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Sous-comité des anciens combattants


LE SOUS-COMITÉ DES ANCIENS COMBATTANTS

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 25 septembre 2024

Le Sous-comité des anciens combattants se réunit aujourd’hui, à 12 h 1 (HE), avec vidéoconférence, pour procéder à l’élection de la vice-présidence; et pour examiner, en vue d’en faire rapport, les questions relatives aux anciens combattants, y compris les services et les prestations dispensés, les activités commémoratives et la poursuite de la mise en œuvre de la Loi sur le bien-être des vétérans.

La sénatrice Rebecca Patterson (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bonjour. Bienvenue à cette réunion du Sous-comité des anciens combattants. Avant de poursuivre, je demanderais à tous les sénateurs et aux autres personnes de consulter les cartons sur la table pour connaître les directives visant à prévenir les incidents de retour de son. Veuillez tenir votre oreillette loin du microphone, et ce, en tout temps. Quand vous n’utilisez pas votre oreillette, placez-la face en bas sur l’autocollant que vous verrez sur la table, à côté de vous. Merci de votre collaboration.

Je suis la sénatrice Rebecca Patterson, de l’Ontario, et je préside ce sous-comité. Je suis accompagnée de mes collègues membres du sous-comité, à qui je souhaite la bienvenue. Veuillez vous présenter, en commençant par ma droite.

Le sénateur Richards : David Richards, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice M. Deacon : Marty Deacon, de l’Ontario.

La sénatrice Anderson : Dawn Anderson, des Territoires du Nord-Ouest.

La présidente : Deux autres membres du sous-comité vont sans doute se joindre à nous, et nous leur donnerons l’occasion de se présenter.

Le premier point à l’ordre du jour aujourd’hui consiste à élire un nouveau vice-président. Comme vous le savez, notre ancien vice-président, le sénateur Oh, a pris sa retraite au printemps dernier. Nous devons donc combler cette vacance aujourd’hui, et je suis prête à recevoir une motion à ce propos. Y a-t-il des propositions?

La sénatrice M. Deacon : Oui. Je serais ravie de nommer le sénateur David Richards à ce poste.

La présidente : Y a-t-il d’autres propositions?

Le sénateur Yussuff : Pendant très longtemps, je ne croyais pas à la réincarnation, mais j’y crois désormais. J’aimerais appuyer cette proposition.

La présidente : Honorables sénateurs, la motion est-elle adoptée?

Des voix : Adoptée.

La présidente : Je déclare la motion adoptée. Bienvenue à l’ancien président qui est maintenant vice-président, le sénateur Richards.

Avant d’accueillir les témoins d’aujourd’hui, je tiens à avertir les gens quant au contenu de cette réunion. Aujourd’hui, notre sous-comité étudie l’itinérance chez les vétérans. Nous pourrions discuter de sujets sensibles comme les traumatismes liés au service militaire et à la GRC, ainsi que l’itinérance et la violence fondée sur le sexe. Cela pourrait déclencher certaines réactions chez les gens dans la salle et en ligne.

Du soutien en santé mentale est offert à tous les Canadiens par téléphone et par texto au 9-8-8. Les anciens combattants peuvent composer le 1-800-268-7708 pour parler sans délai à un professionnel de la santé mentale. Les sénateurs et les employés parlementaires peuvent faire appel au Programme d’aide aux employés du Sénat et à leur famille, qui permet de recevoir du counselling à court terme en cas de préoccupations personnelles et liées au travail, de même que du counselling en situation de crise.

À nos témoins, si vous avez besoin de prendre une pause à tout moment, nous vous soutiendrons. N’hésitez pas à prendre du recul. Nous n’allons pas vous pousser à répondre à nos questions.

Je souhaite la bienvenue aux trois témoins pour notre réunion du sous-comité. J’aimerais les présenter à mes collègues sénateurs.

Tout d’abord, nous accueillons la majore à la retraite, docteure Karen Breeck, coprésidente, Réseau de recherche et d’engagement des vétéranes; Sandra Perron, fondatrice et PDG, Le Pepper Pod; enfin, par vidéoconférence, Todd Ross, coprésident, Vétérans Arc-en-Ciel du Canada. Bienvenue à vous trois.

Merci de vous joindre à nous aujourd’hui. Nous allons d’abord vous inviter à présenter vos exposés. Ensuite, nous vous poserons des questions. Vous disposez de cinq minutes pour vos exposés. Puisque nous avons peu de temps pour savoir ce que vous avez à dire, nous allons surveiller votre temps de parole. La greffière pourrait lever un petit carton en l’air pour vous indiquer où nous en sommes avec le temps. Sachez que si vous n’avez pas la chance de nous donner certaines informations, vous êtes invités à nous les communiquer par écrit par la suite.

Sur ce, nous allons commencer par la Dre Breeck.

Karen Breeck, coprésidente, Réseau de recherche et d’engagement des vétéranes : Bonjour. Je suis médecin militaire à la retraite et fière membre de la Fédération des femmes médecins du Canada.

Je suis aussi coprésidente du Réseau de recherche et d’engagement des vétéranes, aux côtés de la Dre Maya Eichler, Centre for Social Innovation and Community Engagement in Military Affairs de l’Université Mount Saint Vincent de Nouvelle-Écosse, et de Mme Sayward Montague, directrice de la défense des intérêts, Association nationale des retraités fédéraux.

J’ai hâte de discuter des enjeux intersectionnels liés à l’itinérance, surtout concernant les vétéranes. Même si je suis moi-même vétérane, je n’ai pas d’expérience personnelle de l’itinérance. Toutefois, j’ai l’honneur et le privilège d’amplifier la voix des femmes touchées par les difficultés relatives à l’insécurité en matière de logement auprès de plusieurs groupes de personnel ministériel, du Bureau de l’ombud des vétérans et du Forum de respect. Récemment, j’ai aussi témoigné au Comité permanent des anciens combattants de la Chambre des communes durant son étude sur les vétéranes.

J’encourage le Sénat à permettre aux vétéranes qui ont du vécu de participer pleinement et directement à cette étude.

J’ai pris connaissance de ce sujet en mai 2019, au Forum des vétéranes tenu à l’Île-du-Prince-Édouard. Depuis, j’ai fait quatre observations clés dont j’aimerais vous parler.

Tout d’abord, il n’y a pas qu’un seul chemin menant à l’itinérance. Ainsi, une solution unique ne servira jamais équitablement tous les vétérans, et a fortiori les vétéranes.

Par ailleurs, il vaut mieux prévenir que guérir. Nous devons investir davantage dans l’éducation et le dépistage chez les militaires toujours actifs. Il faut une stratégie de prévention de l’itinérance proactive pour les personnes à haut risque, surtout pendant leur transition pour sortir des forces armées ou de la GRC.

De plus, Anciens Combattants Canada devrait toujours concevoir des services qui tiennent compte de la situation particulière du vétéran. Les programmes véritablement axés sur les vétérans ne devraient jamais tenir pour acquis que tous les anciens combattants ont accès à des moyens de transport, un téléphone intelligent, un ordinateur, Internet, une imprimante, à des cartes de crédit, au personnel soignant, à un époux, une épouse ou des amis qui les épaulent, et ont une adresse fixe.

Qui plus est, les vétérans dans le besoin veulent un coup de main, pas des prestations. Bien des anciens combattants, surtout les vétéranes, sont farouchement indépendants et ne veulent pas passer pour un fardeau. Malheureusement, cette indépendance s’accompagne souvent de méfiance envers les étrangers et les institutions gouvernementales. Le fait de demander de l’aide constitue un moyen de dernier recours. Les programmes et les services qui ne tiennent pas compte de cet aspect de la culture des vétérans peuvent causer d’autres traumatismes par inadvertance, surtout si on ne prend pas au sérieux la première demande d’aide du vétéran.

Pour résoudre ces enjeux, je vous soumets trois recommandations.

Tout d’abord, il faut définir le problème du point de vue du vétéran. Bien des vétérans cherchent une approche plus large et plus holistique pour améliorer leur bien-être qui tient compte de l’insécurité liée au logement, au lieu de se concentrer exclusivement sur cet aspect. Il faut reconnaître les défis que présentent la plupart des vétérans qui ont besoin d’aide et les appuyer plus tôt dans le processus pour qu’ils ne se retrouvent pas dans les refuges pour itinérants ou à la rue.

Il faut aussi définir comment le problème est réglé et, je le répète, trouver une définition à partir du point de vue des anciens combattants. Ce ne sont pas tous les vétérans qui jugeront que les efforts communautaires, comme la collecte de fonds pour des foyers de groupe ou des mini-maisons, sont la meilleure solution pour eux, surtout les vétéranes.

Or, il importe d’appliquer la maxime « rien sur nous sans nous ». Il faut que les vétérans participent proactivement à toutes les décisions gouvernementales qui les concernent.

On pourrait régulièrement réaliser des sondages confidentiels pour connaître l’opinion des vétérans qui ont du vécu sur tous les services et programmes financés par les gouvernements. Quelque chose comme un bureau du vécu des anciens combattants pourrait ensuite en analyser les réponses pour améliorer ces services de manière continue.

En terminant, je vous remercie d’étudier l’itinérance chez les vétérans et en particulier les vétéranes. Je suis impatiente de discuter de l’état actuel des 10 recommandations issues de la première étude de mai 2019 du Comité permanent des anciens combattants de la Chambre des communes durant la période de questions et réponses aujourd’hui. Je vous remercie.

La présidente : Merci, docteure Breeck.

Nous passons à la colonelle honoraire Perron.

Sandra Perron, fondatrice et PDG, Le Pepper Pod : Merci, madame la présidente et distingués membres du comité, chers collègues et docteure Breeck.

[Français]

Bonjour. Je suis la fondatrice et présidente-directrice générale du Pepper Pod, une organisation dont la mission est de bâtir une communauté plus forte de vétéranes. Nous avons un centre de ressourcement à Chelsea, au Québec. Plus de 350 femmes ont reçu un diplôme après une fin de semaine de ressourcement chez nous appelée Lifeshops. Environ 200 autres participent à certaines de nos activités, comme des programmes de bien-être et des ateliers qui s’intitulent Au-delà du traumatisme. Nous avons actuellement plus de 350 femmes sur une liste d’attente qui souhaitent participer à nos programmes.

[Traduction]

Avant de commencer mon exposé, je signale que nous sommes des néophytes en matière de vécu des vétéranes itinérantes ou qui risquent de le devenir. Quand cet enjeu a été soumis à notre attention, nous avons hésité à nous engager dans cette voie, mais nous avons vite réalisé que ce segment de la population comprend nos sœurs d’armes. Nous devons les inclure dans notre quête d’une communauté de vétéranes plus forte.

Nous travaillons avec diligence pour en savoir plus et comprendre les difficultés qui contribuent à l’itinérance chez les vétéranes.

J’aimerais vous présenter Joanne Bilodeau, une vétérane de 25 ans des Forces armées canadiennes. Elle sera directrice du projet sur l’itinérance du Pepper Pod, qui vise à mettre en relation notre équipe de vétéranes formées et qualifiées qui veulent continuer de servir leur pays de manière concrète avec des vétéranes itinérantes pour leur offrir des services complets, comme des maisons de transition, des services en santé mentale, l’accès à Anciens Combattants Canada et bien plus. Nous n’allons pas dispenser ces services nous-mêmes, mais notre équipe servira à mettre les vétéranes en contact avec ces précieuses ressources.

Voici ce que nous avons appris jusqu’ici. Il est extrêmement difficile d’estimer l’itinérance chez les vétéranes, parce qu’elles sont invisibles. Bon nombre de ces femmes ne s’identifient pas comme vétéranes. Elles ne vivent pas sur le même territoire que les vétérans hommes, et les causes de leur itinérance sont différentes, tout comme leurs besoins.

Cela dit, les vétéranes sont actuellement quatre fois plus susceptibles de devenir itinérantes que les femmes qui n’ont pas servi dans les forces. Les vétéranes représentent de 10 % à 15 % du nombre total de vétérans. Cependant, elles représentent 30 % des vétérans qui utilisent les refuges, soit le double du pourcentage qu’elle devrait représenter par rapport aux hommes. En plus, cela ne comprend pas les vétéranes qui ne s’identifient pas comme vétéranes ni celles qui évitent les refuges en raison du risque pour leur sécurité d’être surtout en présence d’hommes, surtout si ces femmes ont des enfants.

Les faibles revenus, la violence, les problèmes de santé mentale et la consommation de substances sont tous des facteurs de risque connus qui mènent à l’itinérance. Il est bien établi que ces facteurs de risque sont présents de façon disproportionnée chez les vétéranes. Les études indiquent que les vétéranes gagnent beaucoup moins lorsqu’elles entrent dans la main‑d’œuvre civile, qu’elles ont subi davantage de traumatismes sexuels dans la vie militaire et que leur transition vers la vie civile comporte des défis uniques et innombrables. Les femmes sont aussi plus susceptibles d’être monoparentales. Tous ces facteurs contribuent de manière exponentielle aux difficultés en matière de santé mentale et à la consommation de substances.

Si les sondages de Statistique Canada montrent qu’environ 3 femmes sur 10 dans la Force régulière subissent un comportement sexuel ciblé ou discriminatoire avant leur libération, les chiffres que nous observons dans le cadre de nos programmes sont nettement plus élevés, de l’ordre de 50 %.

Il y a trois périodes distinctes où les femmes peuvent subir des traumatismes sexuels. La première est celle précédant leur service. Bien des femmes nous ont dit avoir subi des expériences négatives dans leur enfance, souvent d’ordre sexuel, aux mains de leur père, de leur grand-père, de leur frère, de leur oncle ou d’autres membres masculins de leur famille. Souvent, leur seule échappatoire pour fuir ces abus est de s’engager dans l’armée ou la GRC.

La deuxième se situe pendant leur service. Le traumatisme sexuel militaire, ou TSM, qui comprend le harcèlement sexuel et le viol pendant le service, s’avère le plus courant chez les anciennes combattantes sans-abri, selon 7 des 15 études réalisées. Une étude a montré que les vétéranes ayant subi un TSM étaient 4,4 fois plus susceptibles de se retrouver itinérantes.

La troisième période est importante. Les blessures de stress post-traumatique subies après le service, les problèmes de santé mentale qui en découlent et la consommation de substances rendent les femmes plus vulnérables à la prédation et à la violence sexuelle.

En ce qui concerne la violence entre partenaires intimes, plusieurs études montrent que la violence conjugale contribue à l’itinérance chez les vétéranes, certaines d’entre elles préférant se retrouver sans abri plutôt que de rester dans une situation dangereuse.

Dans nos ateliers Lifeshop, nous entendons des histoires de vétéranes qui ont été victimes de violence de la part d’un conjoint, toujours en service ou vétéran, et qui souffrent de TSPT. Le plus troublant, c’est que ces victimes de violence ne veulent pas dénoncer leur agresseur parce qu’on leur dit que cela va se répercuter sur les avantages sociaux ou la carrière de leur conjoint. On leur dit également que leur conjoint a servi son pays et qu’elles doivent donc lui être loyales et l’appuyer. Beaucoup de ces femmes choisissent de quitter leur foyer, parfois avec des enfants, et risquent de se retrouver itinérantes.

La présidente : Merci, colonelle Perron. J’espère que nous pourrons entendre tout ce qu’il vous restait à dire, s’il y a des choses que vous n’avez pas pu dire, parce que c’est important.

Monsieur Ross, vous avez la parole.

Todd Ross, coprésident, Vétérans Arc-en-Ciel du Canada : Bonjour. [Mots prononcés dans une langue autochtone].

Je me présente sous le nom de Wabiniquot, mon nom spirituel. Je suis un Michif, un Métis de la rivière Rouge et un citoyen de la Nation métisse de l’Ontario.

Je me joins à vous aujourd’hui depuis les terres non cédées des Wolastoqiyik à Menahqesk, qu’on appelle aussi Saint John, de mon bureau à l’Université du Nouveau-Brunswick, ou UNB. Je suis le conseiller autochtone sur le campus et je suis très occupé. Je suis donc désolé de ne pas pouvoir me joindre à vous en personne aujourd’hui.

Je vous remercie de m’avoir invité à prendre la parole.

Vétérans Arc-en-Ciel du Canada est une organisation à but non lucratif constituée en 2019. Nous sommes un groupe de bénévoles qui représente les anciens combattants 2ELGBTQI+. Nous avons commencé notre travail peu de temps après le recours collectif concernant la purge LGBT, parce que nous constations le besoin de fournir un espace sûr de soutien aux anciens combattants qui s’identifient comme 2ELGBTQI+. Nous défendons les droits, les avantages et la reconnaissance que nos membres méritent, et nous offrons de l’information sur l’histoire et les défis uniques auxquels ces anciens combattants font ou ont fait face.

Nos membres, y compris ceux qui ont été touchés par la purge LGBT, sont répartis partout au Canada. J’ai moi-même été expulsé des Forces armées canadiennes en 1990. À l’époque, il a été écrit dans ma décharge honorable que je n’étais pas avantageusement employable en raison de mon homosexualité, que je n’étais pas un ancien combattant et que je n’aurais jamais droit aux services offerts aux anciens combattants. Cette période a été très traumatisante dans ma jeunesse et a profondément influencé le cours de ma vie.

Un an après ma libération, je me suis retrouvé dans un logement précaire et je suis passé d’un sofa à l’autre un bout de temps. J’ai trouvé quatre emplois à temps partiel, qui me permettaient de payer le loyer. J’ai fini par trouver un emploi et un logement stables, mais j’ai continué à avoir des problèmes de santé mentale.

En 2016, j’ai été l’une des trois personnes à lancer le recours collectif contre ce qu’on a appelé la « purge LGBT ». À l’époque, je ne savais pas que j’avais droit aux services destinés aux anciens combattants. Un réseau informel de vétérans 2ELGBTQI+ m’a appris que je remplissais les conditions requises et que je devrais demander de l’aide. En 2018, j’ai fait une demande. Après avoir reçu un diagnostic de trouble de stress post-traumatique, j’ai reçu des services.

Le processus n’a pas été facile, ni sur le plan administratif ni sur le plan émotionnel.

Comme moi, de nombreux vétérans avec qui nous travaillons se battent seuls et croient qu’ils n’ont pas droit aux services. Parmi les défis à relever, citons le rétablissement de la confiance et la crainte de nouvelles discriminations, les taux élevés de problèmes de santé mentale, les traumatismes graves et des risques d’agression qui nécessitent une expertise particulière en matière d’assistance et d’isolement. Beaucoup d’entre nous sont très vulnérables et courent un risque très élevé de se retrouver en situation d’itinérance ou de logement précaire. Il existe également très peu de recherches sur les vétérans 2ELGBTQI+ et l’itinérance.

Au cours des dernières années, nous avons tissé une relation solide avec Anciens Combattants Canada, et la situation s’est considérablement améliorée en ce qui concerne les services. Le ministère est extrêmement aidant, et son personnel est de plus en plus souvent formé et sensibilisé aux défis uniques auxquels sont confrontés les anciens combattants 2ELGBTQI+. Nous avons été témoins des cas urgents où des personnes avaient perdu leur logement ou étaient sur le point de le perdre, et ACC a remué ciel et terre pour les aider.

VETS Canada est également un partenaire de la première heure dans le soutien aux anciens combattants 2ELGBTQI+ sans abri. Nous avons réussi à aiguiller certaines personnes vers VETS Canada, qui a été en mesure de les aider. C’est le genre de partenariat que nous aimerions voir s’établir partout au pays.

Récemment, Infrastructure Canada a approuvé une subvention pluriannuelle dans le cadre du Programme de lutte contre l’itinérance chez les vétérans, de sorte que Vétérans Arc-en-Ciel du Canada travaille de concert avec Égale Canada à un projet visant à réduire l’itinérance chez les anciens combattants 2ELGBTQI+ qui sont sans abri ou risquent de le devenir. Nous venons d’entamer la phase de recherche et espérons obtenir des résultats au cours de la prochaine année.

Notre principal défi est que nous avons toujours du mal à joindre les vétérans 2ELGBTQI+. Nous sommes fortement sur la défensive, et nos placards sont profonds. Nous rencontrons souvent des survivants de la purge LGBT qui n’étaient même pas au courant des excuses présentées par le gouvernement du Canada ni du recours collectif. Je suis inquiet pour ces anciens combattants et je crains qu’ils ne reçoivent pas d’aide.

Nous travaillons avec de plus en plus d’anciens combattants, mais nous n’avons pas le pouvoir de créer des services. Nous espérons donc avoir le soutien et les ressources nécessaires pour pouvoir travailler avec les fournisseurs de services existants afin que les anciens combattants 2ELGBTQI+ aient accès à des services sûrs et accueillants, et qu’ils ne ressentent pas le besoin de retourner dans le placard pour recevoir des services.

Il reste beaucoup à faire pour venir en aide aux anciens combattants 2ELGBTQI+.

Je tiens à saluer le travail accompli par les prestataires de services et les organisations d’aide aux anciens combattants en général. Je reconnais l’énorme travail qu’ils réalisent. Je félicite également les autres témoins qui comparaissent aujourd’hui de leur bon travail. Ce sont des gens extraordinaires, qui ont à cœur d’aider les anciens combattants, et je suis honoré de partager cette tribune avec eux.

Merci beaucoup.

La présidente : Merci beaucoup, monsieur Ross; merci de nous avoir raconté votre histoire très personnelle. Je sais que ce n’est pas facile.

Il y a deux nouveaux sénateurs qui n’ont pas eu l’occasion de se présenter, alors avant de commencer les questions, je vais leur demander de se présenter.

Le sénateur Yussuff : Hassan Yussuff, sénateur de l’Ontario.

Le sénateur Al Zaibak : Je suis le sénateur Mohammad Al Zaibak, de l’Ontario.

La présidente : Merci beaucoup.

Nous allons maintenant passer à la période de questions. Le temps dont nous disposons est compté, et nous savons que ce que vous avez à dire suscite beaucoup d’intérêt. Je rappelle aux sénateurs et aux témoins qu’ils disposent d’un total de quatre minutes pour la question et la réponse. Je demande donc à tous d’être succincts. Je prierais aussi les sénateurs de préciser à quel témoin s’adresse leur question.

J’aimerais offrir à notre nouveau vice-président l’honneur de poser la première question.

Le sénateur Richards : Je vous remercie d’être ici. Ma question s’adresse aux deux femmes parmi les témoins, la Dre Breeck et Mme Perron.

Je suis membre de ce comité depuis environ huit ans, et c’est toujours le même gouvernement qui est au pouvoir. Notre comité et le Sénat ont formulé diverses recommandations pour remédier aux problèmes touchant les femmes, notamment sur l’aide médicale et psychologique, l’itinérance, le traitement de la toxicomanie et le trouble de stress post-traumatique — ou TSPT. Les problèmes perdurent, et ce, depuis les huit années que je suis membre de ce comité.

Pourriez-vous m’indiquer, autant que possible, si depuis huit ans, l’aide apportée à ces femmes s’est améliorée, ne serait‑ce qu’un peu ou de quelque manière que ce soit?

Dre Breeck : Je serai heureuse de commencer. Merci pour cette excellente question.

J’ai joint l’armée en 1987, je peux donc dire que j’ai non seulement une grande expérience personnelle, mais que j’ai été témoin de l’expérience des milliers d’hommes et de femmes avec qui j’ai eu le privilège de travailler et que j’ai eu le privilège d’aider. Je peux vraiment dire que les choses commencent à s’améliorer considérablement, en particulier ces derniers temps. Je tiens à souligner que cela fait maintenant plus de 35 ans, malheureusement, que nous réclamons des choses comme une étude d’un comité parlementaire et que le Comité permanent des anciens combattants de la Chambre des communes vient justement de déposer son rapport sur l’expérience des vétéranes. Cette étude est le fruit d’un an de travail et contient 42 recommandations. Nous attendons avec impatience la réponse du gouvernement à ce rapport, le 10 octobre, et nous espérons qu’il en rendra compte et qu’il les mettra en œuvre.

Il pourrait y avoir d’énormes changements dans la façon dont les fonds sont alloués aux enjeux propres aux femmes. Les choses changent, c’est certain.

Cependant, je dirais que l’une des plus grandes avancées qu’on doit à ce gouvernement est l’analyse comparative entre les sexes, qui, lorsqu’elle est utilisée pleinement, correctement et rigoureusement, fournit toutes les réponses. Lorsqu’on traite de questions comme l’itinérance, il faut étudier la situation des hommes et des femmes séparément, parce que la façon d’offrir des services dans ce genre de contexte dépend tellement du sexe et du genre des personnes touchées. Pourtant, pour des raisons que je ne comprends pas, on continue d’amalgamer les expériences des hommes et des femmes dans la recherche et les données dans toutes sortes de rapports de différents ministères.

Il s’agit donc d’utiliser des données désagrégées selon le sexe. À partir de là, il y a d’autres intersectionnalités aussi, dont l’identité de genre, la race, les handicaps, tous ces autres aspects. Mais nous n’arrivons même pas à normaliser la séparation par sexe et par genre dans la collecte et l’analyse des données. Là‑dessus, je dois admettre que je suis surprise que nous ne soyons pas plus avancés après huit ans de ce gouvernement.

Le sénateur Richards : Les préoccupations du gouvernement et celles de l’armée se rejoignent-elles ou diffèrent-elles? Les recommandations du gouvernement et l’attitude de l’armée à l’égard de l’itinérance chez les anciens combattants sont-elles au diapason, ou sont-elles très différentes?

Mme Perron : Je ne sais pas si elles diffèrent beaucoup.

Le sénateur Richards : D’accord.

Mme Perron : Je pense qu’elles sont semblables.

Le sénateur Richards : Oui, merci.

Dre Breeck : Je pense que le sujet est pris très au sérieux, mais encore une fois, venant du milieu de la prévention, je tiens à souligner que l’itinérance est l’aboutissement de toute une suite d’occasions manquées pour l’empêcher. Pour moi, c’est un peu comme la prévention du suicide. Nous ne voulons pas de suicides, mais nous savons qu’il y en aura quand même. Nous devons concentrer nos efforts en amont, de façon multidisciplinaire, afin de prévenir les situations susceptibles d’aboutir à ce résultat.

Le sénateur Richards : Je vous remercie beaucoup toutes les deux.

La présidente : Monsieur Ross, aimeriez-vous ajouter quelque chose? C’est toujours un peu plus difficile quand on participe à distance. Vous trouverez peut-être que je vous cible un peu, mais c’est pour que vous ayez l’occasion de vous exprimer. Je vous cède la parole.

M. Ross : Je n’ai rien de particulier à dire, si ce n’est que nos relations avec le ministère des Anciens Combattants se sont beaucoup améliorées. J’ai mentionné que ce n’est que depuis quelques années que de nombreux anciens combattants 2ELGBTQI+ savent qu’ils sont admissibles aux services d’ACC, en particulier ceux qui ont été victimes de la purge LGBT pendant cette période de notre histoire.

Nous avons donc connu une intégration un peu difficile au début, ces dernières années, notamment pour ce qui est de la formation du personnel un peu partout, mais nous constatons une nette amélioration et nous continuons de travailler avec le ministère pour l’aider à s’améliorer encore davantage.

Mme Perron : Je ne peux pas parler des huit dernières années, mais depuis quatre ou cinq ans, nous avons observé de grandes améliorations dans la santé physique, émotionnelle et mentale des femmes. Diverses améliorations sexospécifiques ont été apportées à divers programmes, ainsi on reconnaît maintenant certains maux propres aux femmes, les causes de la maladie mentale, et divers programmes sont conçus pour aider les femmes différemment des hommes. Je constate des améliorations importantes. Il reste encore beaucoup à faire. Comme l’accès à certains programmes s’est beaucoup amélioré, l’un des principaux problèmes actuellement est le temps de réponse. On ne répond pas toujours assez vite aux demandes et aux besoins.

Le sénateur Richards : Encore une petite chose : le taux de suicide a-t-il baissé ou augmenté ces derniers temps? Le savez‑vous?

Mme Perron : Je ne le sais pas.

La présidente : Nous allons entendre une brève réponse à cette question, puis enchaîner. C’est en fait une très bonne question, et nous savons qu’il y a des défis à relever à ce chapitre.

Dre Breeck : Nous étudions davantage cet enjeu chez les militaires en service que chez les anciens combattants. Ce n’est que récemment que StatCan a créé un identificateur pour les anciens combattants, de sorte qu’il faut encore approfondir les recherches sur le taux de suicide chez les anciens combattants, mais je crois comprendre que les choses se sont améliorées d’un point de vue statistique du côté des militaires en service.

La sénatrice M. Deacon : Je vous remercie d’être ici aujourd’hui. J’ai quelques questions à poser. Je demanderais à la Dre Breeck de répondre d’abord à la première question, puis nous verrons à partir de là.

J’ai un peu peur que mes questions ne soient répétitives, mais je me dis que si nous entendons deux fois le même message pour bien comprendre les enjeux, ça va.

Nous parlons aujourd’hui des femmes sans-abri, et l’on utilise différents qualificatifs, mais on dit qu’il est beaucoup plus difficile d’entrer en contact avec elles. Elles ne résident généralement pas ou ne dorment pas dans des lieux communs comme leurs homologues masculins; elles sont plus susceptibles de vivre de manière précaire dans des habitations privées, parfois dans des circonstances dangereuses. Vous en avez parlé dans vos témoignages. Comment Anciens Combattants Canada et les groupes de défense des droits peuvent-ils mieux repérer les anciennes combattantes qui ont besoin d’aide plus tôt, avant que les crises ne s’aggravent?

Dre Breeck : Je vous remercie de cette question importante. Je parlerai plus particulièrement des anciennes combattantes parce que c’est le groupe que je connais le mieux, sans vouloir minimiser l’importance des hommes, mais les femmes passent plus souvent à travers les mailles du filet. Dans ma propre expérience, chaque histoire que j’ai lue ou entendue était différente. Cependant, lorsqu’on regarde en amont, beaucoup de ces femmes, à mon avis, présentaient des facteurs de risque qui auraient pu être repérés au moment de la transition, et nous aurions pu les inscrire à un programme prévoyant plus de suivis ou des options de soins plus poussées pendant la transition.

Lorsqu’on regarde les statistiques, on constate que c’est généralement 10 ans plus tard que les vétéranes n’ont plus d’options et qu’elles tombent entre les mailles du filet. Ce sont souvent de jeunes femmes qui ont eu des problèmes et qui ont subi un traumatisme sexuel militaire en début de carrière, qui se retrouvent plus tard sans ressources, ou des personnes qui sont restées plus longtemps dans les forces, qui ne pensaient même pas avoir de problèmes, mais qui, 10 ans plus tard, se rendent compte qu’elles en ont eu. Ces personnes sont souvent plus âgées et ne bénéficient souvent pas du soutien de leur famille ni de leurs pairs.

Il s’agit en partie de toujours considérer nos réponses comme multifactorielles, de prévenir les problèmes et de les déceler plus tôt. Toutes les femmes que j’ai rencontrées qui ont vécu cette expérience sont d’incroyables survivantes qui ont tout essayé avant de se retrouver à la rue.

Si nous leur permettions de parler davantage, si elles étaient écoutées quand elles s’adressent aux différents groupes qui reçoivent de l’argent pour les défendre... Beaucoup d’entre elles n’ont pas eu d’expériences positives comme anciennes combattantes, elles n’ont pas le sentiment d’avoir été entendues ou ne savent pas comment leur situation aurait pu être évitée.

Je suis très favorable à l’idée de laisser les histoires des femmes touchées faire boule de neige, puis de demander : « Qui d’autre avez-vous rencontré? Qui d’autre connaissez-vous qui a vécu la même situation? »; on pourrait ainsi apprendre de ces femmes elles-mêmes comment on pourrait améliorer les choses et les aider plut tôt, plus vite. Ce n’est qu’une piste, mais c’est quelque chose qui manque, pour donner à ces femmes les moyens d’améliorer la situation de celles qui les suivent, de nous montrer comment le système n’a pas fonctionné pour elles. Il faut donner aux femmes les moyens de faire quelque chose pour changer la donne.

La sénatrice M. Deacon : Merci.

Mme Perron : J’appuie les observations de ma collègue. J’aimerais également en ajouter d’autres.

Premièrement, nous devons sensibiliser les fournisseurs de services qui communiquent avec les femmes en situation d’itinérance, ainsi que les refuges et les missions, afin qu’ils sachent quoi demander aux femmes lorsqu’ils les interrogent et au moment de leur intégration dans les services.

Deuxièmement, de nombreuses itinérantes ne pensent pas qu’elles sont des vétéranes. Elles pensent qu’elles ont été libérées des Forces armées canadiennes ou de la GRC et qu’elles ne sont pas considérées comme des vétéranes. Il y a moyen d’établir un lien avec elles et de les informer sur les services qui leur sont offerts. Je suis convaincue que la présence d’autres vétéranes est l’une des meilleures ressources dont nous disposons. Elles peuvent sécuriser ces femmes qui sont en situation d’itinérance ou qui risquent de l’être et établir une relation de confiance avec elles.

La sénatrice M. Deacon : Je vous remercie. C’est un élément fort.

Si je peux m’adresser à M. Ross, il y a un lien avec la question que je voulais lui poser. Vous avez parlé des personnes LGBTQ+ et de certaines des difficultés qu’elles rencontrent et des améliorations au fil du temps. Là encore, il n’est pas toujours facile de convaincre des vétérans d’accepter de l’aide. J’essayais de trouver des renseignements pour savoir s’il y avait des différences ou des aspects uniques. Avez-vous constaté que les personnes 2ELGBTQI+ acceptent de recevoir de l’aide?

Vous avez parlé des problèmes au fil du temps. Or, maintenant, voilà où nous en sommes, des progrès ont été accomplis et nous aimerions vous aider au chapitre du logement et de la lutte contre l’itinérance. Dans quelle mesure ces personnes sont-elles ouvertes à recevoir de l’aide? Constatez-vous quoi que ce soit qui est propre à ce groupe?

M. Ross : Merci, sénatrice.

La plus grande difficulté, c’est d’obtenir leur confiance. Les gens arrivent d’un contexte dans lequel la confiance a été rompue. Pour de nombreux vétérans 2ELGBTQI+ que nous aidons, l’expérience militaire qu’ils ont vécue et l’homophobie et la transphobie qu’ils ont subies ont fait en sorte qu’ils ont senti que le gouvernement avait trahi leur confiance. Il est difficile pour eux de s’adresser à un autre organisme gouvernemental pour obtenir de l’aide. La confiance est très difficile à regagner.

Nous observons cette résistance de la part des vétérans. Comme l’a dit Mme Perron, ils ne se considèrent pas comme des vétérans et si nous les amenons à s’adresser au ministère des Anciens Combattants, il est difficile de regagner leur confiance. L’une des premières difficultés, c’est que la première personne qu’ils rencontrent au ministère n’est pas formée pour travailler avec les personnes 2ELGBTQI+. Elle peut faire des suppositions et poser des questions sur leur mari ou se les aliéner d’une manière ou d’une autre. La confiance est alors rompue immédiatement et les gens ne veulent plus accepter les services. Il y a donc beaucoup de résistance de la part des vétérans 2ELGBTQI+ quant à l’accès aux services — quand nous pouvons même les trouver.

La sénatrice M. Deacon : Merci.

La présidente : Merci, monsieur Ross.

La sénatrice Anderson : Je vous remercie de vos témoignages. Ma question s’adresse à la Dre Breeck. Vous avez fait quatre principales observations et utilisé l’expression « rien sur nous sans nous ». Les peuples autochtones l’utilisent souvent. Votre message me touche de près, car je suis Inuk. Vous communiquez les mêmes messages que les Autochtones, qui sont surreprésentés dans les tribunaux pénaux, dans le système des services à l’enfance et à la famille et dans le système de justice et qui sont mal desservis : soins de santé, services à l’enfance et à la famille, soins dentaires, logement, sécurité alimentaire et eau potable. Nous avons les mêmes messages.

Je vous pose donc ma question. Étant donné que les Autochtones communiquent les mêmes messages depuis des décennies, qui correspondent exactement à ce que vous avez dit, et qu’ils continuent à rencontrer les mêmes obstacles au Canada — et la situation des Autochtones au pays n’a pas beaucoup changé depuis des décennies —, qu’est-ce qui différencie vos messages de ceux que nous, en tant qu’Autochtones, communiquons au Canada?

À votre avis, quelles sont les meilleures solutions pour résoudre les problèmes que vous avez mentionnés?

Dre Breeck : Merci. Si je souris, c’est que j’ai grandi à Calgary. J’ai pu découvrir un certain nombre de cultures autochtones et y être sensibilisée. C’est probablement un aîné qui m’a fait prendre le chemin de la médecine.

Je soutiens tout ce que vous venez de dire. D’après mon expérience, je pense qu’il y a énormément de choses auxquelles nous pourrions travailler ensemble à l’échelle fédérale : messages communs, problèmes communs, moyennes d’expérience négative durant l’enfance plus élevées que chez les civils, taux d’itinérance plus élevés chez les enfants, problèmes de toxicomanie et problèmes de violence fondée sur le genre. Bon nombre de nos problèmes sont, malheureusement, très similaires.

Bien entendu, il y a aussi des vétérans et des militaires autochtones. À mon avis, la bonne solution consiste à avoir une vision d’ensemble de la médecine, soit à ne pas séparer santé physique et santé mentale — ce que, encore une fois, Anciens Combattants Canada fait toujours dans une large mesure, malheureusement —, et à considérer la personne dans son entièreté, à se pencher sur la justice réparatrice et à voir la manière dont nous pouvons régler les problèmes dans leur ensemble.

J’espère que Todd Ross peut nous en dire plus à ce sujet. Je pense que nos ministères gagneraient à travailler ensemble. De plus, nous avons tiré beaucoup de leçons que nous pourrions utiliser et communiquer, notamment en matière de prévention de l’itinérance, du suicide, de la toxicomanie et de la violence fondée sur le genre. J’aimerais beaucoup que les ministères collaborent plus étroitement à ces égards.

La présidente : Merci.

Pouvons-nous demander à M. Ross de répondre à la question?

La sénatrice Anderson : Oui, s’il vous plaît.

M. Ross : Je vous remercie de la question.

Je pense que tout le monde devrait prendre en compte les principes, en particulier « rien sur nous sans nous », notamment lorsqu’on travaille auprès de gens qui sont en situation d’itinérance ou qui risquent de l’être. Leur participation est nécessaire. Ce n’est pas parce que le message n’a pas été entendu par les gouvernements ou les ministères qu’il doit être ignoré par les collectivités qui travaillent avec eux. Nous avons la responsabilité de veiller à ce que la voix des gens soit prise en compte.

Lors d’une récente occasion — nous venons de tenir le forum des vétérans 2ELGBTQI+ avec Anciens Combattants Canada —, l’un des moments qui ont suscité le plus de bons commentaires est celui où nous avons invité le grand chef de la Première Nation Wolastoqey, Ron Tremblay, à animer un cercle de parole. Des personnes 2ELGBTQI+, dont plusieurs Autochtones, y ont participé. Tout le monde est reparti en ayant bénéficié de cette perspective et de ces enseignements. J’espère donc que nous pourrons travailler ensemble et profiter de ces occasions pour bénéficier de l’expérience et des connaissances des aînés et des dirigeants au sein des collectivités qui travaillent avec nous.

La présidente : Merci, monsieur Ross.

Le sénateur Yussuff : Je remercie les témoins de leur présence.

Bien sûr, l’une des difficultés qui se posent lorsqu’on se penche sur la question est de trouver des données qui reflètent la réalité. Bien entendu, la plupart du temps, nous disposons de certaines données, mais elles ne sont pas complètes. Dans d’autres cas, nous n’avons pas de données, ou les données ne nous disent rien.

Le grand défi à relever pour le gouvernement est d’offrir des programmes adaptés à la réalité. Les organisations tentent de prendre contact avec les vétéranes, les vétérans 2ELGBTQI+ et, bien sûr, essaient de mieux comprendre comment le gouvernement pourrait améliorer le service.

Tout d’abord, notre nation a une obligation. Ce sont des gens qui ont servi notre pays et nous devrions mieux nous occuper d’eux.

Voici la grande question que je me pose — et je ne connais pas la réponse. Nous savons qu’il existe des données, mais qu’elles sont incomplètes. Comment pouvons-nous trouver un meilleur moyen de recueillir des données qui reflètent les expériences des gens? Nous pourrions alors concevoir des programmes pour mieux les aider.

Vous avez tous dit de façon très éloquente que les femmes — et pas seulement elles — peuvent être aux prises avec plus d’un problème. Comment fournir des services complets?

L’itinérance est un élément unique, mais si l’on ne traite pas les autres symptômes, s’attaquer à la question de l’itinérance ne permettra peut-être pas de résoudre le problème en fin de compte.

Je ne veux pas vous faire dire quoi que ce soit, mais pouvez‑vous suggérer quelque chose?

Évidemment, docteure Breeck, vous avez formulé quatre recommandations bien précises.

Madame Perron — et également monsieur Ross — pouvez‑vous fournir quelques idées précises qui pourraient aider ce comité, étant donné que nous nous appuyons sur une partie des travaux que le comité de la Chambre a déjà réalisés sur la question?

Mme Perron : Oui, c’est très difficile. Tant qu’on ne les voit pas, aucun service ne peut être fourni aux femmes ou à d’autres groupes de la population que nous ne pouvons pas trouver. Je pense que la meilleure façon pour nous de les suivre, c’est pendant la transition, lorsque les membres actifs quittent l’armée ou la GRC et font la transition vers le monde civil — Anciens Combattants Canada, ou ACC, doit les suivre pour s’assurer qu’ils ont tous les services dont ils ont besoin, même s’ils n’ont pas droit à une pension et qu’ils ne vont peut-être pas recevoir ces services, mais au moins pour pouvoir les trouver, les soutenir et s’assurer qu’ils sont vus.

D’autre part — comme je l’ai mentionné plus tôt —, les personnes qui offriront des services complets et des maisons de transition doivent être en mesure de les trouver, d’inclure des sondages dans leurs programmes d’intégration et de veiller à ce que des organismes comme la Légion royale canadienne, Maison du vétéran Canada, La Mission d’Ottawa et d’autres organismes qui offrent des services soient liés les uns aux autres afin que nous sachions qui est là.

Enfin, il faut des gens qui peuvent aller sur le terrain — une présence sur le terrain — pour déterminer qui sont ces personnes et s’assurer qu’elles sont dirigées vers les services.

La présidente : Merci.

Allez-y, docteure Breeck.

Dre Breeck : J’ai l’impression d’être âgée, car je l’ai vu assez souvent pour être à l’aise de dire que les données sont disponibles et que parfois, différents organismes gouvernementaux choisissent de ne pas les fournir, parce qu’elles ne correspondent pas aux services.

Je vois encore et toujours la nécessité de suivre les principes des lignes directrices sur l’équité en matière de sexe et de genre en recherche, de diffuser des données sur le sexe et le genre, de sorte que nous puissions montrer des données distinctes sur les hommes et les femmes pour un autre sujet. Or, dès qu’il est question de « militaires » ou de « vétérans », il semble que nous oublions toutes les règles, que nous mélangeons tout et que nous n’avons qu’un seul terme qui regroupe tout. Nous n’appliquons pas les mêmes principes relatifs à l’identification du sexe et du genre lorsque nous utilisons les mots « militaires » et « vétérans », et cela vaut également pour l’itinérance. L’application de ces données est un problème.

L’autre problème est celui des définitions. C’est vraiment important. Qu’est-ce que l’itinérance? Comment la définissons‑nous? Incluons-nous l’insécurité du logement? Incluons-nous les personnes qui ne se trouvent pas dans un refuge?

Nous n’avons pas parlé des refuges pour victimes de violence conjugale. Encore une fois, une grande partie des données sur le logement et l’itinérance n’inclut pas les données sur les refuges pour victimes de violence conjugale, où, d’un point de vue statistique, les femmes se trouvent le plus souvent. Il est important de définir tous nos termes et de mener des recherches en tenant compte du chapitre 9, qui est un cadeau de la part de nos frères et sœurs autochtones quant à l’importance de la responsabilité relative à la participation concernant les personnes sur lesquelles portent les recherches. Nous devrions utiliser les valeurs qui figurent déjà dans le chapitre 9 de l’Énoncé de politique des trois conseils : Éthique de la recherche avec des êtres humains, ou EPTC2, soit nos principes d’éthique relatifs à la recherche. S’ils étaient appliqués aux vétérans et aux militaires également, je pense que nous aurions déjà fait un grand pas en avant.

La présidente : Monsieur Ross, vous disposez d’environ 30 secondes.

M. Ross : Bien sûr. Nous venons de lancer un projet de recherche grâce à des fonds d’Infrastructure Canada. Il y a très peu de travaux de recherche. La première chose que nous ferons sera de parler avec des vétérans qui ont vécu l’itinérance et de connaître leur point de vue. Il est très difficile de communiquer avec des vétérans 2ELGBTQI+ si nous ne savons pas où ils se trouvent.

Je pense que si nous avons davantage de visibilité, nous pourrons mieux les servir parce qu’ils sauront que nous sommes là et nous pourrons alors les mettre en contact avec les services qui existent. Nous saurons que si les gens s’adressent à un service d’aide aux personnes en situation d’itinérance, ils recevront des soins sûrs et appropriés, que le personnel a été formé et qu’il n’y aura pas d’obstacles au départ lorsqu’ils accéderont aux services. Nous espérons qu’ils soient en contact, mais le plus important pour nous actuellement est de veiller à ce qu’ils soient en sécurité et qu’ils obtiennent les services dont ils ont besoin.

La présidente : Merci, monsieur Ross.

Le sénateur Al Zaibak : Je tiens à remercier nos témoins, la Dre Breeck, Mme Perron et mon ami de longue date, Todd Ross, d’être des nôtres aujourd’hui. Je crois que tous les Canadiens sont au courant du problème de l’itinérance en général, surtout dans les grandes villes. Cependant, je ne suis pas certain que le public soit conscient de son ampleur et de l’existence du problème chez les vétérans. Je m’excuse d’avoir manqué la première partie des observations. Vous avez peut-être parlé de la question.

J’aimerais que l’on nous dise quels sont les principaux facteurs qui contribuent au problème de l’itinérance chez les vétérans. Y a-t-il des moments précis au cours de leur transition de la vie militaire à la vie civile où il serait plus efficace d’intervenir pour prévenir l’itinérance? Ma question s’adresse à vous tous, au risque que vous ne répétiez certains des éléments que vous avez déjà mentionnés.

Dre Breeck : Encore une fois, nous continuons de faire de la recherche. Des recherches sur certains facteurs de risque ont été menées en 2023. D’après mon expérience et ce que j’ai observé à maintes reprises et, encore une fois, si je m’en tiens aux vétéranes, souvent, elles ont des problèmes médicaux non diagnostiqués lorsqu’elles quittent les forces, en particulier des traumatismes crâniens, par exemple. Chez les femmes qui sont libérées, les traumatismes cérébraux sont sous-diagnostiqués. Malheureusement, elles sont aussi souvent victimes d’une forme de violence, qu’il s’agisse de violence conjugale, de violence sexiste ou de traumatisme sexuel militaire.

Là encore, je ne pense pas que notre capacité à trouver, à aider et à soutenir ces femmes soit maximale. C’est un problème qui touche aussi beaucoup les hommes, mais si le concept de traumatisme sexuel militaire n’a pas été défini et pris en charge avec des ressources en place pour les militaires qui quittent les forces, c’est un élément important que nous pouvons encore améliorer pour la communauté des vétérans, en particulier pour les vétéranes. Comment aller chercher de l’aide dans un centre d’accueil quand on ne sait pas qui sera là? Comment savoir si nous allons nous rendre dans un endroit qui est encore dirigé par des hommes et qui compte des bénévoles masculins qui pourraient être les personnes à l’origine de nos traumatismes? Nous avons besoin d’espaces réservés aux femmes. De plus, dans de nombreux programmes, il n’y a pas d’espaces sûrs pour les femmes qui y accèdent à cause de la violence sexiste, qui a touché trop de personnes dans l’armée.

J’ai été surprise de constater que beaucoup d’entre elles avaient déjà connu les refuges ou le sans-abrisme pendant l’enfance, de sorte que cette situation ne leur faisait pas si peur. Elles étaient plus disposées à y aller ou pensaient que c’est là qu’elles allaient finir. Ce sont des choses qui auraient pu être facilement décelées au moment du recrutement afin de les éduquer et de s’assurer qu’elles connaissent toutes les ressources à leur disposition avant leur libération.

Encore une fois, les femmes subissent vraiment selon moi l’action croisée des facteurs de discrimination. Il ne fait aucun doute que le risque s’accroît en présence d’une intersectionnalité supplémentaire, comme les femmes autochtones, les femmes racisées et les femmes ayant des enjeux LGBTQ. Tous ces éléments aggravent d’autant plus les risques qui accompagnent ces facteurs.

La présidente : Merci beaucoup.

Mme Perron : Je suis d’accord avec tous ces arguments, et j’ajouterais que les femmes qui quittent ces organisations n’ont souvent pas accès à un réseau d’autres femmes vétéranes pour les soutenir. Elles ont servi dans des professions où il y a très peu de femmes; elles représentent encore 14 à 15 % des membres de l’armée. Elles n’ont formé ni de réseau de soutien des femmes ni de liens qui les aideront dans les moments plus difficiles. Voilà qui changera la donne. C’est un facteur contributif.

Il y a aussi, bien sûr, des problèmes mentaux, qui ont été diagnostiqués d’une manière différente dans un environnement à prédominance masculine, et des aspects physiques. Beaucoup de ces femmes qui viennent à notre centre affirment que leurs médecins ne reconnaissaient pas ou ne soutenaient pas certains de leurs problèmes médicaux, comme la fibromyalgie, l’anxiété liée à la ménopause et à cette période, les problèmes pelviens, et ainsi de suite. Tous ces éléments contribuent à leur malaise, et elles n’ont pas de réseau de soutien pour les aider à mener une vie saine lorsqu’elles quittent l’armée ou la GRC.

La présidente : Je vous remercie infiniment.

M. Ross : Je vous remercie. Je suis heureux de vous voir, sénateur. Je suis d’accord avec beaucoup de ces facteurs qui contribuent également aux problèmes qui touchent les personnes 2ELGBTQI+.

Vous savez, la vie est dure, et nous vivons des hauts et des bas. Quand les choses deviennent pénibles et que les gens sont sur le point de devenir sans-abri ou qu’ils sont à risque, avoir la capacité d’accéder à ces réseaux et de rester en contact est un moyen de prévenir le pire. Nous n’avons pas un tel réseau en ce moment. Je pense qu’il faut veiller à entretenir ces ponts pour que, dans les moments difficiles, nous ayons ce soutien et ce filet de sécurité qui nous permettent de demander de l’aide.

La présidente : Je vous remercie. Il nous reste environ cinq minutes. J’aimerais vous poser une question, que vous pourrez tous commenter. Je pense que nous avons probablement besoin d’un représentant de la GRC aussi. J’aimerais mettre ces éléments en correspondance et voir quelles sont les expériences similaires. C’est une remarque à moi-même, en tant que présidente du comité.

Dans l’ensemble, il n’est pas possible de réduire cette question à un seul enjeu. Il s’agit d’un problème complexe et pernicieux, qui compte de nombreux facteurs. Étant donné que vous avez présenté des listes exhaustives de problèmes, de recommandations et de solutions, quelle serait votre recommandation prioritaire pour notre comité, parmi toutes les choses dont nous avons parlé aujourd’hui? Je sais que ce sera difficile, mais aimeriez-vous commencer, monsieur Ross?

M. Ross : Je peux le faire. Je pense que la recommandation prioritaire que j’adresserais au comité, du point de vue des anciens combattants 2ELGBTQI+, est qu’il faut vraiment mieux comprendre les défis qu’ils doivent relever. Selon moi, il n’y a pas eu beaucoup de recherches sur la façon d’aborder la communauté. Par ailleurs, je pense que les prestataires de services au pays doivent bénéficier d’un soutien et de la formation nécessaires pour travailler avec les anciens combattants 2ELGBTQI+. Il faut en parler pour que les gens sachent qu’ils peuvent accéder à ces services en toute sécurité. Je pense que ce sont les enjeux les plus pressants pour moi.

Mme Perron : Je dirais qu’il faut s’informer. Il y a quelques mois, je ne savais pas que c’était un problème aussi important. J’en avais entendu parler, je l’avais vu dans les nouvelles, mais je pensais qu’elles étaient invisibles. Puis la légion est venue au Pepper Pod et nous a dit qu’il y avait 134 anciennes combattantes sans abri rien qu’en Ontario. J’ai demandé : « N’ont-elles pas accès aux services d’ACC? N’ont-elles pas droit à une pension? N’ont-elles pas droit à des soins médicaux? » Certains militaires doivent partir pour des raisons non liées au service, comme des maladies dégénératives ou la vue, et ils se retrouvent à l’autre bout du pays parce qu’ils ont été affectés là-bas. Ils n’ont ni services ni liens avec leur famille, et ils s’attirent des ennuis. Ils sont plus nombreux qu’on ne le pense. Je dirais qu’il faut s’éduquer, apprendre d’autres segments de la société, voir ce qui a fait défaut et ce qui doit être fait, et aller jusqu’au bout.

Dre Breeck : Nous n’en avons pas parlé, mais je crois qu’il faut apprendre des autres sans réinventer la roue. Je pense que l’armée américaine et le ministère américain des anciens combattants ont accompli un travail très important dans ce domaine. Ils ont créé un centre pour les femmes vétéranes, qui permet de joindre une vétérane avec un numéro sans frais. Il y a un minimum d’obstacles, et la femme peut dire : « Voici mon problème. Je ne sais même pas par où commencer. »

Nous n’avons pas de zone neutre similaire. Les Américains ont des programmes de formation qui exigent des certifications et des mises à jour pour aider et soutenir les vétérans sans abri. Ainsi, le personnel de première ligne des Anciens combattants et les fournisseurs de soins de santé connaissent la meilleure façon de les aider. Il existe un programme appelé WoVeN, spécialement conçu pour les femmes vétéranes, afin de les aider à quitter l’armée et à se réinsérer dans la vie civile, et de leur fournir, une fois encore, un accès très facile à toutes les connaissances, aux soins et au soutien dont elles peuvent avoir besoin en tant que femmes.

Aux États-Unis, le dépistage des traumatismes sexuels liés au service militaire, ou TSM, est également obligatoire lors de la libération. Il est effectué sans barrière — ni demande ni diagnostic. Il suffit de dire qu’on a servi et subi un TSM pour avoir accès aux soins et au soutien requis. Nous n’avons rien d’équivalent dans nos programmes, et c’est pourquoi les gens continuent de passer à travers les mailles du filet.

La présidente : Je vous remercie, docteure Breeck. La réunion du comité est très courte, et je sais que mes collègues ont encore beaucoup de questions à vous poser. Nous comprenons tous qu’il est très complexe de s’attaquer à la précarité du logement — car il ne s’agit pas seulement du sans-abrisme, mais bien tout ce qui y conduit. Nous avons entendu ce que vous aviez à dire, ce qui nous a été fort utile. En mon nom et au nom de mes collègues sénateurs, nous tenons à vous remercier chaleureusement pour votre témoignage d’aujourd’hui.

Je voudrais remercier la Dre Breeck, la colonelle honoraire Perron et M. Ross, qui deviendra possiblement docteur dans le futur, pour ce qu’ils ont apporté à la table aujourd’hui. Je vous souhaite à tous une bonne journée.

(La séance est levée.)

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