Aller au contenu
ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’ÉNERGIE, DE L’ENVIRONNEMENT ET DES RESSOURCES NATURELLES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 30 octobre 2025

Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd’hui, à 8 h 01 (HE), avec vidéoconférence, pour examiner, afin d’en faire rapport, la question de l’industrie du pétrole extracôtier de Terre-Neuve-et-Labrador; et à huis clos, pour étudier un projet d’ordre du jour.

La sénatrice Josée Verner (vice-présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La vice-présidente : Honorables sénateurs, avant de commencer, je vous invite à prendre connaissance des cartes placées sur les tables dans la salle du comité pour connaître les lignes directrices visant à prévenir les incidents liés au retour de son.

Veuillez garder les oreillettes à l’écart de tous les microphones en tout temps. Ne touchez pas aux microphones. Leur activation et leur désactivation seront contrôlées par l’opérateur de console. Enfin, évitez de manipuler votre oreillette lorsque le microphone est activé. L’oreillette doit rester sur l’oreille ou être déposée sur l’autocollant prévu à cet effet à chaque siège.

Je vous remercie de votre coopération.

Je m’appelle Josée Verner, sénatrice du Québec et vice‑présidente du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles.

J’aimerais maintenant demander à mes collègues de se présenter.

[Traduction]

Le sénateur Arnot : Bonjour à tous. Je m’appelle David Arnot. Je suis un sénateur de la Saskatchewan.

Le sénateur Fridhandler : Daryl Fridhandler, de l’Alberta.

Le sénateur D. M. Wells : David Wells, de Terre-Neuve-et-Labrador.

La sénatrice McCallum : Mary Jane McCallum, du territoire visé par le Traité no 10, dans la région du Manitoba.

[Français]

La sénatrice Youance : Suze Youance, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Lewis : Todd Lewis, de la Saskatchewan.

[Français]

Le sénateur Aucoin : Réjean Aucoin, de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Miville-Dechêne : Julie Miville-Dechêne, du Québec.

La vice-présidente : Je tiens à souhaiter la bienvenue aux gens qui sont avec nous aujourd’hui, ainsi qu’à celles et ceux qui nous écoutent à partir du Web sur sencanada.ca.

Aujourd’hui, en vertu de l’ordre de renvoi qui nous a été confié par le Sénat le 8 octobre 2025, nous continuons notre étude sur l’industrie du pétrole extracôtier de Terre-Neuve-et-Labrador. À cet effet, nous accueillons aujourd’hui par vidéoconférence des représentants de la Régie de l’énergie du Canada : Darren Christie, spécialiste en chef économie, Transparence et engagement stratégique; Keith Landra, spécialiste en chef, délégué à la sécurité; Mike Johnson, chef technique, Information sur l’énergie.

Nous accueillons aussi par vidéoconférence, à titre personnel, Wesley Foote, ingénieur à la retraite.

Je vous souhaite la bienvenue et vous remercie d’avoir accepté notre invitation. Vous aurez cinq minutes pour faire votre déclaration préliminaire, après quoi nous passerons à la période des questions.

[Traduction]

Darren Christie, spécialiste en chef économie, Transparence et engagement stratégique (Régie de l’énergie du Canada) : Bonjour, honorables sénateurs. Merci d’avoir invité la Régie de l’énergie du Canada à comparaître dans le cadre de l’étude sur l’industrie du pétrole extracôtier de Terre‑Neuve-et-Labrador.

Je suis accompagné de mes collègues, M. Keith Landra, délégué à la sécurité, et M. Mike Johnson, chef technique, Approvisionnement en énergie et données.

Je tiens d’abord à souligner que je me trouve à Calgary, dans les terres visées par le Traité no 7, qui constituent le territoire traditionnel de la Confédération des Pieds-Noirs, dont font partie les Premières Nations Siksika, Piikani et Kainai. Le territoire visé par le Traité no 7 abrite aussi les Premières Nations Tsuut’ina et Stoney Nakoda, qui regroupent les nations Chiniki, Bearspaw et Goodstoney. Nous rendons également hommage aux Métis qui se sont établis dans le sud de l’Alberta et qui en ont fait leur domicile.

[Français]

Aujourd’hui, j’aborderai trois sujets et je parlerai de leur lien avec l’étude sur l’industrie pétrolière extracôtière de Terre‑Neuve-et-Labrador : premièrement, le mandat et la compétence de la Régie de l’énergie du Canada; deuxièmement, la collaboration de la Régie de l’énergie du Canada avec les organismes de réglementation de l’énergie extracôtière du Canada atlantique; troisièmement, le mandat de la Régie de l’énergie du Canada pour ce qui est de produire de l’information sur l’énergie.

[Traduction]

La régie a pour mandat de réglementer l’infrastructure énergétique, en particulier les pipelines internationaux et interprovinciaux, les lignes internationales de transport d’électricité, les projets énergétiques extracôtiers et les lignes de transport d’électricité, de manière à prévenir les préjudices et à assurer que l’énergie est acheminée de manière sécuritaire, fiable, concurrentielle et durable sur le plan de l’environnement partout au Canada et ailleurs dans le monde.

[Français]

En ce qui concerne les activités extracôtières, la Régie de l’énergie du Canada a des responsabilités de réglementation pour l’exploration pétrolière et gazière dans les régions du Nord et au large des côtes du Canada qui ne sont pas régies par un régime de gestion conjoint fédéral-provincial.

[Traduction]

Ainsi, la Régie de l’énergie du Canada réglemente, entre autres, le forage, les essais, la production et la cessation d’exploitation des puits de pétrole et de gaz dans la zone extracôtière de l’Arctique canadien, la baie d’Hudson, la baie James et la baie d’Ungava, le golfe du Saint-Laurent et au large de la Colombie-Britannique sous le régime de la Loi sur les opérations pétrolières au Canada.

[Français]

À l’heure actuelle, il n’y a aucun programme de forage et d’exploration en cours ni aucune installation de production en activité dans les zones extracôtières relevant de la compétence de la Régie de l’énergie du Canada.

[Traduction]

En vertu de la Loi de mise en œuvre de l’Accord atlantique Canada — Terre-Neuve-et-Labrador et sur la gestion de l’énergie renouvelable extracôtière, la Régie Canada-Terre-Neuve-et-Labrador de l’énergie extracôtière, ou RC-TNLEE, a compétence réglementaire sur l’exploration et la mise en valeur des hydrocarbures extracôtiers au large des côtes de Terre-Neuve-et-Labrador.

Nos collègues de la RC-TNLEE sont les mieux placés pour répondre aux questions sur la réglementation de l’industrie du pétrole extracôtier de Terre-Neuve-et-Labrador, tandis que nous pouvons répondre, de notre côté, aux questions sur la façon dont la régie réglemente les installations de son ressort.

[Français]

Nous pouvons également parler de notre expertise en matière d’information sur l’énergie, y compris en ce qui concerne l’industrie pétrolière extracôtière de Terre-Neuve-et-Labrador.

[Traduction]

Bien que la Régie de l’énergie du Canada n’ait pas de responsabilité réglementaire à l’égard de l’industrie pétrolière extracôtière à Terre-Neuve-et-Labrador, elle collabore avec les organismes de réglementation de la zone extracôtière de l’Atlantique dans le cadre d’initiatives comme l’Initiative de renouvellement de la réglementation concernant les zones pionnières et extracôtières, un partenariat fédéral-provincial visant à moderniser le cadre de réglementation des activités pétrolières et gazières dans de telles zones au Canada.

La Régie a aussi des protocoles d’entente avec les organismes de réglementation de la zone extracôtière de l’Atlantique, dont la mise à jour est en cours. Ces protocoles d’entente sont axés sur la coopération en matière de réglementation et sur l’échange de pratiques exemplaires et de données pertinentes.

[Français]

Tout cela aide à établir un cadre de réglementation solide, clair et uniforme pour la surveillance des activités pétrolières et gazières dans toutes les zones extracôtières du Canada.

La Régie de l’énergie du Canada a aussi un mandat d’information sur l’énergie. Nous fournissons des données et des analyses qui éclairent la prise de décisions et le dialogue sur l’énergie au Canada.

Cela comprend la publication d’information et d’analyses sur l’industrie pétrolière dans toutes les régions du Canada, y compris les zones extracôtières de Terre-Neuve-et-Labrador.

[Traduction]

Par exemple, la régie produit des profils provinciaux et territoriaux dans lesquels les activités liées à l’énergie de chaque province et territoire sont résumées. Elle rédige des aperçus du marché qui mettent en lumière les principales tendances dans le secteur de l’énergie au Canada. Elle publie aussi des statistiques globales sur la production de pétrole et de gaz au Canada à partir des statistiques des provinces, ainsi que son rapport phare sur l’avenir énergétique qui examine à quoi pourraient ressembler la consommation et la production d’énergie au Canada au cours des prochaines décennies. Elle surveille continuellement les marchés du pétrole et du gaz afin de pouvoir publier des renseignements à jour et conseiller ses partenaires fédéraux.

[Français]

En conclusion, je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de m’entretenir avec vous aujourd’hui au sujet du travail de la Régie de l’énergie du Canada.

[Traduction]

Nous avons hâte de répondre à vos questions.

Wesley Foote, ingénieur à la retraite, à titre personnel : Bonjour. Merci de me donner l’occasion de comparaître devant votre comité ce matin. Je vous suis très reconnaissant que vous me permettiez de participer virtuellement. Je suis au bureau de la Régie Canada-Terre-Neuve-et-Labrador de l’énergie extracôtière, ou C-NLOER, à St. John’s, Terre-Neuve-et-Labrador, sur les territoires traditionnels de divers peuples autochtones. Je reconnais avec respect les histoires et cultures des Béothuks, des Mi’kmaq, des Innus et des Inuits.

J’ai été invité ici en ma qualité d’ancien coprésident de l’Évaluation régionale du forage exploratoire extracôtier pétrolier et gazier à l’est de Terre-Neuve-et-Labrador, qui a été achevée en février 2020.

Je tiens également à souligner que je siège actuellement au conseil d’administration du C-NLOER, dont le président‑directeur général et l’agente principale de la sécurité ont comparu devant vous mardi soir.

Les membres sont peut-être intéressés de savoir que j’ai 45 années d’expérience dans le secteur privé et public du pétrole et du gaz, notamment dans l’industrie, l’éducation et en tant qu’ancien sous-ministre adjoint de l’Exploitation pétrolière au gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador. J’ai consacré une grande partie de ma vie professionnelle à servir l’intérêt public dans des dossiers liés à la zone extracôtière de Terre-Neuve-et‑Labrador. J’ai donc une connaissance approfondie des technologies et des pratiques du secteur pétrolier et gazier dans cette région du monde, ainsi que de son importance économique, de ses défis et de ses possibilités.

L’évaluation régionale dont j’ai été nommé coprésident était la première menée en vertu de la Loi sur l’évaluation d’impact de 2019, ou la version précédente, la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale de 2012. Je peux affirmer avec certitude que notre évaluation régionale a amélioré avec succès l’efficacité du processus d’évaluation environnementale qui s’applique au forage exploratoire pétrolier et gazier, tout en maintenant les normes les plus élevées en matière de protection environnementale.

Pour ce faire, elle s’est appuyée sur l’expérience et les connaissances acquises dans le cadre de projets précédents et a utilisé la technologie pour créer un outil afin de présenter efficacement les données dans le temps et l’espace. Elle continue de réduire les chevauchements dans les processus et les renseignements grâce à des examens de projets plus efficaces, désormais rendus possibles grâce à une réglementation ministérielle qui exclut les forages exploratoires de se soumettre à une évaluation d’impact fédérale.

L’exemption est limitée à une zone extracôtière précise et est conditionnelle au respect d’une série de modalités axées sur la protection de l’environnement et la garantie d’une participation significative des Autochtones.

L’approche de consultation de la Couronne pour l’évaluation régionale a été décrite dans des documents accessibles au public qui énoncent l’approche adoptée avec les peuples autochtones.

Bien que notre comité composé de cinq membres ait été dissous après la présentation de notre rapport final, un programme de suivi de l’évaluation régionale a été créé par le gouvernement du Canada et le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador. Il continue de surveiller la mise en œuvre et l’efficacité des différents résultats de l’évaluation régionale, et de rendre des comptes à leur sujet, y compris les engagements pris dans le cadre de la réponse ministérielle connexe.

Le programme de suivi de l’évaluation régionale veille à ce que les renseignements et l’analyse demeurent valides et à jour et que les évaluations continuent à remplir leur fonction initiale, soit d’éclairer la prise de décision en matière de forage exploratoire et d’autres activités connexes dans la zone d’étude.

Ses rapports sont accessibles au public, et C-NLOER héberge également le système d’information géographique, ou SIG, un outil d’aide à la prise de décision qui a été élaboré dans le cadre de l’évaluation régionale mentionnée précédemment.

Je tiens à préciser que je n’ai pas participé à l’Évaluation régionale de l’exploitation de l’énergie éolienne extracôtière à Terre-Neuve-et-Labrador, mais que j’ai suivi ces travaux avec intérêt en tant que membre du conseil d’administration du C‑NLOER, étant donné que notre mandat a été élargi.

Je m’en voudrais de ne pas saisir cette occasion de remercier à nouveau le coprésident du Comité chargé de l’évaluation régionale de l’époque, Garth Bangay, ainsi que nos collègues du comité, le groupe de travail et les groupes de consultation qui ont travaillé avec tant de diligence avec nous et toutes les personnes qui ont contribué à notre évaluation régionale.

Je tiens également à remercier les membres de votre comité de l’intérêt qu’ils portent à la zone extracôtière Canada-Terre-Neuve-et-Labrador, et de l’invitation à les rencontrer.

Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions. Merci.

[Français]

La vice-présidente : Je vous remercie de vos déclarations. Nous allons maintenant passer à la période des questions. Je propose que cinq minutes soient accordées à chaque membre pour ce premier tour de table, y compris la question et la réponse. Nous ferons un deuxième tour de table si le temps nous le permet.

La sénatrice Miville-Dechêne : Ma question s’adresse à M. Foote.

[Traduction]

Je vous remercie d’être ici. Puisque vous étiez là quand l’évaluation régionale a été menée, vous avez acquis une expertise.

[Français]

Ma question est la suivante : quelles sont les leçons que vous avez tirées de votre expérience en 2020 quand vous avez fait ce rapport d’évaluation régional? Quelles leçons avez-vous tirées, qu’elles soient positives ou négatives? Que devrait-on faire mieux? En lisant nos notes, on se rend compte qu’à cette époque, vous aviez jugé que vous n’aviez pas assez de temps pour travailler et qu’il vous manquait du temps pour pousser les choses plus profondément.

Ensuite, qu’avez-vous découvert en ce qui concerne l’évaluation? Qu’y avait-il à corriger en matière d’évaluation environnementale?

[Traduction]

M. Foote : Merci. Pour ce qui est des leçons tirées, comme vous l’avez souligné à juste titre, la superficie du projet était de quelque 750 000 kilomètres carrés, ce qui est très vaste. Sur ce territoire, nous avions des puits historiques. Nous disposions de certaines données, mais une grande partie de la zone était pauvre en données. Il était clairement difficile de faire correspondre tout cela.

Le délai accordé posait problème. Le comité a commencé ses travaux avec un peu de retard. Il ne les a pas entamés avant avril. On a demandé de prolonger le délai, ce qui a été approuvé. Cela nous a aidés à franchir la ligne d’arrivée.

En ce qui concerne nos découvertes — j’en ai mentionné quelques-unes —, la vaste zone qui existe là-bas ne représente bien sûr pas toute la zone extracôtière de Terre-Neuve-et-Labrador. Ce n’est qu’une partie. En regroupant toutes ces données, la plus grande découverte qui me vient à l’esprit a été que les évaluations environnementales réalisées avant l’évaluation régionale semblaient universelles et longues. Il y avait beaucoup de copier-coller. Notre approche visait à changer cela et à communiquer les renseignements dans un format différent. Nous avons notamment créé un outil de soutien à la décision basé sur le SIG.

La sénatrice Miville-Dechêne : Vos deux dernières phrases étaient quelque peu techniques. Dites-moi comment elles devraient être modifiées? Je vous pose la question parce que cela continue de se produire. Une autre évaluation a été menée en mars 2023. Que faudrait-il améliorer pour avoir une meilleure évaluation? Qu’en pensez-vous? Vous êtes à la retraite maintenant. Vous pouvez nous dire ce que vous pensez. N’hésitez pas à nous faire part de vos suggestions d’amélioration. C’est en partie pourquoi nous vous posons des questions.

M. Foote : Oui, très certainement. Je vais revenir au SIG, soit le système d’information géographique. Dans les rapports précédents, il y avait littéralement des milliers de pages. Je vais prendre un seul exemple : la pêche à la crevette. Il y avait des cartes indiquant où et quand la pêche avait lieu et, dans cette zone particulière, quelle était l’incidence en ce qui a trait au temps et à l’espace.

Une fois que nous avons pu concevoir cet outil d’aide à la décision, le SIG, toutes les données au fil du temps — prises, fréquences, températures de l’eau, etc. — ont été présentées sur une plateforme sur laquelle vous pouviez faire des recherches et poser des questions : Quelle est la pêche à la crevette pendant ces mois particuliers, ces années? Est-elle plus importante? Est-elle moins importante? C’est un outil très intelligent qui nous permet d’examiner une multitude de données. Cela a changé la donne.

La sénatrice Miville-Dechêne : Merci.

Le sénateur Arnot : Monsieur Foote, de votre point de vue professionnel, croyez-vous que le Canada sous-estime le risque lié aux actifs inutilisables pour les projets extracôtiers, particulièrement si la demande mondiale de pétrole atteint des sommets plus tôt que prévu?

Si vous conseilliez le Parlement, l’avertiriez-vous que les modèles existants de la REC et de Ressources naturelles Canada sont trop optimistes concernant la compétitivité de l’industrie extracôtière après 2035?

Les systèmes actuels d’intervention en cas d’urgence environnementale sont-ils conçus pour les pires scénarios — les événements exceptionnels — ou pour les modèles de probabilité les plus optimistes de la dernière décennie?

Si vous n’avez pas le temps de répondre à ces questions aujourd’hui, je vous demanderais de mettre vos réponses par écrit et de les faire parvenir à la greffière, mais je serais heureux d’entendre vos réponses à ces questions.

M. Foote : Merci, sénateur Arnot. Le Canada sous-estime-t-il ses réserves inexploitées?

Le sénateur Arnot : Le risque lié aux actifs inutilisables.

M. Foote : Pendant cette période de transition, nous constatons que nos objectifs initiaux pour 2030 sont désormais légèrement repoussés par divers exploitants et pays et que nos actifs en eaux profondes sont principalement visés parce que les gisements les plus importants se trouvent dans nos zones extracôtières. Nous savons ce que nous avons, et il est important de continuer d’exploiter ces ressources, sans sous-estimer leur importance.

La REC et Ressources naturelles Canada sont-ils trop optimistes? Pourriez-vous répéter la question, je vous prie?

Le sénateur Arnot : Si vous conseilliez le Parlement, l’avertiriez-vous que les modèles existants de la REC et de Ressources naturelles Canada sont trop optimistes concernant la compétitivité de l’industrie extracôtière après 2035?

M. Foote : Je ne pense pas que nous soyons trop optimistes en ce qui concerne notre compétitivité. Beaucoup de travail a été accompli en ce qui concerne notre cadre réglementaire. Un exemple est l’évaluation régionale qui a harmonisé le Canada avec d’autres pays. J’estime raisonnablement que ce n’est pas trop optimiste.

En ce qui concerne notre intervention d’urgence actuelle, beaucoup de travail a été accompli, en particulier dans ce secteur, sur les interventions d’urgence et les déversements de pétrole. À mon avis, en ce qui concerne les technologies disponibles, nous continuons de mener des exercices de simulation et d’essayer d’améliorer l’équipement et nos systèmes pour que les gens puissent communiquer entre eux, notamment la Garde côtière, les organismes de réglementation et Transports Canada. Je suis convaincu que beaucoup de travail a été accompli ces dernières années pour nous permettre de rester à la fine pointe.

Le sénateur Arnot : Monsieur Johnson, la REC publiera-t‑elle une comparaison publique claire des intensités d’émissions, des revenus nets et des risques liés au marché entre la production extracôtière de Terre-Neuve et celle de l’Ouest canadien?

Mike Johnson, chef technique, Information sur l’énergie, Régie de l’énergie du Canada : Je peux dire à l’heure actuelle que je ne m’y attends pas. Elle a une vue d’ensemble de ce que nous publierons et de ce que nous ne publierons pas.

M. Christie : Pouvez-vous répéter la question? Elle portait sur l’intensité des émissions.

Le sénateur Arnot : La REC publiera-t-elle une comparaison publique claire des intensités d’émissions, des revenus nets et des risques liés au marché entre la production extracôtière de Terre-Neuve et celle de l’Ouest canadien?

M. Christie : Dans le cadre de notre programme d’information sur l’énergie, nous nous efforçons de fournir un éventail de renseignements pertinents. Si vous regardez, par exemple, notre dernier rapport intitulé Avenir énergétique, nous avons abordé l’intensité des émissions de la production extracôtière de Terre-Neuve au fil du temps dans différents scénarios. Dans le cadre de notre analyse, nous avons pris en considération les prix mondiaux projetés et les points de référence.

Je dirais que dans le cadre de cette série de rapports Avenir énergétique, nous cherchons à fournir ce type d’analyse transparente. Le dernier rapport a été publié en juin 2023, et nous travaillons actuellement sur la prochaine version.

Le sénateur D. M. Wells : Merci, chers témoins.

Monsieur Foote, avant de poser ma question, je tiens à vous remercier de vos années de service dans l’industrie extracôtière à Terre-Neuve-et-Labrador. Vous et moi avons travaillé ensemble au fil des ans, et je vous suis reconnaissant du travail que vous avez accompli.

Pourriez-vous parler un peu des nouvelles technologies qui ont vu le jour au fil des ans dans le forage et la production extracôtière, telles que l’exploration dans des eaux plus profondes, le forage dirigé, les extensions dont nous disposons dans un certain nombre de champs et leur incidence potentielle sur la longévité de nos installations extracôtières?

M. Foote : Merci, sénateur Wells. C’était toujours un plaisir de travailler avec vous.

Oui, les nouvelles technologies. En résumé, les anciennes technologies consistaient essentiellement à forer des puits verticaux. Si le réservoir avait une épaisseur de 20 mètres, la zone que vous intersectiez sur un puits vertical était de 20 mètres. À mesure que la technologie progressait, nous avons commencé à faire davantage de forage incliné, puis nous sommes passés au forage horizontal, où le même réservoir de 20 mètres d’épaisseur pouvait être intersecté par un puits horizontal de plusieurs centaines ou milliers de mètres.

En ce qui concerne le forage à longue portée à partir de la plateforme Hibernia, nous sommes à plus de 8 à 10 kilomètres de notre cible depuis la plateforme de forage. C’est certainement une avancée technologique.

Le scénario typique avec les technologies de forage, sénateur Wells, était d’utiliser de la boue de forage. Essentiellement, cette boue était un mélange destiné à équilibrer les pressions et à ramener les déblais à la surface.

Aujourd’hui, à Hibernia et à Hebron, des techniques de forage à pression contrôlée sont utilisées, car nous savons que ces fluides peuvent endommager les réservoirs. Si nous pouvons maintenir un équilibre de la pression au niveau du réservoir, il y aurait moins de dommages. Les technologies comme celle-ci améliorent continuellement nos taux de récupération.

Le sénateur D. M. Wells : Merci. J’ai une question également pour M. Johnson concernant l’approvisionnement énergétique et les données.

Avec les réserves et la production dont dispose le Canada, qui sont parmi les plus importantes au monde, pourquoi continuons‑nous d’importer des ressources pétrolières d’autres pays?

M. Johnson : Cela tient davantage à la manière dont le pétrole a été transporté et commercialisé en général. La majorité de notre production est dans l’Ouest canadien. Nous fournissons une partie importante de la production de l’Ouest canadien aux raffineries du sud de l’Ontario, et la ligne 9 peut atteindre le Québec.

Une grande quantité de pétrole est acheminée vers ces endroits, mais nous devons tout de même en importer dans certains endroits, comme la raffinerie Irving. Elle est reliée à la mer et a des options. Elle peut utiliser le pétrole provenant des installations extracôtières de Terre-Neuve-et-Labrador ou celui de la raffinerie Jean-Gaulin de Valero, à Québec. La raffinerie de Montréal est également reliée à la mer. Ces deux raffineries peuvent utiliser le pétrole extrait dans les zones extracôtières, mais elles ont de nombreuses options. Elles peuvent choisir les qualités qui leur conviennent le mieux sur les marchés internationaux.

En fait, c’est pour cette raison que nous continuons d’importer. Ce sont les options dont disposent ces raffineries. Oui, elles peuvent obtenir du pétrole de Terre-Neuve-et-Labrador quand elles le souhaitent, mais parfois, elles peuvent s’approvisionner ailleurs. Juste pour mettre les choses en perspective, je pense qu’en 2024, elles ont utilisé environ 30 000 barils de pétrole par jour provenant de Terre-Neuve-et-Labrador. Je ne me souviens pas de la capacité totale, mais je risquerais à dire environ 500 000 barils par jour. Elles n’en utilisent pas énormément.

Nous pouvons vous fournir le chiffre total. Nous pouvons faire quelques recherches et obtenir la capacité totale des trois raffineries.

Le sénateur D. M. Wells : Ce serait utile.

Ma dernière question s’adresse à M. Christie. Mesurez-vous la consommation et la production d’énergie au-delà du pétrole? Mesurez-vous l’hydroélectricité, l’énergie solaire et d’autres sources d’énergie, ou vous limitez-vous au pétrole?

M. Christie : Absolument. Dans le cadre de la série de rapports sur l’avenir énergétique où nous faisons des prévisions pour les décennies à venir, nous examinons toutes les sources d’énergie dans chaque province et territoire, tous les types d’électricité, l’hydrogène, le gaz naturel et le pétrole. Nous faisons tout cela efficacement.

Le sénateur D. M. Wells : Merci. Avec l’augmentation rapide des besoins en électricité dans les centres de données et le domaine de l’intelligence artificielle, avez-vous pris ce facteur en considération? C’est une demande relativement récente qui pèse sur la capacité électrique en Amérique du Nord.

M. Christie : Oui, absolument. J’ai mentionné juin 2023. Il y a eu beaucoup de changements à cet égard depuis. Ce n’était pas vraiment un point important lorsque nous avons publié une dernière série de projections. C’est l’un des points importants que nous examinons alors que nous ajustons notre priorité pour le prochain rapport. Les centres de données constituent un élément important, et il y a beaucoup d’incertitudes à ce sujet, mais c’est quelque chose que nous avons l’intention d’explorer dans le prochain rapport Avenir énergétique.

Le sénateur D. M. Wells : Est-ce un rapport annuel?

M. Christie : La fréquence a varié. La publication a souvent été semestrielle, en fonction du cycle dans lequel nous sommes, donc oui, elle varie en fonction de ce qui se passe sur le marché et de l’incertitude qui règne.

Le sénateur D. M. Wells : D’accord. Merci.

Le sénateur Fridhandler : Monsieur Foote, merci de comparaître aujourd’hui. C’est un plaisir de discuter avec une personne qui connaît depuis longtemps les activités extracôtières à Terre-Neuve. Mon collègue, le sénateur Wells, a volé ma question sur la technologie et sur ce que vous avez observé au fil des ans. Je vais aborder sous un angle différent les différentes technologies de forage et vous demander de commenter les technologies de récupération des réservoirs qui existent actuellement sur le marché ou qui pourraient être envisagées pour aller au-delà de la récupération primaire et les moyens de remettre les réservoirs sous pression afin d’obtenir une meilleure récupération.

M. Foote : Merci beaucoup. Tout à fait. Avec des réservoirs classiques de récupération primaire, on peut s’attendre à un taux de récupération de 10 % ou 15 %. Dans notre environnement extracôtier, il faut soumettre un plan d’exploitation en amont. Dans ce plan, nous examinons comment les exploitants prévoient optimiser la récupération.

Dès le début, nous examinons les méthodes, selon les circonstances. L’injection d’eau peut commencer immédiatement dès la mise en service des puits, essentiellement pour combler le vide laissé par le pétrole qui a été extrait et ainsi maintenir la pression. L’injection de gaz est également utilisée, et là encore, cette technologie aide à capter le pétrole.

Nos taux de récupération sont beaucoup plus élevés qu’avant. En fait, dans certains des meilleurs gisements d’Hibernia, nous avoisinons les 80 %. De nombreux travaux ont été menés récemment à l’Université Memorial sur la récupération assistée du pétrole, qui consiste à injecter des substances chimiques, des tensioactifs, etc. afin d’extraire les dernières bulles de pétrole piégées dans le réservoir. Donc oui, c’est ce qu’on fait depuis quelque temps.

Le sénateur Fridhandler : Merci. J’ai une question complémentaire, à nouveau pour M. Foote, mais j’invite les représentants de la régie à intervenir également.

De manière générale, je souhaiterais comprendre quels sont, selon vous, les obstacles à la poursuite de l’exploration, qu’ils soient d’ordre réglementaire, économique ou liés aux régimes de redevances. Que pouvons-nous faire pour accroître l’activité et les retombées économiques pour Terre-Neuve et le Canada au large des côtes de Terre-Neuve?

M. Foote : Certains des obstacles que nous observons sont propres à notre régime réglementaire. En effet, si l’on remonte dans le temps, à la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale, la LCEE, d’origine, c’étaient les offices des zones extracôtières qui étaient désignés comme autorités responsables en vertu de cette loi. Cela signifiait que l’organisme de réglementation pouvait effectuer des évaluations environnementales au nom du gouvernement. La Loi canadienne sur l’évaluation environnementale de 2012 est venue retirer aux organismes de réglementation des zones extracôtières le pouvoir de mener ces évaluations eux-mêmes. Les évaluations environnementales ont ensuite été confiées à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale. Puis est venue la Loi sur l’évaluation d’impact de 2019, qui a de nouveau imposé des délais.

Je me rappelle que l’Association des industries pétrolières et gazières de Terre-Neuve-et-Labrador avait effectué une étude avant l’évaluation régionale, qui montrait les différences entre le temps nécessaire pour réaliser une évaluation environnementale dans les différentes provinces. Le temps variait entre 20 et 150 jours environ, ailleurs. À l’époque, les projets de forage de deux puits à Terre-Neuve traînaient depuis plus de 900 jours. Il a fallu 900 jours pour réaliser l’évaluation environnementale nécessaire au forage de ces puits, ce qui aurait dû prendre de 30 à 60 jours.

La bonne nouvelle, cependant, c’est que l’évaluation régionale, par exemple, sans réduire en rien les exigences de protection de l’environnement, prend beaucoup moins de temps, ce qui a réduit le délai et le rend plus comparable à ce qu’on voit dans d’autres régions.

Le sénateur Fridhandler : Merci.

La sénatrice McCallum : Je vous remercie d’être ici pour répondre à nos questions.

Dans son dernier rapport, intitulé Oil 2025, l’Agence internationale de l’énergie prévoit que la croissance de la demande mondiale de pétrole atteindra son apogée d’ici 2030. Partagez-vous tous cette opinion? Lorsque je regarde ces prévisions, je pense que nous aurons besoin de pétrole encore longtemps. Prenons l’électricité. Le pays n’est pas prêt à passer à l’électricité. J’ai discuté avec les gens du Manitoba des besoins à prévoir si le pays passait à l’électricité. Nous sommes confrontés à des phénomènes météorologiques extrêmes, à des sécheresses, et ce sont les Premières Nations qui en souffrent. La demande atteindra-t-elle vraiment son sommet d’ici 2030? Parce qu’il semble que tout dépende de cela, et si nous cherchons vraiment ce qui est le mieux pour le Canada et que nous examinons la différence entre le pétrole léger et le pétrole lourd, alors nous avons vraiment besoin d’informations pour que le comité puisse prendre une décision éclairée au lieu de se contenter de ce qu’il a. Et pour les éoliennes, lorsque nous avons étudié le projet de loi C-49, on nous disait qu’il faudrait 10 ans pour réaliser ce projet.

Quelles sont les possibilités à moyen et à long terme pour de nouveaux projets d’approvisionnement et d’exportation visant le pétrole extracôtier de Terre-Neuve-et-Labrador? Il n’y a pas de raffinerie à Terre-Neuve-et-Labrador capable de transformer le pétrole extrait en mer en produits pétroliers raffinés. Quels seraient les avantages économiques de construire une raffinerie à Terre-Neuve-et-Labrador? Serait-il plus avantageux d’exporter le pétrole à l’étranger, et quels en seraient les inconvénients?

La vice-présidente : À qui posez-vous la question?

La sénatrice McCallum : Je pense surtout à M. Christie, mais j’aimerais que tous répondent à la question suivante : croyez-vous que la production pétrolière atteindra son apogée d’ici 2030?

M. Christie : Bien sûr. Je serai heureux de répondre à cette question. Merci de la poser.

Je commencerai par dire que quand on pense à l’avenir, la question que vous posez constitue une incertitude. Il n’y a pas une seule opinion. La Régie de l’énergie du Canada n’a pas d’opinion tranchée à ce sujet. Quand nous nous projetons, notre approche consiste à envisager un éventail de scénarios possibles, et cela se reflète surtout dans nos estimations de prix, compte tenu de la demande internationale de pétrole, parce qu’au bout du compte, le Canada est un grand exportateur de pétrole brut, donc ce sont vraiment les prix internationaux qui déterminent la rentabilité de la production, tant au large de Terre-Neuve que dans le bassin sédimentaire de l’Ouest canadien. Dans notre dernier rapport sur l’avenir énergétique, nous avons choisi d’utiliser une fourchette de prix assez large. Pour nos prévisions, nous avons utilisé les scénarios établis par l’Agence internationale de l’énergie, qui se fondent sur différentes perspectives de la demande mondiale de pétrole et sur les prix qui y sont associés. Nous avons constaté que cela avait un impact considérable sur le niveau de production, parfois même plus que les politiques mises en œuvre au Canada. Il s’agit vraiment d’un facteur déterminant dans notre projection de l’offre.

Je sais que cela ne constitue pas une réponse claire. Si je le pouvais, je vous donnerais une réponse plus claire. La réalité, c’est qu’il y a une incertitude à ce sujet, et nous estimons qu’il est important de prévoir un éventail de scénarios possibles en fonction de ce qui pourrait se produire, notamment en ce qui concerne la demande mondiale de pétrole.

La sénatrice McCallum : Quelqu’un d’autre souhaite-t-il faire des commentaires à ce sujet?

M. Johnson : J’aimerais ajouter quelque chose. Dans le cadre de notre travail, nous utilisons l’Agence internationale de l’énergie comme source d’information, comme l’a mentionné à juste titre M. Christie, mais nous avons également d’autres sources d’information. D’autres affirment que la demande en pétrole pourrait atteindre son sommet au début des années 2030, donc il semble que peut-être à ce moment-là... Nous savons que la Chine est en train de se décarboner. Cinquante pour cent des véhicules vendus en Chine sont désormais électriques. Cependant, nous devons analyser la situation canadienne par rapport à la situation mondiale. Ces deux situations peuvent être très différentes. M. Christie a tout à fait raison.

D’après nos modèles, nous pourrions atteindre nos objectifs de carboneutralité d’ici 2050 tout en produisant beaucoup de pétrole pour les marchés d’exportation. Cependant, cela n’est possible que dans la mesure où il y a de la demande. Sans demande, il n’y a pas de marché. Cela rend les choses beaucoup plus difficiles. Les prix du pétrole baissent, et les nouveaux projets ne seraient probablement pas rentables, si bien qu’ils ne verront probablement jamais le jour.

Enfin, pour répondre à votre question sur la construction d’une raffinerie à Terre-Neuve, le marché du raffinage est extrêmement concurrentiel, et il pourrait être plus rentable d’utiliser les produits fabriqués dans le bassin des Maritimes, probablement par la raffinerie Irving, plutôt que de construire une nouvelle raffinerie à Terre-Neuve-et-Labrador. Bien entendu, ce sont là des décisions qui relèvent du marché. Différents acteurs du marché vont intervenir, et s’ils pensent avoir un projet viable, ils vont tenter leur chance. Il peut donc être plus rentable d’exporter que de raffiner, et c’est peut-être ce que le marché nous a montré avec la fermeture de la raffinerie de pétrole de Come By Chance, sa réouverture comme usine de biocarburants, puis sa fermeture définitive.

M. Christie : J’allais juste ajouter — et je pense que cela rejoint votre question, sénatrice — que même dans les scénarios et les prévisions des groupes qui s’attendent à un plafonnement de la demande de pétrole, on s’attend généralement à ce que la demande se maintienne, et beaucoup se demandent quand ce plafonnement surviendra. Cependant, l’important, c’est ce qui se passera après, et dans la mesure où la demande se maintient pas mal, même si elle ne progresse plus, il y aura toujours un besoin important de barils dans le monde. Notre analyse montre que le Canada peut être très concurrentiel à long terme, même dans un contexte de prix plus bas.

La vice-présidente : Merci.

Le sénateur Lewis : Ma question porte également sur le pic de la demande en pétrole. Nous avons rencontré un représentant de la Régie canadienne de l’énergie qui nous a parlé de l’intelligence artificielle et de la façon dont elle transforme la demande en électricité. À bien des égards, en ce qui concerne le pétrole, il y a tellement de facteurs géopolitiques en jeu — dont la situation actuelle en Russie et la quantité de pétrole exportée de ce pays —, qu’il semble que ce pétrole ne sera plus accessible en raison des changements récents qui ont été apportés pour faire pression sur la Russie afin qu’elle ne puisse plus exporter son produit. Auriez-vous des commentaires à faire à ce sujet?

M. Christie : Je n’ai pas de commentaire à faire sur la situation en Russie en particulier. Dans l’ensemble, je pense qu’il y a un certain consensus à l’heure actuelle comme quoi l’offre est abondante à court terme, ce qui se reflète dans les pressions importantes qui s’exercent sur les prix du pétrole brut. C’est à plus long terme que l’incertitude augmente. Comme je l’ai déjà mentionné, notre approche consiste à prévoir différents scénarios, car il est très difficile d’avoir une idée précise de l’évolution des prix, de la demande et de l’équilibre de l’offre mondiale.

Le sénateur Lewis : Je pense que c’est intéressant pour des pays comme le Canada, qui ont de bonnes règles, un gouvernement stable et tout. Le Canada peut être un fournisseur de produits pétroliers pour l’exportation, il peut être perçu comme un fournisseur fiable et de qualité.

Il y a un autre point que j’aimerais aborder : nous avons un partenariat réglementaire entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. Ce partenariat fonctionne-t-il de manière assez harmonieuse? En cas de problèmes, comment les réglez-vous? Vous connaissez manifestement un certain succès. À long terme, pensez-vous qu’il y aura une grande différence entre la situation actuelle et celle qui prévaudra plus tard?

M. Christie : Cette question s’adresserait-elle à M. Foote, si vous parlez de la Régie Canada–Terre-Neuve-et-Labrador de l’énergie extracôtière?

Le sénateur Lewis : Certainement, elle s’adresse à quiconque a quelque chose à dire sur le partenariat entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux.

M. Foote : Oui, bien sûr. Ce partenariat repose sur l’accord atlantique, et je sais par mes fonctions de sous-ministre adjoint que nos relations avec le gouvernement provincial étaient cordiales, mais à chaque visite à Ottawa, je devais rappeler à mes homologues qu’il s’agissait d’un régime de gestion conjoint et qu’il existait des différences entre la production extracôtière de Terre-Neuve-et-Labrador, la production extracôtière de la Nouvelle-Écosse, par exemple, et bien sûr, la compétence de la Régie canadienne de l’énergie dans le Nord, où il y a beaucoup de différences.

En ce qui concerne ces relations, quand on regarde le travail accompli — je pense notamment à la santé et à la sécurité au travail —, il y avait beaucoup d’organismes autour de la table, dont les autorités provinciales, fédérales, les organismes de réglementation, puis les autres ministères compétents en matière de santé et de sécurité au travail. Cela exige beaucoup de diligence et peut être un processus lent. Ce n’est pas pour les âmes sensibles. Mais au final, nous avons signé plusieurs victoires.

Le sénateur Lewis : Merci.

[Français]

Le sénateur Aucoin : Merci aux invités. J’aimerais continuer dans la même veine que le sénateur Lewis. Étant donné que la demande de pétrole risque de diminuer avec la venue des produits électriques, comme les voitures électriques, le programme d’exploration à Terre-Neuve-et-Labrador continuera‑t-il d’être compétitif à l’avenir? Voilà ma première question pour celui qui voudra tenter de me fournir plus d’explications à ce sujet.

[Traduction]

M. Christie : Merci pour votre question. Je peux peut-être commencer. Je dirais qu’en ce qui concerne la production à long terme de Terre-Neuve-et-Labrador, il est toujours difficile de se projeter sur plusieurs décennies, quel que soit le type d’énergie, mais c’est particulièrement vrai ici, compte tenu de la nature des grands projets et des découvertes, ainsi que du temps qui peut s’écouler entre la découverte et le début de la production. La dernière fois que nous nous sommes penchés sur cette question, c’était dans le rapport Avenir énergétique du Canada en 2023. Nous envisagions alors différents scénarios dans lesquels le projet de Bay du Nord prenait forme et faisait augmenter l’offre à la fin des années 2020. Puis, après 2030 environ, nous prévoyions une baisse, d’après les taux de déclin naturels, puis nous prévoyions qu’il n’y aurait pas de nouveau projet d’envergure après cela.

Je pourrais peut-être inviter M. Johnson à nous en parler un peu plus.

M. Johnson : M. Christie a raison. Nous prévoyions que la production augmente à Terre-Neuve-et-Labrador jusqu’en 2030, puis diminue par la suite par déclin naturel et en l’absence de nouveau projet. Si l’on se demande de quoi aurait l’air la production à Terre-Neuve-et-Labrador dans un contexte de forte baisse de la demande, voilà probablement la réponse.

Pour ce qui est de la transition énergétique, elle pourrait être plus rapide dans ce cas, ou bien plus lente. Ou bien, peut-être que le monde atteindra les objectifs fixés pour 2050, et que cela se traduira par une baisse prolongée des émissions et une baisse prolongée de la demande de pétrole. Dans ce cas, les prix augmenteraient. Il est possible qu’il n’y ait pas de nouveau gisement dans notre rapport sur l’avenir énergétique, mais peut‑être qu’on en découvrira un après 2030 et qu’un nouveau gisement sera exploité. Nous savons qu’il y aura encore de l’exploration dans le bassin Orphan. Nous savons qu’Equinor continue de prospecter dans la région de Bay du Nord. Il est possible que nous assistions à une hausse de la demande si tel était le cas.

Je dirais qu’il y a une très grande incertitude à ce sujet et qu’il existe un vaste éventail de possibilités, toutes plausibles. Lorsque nous faisons de telles prévisions, je tiens à souligner que chaque scénario est une possibilité. Il ne s’agit pas de prédictions infaillibles. Dans ce cas particulier, les marges d’erreur sont grandes.

[Français]

La sénatrice Youance : J’ai une question qui s’adresse à M. Christie, et vous pourrez répondre à la première partie de ma question par écrit. Les raffineries de l’Est importent quelle quantité de pétrole? Aussi, qu’est-ce que cela représente comme valeur? Ensuite, combien coûterait une requalification pour transformer 100 % de notre pétrole canadien localement? Vous pourriez répondre à ma question par écrit si vous avez quelques données. En outre, est-ce une option économiquement viable pour transformer le pétrole de Terre-Neuve-et-Labrador?

La deuxième partie de ma question est la suivante : est-ce viable pour l’ensemble des sources de pétrole au Canada? De plus, j’aimerais savoir si c’est viable, compte tenu des incertitudes sur le marché international et de la demande. On disait un peu plus tôt qu’il y aurait une variation de la demande sur plusieurs années.

[Traduction]

M. Christie : Merci pour cette question. Concernant les raffineries dans l’Est et la valeur et le nombre des importations, nous pouvons en parler de manière générale, mais nous serons heureux de vous fournir des chiffres plus précis par la suite. Je dirais que nous n’avons pas analysé ce qu’il nous en coûterait pour que toute notre consommation soit canadienne. Selon la raffinerie, cela pourrait impliquer d’estimer les besoins en infrastructure, ce que nous n’avons malheureusement pas fait. Nous ne sommes donc pas en mesure de vous fournir cette information.

De manière plus générale, je dirais que dans les raffineries de l’Est, il serait généralement envisageable de traiter du brut léger, ce qui signifie qu’une partie du volume importé pourrait être remplacé par la production extracôtière de Terre-Neuve-et-Labrador ou des barils plus légers provenant de l’Ouest canadien. Toutefois, il ne serait pas possible d’y raffiner du pétrole lourd de Terre-Neuve-et-Labrador ou de l’Ouest canadien à l’heure actuelle. Cela nécessiterait une réorganisation importante des raffineries, et là encore, nous n’avons pas d’estimations de coûts pour cela. Comme je l’ai mentionné, je serai toutefois ravi de vous fournir des chiffres sur la valeur et le nombre des importations. Nous avons des chiffres à ce sujet.

[Français]

La vice-présidente : Merci beaucoup.

[Traduction]

Le sénateur Arnot : Monsieur Landra, je vais vous poser deux questions en 60 secondes et vous pourrez me donner votre réponse par écrit, car vous n’aurez probablement pas le temps d’y répondre maintenant.

Monsieur Landra, quels sont les deux principaux risques systémiques pour la sécurité que la Régie de l’énergie du Canada relève dans les activités extracôtières? Comment sont-ils quantifiés et vérifiés?

Deuxièmement, la régie est-elle convaincue que les infrastructures actuelles suffiraient pour intervenir en cas de déversement dans le pire des cas et non seulement dans le cas moyen?

Keith Landra, spécialiste en chef, délégué à la sécurité, Régie de l’énergie du Canada : Merci de votre question, sénateur. Nous pourrons très certainement vous fournir une réponse complète.

Le risque prédominant de l’exploration extracôtière est sans aucun doute celui d’une explosion. Diverses mesures d’atténuation sont prises pour prévenir un tel événement et diverses interventions sont possibles pour en réduire la durée.

Par ailleurs, il va de soi que toute activité doit s’accompagner d’une planification d’urgence et de plans d’intervention en cas de déversement. Nous envisageons les scénarios les plus pessimistes et le nombre de milliers de barils par jour. Nous attendons des entreprises qu’elles prévoient divers scénarios, y compris celui-ci. Nous pourrons vous fournir une réponse plus détaillée par écrit ultérieurement.

[Français]

La vice-présidente : Merci. Au nom de mes collègues du comité, j’aimerais vous remercier d’avoir pris le temps de nous rencontrer aujourd’hui.

Chers collègues, cela met fin à la portion publique de cette réunion du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles. Nous allons maintenant suspendre la séance pendant quelques minutes, le temps de passer en mode huis clos pour continuer nos travaux.

(La séance se poursuit à huis clos.)

Haut de page