SOUS-COMITÉ SÉNATORIAL DE LA FORÊT BORÉALE
RÉALITÉS CONCURRENTES : LA FORÊT BORÉALE EN DANGER
CHAPITRE 3
LA RÉALITÉ AUTOCHTONE
Utilisation traditionnelle des
terres
Autres
utilisations de la forêt : Possibilités daffaires et demplois
Évolution récente du
partage des compétences
RECOMMANDATIONS
Utilisation traditionnelle des terres
Au Canada, trois peuples autochtones constituent les premiers habitants du territoire : les Premières nations, les Métis et les Inuit. La forêt boréale est le pays de quelque 500 collectivités des Premières nations et de centaines de collectivités métisses.(163) Depuis des millénaires, les Autochtones ont entretenu avec la terre des liens étroits et efficients, faisant usage dune grande diversité darbres, darbustes, dherbes, de mousses et de champignons pour satisfaire leurs besoins en nourriture, médicaments, vêtements, matériaux de construction, jusquau matériel cérémoniel. De même, ils font appel à de nombreuses espèces animales sauvages pour répondre à leurs besoins en nourriture, vêtements, médicaments, ornements et autres. Savoir comment, où et quand exploiter ces ressources, comment les conserver, les préparer et les utiliser fait partie de leur savoir traditionnel quils se transmettent de génération en génération.
Lexploitation de ces ressources les a obligés au nomadisme. Le territoire traditionnel des Premières nations était beaucoup plus grand que les réserves où elles sont maintenant confinées; les Autochtones devaient parcourir chaque année des centaines de kilomètres. Le cycle annuel type dactivité dans la forêt boréale du nord-ouest consistait à chasser et à préparer les pièges en automne, à pêcher et à piéger en hiver, à piéger (le castor et le rat musqué) au printemps, à cueillir des plantes en été et à préparer tout au long de lannée les produits récoltés.(164)
Occupants de longue date du territoire, les Autochtones ont mis au point un code déthique de la terre axé sur des règles et des principes de bonne gestion tels que : ne prendre que ce dont on a besoin; mesurer les conséquences de ses gestes pour ses descendants, jusquà la septième génération; respecter Mère nature et les animaux qui y règnent; partager au lieu de posséder la terre, puis la transmettre, avec les façons de lutiliser, dune génération à lautre.
Le contact avec la culture et léconomie des Blancs ou des Européens a entraîné de nombreux changements. Dans la plupart des régions du Canada, le gouvernement fédéral a signé des traités avec les groupes autochtones afin datténuer les différends et de faciliter létablissement des Européens. On a créé des réserves, et reconnu des droits aux Autochtones, notamment les droits dutiliser la terre, de chasser, de pêcher et de cueillir, ainsi que des droits culturels(165). Les signataires autochtones ont interprété ces traités comme étant des conventions de partage du territoire avec les nouveaux arrivants.(166)
Les Métis, issus de mariages entre Autochtones et Blancs, ont été reconnus comme Indiens par des traités, ou comme soustraits à la Loi sur les Indiens. Dans le premier cas, ils pouvaient vivre dans la réserve et jouir de droits issus de traités et des droits sur les ressources alimentaires et la faune. Dans le second cas, ils nont aucun droit sur les terres ou les ressources (sauf en Alberta où une réserve foncière a été déclarée par la province en 1939). Par conséquent, nombre de Métis et dIndiens vivent aujourdhui dans des localités sans fondement territorial pour assurer leur développement économique.(167)
En relativement peu de temps, les Autochtones ont vu leurs territoires traditionnels de chasse et de pêche hors réserve envahies par des colons, des bûcherons, des trappeurs blancs, des mineurs et dautres étrangers attirés par la valeur commerciale de la terre et de ses produits. Depuis quelques années, lexploration et la mise en valeur des ressources, les routes, les barrages et lexploitation industrielle du bois ont compromis gravement lutilisation des terres par les Autochtones.
Partout au pays, le Sous-comité a appris de groupes autochtones que les territoires familiaux de piégeage et lhabitat de la faune ont été détruits malgré les efforts des Autochtones pour maintenir leur mode de vie traditionnel.
« À un moment donné, il y avait 11 entreprises forestières qui exerçaient leurs activités dans le territoire de piégeage. Progressivement, les petites entreprises ont été absorbées par les grandes. À l'heure actuelle, je crois qu'il y a sept ou huit entreprises qui exercent leur activité dans la région de Waswanipi. »(168)
« Il est assez difficile d'installer un réseau de piégeage au milieu d'un peuplement coupé à blanc. » (169)
« Déjà, personne ne sintéressait au bois, et la fourrure était abondante. Maintenant ils prennent tout le bois et on a peine à trouver de la fourrure. Les animaux en sont réduits à geler. Nous avons vu deux orignaux gelés et, selon le garçon, il ny avait aucun boisé où aller se réfugier. Cest pourquoi ils gèlent. Nous sommes au bord des larmes quand nous voyons un orignal gelé. »(170)
Des groupes autochtones ont dit au Sous-comité que, avec des permis accordés par les provinces, on surexploite le bois sur leurs terres traditionnelles, malgré la tenue de rencontres avec les compagnies forestières au cours desquelles ils ont délimité leurs territoires traditionnels.
Lapplication dherbicides par certaines compagnies forestières pour supprimer la végétation concurrente a poussé les Autochtones à croire que les plantes médicinales et les baies quils cueillent ne sont plus saines pour la santé. Les populations de poissons sont perturbées par le fonctionnement dans les cours deau de machines qui en modifient lécoulement et troublent leau; par les eaux de ruissellement chargées dherbicides; et par les débris dexploitation forestière.
« Défense de manger les fruits sauvages». Ce panneau placé par le ministère des Richesses naturelles de l'Ontario est très révélateur. Malheureusement, cela donne une idée de toute la contamination dont nos forêts sont victimes. Les résidus miniers ont détruit le poisson et l'habitat forestier. Les zones où l'on a pulvérisé les produits chimiques n'abritent plus d'animaux et d'oiseaux. Les substances chimiques provenant des pulvérisations se retrouvent dans nos rivières et nos lacs et tuent notre écosystème. La coupe à blanc détruit nos territoires de piégeage. On n'installe pas d'échelles à poissons lorsqu'on construit des barrages dans les rivières. »(171)
Ces pertes, comme celle de la langue et de la culture dans des systèmes déducation non autochtones, ont constitué un bouleversement social.
« Nos populations connaissent des taux élevés dalcoolisme, de toxicomanie, dagressions sexuelles, et le phénomène de gangs chez les jeunes. Tout cela est révélateur de problèmes de santé mentale. Nous pensons que ces indices témoignent de la destruction du lien structurel entre notre population et la forêt. »(172)
Dans lEst, où le contact avec la culture européenne a eu lieu bien plus tôt, le mode de vie traditionnel a presque disparu.(173) Néanmoins, bien des Autochtones sefforcent aujourdhui de participer à léconomie de marché tout en maintenant leurs coutumes, leurs valeurs et leurs liens avec la terre. Comme la dit M. Steve Ginnish de la Première nation dEel Ground :
« Je suis expert forestier. Je suis allé à l'université pour obtenir mon diplôme. Je suis également quelqu'un qui appartient à une tribu et qui met en pratique un savoir-faire traditionnel, quelqu'un qui vit dans une réserve indienne. »(174)
Plusieurs témoins autochtones signalent un retour aux traditions dans la population. Tout en envoyant leurs enfants à lécole, ils essaient de leur transmettre le mode de vie des aînés. On a recommencé à cueillir des herbes médicinales.
Dans les collectivités éloignées du Nord, le mode de vie traditionnel est beaucoup moins touché. Une étude du Service canadien des forêts dans les localités essentiellement autochtones de Nahanni Butte et de Liard River dans le sud-ouest des T. N.-O. révèle la pratique de nombreuses activités traditionnelles. Certaines personnes dépendent entièrement de la forêt; dautres tirent leur gagne-pain dun emploi; dautres encore partagent leur vie entre un emploi saisonnier et la vie en forêt. Bien des jeunes pratiquent le piégeage. Les aînés vivant en forêt se nourrissent essentiellement de poisson et de petit gibier. La nourriture récoltée est partagée et satisfait dans une grande mesure aux besoins alimentaires de la population.(175)
La valeur annuelle des produits récoltés en forêt dans les deux localités viande sauvage (orignal, poisson, ours, caribou, lièvre, gélinotte), fourrures, bois de chauffage et produits dartisanat serait de 950 000 à 1,7 million de dollars(176). Cela ne comprend pas les plantes médicinales, les produits du bois fabriqués pour un usage personnel, les vêtements en peau, les cabanes en forêt ou les services de guides pour touristes et chasseurs. Les auteurs concluent quune compensation financière des produits récoltés ne suffirait pas à remplacer bien des articles et ne constituerait pas une solution de rechange acceptable parce que lexploitation des ressources naturelles et les activités connexes font partie intégrante du mode de vie des gens.(177). De passage dans les villages autochtones du nord du Manitoba, le Sous-comité a reçu le même témoignage. Dans la région habitée par les 26 premières nations les plus nordiques du Manitoba, la valeur de remplacement du poisson et du gibier a été évaluée entre 30 et 35 millions de dollars par an. On nous a dit que :
« Sil fallait remplacer le gibier et le poisson que nos gens capturent et rapportent chez eux par des dépenses à lépicerie Safeway locale, où les prix sont à peu près deux fois ce quils sont à Winnipeg, il faudrait 30 à 35 millions. »(178)
Autres utilisations de la forêt : Possibilités daffaires et demplois
Près de 80 pour cent des localités autochtones du Canada sont situées en forêt(179). Ces localités, qui connaissent une croissance démographique et un chômage élevés, se tournent vers la forêt pour créer de lemploi, comme guides par exemple, et des débouchés commerciaux : produits forestiers à valeur ajoutée, tourisme en milieu sauvage.
Le plus souvent, les témoins autochtones ont dit quil ny avait pas assez de ressources forestières dans les réserves pour ces activités. Selon le Service canadien des forêts, on a prélevé en 1992, 25 pour cent de la possibilité annuelle dans les forêts des réserves(180). M. Bombay a affirmé que bien des réserves ont des terres à bois mais nont pas de scierie pour transformer leur bois; les possibilités de valeur ajoutée sont limitées à moins de conclure des partenariats.(181)
Une réserve pratique laménagement forestier durable : celle dEel Ground au Nouveau-Brunswick. Son gestionnaire et dautres témoins autochtones ont dit au Sous-comité quil était très difficile de pratiquer laménagement durable dans les réserves à cause dune disposition de la Loi sur les Indiens, selon laquelle les permis de coupe relèvent du ministre des Affaires indiennes et du Nord (MAIN) et non de la première nation. En fait, dès quune réserve commence à pratiquer laménagement forestier durable, elle enfreint la loi(182). LANFA est à analyser ce problème.(183)
La plupart des témoins autochtones ont soutenu quil leur faut avoir accès aux terres publiques hors des réserves pour que leurs entreprises forestières deviennent autosuffisantes. Un tel accès nexiste pas généralement, sauf au Nouveau-Brunswick où les Premières nations se partagent 5 pour cent de la possibilité annuelle de coupe, et en Saskatchewan, où quelques zones sont à accès partagé.(184)
Bien des collectivités autochtones aspirent à lautosuffisance économique.
« Nos membres ne veulent pas se contenter dun quinzième de 5 pour cent [part de leur bande] de l'ensemble des activités forestières parce que cela ne répond pas à nos besoins. Nous voulons pouvoir créer des emplois pour notre peuple et réduire de 15 pour cent notre taux de chômage. »(185)
Toutefois, comme la indiqué la Commission royale sur les peuples autochtones, la superficie forestière non attribuée, où cela serait possible, diminue constamment(186). Un autre obstacle vient de lapprobation encore requise du ministre fédéral pour démarrer une entreprise dans une collectivité autochtone.(187)
Bien des Autochtones ont soulevé la nécessité de capitaux, de formation et de développement de compétences dans des domaines comme laménagement forestier et la fabrication de produits à valeur ajoutée. Une partie de la solution pourrait résider dans des partenariats et des entreprises de cogestion réunissant des Autochtones, lindustrie et les gouvernements. Cela encouragerait des groupes autochtones, ainsi que des intérêts privés qui sont souvent le moteur de ce genre dentreprise, à participer et à faire preuve dinitiative.
Exemple dentreprise plutôt originale, la NorSask Forest Products Inc. exploite une scierie, qui appartient maintenant en totalité au conseil tribal de Meadow Lake et était auparavant la propriété conjointe du conseil tribal et de la Millar-Western, cette dernière également propriétaire dune usine de pâte voisine. En 1998, le gouvernement de la Saskatchewan accordait à NorSask un permis de gestion forestière à long terme sur un territoire de 3,3 millions dhectares dans le nord-ouest de la province(188). La prolifération des coupes à blanc a divisé les tenants de cette source demplois et les opposants, au sein de la population autochtone concernée. Il y a eu manifestations, barrages et arrestations; finalement, les accusations ont été retirées.(189) Certains ont blâmé les lois forestières provinciales pour la gravité des coupes.(190) Aujourdhui, une structure locale de cogestion est en place, et une évaluation environnementale portant sur une période de 20 ans a été réalisée et approuvée. La conclusion est toutefois claire : les Autochtones veulent des emplois forestiers, mais sans compromettre lenvironnement. Comme la affirmé M. Bombay :
« Pour les Autochtones, il y a un équilibre délicat à respecter entre les usages traditionnels et la conservation, et le développement économique. Les Autochtones se buttent constamment à cette difficulté. Chaque collectivité a son propre point de vue. »(191)
Selon une étude récente sur les perspectives autochtones de lindustrie forestière, commandée par le Service canadien des forêts, les grandes compagnies forestières sont davis quun rapprochement avec les Autochtones profiterait autant à ces collectivités quà elles-mêmes. Toutefois, la plupart nont pas de programmes spéciaux pour lembauche dAutochtones, et rares sont celles qui en ont un grand nombre à leur emploi.(192)
Certaines compagnies qui ont rencontré le Sous-comité ont traité demploi et déconomie chez les Autochtones. Par exemple, des représentants de Tembec ont dit au Sous-comité que lentreprise emploie beaucoup dAutochtones dans ses usines de pâtes et papiers et ses scieries au Québec, et quelle a conclu des ententes avec des collectivités autochtones dans quatre provinces,(193)(194) . LAlberta Pacific Forest Industries nous a dit employer des Autochtones dans tous ses secteurs dactivité, et favoriser les possibilités de formation et daffaires pour les Autochtones(195). Elle a entrepris avec une réserve locale un programme dexploitation sélective au moyen de chevaux. LAssociation canadienne des pâtes et papiers a indiqué au Sous-comité que les Autochtones comptent pour 10 pour cent de leffectif du secteur des pâtes et papiers(196). La NorSask Forest Products forme des Autochtones pour quils puissent exploiter ses scieries.
Un chef des services forestiers chez Tembec a fait part de son exaspération lorsquil sagit de conclure des ententes économiques avec les collectivités autochtones :
« Quand on veut développer la valeur économique d'une ressource, la politique intervient souvent, à plusieurs niveaux. De quel territoire traditionnel s'agit-il? Qui doit intervenir dans le développement de la valeur économique liée à l'exploitation de cette ressource, la bande A ou la bande B? Est-ce que cela se règle entre la bande et le gouvernement? Est-ce une décision interne de la bande? Est-ce quelle va se prendre entre le chef et les promoteurs? Voilà le genre de questions qu'il nous faut régler et qui font qu'il nous est difficile de nous réunir avec un interlocuteur et d'instaurer des relations commerciales à long terme. »(197)
Les consultations entre lindustrie et les Autochtones ne satisfont aucune des parties. Dans son mémoire au Sous-comité, lANFA affirme que les gouvernements ne devraient pas demander à lindustrie de discuter des droits issus de traités avec les Autochtones. Les Premières nations traitent avec le gouvernement, et cela doit demeurer ainsi.(198)
LANFA a aussi indiqué au Sous-comité que huit entreprises forestières autochtones arrivent à peine à survivre et que deux autres ont dû fermer faute daccès au marché américain du bois duvre de résineux. Les entreprises des Premières nations se sont vu attribuer quelque 0,02 pour cent des quotas de bois duvre de résineux dans quatre provinces.(199)
Dans son rapport Rassembler nos forces de 1995, le gouvernement fédéral sest engagé à prendre les moyens pour élaborer et mettre en uvre des stratégies de perfectionnement professionnel en matière de bonne gestion des terres, des ressources et de lenvironnement, et à financer davantage les projets de mise en valeur des ressources naturelles. Le MAIN a fourni une aide financière aux activités forestières des Premières nations, notamment par le programme forestier des Premières nations qui vise lautosuffisance dans ce domaine(200). Toutefois, le programme, doté dun budget initial de 5 millions de dollars en 1996, prendra fin en 2001 avec lépuisement des fonds distribués chaque année. En 1998, le budget du programme a été considérablement renfloué par dautres partenaires et lANFA étudie actuellement des mécanismes pour en assurer le financement(201). Plusieurs autres programmes fédéraux ont aidé les Autochtones à accéder aux forêts publiques, à acquérir des compétences en foresterie et à démarrer des entreprises : le programme de négociation de laccès aux ressources et lInitiative pour lacquisition des ressources du MAIN; les programmes de formation offerts sous légide de Développement des ressources humaines Canada; Entreprises autochtones Canada dIndustrie Canada(202). Le Sous-comité a appris quil nexiste pas de tels programmes pour les Métis même si ces derniers ont été reconnus comme un peuple autochtone par la Constitution.
Évolution récente du partage des compétences
Depuis que les gouvernements provinciaux ont compétence sur les ressources naturelles, la protection des droits des Autochtones issus de traités et de leur droit de chasser, de piéger, de pêcher et de cueillir sest compliquée. Même si le gouvernement fédéral est toujours responsable de la protection de ces droits, la gestion des terres et de leurs ressources est maintenant du ressort provincial, sauf certains aspects qui ont trait au poisson, aux espèces menacées, aux oiseaux migrateurs et aux eaux navigables. Dans la répartition des ressources forestières, les provinces ne tiennent en général pas compte des droits des Autochtones.
« L'exploitation des forêts semble donc un droit qui a préséance; il semble que le droit des autochtones au développement de leur territoire est moins valable que le droit des industriels à exploiter la forêt. »(203)
Depuis longtemps, les groupes autochtones doivent souvent recourir aux tribunaux pour freiner le développement sur leurs terres traditionnelles. Auparavant, leur attitude était la suivante :
« Nous temporisions en attendant de voir si les promesses allaient être tenues, si les pouvoirs publics et l'industrie allaient respecter leurs engagements pris envers nous il y a bien longtemps. Nous avons peu à peu réalisé que cela n'allait pas arriver et que bien des promesses n'allaient pas être tenues. »(204)
La Cour suprême a souvent tranché en faveur des droits autochtones sur ces terres et la Loi constitutionnelle révisée de 1982 réaffirme lexistence des droits autochtones et la responsabilité du gouvernement de les protéger. Linterprétation des droits autochtones et des droits issus de traités a évolué au gré des négociations territoriales(205). Plusieurs témoins autochtones ont exhorté le Sous-comité à chercher une solution aux revendications territoriales pour aider à régler la question des droits. Toutefois, comme le représentant des Métis la souligné, ces derniers sont tenus en dehors des négociations territoriales et aucun programme ne les aide à obtenir des terres ou à accroître leur accès aux ressources.(206)
Aujourdhui, le traitement réservé par les provinces aux droits des Autochtones varie dune province à lautre. Certaines provinces reconnaissent légalement le droit des Premières nations de chasser, de piéger et de pêcher, mais ne protègent pas les terres traditionnelles de la mise en valeur des ressource. Dautres exigent des compagnies forestières quelles consultent directement les Premières nations sur leurs plans daménagement. Des représentants autochtones ont dit au Sous-comité être souvent fort désavantagés face à une grande compagnie forestière. Par exemple, elle na pas les compétences requises pour prévoir les résultats dun plan de coupe(207). En outre, comme laffirme le jugement Delgamuukw en Colombie-Britannique, lobligation de fiduciaire du gouvernement implique « la participation des Autochtones aux décisions touchant leurs terres »(208). Les Premières nations réclament donc dêtre partie aux décisions(209). Certaines provinces ont commencé à inscrire ces exigences de consultation et de négociation dans leurs lois et politiques forestières. Certaines entreprises forestières tiennent compte de lutilisation des terres par les Autochtones dans leur plan de gestion forestière; ainsi, lAlberta Pacific Forest Industries Inc. et la NorSask font de la cogestion au niveau local.
Des représentants métis ont affirmé que les droits autochtones des Métis, reconnus par certaines décisions des tribunaux, nont pas inclus dans les politiques de consultation et ne sont toujours reconnus par aucun gouvernement.
« Partout, les provinces se servent de tous les pouvoirs pour contrevenir directement à l'arrêt rendu par la Cour suprême du Canada quant au droit du peuple Métis de chasser et de pêcher pour se nourrir. »(210)
Larrêt Powley en Ontario (1998) affirme les droits autochtones des Métis de chasser et de pêcher pour se nourrir. Des jugements analogues, au Manitoba et en Saskatchewan ont été maintenus en appel.
Le Conseil canadien des ministres des forêts reconnaît aux Autochtones un rôle important dans la politique, la planification et laménagement des forêt, dans la Stratégie nationale sur les forêts de 1998, qui prévoit :
accroître la participation des Autochtones à l'aménagement forestier et aux décisions, conformément aux droits autochtones et aux droits issus des traités;
reconnaître les droits ancestraux et les droits issus de traités conférés aux Autochtones et en tenir compte dans le cadre de l'aménagement forestier durable.(211)
LE CCMF propose également daccroître laccès des Autochtones aux ressources forestières afin quils puissent exercer à la fois leurs activités traditionnelles et des activités commerciales.(212)
En ce qui concerne lemploi et lexploitation commerciale des forêts, le CCMF veut favoriser la création ou l'essor d'emplois et d'entreprises autochtones dans le secteur forestier et accroître la capacité des individus, collectivités et organisations autochtones à participer à l'aménagement forestier durable.(213)
Après examen, le groupe sélect a constaté « certains progrès » en matière de développement commercial chez les Autochtones. Industrie Canada a parrainé des recherches et des séminaires sur les possibilités de valeur ajoutée, et le programme forestier des Premières nations, financé par le fédéral, a examiné les occasions daffaires. Depuis 1989, Industrie Canada a fourni 25 millions de dollars à 475 entreprises commerciales dans le domaine des forêts ou un domaine connexe. LAssociation nationale de foresterie autochtone, de concert avec Développement des ressources humaines Canada sattaque au problème de la formation et de lemploi des Autochtones dans le secteur forestier.(214)
Néanmoins, la Stratégie nationale sur les forêts contient les engagements suivants :
« Reconnaître les droits ancestraux et les droits issus de traités conférés aux Autochtones et en tenir compte dans le cadre de laménagement forestier durable » ;et « Améliorer laccès aux ressources forestières afin que les collectivités autochtones puissent exercer à la fois leurs activités traditionnelles et des activités de développement économique »(215)
Essentiellement, on fait la sourde oreille devant ces demandes. Dans ce dossier, les gouvernements fédéral et provinciaux ont passé leur temps à prétexter des problèmes de partage des compétences et à se renvoyer la balle.(216)
- Que le ministère des Affaires indiennes et du Nord, le Service canadien des forêts et les autres organismes fédéraux assument leur part des responsabilités du gouvernement fédéral à lendroit de la nation métisse et des Premières nations dans leurs programmes portant sur les questions forestières autochtones.
- Que les gouvernements naccordent aucun permis de coupe aux compagnies forestières
sur les terres traditionnelles utilisées par les peuples autochtones depuis des siècles
ou dans des zones de revendications territoriales sans respecter les plus récentes
décisions des tribunaux. Le Sous-comité est également favorable à un règlement rapide
des revendications territoriales.
- Que les provinces reconnaissent lobligation fiduciaire de lÉtat de
protéger et dhonorer les droits des Autochtones comme étant une responsabilité
partagée en matière de foresterie, ce qui comprend lobligation des gouvernements
de participer aux négociations entre les peuples autochtones et les représentants de
lindustrie forestière.
- Que les utilisations traditionnelles des terres par les Autochtones soient prises en
compte dans la planification de toute région boisée qui fait lobjet de telles
utilisations ou de toute activité forestière qui pourrait compromettre les droits issus
de traités des Autochtones.
- Que des mécanismes permanents et évolutifs soient prévus pour créer des partenariats entre le gouvernement, lindustrie et les peuples autochtones en matière de formation en foresterie, de démarrage dentreprises, daccès à des territoires forestiers et de création demplois.