Le Comité sénatorial permanent de
lagriculture et des forêts
Président: Lhonorable Leonard J. Gustafson
Vice-président: Lhonorable John Wiebe
Juin 2001
LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE LAGRICULTURE ET DES FORÊTS
L'honorable Leonard J. Gustafson, Président
L'honorable John Wiebe, Vice-président
et
Les honorables sénateurs
* Sharon Carstairs, c.p.. (ou Fernard Robichaud, c.p.)
Thelma Chalifoux
Joyce Fairbairn, c.p.
Aurélien Gill
Elizabeth Hubley
Marjory LeBreton
* John Lynch-Staunton, c.p. (ou Noël Kinsella)
Donald Oliver
Terry Stratton
David Tkachuk
Jim Tunney
* Membres d'office
June Dewetering Attaché de recherche Direction de la recherche palementaire
Daniel Charbonneau Le greffier du Comité
ORDRE DE RENVOI
Extrait des Journaux du Sénat du mardi 20 mars 2001 :
L'honorable sénateur Wiebe propose, appuyé par l'honorable sénateur Banks,
Que le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts soit autorisé à
recueillir et examiner des documents et témoignages et à en rendre compte, ainsi
quà faire rapport sur les travaux accomplis par le Comité sénatorial permanent de
l'agriculture et des forêts dans le cadre de lexamen de létat présent et
futur des forêts quil a mené au cours de la deuxième session de la
trente-sixième législature;
Que le Comité présente son rapport au plus tard le 30 juin 2001.
La motion, mise aux voix, est adoptée.
Le greffier du Sénat,
Paul C. Bélisle
MISSION DINFORMATION EN COLOMBIE-BRITANNIQUE, EN ALBERTA ET DANS
LÉTAT DE WASHINGTON
INTRODUCTION
Du 25 au 28 septembre 2000, quelques membres du Sous-comité des forêts du
Comité sénatorial permanent de lagriculture et des forêts ont effectué une
mission dinformation en Colombie-Britannique, en Alberta et dans lÉtat de
Washington afin de recueillir de linformation sur lindustrie canadienne du
bois duvre pour ce qui touche le regroupement dentreprises et la
mondialisation, la transformation à valeur ajoutée, la commercialisation et
lAccord sur le bois duvre. Des discussions ont eu lieu avec des
représentants du gouvernement, des associations industrielles, des universitaires, des
producteurs de bois duvre, un groupe autochtone et un syndicat. La plupart des
groupes et des particuliers ont insisté sur limportance de lindustrie du bois
duvre comme élément contribuant au produit intérieur brut, à lemploi
(direct et indirect, en particulier dans les collectivités tributaires de
lexploitation forestière) et à léquilibre des échanges. À cet égard, ils
ont fait état de différentes mesures que le gouvernement fédéral pourrait prendre pour
aider lindustrie. Aucun consensus ne sest toutefois dégagé quant à ce qui
devrait se produire à lexpiration de lAccord sur le bois duvre en
mars 2001.
A. Regroupement dentreprises et mondialisation
Certains ont souligné que lachat dentreprises canadiennes par des
sociétés américaines (MacMillan Bloedel par Weyerhaeuser, Weldwood par International
Paper, etc.) est de nature à inciter davantage les sociétés étrangères à trouver une
solution aux différends commerciaux et à éviter le recours aux droits compensateurs et
aux mesures antidumping; de même, ce phénomène favorise une meilleure compréhension
des systèmes différents existants dans lun et lautre pays.
Quelquun a noté que même si le nombre de regroupements a été important dans
lEst du Canada dans le secteur des pâtes et papiers et de la production de papier
journal, certaines entreprises canadiennes de la côte Ouest (comme Fletcher Challenge) se
départissent de leurs intérêts dans le bois duvre.
Daucuns ont fait valoir que, même si le gouvernement fédéral joue un rôle dans
les regroupements par le biais du processus de révision du Bureau de la concurrence, les
gouvernements provinciaux peuvent mettre un frein aux activités de fusion en exerçant
leur droit de refuser loctroi de droits dexploitation; ce quils ne font
généralement pas; les provinces peuvent aussi sengager dans un processus
daudiences publiques avant dautoriser une fusion ou une acquisition.
Bien que certains groupes sont davis que lon assistera au cours de la
présente décennie à lémergence dun marché nord-américain du bois
duvre et à la poursuite des regroupements à léchelle mondiale, un
intervenant a soutenu au contraire quil est peu probable que les regroupements dans
lindustrie nord-américaine du bois duvre se poursuivent étant donné
le peu déconomie déchelle à réaliser; à son avis, toutefois, si une
entreprise a besoin de pâte, il lui sera peut-être plus facile de posséder aussi la
scierie.
B. Transformation à valeur ajoutée
Un groupe a souligné que la croissance de la transformation à valeur ajoutée est
limitée en raison de sa vulnérabilité à la concurrence étrangère et aux défis
posés par le commerce international; il suffit de songer, par exemple, aux tentatives des
Américains pour obtenir la reclassification des poteaux préforés et du bois texturé au
planage de façon à ce que ces produits soient visés par lAccord sur le bois
duvre.
Dautres obstacles à la transformation à valeur ajoutée ont été évoqués,
notamment la fragmentation régionale et sectorielle et le manque déconomies
déchelle.
Un groupe a souligné que lAccord sur le bois duvre faisait en sorte
que certaines entreprises de transformation à valeur ajoutée se retrouvaient avec des
quotas insuffisants, doù leur capacité réduite de développer des marchés; de
lavis de ce groupe, la politique gouvernementale nappuie généralement pas le
développement à valeur ajoutée, étant donné que la propriété des terres et la
location de la tenure reviennent à lÉtat et que les taxes et la réglementation
nuisent aux investissements qui sont faits dans la technologie, la formation et le
développement de marchés.
Certains groupes ont parlé de Forest Renewal BC comme dun mécanisme utile pour
permettre à lindustrie daccroître la production à valeur ajoutée.
C. Commercialisation
La commercialisation pose de nombreux défis à lindustrie du bois
duvre, compte tenu de la concurrence dautres pays (notamment les pays
scandinaves) et des produits de substitution autres que le bois (comme lacier,
laluminium et le béton); de lavis de certains des intervenants, le Canada et
les États-Unis se font la lutte pour avoir droit à leur part respective du gâteau, mais
le gâteau est de plus en plus petit.
Plusieurs groupes et particuliers ont insisté sur limportance du marché japonais
pour les producteurs canadiens de bois duvre (en particulier ceux de la
région côtière de la Colombie-Britannique), étant donné que les habitants de ce pays
construisent un nombre important de maisons unifamiliales en bois.
Le marché japonais risque peut-être de connaître un ralentissement, avec les
changements démographiques, une économie au point mort, la concurrence dautres
pays et lamélioration des normes de construction et de la durabilité des logements
(conformément à la nouvelle loi sur lassurance de qualité des logements adoptée
en 1999) qui a entraîné une baisse de la demande; de même, plutôt que dutiliser
du bois vert, on utilise maintenant du bois séché artificiellement ou du bois
dingénierie.
Un certain nombre de groupes ont mentionné que linitiative Forest Renewal BC
avait investi dans la connaissance et le développement des marchés.
Certains groupes et particuliers ont fait état de la concurrence de produits de
substitution comme lacier et le béton ainsi que des nombreuses annonces
télévisées vantant les mérites de lacier qui ont, selon eux, beaucoup de
retentissement; ils ont signalé la nécessité dune campagne publicitaire pour
« mettre en valeur les vertus du bois ».
On a noté que le public et les environnementalistes continuent à exercer des pressions
en faveur de la conservation et des mises en réserve; ces initiatives environnementales
et lélaboration de normes dhomologation peuvent être utilisées comme un
outil de commercialisation; il importe toutefois de tenir compte de leur incidence sur les
coûts de production.
Bien des intervenants ont indiqué que le gouvernement fédéral avait un rôle à jouer
dans la protection des marchés existants, dans laide au développement de nouveaux
produits, marchés et technologies et dans lamélioration des compétences et la
formation; un groupe a souligné que même si les États-Unis peuvent percevoir ces
interventions gouvernementales comme « pouvant justifier le recours à des mesures
compensatoires », peut-être seraient-elles quand même profitables du point de vue
des coûts-avantages, au sens où les avantages du développement pourraient compenser le
coût des droits éventuellement exigés.
On a aussi noté quune aide fédérale est nécessaire en ce qui a trait aux
boycottages internationaux et à la désinformation ainsi quà lutilisation
par certains pays de barrières tarifaires et non tarifaires (notamment les enjeux
environnementaux); de lavis de certains, les gouvernements sont des
« messagers » plus crédibles que lindustrie et sont les principaux
mécènes dune industrie florissante.
Certains groupes ont souligné quil faudrait davantage faire ressortir le fait que
les marchands de bois sont les gardiens de la ressource, et quils ont un intérêt
direct dans sa capacité de renouvellement; de même, notre main-duvre très
spécialisée et la fibre canadienne de qualité supérieure doivent être mises en
évidence et il faut prendre note du rôle des forêts comme puits de carbone et habitat
faunique.
Certains groupes et particuliers ont fait état du manque de coordination entre les
ministères et organismes fédéraux, notamment le ministère des Affaires étrangères et
du Commerce international, Ressources naturelles Canada, Industries Canada, la Société
canadienne dhypothèques et de logement et la Société pour lexpansion des
exportations.
On a fait mention des codes dexploitation forestière, des plans de gestion de
terres et des ressources ainsi que des différents systèmes et normes
dhomologation; lhomologation procurerait apparemment les avantages
suivants : accès accru au marché, amélioration des pratiques et de
lefficience opérationnelle, hausse du moral chez les employés et acceptation par
le public et les clients; de lavis de certains, le gouvernement fédéral pourrait
servir dintermédiaire à différents groupes qui appliquent des normes différentes
et leur permettre de se rencontrer afin de tenter den arriver à une équivalence et
à uniformiser les règles du jeu.
D. LAccord sur le bois duvre
Bien des groupes et des particuliers ont souligné que les frictions commerciales entre
le Canada et les États-Unis sur la question du bois duvre perdurent depuis
plus de 100 ans; elles se sont toutefois accentuées au cours des 20 dernières
années, en raison des nombreuses actions entreprises par les États-Unis contre le
Canada. De lavis de certains, ce dossier est la principale pomme de discorde dans
les relations bilatérales et sa portée est importante en termes de volume, de valeur et
de droits versés.
La plupart des intervenants de lindustrie sattendaient à ce que la
signature en 1996 de lAccord sur le bois-duvre procure une certaine
confiance commerciale et marque le début dune période de « paix
commerciale »; cela na toutefois pas été le cas, et les États-Unis ont
exprimé des préoccupations concernant la classification de produits (comme les poteaux
préforés et le bois texturé au planage) et les changements apportés au régime de
coupe en Colombie-Britannique; il ne semble pas y avoir de consensus chez les intervenants
de lindustrie au Canada quant à ce qui va se produire à lexpiration de
lAccord en mars 2001, certains préconisant la libéralisation du commerce du
bois duvre et dautres appuyant une certaine forme de commerce
administré.
Néanmoins, les Canadiens ont toujours soutenu que lindustrie nationale du bois
duvre nest pas subventionnée, mais plutôt que les systèmes canadiens
et américains sont différents; le fait que les terres appartiennent à lÉtat ne
signifie pas que le prix du bois nest pas établi de façon concurrentielle.
La classification des produits à valeur ajoutée à la lumière de lAccord sur le
bois duvre est considérée comme particulièrement importante pour les
producteurs qui nont pas de quotas suffisants. Labsence de quotas suffisants a
aussi des conséquences pour les employés touchés par des mises à pied et des
fermetures; de plus, dans le cas de ceux qui ont des quotas, la cadence accélérée des
lignes de production résultant de la nécessité datteindre les quotas peut
accroître le nombre daccidents.
Sil y a eu des frictions entre le Canada et les États-Unis, il y a aussi eu du
mécontentement au Canada, en particulier en ce qui concerne lattribution des quotas
en 1996. Lattribution a gelé la structure des échanges jusque là établis avec
les États-Unis, avec pour résultat que les producteurs autochtones de la région
côtière de la Colombie-Britannique (une fois les marchés asiatiques taris) qui
exploitent de petites entreprises nouvelles et en expansion à valeur ajoutée se sont
sentis désavantagés; on a souligné que les quotas de bois duvre ont été
attribués, contrairement à ce qui se fait dans dautres secteurs où les quotas
sont mis aux enchères; comme la exprimé un groupe : «
lattribution des quotas pose toujours un problème lorsque la taille du gâteau est
fixe ».
Un groupe a souligné quadvenant la signature dun autre accord, les
problèmes demeureraient même si les quotas sont plus élevés; lattribution des
quotas entre les provinces et les producteurs soulèvera des difficultés.
Bien des groupes et des particuliers ont dit préférer une libéralisation sans aucune
contrainte dans le secteur du bois duvre (exempte de restrictions
artificielles, de quotas, de frais, etc.), plutôt quun système avec des quotas,
même sils reconnaissent que nous serions ainsi vulnérables aux droits
compensateurs américains et aux mesures antidumping qui seraient prises; à leur avis, le
renouvellement de lAccord nest pas une solution et même si une action est
entreprise pour obtenir des droits compensateurs (et éventuellement des droits
antidumping) exigerait beaucoup de temps et serait coûteuse, la plupart croient que le
Canada lemporterait, comme il la déjà fait par le passé.
Un particulier a fait remarquer que ce genre daccords incite les gens à éviter
(comme pour les poteaux préforés) et à éluder (par exemple, coupe au Québec,
transport à destination du Nouveau-Brunswick et exportation du Nouveau-Brunswick vers les
États-Unis); à son avis, deux catégories ont été créées : ceux « qui ont
des quotas » et « ceux qui nen ont pas ».
Un certain nombre de groupes et de particuliers ont souligné les intérêts communs des
producteurs canadiens et américains de bois duvre, plutôt que leurs
divergences, en mettant en évidence les défis quils partagent, notamment les
préoccupations environnementales, le faible rendement des investissements et la
nécessité daccroître limportance du marché des produits du bois, entre
autres; on a aussi pris note de lintégration croissante des deux côtés de la
frontière, et certains sont même allés jusquà prévoir que dici la fin de
la présente décennie, le marché nord-américain du bois duvre sera
entièrement intégré. Lémergence dun marché nord-américain fait ressortir
la nécessité dune stratégie nord-américaine à long terme.
Certains intervenants de la Colombie-Britannique ont indiqué leur volonté
denvisager des changements à la politique pour tenir compte des préoccupations
américaines, à condition que de véritables négociations, avec des concessions de part
et autre, aient lieu et que ces changements soient logiques du point de vue national;
ainsi, des garanties de paix commerciale pourraient être obtenues en échange de
changements à la politique (comme une augmentation de la quantité de bois soumise aux
appels doffres, le prix sur ce marché étant utilisé pour fixer les droits de
coupe); dautres ont indiqué que la politique relative aux forêts ne devrait pas
être « subordonnée » au commerce; certains voient la nécessité
dassises stratégiques pour réaliser le libre-échange, lesquelles doivent être
assorties des politiques nécessaires au chapitre de létablissement du prix du
bois, des exportations de billes, de la tenure des forêts, de lutilisation des
terres et des investissements.
Bien que certains intervenants américains et canadiens semblent être en partie
favorables à un système détablissement des prix fondés sur le marché pour le
bois duvre, certains groupes ont fait état des obstacles à surmonter avant
de pouvoir mettre en uvre un tel système; par exemple, les parties pourraient avoir
de la difficulté à passer « du jour au lendemain » dun barème de prix
fondé sur la mise aux enchères, étant donné que les baux ont été signés et que
certains mécanismes de réglementation (notamment en ce qui a trait au contrôle des
coupes) exigeraient des modifications.
Bien des groupes ont exprimé le désir damorcer des discussions avec les
États-Unis dans les meilleurs délais, et lun deux a affirmé que tout retard
à amorcer le dialogue allait susciter de la réticence de la part des États-Unis.
Certains estiment que lindustrie américaine veut accroître la structure de
coûts des producteurs canadiens afin de les rendre moins concurrentiels et dainsi
réduire leur part du marché mondial; on a aussi soutenu que les producteurs américains
ne veulent pas renoncer à leur part du marché et veulent limiter les exportations
canadiennes aux États-Unis afin daccroître le prix du bois américain.
Certains ont fait valoir que les entreprises autochtones devraient être soustraites aux
droits compensateurs et ne devraient pas être assujetties à des limites de quotas; on a
noté que les terres à bois privées avaient bénéficié dune exemption dans des
causes antérieures; certains ont aussi proposé quun représentant autochtone soit
présent lors des négociations; laccès illimité au marché américain peut être
particulièrement important étant donné que les entreprises autochtones ont accès à
davantage de ressources forestières grâce aux revendications territoriales découlant de
traités; les entreprises autochtones veulent avoir leur propre quota, plutôt que
dy avoir accès par le biais de relations de coentreprises avec des sociétés non
autochtones qui détiennent des quotas.
Un groupe sest dit davis que le Canada « sen tirera
mieux » et lemportera en vertu de lAccord de libre-échange
nord-américain (ALENA) et des règles de lOrganisation mondiale du commerce (OMC),
étant donné que les enquêtes américaines sont menées par le Département américain
du commerce et la U.S International Trade Commission, de sorte que les lois américaines
sont modifiées chaque fois que le Canada lemporte; on a souligné quune
action menée auprès de lOMC ne serait probablement pas résolue avant 2005, tandis
quune action menée en vertu de lALENA serait probablement résolue dici
2003.
LES CONCLUSIONS
Le secteur forestier, par les produits primaires comme les produits à valeur ajoutée
et partout au pays, est dune importance cruciale. Il contribue beaucoup à
lemploi, au produit intérieur brut et aux échanges commerciaux du Canada.
Cest pour cette raison que le Sous-comité des forêts du Comité sénatorial
permanent de lagriculture et des forêts a entrepris son étude, en se concentrant
sur le regroupement des entreprises et la mondialisation, sur les produits à valeur
ajoutée, la commercialisation et lAccord sur le bois duvre résineux.
Le Sous-comité demeure résolu à examiner ce secteur important et compte reprendre
les sujets étudiés et peut-être en aborder dautres, comme le secteur continuera
dévoluer et de conquérir de nouveaux enjeux.