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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 38e Législature,
Volume 142, Numéro 67

Le mardi 7 juin 2005
L'honorable Shirley Maheu, Présidente intérimaire


 

 

LE SÉNAT

Le mardi 7 juin 2005

La séance est ouverte à 13 h 30, la Présidente intérimaire étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

LE 61E ANNIVERSAIRE DU JOUR J

L'honorable Joseph A. Day : Les honorables sénateurs savent que 2005 est l'Année de l'ancien combattant. Elle coïncide avec le 60e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Je prends aujourd'hui la parole pour rappeler le courage dont les soldats alliés ont fait preuve pendant l'une des plus importantes batailles de la Seconde Guerre mondiale et les sacrifices qu'ils ont consentis. C'était hier le 61e anniversaire du jour J. C'était une journée pour laquelle les soldats avaient travaillé et s'étaient entraînés pendant des années, une journée qu'ils attendaient et préparaient depuis longtemps. Des batailles faisaient rage sur le front est, et les soldats se battaient depuis quelque temps en Italie, mais les soldats et officiers alliés estimaient nécessaire d'ouvrir un autre front.

L'armée allemande occupait 80 kilomètres de plages sablonneuses plutôt plates le long de la côte normande. Au réveil, le matin du 6 juin, les soldats allemands ont aperçu une vaste armada qui s'apprêtait à envahir la France occupée. Pendant la nuit du 5 juin 1944, les marines alliées — canadienne, britannique et américaine — avaient amené d'Angleterre une énorme flotte d'invasion. Ce qui s'est passé le matin du 6 juin 1944 a changé le cours de l'histoire.

Les forces alliées regroupées pour cette bataille comprenaient 155 000 soldats, 5 000 navires, 50 000 véhicules et 11 000 avions. La contribution du Canada, dont la population n'était alors que de 12 millions, comprenait 35 000 hommes engagés dans cette seule bataille, soit 14 000 soldats, 10 000 marins et environ 10 000 membres de l'Aviation royale du Canada qui ont pris place à bord d'avions de reconnaissance, de bombardiers Lancaster et de chasseurs Spitfire. Il y avait quatre plages en Normandie. Deux ont été prises par les Américains, une autre l'a été par les Britanniques et la dernière par les Canadiens. Cette plage conquise par les soldats canadiens a pris le nom de Juno Beach.

Au terme d'une journée de combats acharnés, la première ligne de défense nazie était enfoncée. Le soir, les troupes canadiennes avaient pénétré à l'intérieur des terres plus profondément que toutes les autres forces alliées. Ce fut une réalisation remarquable, mais ce succès du jour J a coûté cher. Ce jour-là, 340 Canadiens ont succombé, 570 autres ont été blessés, dont certains gravement, et 47 autres ont été faits prisonniers.

Pour ce qu'ils ont fait pour préserver notre mode de vie, notre liberté et les lois qui nous régissent, nous avons promis qu'au coucher du soleil et le matin, nous nous rappellerions d'eux.

L'honorable Michael A. Meighen : Honorables sénateurs, je suis très honoré de me joindre à mon collègue, le sénateur Day, et à d'autres sénateurs dans cette enceinte pour commémorer l'anniversaire du jour J, le 6 juin 1944.

À 5 heures environ, heure locale, en cette grande journée, le soleil s'est levé sur une chose incroyable, une immense flotte de navires canadiens, britanniques, américains et alliés transportant des milliers de soldats déterminés. Leur mission était d'apporter la liberté aux peuples de la France et du reste de l'Europe.

De nos jours, honorables sénateurs, Courseulles-sur-Mer est une destination populaire pour les baigneurs et ceux qui aiment se faire bronzer. Au lieu de soldats canadiens avançant dans l'eau face à des tirs meurtriers, il y a des enfants qui se baignent et qui jouent au bord de la mer. Les longues marées, les douces pentes et les dunes herbeuses de cette plage en font un endroit idéal pour passer des vacances. Il est difficile d'imaginer que cette très belle plage tranquille, qui avait pour nom de code Juno, a été le théâtre d'une bataille féroce. Il est presque impossible de s'imaginer à quel point la situation était bien différente il y a 61 ans. Les Canadiens qui avançaient à partir de la côte pour atteindre la campagne normande ont dû combattre avec une détermination, une persévérance et un courage rares.

[Français]

Aujourd'hui, le Centre Juno Beach se dresse à l'endroit même où les Canadiens ont débarqué. Cet édifice se veut comme un phare jetant sa lumière sur les remarquables contributions militaires et civiles du Canada, en France et ailleurs au cours de la Seconde Guerre mondiale, avec la mission d'en conserver le souvenir pour les générations futures.

Au fil des ans qui passent, il devient de plus en plus important de nous rappeler et d'honorer le sacrifice ultime de 5 400 Canadiens lors de la campagne de Normandie.

[Traduction]

Les vagues emportent peu à peu le sable de Juno Beach et il nous incombe de nous assurer que le temps ne fasse pas peu à peu disparaître le souvenir du 6 juin 1944. Les Canadiens de toutes les régions, ainsi que les générations de Canadiens à venir, ne doivent jamais oublier cet événement essentiel dans notre histoire. Le Centre Juno Beach cherche à sensibiliser les gens du monde entier à la contribution du Canada durant la Seconde Guerre mondiale, et nous devons nous aussi faire connaître à nos enfants et à nos petits-enfants le rôle que nous avons joué en tant que nation. En cette Année de l'ancien combattant, promettons-nous de ne jamais oublier.

JOHN ALLAN CAMERON

L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, lorsqu'on écoute la musique celte, on pense immédiatement à la Nouvelle- Écosse, et en particulier à l'île du Cap-Breton. En même temps, un des noms qui nous vient à l'esprit est celui de John Allan Cameron. Avant la famille Rankin ou Natalie MacMaster, il y a eu « Johnallan ».

(1410)

Digne fils du comté d'Inverness, John Allan a reçu un diagnostic de cancer de la moelle osseuse et de leucémie il y a trois mois. Afin de promouvoir une collecte de fonds pour son traitement, de nombreux artistes de toutes les provinces maritimes et même de tout le Canada ont convergé vers la province et ont planifié trois concerts bénéfices à Glace Bay, Mabou et Halifax.

Honorables sénateurs, étant donné qu'il fait partie intégrante du monde de la musique au Canada, il ne faut pas s'étonner de cet élan de générosité envers John Allan, qui lutte pour préserver sa bonne humeur et sa détermination. Cette générosité était très évidente, car sa présence commande toujours un auditoire — tous les spectacles sont à guichets fermés.

Cela me rappelle un incident survenu il y a quelques années, au cours de l'événement « An Evening in the Maritimes », qui a eu lieu ici à Ottawa et auquel ont assisté de nombreux sénateurs. Le sénateur Buchanan, John Allan et moi étions sur la scène du Centre des congrès en train de chanter Out On the Mira, une des ritournelles que tous les Néo-Écossais connaissent par coeur. Je me souviens de la réaction du public — pas face à moi ni face au sénateur Buchanan, n'en déplaise au sénateur Buchanan — face à John Allan. Ce n'est pas pour rien qu'on l'a surnommé le parrain de la musique celtique.

Honorables sénateurs, jouer une guitare à 12 cordes n'est certes pas facile, mais John Allan est un véritable maître. Son esprit vif et son sourire éclatant ont conquis ceux qui ignoraient que la musique celtique pouvait être aussi excitante et « cool ». On le reconnaît toujours à son cri typique, « Yes! », au cours de concerts ou en accompagnement des chansons.

Honorables sénateurs, on peut parler de véritable testament d'une personne quand on voit ses collègues se préoccuper autant de son bien-être.

Lorsque je siégeais au conseil d'administration de la Fondation canadienne du rein, John Allan a aidé la Fondation en donnant des concerts spontanément et gratuitement partout au Canada.

Je profite de l'occasion pour souhaiter à John Allan une convalescence rapide et espérer qu'il continuera pendant de nombreuses années encore à giguer en s'accompagnant de ses entraînants cris de joie. Il nous a appris à admirer ce genre.

LE FONDS INTERNATIONAL POUR L'IRLANDE

L'honorable Donald H. Oliver : Honorables sénateurs, j'ai appris avec plaisir le 19 mai que le Canada augmentait sa contribution financière annuelle au Fonds international pour l'Irlande. Le Fonds international pour l'Irlande est une entité indépendante créée en 1986 par les gouvernements britannique et irlandais. Ses objectifs consistent à promouvoir le progrès économique et social et à encourager la prise de contact, le dialogue et la réconciliation entre les nationalistes et les unionistes de toute l'Irlande.

Le Canada contribue au Fonds international pour l'Irlande depuis 1987. Nous y versons actuellement 333 000 $ par an. Le Canada s'est engagé à porter ce montant à 500 000 $ par an pour les quatre prochaines années, ce qui totalisera 2 millions de dollars en 2009.

Le président du Fonds international pour l'Irlande, Dennis Rooney, dit que cette augmentation est « extrêmement importante car c'est une preuve tangible de l'engagement durable du Canada à l'égard d'un avenir paisible pour l'Irlande ».

Honorables sénateurs, du 25 février au 5 mars cette année, j'ai participé à une délégation de parlementaires de tous les partis qui s'est rendue à Belfast et à Dublin, en Irlande, pour voir l'évolution du processus de paix en Irlande du Nord. Au sein de la délégation se trouvaient le sénateur David Smith, Roger Valley, Jason Kenney, Bill Blaikie, Monique Guay et Pat O'Brien.

En Irlande, nous avons pu voir par nous-mêmes les effets du conflit violent qui oppose catholiques et protestants en Irlande du Nord et qui rend la vie impossible dans ce pays depuis des décennies. Nous avons également pu mener des consultations auprès de parlementaires irlandais et de leaders de la collectivité qui sont encore bouleversés par le meurtre violent de Robert McCartney par des membres de l'Armée républicaine irlandaise, dit-on. Ce meurtre aura un effet permanent sur les divisions culturelles et religieuses en Irlande du Nord.

Honorables sénateurs, pendant près de 20 ans, le Canada a été l'un des bailleurs de fonds les plus importants du Fonds international pour l'Irlande. La dernière augmentation de sa contribution financière à ce dernier va permettre au Canada de continuer à jouer un rôle important dans le processus de paix en Irlande.

LA SEMAINE DE L'ENVIRONNEMENT

L'honorable Tommy Banks : Honorables sénateurs, la Semaine de l'environnement se déroule du 5 au 11 juin. Pendant cette semaine, nous songeons aux mesures que les Canadiens peuvent prendre pour rendre le Canada plus écologique. En qualité de président du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, je ferais preuve de négligence si je ne mentionnais pas que nous devons tous donner l'exemple, non seulement pendant cette semaine mais également pendant toute l'année.

Je veux vous entretenir du Défi Transport. Il s'agit d'un événement national qui incite les gens à se déplacer, pendant cette semaine, d'une façon écologique puis de faire part de leur expérience. C'est un concours amical qui se déroule au sein des entreprises et des institutions et je suggère que nous y participions.

Le Sénat fait en général concurrence, pour cette épreuve, à l'autre endroit, à la Bibliothèque du Parlement et au ministère des Travaux publics. Par le passé, nous n'avons certes pas eu l'occasion de nous vanter, même si nous sommes censés donner l'exemple.

Cette année, j'encourage tous les sénateurs et leurs employés à participer à l'événement. Tout d'abord, il nous faut déterminer une façon écologique de nous rendre au travail. Venir dans un VUS vert ne compte pas. Nous pouvons faire le trajet à pied, comme j'ai la chance de le faire, utiliser les transports en commun ou faire du covoiturage : il doit alors y avoir au moins deux personnes par véhicule. Ceux qui souhaitent participer peuvent s'inscrire au Défi Transport. La façon la plus simple consiste à communiquer avec mon adjoint, Tom Smith. Puis, notez la méthode que vous utilisez pour vous rendre au travail pendant la semaine et, bien entendu, continuez à employer cette méthode le reste de votre vie.

Les participants à cet événement peuvent gagner différents prix, notamment des produits écologiques ou du matériel de loisir.

J'invite personnellement chacun des sénateurs à participer au Défi Transport pendant la Semaine de l'environnement, et même après, et à consigner par écrit ce qu'ils ont fait. J'espère qu'au moins la moitié des sénateurs vont répondre à mon appel et qu'ainsi je pourrai vanter les réalisations du Sénat dans le cadre de ce défi, ce que je n'ai pas pu faire ces dernières années.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

LE COMMISSAIRE À L'INFORMATION

DÉPÔT DU RAPPORT ANNUEL 2004-2005

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer au Parlement le Rapport annuel du commissaire à l'information du Canada pour la période s'échelonnant du 1er avril 2004 au 31 mars 2005.

[Traduction]

DÉPÔT DE L'ACCORD SUR LES REVENDICATIONS TERRITORIALES DES INUIT DU LABRADOR ET DE L'ACCORD SUR LE TRAITEMENT FISCAL DES INUIT DU LABRADOR

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, l'Accord sur les revendications territoriales des Inuit du Labrador, signé le 22 janvier 2005, au nom des Inuit du Labrador, de Sa Majesté la Reine du chef de Terre-Neuve-et- Labrador et de Sa Majesté la Reine du chef du Canada.

J'ai aussi l'honneur de déposer l'Accord sur le traitement fiscal des Inuit du Labrador, signé au nom des Inuit du Labrador le 15 mars 2005, au nom de Sa Majesté la Reine du chef de Terre-Neuve-et- Labrador le 24 mars 2005, et au nom de Sa Majesté la Reine du chef du Canada le 12 avril 2005.

[Français]

DÉFENSE NATIONALE

DÉPÔT DE LA RÉPONSE AU RAPPORT DU COMITÉ PERMANENT DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES ANCIENS COMBATTANTS DE LA CHAMBRE DES COMMUNES

L'honorable Bill Rompkey, (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, une copie d'un document intitulé Rapport annuel de l'année financière 2003-2004 du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattant sur la qualité de vie dans les Forces canadiennes.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

LA LOI SUR LA DÉFENSE NATIONALE
LE CODE CRIMINEL
LA LOI SUR L'ENREGISTREMENT DE RENSEIGNEMENTS SUR LES DÉLINQUANTS SEXUELS
LA LOI SUR LE CASIER JUDICIAIRE

PROJET DE LOI MODIFICATIF—PREMIÈRE LECTURE

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement) présente le projet de loi S-39, Loi modifiant la Loi sur la défense nationale, le Code criminel, la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels et la Loi sur le casier judiciaire.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Rompkey, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après- demain.)

(1420)

[Français]

SÉCURITÉ NATIONALE ET DÉFENSE

AVIS DE MOTION VISANT À AUTORISER LE COMITÉ À SIÉGER EN MÊME TEMPS QUE LE SÉNAT

L'honorable Pierre Claude Nolin : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense soit autorisé à siéger les 20, 21 et 22 juin 2005, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard; et

Que si le Sénat est ajourné à ce moment-là pendant plus d'une semaine, le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense soit autorisé, en conformité avec le paragraphe 95(3) du Règlement, à siéger les 20, 21 et 22 juin 2005.

AVIS DE MOTION VISANT À AUTORISER LE COMITÉ À SIÉGER PENDANT L'AJOURNEMENT DU SÉNAT

L'honorable Pierre Claude Nolin : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense soit autorisé, en conformité avec le paragraphe 95(3) du Règlement, à siéger les 14, 15 et 16 septembre 2005, même si le Sénat est ajourné à ce moment-là pendant plus d'une semaine.

[Traduction]

AVIS DE MOTION VISANT À AUTORISER LE COMITÉ À REPORTER LA DATE LIMITE DE PRÉSENTATION DE SON RAPPORT FINAL CONCERNANT L'ÉTUDE SUR LES PRESTATIONS ET SERVICES OFFERTS AUX ANCIENS COMBATTANTS, LES ACTIVITÉS COMMÉMORATIVES ET LA CHARTE

L'honorable Michael A. Meighen : Honorables sénateurs, je donne avis qu'à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant l'ordre du Sénat adopté le 4 novembre 2004, la date limite de présentation du rapport final du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense sur les prestations et services offerts aux anciens combattants, les activités commémoratives et la charte soit reportée du 30juin 2005 au 31 mars 2006.

LES REJETS DE MUNITIONS ET LES ESSAIS SISMIQUES EN MER

AVIS D'INTERPELLATION

L'honorable Gerard A. Phalen : Honorables sénateurs, conformément au paragraphe 57(2) du Règlement du Sénat, je donne avis que, mardi prochain, le 14 juin 2005 :

J'attirerai l'attention du Sénat sur les rejets de munitions et les essais sismiques en mer.


PÉRIODE DES QUESTIONS

L'ENVIRONNEMENT

LE TREIZIÈME BULLETIN DE NOTES ANNUEL DU SIERRA CLUB SUR LE PROTOCOLE DE KYOTO

L'honorable Terry Stratton (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, le Sierra Club du Canada vient de publier son treizième bulletin de notes annuel RIO pour 2005, qui évalue les gouvernements en fonction de leur respect des engagements pris au Sommet de la Terre de Rio, en 1992. Le rapport a attribué des notes d'échec aux libéraux de Paul Martin dans de nombreux domaines. Ma question est la suivante : le leader du gouvernement a-t-il pris connaissance du rapport? Si oui, que pense-t-il de son contenu?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je n'ai pas pris connaissance du rapport. Je ne l'ai pas lu et je ne peux donc pas formuler de commentaires sur son contenu.

Le sénateur Stratton : Le Canada n'a pas respecté les engagements qu'il a pris au Sommet de Rio. Par exemple, le rapport signale des progrès au chapitre des changements climatiques, mais il nous attribue des notes d'échec pour notre politique des pêches, nos efforts destinés à faire en sorte que le commerce et l'environnement se soutiennent mutuellement et notre engagement à réviser nos politiques relatives aux produits antiparasitaires et toxiques. Le plan révisé sur les changements climatiques est une amélioration, mais il faut en faire beaucoup plus pour honorer nos engagements en vertu du Protocole de Kyoto. Les mots clés sont « engagements de Kyoto ». Le gouvernement Martin doit également affronter la menace des produits chimiques toxiques pour la santé humaine et apporter des changements radicaux à notre politique des pêches.

Le Canada n'a pas encore signé le traité des Nations Unies sur la biodiversité, même s'il s'en était fait le champion au Sommet de la Terre. La Convention sur la biodiversité a pour but de freiner l'extinction des espèces dans le monde. Le leader du gouvernement au Sénat a-t-il des renseignements quelconques sur les obstacles qui nous empêchent de ratifier ce traité et, si oui, quels sont les problèmes qui se posent?

Le sénateur Austin : Je prends note de la question, honorables sénateurs.

LES SOCIÉTÉS D'ÉTAT ET LES ORGANISMES FÉDÉRAUX

LA REPRÉSENTATION DES MINORITÉS VISIBLES DANS LES CONSEILS D'ADMINISTRATION

L'honorable Donald H. Oliver : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Jeudi dernier, j'ai attiré l'attention des sénateurs sur le fait qu'il n'y a aucun représentant des minorités visibles au conseil d'administration du Conseil des Arts du Canada. Cet organisme national indépendant, qui relève de la ministre du Patrimoine canadien, a été créé par voie législative en 1957 et a spécifiquement pour mandat d'encourager l'engagement des minorités visibles, des Autochtones et des immigrants dans la population active du secteur des arts au Canada.

Honorables sénateurs, comme le Conseil des Arts du Canada, le Centre national des Arts relève du Parlement par l'entremise de l'honorable ministre du Patrimoine canadien, Liza Frulla. Le conseil d'administration du CNA compte huit membres, ainsi que deux membres nommés d'office et cinq membres extérieurs. Pas un seul de ces 15 administrateurs ne fait partie des minorités visibles.

Le leader du gouvernement croit-il qu'il devrait y avoir une représentation des minorités visibles dans les conseils d'administration des importants organismes publics? Si c'est le cas, s'engagera-t-il à intervenir auprès de ses collègues du Cabinet pour essayer de remédier à cette situation, de façon que les organismes fédéraux reflètent mieux la mosaïque multiculturelle du Canada?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, mon opinion personnelle est très claire : je crois qu'on ne devrait empêcher aucun Canadien compétent d'être nommé à un tribunal, à une société d'État ou à un autre organisme du gouvernement du Canada. Je crois en outre qu'un certain nombre de personnes désignées comme membres des minorités visibles ont les compétences voulues pour faire partie du Conseil des Arts. Je vais sûrement appuyer la position du sénateur Oliver lorsque le gouverneur en conseil envisagera des nominations à cet organisme ou à d'autres.

En réponse aux taquineries de l'autre côté, je ne rappellerai pas la fameuse affirmation de l'ancien premier ministre Mulroney concernant la nomination de libéraux.

Le sénateur Oliver : Je remercie l'honorable sénateur de sa question. C'est très encourageant.

LE SÉNAT

LE PRÉSIDENT—LES DÉLÉGATIONS DE PARLEMENTAIRES À L'ÉTRANGER—LA REPRÉSENTATION DES MINORITÉS VISIBLES

L'honorable Donald H. Oliver : Le poste de Président du Sénat occupe le quatrième rang dans la hiérarchie après ceux de gouverneur général, de premier ministre et de juge en chef de la Cour suprême du Canada. Le Président du Sénat est nommé par le premier ministre du Canada, dont il relève. À cet égard, il remplit son rôle protocolaire en accueillant les chefs d'État ou de gouvernement de passage au Canada dans ses appartements, en compagnie d'autres parlementaires et représentants du gouvernement. Le Président du Sénat a également le privilège de représenter le Parlement et le gouvernement du Canada à l'étranger. Bref, le Président est souvent l'image du Canada lorsqu'il se rend à l'étranger pour renforcer les relations qu'entretient le pays avec le reste du monde.

Selon son site web officiel, le Président du Sénat a participé à 30 voyages à l'étranger depuis juin 2001 et visité au moins 46 pays. Toujours selon ce site, des sénateurs appartenant à des minorités visibles l'ont accompagné à deux occasions seulement. On peut constater également qu'aucune personne appartenant à une minorité visible n'a accompagné le Président du Sénat dans ses visites au cours des 19 derniers mois.

Honorables sénateurs, le Canada doit se présenter comme un pays multiethnique et multiculturel. Les visites officielles du Président du Sénat sont l'occasion idéale pour présenter au monde le caractère multiculturel du Canada, notamment pour ce qui est de ses importants peuples autochtones. Le leader du gouvernement au Sénat prendra-t-il les moyens nécessaires pour s'assurer que dorénavant, dans ses déplacements à l'étranger, le Président du Sénat pourra être accompagné d'une délégation qui reflète la véritable composition ethnique du Canada, ce qui comprend les Autochtones et les autres minorités visibles?

(1430)

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je dois préciser que le choix par le Président du Sénat des personnes qui peuvent l'accompagner ne relève pas de mes responsabilités. C'est au Président qu'il appartient de prendre sa décision concernant les personnes qui feront partie de sa délégation. La composition de ces délégations n'est pas déterminée par le gouvernement et, pour autant que je sache, ce n'est pas non plus le rôle du leader de l'opposition. Du reste, c'est au Président qu'il conviendrait de poser la question.

LES NOMINATIONS DE SÉNATEURS—LA REPRÉSENTATION FÉMININE

L'honorable Marcel Prud'homme : J'ai une question complémentaire, honorables sénateurs. Nous avons actuellement sept vacances au Sénat. Ce chiffre passera à huit dès la semaine prochaine, puis à 12 d'ici Noël.

Voir le Canada accéder au titre de premier pays au monde à parvenir à l'égalité entre les femmes et les hommes au Parlement — qu'il y ait un équilibre au Sénat : c'est là l'un des mes vœux les plus chers. Le très honorable Jean Chrétien avait fait de bons efforts en ce sens, qui devraient être poursuivis.

Comme nous le savons, deux de nos anciens collègues, MM. Laurier LaPierre et Jean-Robert Gauthier, ont eu deux excellents remplaçants. Dans un cas, il s'agit d'une femme et cela me plaît, parce que cela répond à un de mes souhaits. Dans l'autre cas, comme il s'agit d'un ancien collègue, je ne ferai aucune observation. Je ne peux dire un mot sur un ancien collègue.

Je voudrais bien être pris au sérieux par cette bande de sénateurs machos qui se marrent en ce moment.

Cela fait des années que je souhaite l'égalité des nombres au Sénat. D'ici à ce que les Canadiens décident de ce qu'ils veulent faire du Sénat, de la manière d'élire les sénateurs et de la manière de réformer le Sénat, le fait d'avoir à combler les postes qui sont vacants et ceux qui le deviendront est une occasion en or d'assurer cette égalité au Sénat.

Quiconque a regardé la télévision hier soir a constaté à quel point on traitait mal les femmes en Colombie-Britannique. Quiconque est allé au Manitoba connaît le traitement incroyable que doivent subir les Premières nations. Les Premières nations, c'est 13 p. 100 de la population du Manitoba. Cependant, honorables sénateurs, je regrette de devoir dire que les membres des Premières nations représentent plus de 48 ou 49 p. 100 des personnes en prison. C'est la même chose en Saskatchewan.

Je crois fermement que les femmes ont un sens du devoir que les hommes ne possèdent pas.

Encore une fois, je prie le leader du gouvernement au Sénat de rappeler au premier ministre et au Cabinet qu'il existe une possibilité — le premier ministre Paul Martin a la possibilité — de poursuivre la tradition de M. Chrétien et de nommer des femmes au Sénat. D'ici à la semaine prochaine, il y aura quatre postes vacants au Québec, et rien ne se fait.

Je ne suis pas en train de proposer des noms. Je voudrais simplement avoir l'assurance qu'on songe à nommer des femmes à ces postes, parce que les femmes sont très dévouées. Il y a des candidates au sein des Premières nations, ainsi que des femmes spécialistes du droit du Québec.

Je demande au leader de bien vouloir transmettre ce message au premier ministre.

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Les sénateurs auront remarqué que, dans le seul groupe de nominations au Sénat que le premier ministre a faites jusqu'à maintenant, quatre postes sur neuf sont allés à des femmes.

Néanmoins, je me ferai un plaisir de transmettre au premier ministre un résumé des observations du sénateur Prud'homme.

LES FINANCES

LE BUDGET DE 2005—LA CRÉATION, LA VÉRIFICATION ET LE FINANCEMENT DE FONDATIONS

L'honorable David Tkachuk : Depuis 1997, le gouvernement a souvent eu recours à des fondations comme moyen de dépenser des crédits qui autrement auraient été périmés en fin d'exercice. Il en a créé un certain nombre en légiférant, mais la plupart du temps il les a simplement incorporées aux termes de la Loi sur les corporations canadiennes.

En vertu de l'accord entre le gouvernement et le NPD, qui prévoit la dépense de sommes importantes lorsqu'on connaîtra avec certitude les excédents des exercices en cours et à venir, le projet de loi C-48, ou « projet de loi du budget du NPD », renferme une disposition autorisant le gouvernement à acquérir des corporations ou à en créer de nouvelles afin de réaliser l'accord. Le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il donner des précisions sur l'objet de ces nouvelles corporations ou fondations?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je vais prendre la question en considération. De toute évidence, quand le projet de loi arrivera au Sénat, nous aurons accès à tous les renseignements.

Le sénateur Tkachuk : Aux termes du principal projet de loi d'exécution du budget, le vérificateur général effectuera des vérifications de la conformité et du rendement auprès des fondations recevant plus de 100 millions de dollars de fonds publics sur une période de cinq ans. Pourquoi le gouvernement fixe- t-il un seuil si élevé? Une étude a-t-elle été réalisée par le ministère des Finances ou le Bureau du Conseil privé avant que ce seuil soit fixé à 100 millions de dollars — plutôt qu'à 25 millions, 50 millions ou 75 millions de dollars?

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, je vais me renseigner dans l'espoir de pouvoir répondre rapidement au sénateur Tkachuk.

Le sénateur Tkachuk : Le gouvernement, également par l'entremise du principal projet de loi d'exécution du budget, le projet de loi C- 43, va verser des fonds supplémentaires à plusieurs fondations : 40 millions de dollars à la Fondation autochtone de guérison, 50 millions à la Fondation Asie Pacifique du Canada, 30 millions aux Académies canadiennes des sciences, 10 millions à la Fondation canadienne des jeunes entrepreneurs, 165 millions à Génome Canada et 20 millions à Precarn Inc. Sauf en ce qui concerne les fonds destinés à Génome Canada, qui s'élèvent à 165 millions de dollars, toutes ces subventions sont inférieures à 100 millions de dollars.

Est-ce que le gouvernement exige que ces fondations se soumettent à une vérification du rendement de la part du vérificateur général?

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, je vais devoir me renseigner au sujet des accords qui ont été conclus entre ces fondations et le gouvernement du Canada en ce qui concerne la vérification du rendement; je pourrai ensuite répondre au sénateur Tkachuk.

LA JUSTICE

LA LOI SUR L'ACCÈS À L'INFORMATION—MESURE LÉGISLATIVE MODIFICATIVE

L'honorable Marjory LeBreton : Honorables sénateurs, plus de six ans se sont écoulés depuis que l'ancienne ministre de la Justice, Anne McLellan, a indiqué au Parlement dans le rapport de son ministère de 1999-2000 sur les plans et les priorités que ses fonctionnaires travaillaient à des modifications à apporter à la Loi sur l'accès à l'information. Il y a maintenant près de cinq ans, la ministre d'alors a annoncé, en août 2000, qu'un groupe de travail allait passer en revue la loi. Il y a plus de trois ans, soit en juin 2002, l'ancien ministre de la Justice, Martin Cauchon, a publié les résultats de cet examen.

La semaine dernière, l'actuel ministre de la Justice, Irwin Cotler, a déclaré à l'Association canadienne des journaux que le gouvernement n'allait pas présenter de projet de loi, mais plutôt un avant-projet de loi à l'automne. Étant donné que le premier ministre a promis de déclencher les élections dès que le rapport de la Commission Gomery sera rendu public, il est presque impossible que le gouvernement modifie la Loi sur l'accès à l'information avant les prochaines élections.

Le leader du gouvernement au Sénat peut-il t indiquer au Sénat la raison pour laquelle, six ans après avoir promis de réviser ce qui est de toute évidence une loi désuète comportant un trop grand nombre d'exemptions, et trois ans après avoir pris connaissance des résultats d'un examen de la loi, le ministre de la Justice ne peut pas, ou ne veut pas, s'engager à promettre autre chose qu'un avant-projet de loi?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, la question de l'accès à l'information est fort complexe et elle concerne bien des gens. Le gouvernement travaille à l'élaboration d'un avant-projet de loi et traite avec les parties concernées. J'espérais que le gouvernement puisse présenter des modifications avant la fin du mois, voire une mesure législative entièrement nouvelle, mais cela ne semble pas être le cas.

En ce qui a trait à la cause de cette situation, je vais me renseigner.

LA LOI SUR L'ACCÈS À L'INFORMATION—MESURE LÉGISLATIVE VISANT À INCLURE LES SOCIÉTÉS D'ÉTAT

L'honorable Marjory LeBreton : Honorables sénateurs, il y a quelques mois, le président du Conseil du Trésor a annoncé plusieurs mesures que le gouvernement prévoit prendre pour améliorer la gouvernance et la reddition des comptes des sociétés d'État, notamment la modification de la Loi sur l'accès à l'information afin que celle-ci englobe plusieurs sociétés d'État qui, actuellement, échappent à son application. À l'époque, on nous avait dit que le gouvernement agirait avec célérité dans la mise en œuvre de ces mesures.

Si le gouvernement n'est pas disposé à modifier la loi maintenant, pourquoi ne prend-il pas des mesures immédiates qui pourraient élargir la portée de la loi existante afin qu'elle vise toutes les sociétés d'État et qu'on puisse s'assurer que toute nouvelle société d'État, par exemple celles envisagées dans la loi d'exécution du budget néo- démocrate, relève de la Loi sur l'accès à l'information?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je voudrais dire, en réponse à cette question, que je ferai des recherches. Je remercie madame le sénateur LeBreton pour son appui à une étude accélérée de ces mesures législatives.

L'AGENCE CANADIENNE D'INSPECTION DES ALIMENTS

L'ENTREPRISE AQUACOLE DE CAMPBELL RIVER—LA PRÉSENCE DE TRACES DE VERT DE MALACHITE DANS LE SAUMON QUINNAT

L'honorable Gerry St. Germain : Honorables sénateurs, ma question s'adresse également au leader du gouvernement au Sénat. Elle porte sur la découverte de traces d'un produit chimique interdit, le vert de malachite, qui est soupçonné d'être cancérigène, dans le saumon quinnat produit par une entreprise aquacole de la Colombie- Britannique.

Dès la découverte de ce fongicide interdit, l'Agence canadienne d'inspection des aliments a immédiatement ordonné le rappel du saumon expédié pour transformation. Même si plus de 35 000 poissons contaminés ont été détruits avant d'être vendus à des consommateurs, les responsables ont été incapables de retrouver et de rappeler quelque 85 000 saumons. Autrement dit, une partie du poisson a été consommée par des Canadiens.

(1440)

Est-ce que le leader du gouvernement au Sénat peut vous faire part des derniers développements concernant les efforts déployés par l'ACIA pour trouver comment ce produit interdit a pu être ingéré par le saumon quinnat produit à Campbell River?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Je serai heureux de communiquer à la Chambre toute information que le gouvernement possède à ce sujet. Les premiers rapports révèlent que l'entreprise d'aquaculture en cause n'a pu donner aucune explication de la présence du vert de malachite dans son poisson d'élevage.

L'affaire a suscité des préoccupations, moins à cause de questions immédiates de santé que pour des raisons liées au processus d'aquaculture. Pour ceux qui ne le savent pas, ce produit chimique particulier est conçu pour détruire le pou du poisson. Comme le sénateur St. Germain l'a dit, il est cancérigène. Je chercherai à obtenir d'autres renseignements à ce sujet.

Le sénateur St. Germain : Comme l'honorable sénateur le sait, l'aquaculture est actuellement la cible de certaines attaques. Il va sans dire que la situation peut s'aggraver s'il y a des difficultés. L'ACIA a ordonné le rappel du saumon expédié pour transformation, mais aucun avertissement public n'a été donné.

S'il ne peut pas répondre tout de suite à cette question, le ministre peut-il découvrir dans quelle mesure ce produit chimique est carcinogène et s'il met en danger la santé des gens qui ont consommé les 85 000 poissons qu'on n'a pas retrouvés? Le leader du gouvernement au Sénat peut-il nous informer de la politique de l'ACIA en matière d'avertissements publics? Apparemment, il n'y a pas eu d'avertissement. Il y a peut-être une raison. Peut-être n'était- ce pas nécessaire. Toutefois, je crois que le public a le droit de savoir. Ce serait un bon moyen de découvrir ce qui s'est réellement passé.

Le sénateur Austin : Je suis d'accord avec le sénateur St. Germain. La politique de l'Agence canadienne d'inspection des aliments en matière de mise en garde du public devrait être mieux connue, et je m'emploierai à fournir cette information au Sénat.

LES TRAVAUX DU SÉNAT

L'honorable Noël A. Kinsella (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, j'attire l'attention du Sénat sur le paragraphe 24(1) du Règlement du Sénat. Cet article stipule ce qui suit :

Lorsque le Président annonce la période des questions, un sénateur peut, sans préavis, adresser une question orale :

a) au leader du gouvernement au Sénat, s'il s'agit d'une question relative aux affaires publiques,

b) à un sénateur qui est aussi ministre, s'il s'agit d'une question relative à sa charge ministérielle [...]

Le leader du gouvernement au Sénat se rend disponible sur une base régulière au Sénat, ce dont les sénateurs de ce côté-ci lui savent gré. Il s'absente rarement.

De ce côté-ci, nous attirons aussi l'attention du Sénat sur l'alinéa 24(1)c) qui indique qu'un sénateur peut poser une question au président d'un comité. Il se trouve que j'ai depuis quelque temps une question à poser au président d'un comité et que cette personne est toujours absente.

Le sénateur Mercer : De qui s'agit-il?

Le sénateur St. Germain : Du sénateur Mercer.

Le sénateur Kinsella : Je veux taire son nom. Je ne veux pas attirer l'attention du Sénat sur lui. Je demande à Son Honneur d'agréer avec mon interprétation du Règlement, à savoir que les sénateurs ont le droit de poser des questions aux présidents des comités. Cet article est assorti d'une condition indispensable, soit la présence du président du comité.

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, au sujet de ce recours au Règlement, permettez-moi d'expliquer clairement que le Sénat a autorisé le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie à tenir des audiences aux quatre coins du Canada dans le cadre de son étude sur la santé mentale. Par conséquent, le président de ce comité s'est absenté avec l'approbation du Sénat. Je sais que mon honorable ami n'a nommé personne en particulier.

Le sénateur Kinsella : Ce n'est pas au président de ce comité-là que je voulais poser une question.

Le sénateur Austin : J'en suis fort aise. Il est parfois très difficile de donner une réponse utile si la question est d'une nature tellement générale qu'il est difficile de savoir exactement ce qu'elle signifie.

Le sénateur St. Germain : Il y en a plus d'un qui a décidé de faire l'école buissonnière.

L'honorable Anne C. Cools : Votre Honneur, j'ai entendu le sénateur Austin parler d'un recours au Règlement. Est-ce un recours au Règlement? Y a-t-il un recours au Règlement? Le sénateur Kinsella me dit que non. Il n'y a pas de recours au Règlement. Il ne voulait qu'attirer l'attention sur la règle. Pas de problème.


[Français]

ORDRE DU JOUR

PROJET DE LOI SUR LES PONTS NÉCESSAIRES AU PARACHÈVEMENT DE L'AUTOROUTE 30

DEUXIÈME LECTURE

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur De Bané, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Smith, C.P., tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-31, Loi autorisant la construction et l'entretien d'un pont franchissant le fleuve Saint-Laurent et d'un pont franchissant le canal de Beauharnois en vue du parachèvement de l'autoroute 30.

L'honorable Pierre Claude Nolin : Honorables sénateurs, il me fait plaisir de prendre la parole à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi S-31, qui autorise la construction de deux ponts enjambant le fleuve Saint-Laurent nécessaires au parachèvement de l'autoroute 30.

D'entrée de jeu, la population et les principaux acteurs du développement économique de la région du Suroît attendent impatiemment, depuis près d'une quarantaine d'années, la conclusion de ce grand projet autoroutier dont la construction a débuté en 1968.

Honorable sénateurs, je n'ai pas l'intention d'expliquer dans les moindres détails les dispositions du projet de loi S-31. Le sénateur De Bané l'a très bien fait le 16 mai dernier.

J'aimerais plutôt réitérer la nécessité pour les gouvernements du Canada et du Québec de coopérer afin que l'autoroute 30 puisse soulager le réseau routier de la région métropolitaine de Montréal.

C'est au début des années 1960 qu'est né le projet de construction d'une autoroute reliant les municipalités industrielles de la rive sud du fleuve Saint-Laurent.

L'autoroute de l'acier, comme on l'a surnommé en 1977, devait relier les villes de Bécancour, au sud de Trois-Rivières, et de Valleyfield, à l'autre extrémité, au sud-ouest de Montréal.

Le but de ce nouvel axe autoroutier était de remplacer la route 132 — pour ceux qui sont familiers avec la région de Montréal — comme lien interrégional et d'assurer, pour la rive sud, un lien rapide et sécuritaire favorisant les déplacements en périphérie de Montréal et pouvant soutenir le développement économique de la Montérégie.

Il s'agit là d'un élément non négligeable puisque l'autoroute 30 permettrait de soutenir le développement économique des villes de Valleyfield et de la région de Melocheville-Beauharnois, en brisant l'isolement relatif auquel elles sont présentement malheureusement confinées.

Ainsi, entre 1968 et 1996, divers tronçons discontinus de cette voie rapide furent construits par le gouvernement du Québec. Au cours de cette période, celui reliant la municipalité de Sorel-Tracy à celle de Candiac a été achevé, tout comme le tronçon qui contourne la réserve amérindienne de Kahnawake afin de relier les villes de Sainte-Catherine et de Châteauguay.

Selon l'échéancier élaboré au début des années 1960, le projet devait être complété en 1980.

(1450)

Vingt-cinq ans plus tard, il manque toujours deux tronçons importants pour qu'il soit terminé, soit ceux qui relient les villes de Candiac et Sainte-Catherine — sur une distance de 8 kilomètres — d'une part, et les municipalités de Châteauguay, Valleyfield et Vaudreuil-Dorion — 42 kilomètres — d'autre part.

Honorables sénateurs, vous avouerez que le temps presse!

Contrairement à Toronto, Québec ou Winnipeg, la région métropolitaine de Montréal ne dispose pas d'une voie de contournement et ce, même si elle constitue une plaque tournante des échanges commerciaux entre l'Ontario et les États-Unis, d'un côté, et l'est du pays de l'autre.

À vrai dire, l'agglomération montréalaise ne dispose que d'un seul lien direct et continu dans l'axe est-ouest. Il s'agit de l'autoroute métropolitaine, située en plein cœur de l'île de Montréal et d'un réseau routier malheureusement très dense et devenu désuet.

En mars 1995, une étude réalisée par le ministère des Transports du Québec indiquait que, d'ici 2016, l'autoroute métropolitaine ne pourra plus répondre à tous les nouveaux besoins de déplacements des personnes et des marchandises.

Honorables sénateurs, l'économie de Montréal et de la Montérégie souffrira de cette situation, et pour cause. Près de 85 p. 100 des exportations de biens manufacturés de la grande région métropolitaine proviennent de Montréal et de la Montérégie. De plus, 90 p. 100 des produits que l'on trouve partout au Québec proviennent de ces deux régions tout comme 73 p. 100 des exportations québécoises vers les États-Unis et 87 p. 100 de ces exportations vers l'Ontario et l'Ouest canadien.

En 2000, des données fournies au gouvernement fédéral par le Groupe Roche-Deluc, des experts-conseils, rappelaient que cette situation inquiétante coûtait déjà très cher à l'économie de la grande région métropolitaine.

Dans la seule région de Montréal, il évaluait à plus de 500 millions de dollars chaque année les pertes de productivité économique engendrées par la congestion routière.

Deux ans plus tard, en 2002, la Société des ponts fédéraux Limitée — un organisme fédéral qui gère notamment les ponts Champlain et Jacques-Cartier — confirmait que la situation, loin de s'améliorer, se allait se détériorer si aucune voie de contournement n'était construite d'ici 2010.

Dans un rapport hautement médiatisé, on pouvait lire que, d'ici 15 ans, le pont Champlain devra être reconstruit en raison du stress permanent occasionné par le passage de plus de quatre millions de camions par année.

Selon cette société fédérale, près de la moitié des 4,3 millions de véhicules lourds qui utilisent cet axe de circulation chaque année n'auraient pas besoin de transiter par l'île de Montréal si l'autoroute 30 était complétée.

En exhortant les gouvernements du Canada et du Québec à coopérer afin de relancer ce vaste chantier routier, la Société des ponts fédéraux ne faisait que joindre sa voix à celles de l'organisme Montréal International, du Comité d'action régional pour l'autoroute 30, de l'Association du camionnage du Québec et de la Coalition pour le renouvellement des infrastructures.

Non seulement l'autoroute 30 doit-elle être complétée pour des raisons économiques, elle doit aussi l'être pour des raisons de sécurité. En 2000, une étude réalisée par le ministère des Transport du Québec démontrait que 75 p. 100 du transport routier des matières dangereuses qui entrent au Québec transigent par la route 132, déjà très achalandée, dans l'ouest de la Montérégie où plus de 39 p. 100 des édifices ayant pignons sur rue ont une vocation résidentielle.

Honorables sénateurs, le rapport publié par la Société des ponts fédéraux aura peut-être été l'élément déclencheur d'une ère de coopération entre Ottawa et Québec dans cet important dossier. En effet, de 2000 à 2003, le parachèvement de l'autoroute 30 fut le théâtre d'un autre malheureux affrontement fédéral-provincial.

Heureusement, en 2003, une entente est intervenue entre les deux paliers de gouvernement quant au partage financier des coûts de ce projet. En vertu de cette entente, le gouvernement du Québec s'engage à compléter le tronçon Candiac-Sainte-Catherine d'ici 2008. En ce qui a trait à celui qui reliera les villes de Châteauguay et de Vaudreuil-Dorion, ce dernier sera construit conjointement par Ottawa et Québec en partenariat avec le secteur privé vu l'intérêt manifesté par plusieurs entreprises dans ce projet.

Ainsi, les autorités fédérales et provinciales contribueront, au-delà de toute participation de l'entreprise privée, de manière à ce que l'ensemble des coûts admissibles soient partagés à parts égales.

En plus du financement qui proviendra du Fonds canadien pour l'infrastructure stratégique, le gouvernement fédéral s'est engagé à autoriser la construction des deux ponts qui doivent enjamber la voie maritime et le fleuve Saint-Laurent, d'où la nécessité du projet de loi S-31 dont nous sommes saisis.

Comme l'a mentionné le sénateur De Bané, le gouvernement du Québec sera propriétaire de ces infrastructures, et il est important de se le rappeler.

Selon l'échéancier très serré prévu par l'entente à laquelle je viens de faire référence, les travaux, y compris la construction des deux ponts sur ce deuxième tronçon, doivent être complétés en 2009, soit d'ici quatre ans.

Déjà, en avril 2000, le gouvernement du Québec, dans son Plan de gestion des déplacements de la région métropolitaine de Montréal, indiquait qu'il voulait construire les deux tronçons manquants d'ici 2010.

Au cours de la même année, l'Assemblée nationale a adopté la Loi concernant les partenariats en matière d'infrastructures de transport, qui encadre les ententes à long terme entre le gouvernement du Québec et l'entreprise privée.

Déjà, les autorités provinciales souhaitaient que ce texte législatif — qui couvre la conception, la construction, l'exploitation, l'entretien et le financement de tels ouvrages — s'applique au parachèvement de l'autoroute 30.

Honorables sénateurs, certains d'entre vous évoqueront peut-être le fiasco de l'autoroute 407, située à Toronto et construite en partenariat avec le secteur privé, où les frais de péage, après sa mise en service, ont augmenté de près de 200 p. 100, pour remettre en doute la participation à long terme du secteur privé dans ce projet.

Bien que les gouvernements fédéral et provincial aient déclaré que toute entente de partenariat avec l'entreprise privée reposera sur un processus transparent, équitable et concurrentiel, et sur le respect des exigences relatives aux caractéristiques des infrastructures, les membres de cette Chambre et que ceux du comité permanent qui étudieront le projet de loi S-31 devront s'assurer que tout a été mis en œuvre pour éviter une répétition des problèmes survenus dans la région de Toronto.

Honorables sénateurs, la participation du secteur privé dans le parachèvement de l'autoroute 30 est souhaitable, mais ne doit pas compromettre la viabilité du projet à long terme.

Cela dit, l'échéancier prévu par l'entente pour la construction du tronçon Châteauguay—Vaudreuil—Dorion prévoyait la réalisation, en 2004, de rapports financés conjointement par les deux paliers de gouvernement au coût de 21 millions de dollars pour la réalisation des études et d'autres travaux préliminaire, en vue de confirmer l'intérêt pour un partenariat public-privé.

Devaient suivre le lancement d'un appel de qualification au secteur privé, en novembre 2004, la publication d'appel d'offres aux partenaires privés d'ici la fin du mois de juin, cette année, et la signature d'un contrat d'ici la fin de l'automne. Par souci de transparence, des éclaircissements seront nécessaires sur le déroulement du processus dont je viens de vous parler.

Selon un rapport d'étape publié le 30 mai dernier par le ministère des Transports du Québec, le processus menant au choix d'un partenaire privé semble progresser. Le gouvernement libéral aurait bien pu déposer le projet de loi S-31 — vous serez d'accord avec moi — avant aujourd'hui. Peut-être — et cela fera sourire les plus vieux d'entre vous — le gouvernement voulait-il donner raison à l'ancien premier ministre du Québec, Maurice Duplessis, qui nous a souvent répété qu'un pont pouvait bien faire au moins trois élections! Dieu sait qu'il s'y connaissait en matière de planification électorale!

(1500)

N'oublions pas que la nouvelle annonce gouvernementale à propos de ces ponts remonte à la 37e élection générale, soit en novembre 2000.

En terminant, honorables sénateurs, au nom du développement économique, d'une part, et du soulagement des frustrations grandissantes de centaines de milliers d'automobilistes et de camionneurs, d'autre part, il ne me reste plus qu'à espérer que la date butoir de 2009 sera respectée et que les deux paliers de gouvernement collaboreront afin que ce projet impliquant le secteur privé soit couronné de succès.

Nous appuyons — des deux côtés de cette Chambre, j'en suis convaincue — le projet de loi S-31 afin que Montréal puisse soutenir, au cours du XXIe siècle, le développement économique de la métropole québécoise ainsi que de tout l'est du pays.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : L'honorable sénateur De Bané propose, avec l'appui de l'honorable sénateur Smith, que ce projet de loi soit lu une deuxième fois. Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois).

RENVOI AU COMITÉ

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand ce projet de loi sera-t-il lu une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Rompkey, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des transports et des communications.)

PROJET DE LOI SUR L'AGENCE DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE DU CANADA POUR LES RÉGIONS DU QUÉBEC

DEUXIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Céline Hervieux-Payette propose : Que le projet de loi C-9, Loi constituant l'Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec, soit lu une deuxième fois.

— Honorables sénateurs, c'est avec grand plaisir que je prends la parole aujourd'hui à l'occasion du débat en deuxième lecture du projet de loi C-9, Loi constituant l'Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec. Ce projet de loi se situe d'abord et avant tout dans la continuité des mesures prises depuis 40 ans par le gouvernement du Canada au Québec et dans les autres provinces du pays, et ce, avec l'objectif de lutter contre les disparités régionales et d'assurer ainsi à chacune et à chacun des Canadiens des chances égales de réussir.

De plus, par l'adoption de ce projet de loi, le gouvernement entend donner à l'Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec, le même statut que celui dont jouissent déjà, par exemple, l'Agence de promotion économique du Canada atlantique ou Diversification de l'économie de l'Ouest Canada.

Développement économique Canada est d'ores et déjà très présent sur l'ensemble du territoire du Québec grâce à un réseau de 14 bureaux d'affaires et à une équipe de professionnels bien au fait des questions de développement régional.

Pour le gouvernement du Canada, la mise en place d'une agence autonome au Québec permettra de consolider les actions entreprises et de donner à cette dernière une liberté d'action supplémentaire, comme le souhaitent d'ailleurs, de façon pour ainsi dire unanime, les divers acteurs du développement économique régional au Québec. Continuité d'action, donc, mais également continuité historique.

En effet, honorables sénateurs, le rôle du gouvernement fédéral au chapitre du développement économique régional était déjà reconnu dans la Constitution de 1982; l'article 36.1 est très clair quant à la responsabilité du gouvernement du Canada en ce qui touche à la lutte contre les disparités régionales. Aujourd'hui, ce rôle vital est de nouveau reconnu en toutes lettres dans le projet de loi C-9.

Mais ce projet de loi veut aussi marquer un temps nouveau dans les orientations adoptées par le gouvernement du Canada pour assurer le développement économique des régions ainsi que la réalisation du potentiel des Québécoises et des Québécois. En effet, comme nous le savons tous, le Canada d'aujourd'hui présente beaucoup de différences par rapport à celui des années 1960. Notre pays figure aujourd'hui parmi les grandes puissances économiques du monde, son rayonnement international ne cesse de croître, tant par sa présence sur les marchés internationaux que par les nombreuses missions d'aide humanitaire et de paix qu'il a été appelé à remplir au cours des récentes décennies et dont il s'est acquitté avec succès.

Sur le plan intérieur, le Canada jouit d'une saine situation financière, que nous envient d'ailleurs nombre de pays à l'échelle de la planète. Par exemple, pour l'exercice financier 2004-2005, le Canada a enregistré son huitième budget équilibré consécutif. Il s'agit de la plus longue série d'excédents successifs depuis le début de la Confédération.

Le Canada a également fait porter des efforts considérables sur la diminution de sa dette. Depuis le rétablissement de l'équilibre budgétaire en 1997-1998, le gouvernement du Canada a réduit la dette fédérale de plus de 60 milliards de dollars, allégeant d'autant le fardeau financier des générations qui nous suivent.

Pleinement engagé dans ce contexte économique mondial ouvert, où la concurrence se fait aussi bien entre les pays qu'entre les régions et les entreprises, le Canada doit s'assurer que ses actions en matière de développement économique régional sont au même diapason que les nouveaux besoins engendrés par la mondialisation et qu'elles offrent à l'ensemble de ses concitoyens, sans exception, le moyen de participer à ce mouvement de croissance économique et d'en retirer des avantages substantiels.

C'est précisément ce que ce projet de loi veut faire au Québec, en donnant à l'Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec les moyens et la souplesse voulue pour apporter aux entreprises, aux collectivités et aux régions du Québec un soutien adapté aux conditions de l'heure.

Il faut dire, honorables sénateurs, que ce projet de loi s'appuie sur du concret et du solide pour envisager l'avenir avec plus d'optimisme. Les interventions de l'Agence produisent des résultats dont nos concitoyennes et concitoyens peuvent être fiers et qui, plus important encore, correspondent à leurs besoins et à leurs attentes. Ainsi, l'Agence s'est engagée financièrement à appuyer à hauteur de plus d'un milliard de dollars la réalisation de quelque 2 000 projets qui étaient en cours en 2003-2004.

En ajoutant les investissements des autres bailleurs de fonds à ceux de l'Agence dans ces projets, leur valeur totale s'élève à plus de 4 milliards de dollars dans l'ensemble des régions du Québec. Il s'agit d'un effet de levier de quatre dollars pour chaque dollar investi par l'agence.

La mission de l'Agence, telle que précisée dans le projet de loi C-9, est claire. Il s'agit de promouvoir le développement économique à long terme des régions du Québec en accordant une attention particulière aux régions à faible croissance économique ou à celles qui n'ont pas suffisamment de possibilités d'emplois productifs. L'Agence s'acquitte de cette mission par la mise en œuvre de mesures particulières touchant les régions et les collectivités, les PME ainsi que l'environnement du développement.

Honorables sénateurs, en se consacrant notamment à l'établissement et au développement des petites entreprises, l'agence contribue au maintien et à la création d'emplois, en plus d'agir sur la restructuration des économies locales.

Cette action s'appuie sur la ferme conviction que notre réussite collective passe par les efforts des entrepreneurs et des créateurs d'emplois et de richesse. Voilà pourquoi Développement économique Canada aide les PME à diversifier leurs activités, à créer des emplois de qualité pour nos concitoyens et, en fin de compte, à s'assurer d'une bonne croissance.

Le 31 mars dernier, par exemple, le ministre de l'Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec a annoncé une aide financière remboursable de plus de 2,8 millions de dollars à Média 4 Corporation, une société de portefeuille de haute technologie implantée à Sherbrooke, en Estrie, et œuvrant dans le secteur des télécommunications. Cet appui vise à accompagner l'entreprise et ses principales filiales, soit Mediatrix Telecom et M5T, dans le développement et la commercialisation de produits novateurs en téléphonie IP, une technologie permettant d'utiliser un seul réseau pour les systèmes informatique et téléphonique.

Fruit d'un savoir-faire développé en Estrie, cette technologie est porteuse d'avenir car elle est créatrice de prospérité et d'emplois de haute technologie, sans oublier les activités de recherche et développement auxquelles elle donnera lieu. La concrétisation de cette initiative devrait donc permettre de consolider dans cette région du Québec le créneau d'excellence des télécommunications ainsi que d'y favoriser la diversification économique.

En appuyant un projet novateur comme celui de Média 4 Corporation, l'Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec vise à accroître la compétitivité des entreprises innovantes et à augmenter leur capacité à commercialiser sur les marchés internationaux leurs produits d'avant-garde issus de la recherche-développement.

(1510)

Cet exemple, honorables sénateurs, démontre que Développement économique Canada poursuit l'objectif d'aider nos entreprises à devenir plus dynamiques en matière d'innovation et, ce faisant, à améliorer leur position concurrentielle au pays et à l'extérieur de nos frontières. Il est également bien représentatif de cet accent que met l'Agence sur l'expansion de l'innovation, sous tous ses aspects, au sein de nos entreprises.

Au chapitre de l'aide aux entreprises, j'aimerais mentionner que le projet de loi C-9 reconnaît le concept d'entreprise d'économie sociale à l'intérieur de la notion de petite et moyenne entreprise. En plus de constituer une première, cette caractéristique du projet de loi reflète le rôle sans cesse croissant joué par l'économie sociale au Canada et, de façon particulière, au sein des collectivités du Québec.

Il ne fait plus de doute aujourd'hui que l'économie sociale contribue de façon significative au mieux-être des collectivités. Ainsi, sur le plan économique, elle donne lieu à la création d'emplois et de richesse. Sa contribution sur le plan social est également appréciable puisqu'elle favorise le renforcement de la cohésion au sein des collectivités en luttant contre l'exode de nos jeunes, en particulier, et la marginalisation de certains membres de notre société.

Au Québec seulement, on compte plus de 7 000 entreprises d'économie sociale. Ces dernières emploient plus de 125 000 personnes et génèrent annuellement un chiffre d'affaires dépassant les 17 milliards de dollars. Il s'agit des premiers chefs d'entreprises qui jouent un rôle de premier plan en termes de développement régional et rural, et qui sauront bénéficier de la programmation de l'Agence pour réaliser leur plein potentiel.

L'Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec apporte également son appui aux collectivités dans leurs efforts pour prendre en main leur développement en misant sur leurs atouts. Elle cherche à favoriser des projets susceptibles d'exercer un impact important sur le plan régional et de générer des effets d'entraînement significatifs sur les activités économiques régionales.

C'est dans ce contexte que le ministre de l'Agence de céveloppement économique du Canada a annoncé, le 17 mars dernier, un investissement de 3 millions de dollars du gouvernement du Canada. De ce montant, 1 250 000 dollars proviennent de Développement économique Canada et 1 762 500 dollars du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada pour la création d'une nouvelle chaire de recherche industrielle en sylviculture et en faune à l'Université Laval.

Ce projet repose sur un important partenariat public-privé qui vise à mener des recherches sur la forêt boréale de la Côte-Nord du Québec et à aider l'industrie forestière à mettre au point des pratiques conformes au développement durable et à la conservation des écosystèmes forestiers.

Les résultats attendus de ce projet contribueront à maintenir la qualité de vie des collectivités de la Côte-Nord — qui en ont bien besoin par les temps qui courent — et dont la base économique est directement liée à l'exploitation et à l'aménagement des ressources forestières.

De plus, ce programme de recherche novateur permettra de rehausser la compétitivité de l'industrie forestière et d'assurer le transfert des connaissances aux collectivités et aux entreprises de la Côte-Nord.

Voilà, honorables sénateurs, ce que j'appelle un projet prometteur pour l'avenir et générateur de développement économique régional.

Par ailleurs, aux termes du projet de loi C-9, l'Agence pourra continuer de porter une attention particulière aux régions qui éprouvent des difficultés d'adaptation au nouveau contexte économique mondial.

Dans l'économie mondialisée d'aujourd'hui, où les changements surviennent rapidement et la concurrence est des plus vives, les régions, au même titre que les pays, les grandes villes ou les entreprises, doivent s'adapter sans relâche pour demeurer compétitives et continuer à se développer.

Au Québec, certaines régions sont aux prises avec des difficultés d'adaptation. Il s'agit principalement de celles dont l'économie repose en grande partie sur l'exploitation des ressources naturelles.

Ces régions sont confrontées à des défis importants de diversification économique dans un contexte d'éloignement des marchés, d'une accessibilité variable aux grands réseaux de transports et de communications, et de la difficulté à recruter de la main-d'œuvre qualifiée.

Le projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui ne laisse pas à leur sort les régions éprouvant des difficultés ni les collectivités vulnérables. Bien au contraire, puisqu'il confirme le rôle de l'Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec en matière d'accompagnement de ces régions en même temps que la nécessité de leur apporter un soutien à la mesure de leurs besoins.

Le projet de loi C-9 dans sa forme actuelle reflète également la préoccupation du gouvernement du Canada et de Développement économique Canada de travailler en complémentarité avec les interventions du gouvernement du Québec. J'ajouterais que ce désir est partagé par la population du Québec dans son ensemble. L'enjeu est clair : parvenir à une efficience sans cesse accrue des actions gouvernementales au chapitre du développement économique régional.

C'est précisément dans ce but que le projet de loi C-9 donne à l'Agence des moyens pour concevoir et mettre en œuvre des mécanismes facilitant la coopération et la concertation avec le Québec et ses collectivités. De plus, il confère à son ministre titulaire le pouvoir de conclure des accords, notamment en matière de collaboration et des accords sectoriels avec le Québec ou avec un de ses organismes, ainsi qu'avec toute entité ou personne.

Il m'apparaît important de souligner aux membres du Sénat que l'Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec fait déjà preuve d'un grand esprit de complémentarité avec les ministères du gouvernement du Québec.

À titre d'exemple, vous me permettrez de mentionner que l'honorable ministre de Développement économique Canada a accordé en mars dernier une contribution non remboursable de 3 millions de dollars au TechnoCentre éolien Gaspésie-les Îles. Cet appui financier s'appliquera notamment à la création d'un centre intégré de recherche-développement et de transfert technologique.

Ce projet permettra de créer sept emplois dans la région de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine. De plus, le nouveau centre constituera un facteur clé de la filière éolienne au Québec. En mettant en place un réseau d'excellence visant à développer un savoir-faire en énergie éolienne, on permettra le transfert de cette expertise vers l'industrie québécoise et on favorisera ainsi l'émergence de nombreux projets dans le secteur éolien.

De son côté, le gouvernement du Québec, par l'intermédiaire du ministère du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation, a consenti un appui financier de 200 000 dollars au TechnoCentre éolien Gaspésie-les Îles afin de soutenir son fonctionnement. Grâce à cette contribution, l'organisme sera en mesure d'amorcer la mise en œuvre du nouveau plan d'affaires qu'il vient de déposer.

Les deux gouvernements, par leur appui dans des secteurs d'activité distincts du TechnoCentre éolien, concourent à l'atteinte d'un objectif commun, c'est-à-dire soutenir l'effort d'une filière d'énergie éolienne industrielle au Québec capable de concurrencer sur les marchés étrangers en matière d'équipement et de services, et ce, dans un contexte de développement durable.

Je voudrais terminer mes remarques, honorables sénateurs, par un élément qui m'apparaît également primordial. En effet, le projet de loi C-9 vient confirmer l'importance cruciale d'une bonne synergie entre les ministères du gouvernement du Canada pour le succès de la stratégie fédérale en matière de développement économique régional.

Pour preuve de cette reconnaissance, le projet de loi accorde au ministre titulaire de Développement économique Canada des pouvoirs pour exercer et consolider le leadership de l'Agence, pour rassembler autour d'une même table les ministres fédéraux concernés et d'autres acteurs de développement afin d'assurer la cohérence de l'action du gouvernement du Canada dans les régions du Québec.

En conclusion, honorables sénateurs, l'Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec est un important partenaire de la croissance des entreprises, des collectivités et des régions du Québec.

Avec le projet de loi C-9, elle disposera des outils et de la souplesse nécessaires pour jouer pleinement son rôle et relever les défis de l'heure en matière de développement économique régional.

Avec ses 14 bureaux en région et son siège social à Montréal, l'Agence va disposer du même statut d'autonomie que ses agences- soeurs dans les Maritimes ou dans l'Ouest. Tous les intervenants au Québec bénéficieront de cette autonomie pour le mieux-être de tous nos concitoyens.

(Sur la motion du sénateur LeBreton, au nom du sénateur Nolin, le débat est ajourné.)

[Traduction]

LA LOI SUR LE MINISTÈRE DES RESSOURCES HUMAINES ET DU DÉVELOPPEMENT DES COMPÉTENCES

DEUXIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Sharon Carstairs propose : Que le projet de loi C-23, Loi constituant le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences et modifiant et abrogeant certaines lois, soit lu une deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je prends la parole pour expliquer dans les grandes lignes le projet de loi C-23, dont nous sommes saisis aujourd'hui. L'adoption de ce projet de loi aura pour effet de constituer officiellement le nouveau ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences du Canada, ou RHDCC.

(1520)

De plus, le projet de loi définit les pouvoirs et attributions du ministre, ainsi que ceux du ministre du Travail et de la Commission de l'assurance-emploi du Canada.

Ce projet de loi, s'il est adopté, édictera aussi des règles concernant la protection, l'utilisation et la divulgation des renseignements personnels obtenus dans le cadre des programmes du ministère. Il ne prévoit toutefois pas la création de nouveaux programmes ou services. Cette mesure législative est nécessaire si l'on veut rendre officiels et mettre en oeuvre tous les importants changements à l'appareil gouvernemental annoncés par le premier ministre en décembre 2003.

Parmi les changements annoncés alors, citons la scission de Développement des ressources humaines du Canada en deux ministères : RHDCC et Développement social Canada, ou DSC. Il convient de souligner que, depuis, les deux nouveaux ministères créés ont travaillé avec diligence pour assurer la prestation continue et sans interruption des services à la population canadienne.

Ce projet de loi se distingue de l'ancienne Loi sur le ministère du Développement des ressources humaines sur trois points particulièrement. Tout d'abord, on y suggère un nouveau mandat adapté à la réalité du nouveau ministère. Ensuite, on y attribue les pouvoirs relatifs à la prestation de services pour et par DSC. Enfin, on y propose un nouveau code régissant la protection et la divulgation des renseignements personnels recueillis dans le cadre de différents programmes du ministère.

J'aimerais maintenant prendre quelques minutes pour donner aux honorables sénateurs un aperçu de ces changements. Pour ce faire, j'examinerai le projet de loi partie par partie.

Dans la partie 1 du projet de loi, on énonce les attributions du nouveau ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences en plus de prévoir la nomination du sous-ministre et des sous-ministres délégués du ministère, ainsi que la désignation d'un sous-ministre du Travail. On décrit le nouveau mandat de RHDCC en indiquant comment le ministre doit exercer ses attributions. Le ministre devra s'acquitter de son mandat de manière à rehausser le niveau de vie de tous les Canadiens et d'améliorer leur qualité de vie en faisant la promotion du développement d'une main-d'oeuvre hautement qualifiée et mobile, ainsi que d'un marché du travail efficient et favorable à l'intégration.

Une nouvelle disposition a été ajoutée pour donner explicitement à la ministre le pouvoir d'établir des programmes à l'appui du mandat et d'accorder des subventions et des contributions dans le cadre de ces programmes.

Cette partie du projet de loi permet également à Développement social Canada de fournir des services administratifs et d'assurer la mise en oeuvre de programmes pour le compte de RHDCC, et vice versa. Par exemple, DSC aura la possibilité d'offrir des services de centre d'appels à RHDCC. Cet arrangement permettra de bien servir les Canadiens. L'efficacité administrative découlant de cette nouvelle approche signifie que les citoyens pourront compter sur un réseau intégré de prestation de services qui offrira de façon continue des services de qualité à l'endroit et au moment voulus.

La partie 2 du projet de loi C-23 traite des attributions du ministre du Travail. Ces attributions s'étendent à toutes les questions touchant le travail qui relèvent du Parlement et qui ne sont pas attribuées à d'autres organismes. Elles doivent être exercées dans le cadre du mandat objectif et renouvelé tendant à favoriser des lieux de travail équitables, sûrs, sains, stables, productifs et propices à la coopération.

Comme dans le cas de la ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences, le ministre du Travail doit donner l'autorisation expresse d'établir des projets ou des activités à l'appui de son mandat. Le mandat du ministre en matière de logement figure, vous vous en souviendrez, dans la Loi nationale sur l'habitation. De même, ses attributions liées au travail figurent dans d'autres lois, et notamment dans le Code canadien du travail.

La partie 3 du projet de loi porte sur la Commission de l'assurance-emploi du Canada, qui conservera ses attributions actuelles. Le projet de loi traite de la composition, de l'organisation et des activités de la commission. À part quelques changements de forme mineurs, les dispositions du projet de loi relatives à la commission reprennent celles qui figurent dans la Loi sur le ministère du Développement des ressources humaines. Les attributions de la commission au chapitre de l'assurance-emploi se trouvent dans la Loi sur l'assurance-emploi, et ne sont pas touchées par le projet de loi.

La partie 4 du projet de loi C-23 renferme d'importantes propositions concernant la protection, l'utilisation et la divulgation des renseignements personnels recueillis dans le cadre de différents programmes du ministère. Cette partie reflète l'engagement du gouvernement du Canada à protéger les renseignements personnels de ses citoyens. Le projet de loi propose un ensemble uniforme de dispositions régissant la divulgation des renseignements personnels, qui s'appliqueront à tous les programmes du ministère. Cela le distinguera du cadre actuel dans lequel la divulgation des renseignements personnels est régie par cinq régimes différents.

L'approche proposée dans le projet de loi C-23 assurerait une gestion uniforme des renseignements personnels recueillis par le ministère. En bref, elle servira mieux les Canadiens et ce, de quatre façons. Premièrement, elle établira une plus grande cohérence dans l'administration des renseignements personnels. Deuxièmement, elle assurera plus de transparence pour les Canadiens. Troisièmement, elle codifiera les pratiques administratives actuelles liées à l'utilisation des renseignements personnels à des fins de recherche. Quatrièmement, elle garantira une meilleure protection de l'information en établissant que la divulgation délibérée de renseignements personnels en contravention du code constitue une infraction.

Il y a lieu de noter, honorables sénateurs, que le Commissariat à la protection de la vie privée a été consulté au sujet de ces propositions et que la commissaire elle-même appuie le nouveau code.

Ce sont là d'importantes améliorations. Le projet de loi C-23 démontre que le gouvernement est déterminé à trouver des moyens efficaces de mettre en oeuvre les programmes et les services et de réaliser des recherches, sans pour autant compromettre le droit des citoyens à la protection de leurs renseignements personnels.

Le projet de loi comporte deux autres parties. La partie 5 reprend les dispositions de la Loi sur le ministère du Développement des ressources humaines concernant le programme de la Subvention canadienne pour l'épargne-études. Elle contient également les dispositions qui ont été adoptées depuis dans le cadre de la nouvelle Loi canadienne sur l'épargne-études (projet de loi C-5) qui a reçu la sanction royale en décembre dernier. La partie 5 serait abrogée dès l'entrée en vigueur de la nouvelle Loi sur l'épargne- études. La partie 6 contient les dispositions transitoires, les modifications corrélatives et connexes et les dispositions de coordination habituelles ainsi qu'une disposition abrogeant la Loi sur le ministère du Développement des ressources humaines. Elle prévoit en outre l'entrée en vigueur du projet de loi à la même date que le projet de loi sur le ministère du Développement social, ou projet de loi C-22, que nous n'avons pas encore reçu.

Comme on peut le voir, honorables sénateurs, bien que le projet de loi C-23 soit exhaustif, c'est un engagement à continuer de fournir aux Canadiens les services qu'ils attendent de Ressources humaines et Développement des compétences, et de Développement social Canada. Les activités du ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences seront axées sur son mandat principal qui est de prévoir et de promouvoir une main-d'oeuvre hautement qualifiée et mobile ainsi qu'un marché du travail efficient et favorable à l'intégration. Développement social Canada se concentrera sur la promotion de l'aide sociale et de la sécurité du revenu des Canadiens. Ces derniers bénéficieront d'une prestation de services efficiente de la part des deux ministères. Ils auront en outre l'assurance que leurs renseignements personnels seront protégés par un code qui sera appliqué uniformément par ces ministères.

Le projet de loi C-23 est le fondement législatif qu'il faut pour réaliser cette vision et cette mission exhaustives du nouveau ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences. Compte tenu de tout cela, j'invite les sénateurs à appuyer le projet de loi.

(Sur la motion du sénateur Stratton, le débat est ajourné.)

LA LOI SUR L'IMMUNITÉ DES ÉTATSLE CODE CRIMINEL

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable David Tkachuk propose : Que le projet de loi S-35, Loi modifiant la Loi sur l'immunité des États et le Code criminel (activités terroristes), soit lu une deuxième fois.—(L'honorable sénateur Tkachuk)

— Honorables sénateurs, le 18 mai dernier, j'ai déposé le projet de loi S-35, qui prévoit un nouvel outil de lutte contre le terrorisme international. Ce projet de loi propose des modifications importantes à la Loi sur l'immunité des États. Ce faisant, il apporte une grande source de justice pour tous les Canadiens mais, plus important encore, un outil pour ceux qui sont directement touchés par des actes terroristes.

Honorables sénateurs, aux termes de cette mesure législative, les familles des victimes de la tragédie du 11 septembre, dont 25 Canadiens, auraient pu, en vertu de cette loi, intenter des poursuites au civil contre les attaquants. En juin 1985, lorsque l'avion assurant le vol 182 d'Air India s'est écrasé, entraînant la mort de 335 personnes, dont 154 Canadiens, les familles auraient également pu intenter des recours au civil.

De nombreux Canadiens sont d'avis que les actes de terrorisme se produisent ailleurs, qu'ils visent d'autres personnes, et que le Canada est à l'abri de tels actes. Ils ont tort. Qu'il leur suffise d'interroger Maureen et Erica Basnicki, la femme et la fille de Ken Basnicki, de Toronto, qui était parmi les victimes des attaques du World Trade Center. Qu'ils parlent à Ron Goldberg, dont le frère a été tué dans l'attentat-suicide d'un Palestinien en Israël, l'an denier. Leur vie et la vie de bien d'autres victimes canadiennes ont été déchirées par des actes d'une extrême violence qui avaient été planifiés puis perpétrés contre des civils.

(1530)

Mais, comme les victimes canadiennes sont relativement peu nombreuses et parce que ces actes odieux se produisent assez rarement au Canada, la plupart des Canadiens n'associent pas leur pays au terrorisme. Ils ne gardent pas à l'esprit que, outre l'acte même, le terrorisme revêt de nombreux aspects. Pour commettre ces actes, il faut d'abord les planifier, trouver du financement, échafauder les plans et recruter des exécutants. Ces aspects sont facilement oubliés dans le sang et l'horreur des actes terroristes, mais ils font autant partie du terrorisme que la mort et la destruction qui en résultent. On l'oublie souvent. Stewart Bell, spécialiste canadien du terrorisme, a écrit :

Le Canada n'a pas répondu vigoureusement à la menace terroriste probablement parce que, d'une façon générale, l'activité terroriste qui se déroule au Canada prépare des actes violents qui se produisent ailleurs. Les Canadiens ne voient pas les résultats sanglants des activités de financement et autres qui se produisent au Canada.

À cet égard, il vaut la peine de rappeler que, dans son rapport annuel de 2004, CANAFE indique avoir relevé plus de 70 millions de dollars de transactions qui seraient liées à l'activité terroriste. Selon les services du renseignement du Canada, à la seule exception des États-Unis, il y aurait plus d'organisations terroristes actives au Canada que dans n'importe quel autre pays dans le monde. Rappelons qu'Ahmed Ressam a déménagé au Canada en 1994. Des années auparavant, il avait été pris alors qu'il tentait de franchir illégalement la frontière des États-Unis, pleinement déterminé et équipé pour y lancer une attaque terroriste.

Le Canada n'est pas à l'abri du terrorisme ni des groupes qui commettent des actes de terreur. C'est pourquoi nous devons absolument employer tous les moyens à notre disposition pour combattre ce fléau.

Par le passé, les États accordaient aux États étrangers une immunité absolue contre les actions au civil intentées devant leurs tribunaux. Toutefois, en raison de l'augmentation des activités commerciales transnationales et de toutes les possibilités d'actes criminels qui en découlent, le gouvernement canadien a décidé de restreindre l'immunité. Il a modifié la Loi sur l'immunité des États afin de permettre, de manière restrictive, des actions au civil concernant les activités commerciales d'États étrangers. Grâce à cette modification, les citoyens canadiens peuvent entamer des poursuites contre un État étranger pour rupture de contrat et pour d'autres manquements concernant des activités commerciales, ce qui entraîne une diminution de l'immunité d'un État étranger. Aujourd'hui, nous devons à nouveau nous pencher sur l'injustice qui survient lorsque nous accordons à un État étranger une immunité complète alors que cet État parraine des activités terroristes.

Le Canada, les États-Unis et d'autres pays occidentaux alliés participent à la lutte contre le terrorisme international; de ce fait, ces pays sont tous devenus des cibles possibles. Certes, le gouvernement a pris des mesures importantes, par exemple l'entente sur la frontière intelligente qui a été conclue avec les États-Unis, la création du Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada et la promulgation de la Loi contre le terrorisme. Le projet de loi S-35 est une autre corde à notre arc. La modification de la Loi sur l'immunité des États a pour but de protéger, au pays et à l'étranger, les Canadiens qui pourraient être victimes de terrorisme.

Elle se fonde sur le fait que de nombreux groupes terroristes sont associés à des États étrangers qui les parrainent. Ces États se servent de leurs énormes pouvoirs et de leurs ressources pour financer et parrainer des actes terroristes, comme des détournements d'avion, des kidnappings, des attentats à la bombe, des exécutions sommaires ou des attaques militaires visant des citoyens innocents. En outre, ces États abritent des groupes terroristes et ils leur permettrent de recruter et de former ouvertement de nouveaux terroristes. En vertu de la Loi sur l'immunité des États, les victimes canadiennes d'actes terroristes et leurs familles ont peu ou pas de recours contre les États qui parrainent le terrorisme. En modifiant la Loi sur l'immunité des États, nous accordons aux victimes et à leurs familles la possibilité de riposter. Nous leur permettons de se prévaloir d'une certaine forme de justice et de tourner la page, leurs vies ayant été déchirées pour des raisons de haine.

Le projet de loi S-35 permet aux civils de demander un verdict de responsabilité financière à l'égard des États étrangers qui parrainent le terrorisme. De plus, cette modification servira à dissuader les États qui parrainent le terrorisme en les amenant à comparer les avantages d'un tel parrainage et la crainte de verdicts de responsabilité lourds en conséquences financières.

Honorables sénateurs, les États étrangers échappent à la responsabilité civile en ce qui concerne le parrainage du terrorisme, mais ils sont tenus de faire une réparation en cas de rupture de contrat. Le 30 juin 2004, la Cour d'appel de l'Ontario a rendu une décision dans le cas de Bouzari c. la République islamique d'Iran. Cette décision précisait que la cour soutenait la décision du tribunal de première instance, selon laquelle, en raison de l'immunité complète accordée aux États étrangers par le biais de la Loi sur l'immunité des États, il était impossible d'intenter une action au civil pour des actes terroristes. Elle statuait de plus que les exceptions limitées prévues par la Loi sur l'immunité des États, le droit international public et la Charte canadienne des droits et libertés ne peuvent pas modifier cette conclusion.

On doit modifier la Loi sur l'immunité des États afin de prendre en compte les dangers et les situations de violence qui surviennent dans le monde d'aujourd'hui. Lorsque le gouvernement du Canada a pris connaissance des préjudices soufferts par les Canadiens en raison des ruptures de contrats commerciaux, il a pris des mesures afin de remédier à la situation. Nous devons aujourd'hui faire de même en ce qui concerne le terrorisme.

Le projet de loi S-35 vise deux objectifs pour assurer des recours. Premièrement, il empêcherait les États qui se livrent à des activités terroristes d'invoquer l'immunité contre la juridiction des tribunaux canadiens. C'est un principe important, car il permet aux tribunaux canadiens d'obtenir à la fois la compétence personnelle et la compétence matérielle à l'égard des États qui parrainent des activités terroristes. Par conséquent, les États seraient tenus de rendre compte de leurs activités et ne pourraient pas invoquer la Loi sur l'immunité des États pour éviter des poursuites au civil.

L'adoption du projet de loi, qui obligerait les États à rendre des comptes et les rendrait financièrement responsables de leurs actes d'appui au terrorisme, ferait réfléchir les États qui, traditionnellement, parrainent le terrorisme. L'un des principaux objectifs de notre société est de réduire l'incidence du terrorisme; le projet de loi permettrait au Canada de protéger plus efficacement les Canadiens, chez nous et à l'étranger.

Honorables sénateurs, le projet de loi S-35 modifierait le Code criminel afin que les personnes ayant subi des pertes ou des dommages par suite d'une activité terroriste disposent d'un recours civil contre la personne qui s'est livrée à l'activité terroriste. Les terroristes s'en prennent aux civils, sans remords ni pitié, afin de miner les fondements d'une société et détruire son mode de vie. Au cours des 30 dernières années, des centaines de citoyens canadiens ont perdu la vie dans des attaques terroristes perpétrées contre des autobus, des avions et dans des cabarets. Les États qui parrainent le terrorisme ne sont pas tenus de rendre des comptes aux familles qui en sont la cible, et ils n'assument pas leur responsabilité. Le projet de loi S-35 changera la donne et fournira aux victimes et à leurs familles des moyens d'agir.

Honorables sénateurs, nous faisons face à une guerre non conventionnelle contre les civils, qui sont les cibles privilégiées des terroristes. Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour prévenir le terrorisme. On croit généralement que, lorsque les citoyens d'un pays sont assujettis à des lois archaïques, ceux d'entre nous qui ont le pouvoir de changer les choses ont l'obligation et la responsabilité de le faire.

Je demande aux honorables sénateurs d'appuyer le projet de loi S- 35 afin d'aider nos concitoyens à obtenir justice et à tourner la page, comme ils le méritent, et à porter un coup au terrorisme partout dans le monde.

(Sur la motion du sénateur Meighen, le débat est ajourné.)

(1540)

RÈGLEMENTS, PROCÉDURE ET DROITS DU PARLEMENT

MOTION VISANT À AUTORISER LA RÉINTRODUCTION DES PROJETS DE LOI D'UNE SESSION PARLEMENTAIRE À UNE AUTRE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Hervieux-Payette, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Smith, C.P. :

Que le Comité mixte permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement étudie et fasse les recommandations pertinentes sur l'utilité de modifier la pratique du Sénat pour que les projets de loi déposés au cours de la session parlementaire précédente soient réintroduits à la même étape procédurale lors de la session parlementaire suivante afin d'intégrer, au Règlement du Sénat, une procédure déjà existante à la Chambre des communes et qui aurait pour effet d'augmenter l'efficacité de notre procédure parlementaire.—(L'honorable sénateur Oliver)

L'honorable Donald H. Oliver : Je prends la parole aujourd'hui au sujet de la motion dont madame le sénateur Hervieux-Payette a donné avis le 14 avril 2005. Pour commencer, honorables sénateurs, je tiens à féliciter et à remercier madame le sénateur de son discours clair et précis du 19 avril, dans lequel elle a expliqué pourquoi les honorables sénateurs devraient envisager l'adoption de la motion dont je parlerai brièvement cet après-midi.

Honorables sénateurs, l'autre Chambre a déjà pour pratique de représenter à la même étape les projets de loi d'initiative parlementaire déposés au cours d'une session antérieure. Selon l'article 86.1 du Règlement de la Chambre des communes :

Au début de la deuxième session d'une législature ou d'une de ses sessions subséquentes, toutes les affaires émanant des députés venant de la Chambre des communes inscrites au Feuilleton au cours de la session précédente sont réputées avoir été examinées et approuvées à toutes les étapes franchies avant la prorogation et sont inscrites, si nécessaire, au Feuilleton ou, selon le cas, renvoyées en comité, et la Liste portant examen des affaires émanant des députés et l'ordre de priorité établi [...] sont maintenus d'une session à l'autre.

L'article 86.1 permet aux députés de proposer que l'on reprenne l'étude d'un projet de loi qui avait été présenté dans une session précédente du Parlement à l'étape où l'étude était rendue. On a souvent vu le gouvernement présenter une motion de rétablissement à cette fin.

L'exemple le plus récent dans cette veine est la motion présentée le 6 février 2004 par l'honorable Jacques Saada, alors leader du gouvernement à la Chambre. Voici ce que disait cette motion :

... pendant les trente premiers jours de la présente session de la législature, lorsqu'un ministre de la Couronne, proposant une motion portant première lecture d'un projet de loi, déclare que celui-ci se présente sous la même forme qu'un projet de loi déposé par un ministre de la Couronne à la session précédente, si le Président est convaincu que ce projet de loi a la même forme que celui présenté avant la prorogation, ledit projet de loi [...] soit réputé avoir été étudié et adopté à la présente session à toutes les étapes complétées au moment de la prorogation de la session précédente.

Bref, à la Chambre des communes, il revient au gouvernement et au ministre de déterminer si l'étude d'un projet de loi d'initiative ministérielle devrait reprendre à l'étape où on était rendu lors d'une session antérieure. Ils peuvent présenter une motion de rétablissement à cette fin au moment jugé opportun.

Madame le sénateur Hervieux-Payette a indiqué que si le gouvernement ou un sénateur considère qu'une mesure législative revêt une importance cruciale, le sénateur qui parraine le projet de loi n'aura qu'à représenter celui-ci au Sénat au cours de la session parlementaire suivante.

Il est vrai que le rétablissement des projets de loi d'initiative ministérielle et des projets de loi d'initiative parlementaire à l'étape à laquelle ils étaient rendus à la session parlementaire précédente aurait pour effet d'augmenter l'efficacité du Sénat. Lorsque madame le sénateur Hervieux-Payette a commenté sa motion le 19 avril, elle a dénombré 32 projets de loi qui avaient été présentés au Sénat à plusieurs reprises. Parmi ces projets de loi, elle en a désigné deux en particulier — soit celui du sénateur Forrestall, Loi visant à protéger les phares patrimoniaux, et celui de madame le sénateur Spivak, Loi concernant les motomarines dans les eaux navigables — qui ont été présentés de nouveau à chacune des cinq dernières sessions parlementaires depuis 1999.

Plusieurs projets de loi ont été déposés au cours de chacune des trois dernières sessions parlementaires, notamment le projet de loi du sénateur Lapointe, Loi modifiant le Code criminel (loteries), et celui du sénateur Kinsella, notre leader de l'opposition au Sénat, soit le projet de loi S-2, intitulé Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté et qui, à mon grand plaisir, a reçu la sanction royale le 5 mai 2005.

Deux de mes projets de loi, soit la Loi visant à empêcher la diffusion sur l'Internet de messages non sollicités et la Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1867 et la Loi sur le Parlement du Canada (présidence du Sénat), ont été rétablis lors des trois dernières sessions parlementaires, tandis que mon projet de loi intitulé Loi modifiant le Code criminel relativement au harcèlement criminel et à d'autres sujets connexes l'a été au cours de deux sessions parlementaires.

Le 18 mars 2003, pendant la deuxième session de la 37e législature, mon projet de loi portant sur l'élection du Président du Sénat à scrutin secret a reçu la première lecture. Le 20 mars 2003, il a été étudié à l'étape de la deuxième lecture. Puis, le 12 novembre 2003, ce projet de loi est mort au Feuilleton, lorsque les travaux de la deuxième session de la 37e législature ont pris fin.

Il a été présenté de nouveau le 3 février 2004 au cours de la troisième session de la 37e législature. Le projet de loi a été débattu à l'étape de la deuxième lecture les 9 et 11 mars, puis a été renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles pour ensuite mourir au Feuilleton à la fin des travaux de la 37e législature en mai 2004.

Le 19 octobre 2004, pendant la première session de la 38e législature, j'ai présenté à nouveau mon projet de loi portant sur l'élection du Président du Sénat. Le 17 novembre 2004, le projet de loi S-13 a été renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles aux fins d'étude plus approfondie. Et il y est, honorables sénateurs, depuis 172 jours. Oui, j'ai bien dit 172 jours. Jusqu'à présent, personne n'a été appelé à témoigner.

Un autre de mes projets de loi, la Loi modifiant le Code criminel relativement au harcèlement criminel et à d'autres sujets connexes, a été lu une première fois au Sénat à deux reprises, soit au cours de la première session de la 36e législature le 12 mai 1998, de même qu'au cours de la deuxième session de la 36e législature le 2 novembre 1999.

Le projet de loi S-17, que j'ai présenté durant la première session de la 36e législature et qui allait devenir le projet de S-6 au cours de la deuxième session de la 36e législature, avait pour but de corriger une importante lacune dans les lois canadiennes en vigueur en matière de harcèlement criminel.

(1550)

Plus précisément, le projet de loi devait resserrer les peines prévues en cas de harcèlement criminel et d'infractions connexes, que l'article 264 du Code criminel du Canada définissait alors comme suit :

... de façon répétée, suivre une autre personne ou communiquer avec elle; surveiller sa maison d'habitation ou le lieu où une autre personne réside ou travaille; ou se comporter d'une manière menaçante à l'égard d'une autre personne ou d'un membre de sa famille, de telle sorte que cette personne craint pour sa sécurité ou pour la sécurité d'une de ses connaissances.

Le projet de loi augmentait la peine maximale pour harcèlement criminel sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire; cette peine devait passer de 6 mois de prison ou d'une amende de 2 000 $, ou les deux, à 18 mois de prison, sans l'option de l'amende.

Honorables sénateurs, après des efforts considérables de ma part pour mieux faire comprendre la nécessité de légiférer pour resserrer les peines en cas de harcèlement criminels et d'autres crimes violents au Canada, les dispositions du projet de loi que je parrainais ont finalement été incorporées dans un projet de loi omnibus du gouvernement déposé le 14 mars 2001, au cours de la première session de la 37e législature, par l'honorable Anne McLellan, alors ministre de la Justice.

La mesure qu'elle a présentée à l'autre endroit, le projet de loi C- 15, connu sous le nom de Loi de 2001 modifiant le droit criminel, a augmenté la peine maximale en cas de harcèlement criminel pour la faire passer de cinq à dix ans de prison et visait des actes tels que « suivre et observer sans arrêt une personne ou [...] communiquer sans cesse avec elle de telle sorte que celle-ci en vient logiquement à craindre pour sa sécurité ou la sécurité d'un de ses proches ».

Les dispositions de mon projet de loi d'initiative parlementaire ont été incorporées directement dans le projet de loi C-15, qui a ensuite été divisé en deux projets de loi distincts, c'est-à-dire les projets de loi C-15A et C-15B, par le Comité de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes. Le 4 juin 2002, le projet de loi dans lequel mes dispositions anti-harcèlement avaient été incorporées, le projet de loi C-15A, a reçu la sanction royale et est devenu loi.

Me fondant sur mon expérience des trois projets de loi d'initiative parlementaire dont je viens de parler, je sais que, en tant que décideurs et législateurs, les sénateurs font des efforts considérables pour consulter les Canadiens, mener des études et engager des spécialistes dans le but ultime de mettre en oeuvre des mesures législatives qui, à leur avis, sont dans l'intérêt des Canadiens.

Madame le sénateur Hervieux-Payette a laissé entendre que représenter continuellement les mêmes projets de loi à perpétuité ne serait peut-être pas dans l'intérêt de notre institution. Elle a déclaré que le fait d'autoriser que des projets de loi déposés au cours de sessions parlementaires antérieures soient représentés à la même étape procédurale peut non seulement améliorer l'efficacité du Sénat, mais aussi rehausser la valeur de notre rôle de législateurs et de notre second examen objectif au sein du régime parlementaire du Canada.

Honorables sénateurs, reste la question critique qui me préoccupe, soit le rôle joué par la majorité au Sénat. Si on adoptait une motion modifiant les règles et les pratiques au Sénat, de telle sorte que les projets de loi déposés au cours d'une session parlementaire pourraient être représentés à la même étape au cours de la session parlementaire suivante, mon expérience personnelle me porte à craindre que seuls les projets de loi déposés par des sénateurs libéraux progresseraient.

Par exemple, mon projet de loi d'initiative parlementaire, le projet de loi S-15 visant à empêcher la diffusion sur Internet de messages non sollicités, a été lu une première fois le 17 septembre 2003, représenté à l'étape de la première lecture le 3 février 2004, puis de nouveau le 24 octobre 2004, au cours de la troisième session de la 37e législature du Parlement, et encore le 11 février 2005, au cours de la première session de la 38e législature du Parlement. La question traitée par le projet de loi S-15 a été renvoyée au Comité sénatorial permanent des transports et des communications le 10 février 2005. Cela fait donc 118 jours que le projet de loi languit au comité. Il n'a toujours pas fait l'objet de la moindre étude et pas un seul témoin n'a été convoqué.

Il en est ainsi, honorables sénateurs, en dépit du fait que l'objet du projet de loi est extrêmement important pour les Canadiens. Le projet de loi S-15 a fait l'objet d'éloges de la part d'experts en technologies de l'information, à savoir, Michael Geist, professeur de droit à l'Université d'Ottawa et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en droit d'Internet et du commerce électronique, Philippa Lawson, directrice de la Clinique d'intérêt public et de politique d'Internet du Canada, Richard Simpson, directeur général du Commerce électronique à Industrie Canada, Michael Eisen, vice- président, Droit et affaires de l'entreprise, chez Microsoft Canada, et bien d'autres.

Dans son numéro du 12 décembre 2004, le Hill Times a publié, en page éditoriale, un article de Michael Eisen intitulé « Le Parlement doit adopter le projet de loi anti-pourriel » selon lequel :

... l'absence de mesures législatives générales de lutte contre le pourriel au Canada demeure un obstacle clé à l'éradication du pourriel dans le pays.

Dans un document plus général sur l'innovation en matière d'intégration, Microsoft Canada arrive à la conclusion suivante :

Les éléments d'une stratégie complète anti-pourriel [...] ne peuvent être réunis qu'au moyen de dispositions législatives efficaces. À défaut de fortes sanctions criminelles et civiles contre les activités telles que la cueillette des listes d'adresses électroniques et la distribution de courriels frauduleux, les possibilités de lutte sont très limitées.

L'article se termine comme suit :

Microsoft souhaite collaborer avec les gouvernements du Canada pour mettre en place des mesures législatives efficaces pouvant contrecarrer les efforts de ceux qui abusent du courrier électronique et préserver la viabilité de ce moyen de communication.

Michael Geist a exprimé le même point de vue dans le numéro du 28 janvier de la revue Maclean's en disant : « Si le secteur privé est incapable [d'éradiquer le pourriel] de sa propre initiative, alors le gouvernement doit intervenir. Nous devons agir rapidement. »

Honorables sénateurs, en 2004, le ministre de l'Industrie a chargé un groupe de travail d'étudier les lacunes législatives et réglementaires du Canada dans le secteur de l'information et de la technologie et d'envisager d'autres mesures législatives. Je me suis entretenu à plusieurs reprises avec les membres du groupe de travail. Le 17 mai, le groupe de travail d'Industrie Canada sur le pourriel a publié son rapport final. Ce groupe de 10 membres a formulé 22 recommandations, dont la plus importante préconise l'élaboration d'une loi particulière contre le pourriel en vertu de laquelle le défaut de se conformer à un régime de participation volontaire pour l'envoi de courriels commerciaux non sollicités constituerait une infraction criminelle. Or nous avons un projet de loi portant précisément sur ce sujet qui ramasse la poussière au comité et qui pourrait, avec des modifications mineures, répondre à ce pressant besoin des Canadiens.

Mon projet de loi d'initiative parlementaire proposait également que le gouvernement fédéral crée une liste anti-pourriel. Les personnes qui distribuent du pourriel auraient l'obligation de vérifier d'abord si l'utilisateur de l'adresse figure dans la liste gouvernementale des intéressés. L'un des membres du groupe de travail, Richard Simpson, directeur général du Commerce électronique à Industrie Canada, a déclaré à ce sujet au Chronicle- Herald de Halifax :

Le sénateur Oliver mérite des éloges pour avoir mis de l'avant cette question. J'attends avec intérêt de voir ce que nous pourrons faire en unissant les deux efforts. J'espère que la loi canadienne anti-pourriel sera prête cette année.

Philippa Lawson, directrice de la Clinique d'intérêt public et de politique d'Internet du Canada, a dit ce qui suit du projet de loi S-15 et des recommandations du groupe de travail anti-pourriel :

Le projet de loi anti-pourriel du sénateur Oliver a joué un rôle essentiel en inscrivant cette importante question à l'ordre du jour du gouvernement et en veillant à ce qu'elle y reste. Les récentes recommandations du groupe de travail relatives à une loi anti-pourriel ont été sérieusement influencées par le projet de loi. Même si le projet de loi S-15 n'est pas lui-même adopté, son existence incite le gouvernement à prendre des mesures longtemps attendues contre cette sérieuse menace à Internet.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Je regrette d'interrompre le sénateur Oliver, mais son temps de parole est écoulé.

Le sénateur Oliver : Suis-je autorisé à poursuivre pendant une minute de plus?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Oliver : Bref, honorables sénateurs, le projet de loi S-15 constitue une bonne proposition. Il a reçu l'appui de sénateurs des deux côtés de la Chambre. Pourquoi donc le laisse-t-on moisir au comité depuis le 10 février? J'espère que l'intention de la motion que nous débattons est d'accroître l'efficacité du Sénat et non de servir comme mécanisme pour accélérer l'adoption par la majorité libérale des projets de loi proposés par les sénateurs libéraux.

Pour cette raison, honorables sénateurs, je demande de procéder avec prudence aux étapes suivantes de ce projet de loi.

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernment) : Honorables sénateurs, je voudrais formuler une observation puis poser une question au sujet de l'adoption des projets de loi de la majorité et des projets de loi de la minorité. Je rappelle au sénateur Oliver que nous avons adopté à toutes les étapes le projet de loi du sénateur Forrestall sur les phares. Nous avons également renvoyé au comité le projet de loi du sénateur Forrestall sur la stratégie nationale contre le cancer.

(1600)

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se penche en ce moment sur le projet de loi du sénateur St. Germain concernant la politique autochtone, qui a été adopté en deuxième lecture, je crois.

Je comprends toutefois le sens de l'intervention de l'honorable sénateur, qui suggère qu'il faut trouver des moyens de faire la place voulue aux projets de loi d'initiative parlementaire. Je souhaite certainement qu'ils soient plus nombreux à être étudiés et mis en oeuvre.

J'avais aussi une question pour le sénateur Oliver. Il a dit qu'un certain nombre de projets de loi avaient été intégrés à des mesures législatives ministérielles. A-t-il mené des recherches sur des projets de loi, autres que le sien, qui ont été intégrés à des mesures législatives ministérielles et a-t-il pu déterminer s'ils provenaient de la majorité ou de la minorité au Sénat? Dans son discours, le sénateur Oliver a déclaré que certaines personnes — à savoir des employés du gouvernement ou même des gens qui en font partie — lui avaient reconnu le mérite d'avoir attiré l'attention du public sur la question des pourriels. Je sais qu'il ne suffit pas que l'on reconnaisse à un sénateur le mérite d'avoir influé sur une mesure ministérielle. Toutefois, le sénateur a-t-il effectué des recherches montrant que des projets de loi autres que le sien ont été intégrés à des mesures ministérielles?

Le sénateur Oliver : Non, je n'ai pas effectué cette recherche. Je m'inspire de mon expérience personnelle avec trois projets de loi d'initiative parlementaire. Le projet de loi sur le harcèlement criminel, lui, a été renvoyé en comité et nous avons reçu 39 témoins. De plus, le projet de loi jouissait d'un appui dans l'ensemble du Canada. Puis, la ministre de la Justice de l'époque, Anne McLellan, a envoyé des délégués pour discuter des dispositions de mon projet de loi. Ils ont indiqué qu'elle les trouvait intéressantes et ont reconnu qu'il s'agissait d'une question pressante d'importance nationale. C'était une question de politique publique dont il fallait s'occuper. C'est pourquoi ils voulaient savoir si je m'opposerais à ce que le projet de loi soit intégré à un projet de loi omnibus relevant du droit pénal. J'ai accepté, et il a aujourd'hui force de loi.

À mon avis, les pourriels constituent un problème plus grave. Comme le savent les honorables sénateurs, les pourriels coûtent plus de 2 milliards de dollars par année au Canada en coûts associés au filtrage, à l'embauche d'employés supplémentaires pour s'attaquer au problème et à la baisse de productivité. De surcroît, ils font beaucoup de tort aux jeunes enfants et aux autres dont les sites web et les adresses électroniques sont assaillis par des offres frauduleuses, des documents pornographiques ou autres. Il est temps de passer à l'action. Si ce projet de loi avait été parrainé par un sénateur ministériel, je pense qu'il aurait été retenu puisqu'il est valide. C'est là ma principale préoccupation.

(Sur la motion du sénateur Rompkey, le débat est ajourné.)

(Le Sénat s'ajourne au mercredi 8 juin 2005, à 13 h 30.)


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