide est le soutien individuel par un pair.
J'ai dernièrement eu le plaisir d'aller en Georgie pour étudier le programme de formation de spécialistes accrédités en entraide (certified peer specialist ou CPS) qui a été mis en place dans cet État. J'ai suivi la formation et réussi l'examen. Ce programme, qui est financé par Medicaid, emploie des pairs formés dans le système de santé mentale officiel. Le poste de CPS a pour but de donner de l'espoir et un modèle de rétablissement à d'autres consommateurs de services de santé mentale. Nous faisons appel à notre expérience tout en aidant des pairs à fixer des objectifs et à s'appliquer à les atteindre, dans la conviction que le rétablissement à la suite d'une maladie mentale est possible.
Je devrais préciser que nous pensons que le rétablissement n'est pas nécessairement l'absence de symptômes, mais l'apprentissage à vivre avec les symptômes, à les gérer et à mener le type de vie que nous souhaitons. Je viens d'entamer des recherches à travers le pays pour déterminer si des programmes analogues sont en place ici. Mon rêve — et je crois à mes rêves — et celui de l'organisme pour lequel je travaille est que nous puissions mettre en place un programme analogue en Nouvelle-Écosse d'ici cinq ans.
En conclusion, je vous recommande de continuer d'écouter les voix de ceux et celles qui sont atteints d'une maladie mentale. Ne nous oubliez pas quand vous préparerez vos recommandations. Pensez à nous en les rédigeant. Puisse le gouvernement du Canada écouter ces recommandations et y donner suite rapidement. Enfin, j'espère que les Canadiens nous accueilleront au sein de la société en nous traitant comme des partenaires à part entière. Nous ne voulons pas être craints ou pris en pitié. N'oubliez pas que nous pourrions être vos mères et vos pères, vos sœurs et vos frères, vos amis, vos collègues de travail et vos enfants. Tendez-nous la main et voyagez avec nous sur la voie du rétablissement.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Muise. Votre exposé soulève beaucoup de questions auxquelles nous reviendrons.
Le témoin suivant est Sheila Hayes Wallace.
Mme Sheila Hayes Wallace, à titre personnel : Je vous donnerai également quelques informations sur mes antécédents personnels. Mes antécédents familiaux incluent un père alcoolique qui a été violent à l'égard de ma mère et de mes sœurs aînées jusqu'à ce que j'aie atteint l'âge de 2 ans. Sans soutien de sa famille ou d'organismes gouvernementaux ou privés — autrement dit, en l'absence de services sociaux ou de refuges pour femmes —, ma mère a supporté la situation jusqu'à ce qu'un épisode particulièrement violent incite le frère de mon père à intervenir. Mon père a eu le choix entre un hôpital psychiatrique ou la prison. La solution de compromis a été Alcooliques Anonymes. Il ne s'est jamais remis à boire.
Parmi les « doubles cousins germains » de mon père, c'est-à-dire que deux sœurs avaient épousé des frères, il y avait une dame qui avait suivi des traitements par électrochocs, pour des épisodes de ce qui pouvait être des comportements maniaques, et un homme qui sombrait régulièrement dans la dépression. Les traitements par électrochocs étaient faits au Nova Scotia Hospital de Dartmouth et ils étaient passés sous silence. Mon cousin germain du côté de mon père a fait ce que l'on appelle une dépression nerveuse au cours de son adolescence. On a diagnostiqué une schizophrénie et, alors qu'il a atteint le milieu de la cinquantaine, il n'a jamais occupé un emploi ni été marié. Ses années de thérapie lui ont apporté un certain sens de l'humour à propos de sa vie. Il dit que de tout le clan des Hayes, il est le seul à avoir des documents prouvant qu'il n'est pas malade. Il ne fume pas ou ne boit pas et puise une grande force et un grand réconfort dans sa religion.
Rétrospectivement, je pense que ces facteurs familiaux m'ont probablement incitée à m'orienter vers une profession qui me permettrait d'aider les autres. Je suis infirmière autorisée et je travaille dans le secteur de la cardiologie depuis 1981. Les personnes qui aident leurs semblables n'ont malheureusement pas tendance à chercher de l'aide pour elles- mêmes. C'est un fait connu. Là où je travaillais, j'ai vu une très jolie infirmière ayant fait des études universitaires, âgée dans la trentaine, connaître une fin tragique. Après avoir refusé de prendre des congés pour chercher de l'aide et après avoir quitté l'hôpital deux fois après la fin de ses périodes d'observation, elle s'est tuée en se jetant dans la circulation venant en sens inverse.
Après mon premier épisode de dépression, je n'ai pas eu à révéler mon état. J'ai essayé le millepertuis commun et j'ai fait six séances avec un thérapeute payé par mon Programme d'aide aux employés, ou PAE. Simultanément, j'ai eu un léger tour de rein et, lorsque je suis rentrée au travail, j'ai laissé mes collègues de travail croire que j'avais pris congé pour une maladie physique. J'ai pris du Paxil, un antidépresseur, pendant environ un an, et j'ai cessé d'en prendre avant une petite intervention chirurgicale.
Moins de trois mois plus tard, je manifestais à nouveau des signes de dépression et, si j'ai consulté un psychiatre, c'est parce que ma supérieure exigeait une ordonnance de spécialiste pour prolonger une interdiction de travailler de nuit imposée par mon médecin traitant, un omnipraticien. Ce psychiatre était payé par l'hôpital pour faire une évaluation de mon état. Fort heureusement, il a remarqué que je faisais une autre dépression, mais il n'a pas pu entamer un traitement à cause du contrat qu'il avait passé avec l'hôpital. Il a téléphoné à mon médecin traitant ce jour- là pour lui donner des instructions concernant la prescription d'un médicament précis et recommander un suivi auprès d'un psychiatre. Ma dépression était alors qualifiée de circonstancielle et j'ai continué de travailler à plein temps parce que j'étais le seul soutien familial. Cependant, mes périodes de maladie n'étaient pas compatibles avec la politique de l'hôpital et j'ai reçu deux avertissements écrits menaçant de me mettre à pied tout en signalant que l'hôpital se préoccupait du bien-être de ses employés et les programmes qu'il offrait pour les aider, le seul étant le Programme d'aide aux employés, à ma connaissance.
Mon employeur a examiné mon travail de près et m'a fait appeler au bureau du directeur à plusieurs reprises pour me demander d'expliquer des comportements qui avaient été signalés par mes collègues de travail. Je sais maintenant que j'avais le droit d'être représentée par le syndicat à toutes ces réunions pour m'aider à faire face à ces allégations. Je n'avais pas la moindre idée des conséquences de ce « Pourrais-je vous voir quelques minutes? » et les collègues concernés n'ont jamais été nommés, ce qui m'aurait permis de leur demander pourquoi ils ne m'avaient pas directement posé des questions ou fait part de leurs préoccupations. J'ai décidé de postuler un autre emploi grâce auquel j'aurais eu un horaire régulier de jour dans un laboratoire de traitement et de diagnostic de jour, mais sans succès. Au cours de la première semaine d'août 2003, je n'étais plus capable de travailler. J'ai revu le psychiatre, qui m'a augmenté la dose d'Effexor, mon antidépresseur, et j'ai pris une série derendez-vous pour des soins psychiatriques.
En juin 2004, mon état s'étant amélioré quelque peu, j'ai fait un essai de 11 semaines dans mon service. C'était rétribué par la compagnie avec laquelle j'avais une assurance-invalidité à long terme, Manulife. L'hôpital ne versait pas un sou parce que c'était « une évaluation », pas un placement professionnel. À la fin de cette période d'essai, ma supérieure m'a dit qu'elle ne pouvait plus m'accommoder pour le travail de jour parce que cela causerait des difficultés indues pour son personnel infirmier qui comptait près de 70 infirmiers et infirmières. Elle accommodait déjà deux autres infirmières qui travaillaient uniquement de jour.
Une réunion a été convoquée par ma supérieure, à laquelle participaient l'infirmière en santé du travail, un consultant en ressources humaines et un représentant de Manulife d'un côté, et moi de l'autre. Mon seul soutien était une agente des relations avec les employés de mon syndicat, la Nova Scotia Government Employees Union, ou NSGEU. Son unique intervention a consisté à me poser la question suivante : « Pourquoi ne pouvez-vous pas travailler le soir? » et à reconnaître que j'avais besoin d'un autre rapport de mon médecin traitant. Celui qui avait été présenté le 28 juillet 2004 ne précisait pas que mon invalidité était « permanente » et qu'il était essentiel que je ne travaille que de jour. Un autre rapport écrit, fait au mois d'octobre de cette année, indiquait que mon invalidité était permanente et que, de surcroît, je ne devais pas faire d'heures supplémentaires.
Selon la politique administrative, le service des ressources humaines était obligé de répondre à mes besoins en tentant de me trouver un poste approprié. C'est le 24 février 2005 que j'ai reçu le premier avis m'indiquant que ce ne serait pas le cas. J'ai vu la liste restreinte des candidats retenus pour un poste pour lequel j'avais été interviewée en 2003. Lorsque je me suis renseignée, le lendemain, pour savoir pourquoi on ne m'avait pas offert ce poste, je n'ai pas reçu de réponse claire, ni d'explication par écrit ou une demande pour un autre rapport du médecin traitant. On m'a dit que je n'étais pas sur une liste des personnes pour lesquelles l'employeur était dans l'obligation de prendre des mesures d'adaptation. Mon médecin traitant a présenté un autre rapport, spécifiant que je pouvais me plier à l'horaire obligatoire, c'est-à-dire à un horaire sur appel, environ une semaine sur huit, ainsi qu'au besoin, des heures supplémentaires, ce qui voulait dire que je ne pouvais pas m'en aller au milieu d'un quart de travail. Le laboratoire n'est ouvert que huit heures par jour et j'avais été autorisée à faire des journées de 12 heures en 2004.
Le service des ressources humaines a consulté le directeur du laboratoire et a refusé de transmettre mon curriculum vitæ ou de m'accorder le poste parce qu'il prétendait que son titulaire devrait peut-être travailler 24 heures d'affilée si l'équipe qui était sur appel était surchargée. Je reconnais que les médecins chargés de ces procédures sont des êtres humains qui ont également certaines limites. Cependant, le représentant des ressources humaines, une personne qui avait un baccalauréat en commerce, a signalé que mes restrictions changeaient constamment et au cours de mon évaluation annuelle en 2004, la restriction concernant l'interdiction de travailler en soirée est réapparue subitement.
En mars dernier, j'ai déposé une plainte auprès de la Commission des droits de la personne. Je savais que les deux infirmières auxquelles on avait accepté de donner uniquement des horaires de jour n'avaient pas eu à souffrir, comme moi, d'obstacles continuels ou d'attitudes méprisantes en ce qui concerne mes besoins. Lundi dernier, on m'a proposé une période d'essai de trois mois de travail de jour dans mon service. Si l'essai est concluant, je ferai ensuite une période d'essai de six mois de jour et le soir, puis une période d'essai la nuit seulement. Je n'ai plus été capable de travailler la nuit depuis 1999. Mardi, la Commission des droits de la personne m'a dit qu'elle avait communiqué avec la direction de l'hôpital. J'accepterai son offre.
Nous sommes ruinés financièrement. Les prestations d'invalidité de longue durée représentent 65 p. 100 de mon chèque de paye. Comme nous n'arrivons pas à payer nos factures, nous avons reçu plus d'un avis de coupure de courant de la Nova Scotia Power et on nous a coupé le service téléphonique local à plusieurs reprises. Pendant plus d'une semaine, nous avons été privés du service interurbain, alors qu'il est essentiel, étant donné que ma vieille mère vit seule dans un appartement pour personnes âgées au Cap-Breton. Notre banque nous a menacés de faire une saisie hypothécaire et de bloquer le compte dans lequel je dépose mes prestations d'invalidité de longue durée. Nous n'avons pas les moyens d'entretenir notre véhicule et nous vivons à unedemi-heure du centre-ville, sans moyens de transport en commun. La seule façon de se rendre en ville pour aller à des rendez-vous est d'y aller en taxi, ce qui coûte une cinquantaine de dollars. Mon mari travaille jusqu'à 70 heures par semaine au salaire minimum depuis novembre 2004. Les versements sur nos emprunts et nos versements hypothécaires ne sont pas couverts par notre assurance-invalidité parce que ma dépression est« préexistante ». À l'automne 2004, j'ai eu recours à la Metro Food Bank (banque d'alimentation) une fois par mois, ce qui est le maximum permis, et j'étais heureuse qu'elle soit là. La campagne de Noël de l'Armée du Salut a permis à mes enfants d'avoir des jouets et des vêtements. Je remercie Dieu que mes prestations médicales ont continué de payer mon médicament, l'Effexor, parce que je ne pourrais pas le payer de ma poche.
Comment une personne qui est au courant de mes difficultés peut-elle douter de la validité d'un accommodement qui respecte mes besoins? Je n'ai pas de rayon X ni de cicatrices à exhiber.Les risques de rechute sont, si j'ai bien compris, d'environ90 p. 100. Mon employeur est riche et il peut patienter. Les prestations d'invalidité de longue durée ne durent que 24 mois et les miennes viennent à échéance le 31 décembre 2005. Si j'y arrive, je pourrai prendre ma retraite avec pension réduite le 1er février 2009. Si j'ai une interruption de service, je n'aurai accès à cette pension que lorsque j'aurai 65 ans.
S'il me reste assez de temps disponible, j'ai quelques réflexions à partager avec vous. J'ai vu de nombreuses publicités du gouvernement indiquant les signes annonciateurs d'un problème d'alcoolisme, ce qui est bien. Cependant, il est nécessaire d'en faire également sur les signes de dépression, à l'intention du grand public. Personne ne devrait avoir à traiter avec des employés atteints d'une maladie mentale sans avoir reçu une certaine formation en soins de santé ou sans avoir au moins participé à un programme intensif de sensibilisation et de détection des signes de dépression au travail. Les programmes d'aide aux employés sont géniaux, mais peu de problèmes mentaux peuvent être réglésavec six séances de thérapie ou avec une allocation maximale de 300 $. Il faudrait mettre en place un processus permettant d'évaluer la gravité du problème et d'aiguiller le patient vers d'autres traitements appropriés à la première occasion. Pourquoi, en Nouvelle-Écosse, les psychologues ne peuvent-ils pas être payés pour des consultations s'ils ne sont pas membres d'une association précise? Par exemple, le premier que j'ai vu dans le cadre du Programme d'aide aux employés, faisait partie de l'équipe de conseillers de la St. Mary's University. Ce n'était pas un charlatan, mais je n'ai pu suivre que les six séances autorisées par le Programme d'aide aux employés parce qu'on ne recevait pas de subventions provinciales.
J'ai quelques autres pensées à partager, et certaines d'entre elles éveillent des réminiscences personnelles. Dans le milieu des soins de santé, on n'est pas très à l'aise quand un des membres de la profession est atteint de troubles mentaux. On adopte l'attitude du « n'importe où, mais pas chez nous! ». Lorsqu'on se rend compte qu'il est atteint, on voudrait que le travailleur s'en aille et qu'il quitte son milieu de travail actuel.
Je suis d'accord avec Susan. Un des meilleurs traitements que j'ai reçu est une série de séances avec des facilitateurs qualifiés à la clinique de jour du Abbey J. Lane Hospital. Le courage et la volonté de partage de ces groupes sont admirables et émouvants. Ils ont été ma principale source d'inspiration mais ils m'ont épuisée et m'ont posé un défi.
Il est essentiel de faire changer les attitudes, en commençant par les écoliers. Il est essentiel d'être ouvert au sujet des facteurs de risque de dépression, notamment en ce qui concerne l'alcoolisme et les antécédents familiaux. Il faut poursuivre les leçons concernant un style de vie sain, mais il est essentiel d'y inclure la santé émotionnelle également.
Je dis que nous ne devons pas être honteux d'avouer l'identité de notre maladie. Ne nous évitez pas lorsque nous prenons la parole. Notre maladie n'est pas contagieuse.
Le président : Merci beaucoup, madame Wallace.
C'est maintenant au tour de M. George MacDonald.
M. George MacDonald, à titre personnel : L'exposé que je ferai aujourd'hui est le même que celui que je ferai à la fin du mois en Nouvelle-Écosse, dans le but de faire la promotion des divers types de programmes en place à travers le pays.
Je tiens à remercier Neil et les membres de notre équipe COMPASS de m'avoir demandé de vider mon cœur aujourd'hui en disant ce que j'ai à dire au sujet de la santé mentale. C'est pour moi un honneur.
Ma vie a été comparable à l'aiguille d'une boussole qui s'affole. J'ai déjà été un mari, un père et un propriétaire de maison. Considéré comme un bourreau du travail, j'ai été opérateur de machine, ouvrier du bâtiment, foreur et dynamiteur. J'avais de l'expérience dans les petites scieries et j'étais propriétaire d'une petite entreprise forestière. Je vivais dans une forteresse de rêves.
C'est alors que tous mes rêves se sont effondrés. Une colite ulcéreuse a détruit mon gros intestin et je suis resté avec un sac fixé à l'estomac à la suite d'une opération. L'année suivante, j'ai subi une ablation du rectum et mon anus a été cousu. L'année d'après, j'ai eu des phases maniaco-dépressives à la suite desquelles j'ai perdu une entreprise, j'ai perdu ma carrière dans le secteur forestier, j'ai perdu ma maison et ma famille et j'ai même perdu mon honneur. J'ai été abattu et humilié par la maladie mentale. J'ai été admis à plusieurs reprises dans des services de psychiatrie et j'ai passé près de deux ans dans un hôpital psychiatrique correctionnel pour une infraction à la loi fédérale. J'ai lutté contre des tendances suicidaires, j'ai suivi des traitements aux électrochocs pendant un mois et j'ai même passé quelques jours en prison. Ce fut pour moi un dur réveil dans le monde réel de la douleur et de la cruauté.
Lorsqu'on est perdu dans les méandres de la folie, on rencontre parfois des psychiatres exceptionnels. Jusqu'à présent, j'en ai rencontré deux, un dans l'hôpital correctionnel et un qui m'a aidé à faire des progrès au cours des dernières années, depuis mon arrivée à Truro. La Dre Warren m'a connu pendant mes mauvaises périodes et elle m'a écouté à une époque où je n'arrivais apparemment pas à arrêter de parler. Nous avons établi de saines relations. Elle m'apporte son soutien si je veux changer un dosage ou essayer un autre médicament. Je ne tiens pas à être superman ni « Poor George » non plus. Je veux seulementêtre en bonne santé. En psychiatrie, le fait de ne pas réagir« normalement » aux médicaments pose un défi en soi et nous apprenons tous souvent à nos dépens. La Dre Warren a été d'un précieux secours et elle a constamment fait preuve d'une grande bonté et d'une grande compassion.
À cause de moi, mes enfants et leur mère ont connu les horreurs de la maladie mentale et ont des cicatrices très profondes qui détruisent l'âme. Les souvenirs avec lesquels ils sont forcés de vivre sont un châtiment que je ne souhaite à personne. Après ce qu'ils ont enduré, il a fallu une forte dose de pardon et de confiance pour reconstruire notre famille et pour qu'ils puissent aimer à nouveau, comme ils le font. C'est grâce à leur mère que ce processus de reconstruction a été aussi rapide, et c'est tout à son honneur.
Mes frères et ma sœur ont vu mon père souffrir de maladie mentale jusqu'à ce que, finalement, il soit anéanti par la maladie d'Alzheimer. Cela leur a permis de mieux accepter mon état,peut-être parce qu'ils n'étaient pas obligés de vivre avec moi. Les quelques amis que j'ai sont toujours mes amis à leur propre façon.
La maladie mentale touche de nombreuses personnes. Les blessures et les craintes qu'engendre la maladie mentale sont beaucoup plus profondes qu'on ne le pense. Pour survivre à la maladie mentale, il est essentiel d'avoir beaucoup de volonté et d'apprendre à accepter que les rêves soient brisés. Beaucoup de personnes n'apprennent pas cette dure leçon et deviennent des victimes.
Au cours du processus d'abandon à ma maladie mentale, j'ai été touché par la grâce et j'ai fait la rencontre de Dieu et de ses guerriers qui luttent pour le développement et la survie de la planète Terre.
Le rétablissement a été lent et douloureux, mais enrichissant, car j'ai été une de ces personnes sur un million qui ont enfreint les règles très fréquemment tout en apprenant à rétablir la communication. J'ai eu des contacts avec les nombreux systèmes qui sont en place dans notre société humaine et j'ai appris beaucoup de choses sur la médecine et sur notre développement économique et social, ainsi que sur la nécessité de devenir des intendants de nos ressources humaines. Mon ergothérapeute, qui est chef d'équipe de COMPASS à Truro, a été pour moi un sauveur car il m'a permis d'établir les contacts avec le réseau de systèmes à travers lesquels il faut manœuvrer pour être sur la voie du rétablissement : alimentation, refuge, transports, aide financière, médicaments, divers rendez-vous, loisirs et emplettes à l'épicerie. Il est solide, il est toujours prêt à écouter et a un grand cœur. C'est un modèle pour les autres membres de son équipe.
De tous mes échecs, c'est mon échec familial que je regrette le plus, et toute la peine et les embarras générés par mes voyages vers la révélation par la touche magique de Dieu.
Je n'ai aucune imagination visuelle, mais je m'efforce de m'exprimer par l'écriture créatrice, le travail du bois, les réalisations forestières, la reconnaissance financière, et la conscience environnementale. Ce sont devenus les outils éducatifs que j'utilise pour tisser ma toile qui permettra à tous de rester honnêtes, équitables, consciencieux et conscients.
Grâce à mon expérience personnelle et à ma volonté d'écouter et d'être l'instrument de l'esprit de la bonté, j'ai fait de nombreux voyages pour aider les moins privilégiés de notre société.
Mes troubles schizo-affectifs ont été une bénédiction car ils m'ont fait passer de l'opulence à la pauvreté et m'ont fait découvrir les vraies richesses du genre humain. Comprendre les sacrifices qu'il est essentiel de faire pour développer la liberté sociale et connaître les difficultés de la recherche de la paix et de la bonté en dépit de tous les obstacles a été pour moi une bénédiction. Mes relations avec Dieu ne peuvent pas être achetées avec de l'argent et elles ne sont possibles qu'au prix de gros sacrifices. C'est une récompense. La spiritualité et la psychiatrie peuvent être considérées comme indissociables si nous acceptons que Dieu l'a permis. Pour de nombreuses personnes, la solution n'est pas liée uniquement à la médecine.
Je voudrais vous lire deux poèmes qui ont des points communs avec les commentaires que je viens de faire. Le premier est intitulé Manic Depression (maniaco-dépression).
À quoi cela ressemble-t-il d'être maniaco-dépressif
D'être dans des états que l'on a de la difficulté à décrire?
De rester au lit avec la couverture tirée sur la tête sans savoir quel jour on est et sans avoir besoin de le savoir.
D'être plongé dans la confusion totale sans savoir pourquoi.
C'est un état dans lequel on sombre aisément dans la tristesse.
La vie ou la mort n'ont plus aucune importance,
L'âme a été mise complètement à nu.
Le temps paraît bien long dans un lit d'hôpital,
Un lieu pour se reposer et pour verser des larmes.
Un tourbillon de pensées traversent l'esprit,
Des souvenirs des combats antérieurs remontent parfois à la surface.
Des familles détruites et des mariages brisés,
À cause de certains agissements et de certaines paroles.
Une maladie qui peut être transmise par les gènes,
Des parents aux enfants qui n'auront peut-être même pas la possibilité de sourciller.
Pendant des jours ou des semaines, voire des mois,
Sans jamais savoir combien de temps durera l'état dépressif.
Des pilules et des piqûres et de la thérapie à endurer,
Pour regagner le style de vie que l'on avait avant.
Des activités quotidiennes,
Pour aider à garder son équilibre.
La dépression profonde engendre la crainte
Que la fin de la vie n'a jamais été aussi proche.
Des démons peuvent s'emparer de votre esprit,
Une place est préparée au ciel pour votre âme.
D'où viennent toute la peine et tous les tourments?
Ils vous ont peut-être été transmis par votre père ou par votre mère.
Quand on n'a pas d'amis pour passer la journée,
On va à la fenêtre pour regarder les autres s'activer.
Dieu est mon sauveur car mes prières ont été entendues,
Il a répondu à mes appels à l'aide.
Et maintenant, la dernière phase, aux antipodes de la dépression, est appelée « phase d'exaltation maniaque ».
À quoi cela ressemble-t-il d'être dans un état d'exaltation extrême,
De planer comme les aigles, haut dans le ciel?
D'être aussi sauvage que le vent dans l'œil de la tempête,
Lorsqu'on est dans le labyrinthe de « l'anormal ».
D'être plein d'énergie, sans ressentir le besoin de se reposer,
C'est une période pendant laquelle il est possible de se dépasser.
De franchir les limites pour accéder à un monde qui, d'après les autres, n'est pas réel,
Car ils sont peu nombreux ceux qui savent comment vous devez vous sentir.
À ne jamais avoir faim et à ne pas avoir besoin de beaucoup de sommeil,
Le simple pas est maintenant devenu un bond.
Apprendre devient amusant, ce n'est plus ennuyeux,
Plus on est exalté, et plus on prend de l'assurance.
On est obsédé par tout ce qui nous passe par la tête,
Et vous constaterez que c'est difficile de ne pas l'être lorsqu'on est possédé.
On oublie qu'on a été aveugle quand on recouvre la vue,
La vie, d'ennuyeuse, redevient passionnante.
On peut rire à tout moment,
On peut passer des heures au téléphone.
On dépense sans compter, comme si l'argent était inépuisable,
Et on ne peut pas s'arrêter avant qu'il ne reste plus rien à dépenser.
Votre créativité intérieure vient du plus profond de vous,
Pourquoi a-t-il fallu si longtemps pour qu'elle se révèle? Où était-elle donc cachée?
L'écriture et les activités artistiques sont un privilège,
On n'a pas l'impression que c'est nous.
Nous sommes comblés de richesses, mais très momentanément,
Tout semble être bien, même si on a fait beaucoup de choses de travers.
Je flotte sur les nuages et tout le monde peut le voir,
Je suis un bipolaire et je suis très malade.
Le président : Vous êtes un poète extraordinaire, monsieur MacDonald. Je vous remercie. Avant de donner la parole au sénateur Cochrane, j'aimerais que vous donniez deux ou trois informations plus précises. D'abord, qu'est-ce que le COMPASS?
M. MacDonald : C'est un programme qui a été mis en place en Nouvelle-Écosse.
Le président : Est-ce un acronyme?
M. MacDonald : C'est un organisme qui offre des services de réadaptation fonctionnelle et de soutien.
Le président : Y a-t-il trois ramifications différentes du programme à travers la province?
M. MacDonald : Oui. Le programme offre des services de santé mentale dans toute la province.
Le président : Monsieur Muise, je suis captivé par vos commentaires sur le programme de la Georgie qui, d'après vous, accrédite des spécialistes parmi les pairs. Est-ce bien cela? Vous y êtes allé pour étudier le programme. Pouvez- vous prendre deux ou trois minutes pour nous donner des informations sur ce programme? Est-ce un programme universitaire ou collégial? Par qui est-il administré? Je suppose qu'il est financé par le gouvernement de l'État, puisque Medicaid est un organisme de l'État.
M. Muise : Oui, par le biais de Medicaid. Le programme relève du département des ressources humaines de l'État de Georgie. Toutes les personnes qui suivent la formation, qui consiste en une formation très intensive de deux semaines, sont, naturellement, des consommatrices de services de santé mentale en voie de rétablissement. Les spécialistes sont recrutés et oeuvrent dans le système officiel. Ce peut être dans un hôpital psychiatrique ou une clinique de santé mentale. En outre, on a mis en place dans cet État ce que l'on appelle des « peer centres » (centres de pairs).
En tant que membres de l'équipe, ces spécialistes aident des personnes à se fixer des objectifs et à les atteindre et les informent sur les méthodes auxquelles on peut avoir recours pour rester en bonne santé. D'une façon générale, un spécialiste travaille avec une trentaine de personnes au cours de la même période. On a mis en place un système de mise à jour annuelle de la formation et pris d'autres initiatives de ce type.
Le président : Lorsque vous étiez en Georgie, avez-vous rencontré des spécialistes ainsi que quelques-unes des personnes qu'ils aident? Avez-vous entendu l'opinion des deux parties sur l'efficacité de ce système?
M. Muise : Oui, car beaucoup de personnes qui ont suivi la formation avec moi étaient là grâce au travail qu'un pair spécialiste avait fait avec elles. J'ai par conséquent eu la chance d'avoir l'opinion des deux parties. Le dernier jour de formation, on avait invité environ six spécialistes à venir discuter avec nous; ils nous ont donné beaucoup d'information sur la nature de leurs activités routinières. Nous avons également notre propre babillard sur Internet, si bien que la communicationréciproque est constante. Je suis très fier d'avoir l'honneur d'être « M. Canada » pour eux, parce que je suis la première personne du Canada à suivre la formation.
Je signale aussi que cette formation est également offerte en Caroline du sud et à Hawaii. Quatre ou cinq autres États devraient s'y ajouter cette année et Medicaid espère que, d'ici cinq ans, ce programme sera en place dans tous les États.
Le président : Qui sont les instructeurs?
M. Muise : Les cours sont donnés par un groupe de consommateurs de services de santé mentale qui ont reçu une formation et ont élaboré le programme. Ce programme est placé sous les auspices du département des ressources humaines de la Georgie, mais c'est un programme entièrement élaboré et administré par les consommateurs de services.
Le président : C'est intéressant. Nous n'en avions encore jamais entendu parler. Comment avez-vous appris l'existence de ce programme?
M. Muise : C'est un consommateur de services de santé mentale du Nouveau-Brunswick avec lequel j'ai bavardé sur Internet qui m'en a parlé. J'ai fait une recherche sur le site et j'ai décidé d'aller en Georgie, parce que j'étais très impressionné. En fait, j'ai signé le livre d'invités en ligne en faisant quelques commentaires sur ce que je pensais du programme et, le lendemain, j'ai reçu un courriel de la directrice du programme me demandant si je pouvais aller en Georgie. C'était vers la fin d'octobre, début de novembre. Elle m'a dit qu'elle faisait un cours de formation en décembre et qu'elle aimerait beaucoup que j'y participe. J'y suis donc allé.
Le président : Et vous y êtes allé?
M. Muise : Oui. J'ai eu la chance que mon employeur m'y laisse aller.
Le président : C'est un excellent exemple parce que, comme je vous l'ai signalé plus tôt, nous avons entendu des commentaires de nombreux groupes de soutien et consommateurs de services et je n'avais encore pas entendu de témoignage semblable au vôtre. C'est ahurissant!
M. Muise : Oui.
Le président : Cependant, nous constatons, au cours de nos déplacements à travers le pays, que d'excellentes initiatives sont mises en oeuvre, mais personne n'est au courant. Aucun système d'échange d'information n'a été mis en place.
M. Muise : Exactement.
Le président : C'est pourquoi j'étais curieux de savoir comment vous en aviez entendu parler. C'est en quelque sorte par hasard que vous en avez entendu parler.
M. Muise : Oui, par hasard.
Le président : Il semblerait que l'on mette de telles initiatives en place un peu partout.
Le sénateur Pépin : Est-ce que ce cours est coûteux?
M. Muise : Non, il n'est pas coûteux du tout. Les responsables sont naturellement conscients du fait que la plupart des consommateurs n'ont pas les moyens de se payer le cours. Ils ne demandent que 75 $ pour la formation comme telle, mais il faut par ailleurs avoir les moyens de se payer le voyage et un séjour de deux semaines.
Le président : Oui, de séjourner sur place.
M. Muise : Généralement, une clinique ou un hôpital paie cette partie des frais, mais les frais d'inscription au cours proprement dit sont très raisonnables.
Le sénateur Cochrane : Je voudrais faire un commentaire d'ordre général. Parmi les méthodes employées en santé mentale au cours des années antérieures dont nous avons entendu parler, et nous avons souvent entendu parler de traitement par électrochocs et d'autres types de traitement, il reste d'excellentes initiatives. Vous êtes ici aujourd'hui. Vous nous racontez votre histoire et ce sont des histoires vraies. Vous pouvez raconter votre histoire sans crainte ou sans hésitation. Monsieur le président, je trouve cela formidable. Vraiment. Nous avons accompli des progrès considérables, quand on pense qu'il y a 20 ans à peine, on n'aurait jamais pu faire ce que nous faisons aujourd'hui. C'est tout simplement formidable! Vous participez aux audiences du comité et des sénateurs d'Ottawa écoutent votre histoire. C'est formidable!
Monsieur MacDonald, vos poèmes devraient être publiés. Il doit bien y avoir quelque part un éditeur qui serait disposé à publier vos poèmes car ce sont les meilleurs que j'aie jamais entendus. Nous devons vous trouver un éditeur. Vraiment. Je suis sérieuse.
Madame Roper, vous avez parlé de financement. La semaine dernière, nous avons entendu le témoignage d'un groupe — je pense que la dame, Judy Hill, était de Toronto et le président la connaît très bien, j'en suis sûre. Mme Hill parlait de levées de fonds pour la lutte contre la toxicomanie. Elle doit venir sur la côte est à l'automne. Elle travaille pour un organisme sans but lucratif, mais elle recueille des fonds pour cet organisme. Un des commentaires qu'elle a fait est que peu de personnes présentent des demandes de bourse de recherche. On ne sait jamais, monsieur Muise, vous pourriez être admissible et recevoir une bourse pour aller à des endroits comme ce centre. N'oubliez pas le nom de cette dame, Judy Hill.
Il est essentiel que nous communiquions de l'information à des gens comme vous, parce que vous pouvez l'utiliser. D'après cette dame, certaines études qui sont faites resteront naturellement, comme vous le savez, sur les étagères et ramasseront la poussière. Nous ne pouvons pas tolérer cela. Si vous avez des études en main, assurez-vous que le plus grand nombre possible de centres ou de groupes religieux ou d'autres groupes y aient accès et s'en servent. Je ne dicte pas mes volontés, monsieur le président. J'espère que vous n'avez aucune objection à ce que je parle ainsi.
Quelqu'un a mentionné les écoles. Nous disions, la semaine dernière, qu'il faudrait mettre des initiatives en place dans le système scolaire, et je suis entièrement d'accord. Je ne sais plus qui a mentionné les écoles ce matin, mais le personnel scolaire devrait recevoir une formation qui lui permettrait de savoir comment déceler ce type de problème dès le jeune âge et comment réagir. Si vous avez des contacts avec des directeurs d'école, des surintendants, et cetera, vous devriez le faire savoir, car il est essentiel de donner aux enseignants et aux éducateurs une formation qui leur permette de déceler la maladie mentale chez les jeunes et chez les enfants.
Pensez-vous vraiment que les troubles mentaux soient héréditaires?
M. Muise : Je me suis souvent demandé s'il n'y avait pas certaines prédispositions génétiques à la maladie mentale. Ma mère a eu une période de dépression, mais c'était plus circonstanciel. Un membre de la famille m'a appris, au cours du dernier mois, que la dépression était très présente dans ma famille, mais qu'à l'époque, on n'en parlait jamais. J'ai appris dernièrement que ma tante favorite avait manqué l'école pendant toute une année pour cause de dépression, dans les années 30. Plusieurs autres membres de ma famille étaient également touchés.
Pour moi, cette nouvelle était comme la découverte d'une pièce supplémentaire du casse-tête, parce que je sais maintenant que la maladie mentale est présente dans ma famille, des deux côtés — et que cela a probablement eu une influence sur mon état.
Le président : Madame Roper, voulez-vous faire des commentaires à ce sujet, compte tenu de l'expérience que vous avez eue avec votre fille?
Mme Kilbride-Roper : Certainement. On oppose l'influence de la nature à celle de l'éducation — en d'autres termes, cet état serait lié au milieu familial dans lequel un individu est élevé, et à certains facteurs génétiques. Ma fille et moi étions prédisposées à la maladie mentale en raison de nos antécédents familiaux. J'ai un oncle chez lequel le trouble bipolaire avait été diagnostiqué. Je l'ignorais jusqu'à ce que je parle de mes problèmes à toute ma famille, qui est une très grande famille, une famille catholique irlandaise de l'Île-du-Prince-Édouard, des deux côtés, car je me faisais du souci au sujet des enfants de mes cousins et cousines, de mes tantes et de mes oncles et je craignais que ce trouble les affecte et qu'il ne soit pas décelé assez rapidement. Depuis lors, les membres de ma famille me confient petit à petit leurs problèmes personnels, individuellement, parce qu'ils ne sont pas aussi audacieux que moi pour révéler cette information. Ils m'ont confié qu'en fait, ils avaient également ce type de problème. J'ai appris que ma grand-mère du côté paternel avait passé les trois dernières années de sa vie au lit, mais le mot « dépression » n'a jamais été prononcé. Par conséquent, la maladie mentale est présente dans ma famille, du côté paternel et du côté maternel.
En ce qui concerne ma fille, on m'avait signalé que, sur le plan statistique, les probabilités qu'elle souffre au moins de dépression, voire de dépression bipolaire ou unipolaire, étaient de 50 p. 100, et c'est bien le cas. J'ai mentionné que j'avais une toxicomanie. Lorsque ma fille était âgée d'une quinzaine d'années, j'ai traversé une crise aiguë d'éthylisme et j'avais un comportement qui avait certainement des incidences néfastes sur une enfant. Par conséquent, si l'on peut mettre en cause les prédispositions génétiques, il faut également tenir compte du milieu dans lequel un enfant est élevé.
Le sénateur Cordy : Je vous remercie d'avoir accepté notre invitation; ce n'est pas toujours facile de raconter continuellement votre histoire. Certaines personnes pourraient croire qu'après avoir entendu des histoires comme la vôtre pendant un an et demi, les membres du présent comité seraient, je ne dirais pas endurcis, mais, en quelque sorte, immunisés. J'avoue toutefois que cela me déchire le cœur d'entendre ces histoires, surtout les plus récentes, celles qui concernent les années 2004, voire 2005. Nous avons effectivement accompli des progrès considérables, mais il nous en reste encore beaucoup à accomplir.
Madame Wallace, l'épisode de votre histoire concernant la réaction qu'a eue votre employeur, en 2004, à Halifax, qui est ma ville d'origine, est déchirant. J'admettrais peut-être ce type de réaction de la part de certains employeurs qui ne sont pas très informés sur la santé mentale, mais pas d'un employeur du secteur des soins de santé ni du secteur de la fonction publique. Vous avez dit que le seul appui que vous ayez obtenu est celui d'une représentante du NSGEU qui devrait normalement être bien informée sur la santé mentale. L'absence d'appui est révoltante. Est-ce que cela change? Je pense que cet épisode est récent, qu'il date de 2004. Est-ce que les épreuves que vous avez dû endurer ont servi à quelque chose?
Mme Hayes Wallace : J'ai fait une expérience de conscientisation — comme on disait à l'époque de la libération de la femme. J'ai appris que ce qui est écrit sur papier ne correspond pas à ce qui se fait en pratique. J'ai également appris qu'il faut une grande force de caractère et beaucoup de persévérance pour faire respecter ses droits. Je connais d'autres infirmières qui sont dans la même situation que moi — des infirmières très dévouées qui n'ont pas l'entêtement d'une personne originaire du Cap-Breton ou quelque autre motivation — qui ont fait pendant leur période d'invalidité de longue durée quelques tentatives pour améliorer la situation sans toutefois recevoir beaucoup d'appui et qui ont par conséquent quitté l'hôpital et trouvé un autre emploi dans le domaine des soins infirmiers, mais plus pour le même employeur. Elles ont emporté avec elles des compétences très précieuses. C'est très pénible d'être au travail quand on est « sortie du placard ». On cesse de se cacher et on dit « je suis déprimée » et on reçoit de l'aide. Les collègues de travail savent pourquoi vous êtes absente — car vous ne boitez pas ou vous m'avez pas des points de suture à votre retour — et on vous traite quelque peu différemment. Tous vos collègues sont « préoccupés ».
Ils sont réellement préoccupés pour vous, à tel point qu'ils ne vous parlent pas directement, mais qu'ils parlent à votre supérieur. Ils disent par exemple « elle ne prend pas sa pause à l'heure » ou « elle n'est apparemment plus aussi bienorganisée qu'elle l'était ». C'est en quelque sorte une prophétie qui s'exauce parce que l'on tente de tout faire, sinon on ne sait jamais si quelqu'un n'ira pas dire ceci le lendemain travail : « Elle n'est pas sortie avant 11 h 30 hier soir; elle devait normalement quitter à 11 heures ». C'est l'enfer de travailler dans une telle ambiance, dans un milieu où l'on ne veut pas de vous et où l'on pense que vous devriez aller ailleurs. Pardi, j'ai bien essayé de trouver un emploi ailleurs, mais on ne voulait pas de moi là non plus.
J'ai téléphoné à tout le monde pour obtenir de l'aide. J'aurais téléphoné à Dieu. J'ai téléphoné à la Commission des droits de la personne dès le début et un monsieur très aimable m'a répondu ceci : « Votre plainte est probablement fondée, mais je pense que votre syndicat sera plus efficace ». Ce n'est pas vrai, parce que ma situation n'est pas le seul sujet de préoccupation du syndicat. Les intérêts du syndicat sont axés sur des questions différentes comme l'ancienneté, la rémunération, les avantages sociaux, et cetera. Je pense toutefois que lorsque les syndicats ont négocié les prestations pour les personnes nécessitant une adaptation à leurs besoins au travail, ils n'ont pas examiné très attentivement le problème de la maladie mentale. Lorsque j'en ai parlé à notre représentant des ressources humaines, il m'a dit : « Est-ce que toutes les infirmières qui travaillent à l'hôpital ne veulent pas un poste de jour? »; j'aurais pu le manger tout cru. Je n'avais rien à faire de leurs exigences. J'avais besoin d'un emploi de jour. J'avais besoin de sommeil régulier et d'heures régulières et de temps libre à consacrer à ma famille. J'étais outrée et je me sentais profondément méprisée et humiliée. Vous remarquez probablement que je ressens encore beaucoup de colère mais, je vous le promets, je canaliserai cette colère pour la transformer en actes. Je prendrai la défense de mes pairs. Pas une personne ne souffrira et ne traversera plus le type d'épreuves que j'ai connues, pas si je peux prendre sa défense en tout cas.
Le sénateur Cordy : Vous êtes très instruite et très volontaire. Ce ne sont pas toutes les personnes atteintes de maladie mentale qui ont les ressources que vous avez pour mener le combat que vous avez mené, surtout si elles sont déprimées ou souffrent d'autres types de maladies mentales. Comment pouvez-vous provoquer le changement? Je suis outrée d'apprendre que cela se passe dans la fonction publique, dans un organisme gouvernemental, dans un établissement de soins de santé.
Mme Hayes Wallace : La promotion et la défense des droits des personnes atteintes de maladie mentale sont relativement récentes. La défense des toxicomanes a des origines lointaines et remonte à la création d'Alcooliques Anonymes. Elle est bien établie. Comme nous le savons, en ce qui concerne les déficiences physiques, les réactions se sont faites longtemps attendre. Bien des sociétés et des entreprises se sont opposées à l'installation de rampes et d'ascenseurs. Pourtant, le monde des affaires ne s'est pas écroulé et les personnes en chaise roulante ou celles qui ont un handicap auditif ou visuel ont maintenant la possibilité d'occuper un emploi. Eh bien, il est maintenant essentiel de prendre des initiatives équivalentes pour les personnes qui ont des besoins particuliers en raison d'une maladie mentale. Il est essentiel que nous ayons nos propres « rampes », à défaut de trouver un meilleur terme.
Le président : Une des raisons pour lesquelles j'ai volontairement fait mention des déficiences physiques tout à l'heure est que je voulais signaler qu'en une génération à peu près, les attitudes du public ont radicalement changé. Vous avez parfaitement raison, les milieux d'affaires pensaient que le monde allait s'effondrer. On protestait contre l'obligation d'aménager les trottoirs et d'installer des rampes d'accès à pratiquement tous les édifices. Aujourd'hui, on n'y pense même plus. Un entrepreneur qui construit un édifice installe automatiquement des toilettes accessibles aux personnes en chaise roulante. Ce n'est même plus au programme car c'est devenu systématique. Il est donc, de toute évidence, possible de provoquer le changement.
Vous avez toutefois raison; en ce qui concerne les attitudes à l'égard de la maladie mentale, nous en sommes à peu près au même point qu'il y a 20 ou 25 ans, en ce qui concerne les déficiences physiques.
Le sénateur Cordy : Plusieurs d'entre vous ont parlé des campagnes de sensibilisation publique. Dans mon autre vie, lorsque j'étais enseignante, on menait beaucoup de campagnes pour la santé cardiaque et pour la bonne forme physique, des campagnes antitabac, des campagnes antidrogue, mais on ne parlait pas vraiment de maladies mentales et on n'examinait pas la possibilité de comorbidité dans le contexte de la sensibilisation aux effets néfastes des drogues. Comment concevez-vous ce type de sensibilisation et quand pensez-vous que l'on devrait amorcer une campagne? J'ai été enseignante au niveau primaire et nous avions toutes sortes d'activités qui se rapportaient aux drogues et au tabac, ainsi qu'à l'alcool et à d'autres sujets semblables, mais les enseignants ne donnaient jamais beaucoup d'information sur les problèmes de santé mentale.
Mme Kilbride-Roper : Les programmes scolaires, à tous les niveaux, à partir d'un très jeune âge, devraient inclure de l'information sur la santé mentale dans le contexte de l'initiation des enfants aux questions de santé. Un certain travail a été accompli à cet égard. Je sais que l'Association canadienne pour la santé mentale a deux publications, l'une pour les élèves du primaire et du secondaire et l'autre pour les étudiants de niveau universitaire, portant sur la santé mentale et donnant des conseils sur la survie en milieu scolaire lorsqu'on est atteint d'une maladie mentale. Cette information aurait toutefois pu être présentée à des classes plus jeunes. Ce type d'initiative devrait inclure également une formation pour les enseignants ainsi que des conseillers en orientation. Il serait essentiel de prévoir des journées consacrées spécialement à la santé mentale et à la détection des premiers signes de maladie mentale chez les jeunes.
D'excellents programmes ont été mis en place dans les hôpitaux et il existe des programmes pour les jeunes, mais ils s'adressent aux personnes qui sont déjà en état de crise. Il est essentiel de penser à ce que l'on peut faire pour aider les personnes avant qu'elles ne soient en état de crise. Je pense qu'il faudrait affecter des fonds par le biais du système des soins de santé pour que des experts, notamment des membres de l'Association canadienne pour les maladies mentales, ou des membres du programme Consumers in Action, aillent dans les écoles pour assurer la formation des enseignants et des conseillers en orientation et les mettent au courant des signes révélateurs chez les jeunes. Certains enseignants ont actuellement reçu une formation pour déceler les signes d'hyperactivité avec déficit de l'attention, mais ils pourraient également être vigilants pour déceler d'autres types de troubles.
Le sénateur Cordy : Et que pensez-vous du système judiciaire pour jeunes contrevenants? Je sais que le système judiciaire est conscient du fait que de nombreux jeunes contrevenants sont alcooliques ou toxicomanes, ou les deux. Ont-ils reçu une formation pour étudier les possibilités de comorbidité,c'est-à-dire les possibilités qu'un jeune toxicomane soit atteint d'une maladie mentale? Le savez-vous?
M. Muise : Je pense que certaines études sont en cours en Ontario et au Nouveau-Brunswick. C'est généralement dans le milieu judiciaire que cela se fait, pour tous les âges, mais c'est indéniablement un domaine où il reste beaucoup de travail à faire. Je suis heureux parce que j'ai appris la semaine dernière, pendant que j'étais à Ottawa, qu'on est en train d'établir un groupe de travail, si c'est le bon terme, composé de représentants de Santé Canada, de justice Canada, de Ressources humaines et de divers autres organismes qui seraient chargés d'examiner la santé mentale et la maladie mentale, compte tenu du fait que ce domaine ne relève pas d'un seul ministère.
Le président : Qui vous l'a appris? Le savez-vous?
M. Muise : J'étais à Ottawa la semaine dernière, avec l'Association canadienne pour la santé mentale. Nous avons fait notre « assaut de la Colline » et nous avons rencontré divers sénateurs et députés au cours de la semaine pour discuter de questions touchant la santé mentale. C'est à deux ou trois de ces réunions que nous avons appris cela, peut- être de la bouche de représentants de Santé Canada. Michael Wilson a été nommé et le processus est en cours.
Le président : Oui, et nous nous sommes appuyés sur diverses personnes.
M. Muise : Exactement et quelqu'un a dit la semaine dernière que les autres ministères avaient nommé ou étaient en voie de nommer leurs représentants.
Le sénateur Cordy : À ce propos, je signale que c'était un excellent programme pour sensibiliser les politiciens aux questions liées à la santé mentale, même si je vous ai retenu dans mon bureau beaucoup plus longtemps que vous ne l'aviez prévu.
M. Muise : Nous avons presque reçu un prix pour être restés le plus longtemps, mais nous avons apprécié cette discussion.
Le sénateur Cordy : Ma question suivante concerne les programmes de travail. Madame Roper et monsieur Muise, vous avez parlé l'un et l'autre de bénévolat et vous avez signalé que cela vous avait aidés à trouver un emploi. A-t-on mis en place en Nouvelle-Écosse des programmes visant à aider des personnes qui avaient souffert d'une maladie mentale à réintégrer le marché du travail ou à aider les jeunes, peut-être des jeunes schizophrènes dont le premier diagnostic est établi à l'approche de la vingtaine et qui n'ont peut-être jamais été sur le marché du travail?
M. Muise : En tout cas, si des programmes ont été mis en place en Nouvelle-Écosse, je ne suis pas au courant. Les seuls endroits où certains programmes ont été mis en place, c'est dans des organismes du secteur de la santé mentale et de la maladie mentale. Je ne suis au courant d'aucun autre programme. Je me considère comme très chanceux d'avoir un emploi et c'est très important de pouvoir réintégrer le marché du travail. Pendant les années 90, lorsque j'étais très malade, et même plus tard, j'ai été hospitalisé en moyenne une ou deux fois par an. En 2001, j'ai passé la fin de semaine de la Fête de Victoria à l'hôpital. Six semaines plus tard, je commençais à travailler dans l'emploi que j'occupe actuellement. Mon milieu de travail m'aide beaucoup — je n'ai plus été hospitalisé depuis et, par conséquent, personne n'a à me convaincre qu'il y a un lien entre ce fait-là et le fait d'avoir un emploi.
Quant à des programmes officiels, je n'en connais aucun. Il y a quelques années, avant de commencer à travailler, j'ai assisté à une conférence d'un jour portant sur l'infrastructure qui était en place pour aider les personnes invalides à réintégrer le marché du travail. J'ai entendu parler toute la journée d'ordinateurs spéciaux, de sièges spéciaux, et cetera, et, en fin de journée, je me suis levé et j'ai dit ceci : « J'ai entendu des choses très intéressantes aujourd'hui, mais je n'ai pas encore entendu parler d'une initiative concernant le type d'invalidité dont je souffre ». Toute l'assistance m'a regardé et j'ai dit ceci : « J'ai une maladie mentale et je n'ai entendu parler aujourd'hui d'aucune initiative qui pourrait m'aider à réintégrer le marché du travail ». Des fonctionnaires et des représentants des milieux d'affaires étaient présents et personne n'a pu citer une seule initiative dans ce domaine.
Le sénateur Cordy : Madame Roper, pensez-vous qu'il serait intéressant de mettre en place un programme visant à aider les personnes à avoir accès au marché du travail ou à le réintégrer?
Mme Kilbride-Roper : Certainement. Parlez-vous spécifiquement des jeunes ou des consommateurs de services de santé mentale en général?
Le sénateur Cordy : Je parle de façon générale.
Mme Kilbride-Roper : Certainement. Je pense que la question doit être examinée à tous les niveaux mais, si vous pensez au bénévolat et à d'autres méthodes visant à aider les personnes à réintégrer le marché du travail, cela nécessite beaucoup d'efforts. Je travaille depuis cinq ans dans le secteur bénévole et j'ai notamment aidé des personnes atteintes de déficiences et de troubles multiples à trouver un emploi — et le nombre de personnes auxquelles j'ai eu affaire qui étaient atteintes d'une maladie mentale était très restreint. Certains organismes viennent en aide aux consommateurs de services de santé mentale, notamment les services d'emploi municipaux de la province, mais leur nombre est très limité et ils sont très dispersés. La plupart des services d'embauche s'adressent aux personnes atteintes de déficiences physiques et, comme l'a signaléM. Muise, la plupart des accommodements faits en milieu de travail sont destinés à ces personnes. Par conséquent, il reste encore une tâche considérable à accomplir, beaucoup de recherche à faire et des programmes à mettre en place. Je ne sais pas très bien ce que ça donnerait, mais il est essentiel d'en mettre en place.
Le sénateur Cordy : Monsieur MacDonald, vous nous avez parlé ce matin des épreuves que votre famille et que vos enfants ont dû traverser. Dans les cas d'alcoolisme, il existe un programme appelé Al-Anon, auquel les familles peuvent s'adresser pour obtenir de l'aide. Existe-t-il d'autres programmes de soutien destinés aux membres de la famille d'une personne qui souffre d'une maladie?
M. MacDonald : Je ne suis pas allé sur place, mais je sais que certains programmes sont en place, qu'il existe des groupes de soutien aux familles, et d'autres programmes d'aide. Ma famille ne voulait pas participer à ce type de programme. J'ignore pourquoi. La famille de mon épouse est un peu bourgeoise et, par conséquent, elle ne voulait pas participer à ce type d'activité. J'ai dû la laisser agir comme elle l'entendait. Même maintenant, je ne peux pas lui faire des suggestions, parce que je suis malade et que personne ne veut m'écouter.
En ce qui concerne ce programme d'éducation, le seul autre que je connaisse à l'exception de celui de COMPASS est un programme en milieu carcéral. C'est le seul programme d'éducation que je connaisse dans le système de santé qui apporte un peu d'aide. J'ai écrit quelques lignes à ce sujet. Je n'ai pas la parole très facile, mais le sujet de l'éducation est un de ceux que j'espérais aborder ici. Cela ne me prendrait qu'une minute et demie pour vous lire ce texte.
Le sénateur Cordy : Allez-y. Êtes-vous d'accord, monsieur le président?
M. MacDonald : L'éducation devrait être fondée sur la communication et la collaboration entre les consommateurs de services de santé mentale et des professionnels de la santé. Il serait souhaitable de distribuer des trousses d'information sur la maladie mentale et de diffuser des livres, des vidéos et des brochures exposant les réactions aux médicaments et leurs effets ainsi que les choses à faire et les choses à ne pas faire pour chaque maladie. Grâce aux conseils et à la collaboration des professionnels de la santé, les consommateurs de services de santé mentale sauraient comment ils devraient se sentir en prenant de trop petites quantités, des quantités suffisantes et de trop grandes quantités, pour chaque médicament. Les trousses d'information devraient porter sur le type de personne que l'on veut devenir et pourquoi, et elles devraient avoir une dimension spirituelle non rattachée à une confession spécifique. La santé mentale est le programme de Dieu pour apprendre par la torture et la lutte à tendre vers la paix, l'amour, la vérité et le pardon à l'égard de tout autre être humain, quelle que soit la faute qu'il ait commise, car sans les autres, nous ne saurions pas que combien nous sommes privilégiés d'avoir compris le rôle magique de l'amour réciproque et aussi combien il est difficile pour les autres de faire de même. Les humains sont sur la terre pour apprendre à aimer leurs semblables, à faire preuve de patience et à les accepter, pour pouvoir également tirer profit de leurs échecs et de leur ignorance de la vertu.
J'ai une autre suggestion qui concerne les hôpitaux. Il est nécessaire que les services de psychiatrie soient équipés de divers types de chambres, d'une pièce en béton d'apparence sinistre, pour les punitions, d'une autre avec du rembourrage sur les murs, sur le sol et sur la porte pour protéger l'occupant et d'une autre où l'ambiance est plus agréable et où l'on joue de la musique douce, pour apaiser les tortures des damnés.
Le sénateur Cook : Je parlerai de moi comme vous avez parlé de vous. Je suis une personne très ordinaire qui s'efforce de faire des choses extraordinaires pour la santé mentale avec un groupe de personnes formidables. Dans vos exposés, et vous pourrez faire chacun à votre tour des commentaires, vous avez parlé de gestion des délais d'attente. Vous avez dit que les délais d'attente pour les services étaient longs. Je suis le type de personne qui tente toujours de trouver une solution quand on lui signale un problème.
Vous avez parlé d'entraide, madame Roper. Serait-il possible d'avoir accès à ces listes d'attente pour les élaguer? Je pose la question parce que je présume que plusieurs des personnes qui attendent leur tour n'auraient peut-être pas besoin d'être là après un minimum d'intervention. Pourrait-on suggérer des initiatives qui permettraient de réduire les délais d'attente? Dans une perspective nationale, les diverses provinces ont chacune leurs normes en ce qui concerne le formulaire. Je pense que vous avez dit que les psychiatres sont inscrits sur le formulaire, que les visites chez les psychiatres sont couvertes par l'assurance-maladie, mais pas celles chez les psychologues. Les médicaments sont couverts par l'assurance, mais je pense que les soins thérapeutiques ne le sont pas.
Comment pouvons-nous, dans une perspective nationale, remédier à cette fragmentation. Nous sommes en effet des fédéralistes qui examinent un programme dont la prestation est assurée à l'échelle provinciale. C'est de là que viennent les tensions. Nous examinons un concept qui est apparemment très simple, à savoir de la continuité des services. Tentez d'imaginer ce que cela implique et vous saurez pourquoi nous sommes réunis ici aujourd'hui.
L'entraide est formidable parce que rien ne bat une intervention humaine et un dialogue face à face. Cependant, d'une façon ou d'une autre, il convient de souligner qu'il est important d'établir ce lien avec le système dans tout le continuum parce que l'entraide est souvent une activité isolée ou elle se pratique avec des bénévoles ou dans le contexte de certaines ONG. Pour être efficaces, si nous voulons assurer la continuité des soins, il est essentiel de s'inscrire dans cette continuité.
Vous avez attiré notre attention sur les délais d'attente, ce qui m'a incitée à passer immédiatement en revue les programmes disponibles au palier fédéral — et je sais que la plupart d'entre eux sont fragmentés — à savoir l'assurance, les programmes d'aide aux employés, par exemple, les assureurs privés, les politiques des employeurs. Je pense toutefois que lorsqu'on tente d'avoir accès à des services par le biais de ces systèmes pour répondre à nos besoins, les fondements de l'infrastructure qui pourrait vous aider sont le bénévole dans le secteur des ONG. Vous vous êtes rendu dans un autre pays pour trouver de l'aide pour les gens dont vous vous occupez.
Alors que nous écoutons et nous nous efforçons de trouver une charte des droits ou un autre moyen qui permettrait d'assurer la continuité des services dans le système des soins de santé pour ce segment de notre société, je pense qu'il est essentiel d'analyser les structures qui sont en place, d'en déterminer les lacunes et de déterminer comment vous vous en tirez.
Certains d'entre vous s'en tirent apparemment très bien, mais je suis sidérée par l'attitude de votre employeur, madame Wallace. Je n'avais encore jamais entendu d'histoire semblable concernant un établissement dont la vocation est d'assurer le bien-être des gens. Oui, nous sommes humains — mais il est essentiel que nous mettions en place des mécanismes afin de décourager ce type de comportement. Nous n'arriverons jamais à régler entièrement le problème — parce que ce sont finalement des êtres humains qui fournissent le service.
Après toutes ces considérations, je me demande si vous aimeriez faire des commentaires, madame Wallace, parce que, d'après vous, la formation pourrait être la solution. Je pense que le travailleur social est la pierre angulaire du système dans ce contexte car, à quelque niveau que ce soit, monsieur le président, c'est un vortex. Vous faites partie de la sous-culture, si vous me permettez d'employer ce terme, de la société contemporaine en raison des circonstances dans lesquelles se trouve le consommateur de services de santé mentale. Une personne a d'abord un problème qui devrait être géré de la même façon que la chirurgie de remplacement de la hanche ou que les interventions chirurgicales pour le dos, mais à cause de la dynamique, et j'ai pu constater cela dans chacun de vos exposés, vous tombez dans ce que je considère comme une sous-culture, et c'est un vortex. Vous ne pouvez tout simplement pas en sortir dans le contexte du système actuel.
Le président : Qui veut faire des commentaires?
M. Muise : J'ai deux commentaires à faire. Le premier concerne l'entraide. À ce propos, je suis convaincu qu'il est essentiel d'établir un système d'entraide vigoureux au sein du système officiel. Je pense que cela ferait une énorme différence pour les personnes qui sont sur la liste d'attente pour un traitement, mais également pour celles qui ont entamé leur traitement, parce que celui-ci peut être effrayant en soi.
En ce qui concerne les initiatives qui peuvent être prises à l'échelon fédéral, on m'a signalé la semaine dernière à Ottawa à plusieurs occasions que le gouvernement fédéral est le cinquième parmi les plus gros fournisseurs de soins de santé du pays, à cause des Forces armées, des Autochtones et du système carcéral.
Cependant, l'autre facteur qu'il ne faut pas oublier, c'est que le gouvernement fédéral peut exercer des pressions sur les provinces. C'est lui, après tout, qui octroie les fonds nécessaires au financement des soins de santé. Il est primordial de mettre en place une stratégie nationale en matière de santé mentale. Je signale que, parmi les pays du G8, nous sommes le seul qui n'ait pas encore mis de stratégie de ce type en place. Dès lors, il reviendrait au gouvernement fédéral d'exercer des pressions sur les provinces en leur disant ceci : « Nous vous finançons. Voici ce que vous devez faire dans le domaine des soins de santé mentale ».
Ce sont les deux commentaires que je voulais faire à ce sujet. Oui, nous sommes souvent en quelque sorte un vortex. Nous ne faisons pas vraiment partie de la société, même si nous le souhaitons vivement.
M. MacDonald : Je prenais des notes. La recherche-développement fait des progrès, comme nous. Les scientifiques font de plus en plus de découvertes à notre sujet et on nous classe par conséquent dans diverses catégories et on nous met des étiquettes. On trouve de plus en plus de remèdes et des explications en ce qui concerne les motifs de notre maladie. Cependant, en santé mentale, il n'est pas possible de faire des tests. Un médecin ne peut pas prescrire des tests pour savoir quel type de médicament il convient d'administrer ou quel type de produit chimique est présent en trop petite ou en trop grande quantité dans le corps. Nous avons accès à des soins de santé alternatifs. Nous avons accès à des programmes qui permettent de faire des tests pour déterminer le type de médicament à administrer et ils recommandent généralement des remèdes à base de plantes médicinales ou autres types de remèdes analogues.
J'aimerais que la situation change quelque peu. Je voudrais que les gouvernements, les médecins et les praticiens de médecines douces collaborent parce que, dans une société comme la nôtre, où un grand nombre de personnes ont un revenu fixe, les consommateurs de services de santé mentale n'ont pas les moyens de se payer des types de thérapies ou de remèdes relevant de la médecine douce. Il existe actuellement des solutions de remplacement à presque tous les types de médicaments conventionnels et les services sociaux les paieront, mais il est essentiel de déterminer de quels types de remèdes nous avons besoin.
J'ai personnellement essayé certaines des thérapies offertes par la médecine douce. Certains des praticiens que j'ai rencontrés étaient très aimables et leurs honoraires étaient raisonnables. Ils sont beaucoup moins coûteux que le système officiel en place actuellement. Pourquoi une certaine collaboration entre les deux systèmes n'est-elle pas possible?
Mme Hayes Wallace : D'après l'expérience de mes collègues ici présents, j'aimerais dire que je suis très heureuse de ne pas avoir dû avoir recours au système plus tôt. Je pense que j'ai eu le meilleur de tous les mondes. Et ce, en grande partie, en raison des circonstances auxquelles d'autres ont été confrontés. Par ailleurs, j'aimerais penser qu'il est possible de faire davantage, que la situation s'améliorera pour tous. Dans les questions concernant le travail, la charge de la preuve doit incomber à l'employeur. Je ne tiens pas à ce que l'on mette en place une politique consistant à demander à quels types de personnes ont facilite l'accès. Je ne parle pas de petites entreprises familiales. Je parle de grandes entreprises qui ont les moyens de s'adapter aux besoins particuliers.
Mme Kilbride-Roper : Tout ce processus est encourageant et il a été reconnu que la participation des consommateurs de services de santé mentale à tous les niveaux du processus décisionnel est extrêmement importante. En Nouvelle- Écosse, le ministère de la Santé poursuit cet objectif en faisant participer les consommateurs. Je pense que c'est la clé. Les commentaires qu'ont fait mes collègues ici présents, leur savoir collectif et les connaissances qu'ils ont acquises à travers leur expérience personnelle semblent indiquer qu'il est essentiel de nous faire participer au plus grand nombre possible de processus, parce que nous y apportons la richesse de l'expérience.
Le sénateur Pépin : La plupart des questions que je voulais poser ont déjà été posées, mais je voudrais résumer ce que j'ai entendu, à savoir que l'accès aux services de santé mentale est un droit fondamental. C'est très important. Un des problèmes se situe au niveau du diagnostic car le diagnostic est souvent erroné ou il est tardif. Par conséquent, les médicaments administrés ne sont pas toujours les médicaments appropriés ou bien il y a alors surconsommation de médicaments. En ce qui concerne la thérapie, le consommateur, selon son revenu, doit payer pour consulter le psychologue. Encore une fois, cette situation pose un autre problème d'envergure. L'un de vous a dit ceci : « Nous ne voulons pas être craints ou pris en pitié ». Je suis entièrement d'accord sur ce point.
Je tiens à vous remercier d'avoir accepté de participer à nos audiences; je veux que vous soyez conscients de l'importance que revêt votre présence. Les personnes de mon âge se souviennent toutes des campagnes qui avaient été menées en faveur des personnes atteintes de déficiences physiques. L'histoire de votre vie contribue à faire notre éducation. La sensibilisation est la clé. J'estime qu'elle est de la plus haute importance.
L'un de vous a signalé qu'en Nouvelle-Écosse, on n'était pas remboursé pour les visites chez le psychologue. Je viens du Québec, où la situation est la même.
Madame Wallace a parlé de la politique hospitalière et je suis sûre que cette politique n'est pas l'exclusivité de votre hôpital. S'il y a un écart, comme j'ai cru le comprendre, entre les besoins et les actes, cela doit s'appliquer à tous les services hospitaliers et infirmiers. En outre, vous avez mentionné que le syndicat aurait dû intervenir. Pensez-vous qu'une nouvelle tendance se dessine, que dorénavant l'intervention dans un cas comme le vôtre sera beaucoup plus efficace ou pensez-vous qu'il reste encore beaucoup à faire au niveau des services hospitaliers ou des syndicats?
Mme Hayes Wallace : Je suis une des premières personnes à faire autant de bruit et à communiquer avec un aussi grand nombre de personnes. Je ne sais vraiment pas ce qui m'a motivée. Je ne suis généralement pas du style militant. Je pense que j'avais une réelle confiance dans la politique officielle en place et je pensais qu'elle s'occuperait de mes besoins; puis, j'en ai découvert les failles.
Le sénateur Pépin : Vous avez dit que l'on vous observait pour voir si vous terminiez à 11 h 30 plutôt qu'à 11 heures. C'est dans ces cas-là que l'on se rend compte que les gens ne sont pas du tout sensibilisés aux problèmes des personnes qui souffrent de maladie mentale.
J'ai été infirmière et notre formation comprenait un stage de trois mois dans un hôpital psychiatrique parce qu'alors, les personnes atteintes d'une maladie mentale, et il y en avait des milliers, étaient placées dans des hôpitaux psychiatriques. Actuellement, la plupart de ces personnes sont dans la rue et, très souvent, en prison.
Faudrait-il mettre en place des hôpitaux spéciaux ou des foyers d'accueil spéciaux pour les personnes qui souffrent d'une maladie mentale, où l'on prendrait bien soin d'elles, ou cela entraînerait-il leur exclusion de la société?
Mme Hayes Wallace : Mes commentaires seront basés sur le cas d'un membre de ma famille, mon cousin, qui a été hospitalisé pendant la plus grande partie de sa maladie et qui a reçu beaucoup d'aide des services sociaux ou des services communautaires. Nous pouvons effectivement être autonomes. Il ne sera probablement jamais plus capable d'occuper un emploi rémunéré, mais il peut faire du bénévolat dans les églises ou dans les banques d'alimentation. Ce bénévolat l'aide également. Comme je l'ai mentionné, c'est un être qui a une vie spirituelle intense. Il a une foi profonde en Dieu, ce qui explique les raisons pour lesquelles il est toujours en vie, car il a eu une vie très longue et très agitée.
Je ne pense pas nécessairement qu'il soit essentiel de mettre en place de grands établissements comme autrefois, mais plutôt des établissements sans murs. Il est essentiel que l'on mette en place des services communautaires visant à aider des personnes comme mon cousin, et comme moi-même, à mener une vie intéressante. Il n'est pas nécessaire qu'on les transporte en bus tous les vendredis pour aller dans le parc. J'espère pour tous que l'on mettra en place une solution enrichissante qui leur donne un regain de dignité.
M. Muise : Le logement est un secteur où la situation pourrait être considérablement améliorée grâce à des logements avec des services de soutien, et aussi par des logements traditionnels. Je me rappelle que, lorsque j'étais sur le point de sortir de l'hôpital, je n'avais nulle part où aller parce que je n'avais pas de revenu et que je n'avais pas d'argent. J'ai passé 13 jours à l'hôpital, uniquement parce que je n'avais aucun endroit où aller. Compte tenu des périodes creuses dans nos antécédents professionnels, nous avons beaucoup de difficulté à trouver un logement et à faire un dépôt pour les dommages éventuels, par exemple, pendant que nous tentons de changer complètement notre vie. Il est effectivement essentiel de prendre des initiatives dans le domaine du logement. C'est une chose certaine.
Mme Kilbride-Roper : À propos de ce que Mme Wallace a dit au sujet de son cousin, on met de plus en plus l'accent sur le rétablissement plutôt que sur la gestion de la maladie mentale. Je sais que c'est ce qu'on fait en Nouvelle-Écosse et, d'une façon plus générale, au Canada, aux États-Unis et dans d'autres pays, en adoptant une approche associant le physique et le mental. Vous avez signalé à quoi avait eu recours votre cousin pour rester fort. Je pense qu'il est impératif d'examiner les autres aspects qui enrichissent notre vie et qui nous aident, et de ne pas se contenter de traiter la maladie en ayant recours uniquement à la psychothérapie et aux médicaments. Il est essentiel d'axer nos efforts sur le rétablissement et d'apprendre aux gens à voir au-delà de la maladie. Je pense que c'est primordial également.
Le sénateur Pépin : Monsieur MacDonald, je vous signale que l'un des meilleurs poètes francophones québécois est Émile Nelligan, qui a souffert de maladie mentale. On le considère comme un des meilleurs poètes que nous ayons jamais eus. Je vous encourage à continuer à écrire.
Le sénateur Cook : Je voudrais revenir au terme « spiritualité » parce que vous l'avez tous mentionné sous une forme ou une autre. Monsieur le président, des représentants des Premières nations nous ont raconté des histoires intéressantes en ce qui concerne la culture et la spiritualité qui viennent de l'intérieur et qui sont quelque chose d'unique qui nous appartient. À quelle étape de la filière pouvons-nous utiliser cette force pour le plus grand bien commun — c'est-à-dire par l'intermédiaire du système — ou bien ne sommes-nous pas prêts, encore, à faire intervenir la spiritualité? C'est souvent une dernière planche de salut. Quand la fait-on intervenir?
M. MacDonald : La spiritualité est la seule chose qui m'ait permis de supporter mon état. Je pense qu'il est essentiel de la faire intervenir en psychiatrie. On ne le fait pas. Si vous parlez de Dieu ou de Allah à vos pairs, cela les met mal à l'aise. Même quand on en parle à des prêtres ou à des ministres du culte, ils nous condamnent. Pourtant, ils l'enseignent et la prêchent. Il faut en avoir fait l'expérience directe pour savoir ce que c'est. On a beau lire de nombreux ouvrages ou en discuter avec d'autres personnes, tant que cela ne devient pas une expérience personnelle, vous ne comprendrez jamais ce que c'est. Il sera difficile de combler l'écart entre la spiritualité et la psychiatrie et notre collectivité, mais la spiritualité est essentielle.
Mme Kilbride-Roper : Le groupe d'entraide dont j'ai fait partie a été très efficace grâce à la sagesse collective de ces personnes qui avaient connu la maladie mentale. Elles m'ont guidée dans ma quête spirituelle. En ce qui concerne nos chefs spirituels, je signale que lorsque j'ai eu mon épisode psychotique et que je suivais les traces de Saint-François d'Assise, je suis allée trouver mon curé de paroisse et lui ai demandé ce que tout cela voulait dire, mais il n'a su que répondre. Il pensait probablement que j'étais « timbrée » parce que j'étais emballée par ma nouvelle orientation et par ma nouvelle vocation.
Cependant, c'est un groupe d'entraide qui m'a aidée le plus parce que ses divers membres ont des niveaux de spiritualité différents et que l'on peut profiter de la spiritualité des autres et apprendre. Mes investigations personnelles m'ont également aidée quelque peu. Lorsque la maladie est diagnostiquée, nous nous mettons à chercher le sens de la vie et à essayer de savoir pourquoi nous sommes affligés par une telle maladie. Il faudrait mettre davantage l'accent sur la spiritualité dans tout type de programme que l'on met en œuvre.
M. Muise : Je ne sais pas très bien à quel niveau intervient la spiritualité mais ce que je sais, c'est que dans mon cas personnel, je n'ai pas souhaité devenir malade et je n'ai rien fait pour devenir malade et je n'aurais pu rien faire pour empêcher la maladie. Cependant, lorsque j'ai pris conscience du fait qu'il y avait une raison derrière ma maladie, le processus de rétablissement s'est amorcé. Je n'en connais pas encore avec certitude la raison, mais j'espère être sur la bonne voie. Qui sait? De toute façon, j'ai eu du plaisir à tenter d'apprendre pourquoi cela m'était arrivé.
Le président : Puis-je vous poser une toute dernière question, monsieur Muise? Je sais que nous avons largement dépassé le temps dont nous disposions, mais c'est important. Vous venez de dire que vous n'aviez pas souhaité que cela arrive, que ce n'était pas de votre faute et que c'était inévitable. Est-ce qu'une des personnes auxquelles vous avez parlé de votre maladie a jamais dit que vous auriez pu l'éviter, et que c'était peut-être de votre faute? C'est une réflexion qu'on ne ferait jamais à quelqu'un qui a eu une crise cardiaque ou qui a eu le cancer. Quelqu'un a-t-il eu ce type d'attitude à votre égard?
M. Muise : De nombreuses personnes ont également ajouté :« Allez, Roy, ça passera ». Oui, je suis fatigué d'entendre dire que c'est de ma faute. Le commentaire qui m'a fait le plus de mal est que c'est de ma faute si je n'allais pas mieux, qu'il suffisait que je décide de ne plus sombrer dans la dépression et que je ne ferais plus jamais de dépression.
Le président : Est-ce qu'un autre témoin a vécu le même type d'expérience, à savoir que, contrairement à ce qui arrive en cas de maladie physique, on considère que vous êtes en partie responsable de votre état?
Mme Kilbride-Roper : Certainement. C'est considéré comme une faiblesse et une faiblesse qu'on pourrait contrôler.
Le président : Oui, contrairement à une maladie physique comme un cancer ou une crise cardiaque.
Mme Kilbride-Roper : Absolument.
Mme Hayes Wallace : C'est considéré comme une faiblesse. À les entendre, ces personnes auraient toutes pu devenir dépressives ou sombrer dans la fatigue si elles s'étaient laissées aller mais, comme elles ont fait preuve d'énergie et de courage, contrairement à moi, elles ne se sont pas laissé aller, elles.
Le président : C'était donc de la faiblesse. Avez-vous eu la même expérience, monsieur MacDonald?
M. MacDonald : Oui. La maladie mentale est invisible. Elle n'est pas visible et elle n'est pas perceptible. On n'a aucun point de comparaison. J'ai eu de nombreuses autres maladies également, mais la maladie mentale ne peut être comparée à aucune maladie physique.
Le président : Je vous remercie d'avoir participé à nos audiences. Vous avez été fantastiques. Les histoires personnelles que nous ont racontées les consommateurs de services de santé mentale, des membres de la famille de personnes atteintes d'une maladie mentale et des aidants naturels sont extraordinaires. Nous apprécions le temps que vous nous avez consacré.
Je souhaite la bienvenue au groupe de témoins suivant. Je vous remercie d'avoir accepté de vous joindre à nous. Comme ce matin, nous ferons le tour de la table, cette fois-ci en commençant par Mme House.
Mme Jan House, à titre personnel : Une des plus grosses difficultés que j'ai, même lorsque je laisse un message téléphonique, c'est d'être concise et, par conséquent, s'il y a une possibilité de m'accrocher, je l'exploite. Je comptais raconter brièvement ce qui s'est passé, et comment nous en sommes arrivés là où nous sommes, ce qui est beaucoup plus positif qu'au début de notre histoire, il y a huit ans. Si vous prenez patience, je la raconterai. C'est très difficile de raconter certains faits parce que cela fait remonter à la surface toutes sortes d'émotions qui ne sont jamais bien loin; la route a en effet été très longue.
Je suis la mère d'une jeune femme de 25 ans atteinte de schizophrénie dysthymique. Ma fille a eu son premiercontact avec le système de santé mentale à Moncton, au Nouveau-Brunswick, au printemps de 1996 alors qu'elle était en 10e année et souffrait de dépression. Elle a été envoyée au service de santé mentale de l'Hôpital de Moncton en urgence par un conseiller qui nous avait été recommandé par le programme d'aide aux employés offert par l'employeur de mon époux,CN-Rail. Le diagnostic du psychiatre traitant était celui de dépression chronique. Ma fille a été traitée pour dépression chronique jusqu'à l'automne de 1998, période au cours de laquelle elle est allée s'établir à Halifax pour faire des études universitaires. Elle a non seulement continué de souffrir de dépression, mais a commencé à avoir des comportements extrêmes et souvent dangereux; elle avait en outre des problèmes de consommation abusive de substances psychoactives.
Elle a été orientée vers la Mood Disorder Clinic et leDr Kusumakar pour réévaluation de son cas. Le diagnostic posé à la suite de cet examen est celui de trouble affectif bipolaire. Elle entama une pharmacothérapie avec des séances régulières avec un thérapeute.
La santé physique de ma fille a également été touchée. On a diagnostiqué une colite et elle a suivi un traitement pendant un an et demi; ensuite, on a diagnostiqué la maladie de Crohn pour laquelle elle a suivi un traitement aux stéroïdes. Après avoir fait des crises d'épilepsie, on a diagnostiqué une sclérose en plaques atypique et on lui a dit que ses troubles d'humeur et ses maladies physiques étaient des symptômes de cette sclérose. Sa psychiatre à Abbey Lane lui a dit par conséquent qu'il n'était plus nécessaire qu'elle suive un traitement avec elle. Cependant, à l'automne 2000, les troubles de l'humeur de ma fille continuèrent de s'aggraver; elle pensait notamment que les gens parlaient et riaient toujours d'elle. Elle a perdu tous ses amis à l'université et vivait seule. Ma fille a dû mettre un terme à ses études universitaires en novembre 2000 et revenir s'installer à la maison.
Dans un accès de désespoir, j'ai appelé son ex-thérapeute du IWK Health Centre qui nous a mis rapidement en contact avec la Dre Ann Duffy, à Abbey Lane. Après avoir révélé à la Dre Duffy qu'elle avait des accès psychotiques depuis un certain temps, on a diagnostiqué une schizophrénie dysthymique. Le premier médicament qui lui a été prescrit est de l'olanzapine, qui lui a fait prendre 30 livres. Elle était tellement perturbée au sujet de son poids qu'elle a développé un trouble alimentaire, problème qui a persisté jusqu'à l'année dernière, longtemps après que son médicament ait été remplacé par un autre.
Son état s'est amélioré environ huit mois après son retour à la maison et elle a pu reprendre ses études universitaires à l'automne 2001. Au printemps 2002, elle a été aiguillée vers le Early Psychosis Program et la Dre Heather Milliken. Ma fille continue de participer à ce programme et est toujours une patiente de la Dre Milliken.
L'année dernière, après avoir été victime d'un vol qualifié avec voies de fait survenu au mois de mai, elle a dû à nouveau abandonner ses études. Avec l'aide de la Laing House et de reachAbility, elle a pu trouver un emploi à la TEAM Work Cooperative de Halifax, organisme à but non lucratif qui aide les personnes atteintes de déficiences physiques et mentales.
Je vais maintenant vous exposer mon point de vue d'aidante naturelle en ce qui concerne le système des soins de santé mentale et vous parler des initiatives qui se sont avérées efficaces et des lacunes auxquelles il est essentiel de remédier. Le programme d'aide aux employés ou PAE a été très efficace au début du processus, de la prise en charge jusqu'à la première séance à l'hôpital avec un psychiatre. L'accès a été presque immédiat. L'évaluation et le traitement ultérieur à la Mood Disorders Clinic ont été rapides et les séances régulières de thérapie ont été efficaces.
Les soins cliniques que ma fille a reçus auprès de la Dre Duffy à Abbey Lane ont été un facteur important dans son rétablissement. La Dre Duffy nous a encouragés, mon mari et moi, à participer au processus. C'était la première fois que nous faisions partie intégrante du traitement. La Dre Duffy a non seulement traité notre fille, mais nous a aussi apporté, à mon mari et moi, le soutien dont nous avions grandement besoin. Le personnel de Abbey Lane était extrêmement attentif et efficace. Quand ma fille avait une crise et que la Dre Duffy n'était pas disponible, il faisait tout son possible pour trouver une autre solution.
Au printemps de 2002, la Dre Duffy a demandé à notre fille si elle serait intéressée à être aiguillée vers le Early Psychosis Program. C'était une nouvelle étape constructive. Le Early Psychosis Program a été efficace sur le plan éducatif et sur celui du soutien. Nous avons rencontré d'autres familles qui se trouvaient dans des situations semblables et avons partagé avec elles des stratégies permettant de faire face à la situation et des informations sur les services communautaires de soutien pour les soignants.
Qui plus est, la Laing House a contribué au rétablissement de ma fille. Cet établissement est intervenu pour lui faire réintégrer le marché du travail et ma fille a maintenant un emploi à plein temps à TEAM Work. Parallèlement à reachAbility, la Laing House rencontre régulièrement notre fille pour assurer une réussite optimale sur le plan professionnel et sur les autres plans. Le personnel de la Laing House est resté en contact avec notre fille et la rencontre même à l'extérieur de l'établissement. Il lui apporte un précieux soutien, et cet établissement est un lieu sûr auquel elle sait qu'elle peut aller demander de l'aide.
La Dre Heather Milliken, directrice du Early Psychosis Program, fait et continue de faire partie intégrante du rétablissement et de la réinsertion de ma fille. Elle s'est donné beaucoup de mal pour que ma fille ait la possibilité d'occuper un emploi à plein temps en lui donnant des rendez-vous après ses heures régulières de travail et en s'adaptant ainsi à l'horaire de travail de ma fille. Elle a été un des principaux soutiens de ma fille, en l'encourageant à continuer de se fixer des objectifs et de réaliser ses rêves. Elle nous a en outre apporté un précieux soutien à mon mari et moi, en nous encourageant à continuer de nous renseigner sur la maladie de notre fille et à poursuivre nos efforts pour faire une différence. Elle nous a envoyé des invitations à des conférences sur la santé mentale, nous a fourni du matériel didactique sur les progrès dans le domaine des soins de santé mentale, de l'information sur les essais cliniques, des invitations à des colloques sur l'éducation des familles, et cetera.
Il s'agit apparemment d'un scénario idéal, mais il reste beaucoup à faire. Voilà ce que la Dre Milliken peut faire lorsqu'elle est disponible. Très souvent, elle ne peut voir ma fille qu'une fois toutes les deux semaines et une fois par semaine, en cas de crise.
Le système accuse de nombreuses lacunes. Jusqu'à présent, il a fallu le plus souvent que nous nous débrouillions nous-mêmes pour trouver les services comme les groupes d'entraide pour les jeunes et leur famille, de l'aide financière pour l'éducation et le logement, des établissements pour le traitement des toxicomanies, des soins en cas de crise et des possibilités d'emploi.
Certains problèmes se posent en ce qui concerne les soins en cas de crise. Autrefois, les seuls conseils que notre fille recevait de la ligne téléphonique de détresse et des services d'urgence des hôpitaux étaient de se rendre à l'hôpital si elle pensait vraiment que c'était nécessaire, ou de prendre une pilule, ou encore, de prendre rendez-vous avez son médecin. Trop souvent, l'aide n'est apparemment accessible que de 9 heures à 17 heures, du lundi au vendredi. Lorsque ma fille a été admise à l'urgence, l'année dernière, après avoir été victime d'un vol qualifié avec voies de fait, l'Hôpital Général et le Nova Scotia Hospital ne savaient apparemment pas s'il fallait l'aiguiller vers une personne du milieu psychiatrique. Généralement, le seul endroit auquel on peut s'adresser en cas de crise est le Nova Scotia Hospital, mais nous avons constaté que si la crise survient en dehors des heures de bureau, on passe les fins de semaine à faire des casse-tête et à regarder la TV.
Ma fille dit qu'elle est désespérée et que l'hôpital est le bout de ligne. Elle ne veut pas y retourner pour demander de l'aide. En février, l'équipe du Nova Scotia Hospital lui a recommandé de laisser tomber son emploi et d'axer tous ses efforts sur sa guérison et lui a dit que si elle décidait de continuer à travailler, elle donnerait la priorité à son emploi par rapport à sa maladie. Cependant, sa psychiatre, la Laing House et son omnipraticienne considèrent que son emploi est un facteur important dans son rétablissement. Elle a également été traitée de « plaignarde qui rejette l'aide » et de « geignarde » par un membre de l'équipe du NS Hospital. Que voilà un milieu professionnel compatissant!
Un problème se pose également en ce qui concerne les services axés sur la toxicomanie et sur la consommation abusive de substances psychoactives chez des personnes atteintes de maladie mentale. Il faudrait mettre en place un programme distinct pour les jeunes atteints d'une maladie mentale et pour ceux qui ont des problèmes de toxicomanie et de consommation abusive de substances psychoactives. Les jeunes atteints d'une maladie mentale, comme ma fille, font souvent de l'automédication. C'est un symptôme de leur maladie qui peut faire partie de leur style de vie si on n'intervient pas dès le début. L'aiguillage de patients vers des programmes comme CORE, qui ont une vaste expérience avec les clients, comme des aiguillages obligatoires du système judiciaire et d'agresseurs récidivistes, expose des personnes qui sont déjà vulnérables. Ma fille a été aiguillée vers CORE après avoir été agressée parce qu'elle fait de l'accoutumance à la marijuana. Les personnes qu'elle a rencontrées dans le cadre du programme lui ont fourni de la marijuana et l'ont mise en contact avec un homme en probation qui lui a proposé de la payer pour qu'elle encaisse des chèques pour lui. Les chèques étaient des faux et, parce que nous avions un compte commun, nous avons dû rembourser 2 000 $ à la banque.
Certains problèmes se posent également au niveau de la police. Lorsque ma fille a signalé le vol qualifié avec voies de fait à la police, l'enquêteuse a dit qu'elle se demandait si cet événement était vraiment survenu, indiquant que ma fille était atteinte d'une maladie mentale et qu'elle faisait de l'accoutumance à la marijuana. Cette agente a laissé entendre que ma fille pouvait avoir eu une hallucination ou qu'elle avait pu monter l'histoire de toute pièce. Elle a également laissé entendre que ma fille avait peut-être vendu les articles dont elle déclarait le vol pour se procurer de la drogue et la soupçonnait de se prostituer pour s'en payer.
En ce qui concerne l'incident des faux chèques survenu l'été dernier, j'ai signalé la fraude à la police; ma fille a rempli le rapport requis et nous avons fourni des copies de tous les chèques. Cependant, après avoir fait toute une série d'appels téléphoniques pour savoir où en était l'affaire, j'ai laissé tomber parce que, de toute façon, personne ne donnait suite.
Les coûts du logement, des transports et des médicaments d'ordonnance continuent de poser des problèmes. L'environnement physique est particulièrement important pour les personnes atteintes de maladie mentale; cependant, comme elles n'ont généralement qu'un maigre revenu ou aucun moyen de subsistance, elles sont souvent forcées de vivre dans les pires quartiers où le taux de criminalité est élevé et où la drogue et la violence règnent. Pour pouvoir vivre dans un environnement sûr et favorable, ma fille a été forcée de déménager trois fois en un an, à la suite de quoi l'équipe du NS Hospital l'a traitée de « princesse » et a dit que c'était une enfant gâtée parce que nous la soutenions. En fait, sans notre soutien financier et malgré l'assistance sociale et son revenu d'emploi actuel, elle n'a pas les moyens d'être entièrement indépendante sur le plan financier. Il serait nécessaire de fournir des services de transport et de logement subventionnés aux personnes atteintes de maladie mentale et de leur fournir les médicaments d'ordonnance gratuitement, ou alors à coût très réduit, en proportion de leur revenu. Les soins dentaires posent un autre problème.
Il est essentiel d'assurer le financement de la recherche pour que l'on continue à faire progresser la pharmacothérapie et pour élaborer des traitements plus efficaces, voire un remède. Un financement accru de la recherche permettrait d'attirer un plus grand nombre de psychiatres et d'offrir de meilleurs soins. Souvent, les effets secondaires néfastes des médicaments actuellement disponibles incitent les patients à ne pas prendre leurs médicaments, ce qui a une incidence directe sur leur santé physique.
On constate un besoin accru général de fonds, pas pour mettre en place de nouvelles infrastructures, mais pour dispenser davantage de soins directs. Une utilisation plus efficace et plus large des ressources disponibles est impérative : des équipes mobiles afin de réduire les besoins en matière d'hospitalisation et de suivi des soins d'urgence; des programmes de sensibilisation dans les écoles, la santé mentale faisant obligatoirement partie de l'éducation en santé à partir du niveau secondaire inférieur, voire avant cela; de la psychothérapie régulière, assouplie de façon à permettre la participation sur le marché du travail. D'une façon générale, il faudrait mettre en place une politique nationale de soins de santé incluant des critères nationaux en matière de soins de santé mentale, afin de garantir à tous les Canadiens des soins d'une qualité uniforme et un accès égal au système.
J'approuve en majeure partie les observations et les recommandations que j'ai lues en préparant mon exposé.
Le président : Je pensais que vous alliez lire le texte préparé par votre fille.
Mme House : Non.
Le président : Bien. Je vous remercie.
Mme Joyce Taylor, à titre personnel : Je tiens avant tout à vous remercier pour ce privilège de participer à vos efforts visant à provoquer des changements dans notre système de santé mentale. Étant donné que je suis âgée de 81 ans, je ne seraipeut-être plus là pour voir les résultats des changements escomptés, mais j'ai au moins le réconfort de savoir qu'ils sont en cours.
Le motif de ma participation est que j'ai un fils qui a été atteint de schizophrénie vers l'âge de 19 ans, juste avant d'entamer ses études collégiales. Il est maintenant âgé de 48 ans. Entre-temps, il a vécu une dizaine d'années dans les rues de plusieurs villes, de la côte est à la côte ouest du Canada. Par conséquent, je connais assez bien le fonctionnement du système de santé mentale depuis sa mise en place et ce, à l'échelle nationale, car je devais souvent partir à sa recherche.
Sa maladie s'est déclarée lorsque les connaissances sur les maladies mentales étaient très rudimentaires; par conséquent, l'aide accessible était très restreinte. Depuis lors, des médicaments plus sophistiqués ont été, naturellement, mis au point. Nous savons qu'un de ces médicaments atypique est efficace dans son cas, mais il n'admet malheureusement pas qu'il est malade et, la plupart du temps, ne suit aucun traitement. À l'instar de bien d'autres personnes atteintes de ce type de maladie, c'est une personne très malheureuse qui vit dans l'isolement, en marge de la société.
La société ne se préoccupe généralement pas des personnes qui cessent de prendre des médicaments si leurs parents ou d'autres membres de leur famille, ou un autre aidant naturel s'occupent d'elles afin qu'elles ne traînent pas dans les rues et qu'elles ne soient pas une nuisance pour la société. Elles n'existent pas. Autrement dit, ce sont des rebuts de la société, ce qui est frustrant pour les parents et la famille.
Mon fils a parfois des accès de violence verbale et il devient psychotique lorsqu'il ne prend pas ses médicaments. À d'autres occasions, son ancienne personnalité reprend le dessus et c'est une personne extrêmement gentille, mais difficile à vivre.
J'ai été contente de remarquer que la plupart des commentaires que j'avais inscrits sur ma feuille en réponse à votre questionnaire ont été faits par de nombreuses autres personnes de toutes les régions du pays. C'était étonnant. Je pense que vous avez fait un travail remarquable parce que la plupart des situations que j'ai connues sont évoquées dans votre questionnaire.
Je ferai de brefs commentaires sur deux points, le premier concernant les stigmates associés à la maladie mentale. Je ne raconterai pas l'histoire de mon fils parce qu'on vous décrira de nombreux cas semblables. Nous savons que la stigmatisation a des conséquences profondes sur les personnes atteintes de maladie mentale, comme elle a des conséquences catastrophiques sur la vie humaine. Dans le cas de mon fils, ses conséquences se sont avérées absolument désastreuses.
J'ai appris avec les années que l'on ne peut pas faire complètement disparaître certaines attitudes et que l'on peut uniquement faire de la sensibilisation. La sensibilisation est la première étape. Plus nous avons d'information à partager, et plus le grand public sera informé et aura de l'empathie.
La deuxième étape est de tenter de mettre un terme aux réflexions blessantes et aux commentaires discriminatoires dans les médias. À ce propos, j'ai trouvé dernièrement un article concernant une Américaine, appelée Stella March, qui a également un fils atteint de schizophrénie. Elle a travaillé avec la NAMI en 1995 pour lancer une campagne contre la discrimination à l'égard des malades mentaux. Elle s'est vite rendu compte que la stigmatisation profondément ancrée dans notre culture était à l'origine de la discrimination. Par conséquent, un groupe a été créé et c'est ainsi que StigmaBusters a vu le jour.
Stella a tenté de collaborer avec les médias, surtout avec l'industrie du cinéma de Hollywood, avant de se rendre compte que ce ne serait pas efficace. Les producteurs de films, les scénaristes et les auteurs de livres perdraient de l'argent s'ils arrêtaient la production après coup. Par conséquent, elle a changé de tactique pour entreprendre une campagne de sensibilisation au lieu de faire de la critique, en informant les entreprises, les médias et les auteurs des préjudices qu'ils causent à un groupe important de la population lorsqu'ils tolèrent des commentaires désobligeants et qu'ils acceptent des œuvres telles que le film intitulé Fous d'Irène, dont la vedette principale est Jim Carrey. À une certaine époque, Nestlé a produit une gamme de barres Tasty Tangy Taffy dont l'emballage portait des noms tels que « Psycho Sam », « Loony Jerry » et « Weird Willie ». On a convaincu Nestlé de modifier ses emballages, probablement grâce à une lettre de l'ex-première dame des États-Unis, Rosalynn Carter. Stella a signalé de nombreux cas de collaboration entre Disney World et d'autres producteurs connus d'émissions télévisées et de films.
Le groupe StigmaBusters a produit en outre une brochure d'information contenant un paragraphe contenant la liste de toutes les maladies mentales avec les types de commentaires qui blessent et stigmatisent. Elle a envoyé 8 000 exemplaires de ces brochures à la Writers Guild of America. Elle envoie également des lettres de félicitations lorsque quelqu'un réalise une œuvre constructive comme le film intitulé Un homme d'exception.
Je pense que l'on pourrait instaurer un plan analogue dans toutes les provinces. Ce serait peut-être une autre tâche que l'on pourrait confier à l'Association canadienne pour la santé mentale.
Vous pouvez consulter le site Web de StigmaBusters et envoyer un courriel à Stella. Je peux vous donner l'adresse, si vous voulez. Je l'ai communiquée à de nombreuses personnes. Au début, cet organisme avait 950 personnes sur sa liste d'envoi. Il y a actuellement 15 000 personnes à travers le monde qui s'appliquent à faire disparaître les stigmates associés à la maladie mentale en recevant les courriels d'alerte de StigmaBusters.
Je ne peux pas m'empêcher d'être convaincue que notre population devrait être mieux informée sur les questions liées à la santé mentale; c'est peut-être parce que j'ai été enseignante. J'ai donc décidé d'envoyer des lettres au plus grand nombre d'entreprises du secteur des médias que j'ai pu contacter, dans toute la province de la Nouvelle-Écosse, lorsque j'ai appris que le gouvernement envisageait de réviser la Mental Health Act. J'ai également mentionné alors le rapport Kirby, sans entrer dans les détails parce que je n'en connais pas la teneur de façon détaillée. J'ai en outre envoyé à plusieurs occasions des lettres acerbes au gouvernement de la Nouvelle-Écosse, avec des copies adressées au chef de l'opposition ainsi qu'aux journaux, sur la détérioration des services de santé mentale.
À l'heure actuelle, quelqu'un a la lourde tâche de sensibiliser le public sur la maladie mentale. Il faudrait peut-être remplacer ce terme par « bien-être mental ». Il est essentiel de mettre un visage sur le sujet et de faire savoir à la population combien de types de maladies mentales ont été dénombrées, surtout en association avec d'autres maladies. Il faudrait que le public sache que les personnes atteintes d'une maladie mentale peuvent perdre tout ce qui leur est cher, parfois pour ne jamais le retrouver. Combien de personnes deviennent schizophrènes, par exemple? Je suis certaine que les gens seraient très étonnés d'apprendre que pas moinsde 1 p. 100 de notre population est atteinte et que ce pourcentage est comparable à celui que l'on relève dans d'autres pays. Combien de personnes sont atteintes du trouble affectif bipolaire? Combien de personnes souffrent d'une dépression débilitante qui les oblige à garder le lit presque toute la journée? Combien de personnes se suicideront? En fait, un Canadien sur cinq contractera, à un moment ou à un autre de sa vie, une maladie mentale quelconque; en outre, la maladie peut frapper sans avertissement, dans n'importe quelle famille et à n'importe quel âge, quelles que soient les circonstances.
De nombreux articles de journaux induisent en erreur en ce qui concerne les dépenses dans le secteur de la santé mentale. Alors que les sommes citées paraissent colossales, les journaux n'expliquent jamais les raisons pour lesquelles elles sont insuffisantes pour répondre aux véritables besoins. Étant donné que la population est mal informée, elle a tendance à penser que le système est très efficace. Cependant, ceux et celles qui ont recours au système pour tenter de faire suivre un traitement à des membres de leur famille savent que ce n'est pas le cas. Tout cela devrait être de notoriété publique. Je remarque que l'on arrive généralement à trouver des millions de dollars pour aider les entreprises, mais pas pour la santé mentale.
Il est essentiel de modifier l'ordre de nos priorités nationales, en plaçant la santé mentale en tête de liste. C'est une question de partage plus équitable des richesses de ce pays. J'aimerais que l'on prévoie un budget distinct pour la santé mentale avec un système de reddition de comptes garantie et avec la garantie que ce budget ne sera jamais réduit, du moins pas avant que l'on ait rattrapé l'énorme retard en matière de services.
Les administrations municipales et les gouvernements provinciaux ont en outre la responsabilité d'améliorer le style de vie des malades mentaux. Les personnes atteintes de maladie mentale ne devraient pas être réduites à vivre dans la rue ou dans des refuges, ni à mendier pour se nourrir. Il est essentiel que les gouvernements et la population sachent que ces personnes sont malades, qu'elles sont incapables de subvenir à leurs besoins et qu'elles ont besoin de beaucoup d'aide pour remonter la pente. Ce n'est qu'à partir de ce moment-là qu'une personne atteinte de maladie mentale sera en mesure d'avoir un style de vie normal. Grâce à ce type d'information, la population sera mieux informée et aura peut-être davantage d'empathie. Il ne faut pas que la stigmatisation reste aussi profondément ancrée.
Si nous arrivions à convaincre tous les gouvernements d'accorder à la santé mentale le même type de priorité que celle qui a été attribuée au bien-être de l'enfant cette année, cela aiderait à remédier aux lacunes du passé. Nous avons tous vu la publicité sur le diabète, la maladie cachée, ou la campagne nationale sur les risques liés au tabagisme. Il est essentiel que la santé mentale devienne l'objet d'une campagne de sensibilisation analogue à celles que je viens de mentionner. Il est en outre impératif de faire savoir à qui il faut s'adresser pour obtenir de l'aide pour les problèmes de santé mentale et pour les toxicomanies. Il est de surcroît essentiel de faire de la publicité dans les écoles, dans les bibliothèques, dans les magasins, dans les cinémas et les théâtres, aux arrêts de bus, et dans tous les lieux où elle attirera l'attention du public. Elle servira à sensibiliser davantage la population. Si l'on est maintenant dans un pays où l'on peut parler tous les jours de cancer alors qu'auparavant, c'était un sujet tabou, nous pouvons certainement obtenir le même résultat en ce qui concerne les questions liées à la santé mentale. Ce n'est qu'alors que les victimes de maladies mentales se sentiront acceptées au lieu d'être ostracisées par la société.
Si j'ai bonne mémoire, il y a un passage de votre rapport dans lequel vous vous demandiez comment on pouvait apporter des changements à un système bien établi. Il est essentiel de prévoir une période de transition au cours de laquelle on discutera de l'information recueillie avec les représentants de divers ministères, comme vous l'avez fait dans le contexte de la préparation du présent rapport. S'ils sont sensibilisés au fait qu'il est dans l'intérêt des patients que l'on apporte certains changements, cela ferapeut-être jaillir des idées et provoquera un élan de bonne volonté.
Si l'on s'y prend dès les premiers signes de maladie, et que l'on administre les médicaments adéquats, la personne pourra mener un style de vie plus normal que si on lui avait administré des médicaments plus anciens et que si le rétablissement avait été amorcé plus tard. Pour les personnes comme mon fils cependant, l'avenir est sombre, si le système médical ne se rend pas compte que de nombreux malades chroniques plus âgés ont besoin de programmes spécialisés pour assurer leur bien-être.
On dépense chaque semaine des milliers de dollars pour des malades qui ne continuent pas de prendre leurs médicaments. Qu'est-ce qui les incite à agir ainsi? Mon fils, par exemple, est suffisamment intelligent pour savoir que les médicaments sont absolument nécessaires dans son cas pour que son état s'améliore. Cependant, il n'est pas conscient d'avoir besoin de médicaments. Nous savons qu'il peut être très malade et nous craignons de nouvelles lésions cérébrales. Historiquement, ce sont les théories psychoanalytiques qui ont prédominé et qui expliquent les décisions peu judicieuses qui ont été prises en ce qui concerne les schizophrènes. L'attitude de défensive était une théorie, l'entêtement une autre, et on a même avancé que la maladie pourrait être liée aux valeurs culturelles. Cependant, des études récentes fournissent une autre explication. Le Dr Xavier Amador, un chercheur spécialisé en psychiatrie très connu, indique que les personnes ayant des problèmes généraux, un manque de perspicacité et un manque de logique, souffrent de déficits neurologiques. On peut toutefois les aider avec des programmes spéciaux.
C'est ce qui est frustrant, car je ne pense pas que la plupart des membres du corps médical se soient alignés sur les résultats de ce type de recherche. Je sais que la recherche remonte à 10 années et qu'ils devraient être au courrant, mais je ne pense pas qu'ils le soient. Par conséquent, on n'a pas mis en place des programmes axés sur cette invalidité particulière.
En ce qui concerne mon fils, c'est comme s'il vivait encore à l'époque où sa maladie s'est déclarée, il y a une vingtaine d'années. Les personnes comme mon fils pensent qu'elles ont les mêmes aptitudes et les mêmes perspectives qu'avant de tomber malades. C'est visible chaque fois que mon fils fait des projets fantasques de déménagement dans une autre province ou qu'il parle de chercher un emploi.
J'ai assisté avec mon fils à une réunion de groupe, après sa sortie de l'hôpital, il y a quelques années, au cours de laquelle on discutait des projets pour sa sortie. En un rien de temps, il s'est mis en colère et est sorti de la pièce. Je comprends maintenant pourquoi. Toutes les personnes présentes lui disaient ce qu'il ne pouvait pas faire. Il était certain qu'elles ne tenaient pas compte de ses aptitudes ni de son intelligence. Il était insulté. Le personnel de l'hôpital avait raison, naturellement, mais il manquait de perspicacité.
Comme je l'ai mentionné, il faut revoir l'ordre de nos priorités pour placer la santé mentale en tête de liste. Une centralisation de la recherche, des budgets, du personnel et des programmes s'impose. Le gouvernement fédéral est le choix logique pour la coordination de toutes le activités, pour que les diverses provinces soient en mesure de traiter leurs malades mentaux en respectant le principe de l'égalité, contrairement à ce qui se passe actuellement.
À propos de centralisation, mon mari, qui est un invalide de guerre, a dû avoir des contacts avec le ministère fédéral des Affaires des anciens combattants pendant de nombreuses années. Les services ont toujours été très efficaces, où qu'il habite. La centralisation s'est avérée efficace dans ce secteur.
Il y a peu de temps, j'ai porté quelques brochures à un médecin d'une petite ville des Maritimes et lui ai demandé s'il les placerait bien en évidence sur son bureau — parce que je savais que parmi ses patients, il avait les parents d'enfants adultes ayant reçu depuis peu un diagnostic de schizophrénie. Il m'a dit qu'il ne pouvait pas me rendre ce service parce que cela mettrait la plupart de ses autres patients mal à l'aise.
Il est en outre urgent d'informer la population du fait que le comportement violent des personnes souffrant de schizophrénie, par exemple, est généralement comparable au comportement violent dans la population en général, et leur intelligence aussi. Les journaux s'en donnent parfois à cœur joie en publiant des histoires qui font voir cette maladie sous un jour négatif. Il convient également de signaler que le bien-être de ces personnes est négligé depuis de nombreuses années par les médias.
Quand les établissements psychiatriques se sont vidés grâce à l'apparition des médicaments sur le marché, les fonds économisés auraient dû servir à financer des logements et des cliniques externes bien nécessaires, ainsi qu'à financer la recherche. Nous avons, au contraire, fini par avoir un système dont le financement était très insuffisant ayant de très grosses difficultés à fournir les services nécessaires. Très peu de programmes novateurs ont été élaborés, et même peut- être aucun programme. La recherche a été laissée aux grosses sociétés pharmaceutiques et nous payons maintenant une surcharge très élevée lorsque nous utilisons leurs médicaments.
En raison de l'indifférence des gouvernements antérieurs, les questions liées à la santé mentale ont été négligées. Je suis convaincue qu'il est essentiel que le public soit bien informé afin qu'il sache pourquoi la santé mentale devrait devenir une priorité. Dans votre rapport, au chapitre huit, vous mentionnez que les patients atteints de graves troubles mentaux persistants ont été très mal servis faute de fonds suffisants; c'est du moins ce qu'on vous a appris. Je suis entièrement d'accord. Mon fils a vécu un enfer psychologique parce que les programmes ne sont pas suffisants. Les programmes qui ont été essayés dans son cas ont été en majeure partie un échec par manque de fonds.
Par exemple, j'ai fait dernièrement une demande pour avoir un travailleur chargé du cas et un psychiatre. C'est une approche d'équipe. Cette méthode n'a pas été efficace en ce qui concerne mon fils parce que c'est un patient très difficile. Il est essentiel de le voir tous les jours, et pas une fois ou même deux fois par semaine, voire, si le psychiatre n'est pas disponible, toutes les deux semaines. Cette approche n'est pas efficace dans son cas. Il a besoin d'un programme élaboré de façon rigoureuse, qui nécessite une longue préparation, et il est essentiel que les intervenants apprennent à le connaître. Je sais que mon fils n'est pas un cas typique, mais il n'est certainement pas unique. De nombreuses personnes de son groupe d'âge sont atteintes de ce type de maladie.
Le programme n'a pas un personnel suffisant et ne donne pas une formation suffisante; il ne prévoit pas assez d'heures ni assez de recherche. Je désespère maintenant d'obtenir de l'aide pour lui. Mon seul recours, je le crains, serait d'aller aux États-Unis et de voir ce que l'on y fait — et c'est en soi une condamnation de notre système lorsqu'on n'arrive pas à trouver une solution efficace.
Je voudrais que les fonds soient utilisés de façon différente. Il n'est pas nécessaire que nous ayons de grands hôpitaux. Je pense qu'il serait plus utile d'implanter de petites cliniques un peu partout, dans les villes, et dans les régions rurales. Il est essentiel de mettre en place de petites cliniques non officielles, avec du personnel paramédical qui a reçu une formation pour savoir comment s'y prendre avec les patients qui nécessitent un traitement psychiatrique, ou auxquels il est nécessaire d'administrer des médicaments, sous la supervision d'un psychiatre. En cette ère de l'électronique, un psychiatre pourrait avoir sous sa direction peut-être cinq ou six cliniques, dont le personnel infirmier pourrait distribuer les pilules si le psychiatre leur explique ce qu'il faut faire. En outre, si l'atmosphère était détendue, s'il s'agissait d'une atmosphère analogue à celle que l'on trouve dans les centres d'accueil, où l'on connaît les patients personnellement, ceux-ci n'hésiteraient pas à chercher de l'aide.
Il y a des années, il y avait à Calgary un centre d'accueil appelé le Mustard Seed. Un jour, alors que je venais de retrouver mon fils qui était une fois de plus sur la route, j'ai communiqué avec le Mustard Seed. J'ai demandé au personnel de lui remettre de l'argent à l'occasion, une fois par mois ou lorsqu'il en avait besoin, et de rester en contact avec moi pour que je sache comment il allait — parce que je savais que je n'aurais jamais de nouvelles de lui. Ils m'ont expliqué leur programme et la caractéristique principale de ce programme est que l'on ne portait aucun jugement. Ce centre accueillait tout le monde. Les membres du personnel savaient que si une personne était un malade mental, ils veilleraient sur elle. Ils ne l'interpelleraient pas pour lui rappeler qu'elle devait prendre ses médicaments. Ils veillaient sur elle, gagnaient sa confiance et, lorsqu'ils jugeaient que le moment était opportun, tentaient de la convaincre de prendre ses médicaments ou de se rendre à un hôpital, par exemple.
Mon fils n'a pas tiré profit de ce programme parce qu'il est devenu très nerveux quand on a commencé à lui poser trop de questions, et il est parti. Cependant, j'ai entendu dire que ce centre avait aidé d'autres personnes à prendre leurs médicaments, grâce à l'attitude et à l'accueil de son personnel. C'est le type d'initiative qu'il est essentiel de développer.
Le président : Madame Morrison, étant donné que votre exposé est long et que je veux m'assurer qu'il nous restera du temps pour poser des questions, j'aimerais que vous en exposiez uniquement les principaux points.
Mme Sheila Morrison, à titre personnel : Oui, je m'efforcerai de le faire.
Le président : Nous lirons votre texte intégralement. Je vous remercie.
Mme Morrison : Merci beaucoup d'avoir accepté d'écouter mon exposé. Vous n'avez aucune idée de ce que cela représente pour nous. Les témoins ont en fait plus ou moins raconté mon histoire car tout ce qu'on a dit ce matin s'applique à mon cas également.
Notre fille est âgée de 31 ans. Elle est atteinte de schizophrénie paranoïde. Elle a eu une très belle vie jusqu'à l'âge d'environ 16 ans et jusqu'à ce qu'elle soit à l'école secondaire, époque où elle a commencé à se sentir malade et a été hospitalisée à de nombreuses reprises, jusqu'à tout récemment; elle a quitté l'hôpital tout récemment pour aller dans une maison offrant des services de soutien. Par conséquent, mon expérience est liée en grande partie à la vie à l'hôpital et, tout récemment, à la transition dans la collectivité, et plus particulièrement à la façon de devenir un citoyen respecté. Il est très difficile de devenir une personne respectée et appréciée.
Je suis une personne instruite. À nous deux, mon mari et moi avons cinq diplômes. J'ai travaillé dans le réseau hospitalier. Je ne sais trop comment vous expliquer la difficulté que l'on peut avoir à naviguer dans ce système.
La première et la pire expérience a été lorsque ma fille est devenue très malade pour la première fois. Comme elle avait dépassé l'âge de la majorité et que, par conséquent, elle était légalement indépendante, pendant des jours et des jours, nous n'avons pas été autorisés à raconter son histoire à sa place. Elle n'avait jamais quitté la maison familiale parce qu'elle manquait quelque peu de maturité sur le plan social. Elle n'avait jamais quitté la maison. Elle n'avait jamais eu d'amis et nous savons maintenant, avec le recul, que c'était à cause de sa maladie, mais nous l'ignorions alors. Nous n'étions pas autorisés à parler au personnel de l'hôpital. C'était incroyable. Nous sommes tous deux des professionnels et nous avons une grande facilité d'expression verbale. J'ignorais que je pouvais devenir agressive. Je suis une femme qui est très très en colère, mais j'ai appris à maîtriser ma colère. Cependant, j'ai également appris à l'exploiter et je n'hésite pas à demander à la personne à laquelle je m'adresse quel est le nom de son patron, puis je continue à exiger les services dont j'ai besoin. C'est regrettable. Je n'aime pas agir de la sorte, mais c'est indispensable.
Je suis très irritée par le manque de visibilité du traitement. On dit que la maladie est invisible et, pourtant, on a aussi beaucoup de difficulté à obtenir des services et du soutien. Si vous faites une rage de dent pendant que vous êtes dans un centre commercial où vous voyez un cabinet de dentiste, cela vous incite à vous dire qu'il faut que vous appeliez ce dentiste en rentrant chez vous pour faire soigner cette dent-là. Cependant, quand on a un petit accès d'anxiété alors qu'on est dans un centre d'achats, parce qu'on est une mère aidante naturelle ou que l'on est avec sa fille atteinte de schizophrénie, on pense qu'il faut quitter les lieux à toute vitesse et on ne pense pas à ce que l'on pourrait faire dans l'immédiat pour apaiser son anxiété.
Par conséquent, le manque de visibilité des services me préoccupe beaucoup. J'aime l'idée des soins en collaboration — elle me plaît — mais je ne pense pas qu'on améliorera nécessairement la visibilité des services en les centralisant tous au même endroit, à proximité du bureau du médecin. La visibilité va naturellement de pair avec la sensibilisation du public, qui est une question sur laquelle les témoins ont insisté aujourd'hui. Je pense que c'est la première étape.
Une autre question qui me préoccupe est que l'on évite de parler du cerveau. On parle d'un mal de dent, d'un problème d'ouïe, de problèmes de tension artérielle, mais on ne parle pas du cerveau. Pourquoi n'est-on pas capable de dire que l'on a un problème mental et que l'on fréquente la clinique spécialisée dans les maladies du cerveau?
On constate un grand manque d'espoir. L'espoir est un terme extrêmement important. Il est en quelque sorte utopique mais, pour une personne malade, et pour un malade mental, c'est l'absence d'espoir qui mène au suicide. Il est essentiel d'en discuter et je pense qu'il est essentiel de considérer l'espoir comme un objectif souhaitable. L'absence d'espoir est très étroitement liée à l'absence de services dont il a été question aujourd'hui et, par conséquent, je voudrais voir le terme « espoir » quelque part dans le document. J'aimerais qu'on emploie les termes « cerveau »,« visibilité des services » et « espoir ».
En ce qui nous concerne, nous n'avions pas accès à des services et des soutiens multiples. À l'hôpital, la nutrition était terrible. Ma fille était dans un état qui exigeait une nutrition particulière. Comme la fille de Mme House, les médicaments lui faisaient prendre du poids. En outre, ma fille avait un problème d'absorption du calcium et elle est végétarienne. Cependant, nous ne pouvions pas mettre ces éléments nutritifs dans le cathéter à l'hôpital. C'était terrible. J'ai passé des journées à traverser le pont pour aller porter au moins deux repas par jour au Nova Scotia Hospital, parce que je trouvais que ma fille n'avait pas une alimentation adéquate.
Nous avons fait appel au programme de santé mentale de Abbey Lane et au Nova Scotia Hospital, où nous avons été en contact avec des personnes formidables. Au Nova Scotia Hospital en particulier, il y a quelques personnes absolument formidables qui sont frustrées à cause du système. L'environnement de cet hôpital n'est pas adéquat. C'est un milieu déprimant et extrêmement bruyant. Ma fille était avec nous pour la journée, elle avait une journée complète d'activités normales, allait à l'église, avait des visites, allait dans les restaurants, et ainsi de suite, tout en étant paranoïaque, mais quand elle retournait ensuite dans le service où elle était en traitement, personne ne la saluait et on entendait parfois quelqu'un hurler dans la salle de quarantaine; je devais alors dire à ma fille d'aller dans sa chambre et de fermer la porte, en essayant de lui faire oublier tout cela et de lui expliquer de ne pas se tracasser, parce que les infirmières sont extrêmement fatiguées. C'est la réalité quotidienne.
Elle a été là pendant près de dix ans et, pourtant, elle ne s'y est jamais sentie comme chez elle. Elle devait porter ses repas sur un plateau tous les jours. Elle devait faire la queue pour recevoir ses pilules.
Les meilleurs employés dans le système du Nova Scotia Hospital — et j'espère que vous trouverez une possibilité de les remercier pour moi — sont les préposés au nettoyage, parce qu'ils ne doivent pas faire quoi que ce soit pour vous lorsqu'ils entrent dans la pièce. Ils ne vous donnent pas une pilule et ne vous prennent pas par l'épaule. Ils sont formidables et jouent un rôle très important.
En ce qui concerne des services appropriés sur le plan culturel, je suis, bien entendu, de souche canadienne, et je ne peux pas faire des commentaires très pertinents à ce sujet, mais j'ai une culture, moi aussi, et notre famille était active sur le plan culturel. Les murs de notre maison étaient tapissés de livres; nous allions au théâtre et au cinéma et menions le style de vie habituel des citadins consistant à mettre nos enfants en contact avec de nombreuses choses. Notre fille n'avait pas cela à l'hôpital et nous la sortions constamment ou nous lui apportions des choses. J'ai vainement tenté de la stimuler en l'amenant chez un art-thérapeute qui ne faisait pas partie de l'équipe médicale, naturellement. Nous lui apportions toutes sortes de choses, des disques ou des œuvres d'art. On ne m'a jamais donné l'impression que c'était un facteur important de son rétablissement et pourtant, je considérais que c'était le principal facteur, après les médicaments.
On ne trouve aucune information dans les hôpitaux. Quand on va chez un ophtalmologue, on trouve des brochures d'information sur le glaucome, sur la rétinite, sur toutes sortes de troubles de la vue. Cependant, quand on va dans une unité de soins psychiatriques, on ne trouve aucune information. Je suis allée aux services de consultation externe de Abbey Lane l'autre jour et il y avait une petite table sur laquelle étaient posées trois ou quatre brochures seulement. Je suis allée au comptoir et ai demandé pourquoi il n'y avait pas sur la table de l'information sur les maladies mentales. La fille m'a répondu que les représentants pharmaceutiques n'étaient pas venus dernièrement. J'étais sidérée. Je n'ai encore jamais trouvé jusqu'à présent une brochure qui m'était utile dans un hôpital.
J'aurais voulu que l'on applique un processus de sélection dans les écoles. Lorsque ma fille était en quatrième année, on m'a annoncé qu'elle allait avoir un problème. J'ai été choquée, mais elle avait effectivement un problème. Elle était tranquille et timide et c'était probablement le début de sa maladie. C'était un bébé facile et tranquille. Avec le recul, je pense maintenant que la maladie était présente dès la naissance. Cette enseignante m'a choquée. J'aurais voulu qu'elle nous envoie chez un conseiller. J'ai cherché moi-même un psychologue et j'ai entendu le message, mais personne n'a fait une évaluation de ma fille. Ce fut la même chose à l'école secondaire. Elle était en 12e année, dans le cabinet du psychologue, et elle vomissait d'angoisse dans la corbeille à papiers, mais personne ne nous a donné le plus petit conseil. Lorsque nous l'avons retirée de l'école au mois de janvier, alors qu'elle était en 12e année, le personnel de l'école a poussé un soupir de soulagement. Pourtant, les processus de dépistage sont très importants. Nous avons trouvé de nombreuses ressources communautaires par nos propres moyens.
Nous avons fait beaucoup d'efforts. Nous avons utilisé un grand nombre de ces ressources, notamment deux des meilleures, une est appelée SpellRead. J'y travaille maintenant comme instructrice.
Le président : Comme l'appelle-t-on?
Mme Morrison : SpellRead P.A.T. — pour phonological awareness training. Lorsqu'un enfant ou un adulte ayant des difficultés d'apprentissage s'adresse à cet organisme, pas un seul des membres du personnel n'omet de s'efforcer d'accroître l'estime de soi des participants. Leur principale fonction est d'apprendre à lire aux participants. Comme vous le savez, nous avons un très gros problème d'analphabétisme qui donne naissance à des problèmes de maladies mentales, de chômage, et cetera. SpellRead est une équipe formidable qui renforce l'estime de soi des jeunes et augmente rapidement leur niveau d'alphabétisation. Le programme est évalué de façon scientifique. L'Université Dalhousie a fait des études passionnantes sur les changements que provoque ce programme dans les voies neuronales du cerveau. Par conséquent, ce programme a également donné de très bons résultats dans le cas de ma fille.
Un autre exemple d'effort communautaire est la Veith Street Gallery for Artists with Disabilities qui a exposé les œuvres d'art de ma fille, et la Government House également, et qui l'ont aidée à vendre ses œuvres. On lui donnait le sentiment, et à juste titre, qu'elle était une artiste à part entière.
La discrimination et les stigmates sont des causes importantes du problème, comme nous le savons tous, mais c'est particulièrement vrai dans les hôpitaux. Je pense que le personnel hospitalier lui-même fait preuve de discrimination dans la façon dont il traite les malades mentaux.
On ne m'a jamais proposé une formation axée sur la prévention du suicide. Je pense que j'en ai encore besoin. J'aimerais suivre ce type de formation. Au Nova Scotia Hospital, il n'y avait pas de psychologue qui pouvait donner des conseils. Un neuropsychologue a finalement fait des tests, mais il n'y avait personne pour donner des conseils à ma fille. On ne nous a jamais proposé de services consultatifs au cours de ces 12 années de lutte contre la maladie mentale. Nous avons consulté un psychologue dans une pratique privée et cela nous a coûté une fortune, mais personne ne nous l'a jamais proposé. Un jour, j'ai traversé le terrain de stationnement pour me rendre au service des consultations externes et j'ai dit ceci : « Il n'y a personne à l'hôpital qui peut administrer une thérapie à ma fille pendant les 12 mois d'attente pour obtenir un logement avec services de soutien. Elle est prête à sortir de l'hôpital. Pourriez-vous intervenir et la prendre en charge? » Non, ce service ne pouvait pas la prendre en charge parce qu'elle n'était pas une malade externe. Nous avons dû attendre longtemps pour qu'elle puisse sortir de l'hôpital et ce fut très très dur.
On constate de graves lacunes sur les plans de la nutrition et des loisirs, sur le plan psychologique et sur le plan pastoral. Vous avez posé une question sur la spiritualité. Nous ne sommes pas une famille religieuse. Nous ne sommes pas pratiquants, mais nous avons appris à nos enfants à respecter toutes les religions et à adopter une approche intellectuelle en quelque sorte. Notre fille voulait devenir membre d'une église et, par conséquent, je me suis informée et j'ai vécu le même type d'expérience que le témoin qui était à ma place plus tôt, c'était très difficile; j'en ai finalement trouvé une qui était extrêmement libérale, assez séculaire. Il m'a fallu en fait environ quatre ans pour me sentir à l'aise dans cette congrégation. Ma fille a enfin joué du piano pour la première fois en public à un café-bar la semaine dernière. Je sens que je vais pleurer. Elle avait joué dans beaucoup de concerts organisés par l'école, mais elle jouait du piano pour la première fois en public. Elle s'est levée avant de jouer et a dit qu'elle était schizophrène et qu'elle espérait que les spectateurs l'accepteraient. Elle a dit qu'elle avait beaucoup étudié et qu'elle avait mis beaucoup d'efforts dans la préparation de ce concert. Elle est maintenant capable de parler en public!
Même s'ils sont usés, fatigués et malades, y compris les aidants naturels, ce sont des personnes, comme celles qui participaient au déjeuner organisé pour la remise des Inspiring Awards, des personnes capables de défendre une cause. Nous en avons un grand besoin. Je pense que ma fille peut devenir une excellente porte-parole. Elle ferait maintenant une excellente porte-parole dans le cadre d'une campagne publicitaire télévisée.
Nous avons eu deux expériences vraiment mauvaises dont nous pouvons, à mon avis, tirer des enseignements. L'une est lorsqu'on ne nous permettait pas d'exposer les antécédents, lorsque nous sommes allés à l'hôpital pour la première fois. Cette expérience nous a littéralement traumatisés. Nous avons finalement exigé d'être écoutés et nous avons trouvé un interne qui était prêt à le faire. Je suis certaine que le rapport n'a jamais été examiné parce que nous n'avons jamais eu de réaction.
La deuxième était une expérience terrible que nous avons vécue à Abbey Lane, lorsque ma fille était extrêmement psychotique. Nous ne savions pas ce qu'était une psychose. Elle était extrêmement malade. Nous étions très effrayés. Elle était devenue malpropre et on nous a dit que c'était un problème comportemental et que c'était de notre faute, que nous n'étions pas de bons parents. Elle était devenue malpropre parce qu'ils faisaient de la gestion du comportement et qu'ils ne la nourrissaient pas et ne veillaient pas à ce qu'elle reste propre. Elle avait contracté une infection vaginale. Ma fille n'avait jamais quitté la maison et n'avait jamais eu de relations sexuelles. Ils ne se sont pas préoccupés de ses antécédents et l'ignoraient par conséquent. Il a fallu quatre ou six personnes, je ne sais plus exactement combien, pour la tenir dans la salle de quarantaine, pendant qu'on lui faisait un examen vaginal, le premier qu'elle ait jamais eu. Pendant deux ans, ma fille a dit qu'elle avait été violée et, pendant deux ans, je me suis battue avec le représentant des patients pour obtenir une certaine justice pour ma fille. Tout ce que je voulais, c'est que le médecin présente des excuses. En effet, j'avais signé un document sur lequel il était indiqué « Pas d'actes médicaux sans nous appeler au préalable », mais ils n'en ont pas tenu compte en l'occurrence. Une dame nous a appelés après coup et a dit qu'elle tenait à nous avertir que notre fille pourrait être un peu agitée à notre arrivée. C'est donc le type d'expérience que je ne souhaite jamais revivre et que je ne souhaite à personne.
J'aime l'idée d'un plan d'action national. Je pense que c'est par là qu'il faut commencer car des différences entre les provinces sont inévitables.
L'allusion aux vidéoconférences m'a frappée. Je ne m'y connais pas beaucoup dans ce domaine, mais j'ai un fils qui est dans l'industrie cinématographique et qui me tient en quelque sorte au courant. Je pense que nous avons largement dépassé le niveau des vidéoconférences. Je pense qu'avec un téléphone et une interface avec la télévision et Internet, on pourrait organiser une conversation entre une famille installée dans la salle à manger et un médecin au chevet du malade. Je connais une dame dont deux enfants et le mari sont schizophrènes. Quelle ne serait pas sa joie de pouvoir discuter avec le médecin qui se trouve au chevet de son fils tout en prenant soin de sa famille à la maison et de pouvoir communiquer de cette façon.
Je vais m'arrêter car un autre témoin a déjà fait certains commentaires que je comptais faire.
Il ne me reste plus qu'un bref commentaire à faire sur l'attitude des autres personnes. Ma mère, qui serait âgée de plus de 80 ans si elle était encore en vie, vivait au rez-de-chaussée lorsque ma fille est tombée malade. Nous avions une belle maison et de bons enfants. Ma mère a fait la réflexion suivante : « Quelle raison peut-elle avoir d'être déprimée? ». Ma mère n'a jamais compris la situation, quoi que je puisse dire. J'ai eu beaucoup de difficulté à la sensibiliser au problème.
Le président : Je vous remercie toutes les trois pour vos commentaires. Nous avons plusieurs questions à vous poser.
Le sénateur Cook : J'ai pris des notes en vous écoutant. J'ai une surdose d'informations. J'ai besoin de mettre de l'ordre dans mes idées, sinon, je m'expose à la colère du président.
Madame Taylor, vous avez dit qu'il était essentiel de sensibiliser la population et de distribuer des publications. Vous avez également parlé de stigmatisation puis de la Mental Health Act. Est-ce que, si le gouvernement réussit à faire adopter des modifications législatives, la création ou l'élaboration d'un système plus convivial aiderait à faire disparaître la stigmatisation? Je suis consciente du fait que l'on ne peut pas légiférer en matière de bon sens. Je vous poserai toutes mes questions, puis vous pourrez y répondre comme bon vous semble.
Vous avez également parlé de financement s'étalant sur plus de quatre ans et ne cessait pas à la fin d'un mandat électoral, surtout que les périodes électorales ont maintenant tendance à revenir tous les quatre mois. Vous avez signalé qu'autrefois, on n'osait pas prononcer le mot « cancer » et mentionné les énormes progrès qui ont été accompli dans la lutte contre cette terrible maladie. Nous n'avons plus peur de la mentionner parce que nous avons pu constater tous à plusieurs reprises que le cancer est curable.
Mme Taylor : Oui.
Le sénateur Cook : Il est essentiel que nous brisions le plafond invisible qui nous pose un défi dans ce contexte.
Vous avez également parlé de gestion menant à la guérison. Je pense que c'est le défi que nous avons à relever, qu'il est essentiel d'axer nos efforts sur le rétablissement. Si nous considérons que le cancer est une maladie curable, c'est que le rétablissement est possible.
J'ai relevé plusieurs commentaires dans le passage de votre exposé où vous avez mentionné l'accès aux médicaments. J'ai lu il n'y a pas longtemps une publication dans laquelle on expliquait qu'il était maintenant possible de recevoir pour la schizophrénie, une piqûre faisant de l'effet pendant trois semaines, mais l'astuce est qu'il faut s'adresser à un professionnel pour obtenir le médicament nécessaire. Je me demande si l'on ne pourrait pas fournir divers services à l'échelle communautaire. Je suis originaire de Terre-Neuve, qui est une région très rurale et où la population est très dispersée. Les cliniques de santé communautaire pourraient offrir certaines solutions efficaces aux problèmes que nous examinons.
Madame House, vous avez mentionné qu'il était essentiel d'offrir de l'aide financière et avez signalé que vous étiez pénalisée parce que vous étiez capable de vous sacrifier pour aider votre fille. Je pense que c'est triste. Vous avez mentionné qu'il ne faudrait pas mettre les adolescents atteints de maladie mentale en présence de ceux qui souffrent de toxicomanies et d'alcoolisme. Je n'avais pas encore entendu une telle suggestion. Vous avez également mentionné le syndrome du « huit à quatre » dans les hôpitaux alors qu'ils devraient être ouverts 24 heures par jour, sept jours par semaine. C'est le type de commentaires que nous avons entendus à plusieurs reprises.
Madame Morrison, votre exposé était très intéressant. J'aime l'idée, et nous en avons longuement parlé, des infirmiers et infirmières praticiens. Je pense que c'est le type de fonctions qui permettraient d'améliorer le système et qui pourraient être appliquées dans le secteur des cliniques communautaires. Le dossier de santé électronique nous a intéressé au plus haut point. Je vous remercie aussi d'avoir suggéré la mise en place d'un plan d'action national. Je n'avais pas de questions à poser, mais vous partagez la plupart de mes espoirs et de mes défis.
Je serais heureuse d'entendre vos commentaires.
Mme Taylor : Je voulais seulement faire un commentaire sur le médicament dont vous avez parlé, sur les injections de réserve. Ce sont des initiatives fantastiques. Je n'arrive pas à convaincre mon fils de prendre des médicaments, mais ceci est une des solutions. Si l'on fait des injections à action prolongée aux patients, les médicaments seront dans leur organisme en tout temps. Le risque qu'ils oublient de les prendre sera éliminé. Le taux ne fluctuera pas avec leur corps. Ils seront toujours présents dans leur corps en quantité égale. À mon avis, surtout dans le cas des patients difficiles, ce serait la solution. C'est plus coûteux, je le reconnais, mais comme je l'ai signalé, dans le cas de mon fils, par exemple, c'est une question de problèmes psychologiques. Il aura besoin de beaucoup d'aide avant de prendre des médicaments. Je ne dirais pas qu'il est trop tard, mais presque.
Le sénateur Cook : À propos de la Mental Health Act de la province de la Nouvelle-Écosse, pensez-vous qu'il serait possible que nous mettions en place une loi fédérale souveraine sur la santé mentale?
Mme Taylor : Oui, j'aimerais cela. Je pense que ce serait possible, surtout avec tout le travail que l'on a investi dans cette étude.
Le sénateur Cook : Toujours avec la collaboration des provinces.
Mme Taylor : Oui.
Le sénateur Cook : C'est ce qui pose le défi, c'est la fourniture du service à l'échelle provinciale.
Mme Taylor : Oui, je sais, mais je pense sincèrement que l'égalité au niveau du service n'est pas possible quand chaque province a son service de soins de santé mentale. Ce serait possible.
Le sénateur Cook : Oui.
Mme Taylor : Une certaine centralisation est essentielle — parce que si une province découvre quelque chose et qu'elle ne met pas les autres au courant de sa découverte, c'est inutile. Il est possible que vous luttiez contre un problème auquel quelqu'un en Alberta a la solution. Je suis convaincue qu'une certaine centralisation est indispensable et le seul niveau où elle est possible, c'est à celui du gouvernement fédéral. La seule province qui n'accepterait pas de participer serait, bien entendu, le Québec — qui préfère toujours faire bande à part. Cependant, même le Québec pourrait s'inspirer des initiatives mises en place avec le gouvernement fédéral.
Mme House : Le problème que pose le syndrome duneuf-à-cinq est un problème de taille, surtout pour les aidants naturels. Mon mari et moi vivons dans la banlieue de Bridgewater et nous avons reçu je ne sais plus combien de fois des appels en pleine nuit — à 2 heures ou à 5 heures du matin — à la suite desquels nous sautions dans la voiture et nous venions ici. Lorsque Rachel était hospitalisée, l'année dernière, l'équipe médicale a dit : « Nous avons remarqué que vous aviez appelé la ligne de détresse un certain nombre de fois, alors que votre fille ne l'a fait qu'une fois ». Et alors? Elle était en crise, pardi! J'ai vu qu'ils ne savaient pas exactement ce que cela signifiait. J'ai répondu que s'il était inapproprié que j'appelle moi-même et si je ne prenais pas l'initiative, elle serait peut-être morte à l'heure qu'il est. Elle est une candidate idéale pour le suicide. La seule fois qu'elle a utilisé la ligne de détresse, on lui a dit de prendre une pilule ou de prendre un rendez-vous chez son médecin. Elle m'a appelée et elle était allée marcher sur les voies de chemin de fer à Dartmouth. Grâce à Dieu, elle n'a pas eu d'accident, mais elle a dit que si elle n'avait pas réussi à me rejoindre, elle serait morte.
Quand on est aidant naturel, on est coincé également parce qu'on a peur de sortir de crainte de manquer un appel et que l'on n'a pas la confiance que l'on devrait avoir dans le système. C'est ce que j'ai pu constater, à l'exception des quelques rares occasions que j'ai mentionnées. Nous étions très souvent complètement désespérés et nous nous sentions abandonnés et ignorés. Je pense qu'un changement est absolument nécessaire à ce niveau.
Quand Mme Morrison a suggéré d'employer le mot « espoir » dans le rapport final, je pense que c'est important, parce que c'est l'espoir qui fait défaut. C'est ce que ma fille a dit. Pourquoi se préoccuperait-elle de prendre ses médicaments si c'est tout ce qu'on pouvait lui offrir? Si tout ce qu'on peut lui offrir est une vie passée à prendre des médicaments, sans amis, une vie d'assistée sociale sans avenir, à quoi ça sert de vivre? J'ai bien dû l'admettre. J'ai toujours pensé que si elle se suicidait, je pourrais lui pardonner, parce qu'elle serait en paix.
C'est terrible pour vous d'avoir un fils qui a atteint cet âge-là et qui a raté autant d'occasions, mais ce n'est pas une excuse suffisante pour ne pas penser à la génération suivante. Il est primordial d'intervenir tôt.
Pourquoi ne trouve-t-on pas de brochures dans les hôpitaux? J'ai fait la même constatation. Nous sommes invisibles. On parle de stigmates et de stéréotypes à propos des personnes qui ont apparemment une maladie mentale ou qui sont atteintes de troubles de développement. Cependant, des personnes comme ma fille souffrent également de stigmates et de stéréotypes. Si je vous montrais une photo d'elle, vous pourriez dire, comme les autres membres de notre famille, qu'elle est apparemment très bien. Ils font des réflexions telles que : « Ne pensez-vous pas qu'elle soit légèrement manipulatrice? » et « Si elle faisait vraiment un effort, elle pourrait aller mieux ». Par conséquent, la seule possibilité pour que les gens comprennent le message, c'est de le leur communiquer.
Mme Taylor : Oui, en les sensibilisant.
Mme House : Nous devons également communiquer le message nous-mêmes. Nous avons dû en grande partie nous débrouiller tout seuls et chercher des services qui pourraient nous aider, qui pourraient aider ma fille et qui pourraient aider à diffuser un message. J'ai fait du bénévolat dans tous les domaines possibles, y compris en venant faire un exposé aujourd'hui, ce dont je suis très heureuse. C'était pour nous une occasion de nous faire entendre.
Il est également d'une importance primordiale d'aller dans les écoles. Il est important de détecter les malades mentaux. Ce sont des jeunes, des personnes âgées, des personnes qui ont une déficience mentale. On ne peut pas les mettre toutes dans le même moule. Si les personnes qui font des exposés sont de la vieille génération et se soignent à coups de médicaments et sont des cas limites, on ne peut pas s'attendre à ce que les jeunes révèlent qu'ils ont un problème. C'est une possibilité totalement exclue.
À l'université, ma fille a longtemps réussi à cacher sa maladie. J'ai appelé l'université et j'ai dit ceci : « N'avez-vous pas de groupe d'entraide sur place? Ne me dites pas que personne à l'université n'a besoin de ce type d'aide ». On m'a répondu ceci :« Nous n'arrivons pas à convaincre les personnes qui ont des problèmes à sortir de l'anonymat ». Lorsque j'ai appelé des services médicaux, ils m'ont dit que « l'université ne leur autorisait pas l'accès parce qu'elle n'a pas de personnel pour s'en occuper ». Je ne sais pas d'où vient le problème. Il vient des trois groupes. Les jeunes comme ma fille disent qu'il est très facile de cacher la maladie mentale parce que, à l'université, de nombreux étudiants boivent et prennent de la drogue. Ils essaient toutes sortes de choses. C'est considéré comme normal et, par conséquent, c'est un comportement qui n'éveille pas les soupçons. Cependant, le pire dans tout cela est que cette situation a des conséquences très néfastes et que l'on vit dans le mensonge.
Quand une personne essaie enfin de trouver de l'aide et découvre la réalité d'une maladie mentale, la réaction en est souvent une de déni de la réalité : « Il n'est pas possible que j'aie cette maladie, ce n'est vraiment pas possible. C'est totalement exclu. »
Le président : En tout cas, ils refusent totalement de l'admettre.
Mme House : C'est bien cela.
Le président : Oui.
Mme House : Sur le plan de l'emploi, depuis les six derniers mois, la situation n'est pas parfaite mais on a de la difficulté à accepter qu'elle ne le sera jamais. En tout cas, elle pourrait s'améliorer. Nous voyons un peu plus clairement le bien que peut faire le fait d'avoir un emploi. Ce n'est pas grand-chose, mais quelle différence!
Le président : Oui.
Mme House : Ce n'est pas une vie de devenir assistée sociale au début de la vingtaine et de prendre des médicaments pour se soigner en sachant qu'il en sera ainsi pendant toute la vie.
Le président : Vouliez-vous faire un commentaire, madame Morrison?
Mme Morrison : L'idée de faire appel aux infirmières est excellente. D'une façon générale, les psychiatres n'ont pas le temps de faire du counselling. Je les ai trouvés assez efficaces en ce qui concerne les médicaments, mais ils sont coincés à cause de la règle qui les oblige à essayer d'abord tous les médicaments traditionnels avant d'avoir de l'argent pour les nouveaux. Par conséquent, l'état de ma fille s'est détérioré pendant deux ou trois ans, parce qu'elle devait se soumettre à tous ces essais, même si les médecins admettaient que le médicament qu'ils lui administraient ne l'aiderait pas; ils étaient toutefois obligés de l'essayer avant de pouvoir lui en administrer un autre. Elle a par conséquent dû se soumettre à de nombreux essais d'une durée de six mois avant qu'on puisse lui prescrire le médicament sur lequel nous comptions pour l'aider et encore, elle est une des personnes qui n'y réagissent pas très bien. Nous avons également dû supporter des périodes d'essai pour les nouveaux médicaments. Cela nous fendait le cœur.
La mise en place de centres de ressources où l'on pourrait obtenir de l'information est impérative. Je dois lire les babillards et les affiches sur les poteaux téléphoniques, poser des questions aux gens et faire des appels téléphoniques. Il est essentiel que je trouve un centre de ressources où je puisse aller chercher l'information nécessaire et discuter avec des préposés. Les centres de ressources sont, à mon avis, un point de départ important.
En ce qui concerne le travail, ma fille a fait du bénévolat pendant quelques courtes périodes — ce qui a été passionnant pour elle et l'a aidée à avoir davantage confiance en elle. Elle recommence à en faire et j'estime que c'est vital.
En ce qui concerne le suicide, j'en suis arrivée à la même conclusion. C'est une chose terrible à dire, mais si ma fille se suicidait, je comprendrais. Ma fille m'a dit ceci : « Je ne sais pas ce que la vie a à m'apporter alors que j'entends des voix et que je ne peux pas la mener comme je le veux. Quel est le sens de ma vie? Je serais mieux si j'étais morte. » Nous avons eu à l'occasion des conversations intellectuelles au cours desquelles elle faisait preuve d'une grande perspicacité et pouvait tenir des raisonnements assez solides. Il est très difficile de trouver une raison de vivre dans ces circonstances.
Le sénateur Cordy : Je ne sais plus par où commencer. Chaque fois que quelqu'un fait un commentaire, je me pose toute une série de questions supplémentaires. Par chance, j'ai pris des notes. Je considère le soutien de la famille comme un des facteurs clés. Des dizaines de personnes ont exposé les difficultés qu'elles ont eues à s'orienter par leurs propres moyens dans le labyrinthe du système de soins de santé mentale. Un fonctionnaire a témoigné à Ottawa et je me souviens du tableau représentant tous les services offerts. Je lui ai posé la question suivante : « Si une personne m'appelle, par où est-ce que je lui dis de commencer et comment une personne atteinte d'une maladie mentale peut-elle savoir par où commencer? »
Ce que je voudrais savoir, c'est s'il y a un soutien suffisant et assez varié. Lorsqu'on diagnostique une maladie mentale chez un enfant, cela suscite de vives émotions au sein de la famille; ce peut être une tâche écrasante d'avoir à s'adapter à la situation et à se démener pour aider son enfant et pour s'informer. Madame House, vous avez signalé que la Dre Duffy faisait participer toute la famille au traitement. Madame Morrison, vous avez mentionné les efforts que vous faisiez pour savoir ce que vous pouviez faire, vous avez parlé de cours de prévention du suicide et autres initiatives de ce type. Est-ce que des initiatives de ce type ont été mises en place à l'intention des familles?
Mme Morrison : En ce qui me concerne, c'est tout simplement une amie avec laquelle je faisais de la marche et, dernièrement, l'équipe de QUEST, qui est une équipe qui aide ma fille à faire la transition entre l'hôpital et la collectivité, qui m'ont aidée. Cette équipe a été formidable parce qu'elle a réuni au total 17 des personnes qui s'occupent d'elle et a décidé qu'il était essentiel d'employer un langage commun, d'utiliser le même vocabulaire pour qu'elle soit bien traitée dans son environnement. C'est un énorme progrès. Par conséquent, l'intervention d'une équipe placée sous la direction d'une personne qui peut en écouter tous les membres et déceler les différences au niveau de la langue, pour s'assurer qu'ils ont tous les mêmes objectifs et le même plan, et que ma fille participe, a été très efficace.
Cependant, à l'exception de cette équipe de transition, le système a accusé de nombreuses déficiences. Je dirais qu'au cours des 15 dernières années, mon mari et moi — et Dieu bénisse les chefs de famille monoparentale — avons été extrêmement discrets au sujet de notre peine parce que nous n'avions pas le temps de chercher de l'aide et qu'il n'était pas évident que l'on puisse en trouver. Je savais que je pouvais consulter un psychologue en pratique privée, mais à quoi cela aurait-il servi? N'était-il pas essentiel que le psychologue voie toute la famille? Je n'étais pas la seule concernée. Nous étions tous concernés. Je pense qu'il est essentiel d'inclure la famille dans un plan d'intervention auprès d'un patient, et cela ne nous avait jamais été proposé.
Mme House : Le Early Psychosis Program auquel nous nous sommes inscrits il y a trois ans a été vraiment efficace, mais nous étions déjà sur cette voie depuis longtemps. Le système n'est pas entièrement responsable non plus. La réussite repose en grande partie sur l'obtention d'un diagnostic solide et un autre facteur très important était que ma fille soit capable de reconnaître qu'elle avait des épisodes psychotiques. Par conséquent, lorsque nous nous sommes joints au groupe familial, nous avions déjà fait en grande partie le travail de sensibilisation entrepris dans le cadre du Early Psychosis Program, axé sur des personnes qui avaient récemment fait leur entrée dans le système, soit au cours des six derniers mois. Nous avions déjà trouvé beaucoup d'information.
Je le rappelle, j'ai lu tous les livres sur lesquels je pouvais mettre la main. J'ai également consulté un très grand nombre de babillards et j'y ai glané toute l'information sur laquelle je pouvais mettre la main pour trouver de l'aide. Dans notre cas en particulier, cela a consisté à discuter avec notre ministre du culte, parce que nous sommes actifs au sein de notre groupe confessionnel. Je suis allée à une réunion de la société de schizophrénie après avoir déménagé à Bridgewater, mais j'étais tellement effrayée après cette première réunion — j'avais dû m'en aller parce que j'étais trop bouleversée. Les participants étaient des personnes âgées dans la cinquantaine et la soixantaine, alors que ma fille n'avait que 18 ou 19 ans. J'étais terrorisée à l'idée de ce qui pourrait lui arriver. Il n'y avait pas d'autres parents que moi. En fait, les parents de la plupart de ces personnes étaient décédés ou ne participaient pas. Je pense qu'il y a un réel manque de soutien et d'information.
Nous avons puisé un grand réconfort dans nos conversations avec nos amis. Cela a été utile de discuter avec les médecins qui s'étaient occupés du cas de ma fille mais, malgré le Early Psychosis Program, étant donné que nous étions très éloignés du centre, lorsque ma fille était en crise, jusqu'à il y a six mois, je faisais parfois la navette deux ou trois fois par semaine.Ma belle-mère était dans une résidence pour personnes âgées et, par conséquent, en passant de l'une à l'autre, nous ne cessions de passer d'une crise à l'autre et nous tentions de tenir le coupnous-mêmes. Ce fut parfois très difficile.
Le sénateur Cordy : La sœur de mon mari est schizophrène et je sais que, d'un point de vue familial, nous avons signalé que nous comprenions pourquoi un aussi grand nombre de familles abandonnaient les programmes, à savoir parce que les services de soutien pour les familles qui veulent obtenir de l'aide sont quasi inexistants. Si un malade mental n'a pas de soutien de sa famille, il n'a pas beaucoup d'avenir ni beaucoup d'espoir.
Mme Morrison : Ce n'est pas uniquement une question de soutien — on vous donne l'impression que vous êtes indésirable et même ma fille a eu cette impression.
Le sénateur Cordy : Madame Taylor, vous avez notamment parlé de médicaments et de refus de prendre les médicaments. La piqûre est indiscutablement à maints égards une bénédiction — parce que les schizophrènes en particulier refusent d'admettre qu'ils sont malades et mettront en fait les pilules sous la langue, pour les recracher lorsque l'infirmière ou le médecin quitte la pièce.
D'après de nombreux groupes de défense des droits des patients, les malades mentaux ne devraient pas prendre leurs médicaments ou être forcés de les prendre. Qu'en pensez-vous?
Mme Taylor : Je sais que c'est un sujet très controversé et j'ai participé à ce type de discussion également à cause des nouvelles dispositions législatives que l'on veut adopter en Nouvelle-Écosse. C'est une ordonnance qu'un juge peut prendre...
Le président : Une ordonnance de traitement obligatoire en quelque sorte.
Mme Taylor : Oui, c'est exact. C'est à ce niveau que se situe la controverse. En mon âme et conscience, je sais que c'est mal d'obliger des personnes à prendre leurs médicaments et de les enfermer à clé — et, croyez-moi, j'ai des regrets pour toutes les fois où j'ai fait hospitaliser mon fils. Cependant, je ne vois pas de quelle autre façon on pourrait aider des malades mentaux car, du fait qu'ils sont dépourvus de jugement rationnel, ils sont incapables de prendre soin d'eux-mêmes et on ne peut pas les aider. Par conséquent, la première étape est de leur faire prendre les médicaments. Ensuite, on peut intervenir. Cependant, sans médicaments, on n'a aucune prise. C'est pourquoi j'aurais tendance à être en faveur de ce type d'ordonnance de traitement obligatoire. Je sais toutefois que c'est une question très controversée en Nouvelle-Écosse actuellement.
Le sénateur Cordy : Je voudrais également faire des commentaires sur le système scolaire. J'étais enseignante avant de faire de la politique et les enseignants se trouvent parfois dans des situations extrêmement frustrantes parce qu'ils sont souvent exclus. Si on parlait à un psychologue ou à un médecin, on se faisait souvent répondre ceci : « Vous êtes enseignant et vous ne savez pas vraiment ce qui se passe ».
Premièrement, il était très difficile de trouver quelqu'un pour vous écouter et encore plus pour vous prendre au sérieux quand vous parliez de l'activité quotidienne de l'enfant et de son interaction dans un groupe de 24 enfants, idéalement, mais souvent de plus de 30 enfants. Deuxièmement, il fallait souvent attendre des mois pour qu'un psychologue scolaire puisse voir un enfant, car les psychologues scolaires travaillaient généralement dans 18 écoles ou plus.
Comment faire pour éviter que les différents intervenants collaborent au lieu de suivre des voies parallèles?
Mme Taylor : Il est essentiel d'apprendre aux enseignants à reconnaître les symptômes de maladie mentale et à enseigner aux enfants à ne pas stigmatiser certains d'entre eux.
Le sénateur Cochrane : Avez-vous bien dit que votre fils travaillait dans l'industrie cinématographique?
Mme Morrison : Oui. Il n'est pas consommateur de services de santé mentale.
Le sénateur Cochrane : Il pourrait peut-être concevoir une publicité ou quelque chose de constructif...
Mme Morrison : Nous en discutons.
Le sénateur Cochrane : Ah! Bien. Je suis heureuse parce que c'est important. Il faut parfois prendre des initiatives commecelle-là pour pouvoir attirer l'attention sur ce problème.
Mme Morrison : Oui.
Le sénateur Cochrane : Qui sait? Elle pourrait être vendue à CBC ou à d'autres réseaux de télévision.
Mme Morrison : Il produit beaucoup de documentaires et nous en avons souvent discuté. Il travaille actuellement sur un projet concernant l'autisme. Cela l'intéresse beaucoup de faire quelque chose avec sa sœur, mais elle n'est pas encore tout à fait prête. Nous en discutons depuis longtemps.
Le sénateur Cochrane : Cela se réalisera probablement.
Je vais maintenant aborder un sujet quelque peu délicat. Je sais que vous avez dit que la schizophrénie de votre fille s'était manifestée lorsqu'elle était en Secondaire IV. Pensez-vous que cette maladie se déclare généralement à l'adolescence?
Mme Morrison : Cela varie considérablement. Dans le cas de ma fille, elle a un syndrome congénital dont le caractère principal est la schizophrénie, mais la plupart des personnes qui souffrent du même syndrome qu'elle ont généralement, de surcroît, de graves anomalies physiques. C'est une minuscule partie de gène qui manque à ma fille. C'est dû à un hasard extraordinaire de la nature. Ça aurait pu être héréditaire mais, dans notre cas, ce ne l'était pas.
On découvre que la plupart des personnes schizophrènes ont un défaut génétique, pas toutes, mais plus qu'on ne l'aurait soupçonné. On ne sait pas encore exactement d'où vient la schizophrénie. On peut être né avec une prédisposition, mais les symptômes n'apparaissent généralement qu'au cours de l'adolescence. C'est le scénario le plus courant. Dans certains cas, la schizophrénie se déclare chez des enfants mais, le plus souvent, elle se manifeste vers l'âge de la puberté, généralement entre 16 et 18 ans. Je pensais que j'avais une enfant normale jusqu'à ce qu'elle atteigne l'âge de 17 ans mais, rétrospectivement, je constate qu'elle avait déjà quelques difficultés avant cela.
Mme Taylor : D'après de récentes études, il paraît que, bien que la maladie se développe vers l'âge de 19 ou 20 ans, le sujet présente des symptômes reconnaissables vers l'âge de 15 ou16 ans.
Pour ce qui est d'apprendre aux enseignants à reconnaître les symptômes de maladie mentale, cette formation devrait faire partie intégrante de leur programme d'études universitaires. Dans le cadre de leurs cours de perfectionnement professionnel, on pourrait leur donner des informations sur la façon de détecter les enfants qui pourraient être en danger. On pourrait également intégrer à leurs études sociales de l'information sur la façon de lutter contre les stigmates et sur les possibilités pour les enfants de reconnaître eux-mêmes les symptômes de maladie mentale. Je pense que ce serait très facile. Ce ne serait pas très coûteux, sauf qu'il serait nécessaire qu'une infirmière scolaire fasse la tournée des écoles du district pour s'assurer que l'information est présentée de façon correcte et que l'on s'occupe des enfants.
Le sénateur Cochrane : Je voudrais vous raconter une histoire personnelle. Lorsque mon neveu était âgé d'environ 18 ou 19 ans et qu'il était à l'université, il m'a appelée un soir pour me demander d'aller le chercher à l'aéroport. Je lui ai demandé ce qui n'allait pas, et il m'a répondu qu'il ne savait pas ce qu'il avait mais qu'il avait un problème. Par conséquent, je suis allée le chercher à l'aéroport avec mon mari et il était visiblement très agité. Il était vraiment très agité.
Nous lui avons proposé de le conduire chez ses parents, mais il a dit qu'il ne voulait pas y aller. Enfin, nous sommes parvenus à le convaincre d'aller rendre visite à ses parents, qui vivaient à une trentaine de milles — car je ne savais pas quelle était la nature du problème et comment réagir. Après que nous ayons parlé à ses parents, il était agité et voulait partir. Il m'a dit qu'il voulait partir avec nous et nous avons accepté qu'il revienne chez nous. Lorsque nous sommes arrivés à la maison, il est resté debout toute la nuit, et nous aussi.
Le lendemain matin, mon mari devait aller travailler et mon neveu m'a dit qu'il pensait qu'il devrait partir. Je lui ai demandé pourquoi et il m'a répondu qu'il craignait ce qu'il pourrait faire. Je lui ai demandé s'il le pensait vraiment et il m'a dit que oui, qu'il voulait partir. Je suis donc sortie et je suis allée chez mes voisins pour appeler mon mari et lui demander de rentrer immédiatement à la maison. Quand mon mari est arrivé, nous sommes entrés tous les deux dans la maison et avons dit à notre neveu que nous allions l'amener voir une personne qui pourrait diagnostiquer son problème. Il a refusé en disant qu'il allait partir avec mon mari. Mon neveu est monté dans la voiture avec lui et ils ont parlé pendant deux heures.
Pendant ce temps-là, j'ai appelé un hôpital situé à une soixantaine de milles, pour savoir comment gérer cette situation et on m'a dit de l'amener. Mon mari et moi sommes montés dans la voiture et avons conduit mon neveu à Corner Brook. Nous avons attendu toute la journée à l'hôpital. On nous a dit que nous devrions y laisser notre neveu. Savez-vous ce qu'ils ont fait à l'hôpital? Même si ce comportement avait de nombreux aspects négatifs, ils lui ont administré un traitement aux électrochocs. C'était il y a une quarantaine d'années. En tout cas, il n'a plus eu de problème semblable depuis.
N'est-ce pas incroyable? C'est une histoire vraie, je le jure.
Mme Taylor : Je vais vous raconter une histoire. On ne penserait pas que ce soit possible au Canada.
Lorsque mon fils était dans la rue, je pense qu'une des raisons pour lesquelles il s'est tenu à l'écart de nous pendant une si longue période est que, chaque fois que nous pouvions le faire hospitaliser, nous le faisions, parce que nous savions que, sans diagnostic, nous ne pourrions pas l'aider et que nous étions, nous, incapables de le raisonner. Nous n'avons pas eu de conversation intellectuelle avec lui pendant une quinzaine d'années — c'est vous dire à quel point il était malade. Quoi qu'il en soit, on l'a retrouvé quelque part à proximité de la frontière américaine et on l'a amené dans un grand hôpital ontarien. Il devait être alors au début de la vingtaine. Il m'a dit des années plus tard qu'il a été pris d'une telle panique en voyant l'endroit qu'il avait fallu quatre personnes pour le forcer à y entrer.
Nous n'avions pas entendu parler de lui depuis longtemps. Finalement, il a appelé et m'a dit qu'il avait peur. Je lui ai demandé ce qui n'allait pas. Il m'a dit qu'il était à l'hôpital depuis un certain temps, mais qu'il était maintenant dans le service médico-correctionnel. Je lui ai demandé pourquoi il était dans ce service et il m'a dit qu'il ne le savait pas. Il ne faut pas oublier qu'il s'exprimait à sa façon de schizophrène, parce qu'il ne raisonnait pas comme nous, mais il m'a fait comprendre que ses compagnons étaient des personnes reconnues coupables de meurtre et des criminels violents. J'ai dit « Oh, mon Dieu, Brian ».
J'ai rappelé l'hôpital pour vérifier si c'était vrai et c'était bien vrai. C'était là qu'il était. J'ai pris l'avion immédiatement; je restais près de lui toute la journée et ce, pendant toute la durée de son séjour à l'hôpital. Il était dans le service médico-correctionnel parce qu'on n'arrivait pas à le faire rester à l'hôpital; il se sauvait sans cesse. Ce service était le seul lieu sûr où on pouvait le placer.
En fait, pendant le voyage aller, je craignais qu'il soit très agité. Il n'avait plus été calme depuis des années. Je savais qu'il était très impulsif. S'il était en présence de nombreuses personnes agitées, il pourrait avoir des ennuis. Je sais qu'il y avait des gardiens, mais on ne sait jamais; quelqu'un aurait pu lui donner un coup sur la tête ou l'agresser de quelque façon. C'est une période au cours de laquelle je me suis fait énormément de souci.
Je me demandais comment une situation semblable était possible au Canada. C'était pourtant bel et bien possible.
Le président : Oui.
Mme Taylor : Il a vécu une expérience semblable auNouveau-Brunswick. La première fois qu'il a été hospitalisé, c'était au Nouveau-Brunswick. C'était il y a plusieurs années, et cet hôpital est maintenant fermé. Il avait été placé dans le même service que des personnes atteintes de divers troubles, notamment des personnes ayant une déficience intellectuelle et des personnes ayant des besoins particuliers. Il était âgé de 20 ans et je ne pense pas qu'il s'en soit jamais remis. Je suis certaine que c'est une des raisons pour lesquelles il refuse d'aller à l'hôpital.
Le sénateur Pépin : Nous avons dit qu'il était essentiel d'apprendre aux enseignants à reconnaître les signes d'un problème chez un enfant. Et, en ce qui concerne les étudiants en médecine? C'est par là qu'il faudrait commencer. Lorsqu'un patient va à l'hôpital, pour un accouchement par exemple, on demande à cette femme si elle est allergique à certains médicaments ou à certains aliments. On pose des questions sur les antécédents familiaux en ce qui concerne des maladies physiques comme le cancer, mais on ne pose jamais de questions sur la santé mentale dans les familles. Il faudrait peut-être commencer par là. Lorsqu'un enfant va à l'école, il faudraitpeut-être prendre note des antécédents de maladie mentale dans sa famille. Je ne sais pas, moi. C'est une idée qui me vient comme ça à l'esprit.
Mme Morrison : C'est toutefois délicat parce qu'on met très facilement des étiquettes.
Le sénateur Pépin : Oui, c'est un autre facteur. Il faudraitpeut-être trouver une autre solution, mais je suis certaine qu'il serait souhaitable que les étudiants en médecine reçoivent une meilleure formation à cet égard.
Mme Taylor : Si l'on fait disparaître les stigmates, on ne mettra d'étiquette à personne.
Le sénateur Pépin : Il est vrai que le cancer est guérissable lorsque le diagnostic est précoce. En ce qui concerne la maladie mentale, le premier diagnostic est généralement erroné ou alors le diagnostic est tardif et on prescrit des médicaments qui ne conviennent pas.
Un des témoins, je pense que c'est Mme Taylor, a suggéré de mettre de petites cliniques en place. S'agit-il de centres de santé communautaire où les patients pourraient aller à leur sortie de l'hôpital ou d'une solution de remplacement aux hôpitaux? Autrement dit, est-ce qu'au lieu d'aller dans un hôpital, une personne irait régulièrement dans une clinique pour se faire administrer les médicaments nécessaires? Pensez-vous à une solution de ce type?
Mme Taylor : Je ne pense pas nécessairement à un endroit où les patients iraient après leur sortie de l'hôpital. Dans mon esprit, il s'agirait d'un lieu établi, d'un lieu que tout le monde connaîtrait, et où les personnes qui ont des symptômes et qui entendent des voix pourraient se rendre de leur propre gré.
Le sénateur Pépin : Oui.
Mme Taylor : Ce pourrait être en quelque sorte un lieu d'accueil. Mon fils m'a dit qu'il s'était rendu à un grand hôpital mais que, arrivé à l'entrée, il ne voulait plus entrer. Je parle de petits établissements, où le personnel est aimable et accueillant. Si nous tentons de nous débarrasser des stigmates, je pense que cette solution serait beaucoup plus efficace que le système actuellement en place.
Je sais que certains des patients qui sont dans les grands hôpitaux sont psychotiques. Je sais que c'est la seule méthode efficace avec eux. Cependant, ces épisodes ne durent pas très longtemps et, par conséquent, ils pourraient aller dans les cliniques à leur sortie de l'hôpital.
Le sénateur Pépin : Ce serait formidable.
Madame Morrison, vous avez fait des commentaires sur les essais avec les médicaments. Vous avez signalé que votre fille aurait pu obtenir un médicament précis mais qu'elle devait d'abord en prendre un autre pendant des mois parce qu'il était obligatoire de faire cet essai. Pourriez-vous donner des explications à ce sujet?
Mme Morrison : Les médicaments pour les psychoses peuvent être répartis en deux catégories : ceux de la vieille école et ceux de la nouvelle école. Les médicaments récents ne sont pas couverts immédiatement par l'assurance. Étant donné qu'ils sont très coûteux, on doit commencer par les médicaments traditionnels.
Le sénateur Pépin : Est-ce obligatoire?
Mme Morrison : Oui. Je ne suis pas très au courant de la structure de pouvoir mais, dans le cas de ma fille, dont les antécédents en matière de médicaments n'étaient pas fameux du tout, on nous a dit que son plus grand espoir résidait dans les nouveaux médicaments, mais que l'on ne pouvait pas les lui administrer légalement tant que l'on n'avait pas fait un essai avec les autres, et qu'alors seulement on pourrait expliquer à la société pharmaceutique que les médicaments conventionnels n'avaient pas pu la rétablir et que l'on voulait par conséquent essayer les nouveaux. À partir de ce moment-là, le prix des médicaments est couvert par l'assurance.
Le président : Oui, ce principe est applicable dans toutes les provinces, à ce que je sache.
Mme Morrison : Oui. Je ne m'exprime probablement pas très bien, mais...
Le président : Oh non, c'est exactement ce qui se passe.
Mme Taylor : C'est de là que vient l'inégalité.
Le sénateur Pépin : Les hôpitaux ne doivent pas payer pour le médicament comme tel.
Mme Morrison : Non, mais c'est tout de même une question de coût.
Le sénateur Pépin : Je sais.
Mme Morrison : Certains médicaments récents sont très bon marché, mais d'autres sont extrêmement coûteux.
Le sénateur Pépin : Il est toutefois obligatoire de suivre ce processus.
Mme Morrison : Oui.
Le sénateur Pépin : Je l'ignorais.
Mme Morrison : Lorsqu'une personne commence à prendre un médicament antipsychotique, il faut un certain temps pour qu'il s'accumule dans son système. Il faut commencer par de petites doses, pour atteindre progressivement la dose maximale. Il faut trouver quelle est la dose thérapeutique et, si ce n'est pas efficace, il faut diminuer la dose. À un certain moment, la quantité a suffisamment diminué dans le système du patient pour permettre de commencer à prendre le prochain médicament. C'est donc un processus qui dure environ six mois.
Mme Taylor : C'est à ce niveau-là que se manifeste l'inégalité car, à l'Île-du-Prince-Édouard, la période d'essai n'est pas aussi longue. Vous pouvez obtenir une lettre de votre médecin dans laquelle il indique que tel ou tel médicament est celui dont le patient a besoin. Cela suffit, alors qu'en Nouvelle-Écosse, le patient doit passer par une période d'essai. Je pense que c'est immoral.
Mme Morrison : Je suis convaincue que ma fille a subi des lésions au cerveau en partie à cause des médicaments, mais aussi parce que sa maladie se prolongeait.
Le sénateur Pépin : Madame Taylor, vous avez mentionné que vous souhaitiez que l'on accorde autant d'attention à la santé mentale qu'au bien-être des enfants, par exemple. Je suis bien d'accord avec vous, mais il a fallu plus de 20 ans pour mettre le bien-être des enfants au programme. C'est toutefois un début, et nous espérons que le délai ne sera pas aussi long.
Le sénateur Cook : Je ne sais pas si vous étiez présente lorsque j'ai mentionné ce matin qu'il était essentiel d'établir un formulaire national pour les médicaments. La création d'un formulaire national est un des défis que nous avons à relever. Comment pourrait-on sans cela mettre en place un système assurant la continuité des services?
Oui, sénateur Pépin, dans ma province, on utilise trois médicaments pour soigner la schizophrénie. Il est obligatoire d'avoir fait un essai avec les deux premiers avant de passer au troisième. Comme vous le savez, les effets secondaires du premier et du deuxième médicaments sont horribles. Sans le soutien des pairs ou un soutien familial vigoureux, le malade en essaie généralement un, peut-être deux, puis abandonne. Il n'essaie généralement pas le troisième.
Je ne suis pas très au courant des procédures des sociétés pharmaceutiques. Je pense que l'on met au point les médicaments par la recherche, puis que la société pharmaceutique le produit. Je ne suis pas trop pessimiste au sujet des pressions que les sociétés pharmaceutiques font pour vendre un nouveau médicament parce que, tant que tous les intervenants ne se mobiliseront pas, les sociétés pharmaceutiques y compris, nous n'accomplirons pas de progrès. Je commence à écouter les représentants de sociétés pharmaceutiques quand ils parlent de nouveaux médicaments parce que, dans ma province, il est essentiel d'avoir fait un essai avec les deux premiers médicaments utilisés pour soigner la schizophrénie avant de pouvoir passer au troisième.
C'est donc le défi que nous avons à relever. Nous espérons que vous appuyez cette recommandation concernant la mise en place d'un formulaire national.
Le président : Je voudrais revenir à la question que Mme Taylor a soulevée au sujet des stigmates. À supposer que le gouvernement fédéral soit disposé à investir des fonds dans une campagne antistigmates, en particulier une campagne axée sur les étudiants, je pense que le chances de réussite seraient énormes si on ciblait les jeunes âgés de moins de 25 ans plutôt que des vieux bonzes comme nous. Je le mentionne parce qu'on a constaté qu'il était essentiel de s'adresser au groupe des jeunes âgés de moins de 25 ans pour modifier les attitudes à l'égard de l'homosexualité. Ce qui me fascine, c'est que lorsqu'on a fait tout ce tintouin au sujet du mariage entre personnes du même sexe, les étudiants universitaires et ceux du secondaire se demandaient pourquoi. Tous les sondages indiquaient que la forte majorité des moins de 30 ans se demandaient quel était le problème alors que la plupart des personnes âgées de plus de 60 ans trouvaient que c'était un grave problème.
Notre espoir est de modifier les attitudes de la génération montante, ce qui est à mon avis possible, si le gouvernement fédéral octroie les fonds nécessaires. À propos du commentaire que vous avez fait à ce sujet, je pense que nous devons au moins terminer la séance de ce matin sur une note d'espoir.
Je vous remercie pour votre participation.
La séance est levée.