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RPRD - Comité permanent

Règlement, procédure et droits du Parlement


Délibérations du Comité du
Règlement, de la procédure et des droits du Parlement

Fascicule 2 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 10 mars 2004

Le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, auquel a été renvoyé le projet de loi C-4, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada (conseiller sénatorial en éthique et commissaire à l'éthique) et certaines lois en conséquence, pour lequel il sollicite l'agrément du Sénat, se réunit aujourd'hui à 12 h 15 pour en faire examen.

Le sénateur Lorna Milne (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Honorables sénateurs, les membres du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement peuvent commencer leur examen du projet de loi C-4, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada (conseiller sénatorial en éthique et commissaire à l'éthique) et certaines lois en conséquence pour lequel ils peuvent solliciter l'agrément du Sénat. Nous accueillons l'honorable Jack Austin, leader du gouvernement au Sénat, et l'honorable Irwin Cotler, ministre de la Justice.

Félicitations à tous les deux et bienvenue au Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Sénat. Je m'en remets à vous. Vous pouvez commencer comme convenu.

L'hon. Jack Austin, leader du gouvernement au Sénat: Madame la présidente, je commence par mon exposé, puis le ministre de la Justice enchaînera.

Honorables sénateurs, j'ai le plaisir de me présenter devant vous en tant que parrain de ce projet de loi. Tout d'abord, je félicite le comité de son excellent travail de ces dernières années sur la question de l'éthique et le code de conduite. Je me réjouis de voir que le comité continue à travailler sur le code de conduite. Honorables sénateurs, je serai bref afin que vous puissiez poser vos questions le plus tôt possible.

Je demande votre indulgence, au cas où je mentionnerais des points que vous connaissez très bien, mais selon certaines déclarations, des idées fausses sur ce projet de loi font encore l'objet de débat; je vais donc parler de questions liées au projet de loi C-4.

Le projet de loi va créer deux nouveaux postes pour l'éthique et les conflits d'intérêts. Il y aura un commissaire à l'éthique indépendant pour la Chambre des communes et les titulaires d'une charge publique et un conseiller sénatorial en éthique indépendant pour les sénateurs. Ces bureaux seront créés en vertu de la Loi sur le Parlement du Canada. Le projet de loi établit les processus de nomination et de licenciement de ces personnes. Il décrit leur mandat, la façon dont ils seront rémunérés, leur pouvoir d'engager d'autres personnes pour les aider dans leur travail et de conclure des contrats ou d'autres arrangements. Il est important de noter les garanties énoncées dans le projet de loi pour assurer que toute information recueillie par le conseiller sénatorial en éthique et le personnel au cours de l'exercice de leurs fonctions n'est pas divulguée dans des procédures judiciaires.

Certaines des idées fausses qui me sont parvenues à propos de ce projet de loi concernent le rôle du conseiller sénatorial en éthique et, surtout, ce que les sénateurs seront obligés de lui révéler en vertu du projet de loi. Honorables sénateurs, le projet de loi ne traite pas de ces questions. Le projet de loi énonce très explicitement qu'il revient au Sénat de décider. Cela se trouve probablement dans le code de conduite dont le comité est saisi et qui fera peut-être partie du Règlement du Sénat.

Le paragraphe 20.5(1) proposé énonce:

Le conseiller s'acquitte des fonctions qui lui sont conférées par le Sénat en vue de régir la conduite des sénateurs lorsqu'ils exercent la charge de sénateur.

Le débat qui a eu lieu au Sénat à la dernière session et au cours duquel certains honorables sénateurs ont soutenu que le projet de loi obligerait les sénateurs à ouvrir leurs livres, dossiers, porte-monnaie et comptes en banque afin de divulguer leurs dettes et leur actif. Cependant, cela n'est pas vrai du tout. Il incombe au Sénat et au Sénat seul de décider de ce qui doit être divulgué au conseiller sénatorial en éthique. Si le Sénat décide que certains renseignements devraient être divulgués à titre confidentiel au conseiller sénatorial en éthique, il appartiendra donc au Sénat de déterminer lesquels de ces renseignements, le cas échéant, devront être divulgués au public. Ce projet de loi n'oblige pas un sénateur à divulguer quoi que ce soit à n'importe qui.

Je veux qu'il soit bien clair que ce projet de loi permet de nommer un conseiller sénatorial en éthique. Il laisse au Sénat la responsabilité de tout le reste. Les attributions de ce conseiller sénatorial en éthique sont de la responsabilité du Sénat et des sénateurs, et il incombe certainement au comité de définir plus attentivement ces questions au moment opportun. Le Sénat décidera ce que fera le conseiller sénatorial en éthique. En outre, il décidera des règlements qui s'appliqueront aux sénateurs.

Ce qui est important pour nous tous, c'est que la personne qui occupe le poste de conseiller sénatorial en éthique soit indépendante — à la fois de l'exécutif et des sénateurs. Le bureau devrait être établi de façon à ce que le conseiller sénatorial en éthique soit perçu comme étant vraiment indépendant du gouverneur en conseil et du Sénat. Nos règles seront des règles publiques afin que les responsabilités du conseiller sénatorial en éthique telles qu'elles ont été définies par le Sénat soient des règlements publiés dans notre Règlement. Les citoyens prendront connaissance, de manière ouverte et transparente, des règles de conduite que se sont imposées les sénateurs.

Cela m'amène à une question clé pour bon nombre de sénateurs et qui concerne le processus de nomination du conseiller sénatorial en éthique. Je reviens, une fois de plus, sur les mêmes vieilles affaires car on s'inquiète que le premier ministre choisirait le conseiller sénatorial en éthique, ce qui mettrait en péril l'indépendance du Sénat. Ainsi que je l'ai indiqué à la Chambre à la deuxième lecture, l'article 20.1 du projet de loi indique que le conseiller sénatorial en éthique est nommé par le gouverneur en conseil seulement après l'approbation de cette personne par résolution du Sénat; et cette résolution ne sera présentée au Sénat qu'après consultation du chef de chacun des partis reconnus au Sénat.

J'ai souligné que rien dans le projet de loi C-4 ne demande que le gouverneur en conseil propose un nom. Le projet de loi prévoit que cette personne sera nommée sous le grand sceau du Canada, mais rien n'exige du gouverneur en conseil qu'il nous envoie un nom. Le projet de loi ne fait aucune mention de l'origine de la proposition.

La nomination des principaux titulaires de charge publique du Parlement par le gouverneur en conseil est bien établie dans notre système démocratique depuis la Confédération. Dans de nombreux cas, la nomination d'un titulaire de charge publique n'exige pas une résolution du Parlement. On a dit que dans ce projet de loi, le processus de nomination sous le grand sceau est nouveau; pourtant, tout prouve le contraire. Par exemple, le Président du Sénat et le greffier du Sénat sont nommés par le gouverneur en conseil et ces nominations ne nécessitent pas de résolution. Le gouverneur en conseil nomme l'huissier du bâton noir, comme je l'ai dit à la deuxième lecture, mais pas en vertu d'une loi. C'est une pratique qui date d'avant la Confédération dans la Législature du Canada pour nommer ainsi l'huissier au bâton noir.

La question est de savoir si la procédure de nomination pour les postes de vérificateur général, de commissaire à la protection de la vie privée, de commissaire à l'information et de directeur général des élections sont des précédents utiles. D'aucuns ont fait valoir que, d'une façon ou d'une autre, le conseiller sénatorial en éthique aura une responsabilité unique et, par conséquent, le précédent pour toutes les nominations de hauts fonctionnaires du Parlement peut ne pas s'appliquer ou ne s'appliquera pas.

Cependant, à ce propos, j'aimerais dire que je ne comprends pas la différenciation. Chacun des hauts fonctionnaires du Parlement a une responsabilité unique et le niveau le plus élevé possible de probité et de responsabilisation. Personne, au cours de la deuxième lecture, n'a mis en doute l'intégrité du Président du Sénat, du greffier du Sénat ou du vérificateur général, qui ont la charge de s'assurer que l'argent des contribuables canadiens est dépensé de façon appropriée.

À vrai dire, notre première responsabilité est envers la population canadienne. Un objectif essentiel du code de conduite et de ce projet de loi vise à s'assurer que les citoyens canadiens se rendent compte que nous accordons la priorité à l'intérêt général. Je crois que les précédents ont établi un système approprié de nomination du conseiller sénatorial en éthique et, bien sûr, le commissaire à l'éthique à l'autre endroit.

Le projet de loi C-4 décrit la procédure selon laquelle toute nomination d'un conseiller sénatorial en éthique exige l'approbation du Sénat et du gouverneur en conseil, ce qui s'applique aussi à une renomination, qui nécessitent également l'approbation du Sénat et du gouverneur en conseil. Le licenciement ne peut être que motivé et nécessite l'agrément du Sénat et du gouverneur en conseil.

Honorables sénateurs, sans ce processus de double approbation, l'indépendance perçue du conseiller sénatorial en éthique serait compromise. Il y a longtemps que l'on reproche à l'actuel conseiller en éthique de ne pas être vraiment indépendant parce qu'il surveille les activités du premier ministre et de ses ministres, alors qu'il est entièrement redevable de son poste au premier ministre. De même, si un conseiller sénatorial en éthique était entièrement redevable aux sénateurs et n'était nommé qu'en vertu du Règlement du Sénat, il ou elle ne serait pas perçu par le public comme un conseiller vraiment indépendant sur des questions d'éthique face à ces mêmes sénateurs.

Je comprends que certains sénateurs sont persuadés qu'ils doivent participer au processus initial de sélection pour le poste de conseiller sénatorial en éthique. Je fais remarquer que le projet de loi C-4 ne mentionne rien à ce sujet. Il renvoie au processus de consultation du chef de chacun des partis reconnus au Sénat avant la nomination par le gouverneur en conseil, mais ne mentionne pas qui peut proposer le nom. Je me suis engagé au nom du gouvernement au Sénat et répète aujourd'hui cet engagement. Cet engagement est consigné dans les Débats du Sénat et il le sera de nouveau aujourd'hui. J'ai dit qu'avant de communiquer au Sénat une candidature au poste de conseiller sénatorial en éthique, le leader du gouvernement au Sénat sera autorisé à consulter de façon officieuse les chefs de chacun des partis reconnus au Sénat et d'autres sénateurs et à présenter au gouverneur en conseil le nom des personnes qui, de l'avis du leader du gouvernement au Sénat, auront la faveur des chefs de tous les partis reconnus, ainsi que le soutien de la majorité des sénateurs du gouvernement et de l'opposition.

Je vais essayer d'être plus clair au cas où je ne l'aurais pas été dans le texte que je viens de vous lire. L'engagement est que le gouverneur en conseil ne proposera pas de nom, mais attendra la recommandation des sénateurs dans le processus que je viens de proposer. Comme je l'ai dit au Sénat, le gouverneur en conseil fera tous les efforts pour tenir compte des intérêts du Sénat afin que le conseiller soit perçu comme indépendant et soit effectivement indépendant dans l'exercice des fonctions qui lui seront confiées en vertu du code de déontologie que le Sénat décidera d'adopter.

Honorables sénateurs, cet engagement sera respecté par tous les futurs gouvernements. Les honorables sénateurs savent que la règle constitutionnelle veut que chaque Parlement prenne ses dispositions. Rien de ce qui est donné ici comme un engagement garantira ce qu'un futur gouvernement, et aucun parmi nous peut dire quel changement un futur gouvernement apportera ou pas, ni de quelle façon le Sénat peut décider de changer le rôle du conseiller sénatorial en éthique. Un futur Parlement peut prendre n'importe quelle loi qu'il souhaite en vertu de la Constitution. Tout ce que nous pouvons faire est de proposer des mesures législatives qui assurent un bon équilibre pour garantir l'indépendance réelle et perçue du conseiller sénatorial en éthique; qui maintiendra notre équilibre traditionnel de responsabilités dans le système parlementaire canadien et qui établit des procédures efficaces et appropriées, y compris celles que je propose pour le choix de la personne à nommer. Je suis certain que le système fonctionnera et qu'il sera maintenu par les futurs gouvernements.

Honorables sénateurs, je vous demanderais de permettre au ministre de la Justice de traiter de certaines des préoccupations d'ordre juridique qui ont fait surface dans les débats antérieurs.

La présidente: Monsieur Cotler, vous avez la parole.

L'hon. Irwin Cotler, ministre de la Justice: Je suis enchanté de comparaître devant le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement. Je suis accompagné de ma sous-ministre adjointe, Mme Mary Dawson, et de l'avocat général principal, M. Henry Molot, qui m'ont tous deux été d'une aide précieuse durant les années où j'étais professeur de droit. Je dois ajouter que je n'ai jamais eu l'occasion d'être consulté sur des questions de privilèges et d'immunité parce qu'il ne s'agissait pas d'une question jouissant d'une grande visibilité — du moins, pas pour les étudiants — à l'époque où j'enseignais le droit.

Je suis enchanté par la participation et l'intérêt, sinon l'enthousiasme, qui se manifestent ici aujourd'hui. Si je devais retourner à l'enseignement du droit un jour, je pourrais faire de cette question une préoccupation centrale et j'inviterais les étudiants à en apprécier toute l'importance et toute la signification.

Vous êtes le premier comité du Sénat auquel j'ai le plaisir d'adresser la parole à titre de ministre de la Justice et de procureur général, bien que j'aie eu le plaisir au cours des années, à titre de professeur de droit, de comparaître devant les sénateurs, par exemple, devant le Comité mixte de la Chambre et du Sénat sur la Constitution en 1980, qui se penchait sur la Loi constitutionnelle et sur la Charte canadienne des droits et libertés, et devant le Comité du Sénat des affaires étrangères sur la question de l'intervention humanitaire.

Je suis heureux de l'occasion qui m'est donnée de comparaître ici parce que les inquiétudes concernant le projet de loi C-4 se rapportent à un projet de loi dont la raison d'être sous-jacente est l'éthique dans la gouvernance — qui, en soi, est un pilier fondamental de la démocratie.

Parfois, lorsque nous utilisons la langue des privilèges et immunités, nous semblons planer dans les abstractions du discours, ce qui donne l'impression qu'il s'agit d'une question spécialisée qui n'intéresse que les spécialistes ou que seuls ces derniers peuvent comprendre. Cependant, nous avons affaire ici à une préoccupation fondamentale non seulement pour tous les parlementaires des deux chambres, mais également pour le public et la démocratie elle-même.

Dans l'affaire Harvey c. New Brunswick, qui a été jugée en 1996 par la Cour suprême du Canada, la juge en chef Beverley McLachlin avait dit: «Pour survivre, les démocraties doivent insister sur l'intégrité de ceux qui cherchent à remplir et qui remplissent une charge publique». Dans un avis antérieur donné dans le cadre de l'affaire New Brunswick Broadcasting c. Nova Scotia, en 1993, toujours devant la Cour suprême, la juge en chef a établi une proposition fondamentale qui a rapport à notre discussion en jugeant que les chambres du Parlement — ce qui, par conséquent, comprend le Sénat — possèdent un ensemble de pouvoirs et privilèges «nécessaires à leur fonctionnement». On a de bonnes raisons de croire que la question du commissaire à l'éthique est inextricablement liée à ces droits nécessaires au fonctionnement comme organisme législatif tout comme elle est inextricablement liée avec l'éthos en matière d'éthique dans la gouvernance comme pilier de la démocratie lui-même.

Le but fondamental du projet de loi C-4, tel qu'il se rapporte au Sénat, est de permettre la nomination d'un commissaire à l'éthique pour exercer les attributions qui lui sont conférées par le Sénat. En particulier, pour s'assurer que dans l'exercice de ces attributions conférées, le commissaire à l'éthique ne rend des comptes qu'au Sénat — et il s'agit d'un principe important de l'obligation de rendre des comptes au public qui doit être pris en considération —, le projet de loi confère au commissaire à l'éthique les privilèges et immunités du Sénat et offre une protection contre le contrôle judiciaire.

Cela m'amène à traiter d'un second principe fondamental pertinent, c'est-à-dire la ligne de démarcation entre la compétence exclusive d'un organisme législatif à gérer ses affaires internes et la supervision judiciaire par les tribunaux. Encore une fois, l'opinion de la juge en chef est pertinente ici. La juge en chef McLachlin a reconnu que bien que les actions de la législature «puissent faire l'objet d'un contrôle judiciaire afin de déterminer si elles relèvent du domaine protégé du privilège parlementaire, les tribunaux n'ont pas le pouvoir de contrôler les décisions conformes à ce privilège».

Maintenant, pour ce qui est de ce qui relève du domaine protégé du privilège, la juge en chef McLachlin a affirmé dans une décision antérieure que «les organismes législatifs canadiens peuvent revendiquer en tant que privilèges inhérents les droits nécessaires à leur fonctionnement» — ce qui, dans ce cas, inclurait la protection de l'éthique dans la gouvernance — comme je l'ai mentionné — et de l'intégrité de ceux qui occupent une charge publique, non seulement en tant que pilier de la démocratie, comme l'indique la juge en chef, mais comme une partie intégrante de la survie d'une démocratie.

Dans le cas de ce principe constitutionnel fondamental, reflétant la relation entre l'éthique et la démocratie, et en ce qui concerne les organismes législatifs comme le Sénat ayant des pouvoirs, privilèges et droits inhérents de faire ces choses, j'aimerais parler de deux préoccupations, après vous avoir donné ce cadre constitutionnel et ce contexte qui ne sont pas sans pertinence, dans lesquels doit être ancrée et perçue cette question. J'en arrive directement à deux préoccupations précises qui ont été exprimées par des sénateurs.

Je crois savoir que le sénateur Joyal a exprimé des réserves quant au caractère constitutionnel du projet de loi. Le sénateur a demandé si, en vertu de la Constitution, le Parlement peut conférer de tels privilèges et immunités à ce commissaire à l'éthique. Comme vous le savez, et comme l'a signalé à juste titre le sénateur Joyal, la compétence du Parlement est définie par l'article 18 de la Loi constitutionnelle de 1867 qui précise qu'une loi du Parlement comme le projet de loi C-4 ne peut conférer au Sénat ni à la Chambre des communes des privilèges, immunités ou pouvoirs «excédants ceux qui, lors de la passation de la présente loi, sont possédés et exercés par la Chambre des communes du Parlement du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande et par les membres de cette Chambre».

En d'autres mots, pour être constitutionnel, le projet de loi C-4 ne peut, par conséquent, accorder de privilèges, immunités et pouvoirs qui excèdent les privilèges, immunités et droits possédés par la Chambre des communes britannique et ses membres en 1867 et maintenant. En conséquence, les questions fondamentales que l'on doit se poser par rapport au caractère constitutionnel de ce projet de loi sont: Quels sont les privilèges et immunités que possède la Chambre des communes britannique, et est-ce que les pouvoirs conférés par ce projet de loi excèdent ces pouvoirs? Je vais laisser de côté un autre argument voulant que même si ces pouvoirs excédaient ceux de la Chambre des communes britannique, ils seraient tout de même constitutionnels si l'on considère l'article 44 de la Loi constitutionnelle de 1982 et les droits et privilèges inhérents des Chambres du Parlement sans devoir recourir à la Chambre des Lords. Je ne m'intéresserai qu'au scénario présenté par le sénateur Joyal et à la nécessité de se conformer aux privilèges et immunités touchant la Chambre des communes britannique.

Comme principe de base, il faut comprendre que les privilèges, immunités et pouvoirs traditionnels de la Chambre des communes s'appliquent effectivement à la conduite éthique de ses membres. Dans la vingt et unième édition, publiée en 1989, de son ouvrage sur les pratiques parlementaires, Erskine May prend l'exemple d'un membre d'une Chambre qui accepte de l'argent lié à une question dont est saisie la Chambre, y compris l'acceptation d'honoraires pour des services professionnels liés à une telle question.

Les principes liés à des questions de ce genre ont été décrits de manière plus complète par la juge en chef McLachlin dans l'affaire Harvey, à laquelle j'ai fait allusion. Je vais maintenant citer l'expression plus complète de la juge en chef parce qu'elle conceptualise tout et qu'elle est éminemment applicable à tout ce que nous faisons ici concernant une des deux Chambres du Parlement protégeant l'intégrité du Parlement et l'éthos de la démocratie.

La juge en chef McLachlin a dit: «Pour survivre, les démocraties doivent insister sur l'intégrité de ceux qui cherchent à remplir et qui remplissent une charge publique». Ce qu'elle dit par après devient maintenant pertinent dans l'approche comparative entre notre Chambre des communes et celle de Grande-Bretagne. Elle a dit:

Elles ne sauraient tolérer les manoeuvres frauduleuses au sein de la législature. Elles ne sauraient non plus tolérer la fraude électorale. Si elles le font, deux conséquences risquent d'en résulter. Premièrement, le fonctionnement de la législature peut-être affecté. Deuxièmement, la confiance du public dans la législature et le gouvernement peut être minée. Aucune démocratie ne peut se permettre que l'une ou l'autre situation se produise.

Cela resterait aussi vrai dans le cas de la Chambre des communes de Grande-Bretagne que dans celui des deux Chambres ici au Canada. La juge en chef poursuit en disant, parlant directement sur le sujet de l'autorité constitutionnelle dans la question d'un commissaire à l'éthique dans son rapport avec la question de notre responsabilité face à la protection de l'éthos et de la gouvernance d'une démocratie:

En présence d'un comportement qui mine leur intégrité fondamentale, les législatures sont tenues d'agir. Cette action peut aller de mesures disciplinaires dans le cas d'irrégularités mineures jusqu'à l'expulsion ou à l'inéligibilité dans le cas de violations plus graves. L'expulsion et l'inéligibilité garantissent au public la destitution de ceux qui ont obtenu une charge frauduleusement ou en ont abusé. Le processus législatif est purifié et la législature, maintenant rétablie, peut s'acquitter de ses tâches comme elle le doit.

On peut nécessairement déduire le lien entre les pouvoirs et privilèges du Parlement tel que je les ai décrits dans l'opinion de la juge en chef McLachlin, et l'importance de protéger l'intégrité d'une démocratie par l'intermédiaire d'une fonction comme celle d'un commissaire à l'éthique qui doit rendre des comptes au Sénat.

Dans la mesure où le projet de loi C-4 se rapporte à ces formes de comportement éthique des sénateurs, l'objet du projet de loi relève de la compétence traditionnelle que possède la Chambre des communes britannique sur ses membres et, par conséquent, est conforme à l'article 18 de la Loi constitutionnelle de 1867. On pourrait également ajouter qu'elle relève clairement de la compétence du Parlement canadien, concernant les pouvoirs et privilèges de ses membres tel qu'ils sont prévus dans l'article 44 de la Loi constitutionnelle de 1982 qui confère ces pouvoirs appropriés au Parlement fédéral, à la Chambre des communes et au Sénat.

Honorables sénateurs, j'aimerais ajouter que la Chambre des communes de Grande-Bretagne a adopté un code de conduite. Nous parlons ici de l'expérience législative qui nous sert de guide ainsi que du cadre constitutionnel que j'ai cité. Leur Chambre des communes a adopté un code de conduite pour ses membres et un registre pour indiquer les intérêts de ces derniers.

Ceux qui ont suivi cette question, comme le sénateur Joyal, peuvent connaître l'affaire Ross c. Edwards survenu au Royaume-Uni, une décision de première instance dans laquelle le tribunal a jugé que ni le registre ni les pratiques et procédures qui s'y rattachent ne relevaient des activités du Parlement au sens de l'article 9 de la déclaration des droits de 1689 et, par conséquent, n'étaient pas protégés par le privilège parlementaire.

Par ailleurs, cinq ans plus tard, et ce qui revêt une importance particulière également concernant le degré de contrôle judiciaire, le Comité judiciaire du Conseil privé a décidé, dans l'affaire Prebble c. Television New Zealand en 1995, que les activités d'un Parlement ne sont que la manifestation d'un principe plus large. Si je rattache ici les propos de la juge en chef Mclachlin, que j'ai cités plus tôt, un principe plus large appliqué par les tribunaux de ne pas autoriser des poursuites pour ce qui est dit ou fait à l'intérieur des murs du Parlement dans l'accomplissement des fonctions législatives et la protection de ses privilèges établis, que j'ai décrits et qui sont pertinents par rapport à la protection de l'intégrité de la démocratie et de l'intégrité des membres du Parlement dans une démocratie.

Le Conseil privé a également noté qu'on pouvait se demander si l'affaire Ross c. Edwards avait été tranchée de manière appropriée. Plus important encore, cette approche plus large a été adoptée quelques années plus tard par la Cour d'appel britannique qui a conclu qu'elle n'avait pas la compétence nécessaire pour examiner la situation du «Parliamentary Commissioner for Standards», affirmant que cette fonction était valide et conforme à la constitution et que son mode de fonctionnement était soustrait au contrôle judiciaire.

La jurisprudence britannique appuie la conclusion que la question d'un code de conduite régissant les intérêts privés des membres en ce qui concerne les membres de la Chambre des communes exécutant leurs fonctions en tant que tels relève des privilèges, immunités et pouvoirs de la Chambre des communes de Grande-Bretagne. Par conséquent, à cet égard, le projet de loi C-4 est un projet de loi constitutionnel selon l'article 18 de la Loi constitutionnelle.

Je résumerai brièvement la deuxième question. Je sais qu'un deuxième argument a été présenté selon lequel ce projet de loi confère une immunité au conseiller sénatorial en éthique. Selon certains de vos collègues, il s'agirait d'une immunité absolue qui place le conseiller sénatorial en éthique au-dessus de la loi et fait en sorte qu'il ne peut être tenu responsable d'un point de vue civil ou pénal, ce qui est à l'encontre de tous les principes de la primauté du droit, et autres, établis dans divers arrêts comme Roncarelli c. Duplessis, et cetera.

Toutefois, l'étude du projet de loi nous montre qu'il n'y a aucune immunité absolue conférée dans ce cas. L'immunité est conférée à condition que le conseiller sénatorial en éthique agisse de bonne foi dans l'exercice de ses fonctions. S'il agit en dehors de l'exercice de ses fonctions et s'il n'agit pas de bonne foi, il doit rendre des comptes à votre comité sénatorial, qui est chargé des questions de cette nature.

Je fais un retour sur l'arrêt Roncarelli c. Duplessis, dont de nombreux sénateurs se souviennent certainement puisqu'il s'agit d'un arrêt célèbre en droit constitutionnel et administratif. Duplessis, qui était également procureur général à l'époque, a ordonné l'annulation d'une licence pour débit de boisson à un témoin de Jéhovah, Frank Roncarelli. Il prétendait, comme certains sénateurs le prétendent ici, avoir l'immunité absolue, c'est-à-dire qu'aucune procédure judiciaire ne pouvait être engagée contre lui pour un acte accompli dans l'exercice de ses fonctions. Il avait l'immunité absolue à cet égard. Toutefois, la cour a statué qu'il avait agi en dehors de l'exercice de ses fonctions et qu'il avait agi de mauvaise foi — il avait annulé une licence pour débit de boisson non pas parce que la personne vendait de l'alcool à des mineurs, mais parce qu'elle était un témoin de Jéhovah. Il a agi d'une manière qui n'était pas du ressort du procureur général, tel que défini par la loi.

Le même principe s'appliquerait si le conseiller sénatorial en éthique agissait d'une manière qui n'est pas autorisée par le Sénat, puisqu'il est une création du Sénat. Il est responsable devant le Sénat. Les sénateurs déterminent les paramètres et les balises du bureau du conseiller sénatorial en éthique. Si le conseiller agit de mauvaise foi et qu'il agit en dehors de l'exercice de ses fonctions, les honorables sénateurs disposent des moyens nécessaires pour lui demander de rendre compte de ses actes.

En conclusion, ce projet de loi est constitutionnel compte tenu des pouvoirs et des privilèges qui sont conférés aux chambres du Parlement et qui se rapportent à ceux conférés autrefois ou maintenant à la Chambre des communes britannique. Les préoccupations concernant l'immunité — bien qu'elles soient légitimes — ne sont pas justifiées sous l'angle tant des faits que du droit puisqu'il ressort du projet de loi que le conseiller sénatorial en éthique qui agit de mauvaise foi ou agit en dehors de l'exercice de ses fonctions est responsable de ses actes.

Le sénateur Andreychuk: Sénateur Austin, vous dites que l'actuel premier ministre a promis de ne pas proposer de candidat, mais de demander plutôt au Sénat de le faire.

Êtes-vous d'accord avec moi pour dire que cette promesse n'entraîne aucune obligation légale? Le manquement à cette promesse pourrait causer un embarras politique, mais n'a aucune incidence en droit. Elle pourrait avoir un effet de persuasion sur le prochain premier ministre. Toutefois, ce projet de loi aura été adopté pour longtemps.

En quoi est-il avantageux pour la population canadienne qu'il y ait un conseiller en éthique chargé présumément du Sénat qui sera contrôlé par un premier ministre? Comment pouvons-nous affirmer devant la population que nous sommes soucieux de l'éthique, que nous voulons avoir un conseiller en éthique indépendant alors que nous ne pouvons donner à la population l'assurance que ce conseiller ne sera pas manipulé ni influencé par les prochains premiers ministres, pas nécessairement celui qui est en poste actuellement?

Le sénateur Austin: La pratique des conventions constitutionnelles est établie depuis longtemps. J'ai mentionné précédemment que même le rapatriement avait été bloqué par la Cour suprême du Canada, qui a statué que le gouvernement fédéral avait un droit légal, mais qu'il n'avait pas suivi la coutume; le gouvernement est donc revenu à la coutume pour entreprendre des négociations avec les provinces.

Les conventions mènent les institutions parlementaires. Nous fonctionnons de cette façon depuis toujours. Les sénateurs et les députés transmettent à leurs successeurs ces conventions, qui font partie de la culture parlementaire. Lorsqu'un ministre fait une promesse à la chambre, c'est la coutume de tenir cette promesse. Je ne peux donner aux honorables sénateurs l'assurance que cette promesse entraîne une «obligation légale».

Cette question concerne la régie interne du Sénat. Nous ne voulons pas que les tribunaux nous disent comment nous devons mener nos affaires. Nous menons nos affaires internes en fonction des règles et des conventions. C'est ainsi que nous fonctionnons. Le public a toute l'assurance que l'intégrité de la chambre et de ses membres peut lui donner.

Le sénateur Andreychuk: Ma question ne visait pas l'intégrité par rapport aux tribunaux, mais par rapport au pouvoir exécutif et au premier ministre.

Le sénateur Austin: Je ne vois aucune interférence dans les propositions que fait le gouvernement. Depuis des décennies, nous nommons des titulaires de charge publique et des hauts fonctionnaires du Parlement et, autant que je me souvienne, jamais le gouvernement n'est intervenu dans l'exécution des fonctions d'un haut fonctionnaire du Parlement. Je parle des commissaires à la vie privée, des commissaires à l'information et du vérificateur général, alors si le sénateur Andreychuk a des exemples, j'aimerais qu'il nous en fasse part.

Le sénateur Andreychuk: En ce qui a trait à la coutume, je pourrais donner de nombreux exemples, et je le ferai dans un plus long discours. La coutume veut que le Parlement soit dûment consulté avant que le Canada ne s'engage dans une mission militaire — que ce soit une guerre ou d'autres interventions — et je me rappelle qu'on s'en est tenu à la lettre pour tenir un débat de onze heures.

Je pourrais parler de nombreux précédents. Les conventions changent et ne créent aucune obligation. Nous pourrions peut-être en parler au ressortissant algérien qui a été déporté hier alors qu'il se trouvait dans une église, où nous avions une convention de liberté...

Le sénateur Austin: Vous ne parlez pas d'une convention parlementaire.

Le sénateur Andreychuk: Les conventions entourant la démocratie doivent être prises globalement.

Le sénateur Austin: Aucun ministre n'a donné l'assurance que la force policière n'entrerait pas dans une église. J'ai parlé, pour le compte rendu, de l'assurance donnée par un ministre.

Le sénateur Andreychuk: Pour le compte rendu, et c'est tout ce que c'est, une assurance.

Le sénateur Austin: Vous pouvez minimiser la chose, mais je la prends très au sérieux.

Le sénateur Andreychuk: Je crois effectivement que vous prenez la chose au sérieux. Moi aussi. Rien ne garantit que vous serez en poste dans 10 ans. Je vous le souhaite, mais je dis que nous n'avons aucun contrôle sur les administrations futures. C'est ce que je vais valoir. On répond qu'il n'y a aucune obligation légale, et vous me dites que c'est la meilleure solution possible.

Le sénateur Austin: Je ne peux concevoir que le prochain conseiller sénatorial en éthique, disons dans sept ans, soit nommé différemment, puisque tous les sénateurs — et de nombreux sénateurs ici seront encore sénateurs à ce moment- là, sauf moi — diront: «Voilà ce qui a été fait en 2004; comment le gouvernement peut-il justifier une autre façon de faire?» Ce serait une journée très difficile pour le gouvernement s'il voulait s'éloigner, en 2011, de la pratique que nous cherchons à établir ici.

Le sénateur Andreychuk: Au moment où la démocratie est si fragile au Canada et où l'on s'interroge sur les fonctions de premier ministre, pourquoi le gouvernement actuel ne décide-t-il pas — dans un esprit de renouveau au Canada — qu'il y aura un conseiller en éthique imposé par la loi, selon des critères clairement définis? Une assurance serait alors donnée au public, au Sénat et au premier ministre — et je crois que la population du Canada nous en féliciterait.

Le sénateur Austin: Je sais que l'honorable sénateur préconise depuis longtemps l'ajout d'un code de conduite dans le règlement du Sénat. Comme cette chambre a le droit de gérer ses propres affaires internes, le sénateur Oliver a fait valoir dans son rapport, ainsi que Peter Milliken, que le code de conduite ferait partie du règlement et serait administré par le Sénat lui-même. Voilà un aspect important. Je suis heureux de mettre fin à la discussion.

Le sénateur Andreychuk: J'ai une brève question pour le ministre Cotler. Le privilège peut-il être délégué et, le cas échéant, doit-il être délégué de manière absolue ou autrement? Vous avez parlé d'autres aspects concernant la portée des privilèges. J'aimerais savoir si le privilège donné au Parlement peut être délégué.

M. Cotler: Concernant votre question au sénateur Austin, je crois que la loi contient effectivement des critères concernant les pouvoirs et privilèges du Sénat pour ce qui est du conseiller sénatorial en éthique. D'un point de vue constitutionnel, le Parlement fédéral peut créer ce bureau et le doter de certains pouvoirs, mais les particularités du conseiller sénatorial en éthique sont définies.

Le conseiller sénatorial en éthique est nommé à titre inamovible et le Sénat peut le révoquer s'il a des motifs de le faire. Une conduite criminelle de la part du commissionnaire justifierait certainement une telle révocation. Le conseiller sénatorial en éthique fait partie intégrante de l'institution du Sénat et s'acquitte de ses fonctions sous l'autorité générale d'un comité du Sénat.

Le conseiller sénatorial en éthique doit remettre un rapport annuel au Sénat. En d'autres termes, il s'agit d'une création du Sénat, qui lui est redevable. Le Sénat établit les règles et les lignes directrices pour l'exécution de ces fonctions. D'un point de vue constitutionnel, le Parlement fédéral a le pouvoir d'adopter une loi pour nommer un conseiller sénatorial à l'éthique ou pour créer un tel poste.

En ce qui a trait à la nature des fonctions — qu'on pourrait appeler les «aspects délégués» des fonctions — ces aspects sont déterminés par le Sénat, et non par la loi qui crée ces fonctions.

Le sénateur Andreychuk: Je laisserai quelqu'un d'autre poursuivre, parce que ma question portait sur la délégation. Un privilège peut-il être délégué?

La présidente: Avant de passer au prochain questionneur sur la liste, j'aimerais attirer l'attention des sénateurs sur l'article 2, subdivision 20.2(1), qui dit essentiellement que le premier ministre en poste ne pourra pas révoquer le conseiller sénatorial en éthique sans une résolution du Sénat à cet effet. Par conséquent, le conseiller exerce ses fonctions et ne peut être manipulé par le premier ministre.

Toujours à l'article 2, subdivision 20.5(2), il est écrit «lorsqu'il s'acquitte de ses fonctions, il agit dans le cadre de l'institution du Sénat».

Le sénateur Harb: Je suis intrigué par cette notion de promesse par rapport à une disposition qui serait prévue par la loi. J'aimerais me faire l'avocat du diable. Par exemple, supposons que le pouvoir exécutif propose un candidat et que cette candidature est approuvée. Pour reprendre l'argument selon lequel on a promis d'agir ainsi, qu'arriverait-il si le Sénat, au lieu d'adopter une loi qui établit les règles dans un code de conduite, devait faire une promesse par résolution — plutôt que par une loi du Sénat?

Qu'arriverait-il dans une situation comme celle-là, si le commissaire à l'éthique qui est nommé n'a pas les outils nécessaires pour effectuer son travail?

Le sénateur Austin: Le Sénat réglemente lui-même ces agissements. Rien ne l'oblige, sauf l'opinion publique, à produire un code de conduite. Rien dans la loi n'oblige le Sénat à adopter un projet de loi. Toutefois, il est inconcevable que nous ne réagissions pas à cette loi en adoptant notre propre code de conduite.

Personne ne conteste que le Sénat doit respecter les normes les plus élevées en matière d'éthique. Nous reconnaissons à l'unanimité qu'il est de notre devoir envers la population et notre institution d'élaborer un code de conduite. La teneur d'un tel code est entièrement du ressort du Sénat.

Le sénateur Grafstein: Je remercie le ministre d'être venu pour nous éclairer sur cette question très complexe, après avoir entendu le leader du gouvernement au Sénat.

D'entrée de jeu, je tiens à dire que je ne rends pas le ministre responsable de la formulation de la mesure. Il a reçu le projet de loi sous sa forme actuelle et c'est ainsi qu'il l'a présenté. C'est aussi avec conviction qu'il s'est porté à sa défense pour en assurer l'approbation. Monsieur le ministre, pardonnez-moi si j'aborde le projet de loi comme si je ne l'avais pas lu une première fois. En effet, un certain nombre de dispositions me laisse perplexe et sont contredites par votre argumentation dynamique et passionnée sur la nécessité d'une mesure sur l'éthique, ce que personne ne conteste. En principe, nous sommes d'accord, mais c'est au niveau des détails que cela achoppe.

Commençons par l'article 1. Nous avons entendu très peu de témoignages à ce sujet. Pourquoi les articles 14 et 15 de la Loi sur le Parlement du Canada ont-ils été abrogés alors que vous-même et le ministre avez dit qu'il appartient aux deux Chambres d'établir les règles? En effet, depuis plus de 100 ans, depuis la Confédération ou depuis l'adoption de la Loi sur le Parlement du Canada, c'est l'article 14 qui est la pierre angulaire en matière de conflit d'intérêts. Cet article est au coeur de la question du conflit d'intérêts. Or, il a été abrogé sans amendement. Pourquoi? En passant, monsieur le ministre, voici un exemplaire du projet de loi.

M. Cotler: J'en ai un.

Le sénateur Grafstein: Vous pouvez prendre la question en délibéré.

M. Cotler: Je vais prendre la question en délibéré afin de pouvoir y répondre adéquatement. J'ai déjà eu recours à notre avocat et je voudrais faire appel à lui de nouveau maintenant étant donné qu'il connaît mieux que moi les travaux préparatoires qui ont donné naissance au projet de loi. Je demanderais donc à notre avocat de venir à la table.

La présidente: Êtes-vous d'accord?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Cools: Madame la présidente, nous n'avons pas beaucoup de temps.

M. Cotler: La réponse est courte.

Le sénateur Cools: Vous pouvez peut-être lui parler en privé et nous communiquer ensuite sa réponse, monsieur le ministre.

La présidente: Étant donné que nous n'avons pas beaucoup de temps, nous devrions l'accueillir à la table au lieu d'obtenir une réponse par l'entremise de quelqu'un d'autre.

M. Henry L. Molot, c.r., avocat général principal, Section du droit administratif et constitutionnel, ministère de la Justice: Les dispositions des articles 14 et 15 de la Loi sur le Parlement du Canada, qui ont été abrogées, sont reprises de la partie de la mesure portant sur la Chambre des communes. Dans les deux cas, les dispositions abrogées visent les conflits d'intérêts en général. On a pensé qu'étant donné qu'il appartiendrait désormais au Sénat d'élaborer un code de conduite, il serait illogique au plan de l'orientation stratégique de conserver des dispositions spécifiques sur les conflits d'intérêts dans la Loi sur le Parlement du Canada.

Le sénateur Grafstein: Voilà où il y a incohérence. On nous a dit que par le truchement de cette mesure, on cherche à rehausser les normes de conduite. Sur le fond, on prend une disposition législative, qui ne peut être changée, et on la transforme en une règle qui peut être changée ou non ou encore, affaiblie. Pour moi, cela pose un problème.

C'est important parce que nous n'avons pas encore entendu de témoin à ce sujet. La disposition est très intéressante. Elle est ancrée dans l'histoire. Elle stipule qu'il est interdit à tout membre du Parlement, sénateur ou député de la Chambre des communes, d'être volontairement — directement ou indirectement—, partie à un contrat du gouvernement. Un tel comportement est assorti d'une sanction unique, le recouvrement. Supposons que quelqu'un s'approprie un million de dollars ou tire un avantage équivalent à cette somme. À ce moment-là, la loi autorise la Couronne ou tout autre organisme à recouvrer cet argent.

Voici ma question. Si, en fait, nous modifions cette disposition pour en faire une règle, le Sénat aurait-il le pouvoir de recouvrer cet argent auprès d'un sénateur ayant enfreint la loi ou, à la Chambre des communes, la Chambre pourrait-elle recourir au recouvrement? Si vous ne pouvez pas répondre, veuillez prendre la question en délibéré.

M. Molot: Je la prendrai en délibéré.

Le sénateur Grafstein: C'est un problème sérieux et troublant.

Permettez-moi de revenir à l'autre question, celle de l'indépendance. Encore là, monsieur le ministre, j'estime que le projet de loi comporte une lacune. En effet, nous souhaitons que le principe et la pratique aillent de pair. Le principe veut qu'il y ait un conseiller indépendant oeuvrant sous le régime du partage des pouvoirs du Sénat. Cependant, nous constatons que ce mandataire indépendant ne l'est pas vraiment en dépit de la convention reçue — en supposant que nous nous entendons pour dire qu'il existe une convention à cet égard.

Ce qui me dérange, c'est que ce mandataire est défini comme un titulaire de charge publique. Or, les règles régissant les titulaires de charge publique ne sont arrêtées ni par le Sénat ni par la Chambre des communes, mais par le premier ministre et le Cabinet. Vous connaissez tous le vieux dicton qui dit: «Suivez l'argent». Or, ce mandataire est rémunéré en vertu d'une norme établie non pas par le Sénat ou la Chambre des communes, mais par le premier ministre.

En passant, je prends bonne note de l'intervention du sénateur Andreychuk. Mes observations ne se veulent aucunement une critique du premier ministre. Nous ne parlons pas du premier ministre actuel. Personnellement, je pense que le premier ministre est un homme d'une grande intégrité, que j'admire d'ailleurs. Il n'est pas question du premier ministre actuel. Nous discutons des principes et de la pratique entourant le titulaire de ce poste en particulier. Nous inférons qu'il est indépendant; pourtant, comment peut-il être indépendant lorsqu'on le définit comme un titulaire de charge publique qui reçoit ses ordres et sa rémunération du premier ministre lequel décide seul, unilatéralement, de ces deux aspects?

M. Cotler: Sénateur, comme je l'ai dit tout à l'heure, d'après mon interprétation de la mesure proposée, le conseiller sénatorial en éthique est une créature du Sénat. Son poste et son mandat relèvent du Sénat, dont il est la créature et auquel il doit rendre des comptes.

Le sénateur Grafstein: Selon l'article 4, c'est un titulaire de charge publique. Or, qui régit les fonctions d'un titulaire de charge publique? Le premier ministre. Les paragraphes proposés indiquent clairement qu'il s'agit d'un titulaire de charge publique. Or, en tant que tel, les règles de conduite auxquelles il est assujetti sont définies par le gouverneur en conseil.

Monsieur le ministre, nous sommes en quête de clarté. Étant donné que vous n'êtes pas responsable de la formulation de la mesure, si vous avez besoin de temps pour répondre, nous ne vous en tiendrons pas rigueur car d'autres sénateurs voudraient aussi avoir du temps pour réfléchir à cette question. Nous pouvons peut-être obtenir votre réponse par un autre mécanisme, notamment par l'entremise du leader du gouvernement au Sénat.

Le sénateur Austin: J'aimerais répondre à cet argument. Je vous ferais remarquer que les titulaires de charge publique sont rémunérés selon des normes établies par le gouverneur en conseil, et non par le premier ministre comme tel. Ils sont soumis à un processus éminemment indépendant. Que les sénateurs rédigent les règles de conduite du conseiller en éthique tout en fixant sa rémunération nuirait certainement à son indépendance.

Le sénateur Fraser: J'ai deux observations, sénateur Austin. Pour ce qui est de suivre la trace de l'argent, le conseiller sénatorial en éthique a le rang de sous-ministre dans un ministère du gouvernement du Canada. Voilà qui limite le pouvoir discrétionnaire du gouvernement de s'éloigner des critères de rémunération et des autres conditions d'emplois liés à ce poste.

Le sénateur Austin: Je vous remercie d'avoir ajouté cela à ma réponse. Il y a, en matière de rémunération, des critères objectifs établis par le gouverneur en conseil.

Le sénateur Fraser: Au sujet de votre commentaire antérieur dans votre échange avec le sénateur Andreychuk, il est vrai qu'une législature ne peut en engager une autre. Néanmoins, d'après mon interprétation du projet de loi, en conjonction avec l'engagement du ministre, il me semble que le Sénat pourrait concrètement faire obstacle à tout gouvernement futur qui choisirait de ne pas respecter ce principe puisqu'il aurait pourrait toujours opposer son veto à une nomination.

Le Sénat serait en mesure de s'opposer à une nomination indéfiniment s'il n'était pas satisfait de la procédure. Pour contourner cela, le gouvernement devrait changer la loi, et le Sénat pourrait s'opposer à ce changement dans la loi. Comprenez-vous bien la dynamique?

Le sénateur Austin: Vous avez tout à fait raison. D'après la loi, le Sénat doit agir par voie de résolution. Si le Sénat décide de ne pas opter pour une résolution, il dispose d'un énorme pouvoir pour faire exprimer sa volonté.

Le sénateur Joyal: J'ai deux séries de questions. La première porte sur le processus de nomination et l'autre sur les privilèges. Ma première question s'adresse au leader du gouvernement.

Dans la mesure sous sa forme actuelle, particulièrement l'article sur la nomination, qu'est-ce qui empêcherait que l'on nomme encore une fois quelqu'un comme M. Radwanski?

Le sénateur Austin: La nomination de Radwanski n'a pas été le résultat d'une erreur de procédure aux plans de l'approbation par le gouverneur en conseil et la Chambre des communes ou de l'examen public au Sénat. Toutes les mesures nécessaires pour s'assurer que la nomination était appropriée ont été prises. Un individu n'a pas respecté les exigences de divulgation. Il n'a pas agi dans le respect de l'éthique. C'est là un comportement humain. Comme je l'ai dit à la Chambre lors de mon exposé à l'étape de la deuxième lecture, ce processus n'est pas un gage de perfection. Nous établissons des procédures conçues pour produire le résultat recherché. Parfois, ce n'est pas ce qui arrive, mais il ne faut pas pour autant s'en prendre au processus.

Le gouverneur en conseil sera appelé à se prononcer. De plus, le Sénat, comme je m'y suis engagé, devra établir un processus conforme à ses règles pour examiner les candidatures qui devront être soumises au gouverneur en conseil. C'est tout à fait de notre ressort puisque cela relève de notre mandat de gérer nos affaires internes. Le processus relève de notre responsabilité. Pour ce qui est de la sélection d'un candidat, c'est nous qui déciderons des modalités à suivre.

Honorables sénateurs, loin de moi l'idée de vous imposer une façon de procéder au nom du gouvernement. Je ne privilégie pas de procédure en particulier au nom de l'exécutif dans toute cette affaire. Ce que je dis, sénateur Joyal, c'est que le gouvernement est confiant que le Sénat lui enverra le nom d'une personne compétente une fois qu'il aura déterminé la meilleure façon de procéder.

Le sénateur Joyal: Je ne mets absolument pas en doute vos intentions étant donné que je vous connais depuis de nombreuses années. Cela dit, la nature humaine étant ce qu'elle est, dans le contexte partisan de la politique, le premier ministre soumet un nom. Les membres de la majorité ministérielle se font dire que c'est là le voeu du premier ministre. Il y a une résolution et un vote majoritaire.

Je n'ai rien contre le principe de la règle de la majorité. Le problème, c'est la protection des droits des minorités et le rôle de l'opposition dans le processus démocratique. Et comme on se plaît à le souligner, le statut de la protection des minorités sont l'étalon de la démocratie. Dans ce contexte, le projet de loi est lacunaire en ce sens qu'on n'exige pas que la candidature soit approuvée par le chef des autres partis car, comme vous le savez, la résolution endossant un nom est adoptée à la majorité simple. Par conséquent, nous sommes en présence de «la dictature de la majorité sur les droits de la minorité». La minorité garantit le caractère indépendant de la candidature. L'opposition garantit que le commissaire à l'éthique jouira de l'indépendance nécessaire pour convaincre le public qu'il agit de façon juste et équitable.

Le sénateur Austin: J'approuve tout ce que vous avez dit. C'est pourquoi on a pris cet engagement. Dans votre débat de deuxième lecture, que j'ai lu attentivement, vous avez soulevé ce point. L'engagement vise à régler ce problème. Il dit que ce n'est pas l'exécutif — le gouverneur en conseil — qui nous proposera un nom. Nous devrons consulter nos propres intérêts.

L'engagement stipule également que toute recommandation doit être approuvée par le chef de l'opposition officielle et une majorité des sénateurs de l'opposition. L'engagement cherche à régler chacun des points que vous avez soulevés en novembre dernier et aujourd'hui.

Le sénateur Joyal: Existe-t-il un autre moyen que votre engagement permettant d'enchâsser cela de manière plus pertinente pour votre successeur? Autrement dit, y a-t-il, dans notre système, d'autres façons d'intégrer l'intention de votre engagement de sorte que vos successeurs devraient prendre une initiative pour modifier cet engagement?

Le sénateur Austin: Vous devez avoir une idée derrière la tête si vous posez cette question. J'aimerais que vous me disiez quel est le fond de votre pensée.

Le sénateur Joyal: D'un côté, nous avons la possibilité de ne rien faire et de laisser le projet de loi tel quel. Vous semblez admettre qu'il existe là un doute raisonnable. Vous dissipez ce doute raisonnable en proposant une consultation et en y investissant votre crédibilité et votre intégrité. Nul ne le conteste.

D'un autre côté, il y a l'amendement du sénateur Bryden, qui dit que les chefs des partis reconnus de la Chambre doivent s'entendre. C'est là que se termine le processus législatif.

Y a-t-il quelque chose entre les deux? Nous devons bien y réfléchir. Je félicite le gouvernement pour avoir admis que le statut futur du commissaire pose un problème de crédibilité. C'est à notre comité et à chacun de nous, individuellement, de s'interroger sur les implications du projet de loi, non seulement pour le moment présent, mais aussi pour l'avenir du Sénat.

Le sénateur Austin: Sénateur Joyal, vous savez qu'il n'y a que trois étapes applicables: la première est la mesure législative, la deuxième le règlement et la troisième la convention. Il ne fait aucun doute que votre question porte sur le règlement. Cela me fait me rappeler, comme l'avait dit le sénateur Kroft en novembre dernier, que l'un des grands problèmes qui nous hante encore est celui du projet de loi sur la clarté.

En ce qui concerne le projet de loi sur la clarté, comme le savent les honorables sénateurs, le Sénat n'a pas été traité à l'égal de la Chambre des communes dans le processus de consultation au sujet de la clarté de la question. Compte tenu des conséquences politiques très importantes sur l'unité nationale, c'aurait été extraordinaire de ne pas appuyer le passage du projet de loi sur la clarté. Malgré nos préoccupations relatives au traitement du Sénat à l'égard de ce projet de loi, nous l'avons adopté. Toutefois, votre motion disait — et je l'ai appuyée — qu'au lieu d'amender le projet de loi en ajoutant le Sénat par voie législative, nous décidions d'adopter le projet de loi et de prévoir dans le règlement un système permettant de régir notre propre conduite. Je m'en souviens très bien. Je ne sais pas si votre question vise uniquement à me faire réciter une leçon d'histoire ou si vous voulez nous faire une suggestion.

Le sénateur Joyal: C'est bien que vous soyez ici pour nous rappeler l'historique et le contexte global dans lequel le gouverneur en conseil prend ces décisions. En général, tant la façon dont les décisions ont été prises par les parlements précédents — particulièrement en ce qui a trait aux mandataires du Parlement — que la manière dont l'initiative a été présentée au Parlement sont limitées.

Même si ce sont des agents du Parlement, ce ne sont pas des agents du pouvoir exécutif. Ils sont censés être des fonctionnaires du Parlement, mais la capacité de ce dernier à les contrôler est limitée. Nous devrions réfléchir là-dessus pour voir comment élaborer un meilleur système permettant de garantir au Parlement ce dont il a besoin en termes d'indépendance et de protection des minorités. C'est nécessaire car un jour, la majorité deviendra la minorité et vice versa. C'est le système démocratique que décrivait M. Cotler.

Le sénateur Austin: Étant donné le manque de temps, je dirais simplement que j'ai hâte de poursuivre cette discussion avec vous.

Le sénateur Joyal: Ma prochaine question, adressée à M. Cotler, concerne l'article 18 de la Constitution. Celui-ci dit très clairement que les privilèges, immunités et pouvoirs sont ceux que possèdent le Sénat, la Chambre des communes ainsi que leurs membres respectifs. Par conséquent, les institutions sont investies de privilèges. Il s'agit de privilèges institutionnels et de privilèges consentis aux membres. Êtes-vous en train d'affirmer que parce que c'est une disposition constitutionnelle, nous pouvons, par l'intermédiaire d'une loi du Parlement, étendre ces privilèges constitutionnels à des personnes autres que les membres cités?

M. Cotler: Nous parlons de toute la question du privilège parlementaire. Le principe fondamental est que les Chambres du Parlement ainsi que les assemblées législatives provinciales possèdent un ensemble de pouvoirs et de privilèges qui sont, et je cite encore le juge en chef McLachlin: «nécessaires au bon fonctionnement de nos organismes législatifs». C'est là un principe fondamental relatif à ce que l'on entend par privilège parlementaire. Autrement dit, ces pouvoirs et ces droits sont collectivement reconnus comme étant des privilèges parlementaires.

L'un des problèmes liés au privilège parlementaire, c'est qu'on devrait probablement le voir comme une branche du droit fédéral, de la common law et du droit constitutionnel car il ne figure dans aucune mesure législative ni aucun instrument écrit. En effet, ce sont les tribunaux qui déterminent son existence et son étendue. J'ai fait référence à une série de décisions prises au Canada et au Royaume-Uni par la juridiction du degré le plus élevé, décisions qui parlent du droit inhérent du Sénat à déterminer quels sont ces droits et ces privilèges.

Par conséquent, le projet de loi C-4 vise effectivement la nomination d'un conseiller sénatorial en éthique qui s'acquitterait des charges et des fonctions assignées par le Sénat et qui relèverait uniquement de ce dernier. Le projet de loi investit cet agent des privilèges et des immunités conférés au Sénat, tels que déterminés par lui, car les tribunaux ont jugé que c'était sa prérogative. Le projet de loi offre également la protection du pouvoir des tribunaux.

En matière de privilèges, de droits et de pouvoirs du Sénat, le cadre constitutionnel a évolué. On ne peut simplement se limiter au libellé de l'article 18 de la Constitution. Il faut aussi voir l'interprétation et l'application de cet article au Royaume-Uni et dans les décisions de la Cour suprême du Canada. Les jugements les plus pertinents sont ceux qui ont défini l'éthique et la gouvernance comme des piliers de la démocratie et qui ont ancré cela dans les privilèges et les immunités du Sénat et de ses pouvoirs inhérents, par l'intermédiaire d'un responsable de l'éthique au Sénat, pour protéger les fondements de la démocratie.

Il existe un lien entre une lecture de la Constitution du Canada — qui est, selon le juge en chef McLachlin, à l'origine de ces privilèges et immunités — et la lecture de la jurisprudence. Il est nécessaire d'effectuer une évaluation comparative pour interpréter l'article 18 quand on étudie ce qui s'est passé en Grande-Bretagne et au Canada.

Une lecture du texte de la Constitution et de la jurisprudence nous conduit à cette seule et unique conclusion: le pouvoir constitutionnel de créer ce poste de commissaire à l'éthique au Sénat existe bel et bien, et une fois établis, les privilèges, les immunités et les pouvoirs du Sénat peuvent s'exercer pour déterminer la nature, l'étendue et la responsabilité de ce commissaire, le tout dans le but de protéger le principe de démocratie.

Le sénateur Cools: J'aimerais simplement dire que vous continuez de l'appeler «privilèges», mais l'expression exacte est «la Loi sur le Parlement». Je suis très heureux de voir que vous vous intéressez à la question. Si vous avez l'intention de revenir à l'enseignement un jour, j'espère que vous commencerez par expliquer à vos étudiants en quoi consiste la Loi sur le Parlement.

Monsieur le ministre, les deux domaines du droit, la Loi sur le Parlement et la Loi sur la prérogative, sont censés s'équilibrer mutuellement. Toutefois, l'article 18 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique a tardé à aboutir et a posé tout un problème lorsqu'il a été créé dans ce pays. Par ailleurs, vous continuez d'affirmer que ce conseiller sénatorial en éthique est une création du Sénat. J'aimerais que vous reconsidériez cette position car le projet de loi, dans sa forme actuelle, stipule très clairement que ce poste est une création de la Couronne. Nous n'avons pas suffisamment de temps pour en discuter, mais nous pourrions revenir sur le sujet, monsieur le ministre. Les articles sur le retrait sont rédigés assez différemment de certains des articles historiques de nature analogue.

L'article 18 est censé admettre au Canada l'ancienne Loi sur le Parlement du Royaume-Uni. Il devrait également intégrer la notion d'indépendance du Parlement et des deux Chambres.

La présidente: Je vais demander aux ministres de considérer cela comme un avis de question et d'essayer de répondre par écrit. Veuillez poursuivre, sénateur Cools.

Le sénateur Cools: On ne peut pas considérer cela comme une question. C'est trop complexe.

Permettez-moi d'aborder le sujet différemment. Vous et le sénateur Austin continuez d'affirmer que cette nomination serait comme n'importe quelle autre nomination du gouverneur en conseil et vous restez fermement ancrés sur vos positions car cela fait des années que les personnes qui occupent ces postes sont nommées. J'aimerais contester cela. Il faut savoir que les préposés de la Couronne ont été bannis du Parlement autour de 1600. À partir de 1702, c'est la raison pour laquelle, aux États-Unis, par exemple...

La présidente: Je dois vous interrompre.

Le sénateur Austin: La compétence pour siéger a disparu.

M. Cotler: Je vous renverrai au texte.

Le sénateur Cools: Vous ne pouvez pas faire cela.

M. Cotler: Si vous voulez bien m'écouter, je vous renvoie au texte. Je ne maintiens pas que le conseiller sénatorial en éthique est une création du Sénat; c'est dans le projet de loi lui-même. Référez-vous à l'article 20.5 proposé qui dit: «Le conseiller s'acquitte des fonctions qui lui sont conférées par le Sénat en vue de régir la conduite des sénateurs lorsqu'ils exercent la charge de sénateurs». C'est bien ce que stipule le projet de loi; ce n'est pas moi qui le dit.

La présidente: Pour conclure, vu qu'il ne nous reste plus de temps, j'aimerais remercier les ministres d'être venus. Peut-être pourriez-vous répondre également par écrit à la question du sénateur Grafstein.

La séance est levée.


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