Aller au contenu
AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’AGRICULTURE ET DES FORÊTS

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 23 octobre 2025

Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts se réunit aujourd’hui, à 8 heures (HE), avec vidéoconférence, pour examiner, afin d’en faire rapport, la question de l’augmentation des feux de forêt au Canada et des effets qu’ils ont sur les industries forestière et agricole ainsi que sur les collectivités rurales et autochtones, partout au pays.

Le sénateur Robert Black (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je déclare ouverte cette séance du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts. Je m’appelle Rob Black, et je préside ce comité. Je souhaite la bienvenue aux membres du comité, à nos témoins et à ceux qui nous regardent sur le Web.

Je tiens d’abord à souligner que les terres sur lesquelles nous sommes réunis se trouvent sur le territoire traditionnel non cédé de la nation algonquine anishinabe.

Avant de laisser la parole à nos témoins, j’aimerais demander aux sénateurs de se présenter, en commençant par le vice-président.

Le sénateur McNair : Merci d’être ici aujourd’hui. Je m’appelle John McNair et je viens du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Varone : Toni Varone, de l’Ontario.

La sénatrice McBean : Marnie McBean, de l’Ontario.

La sénatrice Muggli : Tracy Muggli, du territoire du Traité numéro 6, de Saskatoon, en Saskatchewan.

Le président : Le comité poursuit aujourd’hui son étude sur la fréquence croissante des feux de forêt au Canada et sur les effets qu’ils ont sur les industries forestière et agricole.

Nous avons le plaisir d’accueillir dans notre premier groupe de témoins Liam McGuinty, vice-président aux affaires fédérales du Bureau d’assurance du Canada. Il est accompagné de sa collègue, Margot Whittington, gestionnaire à la politique climatique. Soyez les bienvenus.

Du Conseil national de recherches du Canada, ou CNRC, nous accueillons Jean-François Houle, vice-président, Génie, et Noureddine Bénichou, agent de recherche, Résistance de feu en construction. Bienvenue à tous. Nous sommes heureux de vous accueillir.

Je vous remercie d’avoir accepté notre demande de comparaître devant le comité. Vous disposerez chacun de cinq minutes pour faire votre déclaration préliminaire. Cela sera suivi des questions de mes collègues autour de la table.

Je vous ferai signe lorsque votre temps sera écoulé. Au bout de quatre minutes, je lèverai la main, et au bout de cinq minutes, lorsque mes deux mains seront levées, il sera temps de conclure, si vous n’y voyez pas d’inconvénient.

Sur ce, vous avez la parole, monsieur McGuinty.

Liam McGuinty, vice-président, Affaires fédérales, Bureau d’assurance du Canada : Merci beaucoup. Bonjour à tous. Je suis heureux d’être ici aujourd’hui au nom du Bureau d’assurance du Canada, ou BAC. Le BAC est l’association nationale de l’industrie, qui représente les compagnies d’assurance qui rédigent les contrats d’assurance habitation, d’assurance automobile et d’assurance commerciale.

La fréquence et la gravité des catastrophes naturelles sont en augmentation au Canada. Il devient plus risqué d’y vivre, d’y travailler et d’y proposer de l’assurance. Les pertes matérielles assurées attribuables aux feux de forêt sont passées de 70 millions de dollars annuellement à 740 millions de dollars en moyenne au cours des deux dernières décennies. Il s’agit d’une augmentation de 1 037 %. À titre de référence, l’inflation au cours de la même période se situe autour de 50 %.

L’an dernier a été notre pire année : les dommages matériels assurés attribuables à des phénomènes météorologiques violents a dépassé les 9 milliards de dollars. Cette somme fracasse le précédent record établi à 6 milliards de dollars en 2016. Vous vous souviendrez peut-être que c’était l’année des incendies de forêt de Fort McMurray. L’an dernier, les phénomènes météorologiques extrêmes ont entraîné le dépôt d’environ 228 000 demandes d’indemnisation en un seul mois. Pour mettre les choses en contexte, au cours de l’année précédente, nous avions reçu 160 000 demandes pour l’année entière.

En plus de leurs répercussions financières sur les assureurs et sur leurs clients, ces phénomènes météorologiques violents ont des répercussions sur la santé physique et mentale des personnes. Chaque année, des milliers de Canadiens sont forcés de quitter leur maison en raison d’incendies incontrôlés. Les évacuations, les perturbations de la vie des gens et, dans certains cas, les décès constituent des conséquences bien réelles des phénomènes météorologiques extrêmes.

Afin d’accélérer la résilience du Canada, le BAC a cofondé Un Canada résistant au climat, une coalition nationale ayant joué un rôle consultatif important dans l’établissement de la première Stratégie nationale d’adaptation du Canada. Depuis plusieurs années, des organisations comme le BAC et Un Canada résistant au climat sensibilisent les gouvernements à la nécessité d’une meilleure préparation aux phénomènes météorologiques violents. Seulement, il reste encore beaucoup de travail à faire pour protéger les Canadiens, leurs familles et leurs propriétés vu la dégradation graduelle des conditions météorologiques.

Il y a quelques semaines à peine, le BAC publiait un plan de résilience en trois points. Ce plan se présente sous la forme d’une feuille de route qui incite les gouvernements à renforcer la résilience. On y trouve des solutions réclamées depuis des années par certains intervenants. Au cœur du plan se trouve un objectif ambitieux, celui de faire du Canada le meilleur pays au monde en matière de préparation aux catastrophes naturelles, aux feux de forêt notamment, et en matière d’intervention et de rétablissement. Je vous offre ici un aperçu du plan.

Il s’établit en trois points. Premièrement, nous devons améliorer nos méthodes de construction ainsi que l’emplacement des constructions en question. Il faut moderniser les codes du bâtiment et les règles d’aménagement du territoire, pour éviter que les nouvelles maisons soient exposées à des catastrophes. Comme le comité l’a déjà entendu, au cours des 5 prochaines années, le Canada construira 220 000 maisons dans des zones à risque élevé de feux de forêt. Conformément à l’engagement pris dans la plateforme libérale fédérale, le gouvernement doit veiller à ce que les fonds destinés au logement soient conditionnels à la construction d’habitations bien situées.

Deuxièmement, nous devons investir dans la résilience et aider les collectivités à atténuer les risques qu’elles encourent. Le déficit du Canada en matière d’infrastructures s’élève à 270 milliards de dollars. Il s’agit ici de l’écart entre l’état actuel des infrastructures et les investissements nécessaires pour les entretenir, les réparer, les mettre à niveau ou les agrandir, et ce, dans le but de répondre à la demande actuelle et future. Les municipalités possèdent et entretiennent la plupart des infrastructures au pays, mais elles ont de plus en plus de difficulté à suivre le rythme soutenu de la croissance et de l’urbanisation avec les outils de financement limités dont ils disposent.

Le gouvernement fédéral doit immédiatement renforcer le Fonds d’atténuation et d’adaptation en matière de catastrophes, ou FAAC, un fonds conçu pour appuyer les projets d’infrastructures publiques dans les collectivités canadiennes, afin qu’elles deviennent plus résilientes aux catastrophes climatiques.

Enfin, nous devons donner aux Canadiens les moyens de se protéger et de se remettre plus rapidement d’une catastrophe. Malheureusement, les catastrophes naturelles vont continuer de se produire. Les Canadiens pourraient mieux se protéger s’ils comprenaient les risques auxquels ils font face. À cette fin, le gouvernement fédéral doit rendre public immédiatement le portail de cartes de zones inondables du Canada et l’augmenter, afin qu’il inclue également les zones à risque élevé de feux de forêt. Ce portail est prêt, il suffit de le lancer.

Le Canada doit également mieux s’outiller pour intervenir en cas de catastrophe et pour remettre en état les sites affectés. C’est pourquoi nous avons demandé la création d’une agence nationale de gestion des urgences, qui renforcera la capacité du Canada à coordonner et à déployer des ressources pendant les situations d’urgence ainsi qu’à accélérer le rétablissement des sites.

Merci de m’avoir invité à prendre la parole devant vous aujourd’hui. Je serai heureux de répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup de votre déclaration préliminaire.

Monsieur Houle, vous avez la parole pour votre déclaration préliminaire.

Jean-François Houle, vice-président, Génie, Conseil national de recherches du Canada : Merci, monsieur le président, de m’avoir invité à prendre la parole devant vous aujourd’hui au nom du Conseil national de recherches du Canada dans le cadre de l’étude du comité sur l’augmentation des feux de forêt au Canada et sur leurs effets sur les industries forestière et agricole.

Comme je l’ai déjà mentionné, je m’appelle Jean-François Houle, et je suis vice-président, Génie, au CNRC. Je suis accompagné aujourd’hui de M. Noureddine Bénichou, agent principal de recherche au sein du groupe de la sécurité incendie du Centre de recherche en construction du CNRC.

J’aimerais d’abord souligner que le travail du CNRC se fait sur les territoires non cédés, partagés, actuels et traditionnels de peuples des Premières Nations, d’Inuits et de Métis. Nous reconnaissons notre privilège de mener des recherches sur ces terres et rendons hommage aux peuples qui ont veillé sur elles.

[Français]

En tant que plus grand organisme de recherche fédéral du Canada, le CNRC fait progresser le savoir scientifique et technique, soutient l’innovation en entreprise et le développement industriel, et mène des activités de recherche et d’innovation qui appuient les priorités nationales. Avec des installations et des collaborations dans tout le pays, le CNRC rassemble des scientifiques, des parties prenantes du milieu industriel et universitaire, ainsi que des partenaires du monde entier.

Depuis plus de 75 ans, le CNRC apporte un soutien aux petites et moyennes entreprises canadiennes novatrices grâce à son programme d’aide à la recherche industrielle, le PARI CRNC. Ce programme aide les PME à prendre de l’expansion, innover et renforcer l’économie canadienne.

Dans le contexte des changements climatiques, les feux de forêt représentent une menace urgente pour les collectivités, les forêts et l’agriculture partout au Canada. Le CNRC soutient la résilience nationale en menant des recherches sur les risques liés aux feux de forêt, en améliorant le niveau de préparation et en créant des outils pour aider les collectivités à être plus sûres et résilientes.

[Traduction]

Au cours de la dernière décennie, le Canada a enregistré en moyenne plus de 5 000 feux de forêt, qui ont brûlé environ 2,9 millions d’hectares chaque année.

De 1981 à 2018, plus de 300 000 feux de forêt ont entraîné au-delà de 400 000 évacuations, y compris l’incendie de 2016 à Fort McMurray, qui a déplacé près de 90 000 personnes et causé des pertes matérielles d’environ 9,5 milliards de dollars.

Le Centre de recherche en construction du CNRC a participé activement à des travaux visant à aider les collectivités à se préparer aux feux de forêt et à y réagir, surtout en milieu périurbain, à l’intersection des aménagements urbains et des forêts.

Dans le cadre de l’Initiative sur l’environnement bâti résilient aux changements climatiques, le CNRC a produit un certain nombre de documents d’orientation et d’outils pour aider les Canadiens à contrer activement les effets des feux de forêt. Il a notamment conçu le Guide national sur les incendies en milieu périurbain, le premier guide du Canada contenant des conseils pour réduire les risques d’incendies de forêt là où les collectivités sont bordées par des forêts. Ce guide, créé en collaboration avec Logement, Infrastructures et Collectivités Canada, a servi à orienter la reconstruction à Lytton, en Colombie-Britannique, et a fourni des recommandations à la ville de Jasper à la suite du feu de forêt de 2024.

Nous avons élaboré le programme Résilience et adaptation aux feux incontrôlés liés aux changements climatiques afin d’aider les collectivités à se préparer aux feux de forêt, à évaluer leurs risques, à planifier leur évacuation et à soutenir les personnes vulnérables. Nous avons élaboré des conseils et des outils pratiques sur la protection des maisons contre les feux de végétation afin de réduire les risques d’incendie, et ce, au moyen de tests de sécurité des bâtiments, d’une cartographie des dangers et de la planification des évacuations.

Avec le soutien de Logement, Infrastructures et Collectivités Canada, nous élaborons des outils, des technologies et des stratégies pour favoriser la résistance aux risques climatiques des bâtiments et des infrastructures publics du Canada, et ainsi, améliorer la sécurité des collectivités, soutenir leur résilience et les renforcer.

[Français]

Par ces efforts, le CNRC s’engage à fournir des solutions fondées sur des données probantes pour aider les collectivités à atténuer les risques de feu incontrôlé et à renforcer leur résilience.

Monsieur le président, permettez-moi une fois de plus de vous remercier de m’avoir invité à témoigner aujourd’hui. Je serai heureux de répondre à vos questions.

[Traduction]

Le président : Merci beaucoup.

Chers collègues, nous allons maintenant passer aux questions. Comme par le passé, vous disposerez de cinq minutes pour les questions et réponses, puis nous passerons à d’autres séries de questions, au besoin.

Cela dit, notre vice-président va commencer.

Le sénateur McNair : Merci encore d’être ici aujourd’hui. Ma question s’adresse au CNRC.

Vous avez parlé de guides et d’outils que vous avez créés pour aider les gens, surtout en matière de reconstruction en zone critique. L’Institut canadien du climat et le Centre Intact d’adaptation au climat, ou Centre Intact, nous ont dit que l’un des principaux obstacles à l’adoption de mesures d’adaptation aux changements climatiques dans la construction est le coût initial élevé de ces mesures. Ils ont indiqué qu’à Fort McMurray, par exemple, on avait essentiellement « mal rebâti » et que les mesures d’adaptation n’avaient pas été mises en place de façon importante. C’est aussi votre expérience? Vous avez parlé de Lytton et de Jasper. Vous pourriez peut-être nous parler de l’utilisation qui a été faite des outils que vous avez fournis.

M. Houle : Je peux répondre à cette question. L’outil en question a été publié en 2021. Nous avons évalué l’effet de la mise en pratique des conseils de cet outil. Dans les régions où le risque est très élevé, si l’on investit 1 $, on obtient un rendement de 14 $. C’est considérable. Cette analyse d’impact a été réalisée par une tierce partie. Nous leur avons simplement remis le guide, nous avons tenté de mettre ses recommandations en pratique à divers endroits dans tout le Canada et nous avons ensuite observé l’ampleur du rendement possible sur ces investissements.

Selon la région, le rendement sur capital investi peut être encore plus élevé. Ce calcul vaut pour les nouvelles constructions. Pour les constructions existantes, la reconstruction résiliente peut nécessiter l’arrachage des matériaux de surface. Dans ce cas, le rendement serait plus faible, mais le rendement sur un dollar investi serait quand même important. À l’échelle nationale, il faut multiplier par quatre : pour 1 $ investi, on obtient un rendement de 4 $.

Notre travail s’appuie sur cette analyse d’impact. En ce qui a trait à la reconstruction, Lytton a reconstruit au moins une maison en utilisant certaines des mesures proposées dans le guide. Il ne fait aucun doute qu’il y a un bon rendement sur capital investi lorsqu’on suit le guide et qu’on rebâtit en se fondant sur des critères de résilience.

Le sénateur McNair : Avez-vous dit qu’une maison avait été reconstruite?

Noureddine Bénichou, agent de recherche, Résistance de feu en construction, Conseil national de recherches Canada : Oui. Lytton est encore en reconstruction, cela prend du temps. Et oui, au moins une maison a été reconstruite, il pourrait y en avoir plus. Je sais que l’Institut de prévention des sinistres catastrophiques y participe. Essentiellement, ses représentants relèvent une mesure citée dans le guide, puis ils voient comment les appliquer à la reconstruction.

En fait, en 2023, si je ne m’abuse, on a adopté un règlement pour que soit utilisé le guide lors de la reconstruction. Ce règlement avait été adopté par le conseil, à l’époque, mais un conseil subséquent a rendu l’utilisation du guide facultative.

Il suscite l’intérêt, mais il faut du temps pour le faire adopter. Il s’agit simplement de transmettre le message que l’investissement initial permet d’acquérir de la résilience au fil du temps.

Quant à Jasper, j’ai été témoin de sa grande dévastation. Nous avons, là encore, incité à l’utilisation des mesures qui figurent dans le guide. Une partie de cette information a servi à la reconstruction. Je pense qu’il faudra du temps pour tout reconstruire, mais il en va ainsi pour l’adoption de nouvelles mesures.

Les feux de Fort McMurray datent de trop longtemps pour nous. Toute collectivité peut utiliser les mesures proposées pour évaluer de quelle façon elle peut assurer sa résilience.

Le sénateur McNair : Je vais passer au deuxième tour.

La sénatrice Muggli : Merci beaucoup d’être ici. C’est d’une grande aide.

Ma question s’adresse à M. McGuinty. En ce qui concerne l’industrie de l’assurance, je m’interroge sur les réclamations associées à la santé mentale, quand les personnes disposent d’une assurance de soins médicaux. Êtes-vous au courant de changements à ce chapitre, qui seraient associés à une exposition aux feux de forêt?

M. McGuinty : Merci beaucoup de la question. C’est une question qu’il faudrait poser aux assureurs-vie et aux assureurs de soins médicaux, représentés par un organisme appelé l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes, ou l’ACCAP. J’ai parlé en termes généraux de nos observations au jour le jour, mais ce n’est pas notre secteur d’activité. Je peux vous parler des répercussions sur l’assurance des biens et de la façon dont ces catastrophes touchent l’agriculture, mais je m’en remets à l’ACCAP pour tout le reste.

La sénatrice Muggli : Merci de cette précision. Nous pourrions peut-être faire un suivi auprès de cette organisation.

Vous avez aussi parlé de portails Web de cartographie de zones inondables. Qui les a conçus et à quel point sont-ils complets? En quoi ces zones sont-elles liées aux feux de forêt?

M. McGuinty : Je vous remercie de la question.

Nous réclamons la création d’un portail public auquel les citoyens, les municipalités, les promoteurs et autres pourraient avoir accès. Le gouvernement fédéral, sous la direction de Sécurité publique Canada, a constitué un tel portail à partir de données du secteur privé provenant de fournisseurs offrant ce type de données. Nous croyons comprendre que le portail sur les zones inondables est au point et qu’il est prêt à être lancé, mais il devra faire l’objet de conversations de dernière minute dans les coulisses de Sécurité publique Canada pour que cela ait lieu.

Concernant son lien avec les feux de forêt, je voulais dire qu’il est possible d’ajouter à cette carte d’autres risques, comme la grêle ou les feux de forêt, une fois qu’elle aura été diffusée. Il est possible de s’appuyer sur des sources de données du secteur privé pour en étendre la portée. La valeur de ce type d’outil réside dans le fait qu’il aide les gens à prendre des décisions éclairées, par exemple, sur l’endroit où ils choisissent de s’installer ou, s’ils ont déjà une propriété, sur leurs décisions en matière d’assurances. Si l’on vit dans une zone inondable à risque élevé, certaines mesures d’atténuation peuvent être prises. Cela aide les gens.

Cet outil peut s’avérer utile pour les municipalités, en matière de planification de l’aménagement du territoire. C’est peut-être là qu’il aura le plus d’impact.

La sénatrice Muggli : Vous avez mentionné qu’il s’agissait de données issues de fournisseurs du secteur privé. Entrevoyez-vous la possibilité d’y intégrer des données fournies par le secteur public ou par le gouvernement?

M. McGuinty : Il existe peut-être des sources de données publiques. Je pense qu’il s’agit d’un ensemble de diverses sources de données. Il vaudrait mieux poser la question à Sécurité publique Canada, mais d’après ce que nous comprenons, il s’agit d’un ensemble de données solide qui constituera une ressource utile.

La sénatrice Muggli : Merci.

J’ai une question pour le CNRC. En fait, j’aimerais vous présenter un de vos collègues de Saskatoon aujourd’hui au Sénat. Il m’a raconté une histoire sur la capacité des bleuets à agir comme coupe-feu. C’est assez intéressant.

Ma question était de savoir si vous faisiez actuellement des recherches sur la prévisibilité des incendies.

M. Bénichou : Nous travaillons à un projet dans le cadre duquel nous tentons de prévoir ce qui arrivera dans 50 ou 100 ans, à partir de données recueillies sur les incendies existants.

Cette analyse est réalisée en fonction de l’augmentation des températures, du degré de sécheresse et ainsi de suite. Nous colligeons toutes les informations nécessaires sur les événements passés et tentons d’en tirer des prévisions. Ce projet est en cours. De plus, nous souhaitons donner à chaque collectivité un aperçu des dangers auxquels elle est exposée, que ce soit maintenant ou dans l’avenir.

La sénatrice Muggli : D’accord. J’ai hâte d’en savoir plus sur ce projet et sur ses conclusions. Elles nous seront bien utiles. Merci.

Le sénateur Varone : Ma question s’adresse à vous, monsieur McGuinty. Elle reprend l’idée de la sénatrice Muggli au sujet de la cartographie.

Dans une vie antérieure, j’étais constructeur et promoteur immobilier, et la cartographie était sûrement l’outil le plus important que nous fournissait la municipalité, qu’il s’agisse de cartes géodésiques, montrant la position d’une maison sur un terrain, ou de cartes des zones inondables, qui étaient facilement accessibles. Les cartes de zonage étaient aussi très importantes. La compréhension de ces données est essentielle à la construction de toute maison ou à toute autre construction axée sur la résilience aux changements climatiques.

À titre d’exemple, j’ai déménagé à High Park et ma maison se trouve en zone inondable. Je l’ai vu sur la carte. La première chose que j’ai faite a été d’installer une pompe d’évacuation des eaux usées dans le sous-sol, où il n’y en avait pas. Il y a un couvert forestier si dense, que si quelqu’un allumait un feu à High Park, ma maison brûlerait, mais j’ai posé des bardeaux d’ardoise, de façon préventive. Le Code national du bâtiment interagit avec les autres codes. Je ne comprends absolument pas pourquoi les éléments de base de la construction résiliente ne s’y trouvent pas et pourquoi les gens ne réclament pas une cartographie de qualité, qu’il s’agisse de la cartographie des inondations, de la cartographie du zonage, de la cartographie géodésique et, dans ce cas-ci, de la cartographie des motifs de feux de forêt. Si tout cela était intégré dans le Code national du bâtiment, la résilience se trouverait automatiquement renforcée. Je n’entends personne réclamer tout cela à hauts cris.

Et dans votre rôle d’assureurs, c’est vous qui devez payer pour mal rebâtir.

M. McGuinty : C’est une excellente intervention et j’ai quelques points à faire valoir. Je pense que vous allez entendre un nombre croissant d’organisations — je fais référence à Un Canada résistant au climat, et certainement au BAC, qui demandent davantage de sources de données accessibles au public pour éclairer non seulement la prise de décisions des consommateurs, mais aussi pour appuyer la planification et la construction. Le portail de cartographie des zones inondables est un bon moyen d’y arriver.

Vous nous entendrez également réclamer des délais plus fermes pour l’introduction de modèles du Code national du bâtiment dans les provinces, et même dans les municipalités. C’est essentiel. Les provinces mettent parfois cinq ans à mettre en œuvre leur propre code du bâtiment après l’introduction d’un Code national du bâtiment.

Je ne crois pas que nous agissions assez fermement au Canada pour tenir compte des risques précis auxquels nos villes ou nos provinces sont exposées. Vous avez mentionné que vous viviez à High Park, où les inondations représentent un risque réel. Il faudrait y introduire un code municipal du bâtiment, ce qui requiert une autorisation provinciale, tenant compte de l’atténuation des risques. Il est question de la grêle dans certaines parties de Calgary, de risques de séisme dans certaines régions de la Colombie-Britannique et de risques d’inondation dans de multiples régions du Canada. Dans des régions de plus en plus nombreuses chaque année, s’ajoute le risque de feux de forêt.

Les données sont importantes, tout comme les codes du bâtiment et la planification de l’aménagement du territoire. Il s’agit là d’une approche pansociétale de la résilience. Je suis tout à fait d’accord avec vous qu’il faut plus de voix pour réclamer ce genre de mesures.

Le sénateur Varone : Quel modèle de gouvernance envisagez-vous pour concrétiser cette vision à l’échelle municipale, provinciale et fédérale? Est-ce qu’on songe à mettre sur pied une sorte de groupe de réflexion où participeraient tous les ordres de gouvernement? Il faut éviter qu’une municipalité crée un programme et qu’aux élections suivantes, la nouvelle équipe municipale s’en débarrasse. Comment est-il possible de prévenir cela?

M. McGuinty : Je ne suis pas sûr qu’il y ait une façon de contourner les processus décisionnels politiques local. On a fait référence à cela plus tôt.

Il y a un certain nombre de tierces parties. Il a été question de l’Institut de prévention des sinistres catastrophiques et du Centre Intact, qui a comparu devant le comité la semaine dernière. Le gouvernement fédéral a un rôle important à jouer pour garantir l’application d’un océan à l’autre des leçons tirées des catastrophes climatiques et de la reconstruction subséquente. C’est là où, à mon avis, l’organisme de gestion des urgences actuellement envisagé par le gouvernement fédéral pourrait jouer un rôle important.

Le sénateur Varone : Merci.

La sénatrice Robinson : Ma question s’adresse au CNRC. Vous avez mentionné que vous travailliez avec des PME et des scientifiques et que vous favorisiez le soutien de la recherche. Au stade du développement, lorsqu’on tente d’implanter certaines mesures sur le terrain, on constate un fossé entre l’équipe du développement et les responsables de la mise en œuvre.

Je me demande quelle est la relation entre les scientifiques et les chercheurs, d’une part, et les personnes responsables de la mise en œuvre, d’autre part. Quelle est leur opinion et peut-on améliorer la situation? Quelles sont vos impressions à ce sujet?

M. Houle : Nous avons réussi au CNRC à favoriser une bonne collaboration avec les petites et moyennes entreprises. À titre d’exemple, nous avons travaillé avec des entreprises qui ont conçu de nouvelles portes permettant un certain niveau de protection contre les risques d’inondation et ainsi de suite. Par l’entremise du Programme d’aide à la recherche industrielle, ou PARI, du CNRC, il est possible d’amener ces organisations à effectuer la dernière série de tests, à obtenir la certification et la validation dont ils ont besoin pour prouver l’utilité de leur produit dans certaines situations.

À l’heure actuelle, les innovateurs utilisent les installations du CNRC pour étudier de nouvelles possibilités, qu’il s’agisse des installations d’essais en sécurité incendie ou des bassins de grande superficie, pour contrer le risque d’inondation. Nous avons construit une maison pleine taille dans un bassin d’inondation pour étudier les répercussions de la crue et du mouvement de l’eau autour d’une maison, et ce, en fonction des normes actuelles. Nous croyons sincèrement que l’innovation est préconisée et que ces organisations sont appuyées.

Sur le plan de l’adoption, on constate que les petites et moyennes entreprises font face à un phénomène qui leur est familier, c’est-à-dire qu’elles tentent d’amener les utilisateurs finaux à utiliser leurs produits et à en apprécier la valeur. Voilà essentiellement où elles en sont.

La sénatrice Robinson : Pouvez-vous nous dire précisément ce que vous faites pour combler l’écart entre le développement et l’adoption? Soutenez-vous des initiatives particulières pour rapprocher les deux types d’organisation, pour leur offrir la possibilité de collaborer afin de faciliter l’adoption?

M. Houle : Nous le faisons de plusieurs façons. D’abord, nous concevons des ateliers de travail et des consortiums. Les consortiums rassemblent non seulement des PME, mais aussi les utilisateurs finaux et les autorités fédérales responsables de les informer de ce qu’ils ont à offrir. Nous appuyons l’élaboration de codes modèles nationaux et Codes Canada. Dans le cadre de ces réunions, nous parlons habituellement de recherche et des solutions novatrices à notre portée. C’est ainsi que nous comptons diffuser l’information dans l’ensemble de l’écosystème.

La sénatrice Robinson : Pensez-vous qu’il y a place à l’amélioration dans ce domaine?

M. Houle : Une petite ou moyenne entreprise vous dirait invariablement qu’elle voudrait que ses technologies soient adoptées plus rapidement. Il y a certes toujours lieu de s’améliorer et divers moyens de faire accepter des solutions novatrices. Nous dirigeons le Centre canadien de matériaux de construction, qui aide à ce que les innovations soient certifiées conformes aux exigences du code. Nous fournissons également des guides d’utilisation. Nous essayons de les préparer pour réussir.

La sénatrice Robinson : Je songeais à la maison construite à Lytton et je me demandais pourquoi il n’y en avait qu’une seule.

M. Bénichou : Les gens songent davantage au coût initial qu’à l’investissement en soi et à ce qu’il peut rapporter. À Lytton, ils étaient nombreux à ne pas avoir d’assurance, d’où la difficulté de prendre une décision. Faut-il renforcer la résilience ou non? Faut-il absorber ce coût initial? Je pense que nous pouvons nous efforcer de leur faire comprendre que la résilience est la meilleure option pour eux à long terme. La localité de Lytton a été touchée. Heureusement, il ne s’est rien passé, mais le feu était tout proche. Voilà les messages que nous devons faire passer.

Pour ce qui est des relations, je fais beaucoup d’exposés auprès de constructeurs ou des autorités locales. Nous organisons des ateliers où nous présentons le guide en énumérant les consignes à suivre. C’est ainsi que nous devrions construire. C’est l’interaction que nous avons tout le temps avec eux. Ils peuvent alors prendre cette information et se demander comment ils peuvent s’adapter et comment nous pouvons rebâtir. C’est là que nous pouvons faire la différence également.

La sénatrice McBean : J’ai l’esprit plein de questions qui vont dans tous les sens. Ce n’est pas la première fois que nous entendons parler de l’importance de publier une carte des risques. Nous l’avons entendu à maintes reprises.

Je mélange un peu des mondes différents, mais au sein d’un autre comité auquel le sénateur Varone et moi-même siégeons, nous examinons les stratégies en matière de logement et l’abordabilité, et un témoin a récemment parlé du fardeau réglementaire qui fait que le balancier va et vient, comme vous dites, monsieur Bénichou. Il semble que la pression de construire pèse contre celle de construire comme il faut.

Je me demande quels incitatifs ou outils réglementaires le gouvernement fédéral pourrait envisager pour encourager les propriétaires de maison et les municipalités à opter pour la résilience aux feux de forêt en adoptant à titre permanent les matériaux de construction et les pratiques d’utilisation des terres qui conviennent. Je vous entends dire que 1 $ aujourd’hui, ça leur rapporte 4 $ plus tard, mais les gens ont du mal à comprendre que c’est à condition de ne jamais y toucher. Ce n’est pas un investissement comme tel qui rapporte de l’argent.

Que pouvons-nous faire pour faciliter la correspondance entre le code du bâtiment, les fardeaux réglementaires et les règlements municipaux?

M. Bénichou : C’est une très bonne question. Tout d’abord, il s’agit d’un objectif commun pour beaucoup. Les compagnies d’assurances doivent être de la partie elles aussi.

De notre côté, je pense que la vision à long terme consiste à intégrer cela au Code national du bâtiment afin que le renforcement de la résilience devienne la norme. C’est là que se situe la vision à long terme.

À mon avis, nous sommes en train de normaliser le guide, alors nous passons à une norme. Cette information sera disponible en 2027, puis il y aura des discussions stratégiques sur le Code national du bâtiment et la façon dont nous pouvons y intégrer des mesures en faveur de la résilience.

Si nous pouvons combler cet écart, au bout du compte, c’est comme pour un tremblement de terre. Si on construit dans une région où il y a un risque de tremblement de terre, on le fait en prenant les mesures qui s’imposent. Ces mesures peuvent coûter cher, mais elles protègent quand même à long terme.

Si nous pouvons trouver des moyens d’atteindre ce niveau et de savoir quels endroits seront touchés, éventuellement, et quelles mesures devraient être prises pour la construction, ce sera la vision par excellence pour nous au Canada, car ça deviendra la chose naturelle à faire.

C’est ainsi que nous devrions envisager les choses à long terme.

La sénatrice McBean : J’aimerais maintenant m’adresser au Bureau d’assurance du Canada, car j’imagine que l’un des problèmes liés à la création d’une carte des risques, c’est que par la même occasion on rend certaines maisons non assurables. En effet, si on vit dans une plaine inondable, il est de plus en plus difficile, coûteux ou impossible d’obtenir une assurance.

Selon le Bureau d’assurance du Canada, comment la diffusion de données exactes peut-elle protéger les propriétaires? De plus, le bureau a-t-il réfléchi au fait que la cartographie des incendies rendrait des maisons non assurables? Quelle est l’incidence de ce risque accru pour les Canadiens sur le plan des primes et des politiques?

M. McGuinty : Je vous remercie de vos bonnes questions.

Pour ce qui est des données sur les inondations, les assureurs ont leurs propres ensembles de données et prennent déjà leurs propres décisions en fonction du risque d’inondation. Je ne sais pas s’il y aurait des changements importants en ce qui concerne l’assurabilité d’une maison, puisque les assureurs font déjà ces évaluations avec leurs propres données.

Je dirais également que certains Canadiens n’ont pas accès à l’assurance contre les inondations de surface. Ce chiffre est en train de diminuer. L’écart entre les ménages qui n’ont pas accès à cette assurance est probablement passé de 10 % à environ 5 ou 6 %. Le marché privé réagit. Il y a encore un manque de couverture, et nous pensons qu’un programme national d’assurance contre les inondations aiderait à régler ce problème.

Il n’y a par ailleurs pas un seul endroit au Canada où on ne puisse pas obtenir une assurance contre les feux de forêt. C’est inclus dans la police d’assurance habitation de base. Cependant, au fil du temps, si nous ne prenons pas les mesures qui s’imposent, dont la publication de données et le genre de mesures de résilience dont nous avons entendu parler, comme des codes du bâtiment plus rigoureux qui tiennent compte de la résilience, nous allons nous retrouver dans une situation où il ne s’agira pas nécessairement d’un problème de disponibilité, mais plutôt d’un important problème d’abordabilité. Certains pourraient considérer cela comme une couverture de substitution face au manque de disponibilité.

La sénatrice McBean : Pouvez-vous m’en dire un peu plus sur ce que vous souhaiteriez d’un programme fédéral d’assurance contre les inondations?

M. McGuinty : Voilà sept ou huit ans qu’on en discute.

Un programme comme il se doit devrait comprendre quelques éléments. Il devrait être complémentaire à un marché du secteur privé qui fonctionne bien, il devrait être modeste et s’adresser aux ménages les plus à risque. Il ne doit pas s’agir d’une subvention pour ceux qui peuvent avoir accès à une assurance privée, mais de combler l’écart de couverture qui persiste au Canada.

Je serais heureux de vous en parler plus longuement.

Le président : Merci.

Avant de passer à la deuxième série de questions, j’ai une question pour le Conseil national de recherches du Canada.

Plus tôt cette semaine, nous avons entendu le Internal Displacement Monitoring Centre dire qu’il a de la difficulté à accéder à des données fiables et exactes sur les déplacements internes, ce qui entraîne des sous-estimations au niveau de ses recherches. Y a-t-il d’autres domaines où il manque des données exactes et fiables dans la recherche sur les feux de forêt? Avez-vous quelque chose à dire, messieurs?

M. Bénichou : Les données sont une chose très importante que nous devons recueillir. Je sais que nous avons parlé à Ressources naturelles Canada, qui recueille également des données. Nous nous efforçons de communiquer avec eux pour partager ces données et ensuite les utiliser.

Il sera toujours difficile d’obtenir des données, et leur exactitude laissera parfois à désirer. Nous allons sur le terrain et nous essayons de recueillir le plus d’information possible. Ensuite, nous pourrons peut-être nous fier aux reportages sur ce qui s’est passé dans la région, etc., mais l’exactitude de ces renseignements sera toujours remise en question. Nous devons redoubler d’efforts pour recueillir des données plus précises à cet égard.

Le président : Il s’agit d’un manque de données. Y a-t-il d’autres lacunes dans la recherche où vous avez remarqué qu’il fallait se concentrer davantage?

M. Bénichou : Oui, en ce qui a trait aux feux de forêt, je pense que nous devons peut-être déployer des efforts pour la détection précoce, car elle peut sauver beaucoup de terres et de localités.

Si nous pouvons trouver des moyens de mener des recherches qui permettront une détection précoce, nous pourrons alors mieux intervenir et préparer les gens.

Parfois, les localités sont prises au dépourvu et n’ont pas assez de temps. C’est un aspect à examiner. Ensuite, évidemment, il faudrait trouver des façons d’appliquer les mesures pour que nous puissions rendre les localités plus sécuritaires et prêtes, advienne que pourra.

Le président : Monsieur McGuinty, vous avez beaucoup parlé du fait que les autorités municipales, fédérales, provinciales et territoriales doivent mieux travailler ensemble. Quelle recommandation pouvons-nous inclure dans notre rapport pour encourager, imposer ou exiger une plus grande collaboration, qui appuierait alors le travail que vous faites?

M. McGuinty : Je vous remercie de la question. Je pense que la façon la plus évidente de le faire, c’est de créer un organisme de gestion des urgences et de lui confier un mandat à deux volets.

Premièrement, il devrait jouer un rôle dans la coordination des ressources pour les besoins d’intervention. Je pense que nous faisons un assez bon travail à cet égard au Canada. Nous avons également des accords internationaux qui sont utiles, mais je pense que nous pouvons faire plus.

Nous allons en arriver à un point au Canada où des catastrophes naturelles majeures se produiront de manière simultanée. C’est inévitable lorsqu’on examine les données des dernières décennies, alors je pense qu’il sera utile d’avoir la capacité de coordonner les secours plus efficacement.

Deuxièmement, je veillerais à ce que cet organisme ait pour mandat d’accélérer le rétablissement. Nous avons parlé de Lytton, de Fort McMurray et de Jasper aujourd’hui. Il y a des leçons que nous pouvons tirer de la reconstruction de ces lieux. À mon avis, si cet organisme peut conserver une mémoire institutionnelle qui nous permettra de tirer des leçons des maisons reconstruites, cela comblerait une lacune qui existe actuellement au Canada.

De façon plus générale, au-delà de l’organisme, c’est dans le domaine du logement que nous devrions déployer nos efforts. J’ai parlé de la conditionnalité des fonds fédéraux; je pense que c’est essentiel. Nous sommes sur le point de construire des centaines de milliers de maisons dans les régions à risque élevé de feux de forêt. Le gouvernement fédéral a un rôle essentiel à jouer pour veiller à ce que les fonds qu’il verse aux municipalités par l’entremise des provinces soient conditionnels. Puis, bien sûr, il y a la question du Code national du bâtiment. Je crois vraiment que les provinces ont un rôle essentiel à jouer pour s’assurer qu’elles se conforment aux codes conçus en fonction des risques auxquels elles sont confrontées.

Le président : Nous allons entamer un deuxième tour.

Le sénateur McNair : Ma question s’adresse à M. McGuinty. Cela peut sembler un peu inhabituel, mais j’ai remarqué sur votre site Web que lorsqu’une catastrophe se produit et qu’il faut évacuer toute une localité, vous avez une Unité mobile d’aide à la communauté qui peut fournir des renseignements sur l’assurance aux résidants touchés.

Pouvez-vous nous donner plus de détails à ce sujet? Je m’attendrais à ce qu’il y ait une forte demande pour ce type de service.

M. McGuinty : Merci, oui. Nous appelons cette unité UMAC, c’est exactement comme vous l’avez décrit; c’est une ressource que nous lançons après une catastrophe, naturelle ou autre, et nous fournissons des ressources impartiales aux titulaires de polices d’assurance.

En fait, je suis allé à Hinton, en Alberta, l’an dernier pendant 10 jours, c’est-à-dire dans les environs de Jasper, et nous avons installé une unité à Jasper le jour de la réouverture de la ville. Une douzaine de compagnies d’assurances se sont jointes à nous pour cela.

C’est une ressource que nous fournissons gratuitement au nom de nos membres.

Nous avons également une ressource complémentaire, qui est un centre d’information à l’intention des consommateurs, dont le personnel se compose principalement de professionnels de l’assurance à la retraite qui répondent aux questions et offrent des ressources à quiconque appelle. Nous recevons environ 20 000 appels ou courriels par année. Encore une fois, c’est un service que nous offrons au nom de nos membres.

D’un point de vue très interne, l’une des choses auxquelles nous pensons, c’est qu’il y aura de multiples catastrophes naturelles en même temps et que nous voulons nous assurer de pouvoir continuer à fournir l’UMAC et d’autres ressources de la sorte lorsque des événements se produisent partout au pays. Nous demeurons convaincus qu’il s’agit d’une ressource utile pour les titulaires de police.

Le sénateur McNair : Je vous félicite de mettre l’information à la disposition des gens au moment où ils en ont besoin de toute urgence.

M. McGuinty : Merci.

Le sénateur Varone : L’observation que vous avez faite, monsieur Bénichou, au sujet de l’écart entre le moment où le Code national du bâtiment du Canada est modifié et celui où vous avez votre mot à dire pour y apporter des suggestions jusqu’à ce qu’il soit adopté. Y a-t-il moyen d’inclure — et, par votre entremise, je m’adresse à M. McGuinty — ce qui se fait déjà aujourd’hui, c’est-à-dire que les compagnies d’assurances réduisent leurs primes en fonction du produit construit. Ainsi, si je bâtis en songeant à la résilience, en prévision d’inondations ou d’autres sinistres, j’obtiens une déduction sur les primes.

Y a-t-il moyen d’aller plus loin, que ce soit par l’entremise des sociétés hypothécaires qui accordent des hypothèques à un taux réduit si on a une certification en matière de résilience climatique? En Ontario, il y a même la Société d’évaluation foncière des municipalités, qui fixe un taux par mille différent pour les maisons qui sont conformes aux normes de résilience climatique, et on est moins taxé en fonction de cela.

A-t-on songé à faire en sorte que tout le monde soit sur la même longueur d’onde que les compagnies d’assurance et ce qu’elles font déjà aujourd’hui, mais en élargissant la portée et en comblant cet écart?

M. Bénichou : Notre mandat ne porte pas là-dessus. Nous fournissons des outils et puis, avec un peu de chance, les autres peuvent être de la partie.

M. Houle : La seule observation que je ferai, c’est que nous sommes au courant de la Climate Smart Buildings Alliance, qui est une alliance de banques, de promoteurs, etc., qui étudient ces questions et proposent des approches stratégiques pour aider à soutenir les bâtiments intelligents sur le plan climatique en vue d’atténuer les émissions et de favoriser la résilience à long terme. C’est l’un des organismes qui se penche sur cette question.

M. McGuinty : Je dirais aussi que l’Institut de prévention des sinistres catastrophiques travaille en partenariat avec les constructeurs pour examiner les répercussions sur l’assurance et la construction, ainsi que la façon dont nous pouvons travailler plus étroitement ensemble.

C’est une excellente question au sujet des hypothèques et de l’impôt foncier. Personnellement, je n’ai pas entendu la discussion sur l’impôt foncier, mais je dirais que les assureurs offrent une série d’incitatifs et de mesures dissuasives pour encourager les propriétaires à prendre les mesures qu’il faut pour atténuer les risques pour leur maison. Ce n’est pas seulement à l’étape de la construction. Si on est déjà dans une maison et que l’on prend les mesures qui conviennent — vous avez mentionné l’installation d’une pompe de puisard —, c’est le genre de choses dont il faut aviser son assureur, car on peut avoir droit à un rabais et à des conditions de couverture plus favorables.

En ce qui concerne les feux de forêt, il y a toute une série de mesures que vous pouvez prendre. Nous n’avons pas parlé d’Intelli-feu, mais je sais que le comité en est au courant. C’est un mécanisme utile, et il y a au moins une compagnie d’assurances qui offrira une certaine forme de rabais pour l’assurance habitation sur le volet incendie en reconnaissance des mesures Intelli-feu qui sont prises.

Je mentionnerai également qu’en Colombie-Britannique et en Alberta, il y a un service qui s’appelle Wildfire Defense Systems, Inc. ou WDS, que les assureurs offrent gratuitement à leurs clients. L’entreprise intervient et prend des mesures d’atténuation des risques avec notre maison lorsqu’un feu de forêt est imminent afin d’éviter les dommages autant que possible.

M. Bénichou : Intelli-feu suit les mesures qui figurent dans le guide, il y a donc ce lien. Ce système peut montrer que les gens bâtissent en songeant à la résilience, et c’est peut-être là que les compagnies d’assurances peuvent jouer un rôle.

Le président : L’affaire c’est qu’il faut convaincre le public, et les seuls qui réussissent à le faire à l’heure actuelle sont les assureurs qui offrent de vraies déductions. Si tout le monde est sérieux, il faut qu’ils s’assoient sérieusement à la table.

Margot Whittington, gestionnaire, Politique climatique, Bureau d’assurance du Canada : Un programme dont le gouvernement fédéral s’est débarrassé le mois dernier — l’Initiative canadienne pour des maisons plus vertes — était axé sur l’efficacité énergétique, mais nous pourrions avoir quelque chose de semblable pour la résilience. Cela aiderait à inciter les gens à construire des maisons plus résilientes ou à les rénover pour les rendre plus résilientes à l’avenir.

La sénatrice Muggli : Je crois que ma question s’adresse à M. McGuinty, mais le Conseil national de recherches voudra peut-être intervenir. C’est une question de reconstruction. Vous avez peut-être entendu parler de la localité de la Saskatchewan qui a perdu la moitié de ses logements cet été — quelque 200 maisons. Si l’on se reporte à l’expérience de Jasper, un retard important a été causé par l’assainissement du sol. Cela m’a intriguée, parce que mon fils est ingénieur en environnement et qu’il fait beaucoup d’analyses du sol. C’est un travail très monotone et détaillé, et cela prend beaucoup de temps.

À votre avis, qu’est-ce qui pourrait accélérer les processus d’assainissement des sols? Quel en est le coût? De plus, qu’est-ce qui pourrait accélérer d’autres nécessités réglementaires dans le processus de reconstruction?

M. McGuinty : C’est une bonne question. Je ne pensais pas que nous parlerions du processus d’assainissement des sols à Jasper, mais vous avez tout à fait raison. C’est l’une des raisons pour lesquelles la reconstruction a pris beaucoup plus de temps que ne l’auraient souhaité les compagnies d’assurances municipales et tous les intéressés. Au bout d’un an, nous n’avions réussi à reconstruire qu’une partie infime de ces maisons. En fait, je crois que nous en sommes encore à l’étape de la démolition pour certaines.

Je ne suis pas un expert de l’assainissement des sols; je ne connais pas tous les éléments qui entrent en ligne de compte. Je dirais que Jasper a été compliqué par le fait que la ville se trouve à l’intérieur d’un parc national. Il y avait plusieurs ordres de gouvernement en cause, d’où un certain double emploi ou, plus précisément, des retards. La leçon que nous devons tirer de Jasper — et je pense que l’organisme peut jouer un rôle à cet égard —, c’est qu’il faut mettre l’accent sur le rétablissement accéléré et instituer le genre de processus qui permet au gouvernement d’être clairement responsable, c’est-à-dire ramener les gens chez eux le plus rapidement possible.

Si l’expérience de Jasper nous apprend quelque chose, c’est qu’il y a tout lieu de nous améliorer.

La sénatrice Muggli : Merci.

Le Conseil national de recherches veut-il ajouter quelque chose?

M. Bénichou : Nous ne faisons pas grand-chose pour assainir les sols, mais c’est un élément très important à prendre en considération. Je crois qu’il est peut-être nécessaire de créer un processus de récupération étape par étape où la première étape consiste à s’assurer que les gens sont en sécurité, puis d’enlever les débris et d’examiner le sol. Ce genre de processus serait très important. Ensuite, il faudrait peut-être établir un lien avec les compagnies d’assurances.

Ce genre de processus peut être très utile. À chaque étape, nous pouvons mettre au point des outils pour que les gens puissent retourner chez eux en toute sécurité.

La sénatrice Robinson : Mes questions portent sur l’adaptation et sur cet investissement disproportionné dans l’atténuation par rapport à l’adaptation. Plus tôt ce mois-ci, nous avons entendu le témoignage d’un représentant du Intact Centre, à l’Université de Waterloo, qui a dit que pour chaque dollar consacré à l’adaptation, on en dépensait 24 pour l’atténuation. À son avis, il faudrait que ce soit plus équilibré, moitié-moitié, et que l’on donne un sérieux élan aux fonds destinés à l’adaptation en les augmentant en conséquence.

Je pensais à l’assainissement des sols, je me suis demandé quelles leçons nous avons apprises pour prévenir la dégradation des sols lors de futurs incendies et comment cela est intégré dans les codes.

Mais je voulais parler de ce déséquilibre sur le plan du financement. Je me demande si M. McGuinty et Mme Whittington pourraient nous dire ce que le gouvernement fédéral devrait faire pour affecter plus de fonds à l’adaptation aux changements climatiques et aux catastrophes?

M. McGuinty : Au cours des 10 dernières années, 42 milliards de dollars ont été consacrés aux mesures de réduction des émissions et 4 milliards aux mesures d’adaptation. Nous pensons, et M. Blair Feltmate aussi, qui a communiqué ces chiffres au comité, je crois, que l’équilibre entre les deux laisse à désirer.

Je vais laisser Mme Whittington vous dire ce que nous pensons que le gouvernement fédéral et peut-être d’autres devraient faire en matière de résilience.

Mme Whittington : Nous travaillons en étroite collaboration avec M. Blair Feltmate par l’entremise de Un Canada résistant au climat. Nous avons ainsi aidé le gouvernement fédéral à présenter la Stratégie nationale d’adaptation, qui comporte des échéanciers et des cibles que le gouvernement devrait chercher à atteindre. Quant à l’adaptation, il y a une série d’éléments qui ont peut-être été relégués aux oubliettes au cours de la dernière année environ.

Je pense que nous devrions vraiment mettre l’accent sur la Stratégie nationale d’adaptation et sur le respect des mesures qui y sont prévues, ainsi que sur le respect des cibles et des échéanciers fixés par le gouvernement fédéral en matière d’adaptation.

Je mentionne aussi le programme de remboursement, une autre idée qui fait également partie de la stratégie. C’est un autre moyen de sensibiliser les propriétaires de maison et d’entreprise à la façon dont ils peuvent rénover leurs maisons et leurs entreprises pour les rendre plus résilientes à l’avenir.

La sénatrice Robinson : Une autre question. Vous avez mentionné des statistiques sur la façon dont les demandes ont augmenté de façon disproportionnée — était-ce de 60 000 à 228 000?

M. McGuinty : C’était de 228 000 en l’espace d’un mois l’an dernier, contre 160 000 pendant toute l’année précédente.

La sénatrice Robinson : Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?

M. McGuinty : Bien sûr, vous voyez — de façon générale — une augmentation du nombre de demandes, mais qui n’est pas proportionnelle à la croissance démographique. Elle est plutôt liée à la fréquence et à la gravité des catastrophes naturelles que nous voyons dans ce pays. La majorité de ces demandes, ou la majeure partie de la croissance concerne l’assurance habitation. Il y a des réclamations pour catastrophes naturelles dans le secteur de l’automobile, surtout en cas de sinistre dû à la grêle, mais c’est l’assurance habitation qui en fait les frais. Ce que vous avez vu, ce sont des compagnies d’assurances qui ont dû augmenter leur personnel et s’équiper de manière plus recherchée — un peu comme au baseball, si vous voulez — pour donner suite aux demandes de règlement. En définitive, les demandes de règlement parlent pour le risque et la prime correspond au risque. Dans les régions du pays où il y a le plus de catastrophes naturelles, surtout dans l’ouest du Canada, la couverture change radicalement. Il y a de plus en plus de réclamations, dans certains cas des primes plus élevées, des franchises à la mesure des risques, des franchises plus élevées, et les assureurs commencent à évaluer leur concentration dans ces domaines.

Sans vouloir être alarmiste, mais dans le pire des scénarios, nous ne voulons pas nous retrouver dans une situation comme celle de la Californie. Et il y avait trois conditions en place en Californie qui ont mené à la crise qu’ils vivent : ils ont supprimé les primes d’assurance; ils n’ont pas pris les mesures appropriées pour atténuer les risques; ils construisaient dans l’interface entre la végétation et l’agglomération urbaine, et non dans des coupe-feu, et les codes du bâtiment étaient insuffisants. Nous devons tirer des leçons de l’expérience californienne.

La sénatrice McBean : Je suis ravie que vous ayez fini par apprendre des leçons de la Californie. Malheureusement, nous savons tous qu’il y a maintenant une saison des feux de forêt et que c’est un sujet de conversation au bureau ou quand ma fille joue au soccer, où les parents passent une bonne heure à parler de ce que nous voyons à la télévision.

Ce que nous voyons parfois en cas d’évacuation face à un feu de forêt, ou à Los Angeles, c’est l’intervention d’une organisation privée connue sous le nom de « guy with hose », une personne qui se tient près d’une propriété, essentiellement un pompier privé qui reste sur place, brave les ordres d’évacuation et parvient à sauver une maison, voire tout un quartier.

Un de mes proches m’a raconté qu’il avait des collègues à Los Angeles qui faisaient appel aux services de pompiers privés — souvent « guy with hose » — pour éteindre ces incendies.

Je ne suis pas du tout en faveur de cela, mais les compagnies d’assurances envisagent-elles de plus en plus une protection privée contre les incendies de forêt?

M. McGuinty : Merci pour cette question. Je n’avais jamais entendu l’expression « guy with hose », mais je pense que c’est...

La sénatrice McBean : Je vais la breveter.

M. McGuinty : Plusieurs compagnies d’assurance, mais pas toutes, travaillent avec une entreprise appelée Wildfire Defense Systems. D’après ce que j’ai compris, ce service n’est disponible qu’en Colombie-Britannique et en Alberta pour le moment, mais cette entreprise privée prendra des mesures d’atténuation des risques, en retirant de votre propriété tout objet inflammable se trouvant à proximité de la limite de votre terrain. Elle le fera en cas de risque imminent d’incendie de forêt. Ce service gratuit n’existait pas il y a quelques années et il est désormais beaucoup plus courant dans le secteur des assurances.

Il y a deux façons de voir ce service, l’une étant qu’il s’agit d’un avantage, d’un avantage concurrentiel, mais cela sert aussi les intérêts des compagnies d’assurances. Elles ont pris la décision d’affaires que cela valait la peine d’investir afin de réduire leurs pertes. Je m’attends à ce que cette pratique se généralise. Peut-être qu’à un moment donné, elle s’étendra aussi au reste du Canada.

La sénatrice McBean : Vous dites que c’est un service gratuit.

M. McGuinty : C’est compris dans le contrat.

La sénatrice McBean : Donc, vous vérifiez et obtenez le service en versant une prime.

M. McGuinty : Il peut être intégré au coût de votre couverture. Je n’ai pas entendu dire qu’il y avait des coûts supplémentaires. Il est inclus. Les coûts sont inclus dans votre produit.

Le président : Madame Robinson, pourriez-vous poser votre question et les témoins pourront peut-être transmettre leur réponse par écrit à notre greffière?

La sénatrice Robinson : On nous a fait part de préoccupations concernant des propriétés qui deviennent inassurables à mesure que nous recueillons davantage de données et que les gens vivent dans des zones où le risque est tout simplement trop élevé. J’aimerais que vous nous parliez des avantages pour le reste de la mutuelle d’assurances si nous éloignions effectivement le lotissement de ces zones, afin de pouvoir en quelque sorte renverser un peu la tendance.

Le président : Nous vous enverrons cette question et si vous pouviez y répondre, ce serait très apprécié. Je vous remercie de votre témoignage, qui a été très instructif.

Pour notre deuxième groupe de témoins, nous entendrons Alex Deslauriers, chef de la direction de FireSwarm Solutions, Inc. et Domenico Iannidinardo, chef de la direction du Strategic Natural Resource Group. Au nom des membres du comité, je vous remercie d’être venus.

Nous allons entendre votre déclaration liminaire, qui sera suivie des questions des sénateurs. Je vous ferai signe lorsque votre temps sera écoulé. Sur ce, monsieur Deslauriers, vous avez la parole.

Alex Deslauriers, chef de la direction, FireSwarm Solutions Inc. : Bonjour, monsieur le président, et bonjour, mesdames et messieurs. Je vous remercie de nous donner l’occasion de vous faire part de notre point de vue sur la crise des incendies de forêt au Canada et le rôle de la technologie émergente à cet égard.

Je suis ingénieur en aéronautique et j’ai plus de 25 ans d’expérience dans l’intégration de systèmes complexes pour les aéronefs commerciaux et militaires. Je suis également pilote professionnel et bénévole en recherche et sauvetage, mais surtout, je suis un Canadien qui, à l’été 2023, a assisté, impuissant, à la destruction par les flammes de la maison familiale, où plusieurs générations avaient vécu, ainsi que de 56 propriétés de nos voisins.

Le 18 août, alors que les flammes ravageaient notre collectivité, nous avons pu constater de nos propres yeux les lacunes dans l’intervention en cas d’incendie de forêt. Les avions ont été cloués au sol la nuit et par faible visibilité pour des raisons de sécurité. Pendant que le reste de la province brûlait cet été-là, nous avons vécu le cauchemar des ressources limitées et des interventions tardives. Une chose est devenue douloureusement évidente : les outils sur lesquels nous comptons aujourd’hui pour lutter contre les incendies de forêt ne sont pas suffisants pour répondre aux besoins actuels et futurs en matière de lutte contre les incendies de forêt.

Cette prise de conscience a donné naissance à FireSwarm Solutions. Nous sommes une entreprise de la Colombie-Britannique qui s’est donné pour mission nationale d’accroître la capacité de lutte contre les incendies du Canada à l’aide de drones ultra-lourds dotés d’une technologie de vol avancée, afin d’exploiter des systèmes conçus pour s’intégrer aux agences existantes de lutte contre les incendies de forêt. Nos drones peuvent transporter jusqu’à 300 kilogrammes d’eau et se déployer rapidement au cours des 12 premières heures critiques.

Notre objectif est de fournir aux pompiers un nouvel outil aérien capable de voler lorsque les autres ne le peuvent pas, fonctionnant en tout temps dans la fumée et dans des conditions où les avions pilotés sont cloués au sol.

La voie à suivre n’est pas approximative; c’est une question d’ingénierie, de politique et de soutien gouvernemental.

Ces deux dernières années, FireSwarm a cherché, conçu et testé des solutions. Je vais parler de certaines choses que nous avons apprises. Une approche évolutive s’impose. La technologie peut faire plus que ce que les règles actuelles permettent. Nous commençons par l’automatisation, où les drones suivent des itinéraires et des tâches établis. Au fil du temps, à mesure que les règles changent, nous évoluerons vers une véritable autonomie, où les drones peuvent prendre des décisions intelligentes sous la surveillance d’un pilote qui interviendra au besoin. Il s’agit d’une approche sécuritaire et mesurée pour intégrer les drones dans l’espace aérien des feux de forêt.

Deuxièmement, des systèmes déployables sur le terrain sont nécessaires. Transports Canada et NAV CANADA exigent que les drones ne volent que dans un espace aérien restreint. Notre système est transportable par camion et peut être prépositionné dans des zones à haut risque afin de fournir rapidement un multiplicateur de force.

Troisièmement, les drones ultra-lourds sont prêts. La technologie est maintenant suffisamment avancée pour intervenir lors de feux de forêt, gérer les situations d’urgence et soutenir la souveraineté canadienne. Nous avons établi des partenariats avec les principaux fabricants pour répondre aux exigences en matière de portance et d’autonomie.

Enfin, la puissance et le rendement sont importants. Les systèmes électriques à décollage vertical ne peuvent pas offrir la bonne combinaison de charge utile et d’autonomie. Nous avons besoin de drones propulsés par des moteurs à réaction pour larguer des volumes importants d’eau en cas d’incendie et transporter l’équipement vers la zone où il est le plus nécessaire.

Nos constatations mènent à une conclusion : la technologie est prête, tout comme les règlements canadiens.

Voici ce que nous savons : les agences de lutte contre les feux de forêt, les collectivités autochtones et non autochtones et les organismes sont prêts à intégrer des drones ultra-lourds dans des environnements d’essai; les pompiers et les opérateurs d’hélicoptères sont impatients de disposer de cette capacité, non pas pour remplacer les aéronefs existants, mais pour améliorer la sécurité des pilotes et intervenir en tout temps. FireSwarm est en phase avec notre organe de réglementation, Transports Canada, qui s’aligne sur notre approche évolutive.

Voici nos recommandations. Tout d’abord, nous devons agir à la vitesse de cette crise. En accélérant la collaboration en matière de réglementation, donnez à Transports Canada et à NAV CANADA les ressources nécessaires pour intégrer en toute sécurité les opérations automatisées de drones de lutte contre les incendies de forêt dans l’espace aérien canadien afin que des entreprises comme Strategic Natural Resource Group puissent réaffirmer leurs décisions d’investissement dans cette technologie.

Soutenez les partenariats avec les collectivités autochtones et éloignées dans les zones à risque élevé d’incendies de forêt où la capacité d’intervention rapide de ces drones changerait la donne. Demandez aux agences des marchés publics nationales d’investir dans la technologie canadienne de lutte contre les incendies de forêt. Tirer parti du financement à double usage; renforcez les programmes fédéraux d’innovation et de défense, comme le Fonds stratégique pour l’innovation, afin de soutenir les activités de recherche et développement et la fabrication à grande échelle ici au Canada.

FireSwarm est exportable, crée des emplois hautement spécialisés, appuie le renforcement des capacités des Premières Nations et renforce l’infrastructure.

La saison des feux de forêt de 2023 a été la pire de l’histoire du pays, mais celle de 2025 se classe maintenant au deuxième rang. Ensemble, nous pouvons bâtir un Canada plus fort, plus sûr et mieux préparé. Merci de votre attention.

[Français]

Si vous avez des questions, n’hésitez pas à les poser dans la langue de votre choix.

[Traduction]

Le président : Merci beaucoup.

Vous avez la parole, monsieur Iannidinardo.

Domenico Iannidinardo, chef de la direction, Strategic Natural Resource Group : Bonjour, monsieur le président, et bonjour, mesdames et messieurs.

Strategic Natural Resource Group est une société d’experts-conseils et de gestion dont le siège social se trouve en Colombie-Britannique et qui appartient majoritairement à des employés autochtones. Je suis un forestier, biologiste et ingénieur professionnel agréé qui possède 25 ans d’expérience en gestion des ressources naturelles. De plus, j’ai eu le privilège d’être le président fondateur des Propriétaires forestiers du Canada.

Je vous transmets aujourd’hui les salutations du président de notre entreprise, le chef de la Première Nation Ehattesaht, Simon John. C’est un honneur d’être ici pour vous parler sur le territoire algonquin anishinaabe, après mon collègue Alex Deslauriers.

Revenons à l’urgence et aux occasions que M. Deslauriers nous a exposées. Comme vous venez de l’entendre, le prochain niveau de technologie pour lutter contre les feux de forêt existe. Le défi urgent consiste à déployer ces outils rapidement et en toute sécurité là où ils sont le plus nécessaires dans nos collectivités, dans les forêts et aux premières lignes des interventions. Au sein de Strategic Natural Resource Group, cette urgence n’est pas seulement théorique. C’est notre vécu presque chaque été où nous travaillons en étroite collaboration avec les collectivités autochtones et les exploitants forestiers pour gérer l’infrastructure, aux côtés des collectivités touchées lors de feux de forêt.

Lorsque des incendies menacent les maisons ou les boisés, nos équipes sont souvent aux côtés d’autres premiers répondants, contribuant aux efforts de lutte contre les feux de forêt, à la logistique et à la planification de l’évacuation.

Nous avons vu de nos propres yeux comment un petit incendie gérable peut rapidement dégénérer en catastrophe naturelle du jour au lendemain, simplement parce que nous n’avions pas les bons outils au moment où nous en avions le plus besoin.

C’est précisément pour cette raison que nous avons collaboré avec FireSwarm Solutions afin de transformer l’innovation en une capacité opérationnelle efficace. Ensemble, nous intégrons la technologie des drones ultra-lourds de FireSwarm Solutions et l’intelligence artificielle à nos décennies de savoir-faire opérationnel en matière d’intervention d’urgence et de planification de la résilience aux feux de forêt.

Notre vision est simple : faire de la suppression aérienne automatisée des feux de forêt une réalité au Canada, avec l’appui d’exploitants formés et de collectivités autochtones.

Nous mettons l’accent sur la répartition, le déploiement et la formation d’opérateurs, en veillant à ce que ces technologies novatrices fassent partie intégrante de la défense quotidienne contre les feux de forêt plutôt que de rester enfermées dans des installations d’essai.

En effet, lorsque des collectivités comme la Première Nation d’Ulkatcho sont aux prises avec un feu de forêt en fin de saison qui force l’évacuation de centaines de personnes, cause des millions de dommages causés aux forêts et laisse des cicatrices économiques à long terme, cela confirme que chaque heure compte.

La planification préalable du Strategic Natural Resource Group a permis à la Nation Ulkatcho d’éviter une tragédie, mais si des aéronefs de transport ultra-lourds sans pilote avaient été prépositionnés dans la région, l’incendie aurait pu être maîtrisé plus efficacement.

La nuit, nos équipages utilisent déjà des drones pour cartographier les zones de chaleur des incendies, mais imaginez si ces mêmes drones pouvaient livrer de l’eau la nuit quand il fait frais, que tout est calme et que chaque goutte est dix fois plus efficace qu’en période de chaleur diurne. Ce n’est pas une possibilité lointaine. C’est réalisable dès aujourd’hui avec un soutien réglementaire approprié et un leadership fédéral.

Les feux de forêt sont une question de sécurité nationale. Nous devons reconnaître qu’un feu de forêt menaçant la maison d’une famille n’est pas seulement une préoccupation locale; c’est une menace à la sécurité de cette famille et une question d’urgence nationale. Les feux de forêt posent des risques non seulement pour l’infrastructure et les forêts, mais ils déstabilisent également les collectivités, minent la continuité culturelle et menacent la sécurité de l’approvisionnement alimentaire et hydrique.

Strategic Natural Resource Group souscrit entièrement à ces recommandations et a deux autres mesures prioritaires réalisables qui découlent de nos expériences sur le terrain.

Premièrement, la mobilité interprovinciale des équipages. L’été dernier, nos équipes de lutte contre les feux de forêt en Colombie-Britannique étaient prêtes à se déployer vers l’est pour venir en aide au Manitoba. Malgré le besoin urgent, nous avons été bloqués par des processus administratifs provinciaux incohérents.

Ce sont des professionnels hautement qualifiés, et bientôt, ce seront les opérateurs chargés de piloter des drones ultra-lourds, comme ceux de FireSwarm. Nous avons besoin de toute urgence d’un système qui permette au personnel affecté aux feux de forêt de se déplacer sans encombre d’une province à l’autre.

Cette coordination pourrait être guidée par des politiques émanant du Conseil canadien des ministres des forêts, que préside actuellement la Colombie-Britannique, et cela augmenterait instantanément la capacité opérationnelle du Canada.

Deuxièmement, nous avons besoin d’un modèle national pour le remboursement des coûts de disponibilité et de la formation pour les équipes privées et autochtones de lutte contre les incendies de forêt. Les agences publiques de lutte contre les incendies du Canada font un travail héroïque, mais elles sont de plus en plus débordées. Les équipes privées et autochtones sont une force partiellement inexploitée qui pourrait être mobilisée beaucoup plus rapidement et en toute sécurité si elle disposait d’un soutien de base. Il s’agit là d’une occasion parfaite de partenariat public-privé; le secteur privé peut prendre rapidement de l’expansion et se tenir prêt, afin que le gouvernement puisse concentrer ses ressources essentielles et mettre à disposition les ressources supplémentaires dont nous savons qu’elles peuvent être utilisées à bon escient.

Pour les collectivités autochtones et rurales, la résilience aux feux de forêt ne consiste pas seulement à éteindre les flammes, mais à protéger leur identité, leur pérennité et leur souveraineté.

Ce n’est pas seulement un problème environnemental. Je le répète, c’est un impératif national. Si des technologies comme celle de FireSwarm nous offrent de nouveaux outils, il est plus que jamais nécessaire d’agir immédiatement et de faire preuve de courage.

Continuons à mettre l’accent sur la promotion de l’innovation comme moteur clé de notre progrès, avec une réglementation qui favorise celle-ci. Assurons-nous que les collectivités canadiennes — autochtones et non autochtones — disposent des ressources, de la formation et de la technologie nécessaires pour défendre ce qui compte le plus.

Cela s’impose, tout simplement. Je vous remercie de votre attention et de tout ce que vous faites pour protéger la population, les terres et l’avenir du Canada.

Le président : Merci beaucoup pour votre déclaration liminaire. Nous allons maintenant passer aux questions.

Ma première question est la suivante. C’est très simple. Les drones transportent-ils seulement de l’eau? Plus tôt dans notre témoignage, nous avons entendu parler d’autres matériaux. Pourraient-ils transporter d’autres matériaux?

M. Deslauriers : C’est une bonne question. On nous a posé plusieurs questions au sujet du transport de surfactant, de suppresseurs ou d’ampoules de préchauffage qui peuvent être larguées pour déclencher un incendie, c’est-à-dire un brûlage dirigé. Plusieurs actifs peuvent être transportés sous ces machines. Nous travaillons avec le ministère de la Défense nationale, dans le cadre du programme IDEeS et de l’Accélérateur d’innovation de défense pour l’Atlantique Nord de l’OTAN, ou DIANA, pour la protection des troupes et pour le transport logistique dans les zones militaires.

Le président : Merci.

Le sénateur McNair : Merci à vous deux d’être venus. Ma question s’adresse à M. Deslauriers de FireSwarm Solutions. Nous avons remarqué que vous avez établi un partenariat avec le service d’incendie de Kelowna en 2025 pour lutter contre les feux de forêt. Pouvez-vous fournir d’autres renseignements sur les données relatives à la performance des drones dans ces tâches? Vous avez parlé brièvement de certains avantages des drones : disponibilité en tout temps, vol de nuit et précision accrue.

L’autre chose qui m’intrigue, c’est que vous avez mentionné NAV CANADA. Comprennent-ils l’urgence de la situation? Sont-ils d’accord?

M. Deslauriers : Je vous remercie de vos questions. Je peux commencer par Kelowna et parler de NAV CANADA.

L’exercice de Kelowna qui a eu lieu en mai visait en partie à appuyer le CNRC et Innovate BC, ce qui nous a permis d’obtenir les fonds nécessaires pour déployer des appareils plus petits sur le territoire du service d’incendie de Kelowna. L’exercice à Kelowna visait à montrer comment les organismes locaux sur le terrain pouvaient travailler avec des essaims de drones qui transporteraient de l’eau du point A au point B.

Chez FireSwarm, nous avons abordé cet exercice en pensant que ces pompiers voudraient voir de l’eau être déversée sur les flammes. Cependant, lors de la planification de l’exercice, cela ne correspondait pas vraiment à notre cas d’utilisation initial. Ils ont dit : « Nous voulons que vous transportiez de l’eau depuis un lac vers un réservoir de pompage avancé où l’eau pourra ensuite être utilisée à la base d’opérations avancée. »

C’est pourquoi ces exercices avec les utilisateurs finaux sont si importants, car notre hypothèse en tant qu’innovateurs était en fait erronée. Ils ont dit : « Non, nous voulons que vous transportiez d’abord l’eau vers une station en amont où il y a déjà des pompiers. »

Pour répondre à votre question, nous n’avons pas de données précises sur l’efficacité de l’eau contre les incendies. Nous venons de participer aux demi-finales du concours XPRIZE Wildfire en Suède, où des drones ultra-lourds ont déversé de l’eau sur des incendies 300 kilogrammes à la fois, et le feu a été éteint en cinq minutes. Ce n’est pas exactement l’ensemble de données que vous souhaitez. Nous y travaillons.

Pour ce qui est de NAV CANADA, c’est un groupe très restreint.

Le sénateur McNair : C’est très diplomatique.

M. Deslauriers : Merci. Il est certainement difficile de gérer l’espace aérien et le nombre d’aéronefs qui volent dans l’espace aérien contrôlé ou à proximité. Imaginez, en tant qu’opérateur de drone, que vous disiez : « En fait, nous aimerions faire voler des drones dans un espace aérien non contrôlé de classe G et nous vous demanderions, à vous NAV CANADA, d’assurer la séparation entre les aéronefs. » Cela ne fonctionnera tout simplement pas.

C’est pourquoi Transports Canada et NAV CANADA appuient l’idée de déployer ces appareils dans la bulle contrôlée d’un feu de forêt, qui se trouve à 3 000 pieds au-dessus du sol, dans un périmètre de cinq milles marins autour d’un feu de forêt, ce qui signifie que c’est là que les opérateurs peuvent intervenir avec ces appareils et opérer dans un espace aérien essentiellement sans conflit, surtout la nuit.

Le sénateur McNair : Il s’agit essentiellement d’une zone d’exclusion aérienne, à l’exception de celles qui sont prévues à juste titre.

M. Deslauriers : Exactement. Selon les termes de Transports Canada, il s’agit d’un espace aérien restreint ou à service consultatif de classe F, ce qui signifie qu’aucun aéronef ne peut se trouver dans cette zone à moins d’avoir obtenu l’autorisation du commandement en cas d’incident. C’est là que nos opérateurs envisagent d’exercer leurs activités.

Le sénateur McNair : Monsieur Iannidinardo de Strategic Natural Resource Group, vous avez décrit les deux secteurs stratégiques essentiels. Pouvez-vous nous en dire un peu plus? Ce n’est pas la première fois que nous entendons parler d’équipes autochtones privées représentant une ressource largement inexploitée qui pourrait être mobilisée pour mener une lutte plus efficace contre les feux de forêt. Des témoins nous ont dit qu’ils n’avaient pas accès aux lieux pendant la journée et qu’ils s’y rendaient après les heures pour sauver leur collectivité.

M. Iannidinardo : Bien sûr, en ce qui concerne la mobilité des équipes, c’est un enjeu interprovincial que j’ai souligné. Il faut coordonner les ressources de lutte contre les feux de forêt à temps partiel ou saisonnières du secteur privé, autochtone et commercial — ils sont souvent interchangeables de nos jours — afin de les optimiser. C’est une fonction directe de l’énergie, des jeunes Autochtones et non-Autochtones qui plantent parfois des arbres et qui sont prêts à lutter contre les incendies en cas d’urgence. Nous les formons dans notre industrie. Nous leur trouvons un travail utile lorsqu’il n’y a pas d’urgence, en temps normal. Cela coûte de l’argent et nécessite des calculs d’investissement. Nous apprécierions et nous espérons que l’investissement des gouvernements soit multiplié plusieurs fois, comme le Bureau d’assurance vous l’a dit, en ayant cette force entièrement prête et capable de se déplacer partout où les incendies se déclarent.

La sénatrice Muggli : J’ai besoin d’une petite précision. Est-il possible d’utiliser des bombardiers d’eau et des drones en même temps?

M. Deslauriers : Cela ne pose pas de problème pour Transports Canada. Lors de nos discussions, des représentants de Transports Canada nous ont dit qu’ils ne voyaient aucun inconvénient à délimiter la zone précise d’un incendie et à permettre aux équipes de travailler essentiellement dans une zone de latitude et de longitude différentes.

Surtout la nuit, les bombardiers d’eau ne volent pas. Dans tout le pays, quelques hélicoptères seulement volent la nuit, mais leur exploitation est extrêmement coûteuse, car ils nécessitent généralement deux équipages, parfois trois, ainsi que des lunettes de vision nocturne. De plus, c’est extrêmement risqué, et c’est pourquoi nous envisageons d’utiliser ces drones ultra-lourds pour lutter contre les incendies de forêt de nuit, lorsque l’espace aérien est dégagé.

Pour répondre à la question, non seulement c’est possible, mais il est fort probable que ce sera le cas un jour en ce qui concerne notre technologie et les avions avec équipage. Au départ, pour ce qui est de l’entrée sur le marché, nous voyons vraiment une occasion parfaite pour la suppression précoce de nuit grâce au travail que fait déjà Strategic Natural Resource Group.

La sénatrice Muggli : Qui d’autre le fait dans le monde, s’il y en a? Y a-t-il des restrictions quant à la nécessité de disposer d’un certain plan d’eau pour vous approvisionner? À quelle profondeur pouvez-vous entrer dans le feu actif, et ainsi de suite?

M. Deslauriers : Pour ce qui est de savoir qui fait cela dans le monde à l’heure actuelle, il s’agit d’une innovation vraiment à la fine pointe. Lors du concours de la fondation XPRIZE en Californie, il y avait 400 équipes inscrites aux épreuves de détection et de suppression précoces. L’exercice devait vraiment être de 30 kilomètres sur 30 kilomètres. En combien de temps peut-on détecter un incendie, puis l’éteindre en 10 minutes? C’était le défi à relever lors du concours où 400 équipes étaient inscrites. Nous sommes la seule entreprise canadienne et il reste 15 autres entreprises à l’échelle mondiale. Nous sommes la seule entreprise à proposer des drones à réaction qui transportent une quantité importante d’eau vers un incendie, ce qui va réellement changer la donne.

Il y a d’autres entreprises, dont une qui vient d’amasser 60 millions de dollars il y a deux jours. Tant mieux pour elle. Ce sont de petits drones électriques qui vaporisent du liquide depuis le front, et quiconque connaît quoi que ce soit au sujet des feux de forêt n’est pas trop optimiste, disons.

La sénatrice Muggli : En ce qui concerne les plans d’eau, y a-t-il des restrictions à cet égard ou à quelle profondeur ces drones peuvent-ils pénétrer dans une zone de feu?

M. Iannidinardo : Pour ce qui est de la mise en œuvre et de l’aspect visuel, vous connaissez bien le seau suspendu sous un hélicoptère. Les paramètres sont les mêmes. Il faut quatre mètres d’eau s’il s’agit d’un plan d’eau, et on peut aménager le système de réservoirs-relais dont M. Deslauriers a parlé plus tôt.

La sécurité est la limite de ce que vous pouvez faire. Bien sûr, cela va de pair avec la disponibilité en eau.

La sénatrice Muggli : Avez-vous une idée des répercussions à long terme sur le secteur de l’assurance, notamment en ce qui concerne les primes?

M. Deslauriers : Bien sûr, nous qualifions certaines choses de « grand objectif ambitieux », à savoir disposer de ces appareils prépositionnés, prêts à intervenir, entièrement autonomes. Il s’agit essentiellement du concept d’un drone dans une boîte, mais nous parlons ici d’un appareil de taille respectable, prêt à intervenir en cas de besoin, de jour comme de nuit, jour et nuit.

Les compagnies d’assurances s’intéressent à nous. Elles sont très attentives à ce qui se passe ici et voient des centrales électriques à risque, des biens délaissés qui doivent être protégés.

Si vous associez notre technologie à un système de détection précoce, comme les capteurs SenseNet, capables de détecter les incendies dès leur apparition, et à notre technologie d’extinction précoce, vous pouvez imaginer un monde pas si lointain où ces machines recevront des signaux d’extinction précoce dès qu’un incendie sera détecté. Ces machines seront automatiquement envoyées sur place, et quelqu’un au centre-ville de Calgary ou de Toronto pourra dire : « Oui, approuvez la mission. »

La sénatrice Muggli : Je vous remercie.

La sénatrice Robinson : J’ai réfléchi à vos brûlages stratégiques, aux avalanches et à la façon dont nous procédons à des pré-explosions pour éviter les avalanches. Je trouve que c’est assez similaire.

Je m’interroge sur le coût des drones. J’entends parler de « moteur à réaction », ce qui ne ressemble pas à un moteur Honda Civic et peut coûter un peu cher. Quel est le coût d’un drone? Selon vous, qui achète ces drones et combien de drones? Quelle densité faut-il dans une région pour être en mesure d’intervenir rapidement? Vous dites que quelqu’un à Calgary peut appuyer sur le bouton. Avez-vous des chiffres qui nous donneraient une idée du niveau d’investissement envisagé à ce stade?

M. Deslauriers : Il y a l’objectif à court terme et l’objectif de prépositionnement à long terme. Nous pourrions peut-être parler d’abord de l’objectif à court terme.

M. Iannidinardo : J’ai déjà dit publiquement que le coût de ces appareils se situe dans les sept chiffres. Les appareils avec lesquels nous travaillons sont actuellement assemblés à la main en Scandinavie. On est en train de lancer la production en série, et l’usine est en train d’être mise sur pied pour que nous puissions commencer à les produire plus rapidement, ce qui réduira leur prix.

Le concept de prépositionnement est simplement une question de temps et d’espace. Plus les appareils sont proches et autonomes, plus vite ils peuvent se rendre sur les lieux d’un incendie et l’éteindre avant qu’il ne prenne de l’ampleur, car la meilleure façon d’éteindre un incendie majeur, c’est de l’éteindre lorsqu’il est encore petit.

Nous envisageons un monde où nous pourrons produire ces appareils au Canada dans un avenir proche, afin qu’ils fassent davantage partie du quotidien et qu’ils nécessitent moins de formation que les pilotes d’hélicoptère. Ils sont moins chers que les hélicoptères. Ils sont beaucoup plus économiques par litre d’eau livré que les mécanismes de livraison aérienne actuels, mais ils ne sont pas destinés à remplacer les ressources dont nous disposons à cette fin. Ils sont destinés à les compléter et à être utilisés dans des endroits où les appareils pilotés plus gros ne peuvent pas aller, là où, autrement, ils ne seraient pas en mesure de livrer cette eau lorsque cela est nécessaire.

M. Deslauriers : L’objectif à long terme, le facteur essentiel qu’il ne faut pas perdre de vue, c’est le coût par kilogramme, c’est-à-dire le coût réel du transport d’un kilo d’eau en cas d’incendie de forêt. Même à petite échelle, ce ratio reste dans les paramètres d’un hélicoptère piloté. Vous pouvez imaginer qu’à grande échelle, une fois que nous commencerons à construire des centaines et des milliers de ces appareils, ce coût diminuera. Déjà aujourd’hui, le coût d’exploitation d’un drone qui n’est pas destiné à transporter des humains est beaucoup plus bas, une fraction de celui d’un hélicoptère piloté. Les hélicoptères pilotés sont conçus pour transporter des humains, et nous avons simplement affecté ces hélicoptères pilotés au transport de seaux d’eau. Quand on y pense, cela n’a pas de sens, mais c’est tout ce que nous avions. Nous avons maintenant un changement de paradigme que nous pouvons simplement mettre en œuvre.

La sénatrice Robinson : Que devons-nous faire pour accélérer notre capacité de production au Canada?

M. Deslauriers : Du point de vue de l’innovation, nous avons simplement besoin de bons de commande des exploitants qui sont ensuite transmis à ACC Innovation, le fabricant suédois du drone. Il y a déjà une entente verbale qui dit : « Si vous nous donnez suffisamment de bons de commande, nous allons ouvrir une usine au Canada pour ces machines. »

M. Iannidinardo : Nous avons besoin d’un horizon, d’un contrat gouvernemental et d’un contrat privé, pour commencer avec un appareil, puis cinq, pour activer l’essaim et FireSwarm et pour que les gens deviennent vraiment compétents dans le déploiement de ces essaims et aient confiance en leurs capacités. Une fois que nous aurons un appareil ici, puis cinq appareils là, nous pourrons en faire la démonstration. Il y aura une confiance à l’horizon pour les contrats avec le gouvernement et les exploitants du secteur commercial. Nous assisterons alors à une expansion positive de la confiance et à une affirmation de la technologie.

La sénatrice Robinson : Qui est propriétaire des drones?

M. Iannidinardo : Ces drones appartiendront à des entreprises, à des consortiums de Premières Nations, à des propriétaires forestiers et à des collectivités locales. Kelowna, en particulier, a suscité beaucoup d’intérêt et d’engagement envers cette ressource.

M. Deslauriers : Nous avons discuté avec le ministre Fuhr lors du salon aéronautique d’Abbotsford, et sa première réaction a été : « C’est formidable, nous avons besoin de cette technologie, chaque unité de réserve au Canada pourrait avoir un de ces appareils. » Il y a donc aussi une dimension nationale en ce qui concerne la propriété des appareils par l’entremise du MDN.

Le président : Avez-vous remarqué comment Mme Robinson a glissé cette dernière question sans vérifier s’il restait beaucoup de temps? C’est de bonne guerre.

Le sénateur Varone : J’ai plusieurs questions et la première concerne l’autonomie. Lorsque vous parlez d’autonomie et de déploiement, vous dites que vous pouvez transporter ces drones par camion jusqu’à différents sites et les préparer, mais la première question concerne l’autonomie et le type de carburant. Emportez-vous également le carburant? Le carburéacteur ne se donne pas, et il n’est pas disponible à votre station-service locale. Comment envisagez-vous la logistique du déploiement?

M. Deslauriers : Je peux vous parler de l’autonomie et de l’endurance des appareils et peut-être aussi de la logistique.

M. Iannidinardo : Bien sûr.

M. Deslauriers : Le premier drone que nous avons trouvé sur Terre capable de livrer 300 kilogrammes d’eau grâce à un moteur à réaction est construit en Suède. Il s’agit du Thunder Wasp d’ACC Innovation. En tant qu’innovateurs canadiens, nous installons notre trousse de lutte contre les incendies, puis notre algorithme logiciel contrôle ces appareils de façon autonome et, avec le temps, entièrement autonome.

En matière d’autonomie et d’endurance, dans le domaine de l’aviation, il y a toujours un compromis entre la charge utile, l’endurance et le carburant. Ce que nous disons, c’est qu’avec une charge utile de 300 kilogrammes, nous pouvons espérer une endurance d’une heure et demie avec cet appareil.

L’appareil vole à vitesse nominale avec un godet à environ 70 kilomètres à l’heure.

Le profil de la mission consiste en fait à rester dans les limites de cet espace aérien restreint ou de service consultatif de classe F, qui est par définition d’une largeur de 20 kilomètres et d’une hauteur de 3 000 pieds. Il n’est pas nécessaire de voler plus haut qu’il ne le faut, nous devons essentiellement frôler les arbres.

Pour ce qui est de l’autonomie, si vous envisagez d’autres cas d’utilisation que les incendies de forêt, nous pourrions examiner d’éventuelles demandes du MDN et nous commençons à le faire.

Le sénateur Varone : Je pensais à la défense civile. Dans ces collectivités éloignées, si vous êtes déjà allé à Whistler et que vous avez vu une maison de Whistler en feu, la dernière chose à laquelle ils peuvent s’attendre, c’est qu’un camion-pompe arrive par la route pour éteindre le feu. Est-il possible de s’adapter à un tel contexte?

M. Deslauriers : Oui, tout à fait. D’après ce que nous avons constaté avec le service d’incendie de Kelowna, leur plus gros problème est que lorsqu’un incendie se déclare à l’intérieur du périmètre urbain, mais juste en haut de la colline, il faudra 4 heures aux pompiers pour s’y rendre ou 15 minutes aux drones pour verser de l’eau directement sur le feu.

Le sénateur Varone : Intéressant. Ma question s’adresse à M. Iannidinardo. Concernant votre premier point, la mobilité interprovinciale des équipes. Le projet de loi C-5 et son adoption ont-ils éliminé ce commentaire, ou constatez-vous toujours des restrictions interprovinciales et des restrictions de mobilité que le projet de loi C-5 aurait dû régler? Ceci est daté du 21 octobre.

M. Iannidinardo : Le projet de loi C-5 sera utile. Je n’ai pas vu s’il prévoit tous les mécanismes nécessaires pour régler les problèmes, qui prennent du temps, liés au fait que les provinces ont des normes de formation légèrement différentes pour les composantes de la certification des pompiers forestiers. On peut donc commencer à harmoniser ces formations. On peut voir le projet de loi C-5 comme un catalyseur, mais avec l’Institut canadien, le Centre interservices des feux de forêt du Canada et le Consortium pour la résilience aux feux de forêt du Canada, de concert avec le Conseil canadien des ministres des forêts, je crois que l’impératif de la défense nationale, en plus des feux de forêt et des impératifs écologiques, peut vraiment favoriser la simplification et l’harmonisation des normes.

Elles sont toutes très semblables d’une province à l’autre. À l’heure actuelle, les provinces ont des priorités différentes en ce qui concerne leurs propres catégories d’équipes. Il peut y avoir quatre catégories différentes d’équipes de lutte contre les feux de forêt, et différentes provinces les classent différemment.

Il s’agit d’une approche mathématique et méthodique pour établir ces normes et, par conséquent, veiller à ce que des équipes de lutte contre les incendies soient dépêchées le plus rapidement possible sur les lieux d’un incendie. Je suis convaincu que cela s’en vient et je vois des agences et des centres se former autour de cela.

La sénatrice McBean : Incroyable. De toute évidence, nous ramons tous dans la même direction, ce qui est amusant et frustrant lorsque vous êtes le dernier sur la liste à poser la question.

Monsieur Iannidinardo, lorsque vous avez parlé de groupes qui ont de la difficulté à se déplacer d’une province à l’autre, je pourrais peut-être approfondir la question parce qu’à des réunions de notre comité, des gens disent que ça fonctionne et que ça s’améliore, qu’il n’y a pas de problème, et ils disent le contraire devant d’autres comités, surtout en ce qui concerne l’aide interprovinciale.

Qui, précisément, dit à qui, précisément, qu’ils ne peuvent pas passer d’une province à l’autre?

M. Iannidinardo : Il y a deux grandes catégories d’équipes au sol chargées de lutter contre les feux de forêt. Il y a les équipes gouvernementales, puis les équipes commerciales, qui comprennent des équipes autochtones qui sont disponibles dans le cadre de contrats avec les gouvernements provinciaux. Ces équipes au sol n’ont pas de contrats avec le gouvernement fédéral, mais avec les gouvernements provinciaux.

Ces gouvernements provinciaux ont différentes façons d’accorder la priorité à l’envoi d’équipes hors de la province. Si une province envoie ses équipages de type 1 dans une autre province, elle peut délibérément, et elle le fait parfois, conserver la capacité de ses équipes commerciale pour sa propre province, même si la situation est calme. Les provinces aiment conserver cette marge de manœuvre. Cette marge de manœuvre qu’une province se construit et sur laquelle elle s’appuie n’est plus soutenue, ces derniers temps, par les taux de disponibilité ou le remboursement des coûts de formation pour les exploitants commerciaux afin qu’ils absorbent cette capacité et les maintiennent occupés à d’autres tâches, prêts à répondre à un éventuel appel téléphonique de la province pour se déployer et répondre aux besoins locaux.

Quelle que soit la dimension que l’on mesure, les exploitants commerciaux prennent de grands risques et sont aux premières lignes de la coordination et de l’énergie volontaire des jeunes. Ces mêmes jeunes, issus d’une génération très douée pour décider de l’endroit où placer un pot de yaourt dans un bac de recyclage afin de réduire les émissions de carbone, savent que s’ils passent une journée à lutter contre un incendie, ils peuvent réduire de 100 tonnes les émissions de carbone et ainsi faire une réelle différence.

Je veux que cette ressource se rende là où elle veut être et qu’elle ait un impact positif maximal pour le pays.

La sénatrice McBean : Je me demande s’il existe une approche de centre de commandement à centre de commandement.

M. Iannidinardo : Il y a le Centre interservices des feux de forêt du Canada, le Conseil des ministres des forêts, où tous les hauts fonctionnaires responsables des services de lutte contre les incendies de forêt dans chaque province communiquent. La communication existe. Il existe des protocoles de coordination aérienne. Cette homogénéité des protocoles doit être étendue aux équipes au sol. Je crois que vous constaterez que la capacité de ce pays s’en trouvera immédiatement accrue, car l’énergie, l’intérêt et les compétences sont déjà présents.

Si vous déployez des drones à grande capacité d’emport et que vous mobilisez davantage de personnes prêtes à faire du bénévolat à temps partiel dans les domaines de la résilience, de la prévention et de la lutte contre les feux de forêt, il devient possible de réaliser des progrès et de maîtriser les départs de feu avant qu’ils ne se transforment en incendie de grande ampleur.

La sénatrice McBean : Merci, et merci d’avoir parlé de drones à grande capacité d’emport. Tout le monde veut intégrer cela à sa question, parce que c’est plutôt génial.

Monsieur Deslauriers, nous ne vous avons pas dit au début que nous étions désolés de la perte de votre maison dont vous avez parlé. De plus, je tiens à vous remercier d’avoir transformé cette mésaventure en quelque chose de positif en cherchant à déterminer comment nous pourrions, à l’avenir, préserver davantage de familles et sauver un plus grand nombre de maisons.

Vous avez dit que la Thunder Wasp, fabriquée en Suède, devient un Fire Wasp, mais qu’il faut cinq drones pour former un essaim, est-ce exact? Combien y en a-t-il actuellement au Canada?

M. Deslauriers : Nous en avons commandé un en Suède. Pour revenir à l’exercice de Kelowna, nous utilisions des drones plus petits, de la taille d’une table de pique-nique. Ils étaient alimentés à l’électricité et ne pouvaient transporter que de petits seaux d’eau, mais l’objectif était de tester le concept. La Thunder Wasp est fabriquée par ACC Innovation. Elle devient une Fire Wasp quand on y ajoute la trousse de lutte incendie. C’est cette Fire Wasp qui est ensuite achetée par des entreprises ayant des contrats avec les services d’incendie pour éteindre les feux à l’aide de ces appareils.

Si l’on compare la capacité en eau, trois machines équivalent à un hélicoptère de petite taille. C’est à ce niveau que se fait la comparaison, mais il n’existe pas de limite maximale ou minimale quant au prépositionnement de ces machines.

Le président : Nous allons passer au deuxième tour. Je n’ai qu’une question. Le Strategic National Resource Group appuie-t-il l’intégration des connaissances autochtones dans vos efforts et services d’intervention d’urgence?

M. Iannidinardo : Absolument, et je suis ici au nom de notre président et chef de la Première Nation Ehattesaht, Simon John.

Le Strategic National Resource Group existe depuis environ 25 ans, mais depuis les trois dernières années, nous appartenons majoritairement à des intérêts autochtones. Le savoir autochtone se combine chaque jour au savoir scientifique dans toute la planification de la gestion des ressources que nous faisons, y compris en matière de feux de forêt. Cela comprend des prescriptions de brûlage culturel dans le cadre des plans de résilience aux feux de forêt que nous élaborons pour les administrations locales de l’Ouest canadien. Nos professionnels sont fiers de la connectivité que nous avons maintenant en tant qu’entreprise détenue majoritairement par des Autochtones. Des employés issus de diverses Premières Nations font également partie de notre équipe.

Le sénateur McNair : Pour revenir à certaines opérations, nous avons parlé de la portée, de la vitesse et du carburant. Je suis simplement curieux. Lorsque vous chargez les 300 kilogrammes, est-ce que cela doit bouger? Nous voyons tous des photos d’un avion-citerne qui écope en surface du lac. À ce moment-là, êtes-vous en vol stationnaire au-dessus du lac ou en déplacement?

M. Deslauriers : Nous avons eu une excellente conversation avec les représentants de Conair, l’un des chefs de file mondiaux en matière de lutte incendie au moyen d’avions-citernes. Lorsque nous avons décrit le concept du vol en stationnaire sur un plan d’eau avec un Bambi bucket ou un autre type de seau pour écoper l’eau, ils ont immédiatement dit : « Vous êtes sur la bonne voie. » Parce que chaque fois qu’un avion-citerne écopeur approche pour amerrir, il s’agit d’une collision contrôlée. Grâce à sa formation, le pilote ne fait évidemment pas s’écraser l’avion, mais il est très risqué de maintenir un vol stationnaire à une certaine hauteur au-dessus de l’eau, d’attendre que le réservoir soit plein et que le couple et la température de l’hélico soient dans les plages d’utilisation pour s’assurer que la poursuite du vol est sans danger. Si ce n’est pas le cas, il faut larguer l’eau et aller en prélever ailleurs.

C’est le concept d’opération. Il est extrêmement sécuritaire comparativement à l’écopage classique...

Le sénateur McNair : C’est plus précis.

M. Deslauriers : C’est extrêmement précis. Comme vous pouvez le voir, avec le temps, grâce à l’IA, le drone pourra retenir les leçons des largages d’eau effectués dans les minutes précédentes par d’autres drones l’ayant devancé ou étant en remorque, afin de larguer pile au-dessus de la cible en fonction du vent, de la topographie, de la qualité du carburant, etc.

Le sénateur McNair : Quelle est la masse volumique de l’eau?

M. Deslauriers : Heureusement, le système métrique est une très belle chose, alors 300 kilogrammes, c’est exactement 300 litres.

La sénatrice McBean : Un litre, c’est comme une bouteille Gatorade.

M. Deslauriers : La même technologie est actuellement utilisée par les hélicoptères, alors quand on demande si 300 kilogrammes d’eau vont faire quelque chose, on répond qu’on peut le demander au fabricant du Bambi bucket. Il le vend aux exploitants actuels d’hélicoptères.

Le sénateur McNair : L’autre aspect du processus d’écopage, c’est que l’espace aérien contrôlé correspond aussi à une étendue d’eau contrôlée. Cet été, la Garde côtière du Nouveau-Brunswick a dû veiller à ce qu’aucune embarcation ne se retrouve dans le secteur duquel s’approchait l’écopeur.

M. Deslauriers : Et aucun écopage ne se fait de nuit.

La sénatrice Muggli : Merci. Monsieur Deslauriers, les feux isolés constituent un défi de taille, tout comme la capacité d’identifier et de régler ces problèmes en temps opportun. Je me demande si le déploiement de drones peut aider à surveiller les endroits ou à y remédier.

M. Deslauriers : Je vais maintenant m’adresser à M. Iannidinardo. Le déploiement de drones de grande capacité d’emport n’est qu’un moyen de plus dans la boîte à outils. Il y a déjà des compagnies qui déploient des drones pour faire de la détection dans les points chauds en cartographie. Notre logiciel prend ces données en coordonnées cibles. À partir de là, les opérateurs des machines utilisent notre logiciel qui intègre la détection et la suppression précoces.

M. Iannidinardo : Depuis plus de 10 ans, notre entreprise offre le service de cartographie des points chauds, le service de détection de chaleur, pour s’assurer que l’équipe du matin dispose de la meilleure information possible. Comme je l’ai dit dans ma déclaration préliminaire, nous avons maintenant la possibilité de procéder à une certaine suppression active pendant que nous cherchons des points chauds et des braises, mais ce front de braise sur un feu est généralement la façon dont les incendies se propagent.

La complémentarité de ces drones de très forte capacité pour travailler la nuit et d’éteindre les foyers résiduels est un autre cas d’utilisation très important pour cette technologie qui n’existe pas aujourd’hui. Les équipes au sol ne peuvent pas réaliser ce type d’opération de nuit en toute sécurité.

Comme M. Deslauriers l’a mentionné, peu d’hélicoptères le font, et c’est très complexe pour les gros avions de gérer des braises à certains endroits. C’est pour empêcher que le problème plus important ne commence.

Le sénateur Varone : J’ai deux questions très simples et reliées. L’eau douce et l’eau de mer peuvent-elles être utilisées?

M. Iannidinardo : Gatorade aussi.

M. Deslauriers : Bien qu’il contienne du sucre.

Le sénateur Varone : La question la plus importante au sujet du Strategic Natural Resource Group : êtes-vous un organisme sans but lucratif ou une société à but lucratif?

M. Iannidinardo : Strategic Natural Resource Group est une entité commerciale. Nous sommes une entreprise établie en Colombie-Britannique depuis 25 ans. Nous avons des bureaux un peu partout en Colombie-Britannique, tant à l’intérieur que sur la côte, et nous desservons l’ouest du Canada depuis tout ce temps.

Nous prenons ces décisions, et nous devons le faire dans une perspective d’investissement normal. Nos actionnaires sont nos employés ainsi que des Premières Nations qui considèrent ce type de risque comme étant valable en soi. Il est important pour la culture et l’environnement de réduire au minimum les incendies et de faire en sorte que ceux-ci évoluent et se comportent de manière contrôlée. Mais nos actions doivent aussi être rentables et justifier les risques financiers.

La sénatrice McBean : Ma question s’adresse au Strategic Natural Resource Group et s’éloigne un peu du sujet des drones. Quel rôle les propriétaires de forêts privées et les sociétés d’exploitation des ressources jouent-ils dans l’atténuation des feux de forêt, et comment les mesures incitatives fédérales pourraient-elles renforcer ces efforts?

M. Iannidinardo : Mon argumentaire portait sur le remboursement. Quand des entreprises — qu’il s’agisse des propriétaires forestiers qui gèrent eux-mêmes leurs terres ou des détenteurs de droits forestiers qui s’appuient sur des compagnies comme la mienne pour gérer ces terres en leur nom — démontrent leur engagement en investissant dans la formation et en prenant en charge les coûts de garde associés à ces professionnels dévoués et déterminés, afin qu’ils puissent en faire davantage. Par conséquent, nous pouvons avoir de plus grandes équipes de secours organisées et des trajectoires de déploiement plus rapides pour les équipes au sol avec les drones dont elles disposent aujourd’hui pour le balayage thermique. Mais, à l’avenir, nous devrons veiller à ce que ces véhicules puissent se rendre dans les espaces aériens bien classifiés et à ce que ces drones soient installés sans survoler des villes ou avoir besoin de l’approbation de NAV CANADA; nous pouvons simplement nous rendre sur place et faire en sorte que cela se produise.

La sénatrice McBean : Existe-t-il des modalités comme des remboursements ou des incitatifs dont les entreprises peuvent se prévaloir?

M. Iannidinardo : Ces chiffres ont fluctué au fil des ans. Cela fait partie du problème. Certaines années, nous avons eu des remboursements dans le cadre de nos contrats avec les gouvernements provinciaux. Nous n’en recevons plus. Cela complique et modifie nos décisions d’investissement quant au nombre de personnes que nous prévoyons former au cours d’une saison d’incendie donnée avant de savoir à quoi ressemblera cette saison. Nous croyons qu’il est juste de partager ce risque avec les budgets publics.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Deslauriers et monsieur Iannidinardo, du temps que vous nous avez accordé aujourd’hui. La séance a été très instructive, comme vous pouvez le constater d’après les questions, et nous apprécions votre contribution à notre étude, qui se terminera bientôt. Nous veillerons à vous informer quand le rapport sera prêt afin que vous puissiez en obtenir des exemplaires.

Je tiens à remercier mes collègues autour de la table pour leur participation et leurs questions réfléchies, et même pour avoir échangé des questions entre eux. Grâce au personnel qui travaille pour nous dans nos bureaux, aux gens qui sont derrière nous — les interprètes, l’équipe des Débats qui transcrivent les débats et révisent la transcription, le préposé de la salle de comité, les techniciens des services multimédias, l’équipe de radiodiffusion, le Centre d’enregistrement, les membres de la DSI et le page qui a dû sortir. Nous apprécions également leur soutien.

(La séance est levée.)

Haut de page