LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’ÉNERGIE, DE L’ENVIRONNEMENT ET DES RESSOURCES NATURELLES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le jeudi 3 novembre 2022
Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd’hui, à 9 h 2 (HE), avec vidéoconférence, pour mener une étude sur de nouvelles questions concernant le mandat du comité.
Le sénateur Paul J. Massicotte (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Bonjour à tous. Je m’appelle Paul Massicotte, je suis un sénateur du Québec, et je suis le président du comité.
Aujourd’hui, nous tenons une séance du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles.
J’aimerais commencer par un petit rappel. Avant de poser des questions et d’y répondre, j’aimerais demander aux membres et aux témoins présents dans la salle de s’abstenir de se pencher trop près du microphone ou de retirer leur oreillette lorsqu’ils le font. Cela permettra d’éviter tout retour sonore qui pourrait avoir un impact négatif sur le personnel du comité dans la salle.
J’aimerais maintenant présenter les membres du comité qui participent à la réunion aujourd’hui : Margaret Dawn Anderson, des Territoires du Nord-Ouest; David Arnot, de la Saskatchewan; Michèle Audette, du Québec; Pierre-Hugues Boisvenu, du Québec; Mary Jane McCallum, du Manitoba; Julie Miville-Dechêne, du Québec; Karen Sorensen, de l’Alberta; Josée Verner, c.p., du Québec.
Bienvenue à tous, chers collègues, ainsi qu’à tous les Canadiens et Canadiennes qui nous regardent.
Aujourd’hui, nous nous réunissons pour continuer notre étude sur l’énergie basée sur l’hydrogène.
Ce matin, dans notre premier groupe de témoins, nous accueillons par vidéoconférence, Jeff Griffin, vice-président, Sciences et technologie, Laboratoires nucléaires canadiens.
Nous recevons également d’Industries renouvelables Canada, Andrea Kent, membre du conseil d’administration, vice-présidente des affaires industrielles et gouvernementales chez Greenfield Global, et Douglas Dias, membre du conseil d’administration, vice-président des ventes et du développement des marchés chez Greenfield Global.
Bienvenue aux témoins et merci d’avoir accepté notre invitation. Vous avez cinq minutes chacun pour faire votre déclaration d’ouverture. Nous allons commencer par M. Griffin.
Monsieur Griffin, vous avez cinq minutes.
[Traduction]
Jeff Griffin, vice-président, Sciences et technologie, Laboratoires nucléaires canadiens : Merci beaucoup, et bonjour à tous. Je me réjouis de pouvoir m’adresser à vous.
J’aimerais d’abord souligner que les activités menées par les Laboratoires nucléaires canadiens, ou LNC, dans tout le Canada se déroulent sur les territoires ancestraux non cédés des peuples autochtones. Nous reconnaissons le caractère unique de l’histoire, des croyances spirituelles, des pratiques culturelles et des langues des peuples autochtones, et nous sommes fermement résolus à être un participant actif dans le cheminement du Canada vers la guérison et la réconciliation.
LNC est un chef de file mondial en sciences et technologies nucléaires grâce aux capacités et aux solutions uniques que nous offrons dans une vaste gamme d’industries. Nous participons activement à des travaux de recherche et de développement dirigés par l’industrie dans les domaines du nucléaire, des transports, des technologies propres, de l’énergie, de la défense, de la sécurité et des sciences de la vie. Nous offrons des solutions pour aider le gouvernement et l’industrie à maintenir la compétitivité de ces secteurs à l’échelle nationale et internationale.
Nos travaux sur l’hydrogène, réalisés en grande partie dans une installation ultramoderne sur notre campus de Chalk River, représentent un volet essentiel de notre mission scientifique et technologique. Nos capacités en matière d’hydrogène sont nées d’un processus d’une importance cruciale : la production, la gestion et la purification de l’eau lourde, ce qui nécessite la séparation du deutérium, un isotope de l’hydrogène qui permet l’exploitation sûre des réacteurs CANDU et qui est chimiquement identique à l’hydrogène. Nos capacités ont été renforcées par la nécessité de comprendre le comportement de l’hydrogène afin d’assurer l’exploitation sûre des réacteurs nucléaires.
Plus récemment, et dans une perspective tournée vers l’avenir, LNC et d’autres organismes ont investi dans le rôle que peut jouer l’hydrogène dans le cadre des efforts déployés au Canada et dans le monde pour mettre au point et utiliser des combustibles propres ou à faible intensité de carbone afin d’aider le Canada à atteindre ses objectifs de carboneutralité d’ici 2050. Le rôle de l’hydrogène est bien décrit dans la Stratégie canadienne pour l’hydrogène, publiée par Ressources naturelles Canada, ou RNCan, il y a près de deux ans. Même si l’hydrogène produit aujourd’hui n’est pas, en grande partie, ce que nous qualifierions de propre, le Canada est bien placé pour passer à une telle production à partir de sources non émettrices de gaz à effet de serre, comme les sources d’énergie renouvelables et l’énergie nucléaire.
L’énergie nucléaire est reconnue comme une source d’énergie concurrentielle pour produire de l’hydrogène à faible teneur en carbone à grande échelle, en raison de sa fiabilité de base et de sa haute capacité, qui sont les meilleures de l’industrie. Un de nos principaux domaines de recherche porte sur les liens entre les installations nucléaires existantes et nouvelles et les filières de production d’hydrogène et d’autres combustibles à faible intensité de carbone, comme le carburant synthétique, l’ammoniac vert et le méthanol. C’est pourquoi nous avons mis sur pied une direction des technologies de l’hydrogène et du tritium afin de mettre l’accent sur les débouchés propices à la décarbonisation des secteurs de l’industrie, des transports et de l’électricité et aux engagements internationaux du Canada en matière de réduction des émissions de carbone. Nos travaux sur l’hydrogène englobent également le stockage, le transport et l’utilisation — autant de domaines où nous possédons une expertise.
Voici quelques exemples précis de projets auxquels LNC participe activement. Nous nous efforçons d’aider le secteur des transports du Canada à comprendre comment l’hydrogène et d’autres combustibles propres pourraient appuyer les parcs de véhicules. Nous avons entrepris des études de faisabilité dans les secteurs ferroviaire et maritime, ce qui contribuera à éclairer les décisions importantes qu’il faudra prendre au moment de la transition de leurs actifs pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de carbone. Nous avons travaillé avec l’industrie pour évaluer les possibilités de production et d’utilisation de carburants synthétiques propres, en combinant l’hydrogène vert avec le carbone capté dans l’air. Ces carburants pourraient être utilisés notamment dans les secteurs de l’industrie lourde et des transports.
On parle beaucoup des petits réacteurs modulaires, ou PRM. En tant que laboratoire nucléaire, LNC s’emploie beaucoup à appuyer ces technologies nouvelles et émergentes. Bien que les PMR n’en soient encore qu’à leurs débuts, LNC étudie comment miser sur ces technologies, une fois qu’elles seront en place, pour produire de l’hydrogène vert à partir de l’électricité propre et de la chaleur industrielle qui en résulteront.
Alors que le monde cherche des approches fiables, déployables et rentables pour atteindre les objectifs de carboneutralité, la proposition de solutions permettant de décarboner l’économie est devenue une priorité stratégique nationale. Pour vraiment faire avancer cette cause, compte tenu de l’ampleur du défi, il faut une approche multidisciplinaire et concertée qui rassemble les laboratoires nationaux, l’industrie commerciale et le milieu universitaire. LNC est bien placé pour jouer divers rôles, qu’il s’agisse de fournir un soutien technique aux gouvernements fédéral et provinciaux dans l’établissement d’une orientation stratégique, de mettre au point des solutions techniques permettant de relever des défis de taille ou, encore, de créer et d’exploiter des plateformes de démonstration pour favoriser la croissance d’une nouvelle industrie propre en réduisant l’écart entre la recherche et la commercialisation des technologies.
Dans l’ensemble, et conformément à son vaste mandat national et international, LNC cherche à aider l’industrie à entreprendre des essais, des évaluations et des démonstrations et à soutenir, dans la mesure du possible, la création de carrefours commerciaux où se croisent le marché, le fournisseur d’énergie, le concepteur de technologies et le propriétaire-exploitant, créant ainsi des partenariats favorables qui peuvent aider à faire progresser les technologies jusqu’à leur déploiement. Notre initiative de développement, d’innovation et de recherche en matière d’énergie propre est un exemple de projet qui est déjà en cours. Cette initiative est axée sur l’avancement de la science des systèmes énergétiques hybrides, ce qui permet à LNC et aux concepteurs de technologies de démontrer comment les technologies propres, y compris les technologies de l’hydrogène, peuvent coexister avec d’autres sources d’énergie renouvelables. À l’heure actuelle, LNC travaille avec l’industrie et le gouvernement sur des projets visant à examiner les choix énergétiques en fonction des collectivités, des régions géographiques ou de l’industrie, et ce, d’une manière technologiquement neutre grâce à la réduction des coûts du système, tout en répondant aux exigences de rendement et aux objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Pour conclure, j’aimerais aborder brièvement certaines des questions auxquelles le comité espère obtenir réponse à l’issue de cette étude. Mes réponses expriment le point de vue de LNC, à titre d’établissement de recherche, et non à titre de groupe de défense des politiques.
Premièrement, en ce qui concerne les possibilités offertes par l’énergie basée sur l’hydrogène au Canada, à court terme, notre pays a déjà la capacité de produire de grandes quantités d’hydrogène à des prix concurrentiels, en partie grâce à notre accès à du gaz naturel peu coûteux. Toutefois, à mesure que nous effectuons la transition, dans bien des endroits, l’hydrogène vert représente une autre option pour tirer pleinement parti du réseau électrique du Canada, en raison de ses solides composantes renouvelables et nucléaires. Étant donné la diversité des actifs et des besoins énergétiques du Canada, l’hydrogène offre un puissant potentiel de décarbonisation, plus particulièrement dans le secteur de l’industrie lourde.
Deuxièmement, LNC estime que l’hydrogène peut aider le Canada à atteindre la carboneutralité d’ici 2050, et nous croyons que la Stratégie canadienne pour l’hydrogène de RNCan fournit un cadre solide pour y arriver.
Troisièmement, ce qui entrave à court terme l’établissement d’une industrie de l’hydrogène au Canada, c’est l’absence d’un marché bien défini et en croissance. Beaucoup d’industries ne sont pas prêtes à investir ou à faire la transition en raison d’une demande insuffisante, ce qui maintient l’offre à un bas niveau. À moyen terme, si nous passons aux combustibles à base d’hydrogène, il sera difficile de maintenir une chaîne d’approvisionnement fiable et abordable qui puisse produire les quantités nécessaires pour vraiment contribuer à la décarbonisation.
Vous avez également demandé quels instruments politiques favoriseraient la croissance de l’industrie. Selon nous, il faut une politique claire sur le carbone, assortie d’échéances suffisamment longues pour soutenir les investissements, la prise de décisions, la mise au point et l’adoption de technologies par le secteur privé, afin de favoriser la croissance de l’industrie.
Enfin, pour que l’industrie de l’hydrogène se développe de façon durable au Canada, nous croyons qu’il est important de construire l’infrastructure nécessaire, d’en tirer parti et de l’adapter. Il est probable que le gouvernement puisse contribuer à ces efforts en offrant le degré de confiance nécessaire pour attirer les investissements privés indispensables. À cette fin, il faudra constamment mener des recherches et des études pour élaborer des codes et des normes acceptables afin de stimuler l’adoption de technologies. Ce sera d’une grande importance.
C’est ainsi que je termine mon exposé. Je vous remercie de votre temps.
[Français]
Le président : Merci beaucoup. Madame Kent, vous avez la parole.
[Traduction]
Andrea Kent, membre du conseil d’administration, vice-présidente des affaires industrielles et gouvernementales chez Greenfield Global, Industries renouvelables Canada : Monsieur le président, madame la vice-présidente et honorables membres du comité, merci de nous accueillir ici aujourd’hui au nom d’Industries renouvelables Canada.
[Français]
Merci encore, sénateur Massicotte, pour la belle introduction.
[Traduction]
Mon collègue Douglas Dias et moi-même avons participé activement à l’élaboration de politiques et de programmes fédéraux et provinciaux sur les combustibles renouvelables au cours de la dernière décennie, et peut-être même un peu plus. Pour gagner du temps, nous expliquerons plus en détail, dans notre mémoire, les activités de notre association et la force commerciale des membres d’Industries renouvelables Canada, mais il suffit de dire que nous représentons une coalition d’entreprises qui figurent parmi les grands pionniers canadiens des combustibles et biocarburants à faible teneur en carbone et des technologies propres qui sont déjà largement utilisées au Canada pour la décarbonisation du transport de combustibles sous forme liquide.
Nous produisons actuellement de l’éthanol, du biodiesel, du diesel renouvelable, du gaz naturel renouvelable et du carburant d’aviation durable à faible teneur en carbone. Nos entreprises sont bien préparées ou bien placées pour devenir des producteurs de biocarburants qui fonctionnent dans une économie véritablement circulaire et qui seront vraiment carboneutres, du début à la fin de leur cycle de vie. Nous collaborons avec les gouvernements et les partenaires de tous les niveaux depuis un certain temps pour établir l’orientation stratégique en matière d’hydrogène et la portée et l’étendue des investissements qui sont essentiels à la réussite et à la compétitivité du Canada.
L’étude du comité arrive, selon nous, à point nommé. Je parlerai brièvement d’un projet qui illustre ce fait et qui touche les points saillants à la fois dans le domaine des politiques et dans le contexte du marché commercial de l’énergie. M. Dias pourra également répondre plus en détail aux questions concernant ce projet.
Au cours des trois dernières années, Greenfield a élaboré un important projet d’hydrogène, qui sera mené près de notre bioraffinerie d’éthanol à Varennes, au Québec. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec nos partenaires pour la conception du projet, le choix de la technologie et l’acheminement des lignes électriques à haute tension vers le site, qui comprendra un électrolyseur de 60 mégawatts utilisant la technologie des membranes échangeuses de protons. De nombreux projets d’hydrogène se heurtent à un obstacle : l’absence d’une demande constante et quantifiable. Afin de surmonter ce problème, nous avons conçu ce projet en mettant l’accent principalement sur la production d’e-méthanol, soit le méthanol destiné au ravitaillement maritime, grâce à une stratégie de création d’un carrefour au port de Montréal. Dans le cadre de notre projet, le dioxyde de carbone provient de la fermentation de l’éthanol. Il s’agit d’un dioxyde de carbone biogénique, si bien que le méthanol qui en résulte est presque carboneutre. Encore une fois, je serai heureuse de répondre plus en détail à toute question à ce sujet.
Je vais résumer quelques-unes des recommandations que nous avons formulées au comité afin d’éclairer cette importante étude. Premièrement, les politiques climatiques deviennent de plus en plus des politiques d’investissement, et vice versa. C’est particulièrement vrai dans le marché des combustibles et de l’énergie à faible teneur en carbone, ce qui comprend l’hydrogène. Aujourd’hui, le Canada met un prix sur la pollution par le carbone, et des subventions ont été annoncées à cet égard. Toutefois, aux États-Unis, la loi sur la réduction de l’inflation prévoit une subvention pouvant atteindre 3 $, en devise américaine, par kilogramme d’hydrogène à faible teneur en carbone produit et un crédit d’impôt à l’investissement de 50 % qui peut être utilisé pour les investissements dans l’infrastructure de stockage. Jusqu’à présent, le Canada n’offre aucun incitatif ou crédit de cette nature. Dans le dernier budget fédéral, le gouvernement a également annoncé un crédit d’impôt à l’investissement de 30 % pour les technologies propres, mais nous attendons plus de détails à ce sujet. À mon avis, il est important pour le comité et le gouvernement du Canada d’examiner comment mieux évaluer, adapter et soutenir la concurrence, compte tenu de ces nouvelles conditions d’investissement de plus en plus concurrentielles sur le plan technologique. Je suis sûre que ce n’est pas la première fois que le comité entend ce message.
Deuxièmement, il faut mettre en œuvre les programmes qui ont été annoncés, comme le Fonds pour les combustibles propres. La rapidité est un facteur très important pour la transition vers l’énergie propre, car les premiers à adopter ces technologies obtiennent un avantage au chapitre de la masse critique d’investissements, ce qui leur permet d’attirer davantage de capitaux. De plus, ces fonds devraient être recapitalisés, étant donné les changements rapides sur le marché mondial de l’énergie et l’accent mis sur la sécurité énergétique.
Enfin, même s’il n’existe pas de solution parfaite aux changements climatiques, cela ne signifie pas que nous ne pouvons pas soupeser nos options. L’évaluation du cycle de vie des émissions de carbone nous révèle que nous avons besoin de plus d’hydrogène à faible teneur en carbone pour atteindre nos objectifs climatiques, et il nous faut aussi plus de combustibles renouvelables en général, notamment l’éthanol, le diesel issu de la biomasse et le carburant d’aviation durable. Le Canada devrait égaler les investissements dans l’hydrogène et d’autres combustibles propres qui sont offerts aux États-Unis, dans le cadre de leur loi sur la réduction de l’inflation, et tirer parti des évaluations du cycle de vie afin que nous puissions faire des investissements intelligents dans l’immédiat et assurer une transition vers des combustibles à très faible teneur en carbone, et ce, d’une manière viable sur le plan économique.
[Français]
Merci encore pour l’invitation. Nous sommes maintenant disponibles pour répondre à vos questions.
Le président : Merci. Nous allons commencer la période des questions avec la sénatrice Miville-Dechêne.
La sénatrice Miville-Dechêne : Merci à nos témoins. Ma question s’adresse à M. Dias.
Le projet de Varennes m’intéresse à titre de sénatrice québécoise. Toutefois, j’avoue ne pas avoir compris, dans la description assez courte, le lien avec ce projet, où il est question d’éthanol et l’hydrogène. Est-ce un projet lié à l’hydrogène? Si oui, de quelle façon? Si j’ai bien compris, vous n’avez pas assez de demande pour écouler votre hydrogène. Expliquez-moi en quoi cela consiste. Quel est le potentiel? Est-ce rentable?
[Traduction]
Douglas Dias, membre du conseil d’administration, vice-président des ventes et du développement des marchés chez Greenfield Global, Industries renouvelables Canada : Je vous remercie de votre question.
Il s’agit d’un projet d’hydrogène vert, qui utilise une technologie d’électrolyseur commercial bien connue pour produire de l’hydrogène vert à partir de l’électricité d’Hydro-Québec, qui est une énergie propre et renouvelable. L’hydrogène vert est donc le principal produit de ce processus. Si la demande d’hydrogène vert était suffisante au départ, le projet s’arrêterait là. Or, nous avons découvert qu’il n’y a pas assez de demande pour ce volume d’hydrogène vert au début de la transition énergétique. C’est ce que nous appelons le phénomène de l’œuf et de la poule. Par conséquent, le nombre de moteurs et de pipelines pouvant transporter de l’hydrogène nécessite directement des investissements supplémentaires du côté de la demande.
Dans le cadre de notre projet, nous avons installé une deuxième unité de production pour fabriquer un dérivé de l’hydrogène, qui est un carburant synthétique. C’est l’e-méthanol. Il s’agit, en fait, d’un moyen de fournir de l’hydrogène en utilisant les chaînes d’approvisionnement existantes. Le problème, c’est que si l’on s’arrête à la première étape de la transition énergétique, la chaîne d’approvisionnement n’atteindra pas sa pleine maturité. Il est très difficile de transporter de l’hydrogène vers les points de consommation. En installant une deuxième unité pour convertir l’hydrogène gazeux en e-méthanol liquide, nous pouvons utiliser les chaînes d’approvisionnement existantes, de sorte que les camions-citernes, les navires et les moteurs puissent consommer l’hydrogène sous forme de méthanol.
La sénatrice Miville-Dechêne : C’est très clair, mais n’est-ce pas aussi parce que l’hydrogène vert coûte trop cher? Est-ce l’une des raisons pour lesquelles vous n’avez pas assez de demande? Par ailleurs, recevez-vous des subventions, ou s’agit-il d’un financement complètement privé?
M. Dias : Nous sommes une entreprise privée. Nous avons présenté des demandes dans le cadre d’un certain nombre de programmes de subventions. Comme l’a dit Mme Kent, nous attendons toujours d’obtenir une réponse à ces demandes.
La sénatrice Miville-Dechêne : Vous n’avez donc pas de subventions.
M. Dias : Rien ne nous a encore été annoncé. Nous espérons certainement en obtenir.
Quant à la question de savoir si les projets sont autosuffisants sur le plan économique, il y a certainement un écart entre, d’une part, le prix de l’hydrogène et du méthanol conventionnels et, d’autre part, le prix de l’hydrogène et du méthanol verts. Nous sommes toujours en communication avec des clients potentiels dans le port de Montréal et dans d’autres industries, dont l’industrie lourde et le secteur des transports, pour savoir quel prix ils seraient prêts à payer, et cette décision dépendra de la tarification du carbone au Canada et d’autres facteurs qui les incitent à poursuivre la transition.
La sénatrice Miville-Dechêne : Compte tenu de tout cela, dans quelle mesure avez-vous bon espoir, dans le contexte du Canada, que l’hydrogène deviendra une solution de rechange possible?
M. Dias : À notre avis, il faut toutes ces filières pour atteindre la carboneutralité, et il semble que les citoyens et les décideurs soient très motivés. Ce que nous constatons sur le plan commercial, c’est qu’il y a encore un écart entre les technologies disponibles et ce que nous pouvons offrir aux clients. Voilà le défi que nous nous employons à relever. Nous espérons que certains instruments politiques nous aideront à cet égard. La réduction du coût de production de l’hydrogène vert devrait également s’améliorer au fil du temps. La tarification du carbone au Québec sera également une motivation supplémentaire pour certaines des industries difficiles à décarboner, car cela les incitera davantage à rendre ces projets durables.
Le président : Je tiens à vous féliciter. Non seulement vous donnez de bonnes réponses, mais votre débit de parole est excellent aussi.
La sénatrice Sorensen : J’ai une brève question, à laquelle je pense que vous venez de répondre, mais j’aurai ensuite une question plus longue à vous poser.
Elle s’adresse aux représentants d’Industries renouvelables Canada. Lorsque le gouvernement a publié, en 2020, l’ébauche du Règlement sur les combustibles propres, votre organisation en a fait l’éloge parce qu’elle reconnaissait la pleine valeur des combustibles propres comme l’éthanol, le diesel issu de la biomasse, le gaz naturel renouvelable et l’hydrogène vert dans la lutte contre les changements climatiques. Je m’interroge sur le fait que seul l’hydrogène vert a été mentionné. Vous avez dit, je crois, que nous devions utiliser tous les outils, mais faut-il entendre par là que seul l’hydrogène vert constitue une solution?
Mme Kent : Non, nous n’excluons pas les autres combustibles propres, mais c’est la direction dans laquelle nous nous engageons, à savoir l’évaluation du cycle de vie du carbone. Nous croyons en la valeur du cycle de vie du carbone. Nous nous efforçons d’adopter une approche biogénique dans le cadre de nos plans d’affaires et dans la limite des possibilités offertes par nos technologies. Je pense que mon collègue a mentionné la nécessité de tirer parti de l’expertise et des capacités existantes, et c’est bien l’esprit qui nous guide. Nous ne voulons assurément pas exclure d’autres solutions, mais il s’agit du domaine sur lequel nous travaillons et dans lequel nous possédons une expertise particulière. Notre approche est également agnostique sur le plan technologique. Nous pensons qu’il s’agit d’un moyen juste, équitable et fiable d’atteindre notre but.
La sénatrice Sorensen : Je m’excuse d’être en retard. Je n’ai pas entendu la majorité des commentaires de M. Griffin.
Je vais dévier un peu du thème de l’hydrogène. Pendant mon vol, j’ai eu une conversation fascinante sur l’énergie de fusion. Je ne savais rien à ce sujet. Je sais que notre temps est très limité, et je ne m’attends pas à ce que qui que ce soit puisse approfondir le sujet, mais j’aimerais demander à M. Griffin et à l’un des représentants d’Industries renouvelables Canada si la fusion constitue une solution potentielle majeure, comme l’a suggéré la personne avec qui je voyageais.
M. Griffin : Merci. Je prends note de la vitesse à laquelle je dois parler. Je vais m’efforcer de faire mieux. Je vous remercie.
La fusion est un domaine très intéressant à l’heure actuelle. Je vais essayer d’être bref, mais ces dernières années, cette technologie a connu un énorme regain d’intérêt et a fait l’objet de progrès techniques. Pendant longtemps, il semblait qu’il faudrait attendre 30 ans, et maintenant il semble qu’il ne faudra peut-être attendre qu’une décennie ou moins, mais la fusion présente toujours des difficultés importantes sur le plan de la physique. Ces dernières années, des investissements considérables ont été réalisés dans l’ensemble de l’industrie de la fusion et dans le secteur privé, et je pense que nombre de ces entreprises commencent à vouloir relever ces défis techniques, et pas seulement les défis liés à la physique. Il semble que l’on se rapproche de ce but.
Je tiens cependant à souligner que la fusion n’aura probablement pas d’effet direct sur l’industrie de l’hydrogène, car elle fournira... supposons qu’elle fonctionne et qu’il y aura des centrales qui fonctionneront à des endroits précis. L’un des aspects très positifs de l’hydrogène, comme vient de le dire Greenfield Global, est qu’il permet le transport de l’énergie. Il peut remplacer les batteries et l’électricité parce qu’on peut le transformer en hydrogène liquide, en gaz sous haute pression ou en produit chimique et le transporter, le placer dans de grands véhicules, des navires, etc.
Je pense qu’il est très important de tenir compte de la fusion pour relever le défi mondial de l’énergie et de l’énergie propre d’ici 2050, mais cette technologie ne constitue pas en soi une solution à tous les problèmes.
La sénatrice Sorensen : Merci. Excellente réponse.
M. Dias : Je veux bien faire un commentaire. Lorsque nous réfléchissons à la transition énergétique et aux objectifs à atteindre d’ici 2050, nous appuyons l’approche consistant à explorer toutes les pistes. J’estime que les solutions dont nous disposons aujourd’hui présentent un risque très faible, car elles existent déjà et sont évolutives. Nous disposerons d’autres solutions dans 5, 10 et 20 ans, et notre point de vue en tant qu’association et entreprise est que nous souhaitons les mettre en œuvre, mais que pour nous assurer d’atteindre nos objectifs en matière de carboneutralité, nous devons commencer tôt. Le temps est un facteur essentiel. Pour des technologies comme la fusion — et je ne suis absolument pas un expert — je prévois un horizon temporel plus lointain.
L’objectif que nous poursuivons et que nous défendons consiste à prendre les solutions actuelles, à les développer aussi rapidement que possible, à faire sortir les technologies qui sont prêtes à être commercialisées du laboratoire pour les introduire dans l’espace commercial, et à motiver les parties à les adopter. L’ingéniosité et les capacités d’innovation des scientifiques et des chercheurs sont bien sûr étonnantes. Ils trouveront sans doute des solutions extraordinaires. Mais nous pensons que l’ensemble de la transition énergétique ne peut pas reposer sur des technologies dont l’efficacité n’a pas encore été démontrée.
La sénatrice Sorensen : Parfait. Merci à vous deux pour ces excellentes réponses.
Le sénateur Arnot : J’adresse cette question à tous les témoins présents ce matin. Je veux mieux comprendre certaines choses.
Que devons-nous faire immédiatement pour que le Canada reste compétitif? Devons-nous calquer nos subventions sur celles offertes par les États-Unis ou devons-nous faire encore mieux pour accroître les investissements dans la technologie de l’hydrogène, dans son développement, dans son transport, etc.? Devons-nous envisager certaines politiques qui donneraient un avantage concurrentiel au Canada, en dehors des subventions monétaires dont vous parlez? De quoi avez-vous vraiment besoin?
Pour ce qui est des court et moyen termes, il me semble que les premiers utilisateurs et leurs capitaux se dirigent vers les États-Unis. Les investissements dans nos recherches sur la production d’énergie basée sur l’hydrogène vont s’évaporer.
Mme Kent : Je vais tenter de répondre à cette question en quelques points rapides, et n’hésitez pas à prendre la parole, monsieur Dias. Devons-nous calquer nos subventions sur celles des États-Unis? Je pense que c’était un peu la question principale, monsieur le sénateur.
Il est assez évident que la loi américaine sur la réduction de l’inflation, l’Inflation Reduction Act, est un programme climatologique très ambitieux présenté de manière curieuse. Il constitue réellement une véritable manne. Ce programme est générationnel. Il est très axé sur l’économie. Il offre des incitatifs et des crédits d’impôt à un taux et à une échelle jamais vus auparavant, et ce, dans un pays qui n’a ni prix national du carbone ni régime de tarification du carbone. Je pense qu’il y aura toujours des différences en fonction des frontières et des administrations dans l’approche de ce qui se place dans la colonne A ou dans la colonne B.
Je pense également que nous devons reconnaître que les mécanismes et les approches que les États-Unis ont mis en place présentent réellement un niveau d’ambition et de générosité que le Canada n’a jusqu’à présent jamais atteint. Nous avons établi des plans très détaillés. Nous avons élaboré des règlements très complets fondés sur le rendement, comme le Règlement sur les combustibles propres. Pour ce qui est de l’aspect de votre question lié aux politiques permettant d’apporter des améliorations, c’est tout à fait le cas du point de vue du transport de combustibles sous forme liquide. Ces politiques ne concernent toutefois pas directement l’hydrogène.
Si l’on examine ce dont nous avons besoin pour saisir ces opportunités — mon collègue en a parlé —, il existe déjà des solutions. Si nous voulons atteindre nos objectifs climatiques, les réductions de gaz à effet de serre les plus importantes que nous puissions réaliser sont celles que nous pouvons obtenir dès maintenant. Nous devons les accélérer. Nous devons créer des mécanismes plus efficaces et plus rapides pour accélérer ces réductions, qu’il s’agisse de correspondances ou de parité politique... quelque chose qui fera dire à une société ou à une entreprise qu’elle peut adopter ces solutions en Ontario, au Québec, en Colombie-Britannique ou dans un endroit donné et que l’aspect économique suivra.
Pouvez-vous conclure en donnant quelques exemples précis de ce à quoi ces mécanismes pourraient ressembler?
M. Dias : Oui, mais je voudrais d’abord ajouter qu’il existe également une politique ambitieuse de l’autre côté de l’Atlantique. L’Europe vit actuellement sous la deuxième version du régime de la directive sur l’énergie renouvelable. La troisième version de ce régime sera négociée cet hiver et prévoit une politique plus large relative aux combustibles à faible teneur en carbone.
Comme l’a dit Mme Kent, la norme relative aux combustibles propres concerne réellement les combustibles utilisés dans le cadre du transport routier. Elle ne concerne pas les autres modes d’énergie ou les autres modes de transport. Son champ d’application est étroit. En revanche, la troisième version de la directive sur l’énergie renouvelable de l’Europe et l’Inflation Reduction Act des États-Unis ont une portée très large, ce qui constitue une différence essentielle.
L’autre élément que nous avons découvert est d’ordre commercial. Dans le cadre de notre système fédéral, l’électricité est réglementée par les provinces grâce à des organismes de réglementation provinciaux. Par conséquent, les tarifs et la disponibilité de l’énergie propre et verte sont gérés par ces organismes de réglementation. Nous avons établi une politique fédérale en matière d’hydrogène et des ambitions fédérales dans ce domaine. Nous devons donc aligner, d’une manière ou d’une autre, les politiques provinciales et fédérales pour que la solution soit opérationnelle sur le plan commercial.
M. Griffin : Mes commentaires sur ce sujet seront très brefs. Comme je l’ai dit au début, la majeure partie de mon point de vue est celui de LNC en tant qu’institut de recherche et non en tant que groupe de défense des politiques. Je peux dire que dans le cadre des discussions tenues au sein de LNC et de nos discussions avec l’industrie, nous entendons en grande partie ce que viennent de dire les autres témoins, c’est-à-dire qu’il est important d’aligner les politiques ou de les rendre cohérentes, de comprendre comment vont évoluer les cadres réglementaires et quels incitatifs financiers seront mis en place. Tout cela me semble logique lorsque je prends du recul et que j’examine la situation, car si vous voulez obtenir des investissements privés, tout changement majeur comme celui-ci, alors que nous nous dirigeons vers 2050, exige une certaine stabilité et une compréhension de l’évolution possible des marchés. Je suis donc d’accord avec une grande partie de ce qui a été dit. Ces idées correspondent bien aux discussions qui ont eu lieu entre LNC et l’industrie avec laquelle nous avons travaillé.
Le président : Nous avons encore un peu de temps. Je vais donc me permettre de poser quelques questions. Je m’en pose beaucoup.
Laissez-moi commencer par M. Griffin. Vous avez dit que le plan qui a déjà été établi est adéquat. Il va dans la bonne direction. Je dois cependant admettre que je suis un peu cynique, car mon expérience limitée de la vie me fait penser que les choses vont toujours assez bien au début, mais que 10 ans plus tard, le plan échoue ou disparaît et que, pour une raison quelconque, il n’était pas ce que nous pouvions faire de mieux. Comment répondriez-vous à ce commentaire? Pourquoi devrions-nous croire cette fois-ci que les fonds sont investis au bon endroit au bon moment et qu’il n’y a plus de conditions à notre réussite? Comment pouvons-nous en être sûrs?
M. Griffin : C’est une très bonne question. Je comprends que vous vous la posiez. Êtes-vous en train de parler de la Stratégie canadienne pour l’hydrogène de RNCan?
Le président : Oui.
M. Griffin : J’estime qu’il s’agit d’un cadre plutôt que d’un plan détaillé. Je ne peux assurément pas parler au nom de RNCan et je n’essaie pas de le faire, mais d’après ce que j’ai lu, j’estime qu’il s’agit d’un cadre. En ce sens, je pense qu’il décrit les difficultés et la situation actuelle. Comme tout plan — ou en l’occurrence tout cadre —, c’est au début qu’il est le plus important et le plus utile, et il est toujours susceptible d’être modifié à mesure que les choses évoluent. Au cours des 10 prochaines années, la situation va changer. Les piles à combustible et d’autres procédés feront l’objet de nouvelles découvertes et de nouvelles améliorations, et je pense que nous ferons des progrès dans de nombreux domaines. Ce cadre continuera selon moi d’être revu. J’estime que nous n’avons pas à craindre l’échec, car je ne pense pas que ce cadre puisse réellement échouer. Il vise à nous mettre sur la bonne voie et à décrire cette voie et les difficultés auxquelles nous sommes confrontés. Le type de réunions que ce comité organise est très important pour comprendre le point de vue de l’ensemble des parties prenantes. Je pense qu’elles permettent de déterminer la façon dont les choses pourraient évoluer au fil du temps. J’espère avoir répondu à votre question.
Le président : Je n’en suis pas sûr, mais je pense que l’on ne pouvait pas s’attendre à mieux.
Parlons de l’approche nucléaire modulaire. Nous avons beaucoup parlé du nucléaire, en particulier des réacteurs CANDU au Canada. Comme vous le savez tous, ils n’ont pas connu le succès escompté. La demande est limitée. Nous parlons beaucoup du modulaire. Cette solution de plus petite taille est plus gérable. Quel est l’avenir dans ce domaine? Beaucoup d’entre vous en parlent, mais d’autres experts affirment que le nucléaire ne sera pas exploité avant 10 ou 15 ans. Ils estiment que cette technologie est très en retard et coûteuse, et que lorsqu’elle sera exploitable, nous disposerons de meilleures sources d’énergie et de meilleurs plans de stockage, et que son développement constitue peut-être un gaspillage d’argent parce que l’obtention de toutes les autorisations prend trop de temps, etc. Voulez-vous faire un commentaire à ce sujet?
M. Griffin : Je veux bien commencer.
Je pense que les petits réacteurs modulaires sont vraiment l’avenir ou une partie importante de l’avenir. Je vais revenir sur ce qui a été dit plus tôt, à savoir qu’il n’existe pas de solution unique à notre problème, mais je pense que les petits réacteurs modulaires, ou PRM, ont un véritable rôle à jouer. L’idée, bien sûr, est que, étant donné qu’ils sont modulaires, ils relèvent davantage du domaine de l’industrie. Il ne s’agit pas de centrales extrêmement coûteuses, uniques ou très rares, comme celles que nous avons vues jusqu’à présent. Nous pouvons ainsi aller dans des endroits particuliers pour soutenir l’industrie et les petites collectivités. Je pense que nous envisageons cette solution à court terme plutôt qu’à long terme. Nous travaillons avec Global First Power, qui relève en partie d’Ontario Power Generation et d’Ultra Safe Nuclear Corporation, pour organiser une démonstration d’un petit réacteur modulaire sur notre site de Chalk River dans les années à venir, non pas dans une décennie, mais dans les prochaines années. Je pense que c’est une étape importante. Vous avez mentionné les autorisations réglementaires et autres, et ces discussions se poursuivent avec la Commission canadienne de sûreté nucléaire. Je pense qu’il s’agit d’une étape importante, et que l’hydrogène peut y être associé, car les PRM peuvent fournir l’électricité et la chaleur nécessaires pour produire de l’hydrogène propre.
Le président : Quand pensez-vous que les PRM pourront être en place et productifs? Quel est le calendrier de leur mise en œuvre? Et pouvez-vous nous donner une idée de leur prix?
M. Griffin : Je n’ai pas les connaissances nécessaires pour me prononcer sur le prix. D’après tout ce que j’ai entendu, des démonstrations devraient avoir lieu au cours des quatre ou cinq prochaines années, que ce soit au Canada ou ailleurs. Les États-Unis, la Chine et d’autres pays s’y intéressent également.
Le président : Qu’en est-il du combustible en tant que tel? Pouvons-nous l’obtenir localement, ou sommes-nous dépendants de la Russie à cet égard?
M. Griffin : Nous ne pourrons pas dépendre de la Russie, bien sûr — l’uranium faiblement enrichi à dosage élevé. Je ne travaille pas sur ces questions, mais des efforts sont actuellement déployés pour trouver d’autres sources d’approvisionnement en uranium faiblement enrichi ou pour pouvoir utiliser un uranium faiblement enrichi amélioré. Plusieurs entreprises étudient des voies différentes pour atteindre cet objectif.
Le président : Madame Kent, plus tôt, vous avez dit que vous avez un véritable projet qui produit de l’énergie verte. La demande n’est pas encore là, mais cela pourrait changer. Ensuite, vous avez parlé de la disponibilité de l’électrolyseur.
Quand vous examinez le plan américain, après avoir grappillé les miettes, il faudra choisir, car vous ne pouvez pas être concurrentielle dans tout. Les États-Unis sont essentiellement un grand canevas où une imposante population dispose d’une créativité immense. Il faut choisir. Qu’allons-nous choisir? Pourrait-il s’agir de quelque chose d’important produit par notre pays? Est-ce la bonne approche? Vous n’allez pas être concurrentielle et réussir avec chaque idée, vous le savez. Avez-vous des remarques à faire là-dessus?
M. Dias : Si vous me permettez de commencer, nous aimons l’idée des carrefours de la durabilité, c’est-à-dire que l’offre et la demande sont côte à côte et bénéficient de cette symbiose. C’est au cœur de notre concept, à Varennes, au Québec, où nous avons déjà un tel carrefour regroupant le bioéthanol, le gaz naturel renouvelable, la demande industrielle et la demande des terminaux pétroliers et des raffineries de Montréal-Est. C’est le principe d’un carrefour. C’est très symbiotique. Il veille à ce qu’un projet soit durable et s’inscrive dans les besoins présents et futurs parce que les partenaires deviennent interdépendants et évoluent ensemble. La structure entière ne repose pas sur la vision ou l’ambition d’une seule personne, mais bien sur des partenariats assurant l’offre et la demande en ressources. À mon avis, c’est là que l’on voit les meilleures perspectives de rentabilité, et c’est donc là que nous croyons pouvoir être les plus concurrentiels.
Je suis d’accord que nous ne pouvons pas chercher à plaire à tout le monde, mais il y a des endroits où nous avons tout ce qu’il faut pour réussir, soit une énergie électrique propre et peu coûteuse, une industrie lourde et de grands centres pour les conducteurs et les consommateurs. Quand nous réunissons tous ces partenaires, nous estimons pouvoir mijoter des projets voués à la réussite qui résisteront à l’épreuve du temps.
Mme Kent : Pour revenir à votre première question quant à la source de cette confiance à la lumière d’autres tentatives qui peuvent traîner en longueur ou ne pas avoir atteint leur plein potentiel, je crois qu’elle vient du fait que, à tout le moins de notre point de vue, nous ne nous voyons plus nécessairement comme un vendeur, un producteur ou un fabricant d’un type de combustible en particulier. C’est vraiment un produit correspondant à une réduction du carbone. Nous vendons des options de conformité à certains régimes de politiques et d’exigences en vigueur dans le cadre du plan climatique du Canada. C’est de là que vient la création de valeur. C’est essentiellement l’Astre du Nord qui guide nos décisions commerciales.
Je crois que l’accélération viendra des partenariats. S’il y a des signaux clairs en matière de politiques, il devrait y avoir un programme de subventions et d’aide raisonnable pour atténuer les risques associés à ces investissements, dans la mesure des ambitions et de la taille du pays. Ce programme devrait également être établi en fonction des besoins du client quant à ses ambitions de décarbonisation. Les sources peuvent être variées. Il peut s’agir de leaders, de normes environnementales, sociales et de gouvernance, ou ESG, ou de la capacité d’attirer du capital de risque à valeur ajoutée. C’est ce qui stimule l’optimisme et la confiance de bien des gens sur le marché. Cette fois-ci, les choses sont un peu différentes.
Le président : Vous avez mentionné l’un des avantages que nous avons au Québec. Nous avons une tarification du carbone, ce qui signifie une forme de taxe. Essentiellement, tout cela s’équilibre du point de vue du gouvernement. Vous dites que c’est très important. Mais, au Québec, comme vous le savez, il n’y a pas de tarification du carbone. Ce n’est pas une taxe, mais un plafonnement. Tous les économistes disent que la meilleure chose que nous puissions faire est d’adopter la tarification du carbone. C’est ce que nous avons fait. Est-ce que, au bout du compte, le fait que le Québec ait un système de plafonnement et d’échange de droits d’émission a une incidence avantageuse ou désavantageuse pour vous?
M. Dias : Il a certes mené les parties à s’asseoir à la même table, car tous les grands émetteurs, qui sont ciblés par la politique du plafonnement et de l’échange des droits d’émission, sont conscients de leurs obligations. En raison du plafonnement toujours plus bas au fil du temps, leurs obligations augmentent et donc leur fardeau de conformité augmente lui aussi. C’est pour cette raison que les parties prenantes semblent si motivées à trouver des solutions. Certaines industries, comme les transports, sont plus faciles à décarboner que d’autres, par exemple les mines, les métaux et le béton, qui rencontrent des difficultés importantes et nécessitent des solutions plus complexes.
Le président : Appliquons-nous cette taxe ou une forme de tarification de façon uniforme ou y a-t-il tant d’exceptions ou de subventions que la majorité de l’économie n’est pas touchée par le carbone? Est-ce possible?
Mme Kent : Il y a bien sûr des exceptions, mais je crois que vous pourriez dire cela de la quasi-totalité des règlements ou des politiques du gouvernement. Si l’on s’attarde à ce qui fonctionne, le signal qu’envoie un coup de bâton est important; toutefois, offrir des carottes donne aussi d’excellents résultats. Du point de vue de l’expertise, nous nous sommes penchés sur les compléments à une tarification du carbone, entre autres en tenant compte des normes de carburants à faible teneur en carbone dans les provinces et au fédéral, et nous nous sommes assurés que les mécanismes présents sont complémentaires. Non seulement la fixation d’un prix envoie un signal, mais elle peut aussi attirer des investissements, et ces attraits viennent s’ajouter à toute tarification du carbone.
[Français]
La sénatrice Audette : Tout d’abord, merci beaucoup aux personnes qui sont venues témoigner de façon virtuelle ou en personne.
Merci beaucoup, monsieur Griffin, d’avoir mentionné l’importance des peuples autochtones dans votre introduction. D’un côté, à titre d’Innue et de sénatrice du Québec, un grand territoire dans lequel beaucoup de projets font l’objet de discussions, je vais vous aborder selon une approche holistique.
Hier, au Comité sénatorial permanent sur les peuples autochtones, la cheffe nationale des Premières Nations a parlé de la création d’une table nationale sur la croissance économique et la prospérité qui a pour but de discuter de questions relatives à l’économie. À mon avis, les peuples autochtones devraient participer à cette initiative. Je sais que vous exercez votre mandat un peu partout sur les territoires des peuples autochtones, qu’il s’agisse des Inuits, des Métis ou des Premières Nations.
Vous parlez d’aligner les politiques entre le gouvernement fédéral et les provinces, ou d’un pôle à Varennes. Des Premières Nations vivent à tous ces endroits. Jusqu’à quel point prennent-elles part au processus ou sont-elles informées? Hier, les Premières Nations ont parlé de la Commission canadienne de sûreté nucléaire et c’est bien, mais je pense qu’il est important que le Canada voie les efforts ou entende ce que vous faites avec les Premières Nations, les Métis ou les Inuits partout au Canada.
[Traduction]
Mme Kent : Tout à fait. Merci pour ces remarques.
Je pourrais peut-être m’inspirer de nos observations sur l’un des processus auquel un grand nombre de nos membres participent, soit les demandes au Fonds pour les combustibles propres et à l’Accélérateur net zéro. Nous avons soutenu avec vigueur l’inclusion de critères précis et rigoureux afin de prouver exactement ce que vous dites, soit veiller à ce qu’ils soient cernés, mais aussi accélérés, que ce soit par la signature conjointe de ces projets ou par les efforts importants déployés pour assurer la collaboration et veiller à la fois à l’équité et à la diversité. Certes, nous devrions continuer à le faire et ce doit être au cœur de toutes ces discussions. Simplement du point de vue des normes ESG, on a tenté de mettre en lumière certains aspects d’une véritable durabilité globale, ce qui en fait absolument partie, tant à l’échelle des projets qu’à l’échelle du pays. Il a été question de veiller à poursuivre l’inclusion, non seulement dans le cadre de la conversation, mais aussi de l’évaluation des projets et de veiller à leur inclusion concrète à tous les échelons. Je sais que c’est un exemple précis, mais c’est quelque chose que nous avons déjà étudié et que nous souhaitons voir se poursuivre.
M. Griffin : Si vous me permettez de répondre également au nom de LNC, je souhaite insister sur ce que j’ai dit au début. LNC et Énergie atomique du Canada Limitée, ou EACL, qui gère notre contrat ici, se sont fermement engagées à prendre une part active dans ces discussions. Nous avons en outre beaucoup d’activités partout au pays. Nous avons commencé à échanger avec les communautés autochtones dans toutes ces régions à bien des niveaux. Nous estimons que c’est un aspect très important de notre planification et de nos discussions.
Le président : Madame Kent, en ce qui a trait à votre entreprise privée, vous avez investi dans la technologie. Sincèrement, je trouve cela rassurant. Quand vous voyez des gens investir de leur poche, cela vous donne un sentiment de confiance. Il est plus facile de dépenser l’argent public. Cela dit, quel type d’investisseurs investiraient dans votre entreprise en ayant évidemment confiance qu’elle soit une réussite? Quel type d’organisations ou quelles personnes investissent dans votre entreprise?
Mme Kent : Chose certaine : il n’y a pas de type en particulier. Ce qui est intéressant chez certaines entreprises dans le secteur des combustibles, c’est qu’elles ont vraiment commencé à chercher une occasion ayant un aspect environnemental bien clair et défini, tout en s’appuyant aussi sur de solides fondements économiques. Je crois que Greenfield en témoigne et, dans son cas, elle a entamé ses recherches il y a plus de 30 ans.
Prenons un combustible renouvelable comme l’éthanol. Il y avait un grave problème de smog et de pollution de l’air à l’époque, mais il y avait aussi des enjeux associés à la prévisibilité des revenus tirés de la production agricole et à la recherche d’occasions de développement économique en milieu rural. Cette activité économique s’est développée, a continué à s’améliorer et est devenue de plus en plus intéressante pour les producteurs de combustible compte tenu du nombre croissant de politiques de décarbonisation. Les avantages environnementaux ont commencé à croître et sont devenus un pôle d’investissement et d’intérêt, et c’est toujours le cas actuellement.
Je crois que nous avons brièvement abordé les raisons pour lesquelles les gens sont parfois attirés par les partenariats en matière de combustibles renouvelables, qu’il s’agisse de biocarburants existants ou de quelque chose en développement comme l’hydrogène. Ce pourrait être en partie dû au fait qu’ils estiment que c’est une bonne décision commerciale. Ils tentent de cerner les tendances et constatent une hausse croissante de l’investissement du capital de risque à valeur ajoutée dans le créneau de la carboneutralité. Vous pouvez avoir de solides programmes gouvernementaux, qu’il s’agisse de l’obligation de respecter un plafonnement ou d’une occasion de tirer profit d’un nouveau programme de subventions. Il peut simplement s’agir d’une bonne optique commerciale. Les gens sont quotidiennement plus nombreux à simplement croire que l’heure est venue de faire preuve de leadership. Il est temps d’être des participants actifs et de prendre de fortes mesures climatiques grâce à des solutions fiables. Voilà le spectre des investisseurs. Je crois que vous y trouverez toutes les raisons possibles, d’une saine gestion des affaires au civisme.
Le président : Monsieur Griffin, madame Kent et monsieur Dias, merci à vous trois. Nous avons eu une discussion fort intéressante alors que nous tentons de comprendre à quel point cela est important. Nous souhaitons la réussite de tous et nous espérons que ce sera le cas. Nous vous remercions infiniment pour votre temps et votre expertise.
(La séance est levée.)