LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE LA SÉCURITÉ NATIONALE, DE LA DÉFENSE ET DES ANCIENS COMBATTANTS
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le lundi 5 décembre 2022
Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants se réunit aujourd’hui, à 16 heures (HE), avec vidéoconférence, afin d’examiner, pour en faire rapport, les questions liées à la sécurité et à la défense dans l’Arctique.
Le sénateur Tony Dean (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants. Je suis Tony Dean, sénateur de l’Ontario et président du comité. Je suis accompagné aujourd’hui du sénateur Jean-Guy Dagenais, vice-président du comité, qui représente le Québec, et de la sénatrice Pat Duncan, qui représente le Yukon. Compte tenu des circonstances de cet après-midi, je pense qu’il convient de mentionner que la sénatrice Duncan est ex-première ministre du Yukon. Nous accueillons également le sénateur Victor Oh, qui représente l’Ontario, le sénateur David Richards, qui représente le Nouveau-Brunswick, et le sénateur Hassan Yussuff, qui représente l’Ontario.
Pour ceux qui suivent la séance d’aujourd’hui, nous poursuivons notre étude sur la sécurité et la défense dans l’Arctique, y compris l’infrastructure militaire et les capacités de sécurité. Aujourd’hui, nous entendrons deux groupes de témoins qui sont ici pour nous faire part de leur point de vue unique sur la sécurité et la défense au Yukon. Je souligne qu’il s’agit de la première réunion du comité où tous les témoins sont présents dans la salle depuis le début de la pandémie de COVID-19. C’est donc un jalon dans l’histoire de la COVID et du Sénat.
Dans notre premier groupe de témoins, nous avons le plaisir d’accueillir, ici à Ottawa, l’honorable Sandy Silver, premier ministre du Yukon. Merci, monsieur le premier ministre Silver, de vous être joint à nous ce soir. C’est un privilège de vous entendre. Nous sommes ravis que vous ayez pu vous joindre à nous aujourd’hui. Je reconnais que notre visite dans l’Arctique n’a pas été complète. Nous ne nous sommes pas rendus au Yukon, et nous le regrettons beaucoup.
Nous allons commencer la séance en vous invitant à faire votre déclaration préliminaire. Les députés vous poseront ensuite des questions.
Monsieur le premier ministre, soyez le bienvenu et commencez dès que vous serez prêt.
L’honorable Sandy Silver, premier ministre du Yukon : Merci beaucoup, honorables sénatrices et sénateurs, de m’accueillir ici aujourd’hui sur le territoire traditionnel non cédé de la nation algonquine anishinabe.
Comme vous le savez tous, le Yukon, la région la plus à l’ouest du Canada, joue un rôle important et unique dans le dialogue sur la sécurité dans l’Arctique. Le Pacifique est essentiel aux exportations de minéraux du Yukon, et le détroit de Béring est l’un des endroits d’où nous pouvons voir des incursions de la Russie ou de la Chine dans l’Arctique nord-américain. Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, mes homologues du Nord et moi-même sommes unis dans notre message à nos collègues du Canada et à nos alliés internationaux dans l’Arctique. Nous croyons que des collectivités saines et résilientes sont le fondement d’un Nord sûr et souverain, et qu’un investissement dans la sécurité devrait aider à créer des collectivités fortes — un objectif double. Nous avons mobilisé le Conseil de la fédération, et les 13 premiers ministres des provinces et des territoires s’entendent sur l’importance de renforcer la souveraineté et la sécurité dans l’Arctique. À cette fin, ils ont demandé au gouvernement fédéral de trouver de nouvelles ressources financières pour appuyer la souveraineté dans le Nord canadien.
Cet été, le Yukon a accueilli les ambassadeurs au Canada de la Norvège, de la Finlande, de l’Islande, de la Suède et du Danemark. J’ai également visité l’Islande et le Groenland, où les trois premiers ministres territoriaux se sont adressés pour la première fois au Forum du cercle arctique. Ces rencontres ont fait ressortir une vision commune de collectivités nordiques bien soutenues, saines et sécuritaires. Nous devons travailler en étroite collaboration avec nos partenaires nordiques pour relever les défis communs qui ont une incidence sur l’Arctique, y compris les changements climatiques, la sécurité dans l’Arctique et la résilience des collectivités.
L’infrastructure du Yukon joue un rôle important en rendant la présence de la Défense dans le Nord plus souple et durable. Le fait de disposer d’infrastructures énergétiques, de transport et de télécommunications diversifiées, robustes et sécuritaires accroîtra la résilience du Yukon et du Canada face aux menaces. Il donnera au ministère de la Défense nationale la capacité de se défendre contre diverses menaces tout en réduisant le plus possible les répercussions sur les collectivités locales. Nos vastes réseaux routiers relient toutes les collectivités du Yukon, sauf une, et cela comprend la route de l’Alaska, qui est la seule route terrestre vers l’Alaska. Le gouvernement du Yukon exploite cinq aéroports et vingt aérodromes, y compris notre aéroport international à Whitehorse et de nombreuses pistes d’atterrissage éloignées dans l’ensemble du territoire. L’amélioration de ces pistes et de ces autoroutes accroîtra la résilience des collectivités du Yukon et fournira des chaînes d’approvisionnement plus robustes et plus sûres pour tout déploiement.
Certains des plus grands risques pour nos infrastructures sont liés aux changements climatiques. Cet été, une partie de la route de l’Alaska a été emportée par les eaux pendant plusieurs jours. Heureusement, la circulation pourrait passer par la Colombie-Britannique, mais il y a des régions où la route de l’Alaska est le seul lien vers le Yukon et, par extension, vers l’Alaska.
Le Yukon connaît également des pannes périodiques des télécommunications et d’Internet. Les gens du Sud du Canada ont été surpris et frustrés par la panne du réseau de Rogers cet été. Ces types d’événements ne sont pas surprenants dans le Nord et sont malheureusement plus fréquents. Nous investissons dans la redondance des télécommunications, ce qui aidera à améliorer la résilience dans des dizaines de collectivités du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest, mais ces projets exigent beaucoup de temps et de ressources et prennent souvent du retard. Le Yukon s’intéresse aux infrastructures polyvalentes qui peuvent procurer des avantages à long terme aux Forces armées canadiennes et aux collectivités locales.
La sécurité de l’Amérique du Nord et la prospérité future du Yukon sont liées à un approvisionnement sûr en minéraux critiques. Le Yukon a des intérêts importants en minéraux critiques qui peuvent soutenir l’énergie propre et nous faire passer à une économie sobre en carbone. Le gouvernement fédéral a établi le Plan canadien pour les minéraux et les métaux, qui reconnaît le potentiel de notre pays de fournir des minéraux sûrs et durables sur le plan environnemental pour l’utilisation et l’exportation au pays. Le Canada compte 25 des 31 minéraux critiques de la stratégie nationale du Canada, y compris des réserves de calibre mondial de tungstène, de zinc et de cuivre. Notre accès aux zones côtières nous donne également un approvisionnement relativement direct aux marchés internationaux.
Le Yukon dispose d’un régime d’évaluation et d’un cadre de réglementation solide et efficace qui continue de soutenir le développement responsable des ressources dans notre territoire, et notre travail visant à établir des relations solides avec les Premières Nations du Yukon a accru la confiance des investisseurs et fait en sorte que les collectivités locales participent aux projets de développement et en tirent profit. Le Plan d’action conjoint du Canada et des États-Unis pour la collaboration dans le domaine des minéraux critiques, dont le Yukon est signataire, décrit comment promouvoir les intérêts mutuels des deux pays. C’est maintenant qu’il faut développer ces minéraux critiques et que les gouvernements doivent établir les conditions propices à l’expansion de ce secteur.
Nous savons que la plus grande partie de l’investissement dans la modernisation du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord ne sera pas consacrée au Nord. Le gros des dépenses ira aux entreprises du Sud pour l’équipement et les services spécialisés. Nous demandons à ceux qui élaborent les programmes d’examiner de près les actifs qui peuvent rester dans les collectivités du Nord pour une utilisation future, non seulement l’infrastructure et l’équipement, mais aussi l’expérience, la formation et le renforcement des capacités. Si vous prenez les Rangers canadiens, par exemple, on constate une intersection entre la sécurité et le renforcement des capacités qui peuvent apporter des avantages durables à nos collectivités. Les Rangers peuvent être rapidement mobilisés, participer à des interventions coordonnées avec nos autres organismes et faciliter la mobilisation des collectivités, et les compétences qu’ils acquièrent dans le cadre des programmes de la Défense nationale appuient d’autres activités de sécurité communautaire comme la recherche et le sauvetage.
Lorsque l’opération NANOOK se déroule au Yukon, nous voyons des occasions de renforcer nos capacités et de nous préparer à gérer nos propres catastrophes et urgences, qui sont de plus en plus fréquentes à mesure que le climat continue de changer.
Je crois que les programmes du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord au cours des prochaines décennies peuvent avoir un impact positif énorme sur les collectivités du Nord et renforcer leur résilience. Le rôle du Yukon en matière de sécurité continentale est particulièrement évident dans nos liens avec l’Alaska et dans notre capacité d’y approvisionner des opérations militaires américaines. Une route de l’Alaska bien entretenue est essentielle. Nous avons une entente qui date de 1977, conclue entre les États-Unis et le Canada, pour l’entretien de certains tronçons de la route. Obtenir des fonds suffisants pour ces travaux est une priorité récurrente de notre gouvernement, et nous continuons de travailler avec nos homologues de l’Alaska, qui reconnaissent l’importance cruciale de cette route terrestre.
En terminant, j’aimerais remercier le comité d’avoir écouté les points de vue du gouvernement sur la sécurité dans l’Arctique. Même si vous n’avez pas pu venir au Yukon pour votre visite dans le Nord, je crois comprendre que vous avez entendu des dirigeants des Premières Nations du Yukon la semaine dernière. J’espère que vous aurez l’occasion de rendre visite à d’autres dirigeants autochtones et communautaires et de leur parler directement de ces questions.
Dans mes discussions avec le premier ministre Trudeau, nous avons convenu que la souveraineté et la sécurité dans l’Arctique reviennent d’abord et avant tout aux gens du Nord. Il est essentiel de travailler ensemble pour soutenir des collectivités saines, dynamiques, prospères et sécuritaires dans le Nord canadien afin d’assurer la sécurité durable et à long terme de l’Arctique.
Merci beaucoup.
Le président : Monsieur le premier ministre, merci beaucoup de cette déclaration préliminaire très exhaustive.
Avant de passer aux questions des membres du comité, je rappelle aux participants dans la salle de faire attention de ne pas vous pencher trop près des microphones ou de retirer votre oreillette si vous devez le faire, de sorte que tout effet Larsen qui pourrait avoir une incidence négative sur le personnel du comité dans la salle soit maintenu à un minimum absolu. J’aimerais maintenant permettre au vice-président, le sénateur Dagenais, de poser la première question cet après-midi.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Merci, monsieur le premier ministre, d’avoir accepté notre invitation.
Lorsqu’on vit au Yukon, il est évident que l’on ne peut pas ignorer ce qui se passe chez le voisin immédiat, l’Alaska. Avez-vous parfois l’impression d’être négligé par le Canada si vous faites des comparaisons avec l’attention que le gouvernement américain accorde aux infrastructures et aux citoyens de l’Alaska?
[Traduction]
M. Silver : Je vous remercie de la question. Il est toujours intéressant de partager une frontière avec les Américains, c’est certain. J’ai parlé à la sénatrice Murkowski pas plus tard que la semaine dernière. Je dirais qu’il y a plus de parallèles que de différences entre les deux gouvernements fédéraux en ce qui concerne l’importance des minéraux critiques. Le moment est toutefois venu de vraiment saisir une occasion.
En ce qui concerne l’infrastructure à l’échelle nationale, le gouvernement actuel a accompli un bon travail. Nous avons reçu plus d’un demi-milliard de dollars au titre des routes pour l’exploitation des ressources, par exemple, en plus de nos transferts fédéraux réguliers. Il s’agit d’une somme d’argent extrêmement importante, et cela démontre aussi une volonté de commencer à travailler sur une très importante stratégie en matière de minéraux critiques et de joindre le geste à la parole en investissant dans ces éléments d’infrastructure.
Cependant, nous sommes vraiment engagés dans une course en ce moment. Aujourd’hui, nous voyons pour la première fois des fourgonnettes électriques fabriquées en Ontario, au Canada. Nous avons les minéraux critiques pour maintenir cette chaîne d’approvisionnement au Canada. Nous et l’Alaska — et donc les Américains — avons les mêmes préoccupations en ce qui concerne les investissements chinois. Nous avons vu au Yukon des sociétés minières nationales chinoises détenir des ressources dans le sol, et nous voulons vraiment nous assurer d’avoir la capacité d’utiliser ces ressources dans l’avenir, mais il y a beaucoup de concurrence.
L’Alaska est également prêt à bouger, et l’État envoie de nombreuses communications pour annoncer qu’il sera au centre de l’industrie des minéraux critiques, et c’est là une véritable occasion à saisir, non seulement pour que le gouvernement canadien investisse dans les ressources dont Doug Ford aura besoin pour son industrie automobile à Windsor, mais aussi pour renforcer les relations avec les gouvernements des Premières Nations. Nous parlons de l’importance d’une participation au capital en ce qui concerne nos ressources, et je pense que nous sommes prêts à être un chef de file mondial pour une industrie des ressources sûre et respectueuse de l’environnement.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Si on parle des changements climatiques à l’origine des nouvelles mesures qui devront être prises pour assurer la sécurité du territoire de l’Arctique, entre autres, estimez-vous que le gouvernement central a trop tardé à réagir et à développer une stratégie?
Pouvez-vous nous parler des deux ou trois principaux problèmes que le réchauffement occasionne pour les gens qui vivent au Yukon?
[Traduction]
M. Silver : C’est une très bonne question. Lors du 150e anniversaire du Canada, j’ai eu l’occasion de voir les navires militaires C3 arriver dans notre partie la plus septentrionale du Yukon, l’île Herschel. Quand on est là-haut et que l’on observe le glissement des falaises, il faut y voir un signe avant-coureur indéniable. Le Nord subit les changements climatiques à un rythme trois fois plus rapide que n’importe quelle autre région, et la dégradation de notre pergélisol est vraiment préoccupante.
En tant que gouvernement territorial, nous avons l’obligation de faire notre part. Nous avons élaboré la stratégie Notre avenir propre, un plan décennal exhaustif visant à lutter contre les changements climatiques. Le gouvernement fédéral ne ménage pas ses efforts pour atteindre les cibles et les augmenter. Il est extrêmement important de maintenir notre capacité d’atteindre ces objectifs. Il convient toutefois de signaler que lorsque nous avons établi nos propres cibles au Yukon, les spécialistes de l’environnement savaient qu’avec les technologies actuelles, nous ne pourrions pas nécessairement les atteindre. C’était intentionnel, parce que nous savons que la technologie prend de l’expansion de façon exponentielle à l’heure actuelle. Si le gouvernement fédéral investit judicieusement dans les bons secteurs, nous atteindrons ces objectifs.
Pour répondre à votre question, je ne peux pas dire s’ils ont été trop rapides ou trop lents à participer à cette table. Mais à l’avenir, il nous faut absolument un gouvernement fédéral qui va investir massivement dans les technologies dont nous avons besoin pour atteindre ces objectifs, parce que nous ne pouvons pas utiliser les méthodes et les méthodologies actuelles. Nous devons donc être à la fine pointe du progrès.
Je regarde des endroits comme l’Île-du-Prince-Édouard, où l’on réalise des progrès remarquables dans le domaine de la technologie aérospatiale. Quand on examine la situation, on constate que les petites administrations peuvent réaliser d’énormes progrès en matière de technologies. Au Yukon, le secteur de la technologie est l’un de ceux qui contribuent le plus à notre PIB. Nous pouvons tous travailler ensemble dans ce dossier, mais il faut un engagement du gouvernement fédéral à l’égard de ces fonds pour nous assurer d’atteindre ces objectifs.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Dans l’ensemble, diriez-vous qu’Ottawa accorde assez d’importance aux revendications des peuples autochtones, et quelles sont les recommandations prioritaires que vous souhaiteriez voir dans notre rapport?
[Traduction]
M. Silver : Eh bien, de combien de temps disposez-vous? C’est une question très importante, absolument. Dans le contexte de votre rapport, c’est mon travail de vraiment concentrer votre attention sur la souveraineté dans l’Arctique. Je sais que vous avez un dialogue national sur les valeurs mobilières. Il est extrêmement important que nous nous concentrions tous sur les petites communautés autochtones rurales. Nous avons fait une présentation au sommet annuel de la Pacific NorthWest Economic Region, ou PNWER, cet été à Calgary et aussi en Islande et au Groenland, et bien souvent mes conversations s’adressent à des actionnaires de sociétés. Les Guggenheim ont montré les avantages économiques de l’ouverture des marchés par le passage du Nord-Ouest. Comment pouvons-nous, en tant que politiciens, faire savoir aux actionnaires de ces entreprises que l’éducation d’un Autochtone d’Old Crow, notre collectivité la plus rurale et la plus nordique, est aussi importante pour leur rentabilité qu’autre chose? Et elle l’est. Parce qu’avec les Premières Nations signataires de traités modernes, les gouvernements avancés des Premières Nations à la table, c’est la chose la plus importante dans laquelle nous pouvons investir comme pays en ce qui concerne le passage du Nord-Ouest en constante expansion et avec les yeux du Nord circumpolaire qui se tournent vers notre région. Nos populations sont très petites, mais il est extrêmement important que ces communautés vivent en sécurité.
En ce qui a trait à la souveraineté dans l’Arctique, les gouvernements fédéraux sont passés, du moins l’espérons-nous, d’une mentalité qui consiste à « l’exercer ou la perdre » à une approche dictant qu’« aucune décision nous concernant n’est prise sans nous ». Je dirais que l’élément le plus important, de mon point de vue, ce sont les chapitres du Cadre stratégique pour l’Arctique et le Nord. Ces chapitres représentent beaucoup de travail de la part de nombreux dirigeants différents des trois territoires. Chacun de ces chapitres doit être accompagné d’un financement. Autrement, une autre activité sera mise sur une tablette et un autre gouvernement se présentera et recommencera à zéro. Je vous remercie de la question. Si vous me demandez ce qui est vraiment important, ce document est extrêmement important, et le gouvernement fédéral doit investir de l’argent dans ce qui y est énoncé.
Le sénateur Richards : Merci, monsieur le premier ministre, d’être ici.
J’ai beaucoup écrit sur l’importance de l’éducation des Premières Nations. Cependant, je vais revenir un instant sur la question de la sécurité, parce que je ne pense pas que la Chine ou l’ex-URSS se soucient vraiment de nos Premières Nations de toute façon. Comment le Canada se compare-t-il aux autres pays de l’Arctique sur le plan de l’état de préparation en matière de sécurité dans l’Arctique? À quel point sommes-nous en retard? Sommes-nous en fait en retard? Vous pourriez peut-être répondre à cette question. Tous ces investissements n’auront pas d’importance si notre souveraineté est remise en question par l’hégémonie de la Chine ou la Russie.
Ma deuxième question est la suivante : combien de Rangers canadiens avons-nous dans le Nord? Je ne pense pas que nous soyons à jour à ce sujet. Pourriez-vous répondre à ces deux questions, s’il vous plaît?
M. Silver : Merci, sénateur. Je ne pourrais pas vous dire combien de Rangers nous avons dans les trois territoires. Je ne connais pas ce chiffre.
Je peux toutefois vous dire que le financement des programmes des Rangers juniors est extrêmement important. Je sais que, par le passé, lorsque le gouvernement fédéral réduisait ses crédits, les investissements dans le volet éducatif des programmes des Rangers juniors étaient les premiers à passer à la moulinette.
Lorsque nous parlons d’objectif double, que nous soyons en avance ou en retard, c’est la suite des choses qui importe. Il faut avant tout nous assurer de réaliser un double objectif.
Si nous devons rattraper notre retard, il est de la plus haute importance d’investir dans les types d’infrastructures qui peuvent être utilisées par les collectivités. Il est extrêmement important d’investir dans la technologie et l’éducation de nos collectivités les plus rurales.
Trop de personnes vivent encore sans Internet. Nous devons veiller à ce que toutes les salles de classe soient dotées d’Internet. Nous avons besoin de redondance. Tous ces éléments sont extrêmement...
Le sénateur Richards : Le faisons-nous? Cela fait aussi partie de la question. Le faisons-nous vraiment?
M. Silver : Vous voulez parler du gouvernement territorial ou du gouvernement fédéral?
Le sénateur Richards : Oui. Est-ce qu’Internet se rend dans ces collectivités? L’éducation est-elle un facteur primordial dans ces communautés?
M. Silver : Nous en faisons une priorité, sans l’ombre d’un doute.
Le sénateur Richards : Oui.
M. Silver : Par exemple, le projet de redondance qui traverse la route Dempster est une boucle extrêmement importante. Si quelqu’un brise un câble à Edmonton, tout notre territoire perd Internet.
Alors que nous demandons aux gens de se moderniser et de passer à un avenir à faibles émissions de carbone, nous demandons aux mineurs des placers dans ma collectivité d’utiliser la technologie moderne pour faire fonctionner leur équipement. Nous devons nous assurer de maintenir nos infrastructures à jour pour qu’ils puissent le faire. Ce projet de fibre optique aidera non seulement les Yukonnais, mais il ajoutera de la redondance aux Territoires du Nord-Ouest.
Le secteur privé joue également un rôle extrêmement important à cet égard. Nous avons maintenant la fibre optique jusqu’aux maisons de petites collectivités comme Dawson City, d’où je viens. Vous pouvez juger si nous en faisons assez ou pas. Je pense que c’est une partie extrêmement importante de notre budget annuel. Nous pensons que c’est extrêmement important.
Je suis enseignant. Je viens d’une communauté autochtone, où j’enseignais. Nous avons modifié nos systèmes scolaires des Premières Nations. Nous avons maintenant huit écoles qui font partie d’un conseil scolaire des Premières Nations. Nous pensions en avoir une. Nous en avons obtenu huit immédiatement. Au prochain tour, je suis sûr que nous en aurons d’autres.
Nos étudiants seront comme des licornes dans les établissements d’enseignement postsecondaire au pays; ils seront recherchés, parce que la façon dont nous enseignons et éduquons, de concert avec les dirigeants des Premières Nations, sera extrêmement importante pour les établissements d’enseignement postsecondaire partout au pays.
Le sénateur Richards : Je viens d’une région rurale entourée de quatre réserves. Mes préoccupations sont à peu près les mêmes que les vôtres. Je persiste à croire que si nous ne pouvons pas conserver notre souveraineté, nous allons avoir de graves problèmes.
M. Silver : Je suis d’accord.
Le sénateur Richards : C’était l’essentiel de ma question. Merci beaucoup, monsieur.
M. Silver : Je suis tout à fait d’accord avec cette affirmation.
L’avantage de l’autonomie gouvernementale au Yukon — la moitié des traités modernes au Canada ont été conclus au Yukon. Nous n’avons pas de réserves. Si je peux me permettre, honorables sénatrices et sénateurs, chaque fois que vous parlez à un ministre du financement dans les réserves et hors réserve, expliquez-lui que cela ne fonctionne pas pour le Yukon. Il y a des situations uniques dans le Nord qui doivent être reconnues dans les politiques.
Le président : Merci, monsieur le premier ministre.
Le sénateur Yussuff : Merci, monsieur le premier ministre, d’être venu ici. Je pense que nous avons tous été déçus de ne pas avoir pu nous rendre au Yukon, compte tenu des défis que nous avons dû relever comme comité voyageant dans le Nord. Je dois vous dire que ce que nous avons pu vivre et voir là-bas était vraiment exceptionnel. J’ai un point de vue différent sur les défis que notre pays devra relever à l’avenir.
Il y a un effort colossal à déployer. Évidemment, pour ce qui est de la modernisation du NORAD, il y a une façon différente de voir les choses, parce que nous y arrivons à un moment où l’Arctique évolue de façon très importante et à une vitesse inédite jusqu’ici.
Nous aurons de nombreux défis à relever au cours de cette période pour moderniser le NORAD. Où seront les investissements? Quels autres partenariats dans le cadre de ces investissements aideront les collectivités locales qui sont essentielles?
Je vais commencer par deux points.
En ce qui concerne la modernisation du NORAD, quelles sont les priorités pour votre territoire et votre région en particulier? Si nous devons informer le ministre de ce que nous considérons comme une priorité, je préférerais l’entendre de votre part plutôt que de prétendre que je connais vos priorités.
M. Silver : Je vous en sais gré. J’admire le travail que vous faites dans le domaine syndical au Canada.
Au bout du compte, ce sont les détails qui posent problème. Je sais que lorsque l’on a annoncé les 4,9 milliards de dollars, beaucoup de détails ont déjà été exposés. Nous ne voyons pas nécessairement encore d’investissements directs et à double usage en faveur de la souveraineté dans l’Arctique.
C’est un financement extrêmement important. En tant que Canadien, je suis très fier que le gouvernement fédéral consacre maintenant cet argent à nos obligations envers l’OTAN. Nous essayons de voir comment ces investissements se rapportent à ce que les trois premiers ministres territoriaux ont dit au sujet de l’importance d’investir dans notre infrastructure, et pas seulement pour le NORAD.
Cette technologie est extrêmement importante. Le Collège du Yukon est devenu l’Université du Yukon pendant notre mandat. Notre technologie de recherche se développe à un rythme exponentiel. Nous sommes une région très sophistiquée du Canada. Nous connaissons la croissance la plus rapide au Canada, soit une croissance de 12,5 % de la population au cours des cinq dernières années, avec le taux de chômage le plus bas au Canada.
Le Yukon n’est plus ce qu’il était il y a 10 ans. C’est une société moderne et évolutive. Le gouvernement fédéral n’en bénéficiera que s’il est à l’écoute des besoins actuels de nos collectivités.
Il y a deux ou trois éléments de la plateforme qui vont de l’avant, cinq orientations différentes auxquelles ce nouveau financement est destiné. Nous mettons l’accent sur la question des investissements importants dans l’infrastructure. Nous devons savoir ce que le gouvernement fédéral veut dire lorsqu’il parle d’investissements importants dans les infrastructures.
J’ai dit dans ma déclaration préliminaire à quel point les aérodromes et les aéroports sont importants, tout comme les ponts. Nous avons présenté une demande de financement pour certaines de nos routes du Nord; nous les agrandissons, afin qu’elles soient toutes de même qualité et de même niveau, de sorte que notre collectivité minière puisse se déplacer plus rapidement au cours de l’année.
Pour ce qui est de ce que nous accomplissons déjà en collaboration avec le gouvernement fédéral, nous avons obtenu une grande marge de manœuvre en ce qui concerne le partage des fonds pour l’infrastructure à 25-75, ce qui fait probablement l’envie de beaucoup de provinces. Comment combler ces déficits? Comment pouvons-nous nous assurer de communiquer que cet investissement, à long terme, doit tenir compte de nos déficits actuels et de notre croissance démographique? La pénurie de main-d’œuvre est un gros problème partout au pays, c’est certain, et c’est aussi le cas pour nous, qui affichons le taux de chômage le plus bas au Canada.
Si je devais choisir une priorité, ce serait l’éducation, la formation; nos citoyens sont là pour cela. Nous sommes prêts. Nous avons une population très instruite.
S’il est une réussite issue de l’autonomie gouvernementale, c’est bien l’exode inversé des cerveaux des étudiants autochtones qui reviennent travailler au sein de leurs propres gouvernements et collectivités.
J’ai commencé à enseigner à Dawson City en 1998 et j’y ai passé les premières années de l’autonomie gouvernementale. J’ai assisté à cette croissance exponentielle de la capacité. Ce n’est pas comme si le fait d’écouter le Nord allait constituer un déficit ou un obstacle au progrès; cela va nous permettre de nous assurer que l’argent est investi aux bons endroits.
La priorité doit être accordée à l’infrastructure, comme je l’ai dit, ainsi qu’à la formation et à ce qui peut être conservé dans le Nord une fois les exercices de nature militaire terminés.
Le sénateur Yussuff : Vous avez parlé des Rangers canadiens. Nous avons entendu des histoires étonnantes sur leur contribution à nos efforts. Ils ont des connaissances locales. Ils comprennent leur collectivité.
La plupart du temps, malgré tous nos radars sophistiqués, ils sont mieux équipés pour comprendre les besoins du Nord et, surtout, pour naviguer dans le Nord.
Nous avons entendu parler des défis qu’ils doivent relever. Puisque les Rangers plus âgés prennent leur retraite, nous devons réfléchir à la façon de faire participer les jeunes à ce programme.
D’après ce que vous savez et comprenez, comment le gouvernement fédéral, en particulier le MDN — le ministère de la Défense nationale —, peut-il mieux faciliter et appuyer le programme des Rangers juniors? Quels sont les éléments manquants que nous pourrions recommander et qui seraient utiles? Nous avons entendu dire qu’il n’est pas certain que lorsqu’une génération partira, il y en aura une autre pour combler ces départs.
M. Silver : Une situation exacerbée par la génération perdue en raison des pensionnats. Encore une fois, lorsque j’étais sur l’île Herschel pour la mission C3, j’ai entendu parler de ce manque de connaissances sur le territoire de piégeage du grand-père, puis sur la génération manquante, et j’ai essayé de revenir à la base de connaissances traditionnelles. Nous devons aider nos dirigeants autochtones et mettre l’accent sur l’éducation. Nous avons beaucoup de dirigeants de ce genre au Yukon, et il est extrêmement important de les écouter lorsqu’il s’agit de gérer cette complication d’une génération perdue.
En tant qu’enseignant, j’ai constaté ce dont vous parlez. Notre programme d’études est extrêmement important et il faut y investir beaucoup. Nous sommes intégrés au système scolaire de la Colombie-Britannique. Quand j’étais professeur de mathématiques, j’ai aidé à élaborer le programme d’études en mathématiques. Il n’y a pas si longtemps, l’éducation au sujet du théorème de Pythagore ou d’autres choses était fondée sur des exemples que les gens du Nord n’avaient jamais vus auparavant, des escaliers mécaniques ou d’autres exemples concrets qui n’avaient aucun sens pour les Autochtones qui grandissaient dans le Nord. Il est extrêmement important de s’assurer que le programme d’études soit adapté aux collectivités qu’il dessert. Dans la nature, l’apprentissage par l’expérience en sciences est très important. Je l’ai constaté. Vous avez un étudiant qui ne s’épanouit pas du tout dans un système d’éducation sur la culture occidentale et qui s’ennuie à cause de cela, mais ensuite, sur le terrain avec les Rangers, il se retrouve sur le territoire de piégeage de ses grands-parents, on lui parle des connaissances traditionnelles, il dirige ses pairs, et cela renforce l’estime de soi.
Que ce soit dans la salle de classe ou avec les Rangers, je recommande vivement tout financement pour veiller à ce que ce soit définitivement — comme je l’ai déjà dit, il faut d’abord s’occuper des programmes des Rangers juniors et de la formation là-bas. Les Rangers sont extrêmement importants, car ils sont les yeux et les oreilles du Nord. Il a fallu beaucoup de temps pour obtenir les fusils. Nous voulons voir des investissements plus importants dans les Rangers d’un côté, du côté de la défense nationale, et de l’autre, il ne faut pas oublier que la plupart des gens qui participent au programme des Rangers sont des aînés de la collectivité, comme vous l’avez dit, mais ce sont aussi des leaders de toutes les générations, les Autochtones et les non-Autochtones, qui travaillent ensemble sur le terrain pour soutenir la croissance du programme des Rangers juniors et des citoyens et des étudiants en général. Encore une fois, il s’agit d’investir massivement dans d’autres modes d’éducation; c’est extrêmement important. Encore une fois, en tant qu’enseignant, je signale que le programme des Rangers est d’une importance capitale.
Si vous êtes comme moi un professeur de mathématiques originaire de la Nouvelle-Écosse, les premières années, il est vraiment difficile d’obtenir la confiance des gens, et pour cause. Beaucoup d’enseignants du Sud viennent, font quelques années, remboursent un prêt étudiant et repartent. C’est déchirant, vraiment, parce que si vous commencez à investir émotionnellement dans ces enseignants et qu’ils partent, vous devez repartir à zéro. Alors que, dans ma classe, vous invitez les Rangers, et ils sont considérés comme des super héros, vraiment, pour toute la communauté. Il est important que cela se poursuive lorsque les aînés commenceront à prendre leur retraite.
Le sénateur Yussuff : Vous avez parlé d’un aspect qui aura un rôle important à jouer dans le Nord, c’est-à-dire appuyer les nouvelles technologies pour les VE, ou les véhicules électriques, et du défi que nous devons relever pour faire face aux changements climatiques ici, dans le Sud de l’Ontario. Comme j’ai travaillé pour General Motors il y a longtemps, je comprends la nécessité d’y arriver plus rapidement.
Dans le contexte des minéraux critiques, le gouvernement fédéral impose des restrictions sévères à l’investissement étranger dans ce secteur particulier, tout en reconnaissant, bien sûr, que la Chine et d’autres pays sont intéressés à y avoir accès. Cela pose-t-il un défi pour le développement du secteur des minéraux critiques au Yukon? Plus important encore, compte tenu du programme de sécurité nationale, avez-vous une objection fondamentale à ce que le gouvernement fédéral impose ces restrictions? Bien sûr, nous voulons nous assurer de relever nos propres défis et de collaborer avec nos amis américains dans le cadre de ce processus. D’autres pays qui ne sont pas nécessairement en faveur de notre souveraineté pourraient vouloir l’enfreindre. J’aimerais connaître votre point de vue en tant que premier ministre. Il est difficile de gérer un territoire si on ne sait pas quel pourrait être le climat d’investissement.
M. Silver : Oui, en ce qui concerne les investissements chinois au Yukon, je ne sais pas tout. Je ne peux pas me prononcer sur la politique internationale du pays ni sur les raisons qui la sous-tendent. Je ne peux parler que de ce que j’ai vu.
Nous avons vu les gens de Wolverine — qui est un important projet minier au Yukon, appuyé par les Chinois — ne pas assurer la sécurité, puis repartir, et maintenant, nous devons payer la note. C’est extrêmement préjudiciable à bien des égards. Vous essayez d’obtenir l’adhésion des aînés dans certaines collectivités au sujet de l’exploitation minière et de son importance, mais vous avez des entreprises nationales qui ne font pas ce qu’elles sont censées faire en matière de valeurs mobilières, d’obligations et d’assainissement.
J’ai aussi vu le projet Selwyn Chihong au Yukon, un projet d’envergure, qui faisait même partie des fonds initiaux du projet Northern Gateway. Je me demande si quelqu’un dans la communauté minière du Yukon pensait que ce projet allait voir le jour — encore une fois, c’est très préoccupant. Pourquoi investirions-nous, surtout quand nous savons ce que fait la Chine en monopolisant les ressources partout dans le monde?
Ce que le gouvernement canadien a fait et qu’il doit continuer de faire, c’est d’accorder un crédit d’impôt pour l’exploration. C’est en investissant massivement dans les petites entreprises, dans les prospecteurs, que j’ai vu le meilleur rapport qualité-prix. En 2008-2009, il y a eu cette grande expérience de géochimie dans les montagnes du Yukon, où nous avons fait des investissements incroyables dans l’exploration. Cependant, trop de petites entreprises étaient plus intéressées à vendre des projets à des grandes entreprises, et rien n’en est ressorti. À mon humble avis, si cela n’a rien donné, c’est parce que les Premières Nations n’étaient pas à la table. Encore une fois, si vous voulez avoir un marché et une économie de minéraux critiques au Canada, quelle est la participation des Premières Nations? C’est extrêmement important. Nous avons parlé des corridors de services publics avec le Conseil de la fédération. Nous sommes passés d’une conversation sur un pipeline entre deux administrations, ce qui est très controversé, à une conversation sur l’unité nationale qui portait sur les corridors de services publics pour tout, du chemin de fer aux télécommunications, et les Premières Nations ont participé à cette discussion dès le départ.
Je vais répondre à votre question de façon indirecte en parlant de ce que je sais, c’est-à-dire que si le gouvernement fédéral veut investir dans les minéraux critiques, nous devons voir la version finale de cette stratégie et les investissements dans les crédits d’impôt à l’exploration se poursuivre et prendre de l’expansion. Il faut aussi que nos frères et sœurs des Premières Nations et leurs gouvernements aient une plus grande participation dans le capital.
Le sénateur Yussuff : Puis-je vous raconter une petite histoire au sujet des gens remarquables du Yukon?
M. Silver : Je vous en prie.
Le sénateur Yussuff : J’étais au Yukon pour une réunion avec les premiers ministres — cela remonte à très loin — au sujet de l’expansion du Régime de pensions du Canada. Ce soir-là, au restaurant, j’ai perdu mon portefeuille. Le lendemain matin, je me suis réveillé et je n’ai pas trouvé mon portefeuille et je ne savais pas où le chercher. J’ai cherché partout et je n’ai pas pu le trouver. Je suis retourné au restaurant immédiatement après son ouverture, et la personne qui faisait le ménage m’a dit : « Je n’ai pas vu de portefeuille, mais vous êtes libre de regarder autour de vous. » J’ai regardé au-dessus du rebord où se tenait le caissier ce soir-là, et il y avait mon portefeuille. Chaque sou et chaque carte de crédit s’y trouvaient. Cela en dit long sur la grande population du Yukon, et je tenais à vous faire part de cette histoire. Si je n’avais pas trouvé mon portefeuille, je n’aurais pas pu quitter le Yukon parce que j’avais besoin de mes pièces d’identité.
M. Silver : J’aime beaucoup votre histoire, sénateur. Ce ne serait pas la première fois que j’entends des exemples de ce genre de générosité. J’étais aussi l’un de ces enseignants qui allaient venir, rembourser un prêt étudiant et repartir. Je me souviens que nous avons traversé le Canada en voiture. Lorsque nous avons terminé au lac Louise — ce qui était très amusant —, je me suis dit que je ferais mieux d’aller voir à quoi ressemble cet endroit. Je ne connaissais rien au Yukon. Les principes des Athabascans, qui consistent à toujours tout partager, m’ont fait comprendre rapidement que j’aurais du mal à repartir. La première semaine, je savais, à cause des gens, que j’allais y rester pour le reste de mes jours. C’est l’un de ces endroits où, lorsqu’il fait -40 et que vous êtes dans la collectivité, vous ne pouvez faire autrement que de sentir que vous faites partie de la collectivité.
Si vous avez manqué une fin de semaine, les mêmes personnes qui ont protégé votre portefeuille veilleront à ce que vous alliez faire du bénévolat quelque part, que vous restiez dans la collectivité.
Si vous jetez un coup d’œil à la clientèle des bars du Yukon à -40, c’est une mosaïque de gens parce que nous sommes tous dans le même bateau. S’il fait -40, et que nous devons compter les uns sur les autres, il faut un certain type de personnalité pour aimer vraiment ça, et en avoir besoin dans sa vie. C’est pourquoi je suis là et c’est pourquoi je ne repartirai jamais.
Le sénateur Yussuff : Merci beaucoup d’être venu aujourd’hui.
M. Silver : Merci, sénateur.
Le président : Merci, monsieur le premier ministre.
Vous avez eu des températures de -30 degrés déjà cette année, donc vous n’exagérez pas.
Avant de passer au deuxième tour, j’ai une question. Nous avons beaucoup entendu parler de ce concept de « rien sur nous ne se fera sans nous ». Nous nous dirigeons vers une ère de dépenses fédérales élevées. Nous avons aussi beaucoup entendu parler de la nature coopérative de ces dépenses et de leur incidence potentielle sur l’infrastructure sociale et économique. Dans ce contexte, un certain nombre de ministères et d’organismes y participent.
Pouvez-vous nous parler des relations que vous et le gouvernement entretenez avec les ministères et les organismes fédéraux et, en particulier, ceux qui pourraient participer à la planification du renouvellement de l’infrastructure? Dans quelle mesure ces relations sont-elles harmonieuses? Doivent-elles être examinées? Faut-il qu’elles soient plus directes? Qu’en pensez-vous?
Pourriez-vous également nous parler, dans la mesure du possible, de votre point de vue sur la façon dont cela pourrait fonctionner dans le cadre des discussions avec les communautés autochtones? Dans quelle mesure le gouvernement et ses organismes sont-ils prêts à discuter avec vous, un enjeu crucial au cours des deux ou trois prochaines années?
M. Silver : Je vais commencer par le PIIC, le Programme d’infrastructure Investir dans le Canada. Bien souvent, pour de très bonnes raisons, ces énormes programmes fédéraux sont conçus pour Toronto et Vancouver. Ils sont conçus pour les grandes villes. On se sert de la politique pour verser de l’argent aux provinces et aux municipalités.
Dans bien des cas, les petites administrations, comme le Yukon, le Nunavut et les Territoires du Nord-Ouest, sont laissées pour compte. Les choses ne fonctionnent pas pour nous. Si une municipalité du Yukon réalise un projet, nous le faisons. Nous nous occuperons de l’approvisionnement et des appels d’offres. C’est une question de capacité. Je crois qu’au cours des six dernières années, le gouvernement fédéral nous a écoutés et nous a donné la souplesse dont nous avions besoin.
Ma première année, lors de laquelle j’avais beaucoup de pain sur la planche, j’étais président du Conseil de la fédération. Avec le premier ministre Taptuna et le premier ministre McLeod à l’époque, nous sommes passés des premiers ministres du Nord aux premiers ministres de l’Ouest et au Conseil de la fédération pour leur demander ce qu’était le Nord d’après eux. Je dis souvent à la blague que les Raptors de Toronto pensent qu’ils sont le Nord. Eh bien, nous ne sommes pas d’accord. Nous sommes le Nord.
En ce qui concerne le financement, le gouvernement fédéral a écouté parce que les provinces et les territoires étaient tous sur la même longueur d’onde à ce sujet, disant : « Vous avez raison, les territoires devraient être considérés différemment. » Nous avons commencé à entendre beaucoup parler des collectivités rurales, autochtones et éloignées. Nous avons obtenu la souplesse voulue en matière d’infrastructure.
Ensuite, tout cela est devenu politique avec la mise en œuvre de la vaccination à l’arrivée des toutes premières cargaisons de Moderna. Les collectivités nordiques, autochtones, éloignées et rurales ont eu la priorité, donc l’ensemble des territoires. Le gouvernement était à l’écoute.
C’est parfois difficile. Encore une fois, du point de vue du sénateur Richards, nous n’avons pas de réserves au Yukon. Nous devons toujours expliquer cette différence unique. Il y a aussi les dépenses par habitant par rapport aux dépenses de base et plus. Les obligations comme les soins de santé ou l’infrastructure sont des obligations fédérales protégées par la Constitution, et nous ferons toujours valoir qu’il faut avoir les programmes nécessaires.
Le gouvernement fédéral a été à l’écoute. Nous avons dû aussi parfois lui faire des rappels. Dans le contexte de la COVID-19 et pour les mêmes raisons pour lesquelles le comité ne s’est pas rendu au Yukon, c’est tout à fait compréhensible.
Le gouvernement fédéral a dû composer avec de nouveaux programmes et des pandémies et des conflits internationaux de plus grande envergure. Nous savons que certaines choses devront être rétablies. Nous avons constaté que le gouvernement est disposé à envisager cette souplesse.
Nous avons aussi vu des choses qui nous préoccupent. Au cours de l’été, les trois territoires prévoyaient entamer des discussions en Islande et au Groenland. Nous allions nous rencontrer au Nunavut et y tenir des discussions. Nous discutions avec les ministres fédéraux, mais nous n’avons pas eu de nouvelles par la suite. Nous avons dû faire nos propres plans. Le premier ministre s’est présenté à Cambridge Bay et nous n’y étions pas.
Il y a des moments où nous constatons des reculs. Je ne pense pas que ce soit voulu ni le résultat d’une directive. Des discussions importantes doivent avoir lieu en temps opportun. Encore une fois, il s’agit de l’approche du « rien sur nous ne se fera sans nous ».
Pour ce qui est du lien avec les dirigeants autochtones, je ne parle pas au nom des Premières Nations du Yukon. Je me retire souvent lorsqu’on me pose cette question. Je sais que vous avez entendu Hähké Joseph. Elle est la cheffe des Tr’ondëk Hwëch’in, dans ma collectivité. Je vais terminer en parlant des dirigeants des Premières Nations.
Le gouvernement a pris un engagement énorme à l’égard de la réconciliation. Les 10 principes directeurs que le premier ministre a énoncés au sujet du travail avec les communautés autochtones sont extrêmement importants. Suivant l’un de ces principes, il faut toujours laisser les coudées franches au gouvernement de la collectivité rurale qui est le mieux placé pour agir.
Nous avons également l’obligation de fonctionner ainsi. Parfois, nous nous débrouillons très bien sur ce plan en tant que gouvernement territorial. Nous échouons parfois à cet égard. Je suis sûr que le gouvernement fédéral est aux prises avec ce problème également. Les différences entre les traités de la Colombie-Britannique, les traités modernes ou les ententes sur l’autonomie gouvernementale des Premières Nations au Yukon et les ententes avec les Inuvialuit sont devenues très troublantes.
Nous compterons chacune des fois où nous devrons rappeler au gouvernement fédéral à quel point le Yukon est unique et spécial.
Le président : Merci beaucoup, monsieur le premier ministre.
La sénatrice Duncan : Merci beaucoup d’être ici, monsieur le premier ministre. Je remplace aujourd’hui une de mes collègues, la sénatrice Deacon, de l’Ontario. Je suis heureuse de pouvoir poser une question.
J’ai eu l’occasion d’assister, en partie, à la visite du Comité sur la sécurité dans l’Arctique. Le premier ministre du Nunavut, M. Akeeagok, m’a parlé de votre leadership dans le dossier de la sécurité dans l’Arctique. Je vous en remercie.
J’aimerais que vous nous parliez de la relation du Yukon avec l’Alaska. La raison pour laquelle je pose cette question, c’est que je dis à tous les sénateurs que, lorsque nous parlons du Nord, les territoires sont comme un bol de fruits; le Yukon est aussi différent du Nunavut que les pommes sont différentes des oranges. Nous sommes très différents. Le Yukon est particulièrement unique en raison de sa frontière commune avec l’Alaska.
M. Silver : Exact.
La sénatrice Duncan : Du point de vue de l’environnement, de l’économie et, bien sûr, de la sécurité dans l’Arctique, je me demandais si vous pouviez nous parler de cette relation, s’il vous plaît.
M. Silver : Oui, je suis d’accord. Il suffit de penser à la vaste étendue géographique qui part de l’endroit où vit le premier ministre Akeeagok jusqu’à l’endroit où j’habite. Le premier ministre Akeeagok est un homme très intéressant. Je l’ai dit lorsque j’étais en Islande, je ne sais pas si je serais la moitié de la personne qu’il est, connaissant son histoire et celle de sa famille, qui a été déplacée à Grise Fiord moyennant la promesse d’une excellente pêche et qui s’est fait dire de faire ce sacrifice pour son pays, pour ensuite se faire rouler dans la farine. À l’heure actuelle, il est premier ministre; il est fort, résilient, avant-gardiste, accueillant et chaleureux en ce qui concerne les partenariats, et il prend le temps qu’il faut lorsque nous tenons des tables rondes. Nous avons vraiment atteint notre vitesse de croisière, nous trois, en travaillant ensemble, sachant à quel point nous sommes différents en tant qu’habitants du Nord.
Je dirais aussi que nous avons plus de points en commun que de différences. Ce qui est sacré au Nunavut est sacré à Whitehorse. C’est formidable de voir un si grand leadership d’un bout à l’autre du pays.
Ensuite, il y a l’Alaska, qui est très différent. Vraiment différent. Nous avons eu des discussions animées, c’est le moins qu’on puisse dire, sur des questions environnementales, comme les aires de mise bas du caribou de la Porcupine, qui sont extrêmement importantes pour le pays, pas seulement pour le Nord. Nous avons eu des divergences d’opinions sur la protection du saumon. Cependant, j’ai toujours eu pour habitude de me concentrer sur les points sur lesquels nous et les politiciens de l’Alaska sommes d’accord. La sénatrice Murkowski et moi venons de nous parler. Nous allons nous réunir au sommet du Chilkoot cet été pour déterminer qui brasse la meilleure bière. Elle en apportera de l’Alaska, et j’en apporterai de Whitehorse. J’ai d’excellents rapports avec la sénatrice Murkowski, et c’est sur sa capacité de travailler dans tous les domaines politiques que je me concentre. Son travail sur la Bipartisan Infrastructure Law était extrêmement important et sera extrêmement important pour nous donner l’accès aux ressources par la route de l’Alaska.
Il y a eu différentes formes de financement fédéral quant à la façon dont l’argent destiné à l’infrastructure de l’Alaska peut être utilisé dans le cadre de l’entente de 1977 sur la route qui se rend en Alaska. Pour ceux qui ne le savent pas, il s’agit d’une route de type militaire qui traverse une collectivité — la dernière collectivité de 40 personnes au Yukon. Si nous devions être responsables de cet investissement, ce serait une route revêtue d’un enduit superficiel, et nous devrions ensuite demander 25 millions de dollars de plus du financement de Rebuilding American Infrastructure with Sustainability and Equity, ou RAISE. Nous avons besoin de leur soutien pour avoir accès à ces fonds. C’est un élément extrêmement important.
Nous avons une discussion très importante et précise au sujet du port de Skagway avec les municipalités et [Difficultés techniques]. Nous discutons également avec le gouverneur Dunleavy des investissements dans le tourisme dans ce qu’on appelle le triangle d’or entre Haines, Skagway et Whitehorse, mais nous rappelons également à Skagway que lorsqu’elle a mis tous ses œufs dans le même panier dans ses ports pour l’industrie du tourisme et que la pandémie est arrivée, cette collectivité a été dévastée. Il est extrêmement important pour l’industrie minière du Yukon de pouvoir offrir des emplois toute l’année. Il s’agit de discussions difficiles, car les différentes affectations de fonds se font de différentes façons. Parfois, l’Alaska a plus d’influence et parfois moins. Mais, encore une fois, je fais de mon mieux, sénatrice Duncan, pour bien m’entendre avec les Alaskiens.
Encore une fois, nous parlons d’un double objectif en ce qui concerne les investissements fédéraux dans le volet militaire, et nous parlons de notre double objectif avec nos amis et voisins de l’Alaska lorsqu’il s’agit de dépenser et de concentrer leur attention sur l’infrastructure qui est extrêmement importante pour notre stratégie relative aux minéraux critiques et, espérons-le, pour la leur également.
La sénatrice Duncan : Vous avez dit que le port de Skagway était essentiel au transport des minéraux. Le comité se réunira plus tard cet après-midi avec la GRC et l’Agence des services frontaliers du Canada. Selon vous, quelle est l’importance de ces quatre postes frontaliers, non seulement sur le plan de la circulation, mais aussi sur le plan de l’engagement avec le gouvernement du Canada?
M. Silver : Ils sont extrêmement importants. Il y a le poste frontalier de Little Gold/Poker Creek à l’extérieur de ma collectivité. Si vous quittez Dawson City pour vous rendre à Chicken, en Alaska, il y a là un petit poste frontalier. On nous avait promis qu’il reviendrait aux heures d’avant la pandémie. Ce n’est pas le cas, et cette saison qui approche à grands pas en septembre est extrêmement importante pour les amateurs de véhicules récréatifs du Texas qui veulent venir voir les couleurs de l’automne en Alaska. Il pourrait aussi y avoir un potentiel pour l’exploitation pétrolière et gazière, et il y a beaucoup d’exploitants de placers de l’autre côté de la rivière, à Dawson City, qui aimeraient que le poste frontalier soit ouvert pendant de plus longues heures. Donc, lorsque la situation s’est rétablie, et que les heures d’ouverture n’ont pas été ramenées au même niveau qu’avant la pandémie, c’était un grave problème. C’est un grave problème pour notre souveraineté, sans parler du tourisme. C’est extrêmement important.
Notre industrie touristique était très, très petite et très, très axée sur la ruée vers l’or et sur la ruée vers l’or seulement. L’UNESCO a présenté une demande pour Dawson City, dans laquelle elle parlait des Tr’ochëk et de la culture des peuples autochtones. Nous avons au Yukon des pistes de vélo de montagne exceptionnelles et de calibre mondial, et les gens de la Silicon Valley veulent y revenir, parce que pour eux, le tourisme ne consiste pas seulement à venir visiter et à repartir; ils tiennent à faire partie de la collectivité.
Nous commençons à prolonger notre saison touristique. Par conséquent, nous avons besoin que ces frontières soient ouvertes de longues heures, et non seulement aux niveaux d’avant la pandémie. Nous devons commencer à repousser ces limites. C’est la même chose pour Skagway. Skagway est à deux heures de notre capitale, Whitehorse, et il y a plein de touristes qui croient être à Dawson City quand ils sont à Skagway. Je fais de mon mieux pour aller à Skagway et leur rappeler qu’ils peuvent se rendre aux champs aurifères du Klondike par un bon vol de la compagnie aérienne Air North du Yukon. La route terrestre permet toutefois d’admirer de beaux paysages. Vous pouvez admirer la piste Chilkoot, et vous pouvez voyager à bord du train touristique de White Pass, un parcours exceptionnel et magnifique. Il y a toutefois des intérêts divergents sur cette route à l’heure actuelle. Beaucoup de gens parcourent ces pistes à vélo. Il existe des entreprises touristiques du secteur privé de Skagway qui vous conduisent en fourgonnette vers le départ de votre promenade à vélo. Avec les camions de minerai qui circulent, vous pouvez comprendre pourquoi la ville de Skagway, où le tourisme rapporte tant d’argent, dit qu’il ne faudrait peut-être pas investir autant dans l’exploitation minière. Si nous pouvions toutefois avoir un poste frontalier ouvert jour et nuit, sept jours sur sept, et faire quelques voyages de nuit avec nos camions de minerai, pour épargner un peu l’industrie touristique, ce serait idéal.
Encore une fois, nous ne parlons pas seulement du tourisme. Il faut que ces frontières soient ouvertes et modernisées. Je ne sais pas si c’était l’été dernier, mais, lorsque les restrictions liées à la COVID ont été levées, et que nous avons eu le CANPASS, c’était formidable que les frontières s’ouvrent, mais il n’y a pas de connexion Internet à cette frontière. Encore une fois, nous devons non seulement augmenter le nombre d’heures, mais aussi les technologies et les capacités. Comme vous le savez, notre système de satellite Eastlink est désuet. Nous attendons d’autres options pour offrir ce service de téléphonie cellulaire dans ces régions rurales et éloignées. C’est un autre exemple de service qui est extrêmement important. Il pourrait s’agir d’un investissement dans l’infrastructure à double objectif, alors que nous envisageons de moderniser et d’utiliser l’argent de la Défense nationale pour aider le secteur du tourisme et le secteur minier et améliorer les technologies à nos frontières et dans nos régions les plus éloignées du Canada.
Le président : Merci beaucoup.
Le sénateur Oh : Bienvenue, monsieur le premier ministre. En fait, j’allais vous poser une question au sujet du tourisme, mais vous venez tout juste d’en parler.
Quel pourcentage de l’industrie a pu être rétabli depuis la pandémie? J’ai visité la belle ville de Whitehorse — beaucoup de secteurs touristiques. Combien ont été touchés et combien se sont rétablis?
M. Silver : C’est une très bonne question, sénateur. Au printemps, nous étions très heureux de voir que les réservations avaient augmenté de 140 %. Il semblait que chaque hôtel était réservé pour l’été. La reprise était donc bien commencée. Cependant, les ressources humaines demeurent le plus gros problème à l’heure actuelle. Nous sommes allés au meilleur restaurant de Dawson City, et il n’y avait qu’un serveur. À ce moment-là, lorsque nous étions à ce restaurant, Victoria Gold — la plus grande mine d’or de l’histoire du Yukon qui a pu obtenir ses permis grâce à notre aide — organisait une célébration, et il y avait aussi un groupe de touristes. Les gens sont prêts à revenir à la normale, mais nous n’avons pas encore les ressources pour y répondre. Je ne sais pas où sont allées toutes ces ressources, mais elles ne sont plus là. Ce n’est pas seulement sur notre territoire; c’est partout au Canada.
Je pense donc qu’il s’agit de trouver ces ressources. Les statistiques qui nous arrivent actuellement indiquent que nous ne sommes pas encore revenus aux taux d’avant la pandémie. Les prévisions pour l’année prochaine sont très, très bonnes, mais, sénateur, nous faisons toujours face aux mêmes défis. Nous avons de magnifiques panoramas. Nous avons de petites entreprises du secteur privé qui offrent l’accessibilité et qui peuvent envoyer des avions dans des régions éloignées, si c’est ce que vous voulez faire. J’espère que nous pourrons repartir le chemin de fer White Pass, qui vous amène de Lake Bennett à Skagway. Les expériences touristiques que nous offrons sont remarquables, mais, encore une fois, ce sont les ressources humaines qui sont d’une importance cruciale.
Nous avons changé d’attitude à l’égard du tourisme. Notre ministère s’appelle désormais « culture et tourisme », et nous avons également une nouvelle stratégie pour les industries créatives. Le ministère travaille avec le secteur privé pour aider et lui laisser la place. Nous voulons cesser d’intervenir. Nous voulons que le secteur privé soit surdéveloppé, mais nous voyons vraiment un problème à l’heure actuelle parce qu’il n’y a pas assez de gens.
Le plus intéressant au sujet de notre industrie touristique, c’est que beaucoup de gens mettent le cap sur l’Alaska pour réaliser le voyage de leur vie et 9 personnes sur 10 disent : « J’aurais dû passer plus de temps au Yukon. Cela a été la meilleure partie de mon voyage. »
Le sénateur Oh : Je me souviens que votre ministre du Tourisme m’a dit que vous aviez un projet de chasse à l’aurore boréale...
M. Silver : De chasse à...
Le sénateur Oh : À l’aurore boréale.
M. Silver : Oui. Nous sommes en compétition avec les Territoires du Nord-Ouest pour déterminer qui a les plus belles aurores boréales. Nous avons observé une forte croissance de la clientèle japonaise. Nous avons également constaté une augmentation énorme de ces saisons cuspidées. Nos hôtels se remplissent. Il y a actuellement un plan pour la construction d’un Hyatt à Whitehorse, et la plupart des gens viennent voir les aurores boréales, c’est certain. Beaucoup pensent qu’il faut être là à -40, -30 pour les voir. Non, vous pouvez être là en septembre et vivre une magnifique expérience et profiter des couleurs automnales tout en admirant les aurores boréales. C’est beau.
Le sénateur Oh : Merci.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Merci encore, monsieur le premier ministre.
Évidemment, vous avez abordé le sujet du manque de main-d’œuvre, et cet enjeu touche tout le Canada, mais avez-vous pensé à une stratégie pour attirer les gens afin qu’ils viennent travailler et vivre au Yukon? Vous l’avez clairement démontré, vous êtes allé au Yukon pour travailler et vous y restez, alors avez-vous une stratégie pour attirer les gens au Yukon?
[Traduction]
M. Silver : Oui, et elles comportent plusieurs facettes. Avant la pandémie, le Conseil de la fédération faisait de son mieux pour réduire les obstacles au marché du travail au Canada. On parlait de libérer les médecins et les infirmières, par exemple. À l’époque, je crois que c’étaient les premiers ministres Dwight Ball et Stephen McNeil qui menaient un projet pilote sur quelque chose qu’ils pourraient faire dans les Maritimes pour rendre la reconnaissance professionnelle un peu moins unique afin de permettre aux médecins de se déplacer.
Au Yukon, nous avons mené un projet pilote sur le Programme des candidats des provinces. La communauté philippine du Yukon est extraordinaire et en plein essor. Je suis entraîneur de basketball, alors je suis très partial. La Pinoy Basketball League apporte à nos jeunes des aptitudes incroyables grâce au basketball. Quelle communauté incroyable de gens qui sont simplement axés sur la famille, qui veulent vraiment faire partie de la collectivité et qui restent. L’important, c’est de convaincre les gens de rester. Une fois sur place, vous verrez pourquoi vous voudrez rester. Il s’agit de faire venir les gens.
Nous avons mené des projets pilotes, comme je l’ai dit, dans le cadre du Programme des candidats des provinces. Nous déployons tous les efforts possibles dans le cas des infirmières et des médecins. Nous avons une toute nouvelle politique de recrutement, mais c’est difficile. Encore une fois, nous sommes en concurrence avec toutes les autres administrations au Canada pour ce qui est du tourisme. Nous versons certains des meilleurs salaires au Canada. Notre salaire minimum est très bien positionné. Notre gouvernement est en pleine croissance, et nous faisons de notre mieux pour réduire au minimum le nombre de nos employés à temps plein alors que nous essayons de nous acquitter de notre mandat de fournir les programmes et les services prévus dans nos engagements électoraux. Parfois, cela va à l’encontre de la position du secteur privé qui fait aussi de son mieux pour attirer des gens au Yukon.
Nous avons aussi des politiques d’embauche extrêmement importantes pour les Autochtones. Encore une fois, avec ces politiques, on prend parfois aux gouvernements des Premières Nations. À l’heure actuelle, tout le monde se demande comment étendre cela à l’échelle internationale. Même si nous modernisons et mettons à l’essai une foule de stratégies différentes, c’est difficile. Pourtant, comme je l’ai dit, au cours des cinq dernières années, nous avons enregistré la plus forte croissance au Canada, soit 12,5 %. Le logement devient aussi un enjeu de taille. Nous avons augmenté notre parc de logements au même rythme, soit 12 %. Nous faisons de notre mieux pour maintenir la cadence. Il n’y a pas une seule entreprise de construction au Yukon qui n’est pas occupée en ce moment, et nous construisons et nous agrandissons notre base territoriale.
Nous travaillons avec les gouvernements des Premières Nations. Nous avons créé un nouveau cadre juridique pour des baux de 125 ans pour les gouvernements des Premières Nations afin qu’ils puissent aussi commencer à offrir des terres. Pourtant, en raison de l’essor économique, cela a été très difficile, même si nous réussissons à attirer des gens, peut-être même pour des emplois d’été, d’offrir du logement. Beaucoup de mes bons amis qui sont venus il y a 20 ou 30 ans sont encore ici et gèrent des parties de notre collectivité. Ils ont vécu dans des tentes pendant la première année de leur arrivée, mais ils ont trouvé un logement. C’est l’un de nos plus grands obstacles à l’heure actuelle.
Le gouvernement fédéral a engagé des fonds pour les traités modernes — plus d’un demi-milliard de dollars d’investissement dans le logement. Il travaille en ce moment avec chaque Première Nation pour voir comment cela fonctionne dans leurs communautés. C’est un grand défi alors que nous commençons à voir les fruits de notre travail. Pour ce qui est de moderniser nos politiques de recrutement, que ce soit dans le domaine de l’éducation ou du tourisme, c’est la question du logement qui vient avec la meilleure économie au Canada qui est vraiment un défi en ce moment.
[Français]
Le sénateur Dagenais : J’aimerais qu’on parle de l’inflation et du coût de la vie au Yukon.
On sait que l’inflation frappe le Canada. Dans quelle mesure cette inflation frappe-t-elle davantage chez vous qu’ailleurs au pays? Est-ce qu’un gouvernement comme le vôtre a la capacité financière pour mettre en place des programmes pour venir en aide à ses citoyens?
[Traduction]
M. Silver : C’est une très bonne question.
Depuis six ans, nous présentons chaque année des budgets excédentaires. Cela a été très bénéfique, par exemple, d’avoir un surplus d’argent lorsque la pandémie a frappé à un moment très difficile. Nous avons travaillé avec le milieu des affaires. Nous avons mis sur pied un conseil consultatif des gens d’affaires et mis en place un programme d’appui aux entreprises qui est reconnu au Canada comme ayant été parmi les meilleurs programmes pour les entreprises pendant la pandémie.
Nous nous tournons maintenant vers l’inflation, les conflits internationaux, les conflits illégaux qui font des ravages dans la chaîne d’approvisionnement après la pandémie. C’est un énorme problème au Yukon. Nos taux d’inflation sont difficiles à examiner parce qu’ils ne sont pas nécessairement à l’échelle du Yukon; ils sont basés sur Whitehorse. Ils sont un peu plus bas que la moyenne nationale, mais je dirais que si vous incluez l’inflation dans les collectivités, c’est probablement pire. L’Institut C.D. Howe a reconnu notre ouverture et notre transparence en matière de finances au Canada. Notre budgétisation vient au deuxième rang dans tout le pays. Le fait d’avoir cet excédent nous aide également à régler les problèmes d’inflation que nous connaissons.
C’est un peu plus unique au Yukon par rapport aux autres provinces et territoires pour ce qui est de la façon dont nous nous assurons que les Yukonnais vivent le mieux possible. Chaque budget que nous présentons vise à rendre la vie abordable dans ces collectivités éloignées. Nous investissons dans des choses comme le bois de chauffage, par exemple, en accordant des rabais par corde de bois; ce n’est pas quelque chose que vous pourriez voir à Toronto. Nous investissons beaucoup dans l’aide sociale. Il est vraiment important pour nous de donner un coup de main aux gens qui sont dans le besoin, de concentrer notre attention sur ceux qui sont le plus dans le besoin, en ce qui concerne nos mesures de lutte contre l’inflation et nous investissons massivement en cette période exceptionnelle.
Il est à espérer que l’inflation s’atténuera. Nous sommes ici à Ottawa pour discuter demain avec le Conseil du Trésor relativement à ce qui s’en vient. Nous avons vu dans les énoncés budgétaires de l’automne qu’il y aura aussi un certain soutien pour faire face à l’inflation. Nous avons vraiment hâte de voir ce que fait le gouvernement fédéral. Lorsque nous pouvons harmoniser nos programmes et lorsque le gouvernement fédéral est à l’écoute de nos situations et de nos circonstances particulières, nous sommes alors mieux placés pour concentrer nos mesures d’aide là où elles sont nécessaires. Lorsque nous établissons un tarif global et que nous donnons la même chose à tout le monde, ce n’est pas nécessairement la meilleure façon de procéder. Il y a des gens qui sont très à l’aise au Yukon et qui n’ont peut-être pas besoin d’autant d’aide. Il est extrêmement important de connaître les circonstances propres à chaque collectivité rurale. C’est en mettant l’accent sur ces mesures d’allègement et en les ciblant que nous avons mis en œuvre nos programmes d’aide, y compris les remises sur le carburant domestique que nous avons prolongées. Encore une fois, une petite administration qui a un excédent représente la moitié de la bataille, et l’autre moitié, c’est le fait d’avoir un gouvernement fédéral qui peut aider à augmenter son financement de la bonne manière.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Merci, monsieur le premier ministre.
[Traduction]
Le sénateur Richards : Merci, monsieur le premier ministre. J’allais poser une question sur la sécurité et les forces armées, mais la conversation a pris une autre tournure. Depuis des années, je dis que je pense que les Premières Nations devraient avoir leurs propres écoles et enseigner à leur propre population parce que c’est la seule façon pour elles de s’intégrer à la société dans laquelle nous vivons. Je ne sais pas si cela a retenu l’attention lorsque j’ai commencé à écrire sur ce sujet dans les années 1980, mais peut-être qu’on s’y attarde plus maintenant.
Pensez-vous qu’il y a un échéancier à cet égard dans le Nord ou ailleurs? Est-ce même possible?
M. Silver : Un échéancier sur les Premières Nations...
Le sénateur Richards : Quand un nombre suffisant d’enseignants des Premières Nations sont en mesure d’enseigner à leurs propres élèves. Quand j’étais jeune, j’ai connu deux enseignants des Premières Nations, un type qui est devenu juge et deux qui sont devenus avocats. Est-il possible d’imaginer qu’un jour les Premières Nations pourront enseigner à leurs propres enfants?
M. Silver : C’est une excellente question, sénateur. Je pense que c’est ce qui se passe. Cela commence vraiment à se faire au Yukon. J’ai mentionné plus tôt que nous avons des obligations envers les gouvernements des Premières Nations signataires de traités modernes de puiser dans des domaines comme l’éducation. Certains chapitres de l’accord-cadre définitif y sont consacrés. C’est inévitable dans le cas du Yukon. C’est vraiment un modèle pour le reste du Canada à bien des égards.
Encore une fois, j’ai commencé ma carrière d’enseignant à Dawson, sur le territoire traditionnel des Tr’ondëk Hwëch’in, au cours des premières années qu’ils y ont eu recours. Ils ont fait davantage en matière d’éducation dans le cadre de leurs ententes d’autonomie gouvernementale, notamment l’article 17.7, qui porte précisément sur l’éducation. Ils travaillent sur ce dossier depuis des années. C’est l’avantage qui découle de cette pédagogie fondamentale. Lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, nous avons vraiment commencé à travailler à la reconnaissance de ces traités et à en arriver à un point où, à l’échelle du Yukon, il y a un engouement pour les écoles dirigées par les Premières Nations.
Ce serait évident si une ville comme Old Crow disait qu’elle veut avoir un conseil scolaire des Premières Nations parce que toute la collectivité, à part les agents de la GRC et peut-être une infirmière, se compose en grande partie d’Autochtones. Il est tout à fait logique d’obtenir l’adhésion d’un élève dans ces collectivités. Je pense à des gens comme Tosh Southwick. À Dawson City, il y a Pat McDonald. Il y a tellement d’éducateurs extraordinaires et brillants des Premières Nations qui peuvent prendre l’initiative dans ces collectivités et élaborer des programmes d’études sur la terre et la science expérientielle; les élèves peuvent apprendre à chasser et à pêcher. C’est un élément évident et inévitable de la trajectoire que nous suivons tous. Tout à coup, il y a huit écoles, y compris dans la ville de Watson Lake, qui n’est pas nécessairement une communauté autochtone; elle est mixte. C’est le cas de la plupart des collectivités du Yukon. Ce que nous voyons en ce moment, sénateur, constitue un énorme avantage non seulement pour les Autochtones qui fréquentent des écoles dirigées par des Autochtones, mais aussi pour tous ceux qui fréquentent ces écoles. La perspective unique de votre histoire sera celle de l’histoire de la colonisation et de l’histoire des Premières Nations par opposition à celle du roi Henri. Vous aurez beaucoup plus d’adhésion pour un élève qui ne regarde pas son meilleur ami et son meilleur ami qui le regarde et voit des lignes. Ils n’essaient pas de déterminer s’il s’agit d’Autochtones ou non. Cela n’a pas d’importance dans beaucoup de collectivités. C’est simplement que nous sommes tous dans le même bateau.
L’avantage d’avoir des écoles dirigées par les Premières Nations, c’est que vous voyez — et je vais parier là-dessus — beaucoup plus d’estime de soi se développer chez les élèves de tous les milieux, sachant que le programme est élaboré par les gens qui vivent sur ces terres depuis des milliers d’années avant la colonisation.
Le sénateur Richards : Merci beaucoup.
Le président : Merci à vous deux. Il semble que nos questions soient terminées. Chers collègues, cela met fin à notre premier groupe de témoins de ce soir.
Monsieur le premier ministre, je me dois tout d’abord de vous remercier au nom du comité de vous être joint à nous, de nous avoir fait part de vos conseils et de nous avoir fait partager votre expérience. C’est très apprécié. Je vous remercie de votre honnêteté et de votre franchise dans vos descriptions de ce qui fonctionne bien et ce qui nécessite un peu plus de travail et d’adaptation en matière de relations avec les organismes et les gouvernements avec lesquels vous travaillez.
Enfin, je ne vais pas rater l’occasion de vous remercier du travail que vous faites chaque jour pour les Yukonnais. Ayant travaillé pour quelques premiers ministres, j’ai une certaine idée de ce que représentent ces emplois. Je regarde aussi votre personnel en disant cela. Ce sont des emplois difficiles. Ce sont des emplois exigeants. Vous vous donnez beaucoup. Nous le savons. Je sais que vos électeurs vous en sont reconnaissants, mais vous devez aussi nous entendre vous le dire. D’après ce que nous avons entendu aujourd’hui et d’après les valeurs que vous apportez à votre travail, force est de conclure que ce que vous faites, vous le faites pour servir leurs intérêts au quotidien. Nous vous en remercions et nous vous remercions encore une fois du temps que vous nous avez consacré ce soir.
M. Silver : Merci beaucoup, sénateur. J’apprécie beaucoup le Sénat et ce comité. Vous faites un travail extrêmement important. Je suis fasciné de suivre les résultats de votre action. Le président m’a dit espérer que vous aurez terminé d’ici juin. Bien sûr, vous aurez ensuite 120 à 150 jours pour la documentation. Ce sera extrêmement important. Je vous remercie également du travail que vous faites au sein de ce comité.
Au cours de la première année de la pandémie, les Canadiens d’un peu partout au pays disaient : « Si, après être sortis de cette crise, nous ne voyons pas les choses différemment, alors nous n’aurons rien appris. » Nous sommes maintenant, espérons-le, à la fin de cette période, mais je pense que le pays tout entier a du mal à se rasseoir à la table. Il est extrêmement important d’avoir ce genre d’échanges, surtout avec des gens qui représentent des horizons politiques très différents. Il est extrêmement important de pouvoir retourner à la table, de tirer des leçons de la pandémie et de recommencer à produire au Canada. C’est extrêmement important. Alors que nous examinons nos besoins en raison des conflits internationaux et du réchauffement de la planète dans nos régions arctiques, il s’agit d’une occasion en or, même s’il est effrayant de voir les calottes polaires se rétrécir comme elles le font. Je pense que nous sommes à contre-courant en ce moment, mais je suis confiant et je le suis encore plus après avoir rencontré des alliés extraordinaires au Groenland.
Nous avons une occasion en or en ce qui concerne la participation du Canada à la recherche de solutions pour le reste du monde. Être premier ministre est le travail le plus difficile et le meilleur que j’aie jamais eu à faire, c’est certain. Je vous suis extrêmement reconnaissant d’avoir pris le temps d’écouter les résidants du Nord. Merci beaucoup.
Le président : Merci beaucoup, monsieur le premier ministre. Quelle belle façon de conclure.
Honorables sénateurs, nous allons maintenant passer à notre deuxième groupe de témoins. Premièrement, pour ceux d’entre vous qui se joignent à nous en direct, sachez que cette réunion porte sur la sécurité et la défense dans l’Arctique, ce qui s’entend des infrastructures militaires et les capacités de sécurité du Canada. Nous nous concentrons aujourd’hui sur le point de vue du territoire du Yukon.
Pour le deuxième groupe de témoins, nous accueillons : la surintendante Lindsay Ellis, officière responsable des enquêtes criminelles, Division M au Yukon, Gendarmerie royale du Canada; Sean McGillis, directeur exécutif, Police fédérale, Ottawa, et Denis R. Vinette, vice-président, Agence des services frontaliers du Canada, Direction des voyageurs.
Merci à tous de vous être joints à nous aujourd’hui. Nous vous invitons à faire vos déclarations liminaires, après quoi les membres du comité vous poseront des questions. Nous allons commencer par l’exposé de la surintendante Ellis. La parole est à vous, madame, allez-y quand vous serez prête.
Surintendante Lindsay Ellis, officière responsable des enquêtes criminelles, Division M, Gendarmerie royale du Canada : Bonsoir. Monsieur le président et honorables sénateurs, je tiens à vous remercier de m’avoir invitée à prendre la parole devant vous pour discuter de la sécurité et la souveraineté dans l’Arctique du point de vue du Yukon. Je suis la surintendante Lindsay Ellis. Je suis l’officière responsable des enquêtes criminelles pour la GRC au Yukon, connue sous le nom de Division M.
J’ai assumé plusieurs rôles au sein de la GRC au Yukon en près d’une décennie. J’ai entre autres été cheffe du Groupe des enquêtes fédérales, officière des opérations de district et officière responsable du Détachement de la GRC de Whitehorse. Je suis accompagnée du directeur exécutif en gestion stratégique de la Police fédérale, M. Sean McGillis, qui est ici pour répondre à toutes les questions sur le mandat de maintien de l’ordre de la GRC.
Nous souhaitons commencer par reconnaître que le territoire sur lequel nous sommes réunis est le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe.
La GRC au Yukon offre des services de maintien de l’ordre et de sécurité dans le Nord depuis longtemps. En effet, la Police à cheval du Nord-Ouest est arrivée au Yukon en 1895 pour y faire respecter la loi dans les zones du Nord. Elle a également joué un rôle dans la ruée vers l’or du Klondike, en 1896, une période marquée pour la première fois par un véritable intérêt étranger pour le Yukon et par l’afflux de chercheurs d’or américains, de même que par les activités policières à la frontière.
En 2022, la GRC au Yukon continue d’assurer la sécurité et la sûreté conformément à son contrat avec le gouvernement du Yukon, selon lequel elle offre des services de police aux Yukonnais, et dans le cadre du Programme des services de police des Premières Nations et des Inuits, qui consiste à offrir des services de police améliorés aux communautés de Premières Nations du Yukon. Les gendarmes en première ligne des détachements du Yukon sont les premiers intervenants à réagir à la plupart des problèmes en matière de sécurité et de souveraineté dans le Nord. La frontière internationale entre le Canada et l’État américain de l’Alaska s’étend sur un peu plus de 1 200 kilomètres et compte cinq postes de l’Agence des services frontaliers du Canada, l’ASFC, et de la Patrouille frontalière des États-Unis, qui sont surveillés par les détachements locaux de la GRC et par le Groupe des enquêtes fédérales.
Par exemple, le Détachement de la GRC de Beaver Creek est le poste frontalier situé le plus à l’ouest au Canada et le point d’entrée pour les Américains qui arrivent au Canada en provenance de l’Alaska. Le détachement, constitué de trois gendarmes et de policiers des Premières Nations, est chargé des premières interventions dans toutes les situations au-delà du point d’entrée. Ce détachement assure également les services policiers à la Première Nation de White River. On ne saurait sous-estimer ni les liens ni le sentiment de sécurité associés à l’équipe de 139 membres de la GRC au Yukon, qui offre des services de police contractuels au Yukon.
Le Programme de la police fédérale est représenté par le Groupe des enquêtes fédérales de la Division M, dont les activités portent principalement sur l’ingérence d’acteurs étrangers, l’intégrité de la frontière et la sécurité nationale. Ce petit groupe de neuf membres de la GRC est responsable des enquêtes et de la prise de contact relativement à ces questions, qui nécessitent le maintien d’une étroite coopération et de liens, au besoin, avec des organismes comme l’ASFC et le Service canadien du renseignement de sécurité, le SCRS, des organismes américains d’application de la loi, y compris la patrouille des frontières, des ministères du gouvernement territorial, et des gouvernements et communautés des Premières Nations du Yukon. Le Groupe des enquêtes fédérales de la Division M a pour mandat de renforcer la sécurité au Yukon par la collecte de renseignements et la mise au jour d’activités criminelles et d’activités d’ingérence menaçant la sécurité économique du Canada, nuisant à la cohésion sociale du pays ou menaçant l’intégrité des infrastructures essentielles du Canada.
La GRC au Yukon continue de nouer des relations avec les gouvernements et les communautés des Premières Nations du territoire au moyen d’activités de mobilisation efficaces et d’efforts continus destinés à renforcer ces relations, à l’appui de la sécurité et de la sûreté. Comme le sait le comité, le Yukon est différent des autres territoires du Nord, car 11 des 14 Premières Nations qui s’y trouvent sont autonomes et ont des intérêts et des investissements en matière de développement économique. Le contact avec les gouvernements des Premières Nations se poursuit, garantissant ainsi une communication bilatérale qui permet une sensibilisation à d’éventuelles menaces d’acteurs étrangers, en plus d’encourager le signalement local de l’ingérence d’acteurs étrangers, qui peut être sous-déclarée et difficile à détecter.
Les intérêts étrangers envers le secteur minier et l’accès aux minéraux du Yukon demeurent élevés et constituent un domaine à risque qui demande une surveillance continue. Malgré le déclin récent de l’intérêt du gouvernement envers les investissements étrangers dans le secteur minier, on a constaté que les investissements miniers suscitent toujours beaucoup d’intérêt en raison de leur potentiel élevé en matière d’explorations minérales, surtout en ce qui concerne les minéraux critiques du Yukon.
La population du territoire a fortement augmenté au cours des cinq dernières années et s’élève maintenant à plus de 43 000 personnes. Toutes les communautés sauf celle d’Old Crow, sont accessibles par la route depuis l’Alaska et la Colombie-Britannique, ce qui témoigne également du caractère unique du Yukon par rapport aux autres territoires, tant pour ses services policiers que pour l’accessibilité de ses paysages. Les activités inquiétantes de groupes criminels organisés exposent les populations du Nord et des Premières Nations à des niveaux accrus de violence, de criminalité et d’accès aux substances illicites. Le Yukon mise sur une amélioration de ses capacités de communications sans fil par satellites en orbite basse et à l’intégration d’une nouvelle technologie de fibre optique. Ces deux ajouts amélioreront et étendront la capacité de communication à de nombreuses collectivités du Yukon. Toutefois, ils augmenteront du même coup l’exposition aux cybermenaces, économiques ou autres.
De ce fait, le Groupe des enquêtes fédérales de la Division M et la GRC au Yukon continue d’évaluer les vulnérabilités dans les infrastructures essentielles et économiques, gouvernementales et non gouvernementales, au Yukon.
Merci de m’avoir invitée à m’adresser au comité et de m’avoir donné l’occasion de lui donner plus d’informations sur ces importantes priorités en matière de sécurité et de souveraineté pour la GRC au Yukon.
Le président : Merci, surintendante Ellis, pour cette déclaration préliminaire. Nous allons maintenant entendre notre dernier témoin, M. Denis Vinette.
Denis R. Vinette, vice-président, Direction générale des voyageurs, Agence des services frontaliers du Canada : Bonjour et merci.
Avec l’ouverture du passage du Nord-Ouest dans les eaux canadiennes en raison du changement climatique, les navires peuvent maintenant traverser entièrement l’Arctique canadien, de l’océan Pacifique à l’océan Atlantique. En conséquence, l’Arctique est rapidement en train de devenir une destination de choix pour les voyageurs, les chercheurs et l’industrie.
Au cours des dernières années, on a observé une augmentation notable du nombre de voyageurs arrivant par navires de croisière et navires privés, ainsi que par navires commerciaux transportant des ressources naturelles exploitées dans le Nord.
En 2019, 117 737 voyageurs ont été traités dans le Nord et nous prévoyons que ces chiffres continueront d’augmenter, avec le retour aux volumes de voyages antérieurs à la COVID. Cette tendance à la hausse a exercé une pression sans précédent sur l’ASFC afin qu’elle fournisse davantage de services frontaliers dans le Nord.
L’ASFC contribue au mandat du gouvernement dans l’Arctique en facilitant le passage des personnes et des marchandises à l’appui de la croissance économique. L’Agence aide également à protéger les Canadiens en empêchant les marchandises dangereuses et les personnes d’entrer au Canada.
Au Yukon, l’ASFC a cinq points d’entrée : Old Crow, Whitehorse, Beaver Creek, Little Gold Creek et Dawson City. Old Crow est le seul site de déclaration désigné de l’ASFC au-dessus du cercle arctique au Yukon. Il n’y a pas d’accès routier à Old Crow. Toutes les autorisations pour les vols arrivant à cet endroit sont effectuées par téléphone par l’intermédiaire du Centre de déclaration par téléphone. La majorité du trafic aérien à destination d’Old Crow est composé de voyageurs des Premières Nations.
Même si le trafic des navires de croisière est en augmentation, il n’existe pas d’endroits désignés pour le dédouanement des navires de croisière dans l’Arctique. Tout dédouanement de navires de croisière implique l’embarquement d’agents des services frontaliers à l’endroit où un navire de croisière fait son premier port d’arrivée. C’est normalement dans de très petites communautés, comme Clyde River pour les bateaux de croisière venant de l’est.
[Français]
Bien que l’ASFC dispose d’un processus bien équilibré pour le dédouanement des navires de croisière, la mise en œuvre de ce processus dans l’Arctique exige beaucoup de temps et de ressources. Il exige que les agents de l’aéroport d’Ottawa ou de Winnipeg rencontrent le navire de croisière.
Pour les navires commerciaux, il n’y a qu’un seul point d’entrée désigné, situé à Tuktoyaktuk dans les Territoires du Nord-Ouest, et aucun au Yukon ou au Nunavut. Bien que Tuktoyaktuk soit désigné comme un port de navires commercial, l’installation n’est pas équipée pour permettre aux navires d’entrer physiquement dans le port aux fins d’examen par l’ASFC. Cela est attribuable à la fréquence des marées basses.
L’exigence que les navires se présentent plutôt au point d’entrée le plus proche peut entraîner un détournement coûteux de deux à quatre jours. Compte tenu de ce coût important pour l’industrie, l’ASFC a mis en œuvre le programme pilote de dédouanement électronique des expéditions commerciales maritimes dans l’Arctique (DEECMA) à l’été 2015.
Le programme exempte les transporteurs agréés de l’obligation de se présenter physiquement au point d’entrée commercial désigné le plus proche. Il permet aux transporteurs maritimes de déclarer électroniquement les données liées aux dédouanements et aux exigences préalables à l’arrivée.
[Traduction]
Pour les navires non commerciaux, l’ASFC exécute également le Projet pilote de dédouanement à distance des bateaux privés. Cela appuie le processus de dédouanement de certaines embarcations de plaisance non commerciales qui entrent au Canada dans les régions de l’est de l’Arctique. De même, l’ASFC a créé un nouveau programme pour aider à répondre à la demande accrue de dédouanement des navires d’expédition étrangers dans l’Arctique. Depuis 2007, on a enregistré une augmentation de 200 % des expéditions étrangères et des activités de recherche dans l’Arctique.
Le programme Expéditions étrangères et recherche sur l’Arctique de l’Agence des services frontaliers du Canada coordonne le traitement des activités de recherche internationales qui ont lieu au Canada. Il offre un guichet unique pour les expéditions étrangères en ce qui concerne l’admissibilité et d’autres exigences, pour soutenir leurs équipes d’expédition.
En conclusion, même si l’ASFC a élaboré un certain nombre de programmes de dédouanement dans l’Arctique pour aider à gérer les arrivées croissantes, il est essentiel que l’ASFC et ses partenaires soient en mesure de faire face à la croissance future du commerce et des voyages dans l’Arctique.
Encore une fois, monsieur le président, merci pour cette invitation aujourd’hui. Je serai heureux de répondre à toutes les questions du comité.
Le président : Merci beaucoup. C’est très utile, monsieur Vinette.
Surintendante Ellis, pourriez-vous s’il vous plaît nous expliquer le concept de l’ingérence des acteurs étrangers, les catégories d’actes qui pourraient constituer de l’ingérence étrangère, afin que nous ayons une meilleure idée de ce que cela signifie et de ce que c’est?
Mme Ellis : Je demanderais à mon collègue, Sean McGillis, directeur exécutif, Gestion stratégique de la police fédérale, de répondre à cette question, monsieur le président.
Sean McGillis, directeur exécutif, Police fédérale, Ottawa, Gendarmerie royale du Canada : Merci, monsieur le président. Au sujet de l’ingérence d’acteurs étrangers, ce que nous voyons dans le Nord se rapporte principalement à l’investissement étranger direct. Comme la surintendante Ellis l’a mentionné, il y a une abondance de ressources naturelles dans la région, qui suscitent certainement l’intérêt d’autres pays.
M. Vinette a aussi parlé de l’ouverture des voies de transport. Cela nous intéresse sur le plan de la souveraineté. Nous voulons maintenir l’intégrité de la frontière et nous assurer de savoir, sous l’angle de l’ingérence étrangère, qui sont ceux qui se livrent à des recherches et à ce genre de choses.
Nous tâchons également de déceler les cas de corruption de fonctionnaires. Nous avons commencé à le faire afin de nous assurer que les collectivités inuites et des Premières Nations ne sont pas indûment influencées par certains de ces acteurs étrangers.
Nous n’en sommes qu’au début, mais c’est une chose à laquelle nous réfléchissons vraiment du point de vue du renseignement sur l’ingérence d’acteurs étrangers dans le Nord.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Mes questions s’adressent à Mme Ellis, entre autres. Je veux vous parler des ressources humaines de la GRC pour assurer les services dans les territoires qui touchent l’Arctique. Depuis quelques années, nous savons que la GRC connaît de sérieux problèmes de recrutement. Quels sont les effectifs actifs de la GRC, aujourd’hui, dans ces territoires comparativement à il y a trois ou cinq ans?
[Traduction]
Mme Ellis : Merci beaucoup de cette question, sénateur. Je peux parler de la situation de la GRC au Yukon, des ressources humaines qui y sont affectées et de l’effectif de la GRC au Yukon. Je ne peux pas parler des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut, mais je crois savoir que le comité a assisté à des réunions au Nunavut.
À l’heure actuelle, notre effectif est complet dans nos deux services de police contractuels, celui issu de l’entente sur ressources humaines des services de police territoriaux et celui des services de police fédéraux. Comme je l’ai dit dans ma déclaration liminaire, il y a 139 membres assermentés de la GRC du Yukon du côté contractuel et neuf du côté de la police fédérale. Ils bénéficient, bien sûr, de l’aide des fonctionnaires qui soutiennent les opérations de la GRC dans beaucoup de nos bureaux.
Sur le plan des ressources humaines, les services policiers éprouvent des difficultés à l’échelle du pays, et probablement dans beaucoup d’autres domaines liés à la sécurité publique dans les secteurs public et privé. Je peux dire que notre effectif est au complet au Yukon. À tout moment cependant, nous devons jongler avec les ressources humaines. Comme c’est le cas dans la plupart des petites divisions, toute variation de la disponibilité du personnel, pour cause de congés annuels, de formation, de congés sans solde, de restriction des tâches ou, malheureusement, de problèmes médicaux, peut entraîner une certaine pression et des tensions. Mon collègue, M. Vinette, a lui aussi parlé de la difficulté d’accroître le personnel tout en cherchant simplement à maintenir l’effectif.
Je suis heureuse de dire que la GRC du Yukon a l’effectif et les gens dont elle a besoin pour faire le travail. À tout moment, nous sommes en mesure de déplacer nos gens dans les différents secteurs où ils sont nécessaires, de nous acquitter de nos responsabilités en matière de sécurité publique et nos obligations envers nos membres et nos employés pour assurer leur santé et leur sécurité. Merci.
[Français]
Le sénateur Dagenais : On sait que l’éloignement et le déracinement ne sont jamais faciles pour les policiers, mais est-ce que les policiers en service dans ces territoires y sont généralement volontairement, ou sont-ils là pour acquérir de l’ancienneté pour postuler des postes ailleurs au pays?
Quel est le roulement du personnel auquel vous devez faire face, et quelles sont les initiatives pour que les policiers restent le plus longtemps possible sur le territoire?
[Traduction]
Mme Ellis : Merci beaucoup, sénateur, de cette question. Pour la GRC du Yukon, je qualifierais le roulement de faible à modéré à tout moment. Beaucoup des membres qui viennent au Yukon se sont portés volontaires, après leur formation, à leur sortie de la Division Dépôt. Nous sommes une division de formation. Nous prenons des membres frais sortis de formation, mais il y en a aussi d’autres, déjà affectés à une division, qui se portent volontaires.
La Division M de la GRC du Yukon compte des membres qui y ont servi toute leur carrière, qui ne partent pas. C’est une affectation attrayante. Beaucoup de membres qui viennent dans le Nord le font pour avoir l’expérience du Nord, plutôt que pour acquérir de l’ancienneté ou même, peut-être, pour obtenir un transfert ailleurs au pays. C’est ce qui nous distingue des autres territoires du Nord.
L’an dernier, par exemple, dans le cadre de notre plan de relève, il y a eu, je pense, moins de cinq membres qui ont quitté la division. Pour une seule année, c’est remarquable. Nous n’avons pas un taux de roulement élevé au sein de la GRC du Yukon. Les gens qui viennent ici veulent rester, et ils se déplacent également à l’intérieur de la division. Ils se déplacent entre les collectivités, à Whitehorse ou dans différents postes à l’intérieur du secteur de la Direction générale de Whitehorse. Merci.
[Français]
Le sénateur Dagenais : J’aimerais que vous nous parliez de la nature de la criminalité dans les territoires. En quoi la lutte aux criminels peut-elle être différente et dans quelle mesure vos équipements sont-ils à la fine pointe nécessaire pour faire face aux criminels, qui n’ont pas de difficulté à bien s’équiper pour contourner la loi?
Vous avez parlé aussi des criminels dans le domaine minier, parce qu’évidemment, il y a beaucoup de ressources naturelles sur le territoire. Pourriez-vous nous donner des exemples de crimes sur lesquels vous devez enquêter et concentrer vos effectifs?
[Traduction]
Mme Ellis : Je vous remercie de cette question, sénateur. La criminalité au Yukon ressemble beaucoup à celle des autres territoires du Nord. L’indice de gravité de la criminalité au Yukon est élevé en comparaison avec les provinces du Sud. Cependant, les crimes violents sont moins nombreux au Yukon que dans les autres territoires. Les crimes financiers, les crimes économiques dans les mines et peut-être seulement les fraudes personnelles, donc contre des personnes, sont aussi relativement faibles. Cependant, les crimes économiques que nous voyons dans le secteur minier peuvent comprendre la cybercriminalité, entre autres le piratage de comptes bancaires. Au cours des cinq dernières années, l’industrie a été touchée par des cybermenaces, des cyberattaques et des cybercrimes. Des millions de dollars ont été soutirés de comptes bancaires. Bien que les banques ou les entreprises réussissent parfois à récupérer l’argent, la cybercriminalité demeure certainement une préoccupation.
Vous avez posé une question au sujet des techniques spécialisées, de l’équipement et de la formation nécessaires à nos enquêteurs ou à nos gens pour enquêter sur ce genre de crime. Je dirais que nous avons fait de grands progrès dernièrement, avec l’appui de la Police fédérale et de la Direction générale, pour obtenir de la formation sur la cryptomonnaie, sur la cybercriminalité, sur les autorisations judiciaires requises pour mener des enquêtes approfondies sur certaines de ces infractions et sur la conscientisation générale qui est nécessaire à nos enquêteurs pour faire leur travail.
Nous sommes également grandement soutenus par d’autres divisions qui ont ces compétences, par exemple, la Division E de la Colombie-Britannique, la Division D de Winnipeg, au Manitoba, et, bien entendu, la Direction générale à l’occasion. Merci.
[Français]
Le sénateur Dagenais : J’ai une question pour M. Vinette, un peu dans le même sens que les questions posées à Mme Ellis au sujet de la GRC.
Comment organisez-vous vos ressources humaines? Est-ce que les agents qui travaillent dans les territoires y sont pour de longues périodes ou devez-vous être proactif pour les garder avec vous?
M. Vinette : Merci pour la question. Nous avons 25 effectifs sur le territoire. Pour le port d’entrée de Little Gold Creek, quatre d’entre eux se présentent de façon saisonnière, tandis que les 21 autres sont là en permanence. Nous avons une équipe composée d’agents d’expérience et d’autres qui commencent. Nous avons un programme grâce auquel les recrues sortant du Collège de l’Agence des services frontaliers du Canada, à Rigaud, au Québec, peuvent choisir d’aller dans de petits ports comme Beaver Creek, et travailler à cet endroit pour trois ans.
Comme l’a mentionné ma collègue, elles peuvent ensuite faire une demande pour un retour à un poste de leur choix. Elles nous donnent trois choix. Souvent, elles souhaitent se retrouver plus près de la famille, pour éviter un déplacement à plus long terme. Cela nous permet d’avoir des gens qui sont toujours à la fine pointe des dernières formations fournies, cela nous permet d’attirer des gens qui sont motivés. Certains viennent pour trois ans et ne partent pas. Ils aiment le secteur, l’environnement, la nature et le genre de travail qu’ils font.
Attirer les gens a toujours été plus difficile dans le Nord, surtout dans les petits postes, mais dans notre région du territoire du Yukon, nous parvenons à avoir les effectifs nécessaires en place. Pour notre port saisonnier, les quatre ressources auxquelles je faisais référence sont des gens qui proviennent habituellement de la région de Vancouver. Ils vont se déplacer pour les trois à quatre mois où le port d’entrée est ouvert, pour ensuite retourner à leur poste d’attache, en Colombie-Britannique.
Le sénateur Dagenais : En raison du réchauffement climatique, il y aura de plus en plus de circulation. Vous avez parlé, entre autres, des navires de croisière et de plus de navires marchands. Prévoyez-vous une augmentation des effectifs pour suivre les prévisions à la hausse de l’achalandage maritime?
M. Vinette : On travaille étroitement pour gérer le risque. C’est une question de savoir si ce sont les effectifs, un processus, ou la gestion du risque au préalable. On a des exemples dans l’Est du Canada, dans l’Arctique, où ce sont les mêmes compagnies qui viennent chercher des minéraux pour les transporter en Europe. Nous finissons par les connaître, nous travaillons très étroitement avec elles.
Cependant, pour certaines compagnies, nous devons être sur place. À ce moment-là, nous envoyons, pour gérer une arrivée précise, nos officiers attitrés ayant la formation nécessaire pour se déplacer sur des navires de croisière ou commerciaux. Ils retournent ensuite à leur poste d’attache. La fluidité de nos effectifs nous permet de répondre à de telles situations.
Quant aux projections, on s’attend à ce que le tourisme dans l’Arctique continue à augmenter. Nous serons en mesure de répondre à la demande, soit au moyen des effectifs, soit au moyen de mesures de dédouanement à leur arrivée.
Le sénateur Dagenais : Merci, monsieur.
[Traduction]
Le sénateur Richards : Merci de votre comparution. J’ai deux brèves questions. Ma première s’adresse à la surintendante Ellis. Je me demande simplement si vous coordonnez vos activités avec les Rangers canadiens et les Forces armées canadiennes d’une façon particulière qu’on ne verrait pas, par exemple, dans une petite collectivité du Sud?
Mme Ellis : Je vous remercie de cette question, sénateur. Notre relation avec les Rangers canadiens est très étroite du fait que la plupart des collectivités frontalières et des régions arctiques ont une unité active de Rangers. Comme les membres de nos détachements, beaucoup des Rangers canadiens sont aussi des membres de la collectivité. Parfois, ils nous accompagnent — pas à titre de Rangers — sur le terrain pour nous aider et nous familiariser avec le territoire. Beaucoup d’entre eux appartiennent à une Première Nation et sont originaires et résidants des collectivités où nous servons. Le temps passé ensemble sur le terrain crée une relation spéciale. Il établit un lien et une relation continue dont profitent non seulement les Rangers, mais aussi la collectivité.
Je peux dire avec humilité et reconnaissance que les membres de la collectivité et les membres des Premières Nations, qu’ils fassent partie ou non d’un contingent de Rangers, nous aident grandement et nous accueillent, nous et nos familles, dans leur collectivité au Yukon. C’est aussi, pour répondre à la question du sénateur Dagenais, une raison qui explique pourquoi nous y restons. Le Yukon n’a pas son pareil, et le fondement de cette relation est solide.
Sur le plan opérationnel, les déploiements conjoints avec les Rangers sont un peu plus difficiles en ceci que c’est la GRC qui, au Yukon, supervise toutes les opérations de recherche et de sauvetage sur le terrain. L’Organisation des mesures d’urgence du gouvernement du Yukon dirige les bénévoles de la recherche et du sauvetage du Yukon, mais c’est la GRC qui assure le leadership de toutes les opérations sur le terrain.
Dans de telles situations, les Rangers cherchent toujours à être sur le terrain, portant le chandail rouge des Rangers, ou comme bénévoles en dehors de leurs heures de travail. Pour un déploiement complet des Rangers, la GRC doit, comme le comité le sait sûrement, épuiser toutes ses ressources sur le terrain avant de pouvoir demander l’aide des Rangers.
Mais je pense que l’empressement de tant de Rangers canadiens à participer, même en dehors de leurs heures de travail, à une mission de recherche et de sauvetage active atteste vraiment leur connaissance du territoire et leur volonté d’assurer le bien-être de tous ceux qui se trouvent au Yukon.
Le sénateur Richards : Et les forces armées, madame?
Mme Ellis : Les forces armées sont dans le même bateau.
Le sénateur Richards : Bien sûr.
Mme Ellis : Je ne peux pas vous dire combien il y a de membres des Forces armées canadiennes au Yukon. Nous entretenons de bonnes relations avec ceux qui sont à la base des FAC à Yellowknife : tant la Division G de la GRC que des militaires basés à Yellowknife, car il s’agit d’un détachement beaucoup plus important.
Le sénateur Richards : Merci.
J’ai une brève question pour M. McGillis ou M. Vinette. Je pense que vous avez parlé des agents étrangers qui ont des projets d’exploitation de ressources minérales ou autres, peu importe. Je me demande à quel point c’est grave.
Je suppose que le SCRS s’y intéresserait, qu’il comprendrait et scruterait la situation, de concert avec la GRC ou quelque autre unité. Le SCRS aurait un certain contrôle là-dessus, n’est-ce pas? C’est à espérer.
M. McGillis : Oui. Je vous remercie de la question, sénateur.
Tout à fait. Nous travaillons en étroite collaboration avec le SCRS. Comme la surintendante Ellis l’a mentionné, nous travaillons en étroite collaboration avec la Force opérationnelle interarmées du Nord, qui fait partie des FAC et qui mène une très sérieuse opération de renseignement dans le Nord. Entre nous, le SCRS, la Garde côtière et la FOIN, nous avons une assez bonne vue d’ensemble de toute activité étrangère qui a lieu dans la région.
Le sénateur Richards : La situation s’est-elle empirée au cours des dernières années? Je suppose que oui, mais je pose quand même la question.
M. McGillis : Oui. Pour ce qui est d’« empirer », c’est incertain, mais il y a certainement beaucoup plus d’activité dans la région.
Le sénateur Richards : Beaucoup plus, oui.
M. McGillis : Je ne sais pas si je la qualifierais de pire; je dirais qu’il y a une activité accrue.
Le sénateur Richards : Une activité accrue. Merci.
La sénatrice Duncan : Je remercie les témoins de leur comparution aujourd’hui.
Je veux d’abord discuter de la frontière et des postes frontaliers, puis de la relation avec l’Alaska avec la surintendante Ellis.
Parmi les postes frontaliers au Yukon, vous avez mentionné celui de Little Gold Creek, qui est en fait le premier au pays à être un immeuble de services frontaliers partagés. Il y a aussi celui de Beaver Creek, qui est entièrement au Yukon. Pleasant Camp et Fraser seraient tous deux rattachés à vos bureaux en Colombie-Britannique, bien que leurs activités se déroulent à l’intérieur et à l’extérieur du Yukon.
Puis, bien sûr, il y a l’aéroport international Erik-Nielsen à Whitehorse, qui reçoit deux fois par semaine des Condor en provenance d’Allemagne.
Vous avez fait état de 25 employés dans les territoires. Peut-être pourriez-vous nous informer par écrit où se trouvent les agents des postes frontaliers. Où sont les 25? Y en a-t-il cinq au Nunavut et trois dans les Territoires du Nord-Ouest et un autre nombre au Yukon? Pourriez-vous répondre à cette question?
J’aimerais ensuite que la surintendante Ellis nous parle de la relation avec l’Alaska et de Beaver Creek. La GRC est appelée à intervenir lorsque l’Agence des services frontaliers est aux prises avec un problème quelconque. Quel niveau de circulation transfrontalière constatez-vous? A-t-il augmenté? Quelle sorte d’aide êtes-vous appelés à donner à la frontière entre l’Alaska et le Yukon?
Voilà mes questions.
M. Vinette : Vous avez raison pour les cinq postes. Je vous remercie de la question.
Pour Old Crow, le dédouanement se fait à partir du Centre de déclaration par téléphone de Hamilton, en Ontario. Il n’y a donc pas de personnel sur place.
Nos principales activités se trouvent à Beaver Creek. C’est là que la circulation transfrontalière annuelle est la plus élevée. Certaines personnes transitent par le Canada pour retourner dans les États du Sud, d’autres pour rentrer en Alaska en passant par Skagway. C’est donc une route circulaire. C’est la route la plus directe et, dans certains cas, la seule. Nous avons donc un peu plus de 10 agents à Beaver Creek, qui est notre point d’entrée 24 heures sur 24, sept jours sur sept.
À Whitehorse, il y a l’aéroport. C’est notre deuxième poste en importance. Il y a de 8 à 10 personnes par avion, selon le vol. Nous nous adaptons en conséquence. Nous savons que certains de ces vols de Condor ont été suspendus. Mais à mesure qu’ils reprendront, nous ferons des ajustements pour que le personnel revienne aux niveaux voulus pour assurer le traitement.
À Little Gold Creek, pendant la saison où ce poste est ouvert, nous envoyons quatre agents pour assurer le service en continu. À Dawson City, nous avons deux employés. Ensemble, ils constituent la masse.
Nous déplacerons nos gens à l’intérieur du territoire selon les besoins, en fonction de ce qui se produit, par exemple si un événement quelconque est prévu. Si le personnel est insuffisant, nous affecterons des gens du Lower Mainland de la Colombie-Britannique en complément. Nous avons toujours eu suffisamment d’employés disposés à accepter diverses affectations, qu’elles soient à court ou à moyen terme, ce qui nous a permis de nous adapter en quelque sorte aux situations qui survenaient.
Dans les cas de hausse soutenue et permanente des niveaux de circulation, nous cherchons à y répondre par des affectations permanentes.
La sénatrice Duncan : Les 25 que vous avez mentionnés sont donc en poste au Yukon?
M. Vinette : Oui, c’est exact.
La sénatrice Duncan : Pas dans les territoires?
M. Vinette : Non.
La sénatrice Duncan : Seulement au Yukon?
M. Vinette : Oui.
La sénatrice Duncan : Surintendante Ellis?
Mme Ellis : Merci beaucoup de votre question sur nos relations avec l’Alaska.
Comme je l’ai dit dans ma déclaration liminaire, Beaver Creek est le détachement de la GRC le plus à l’ouest au Canada; c’est aussi le point d’entrée le plus à l’ouest. La hutte, comme on l’appelle, la hutte frontalière de l’ASFC est située du côté du Yukon et est séparée de la hutte de la patrouille frontalière américaine, qui est un point d’entrée, par une longue bande de terrain. Notre détachement prête son concours aux agents de l’ASFC qui sont sur place et a des contacts quotidiens avec eux, ainsi qu’avec la patrouille frontalière américaine.
Vous avez demandé de quels genres de dossiers il s’agissait et s’il y avait une augmentation de l’activité. En 2019, dans l’ensemble des points d’entrée, nous avons ouvert 51 dossiers. Ils portaient sur diverses infractions, de la possession d’armes à feu illégales, peut-être par des Alaskiens qui, transitant par le Canada vers 48 États du Sud, n’ont pas les documents requis, jusqu’à l’omission de s’arrêter à la frontière et de s’inscrire à l’un des points d’entrée.
En 2020, les activités signalées par la GRC sont tombées à presque rien, tout simplement à cause de la pandémie et de la chute du nombre de déplacements.
En 2021, nous avons constaté un regain des activités à la frontière, voire de la criminalité. Récemment, une personne recherchée pour homicide en Alaska est passée en transit. La GRC a apporté son concours, à proximité de Haines, en Alaska, donc dans le secteur de Pleasant Camp, en remettant cette personne aux mains des autorités américaines. Il y a aussi des dossiers de violence familiale dans lesquels nous sommes intervenus ailleurs sur le territoire. Nous prêtons également main-forte au point d’entrée lui-même. La relation est très solide.
Notre relation en matière d’application de la loi avec les Alaska State Troopers est très longue et très solide. Bien des gens ne le savent peut-être pas, mais l’uniforme des Alaska State Troopers est modelé sur celui de la Gendarmerie royale du Canada. Jusqu’à présent, nous communiquons fréquemment avec les State Troopers et les autres organismes d’application de la loi en Alaska et nous entretenons de très bonnes relations avec eux.
La sénatrice Duncan : Le sénateur White et la sénatrice Busson m’ont dit qu’avant la pandémie, Beaver Creek était l’un des principaux lieux de contrebande d’armes à feu, qu’on y voyait des problèmes de ce genre. Beaver Creek était un véritable point chaud pour ce qui est des problèmes de sécurité frontalière. Vous avez servi au Yukon pendant plus d’une décennie. Est-ce aussi votre expérience?
Mme Ellis : Je pense que le poste de Beaver Creek est le plus occupé. C’est là qu’il y a le plus d’activité, et il y a beaucoup de personnes qui passent par là. Il y a des difficultés, bien sûr. Nous venons de mentionner la distance qui sépare le poste de la patrouille frontalière américaine et de celui de l’ASFC. Je pense que bon nombre des enquêtes que nous menons visent simplement, comme je l’ai déjà dit, des voyageurs en transit vers le nord ou vers le sud qui n’ont pas les documents nécessaires pour entrer au Canada avec des armes à feu prohibées ou à autorisation restreinte. À l’occasion, il y a des armes à feu illégales qui passent la frontière pour lesquelles leur propriétaire n’a peut-être jamais eu l’intention d’obtenir les documents nécessaires. Lorsqu’elles sont découvertes par les employés de l’ASFC, la GRC participe à l’enquête et travaille avec les enquêteurs de l’ASFC des bureaux non frontaliers, avec qui d’ailleurs nous entretenons également d’excellentes relations. Ils sont basés à Prince George, en Colombie-Britannique. C’est ceux-là que nous rencontrons fréquemment et avec qui nous discutons souvent.
La sénatrice Duncan : Merci.
Le sénateur Yussuff : J’adresse ma première question à M. Vinette.
J’aimerais savoir ce qu’il en est de la dotation en personnel de l’ASFC, avant la pandémie et à l’heure actuelle. Est-elle revenue au niveau d’avant la pandémie? À ce sujet, j’aurai aussi quelques questions complémentaires.
M. Vinette : Je vous remercie de la question.
D’après ce que je comprends, nous continuons de fonctionner aux niveaux de dotation d’avant la pandémie. Je dirai que certains de nos employés ont été réaffectés pour travailler à distance sur d’autres dossiers et soutenir d’autres opérations où cela pouvait se faire à distance. Je peux certainement confirmer au comité que c’est effectivement le cas.
Le sénateur Yussuff : Si je traversais à l’un des points d’entrée au Yukon, est-ce que tous ceux qui s’y trouvent auraient accès à Internet, de telle sorte que les agents de l’ASFC puissent communiquer avec qui il faut pour vérifier les antécédents des personnes concernant un problème à signaler et, ainsi, éventuellement leur interdire l’entrée au pays? Vous pourriez peut-être me le dire, parce que je ne le sais pas. Il va sans dire que certains de ces agents se trouvent dans des postes éloignés.
M. Vinette : Je vous remercie de la question.
La plupart de nos grandes installations sont reliées à nos services et ont accès à tous nos systèmes et à nos bases de données. Dans les cas où nous dépêchons des agents, disons, à un point de dédouanement éloigné, où il n’y a pas d’installation établie, nous sommes en mesure, par contact radio, de mener les enquêtes voulues pour effectuer le travail de validation et de vérification.
Je dirais que nous avons fait beaucoup de chemin au cours des 15 dernières années pour nous assurer que ces collectivités éloignées et les activités qu’on y mène sont reliées à nos systèmes nationaux.
Le sénateur Yussuff : Surintendante Ellis, Beaver Creek est un bon exemple. Avons-nous un centre de détention pour ceux qui traversent la frontière et commettent un acte illégal et ne devraient rester au pays? Pourrions-nous les détenir jusqu’à ce que leur statut soit déterminé? Supposons qu’ils présentent des problèmes qui nous amènent à penser que leur présence ici est indésirable. Pouvons-nous les détenir jusqu’à ce que nous déterminions ce qu’il en est exactement, jusqu’à ce que nous décidions de les laisser partir ou de les détenir en attendant de les expulser?
Mme Ellis : Je vous remercie de cette question, sénateur.
Le poste de Beaver Creek a un bloc cellulaire entièrement opérationnel, et la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés nous autorise à détenir des gens dans notre bloc cellulaire en attendant que leur situation soit déterminée.
Ordinairement, ils sont ensuite transférés à Whitehorse, puis en Colombie-Britannique si leur détention doit se prolonger. La détention à Beaver Creek est de très courte durée, mais nous y avons un bloc cellulaire utilisable.
Le sénateur Yussuff : Vous avez dit qu’il y a des gens qui se rendent dans le Nord qui ne sont pas originaires du Nord. Certains viennent pour acquérir de l’expérience, d’autres y viennent, s’y attachent et ne le quittent plus. Je suis allé à Whitehorse, tant en hiver qu’en été, et je peux vous dire que c’est un endroit merveilleux. C’est prodigieux, et tant que vous n’y êtes pas allés, vous ne pouvez savoir à quel point c’est magnifique.
Y a-t-il un grand défi à cause des départs à la retraite de vos gens? Comment réussissez-vous à recruter et retenir vos employés, sachant que les besoins ne feront que croître avec le temps? Comme le changement climatique transformera la réalité, vous devrez en faire davantage. Il faudra surveiller des visiteurs et touristes en plus grand nombre, ce qui est une bonne chose, mais il faudra en même temps se montrer vigilant pour empêcher que les gens fassent des choses qui pourraient poser des problèmes pour notre pays.
Mme Ellis : Je vous remercie de cette question.
Comme je l’ai dit dans une réponse précédente, dans le monde des services de police, le recrutement pose des difficultés, en particulier pour ce qui est d’intéresser les jeunes à faire carrière dans la police, surtout dans des endroits comme le Nord, où les défis sont plus nombreux que dans le Sud. À ce chapitre, notre optique est, je pense, d’encourager le recrutement à l’extérieur du Yukon et le retour au Yukon, pour ceux qui le souhaitent.
Au Yukon, nous avons des membres qui ont grandi au Yukon, par exemple ceux appartenant à une Première Nation du Yukon, et des membres des Premières Nations qui viennent d’autres régions du Nord, qui sont maintenant établis au Yukon et heureux d’y rester. Sur le plan stratégique, nous devons nous attarder à l’attrait qu’exercent et que continueront d’exercer sur les générations futures les services de police au Yukon, non seulement à l’attrait des services de police en général.
Je pense que, au début de votre question, vous avez peut-être touché aux défis que présente l’arrivée de gens qui n’ont peut-être jamais connu les difficultés liées aux opérations en plein air, ou aux conditions météorologiques et de la vie en pleine nature. La GRC du Yukon offre un cours sur les opérations en milieu sauvage qui n’a pas son pareil ailleurs à la GRC. Dirigé par la GRC du Yukon, ce cours est donné par des membres qui ont une longue expérience des opérations de recherche et de sauvetage et de la vie en milieu sauvage.
Nous voulons que nos membres reçoivent cette formation pendant les deux premières années de leur affectation au Yukon. Elle dure sept jours, est très intensive et a lieu en hiver. C’est une bonne préparation pour les opérations auxquelles nos membres auraient à participer à un moment donné. C’est n’est que cela : une préparation. L’acquisition et le renforcement de ces compétences doivent se poursuivre tout le temps que les membres travaillent au Yukon, que ce soit à Whitehorse ou dans les collectivités éloignées.
Le comité comprendra probablement que, quand on fait de la route au Yukon, le service de téléphonie cellulaire est un problème. À 25 minutes de route de Whitehorse, il n’y a plus de service. Même les membres qui se déplacent entre les collectivités pour faire leur travail de policier doivent être autonomes, au cas où quelque incident se produirait et qu’ils seraient incapables de poursuivre leur route ou seraient obligés de s’arrêter pour aider un automobiliste ou pour quelque autre raison, parce que les conditions météorologiques, souvent imprévisibles, peuvent causer de grandes difficultés.
Nous ne cessons de prendre des mesures pour nous assurer que nos gens sont formés, qu’ils continuent d’acquérir ces compétences, qu’ils sont réellement aptes à travailler dans le Nord et qu’ils y sont bien préparés.
Comme je l’ai mentionné, l’expérience dans la nature revêt une grande importance, et nous sommes donc très reconnaissants et honorés que tant de membres de la collectivité nous amènent avec eux pour nous familiariser avec le territoire ou pour chasser pendant notre temps libre. J’ai moi-même fait la cueillette de petits fruits à Old Crow. C’était très agréable.
Cependant, ce temps passé sur la terre et cette relation sont importants pour notre survie, mais aussi pour soutenir la collectivité, la relation qui s’est établie et la sécurité qui doit exister dans la collectivité.
Merci.
Le sénateur Yussuff : Ma question s’adresse peut-être à vous deux. Le Nord est unique, ne serait-ce du fait qu’une partie considérable de sa population est autochtone. Si nous voulons mieux faire en tant que nation dans la façon dont nous établissons des liens avec le Nord, nous avons besoin d’accroître le nombre d’Autochtones qui participent à la sécurité frontalière et qui sont membres de la GRC.
Avons-nous fait de réels progrès en matière de recrutement et de la conservation du personnel? Dans quelle mesure réussissons-nous à réunir des gens des deux côtés pour nous assurer de faire de notre mieux pour tâcher d’améliorer à long terme la représentation actuelle des Autochtones? C’est important en raison de leur langue, de leur culture, de leur compréhension de leur communauté et aussi pour gagner leur confiance. Dans l’ensemble, comment nous en tirons-nous en matière de recrutement et de maintien en poste?
Mme Ellis : Je vous remercie de cette question.
Il est important pour la GRC au Yukon de promouvoir le recrutement, la conservation du personnel, l’avancement professionnel et la satisfaction professionnelle des Autochtones au sein de la GRC et de l’organisation. Au cours des deux dernières années, certaines améliorations ont été apportées au niveau de la division au Yukon. Par exemple, nous y avons récemment intégré une femme autochtone qui s’y connaît bien en recrutement et dont le rôle consiste à se rendre dans les collectivités afin d’établir des liens avec les jeunes Autochtones pour leur présenter ce qu’est une carrière dans les services de police. Au sein des détachements, les contacts quotidiens ont une réelle importance pour amener les jeunes à voir les membres de la GRC comme des modèles, mais aussi à considérer la GRC comme une possibilité de carrière intéressante.
Le maintien des effectifs demeure inchangé. Certaines améliorations ont été apportées. Il importe de noter que certaines personnes autochtones pourraient ne pas vouloir revenir au Yukon ou dans le Nord pour travailler. Elles se sont peut-être jointes à la GRC ou à un autre corps policier pour toutes sortes de différentes raisons d’ordre professionnel. Je pense donc que c’est un facteur important à reconnaître et à favoriser. Par exemple, parmi les membres des services de police secrets ou des services de police de municipalités urbaines, il peut y en avoir qui ne veulent pas quitter leur poste pour revenir dans le Nord et y exercer leur métier. Mais ils sont heureux de travailler et d’avancer leur carrière dans ce domaine. Il importe de continuer de favoriser leur satisfaction professionnelle.
Je pense que nous avons beaucoup de chemin à parcourir pour assurer le recrutement, le maintien en poste et le soutien des membres des Premières Nations dans les services de police en général. Des améliorations sont apportées, et nous faisons preuve de souplesse, surtout à la GRC au Yukon. Nous tâchons de nous montrer souples sur ce plan. Il y a encore du travail à faire, mais il existe aussi une voie pour aller plus loin.
M. Vinette : Pour ce qui est de l’Agence des services frontaliers du Canada, l’une des recommandations du rapport Caron, publié en 2017, portant sur les questions liées aux Premières Nations et au passage de la frontière, était d’accroître l’embauche d’Autochtones à l’échelle nationale, ce que nous cherchions à faire depuis longtemps. J’ai eu le plaisir de travailler à Cornwall, en Ontario, dans les années 1990. Plusieurs de nos collègues venaient de la réserve mohawk d’Akwesasne, et nous avons pu constater les avantages concrets de leur présence dans notre équipe.
Plus récemment, nous avons appris que certaines des mesures que nous avons mises en place n’étaient pas utiles. Nous avons donc rectifié le tir. Nous avons tout d’abord créé un secrétariat des affaires autochtones au sein de l’agence qui a pour mission d’apporter un soutien permanent dans tous les dossiers, depuis le recrutement jusqu’aux politiques, en passant par l’engagement des Premières Nations. Cela nous a amenés à adopter deux mesures qui, à mon avis, nous apporteraient de réels avantages.
La première résulte de remarques faites par certains de nos employés autochtones actuels. Nous avions une affiche de recrutement national qui annonçait aux postulants qu’ils pourraient être postés n’importe où au Canada, mais qu’ils pouvaient préférer rester chez eux. Cependant, les circonstances ne sont pas les mêmes pour tous. Pour certains, cela fonctionne, pour d’autres non. L’affiche était une désincitation à postuler. Nous avons modifié notre approche. Nous tentons désormais de faire du recrutement local avec un placement local afin de ne pas obliger les gens à quitter leur collectivité ou leur famille.
La deuxième mesure, c’était de créer une affiche nationale pour le recrutement d’Autochtones. Ce recrutement se fait à longueur d’année, et n’importe qui peut présenter une demande. Pour soutenir cet effort, pour nous assurer qu’il n’y a pas d’obstacles à la réussite dans le processus de recrutement, nous jumelons les candidats qui suivent le processus avec des employés autochtones et d’autres personnes qui ont à veiller à ce qu’ils ne soient pas désavantagés de quelque façon par l’application de pratiques de recrutement qui n’ont plus cours. Nous croyons sincèrement que cela nous aidera et nous sera profitable. J’ai pu le constater de mes propres yeux. Il y a environ quatre semaines, j’ai assisté à notre collège national à la cérémonie de remise des diplômes, où l’un des diplômés était originaire du Nunavut et allait être affecté à l’aéroport d’Iqaluit. C’était une première. À mon avis, c’est un petit pas dans la bonne direction. Nous allons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour nous assurer de maintenir le cap.
La sénatrice Duncan : J’ai une question pour M. McGillis au sujet de l’investissement étranger direct au Yukon. Par exemple, il y a un certain nombre de propriétés immobilières, toutes privées, et de concessions minières de placer, également privées. Au moment de leur vente, à qui incombe-t-il de surveiller à qui elles sont vendues et quel pourrait être le niveau d’investissement étranger ou canadien?
M. McGillis : Je vous remercie de la question. Je dois dire que, pour ces investissements étrangers directs, la responsabilité est partagée. Chaque fois qu’un problème est signalé, c’est un effort conjoint de notre part, du SCRS, d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada, ainsi que de Sécurité publique Canada. Tout le monde contribue et participe au processus d’examen de la sécurité nationale afin de déterminer si l’un ou l’autre de ces investissements étrangers directs soulève des enjeux de sécurité nationale.
La sénatrice Duncan : Comme il s’agirait d’une vente privée, il est possible qu’elle ne soit pas portée à votre attention, sauf, peut-être, par l’entremise de la GRC.
M. McGillis : Même s’il s’agit de ventes privées, elles seraient, dans certains cas, portées à notre attention par les institutions financières qui ont l’obligation de déclarer certaines de ces transactions. L’un des problèmes pour lesquels nous cherchons des solutions, c’est celui de la propriété bénéficiaire, c’est-à-dire d’établir l’identité du propriétaire réel de la société, de celui qui fait l’investissement et où celui-ci aboutit. Je ne veux pas dire qu’il s’agit d’une échappatoire pour le moment, mais c’est l’une des lacunes de notre système qui permet des investissements directs étrangers qui ne devraient pas se faire.
La sénatrice Duncan : Je pense que c’est probablement une question liée au système bancaire ouvert que le comité chargé du secteur des banques devrait examiner.
Existe-t-il un problème de traite des personnes, vu la longueur de la frontière? Mme Ellis voudrait peut-être répondre à cette question.
Mme Ellis : Je dirais que la traite des personnes est toujours un problème. Je ne dirais pas qu’il y a beaucoup de cas signalés. Mais, comme l’ingérence d’acteurs étrangers, elle est souvent méconnue, non décelée et déclarée seulement en partie. Étant donné que nous sommes à proximité de la frontière avec l’Alaska et qu’il y a des vols fréquents de Bellingham, de Washington et de la Californie à destination d’Anchorage, la traite des personnes est possible. La surveillance est exercée par l’Unité des enquêtes fédérales.
La sénatrice Duncan : On a récemment rapporté que des Russes avaient demandé asile en Alaska. Est-ce que cela serait porté à votre attention du fait de votre étroite relation avec les services américains, ou en prenez-vous seulement connaissance en passant en revue les reportages, comme partout ailleurs? Est-ce que l’Agence des services frontaliers du Canada ou la GRC seraient mises au courant par les Américains, ou simplement par les médias d’information, comme tout le monde?
Mme Ellis : Le partage de renseignements ou de résultats d’enquêtes dépend du genre d’activité en cause. Il y a des séances sur le renseignement, et l’information circule entre les différentes entités : Alaska State Troopers, FBI, Drug Enforcement Administration, Customs and Border Protection et la Direction générale de la GRC. Nous serions mis au courant de ce genre de situation dans le cadre d’une séance d’information sur l’enquête, non pas seulement par l’entremise des médias.
La sénatrice Duncan : Avez-vous des séances d’information régulières?
Mme Ellis : Oui, et l’information circule de façon assez fluide entre les séances.
La sénatrice Duncan : Je crois que ce serait un point important à inclure dans le rapport, monsieur le président. Merci beaucoup.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Monsieur Vinette, les technologies de contrôle dont vous avez parlé se comparent-elles et de quelle façon peut-on les comparer avec celles des Américains, entre autres, qui ont accès à l’Alaska?
M. Vinette : Je dirais que nous avons accès à tous nos systèmes dans nos ports d’entrée et nous avons quelques centres qui fonctionnent en tout temps. Pour ce qui est de notre centre des opérations nationales, qui est là pour soutenir les agents si jamais il y avait un enjeu qui se présentait, que les systèmes ne fonctionnaient pas, le personnel peut appeler notre centre national. La qualité des systèmes et leur accès seraient au même niveau qu’on connaît chez nos collègues américains, de l’autre côté de la frontière.
Le sénateur Dagenais : Merci, monsieur Vinette.
[Traduction]
Le président : Une dernière question de ma part. Nous avons convenu d’étudier la sécurité et la défense dans l’Arctique, pris dans son sens large. Je vais vous poser une question. En réfléchissant à cette étude, au travail que nous avons à faire et aux recommandations que nous pourrions formuler, y a-t-il quelque chose que vous souhaitez voir dans notre rapport ou dans nos recommandations? Si vous n’y avez pas réfléchi, je comprends, mais si vous y avez réfléchi, ou si quelque chose vous vient à l’esprit en ce moment, dites-nous ce que vous souhaiteriez voir, comme observations ou recommandations, dans le rapport final.
Le sénateur Richards : Un meilleur service Internet, peut-être.
Le président : Ces gens ont beaucoup de bonnes idées. Je vous ai probablement pris un peu par surprise, mais s’il y a quelque chose qui vous vient à l’esprit, n’hésitez pas à nous le dire.
Mme Ellis : Monsieur le président, je vous suis très reconnaissante de m’avoir invitée à vous parler du point de vue du Yukon et d’avoir entrepris votre étude. J’aimerais que le Yukon et les autres territoires du Nord — avec les possibilités extraordinaires qu’ils offrent, mais aussi leurs défis — soient bien mis en valeur dans votre rapport. J’aimerais qu’on fasse une observation ou une recommandation pour que cette reconnaissance soit durable. J’aimerais que l’on continue d’insister sur l’importance du Nord, de ses habitants et de sa terre, ainsi que sur la sécurité et la souveraineté dans le Nord. Merci.
Le président : Merci.
Vos collègues ont-ils quelque chose à ajouter?
M. McGillis : Je répéterais ce qui vient d’être dit. Lorsque nous voyons ce qui se passe dans le Nord du point de vue de la police fédérale, au chapitre de la criminalité la plus grave, nous devrions mettre en évidence, comme l’a dit la surintendante Ellis, l’importance du Nord et de ses habitants. Nous devrions tous, dans le domaine de la sécurité nationale, être tenus de réfléchir sérieusement à ce qui résultera du changement climatique et à la manière dont s’exercera la souveraineté du Canada dans le Nord. Nous devons envisager sérieusement d’y renforcer notre présence et de commencer à regarder le Nord sous un angle différent de celui dont nous avons l’habitude depuis des décennies.
Le président : Merci.
Sur ce, je tiens à vous remercier, au nom des membres du comité, de vous être joints à nous aujourd’hui et de nous avoir fait connaître vos points de vue. C’est ce que vous nous laissez, et je crois que vous avez très bien réussi à les mettre en évidence. Nous vous en sommes reconnaissants. Nous remercions ceux qui se sont déplacés pour être avec nous aujourd’hui et qui nous ont fait profiter de leurs idées, de leur vaste expérience et de leur point de vue sur le Nord et, en particulier, sur les enjeux au Yukon.
Nous ne pouvons pas vous laisser partir sans vous remercier du travail que vous accomplissez jour après jour dans l’intérêt des Yukonnais et des Canadiens. C’est plus que louable. Je sais qu’on vous le dit, mais probablement pas assez souvent. Je tiens donc à vous le dire de nouveau ce soir au nom de tous les sénateurs qui ne sont pas ici et au nom des Canadiens.
Merci beaucoup. Notre discussion a été très profitable, et nous vous en sommes reconnaissants.
Chers collègues, notre prochaine réunion aura lieu lundi prochain, le 12 décembre 2022, à l’heure habituelle de 16 heures, heure de l’Est. Sur ce, je vous souhaite à tous une bonne soirée et un bon voyage.
(La séance est levée.)