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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’ÉNERGIE, DE L’ENVIRONNEMENT ET DES RESSOURCES NATURELLES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mardi 25 novembre 2025

Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd’hui, à 18 h 32 (HE), avec vidéoconférence, pour examiner, afin d’en faire rapport, la question de l’industrie du pétrole extracôtier de Terre-Neuve-et-Labrador. Il se réunira aussi à huis clos pour l’étude d’un projet d’ordre du jour (travaux futurs).

La sénatrice Joan Kingston (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Avant de commencer, je vous invite à prendre connaissance des cartes placées sur les tables dans la salle de comité pour connaître les lignes directrices visant à prévenir les incidents liés aux retours de son. Prière de garder les oreillettes à l’écart de tous les microphones en tout temps. Ne touchez pas aux microphones. Leur activation et leur désactivation seront contrôlées par l’opérateur de console.

Finalement, évitez de manipuler votre oreillette lorsque le microphone est activé. L’oreillette doit rester sur l’oreille ou être déposée sur l’autocollant prévu à cet effet à chaque siège. Merci pour votre coopération.

Je voudrais commencer par reconnaître que la terre sur laquelle nous nous réunissons est le territoire traditionnel, ancestral et non cédé de la nation algonquine anishinabe.

Je m’appelle Joan Kingston, sénatrice du Nouveau-Brunswick et présidente du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles. J’aimerais maintenant demander à mes collègues de se présenter, en commençant par ma droite.

[Français]

La sénatrice Verner : Josée Verner, vice-présidente du comité, du Québec.

La sénatrice Miville-Dechêne : Julie Miville-Dechêne, du Québec.

La sénatrice Youance : Suze Youance, du Québec.

Le sénateur Aucoin : Réjean Aucoin, de la Nouvelle-Écosse.

[Traduction]

Le sénateur Lewis : Todd Lewis, de la Saskatchewan.

La sénatrice McCallum : Mary Jane McCallum, du territoire visé par le Traité no 10, de la région du Manitoba.

Le sénateur Fridhandler : Daryl Fridhandler, de l’Alberta.

Le sénateur D. M. Wells : David Wells, de Terre-Neuve-et-Labrador.

[Français]

La sénatrice Galvez : Rosa Galvez, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Arnot : David Arnot, de la Saskatchewan.

La présidente : Merci chers collègues. Je tiens à souhaiter la bienvenue aux gens avec nous aujourd’hui, ainsi qu’à celles et ceux qui nous écoutent à partir du Web sur sencanada.ca.

Aujourd’hui, en vertu de l’ordre de renvoi qui nous a été confié par le Sénat le 8 octobre dernier, nous continuons notre étude sur l’industrie du pétrole extracôtier de Terre-Neuve-et-Labrador. À cet effet, nous accueillons aujourd’hui nos premiers témoins : à titre personnel, Max Ruelokke, ingénieur professionnel (à la retraite), par vidéoconférence, ainsi qu’Ashley Woodford, directrice générale de One Ocean, par vidéoconférence également.

Monsieur Ruelokke et madame Woodford, nous vous souhaitons la bienvenue ce soir. Vous aurez cinq minutes pour faire une déclaration préliminaire, après quoi nous passerons à la période de questions.

Monsieur Ruelokke, vous pouvez commencer.

Max Ruelokke, ingénieur professionnel (à la retraite), à titre personnel : Merci, madame la présidente. Je suis un ingénieur professionnel à la retraite et un plongeur à des fins commerciales originaire de Terre-Neuve-et-Labrador. J’ai passé près de 40 ans dans l’industrie pétrolière et gazière extracôtière, principalement au Canada atlantique, mais aussi dans le golfe du Mexique, la mer du Nord, au large du Brésil, au large de l’Inde et dans la mer de Beaufort. C’est la fin de ma déclaration liminaire. Je serai heureux de répondre à vos questions.

La présidente : D’accord. Merci beaucoup.

Madame Woodford, pouvez-vous enchaîner?

Ashley Woodford, directrice générale, One Ocean : Bonsoir, honorables sénatrices et sénateurs. Merci beaucoup de m’avoir invitée à être des vôtres ce soir et à m’adresser au comité. C’est un plaisir pour moi d’être ici afin de vous parler un peu de One Ocean, l’organisation de liaison pour les industries de la pêche et du pétrole extracôtier à Terre-Neuve-et-Labrador

Permettez-moi de vous expliquer brièvement quand et pourquoi l’organisation a été créée. En 2001, l’Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers, ou C-TNLOHE, devenue depuis la Régie Canada-Terre-Neuve-et-Labrador de l’énergie extracôtière, ou RC-TNLEE, a organisé une série de rencontres avec des représentants des industries de la pêche et du pétrole afin de discuter de la création d’un organisme de liaison qui renforcerait les relations de travail entre les deux industries à Terre-Neuve-et-Labrador.

Au début des années 2000, ces discussions tombaient à point, car l’industrie pétrolière extracôtière était très active. Hibernia exerçait des activités sur le terrain, on s’attendait à découvrir pour la première fois du pétrole à Terra Nova et des travaux sur le terrain étaient en cours dans le champ pétrolifère White Rose. Ces activités faisaient partie des travaux à l’appui d’une industrie pétrolière extracôtière active et en croissance.

Quant à l’industrie de la pêche, comme vous le savez, celle de Terre-Neuve-et-Labrador est solide. Elle est pratiquée depuis longtemps, avec des traditions de longue date, et fait partie de notre paysage culturel. Autrefois, bien sûr, elle dépendait fortement de la morue. De nos jours, diverses espèces sont pêchées et transformées dans la province, dont le crabe des neiges, le homard, la crevette, la morue, la limande à queue jaune, le tambour rouge. Comme vous le savez, les industries de la pêche et du pétrole extracôtier sont extrêmement importantes pour l’économie de Terre-Neuve-et-Labrador

Lorsque ces deux industries se sont réunies au début des années 2000, elles ont toutes deux reconnu l’importance de mettre en place une tribune pour rassembler des représentants de l’industrie, communiquer et échanger de l’information, en apprendre davantage sur les activités opérationnelles des autres et donner l’occasion de cerner, de gérer et de régler des enjeux avant qu’ils ne deviennent problématiques.

One Ocean a été officiellement mis sur pied en 2002. Je vais aussi vous parler brièvement ce soir de notre structure organisationnelle, qui comprend un secrétariat, un président et une directrice générale, un conseil d’administration, un groupe de travail et un comité des pêches et des droits fonciers. Avant de discuter des parties prenantes qui collaborent avec One Ocean, je trouve qu’il est très important de mentionner que One Ocean ne représente pas les industries de la pêche et du pétrole extracôtier à Terre-Neuve-et-Labrador, mais sert plutôt de pont entre les deux.

Comme nous sommes une organisation de liaison impartiale, il est important que les deux industries soient représentées à parts égales. Depuis 23 ans, nous avons le privilège de bénéficier de la participation et de l’engagement des leaders de l’industrie dans les secteurs provinciaux de la pêche et du pétrole extracôtier. Nous pouvons compter sur des représentants de la pêche de FFAW-Unifor, de l’Association of Seafood Producers et de l’Atlantic Groundfish Council.

Les administrateurs de l’industrie pétrolière proviennent d’organisations membres de l’Association canadienne des producteurs pétroliers, ou ACPP. Nous estimons aussi utile d’avoir, au sein de notre conseil d’administration, des organismes de réglementation de l’industrie et voulons la participation de la RC-TNLEE, du ministère des Pêches et des Océans, du Fisheries and Marine Institute ainsi que de la Garde côtière canadienne.

En bref, nos objectifs comprennent la création d’une tribune impartiale pour favoriser l’échange d’informations, aider à comprendre les activités opérationnelles du secteur, cibler et promouvoir des initiatives particulières en vue de relever les défis de l’industrie et assurer une coexistence fructueuse. Je sais que nous n’avons pas beaucoup de temps ce soir pour les déclarations liminaires.

En résumé, nos objectifs sont atteints grâce à des activités telles que des tables rondes rigoureuses lors des réunions de One Ocean pour la communication d’informations, des séminaires éducatifs, des voyages d’études et le développement de ressources matérielles. Ces ressources comprennent des documents portant sur une mobilisation efficace et des outils comme un guide pour l’élaboration de plans de communication sur les pêches à l’intention des programmes de forage d’exploration. Nous avons également assisté à un engagement important au chapitre de la prévention des déversements d’hydrocarbures et des interventions à la suite de tels incidents, ainsi que sur le plan des levés sismiques, qui représentent une priorité pour nos groupes membres.

Très brièvement, voici un aperçu de notre organisation ainsi que de certaines pratiques et ressources mutuellement profitables mises au point par notre organisation au cours des 23 dernières années. Pour obtenir de plus amples renseignements, je vous invite à consulter notre site Web, oneocean.ca.

En terminant ma brève déclaration liminaire, je mentionnerai au comité que l’élément primordial de One Ocean est la coexistence fructueuse entre les industries de la pêche et du pétrole extracôtier à Terre-Neuve-et-Labrador. Pour assurer une coexistence réussie, les deux industries doivent bien entendu travailler ensemble et s’efforcer de communiquer efficacement, de gérer les attentes, d’accroître la sensibilisation et la compréhension, de relever et de gérer les conflits éventuels et les risques, de déterminer les priorités communes, d’assurer des pratiques sécuritaires et, surtout, d’instaurer la confiance, la coopération et le respect. Nous savons que la réalisation de tous ces objectifs peut être difficile, mais les collaborations antérieures des industries de la pêche et du pétrole extracôtier à Terre-Neuve-et-Labrador démontrent que c’est possible.

Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de m’adresser au comité ce soir et j’ai hâte de répondre à vos questions.

La présidente : Je vous remercie tous les deux. Passons maintenant aux questions des sénatrices et des sénateurs. Il y aura un bloc d’environ cinq minutes pour les questions et réponses de chacun des sénateurs lors du premier tour de table. J’aimerais commencer par la sénatrice Verner.

[Français]

La sénatrice Verner : Ma question s’adresse à M. Ruelokke. Dans une entrevue à CBC News en 2022, vous avez affirmé que la tragédie de la plateforme Ocean Ranger en 1982 a provoqué un changement profond et durable des mesures visant à assurer la sécurité des travailleurs et des installations extracôtières. Selon vous, quelles sont les principales mesures découlant de l’enquête publique qui ont eu jusqu’à aujourd’hui la plus grande incidence sur la sécurité des travailleurs et des installations afin d’éviter une nouvelle tragédie?

[Traduction]

M. Ruelokke : Il y a eu tellement de recommandations issues de l’enquête. Il est difficile de parler de quelques-unes seulement, mais celles qui, selon moi, ont eu le plus d’impact — j’ai en fait travaillé sur l’Ocean Ranger; nous étions les entrepreneurs retenus pour la plongée là-bas... Nous n’avions aucune formation en matière de sécurité et pas de combinaisons d’immersion. Sur la plateforme pétrolière, nous n’avions pas de véritable culture axée sur la sécurité. Tout le monde pensait que la sécurité était la responsabilité du superviseur de la sécurité et non la sienne. Bien sûr, c’est loin d’être la vérité. Je pense qu’on peut dire sans se tromper qu’aucun autre incident dans le monde n’a entraîné autant de changements touchant la sécurité que celui d’Ocean Ranger. Depuis une vingtaine d’années, notre industrie est plus sécuritaire qu’elle ne l’a jamais été.

Le sénateur D. M. Wells : Avant de poser ma question, certainement à M. Ruelokke en premier lieu, je veux simplement dire qu’il a considérablement minimisé son rôle dans l’industrie du pétrole extracôtier de Terre-Neuve-et-Labrador. Il n’est pas seulement très respecté à titre d’expert en réglementation et en ingénierie à Terre-Neuve-et-Labrador, il l’est également à l’échelle mondiale. Je veux simplement reconnaître la qualité du professionnalisme du témoin. Il a aussi mis en place la culture de sécurité à laquelle il faisait probablement référence, mais je veux insister un peu plus sur le fait que, même si l’organisme de réglementation, lorsqu’il s’agissait de la RC-TNLEE, s’est vu imposer quatre mandats par l’Accord atlantique, c’est M. Ruelokke qui a renforcé le fait que la sécurité devait se voir accorder la plus haute importance.

Je veux aussi dire qu’il a été un mentor pour moi dans mes fonctions au sein du conseil d’administration pendant qu’il en faisait partie. Je voulais commencer en disant cela.

Monsieur Ruelokke, on entend constamment des comparaisons avec des organismes de réglementation partout dans le monde, que ce soit en Guyane, en Afrique de l’Ouest, dans la mer de Beaufort et surtout en Norvège. Avons-nous quelque chose à apprendre de ces organismes, ou comment la Régie Canada-Terre-Neuve-et-Labrador de l’énergie extracôtière se compare-t-elle à celles d’autres pays?

M. Ruelokke : Je pense que la Régie se compare favorablement à ces organismes. Sénateur Wells, comme vous le savez, nous disposons du Forum international de la réglementation, qui réunit les organismes de réglementation de plusieurs pays, y compris ceux que vous avez mentionnés.

Le but principal est d’apprendre les uns des autres. Je pense que nous faisons tous un très bon travail dans nos propres territoires de compétence, mais quand nous nous réunissons et comparons nos idées, nous trouvons toujours des choses que nous pouvons améliorer dans une certaine mesure. Cependant, pour ce qui est de l’efficacité globale du régime de réglementation de la sécurité à Terre-Neuve-et-Labrador, je pense que le régime est aussi bon que n’importe quel autre, voire bien meilleur que certains d’entre eux.

Le sénateur D. M. Wells : Merci, monsieur Ruelokke. Selon vous, quel est le plus grand obstacle à l’augmentation de l’activité extracôtière?

M. Ruelokke : Je pense qu’en ce moment, malheureusement, c’est un obstacle créé par les gouvernements. Je pense que l’adoption du projet de loi C-49 a introduit un niveau de risque plus élevé pour les activités pétrolières extracôtières. L’article 56 donne aux gouvernements la possibilité de faire cesser l’exploration, le développement ou la production dans le cadre d’un projet déjà approuvé. Le projet peut aussi être soumis à des évaluations environnementales, à des plans de développement et à des plans pour définir les avantages si les gouvernements ont l’impression qu’il y aura une menace plus tard pour l’environnement. De plus, les gouvernements peuvent adopter des lois visant à faire cesser les activités, même si la production est bel et bien entamée, par exemple dans le cas d’Hibernia ou de Terra Nova. Je crois que c’est l’une des raisons pour lesquelles il n’y a pas eu d’autres propositions pour des licences d’exploration au cours des deux dernières années. C’est très malsain. Si nous ne poursuivons pas l’exploration, notre industrie sera en déclin.

Le sénateur D. M. Wells : Donc, une modification aux dispositions législatives ou la suppression de l’article 56 du projet de loi C-49 serait une solution selon vous?

M. Ruelokke : Absolument. J’estime que ce serait le cas. Oui.

Le sénateur D. M. Wells : Merci. J’ai aussi une question pour Mme Woodford. Merci, madame Woodford, pour votre exposé et pour le travail que vous faites afin d’atténuer les risques.

Pouvez-vous parler de certains conflits qui ont surgi et que One Ocean a aidé à résoudre avant qu’ils ne se transforment en véritables conflits sur l’eau ou sur la terre?

Mme Woodford : Certainement. Merci, sénateur Wells, pour votre question. Comme je l’ai mentionné dans mes commentaires, le plus grand objectif de One Ocean est de soutenir une coexistence fructueuse dans l’environnement marin partagé entre l’industrie pétrolière extracôtière et le secteur de la pêche à Terre-Neuve-et-Labrador.

Il y a, bien sûr, des possibilités de chevauchement entre ces deux industries, notamment en ce qui concerne les programmes d’exploration et les programmes de levés sismiques. Au cours des 23 dernières années, nous avons certainement constaté que la meilleure façon d’aider à atténuer n’importe quel problème, qu’il soit lié à un programme de forage d’exploration ou à un programme de levés sismiques, consiste à fournir rapidement un avis à l’industrie de la pêche, à collaborer avec celle-ci et à communiquer efficacement avec elle.

À titre d’exemple, je vais utiliser le programme des levés sismiques, qui ont évidemment souvent lieu au printemps et à l’été, soit en même temps que la période de la pêche au crabe. Lorsque ces programmes, souvent de grande envergure, sont en cours et couvrent un vaste secteur tout au long du printemps et de l’été, il est extrêmement important de mobiliser tôt et de façon continue les parties prenantes de l’industrie de la pêche pendant toute la durée du programme. Je dirais sans aucun doute que certains des protocoles de communication que nous avons aidés à mettre en place entre les parties, qu’ils touchent les levés sismiques ou qu’ils soient des recommandations pour la communication concernant les programmes de forage d’exploration, sont des initiatives qui favorisent la communication et jouent un rôle important dans l’atténuation des conflits. Un autre exemple est le programme des agents de liaison des pêches, administré par FFAW-Unifor, qui permet à une personne de monter à bord d’un navire chargé d’effectuer des levés sismiques, et d’aider à atténuer tout conflit avec les activités relatives à la pêche grâce à la communication à bord de ce navire.

La présidente : Merci.

La sénatrice Galvez : Ma première question s’adresse à M. Ruelokke. Nous savons qu’en 2018, il y a eu un déversement de 250 000 litres de pétrole brut dans l’océan Atlantique. Estimez-vous que cela est négligeable? Où tracez-vous la limite pour dire que ces impacts environnementaux ne sont pas importants et que nous devrions par conséquent supprimer l’article 56, mais que d’autres impacts environnementaux, comme ceux causés par Deepwater Horizon, sont inacceptables? Où tracez-vous la ligne? Qu’est-ce qui est acceptable? Qu’est-ce qui n’est pas acceptable?

M. Ruelokke : Aucun déversement de pétrole n’est acceptable, en aucun temps, dans l’environnement marin.

La sénatrice Galvez : D’accord. Merci. Je veux vous parler des aspects économiques de l’exploitation pétrolière. Nous savons que les États-Unis ont l’intention de louer des plateformes et de vendre du nouveau pétrole extracôtier et que les deux principales entreprises concernées sont Chevron et ExxonMobil.

De même, nous assistons à l’essor de l’exploration et de la production pétrolières en Amérique du Sud, soit au Brésil et en Guyane. Ma première question est la suivante : quelle est l’incidence de cette concurrence des États-Unis et de celle de la Guyane et du Brésil sur l’économie du pétrole à Terre-Neuve-et-Labrador? À combien pensez-vous que le prix du baril de pétrole s’élèvera? Pensez-vous qu’il reviendra finalement à 100 $ le baril?

M. Ruelokke : Je vais d’abord répondre à votre première question. L’industrie pétrolière est compétitive à l’échelle mondiale. Lorsque les compagnies pétrolières déterminent où elles vont investir leur argent, elles font une évaluation des risques, qui tient compte de divers facteurs. L’un d’eux, qui est le plus important évidemment, est la productivité potentielle de tout réservoir. C’est pourquoi nous avons assisté à une augmentation aussi importante ces dernières années en Guyane.

Malheureusement, les compagnies pétrolières vont investir leur argent dans les zones qui semblent les plus productives. Le fait que le gouvernement américain actuel autorise l’exploration pétrolière dans des zones extracôtières qui étaient jusque-là interdites, c’est certainement un facteur qui, encore une fois, réduit le potentiel d’investissements supplémentaires dans la zone extracôtière de Terre-Neuve-et-Labrador.

Pour répondre à votre deuxième question, si je pouvais prédire le prix du pétrole à quelque moment que ce soit, je serais un homme beaucoup plus riche que je ne le suis actuellement. Je ne peux vraiment pas répondre à cette question. Mais je vais juste énoncer quelques faits qui auront un impact là-dessus.

En 2022, le rapport de l’Agence internationale de l’énergie prévoyait que la demande mondiale de pétrole, actuellement d’environ 100 millions de barils de pétrole par jour, passerait à 24 millions de barils par jour d’ici 2050. Il y a 13 jours, soit le 12 novembre, l’Agence a publié son rapport de 2025. Elle a indiqué que, selon les politiques gouvernementales actuelles, la demande quotidienne de pétrole en 2050 ne sera pas de 24 millions de barils par jour, mais bien de 113 millions de barils de pétrole par jour. Si on examine ces deux chiffres, on pourrait croire que le prix du pétrole continuera d’augmenter parce que la demande va augmenter.

La sénatrice Galvez : Qu’en est-il de l’offre? L’offre n’augmente-t-elle pas?

M. Ruelokke : L’offre a augmenté, mais comme c’est une ressource non renouvelable, l’offre finira par s’épuiser.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Je vais d’abord poser une question à Mme Woodford.

J’aimerais savoir qui finance One Ocean. D’où vient le financement?

[Traduction]

Mme Woodford : Merci pour votre question. One Ocean est financé par les fonds privés de nos organisations membres. Nous ne recevons aucun financement public.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Vous n’êtes pas financés par l’industrie pétrolière?

[Traduction]

Mme Woodford : Nous sommes financés par les organisations membres de l’Association canadienne des producteurs pétroliers.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Très bien.

Nous avons reçu la représentante d’Unifor la semaine dernière, qui nous a parlé des pêches. Elle était un peu moins optimiste que vous sur la question des pêcheurs. On a appris qu’il n’y avait pas de compensation quand un grand territoire était occupé par des prospecteurs de pétrole. Sur la question des compensations et de la manière de compenser, avez-vous déjà été impliqués dans des négociations pour compenser les pêcheurs pour les territoires de mer occupés ou détruits en partie par l’exploration pétrolière?

[Traduction]

Mme Woodford : Merci pour votre question. Je voudrais d’abord dire — et je l’ai mentionné dans ma déclaration liminaire — que One Ocean est un groupe industriel impartial. Nous ne représentons pas l’industrie de la pêche, ni l’industrie pétrolière extracôtière de Terre-Neuve-et-Labrador; nous sommes plutôt un pont entre les deux industries. C’est, bien sûr, toujours important pour moi de le souligner. Les groupes de chaque industrie représentent les intérêts de leurs membres et organisations respectives.

En ce qui a trait à votre question sur l’indemnisation, les dispositions législatives et la réglementation n’ont jamais prévu d’exigence concernant l’indemnisation découlant de l’exploration et de la zone pouvant être détruite. C’est une question compliquée. Je ne peux pas dire si elle a déjà fait l’objet de discussions dans le passé. À ma connaissance, il n’en a jamais été question.

Évidemment, avant qu’une compagnie pétrolière ou un exploitant obtienne une licence de forage d’exploration, l’entité doit se soumettre au processus lié au régime foncier tel que réglementé par la RC-TNLEER. Dans le cadre de ce processus, il existe des possibilités, par l’entremise du régime foncier, pour des groupes comme ceux de l’industrie de la pêche ainsi que pour toute personne ou tout membre du public de fournir des renseignements à l’appui des terres visées par des appels d’offres. Tout au long de ce processus, l’organisme de réglementation encourage l’industrie de la pêche, et l’a encouragée depuis les débuts des activités extracôtières de Terre-Neuve, à soumettre des données et des informations à l’appui de toute information sur la pêche concernant les zones envisagées pour des offres potentielles.

Il existe un système complet, évidemment géré par la RC-TNLEER, au sein duquel les intérêts de l’industrie de la pêche peuvent être intégrés au processus lié au régime foncier avant le début d’un programme d’exploration. La première étape, c’est la possibilité de contribuer à ce processus avant même que le forage d’exploration n’ait lieu, afin de faire comprendre où se trouvent les zones de pêche. Nous savons que cela peut changer d’une année à l’autre.

Mais, en résumé, il n’y a jamais eu d’exigence législative ou réglementaire à cet effet.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Est-ce que les pêcheurs ont déjà gagné? À un certain moment, ont-ils réussi à faire arrêter l’exploration pétrolière parce que cela avait un trop grand impact sur les bancs de poissons?

[Traduction]

Mme Woodford : Non. Si je comprends bien, votre question vise à savoir si les intérêts de la pêche ont déjà pu mettre un terme à un processus. Dans le programme de forage d’exploration, cela ne s’est jamais produit dans notre province. Nous espérons certes que, grâce à une consultation rigoureuse, les porte-parole défendant les intérêts de la pêche seront entendus bien avant le début de tout programme de forage d’exploration. Comme je l’ai mentionné, l’industrie de la pêche a l’occasion de se faire entendre dans le cadre du processus lié au régime foncier.

La sénatrice Miville-Dechêne : Je dois vous interrompre parce que je n’ai plus de temps. Merci beaucoup.

[Français]

Le sénateur Aucoin : Merci à nos deux invités. Ma question s’adresse à Max Ruelokke. Vous êtes ingénieur et vous êtes également plongeur, comme vous l’avez dit. Vous avez travaillé partout dans le monde et vous avez visité beaucoup de plateformes de forage. Durant les dernières semaines, beaucoup de témoins nous ont parlé des mesures de sécurité qui sont prises. Vous-même, vous nous avez parlé du niveau de sécurité à Terre-Neuve-et-Labrador, qui est bien vu un peu partout.

Ma question concerne deux points. J’aimerais savoir comment cela fonctionne au fond de l’océan, parce qu’on n’en a pas parlé. Par exemple, pour ce qui est des puits de pétrole, s’il faut aller « caper » le fond de l’océan pour différentes raisons ou s’il faut déménager la plateforme, comment cela se passe-t-il et à quoi cela ressemble-t-il? Est-ce sécuritaire?

[Traduction]

M. Ruelokke : Merci pour votre question. Je parlerai précisément d’un puits d’exploration éloigné, ou peut-être d’un puits de production éloigné. Dans le cas d’un système flottant de production et de déchargement, les puits ne sont pas directement situés à l’intérieur de la plateforme, mais plutôt sur le fond marin, à une certaine distance. Un système de vannes est relié à chacune des vannes sous-marines de chaque puits de pétrole. Les vannes sont contrôlées à distance depuis la surface.

S’il fallait, par exemple, s’éloigner de ce puits en particulier, pour une raison quelconque, nous fermerions ces valves et nous ferions circuler de l’eau de mer dans le pipeline pour nous assurer qu’il n’y aura pas de déversement. Il serait alors sécuritaire de s’éloigner de ce puits.

S’il s’agit d’un puits d’exploration, au fond de la colonne de forage — située sur le fond marin — au-dessus du tube de forage sous-marin, il y a ce qu’on appelle le bloc obturateur de puits. Ce bloc est doté d’un ensemble de vannes et, dans les cas extrêmes, de mâchoires de sécurité à cisaillement. Il peut fermer la vanne, puis cisailler le tube de forage. Il est alors sécuritaire de partir.

Malheureusement, on a vu des cas où cette mesure n’a pas fonctionné. Et le cas le plus spectaculaire fut celui du Deepwater Horizon en 2011 dans le golfe du Mexique, où le bloc obturateur de puits n’a pas réussi à faire son travail et il y a évidemment eu un énorme déversement par la suite.

[Français]

Le sénateur Aucoin : Ma dernière question porte là-dessus. Est-ce qu’il y a quelque chose d’autre qu’on pourrait faire pour améliorer ce système afin d’empêcher des éruptions?

[Traduction]

M. Ruelokke : Il y a généralement trois ensembles de mâchoires de sécurité dans le bloc obturateur de puits. Chacun d’eux, s’il est bien utilisé, peut empêcher une éruption. Malheureusement, il peut arriver que les trois ne fonctionnent pas. À ma connaissance, cette situation ne s’est produite qu’une seule fois, bien qu’une fois, ce soit déjà trop.

Les gens cherchent toujours des moyens d’améliorer les choses, mais à ma connaissance, on n’en a malheureusement pas encore trouvé pour cette situation.

Le sénateur Aucoin : Merci, monsieur.

La présidente : Je tiens à informer chacun de nos invités que, bien que vous soyez en sourdine chaque fois que vous cessez de parler, votre micro n’est pas automatiquement rallumé. Nous sommes désolés pour cela.

Le sénateur Arnot : Monsieur Ruelokke, vous possédez une vaste expertise. Selon votre compréhension qui repose sur une longue carrière dans le secteur, croyez-vous que Terre-Neuve-et-Labrador peut rester compétitive et sécuritaire dans un monde carboneutre en 2035?

Deuxièmement — et c’est une question générale que je vais préciser —, quelles conditions de marché et économiques seraient nécessaires pour lui permettre de demeurer compétitive et sécuritaire?

Et, monsieur, je veux comprendre, voulez-vous dire que dans le projet de loi C-49, l’article 56 est un obstacle à l’investissement qui est essentiel? Est-ce que le projet de Bay du Nord doit obtenir l’aval total pour qu’on assure la survie de l’industrie du pétrole extracôtier de Terre-Neuve?

M. Ruelokke : Oui. Je vais d’abord répondre à votre deuxième question. Je pense que si le projet de Bay du Nord n’a pas lieu, on continuera d’assister au déclin de la production globale au sein de l’industrie pétrolière et gazière extracôtière de Terre-Neuve.

Hibernia s’adonne à la production depuis 1997, Terra Nova et White Rose le font depuis le début des années 2000 et Hebron a commencé il y a quelques années. Ces projets sont tous en processus de déclin. Seuls de nouveaux projets comme celui de Bay du Nord peuvent donner lieu à des niveaux de production plus élevés.

Le sénateur Arnot : Est-ce que vous dites que l’article 56 est un obstacle au type d’investissement requis pour le projet de Bay du Nord? Je vous prie de m’expliquer un peu plus votre point de vue.

M. Ruelokke : Comme je l’ai mentionné en réponse à une question précédente, tous les investissements des compagnies pétrolières se font en fonction d’une évaluation des risques. Je crois que l’article 56 présente un risque supplémentaire pour les exploitants. Les projets sont soumis à un examen rigoureux avant d’être approuvés. Il y a une évaluation environnementale, une planification opérationnelle, une planification des avantages et une planification des ressources. Même si un projet a franchi tous ces obstacles et est à l’étape de la production, si l’un des deux gouvernements estime qu’il pourrait y avoir ultérieurement un risque supplémentaire pour l’environnement, il peut alors annuler ce programme, que ce soit pour l’exploration, le développement ou la production. Je crois que les exploitants estiment qu’il s’agit d’un niveau de risque que la plupart d’entre eux ne sont probablement pas prêts à accepter.

Je crois que c’est une des raisons pour lesquelles, au cours des deux dernières années, nous n’avons reçu aucune soumission pour des licences d’exploration. C’est très inhabituel. Les dernières licences d’exploration délivrées remontent à janvier 2023, il y a près de trois ans. S’il n’y a pas de nouvelles licences d’exploration, l’industrie pétrolière et gazière ne pourra pas poursuivre ses activités.

Le sénateur Arnot : Si on supprimait l’article 56, est-ce qu’il y aurait par la suite des investissements importants, selon vous, étant donné que ce risque serait réduit?

M. Ruelokke : Oui. Je ne peux pas dire que les investissements seraient importants parce qu’il y a beaucoup d’autres facteurs en jeu, mais il y aurait certainement, à mon avis, un plus grand intérêt à présenter des projets d’activité extracôtière à Terre-Neuve-et-Labrador si cet article était retiré du projet de loi C-49.

Le sénateur Arnot : Et vous semblez surpris qu’il n’y ait pas eu plus d’investissements au cours des trois dernières années. La baisse est à ce point remarquable?

M. Ruelokke : C’est énorme. J’ai siégé au conseil d’administration de 2006 à 2012, et il n’était pas rare que nous recevions des propositions d’exploration totalisant plus de 1 milliard de dollars en une année. Ces propositions sont des engagements à dépenser de l’argent pour l’exploration.

Le sénateur Arnot : Je pense que c’est correct. J’ai une bonne idée de ce qu’il en est grâce à votre témoignage. Merci de nous aider dans notre travail.

La sénatrice McCallum : À la suite de l’adoption de la One Big Beautiful Bill Act, le département de l’Intérieur des États-Unis a annoncé un calendrier à long terme pour la vente de baux pétroliers et gaziers extracôtiers dans ce pays. La première vente de baux est en préparation pour inciter les entreprises à soumissionner. Le taux de redevances a été abaissé de 18,75 à 12,5 %, soit le plus faible taux permis par la loi américaine.

La production pétrolière extracôtière aux États-Unis est déjà plus importante que la production extracôtière canadienne pour ce qui est de la part de la production totale. Les deux grandes compagnies pétrolières américaines sont Chevron et ExxonMobil, deux des principaux exploitants au large des côtes de Terre-Neuve-et-Labrador. Quelle est l’incidence de la concurrence avec l’industrie pétrolière extracôtière américaine sur le secteur du pétrole extracôtier de Terre-Neuve-et-Labrador?

C’est troublant d’apprendre que, depuis 2025, vous n’avez reçu aucune proposition. Je trouve cela inquiétant parce qu’en ce moment, nous n’avons pas d’autre choix et nous devons soutenir l’industrie du pétrole.

M. Ruelokke : Je suis certainement d’accord avec cela, mais je pense que chaque fois qu’une nouvelle zone peut faire l’objet d’une exploration, d’un développement ou d’une production extracôtières, la probabilité d’investissements dans les autres zones est diminuée. Les compagnies disposent d’un certain montant d’argent à investir, et s’il y a d’autres zones admissibles, le montant dépensé dans une zone particulière risque de diminuer. Cela pourrait potentiellement avoir un effet négatif sur les investissements ici.

Il n’y a pas de réponse facile à cela. Comme je l’ai dit, le gouvernement américain actuel supprime les restrictions en place depuis des années. Évidemment, cela a ravivé l’intérêt — comme vous l’avez mentionné précisément — des exploitants américains à investir dans leur propre pays.

La sénatrice McCallum : Madame Woodford, One Ocean semble faire partie d’un partenariat très unique. Quelle sera l’incidence des énergies renouvelables sur cette relation, et quels facteurs faudrait-il prendre en compte? Est-ce un aspect auquel vous réfléchissez?

Mme Woodford : Merci pour votre question. Ce qui est connu ou étudié jusqu’à présent — et certainement d’après les recommandations formulées par le comité qui a étudié les zones potentielles pour l’énergie éolienne en mer à Terre-Neuve-et-Labrador l’an dernier —, c’est qu’il ne devrait pas y avoir, à notre connaissance, de chevauchement entre un quelconque projet éolien en mer potentiel et les activités relatives à la pêche et au pétrole. Il n’y a pas d’intersection entre l’industrie de la pêche, l’industrie du pétrole extracôtier et l’énergie éolienne en mer, une troisième industrie.

Le mandat de One Ocean se situe entre l’industrie du pétrole extracôtier et l’industrie de la pêche, en raison des possibilités de conflits liés aux zones qui existent actuellement. Selon nos connaissances actuelles concernant ce qui a été fait avec les évaluations régionales dans les zones recommandées pour le moment, il n’y aurait pas de chevauchement entre les trois. C’est bien sûr quelque chose qui intéresse nos groupes membres, qui ont hâte de voir comment cette nouvelle industrie se déploiera dans la province. Nous savons qu’il reste beaucoup de travail à faire avant le début des ventes de droits fonciers pour l’énergie éolienne en mer. Les parties prenantes de l’industrie de la pêche s’intéressent évidemment à ce type d’énergie. Elles ont exprimé leurs opinions dans le cadre du processus d’évaluations régionales et je suis certaine qu’elles continueront de le faire. C’est donc quelque chose que nous surveillons de près, mais pour l’instant, il ne devrait pas y avoir de chevauchement de zones entre nos deux industries et la nouvelle industrie de l’énergie éolienne en mer.

La sénatrice McCallum : Merci.

Le sénateur Fridhandler : Monsieur Ruelokke, mon collègue, le sénateur Wells, est un grand promoteur de l’industrie du pétrole extracôtier de Terre-Neuve et c’est une des choses que j’aime chez lui. Il me disait toujours que le climat au large de Terre-Neuve est beaucoup plus accueillant que le climat de l’Alberta. Je sais que c’est difficile de brosser un portrait très général, mais pourriez-vous formuler un commentaire à ce sujet, juste pour me dire si vous pensez qu’il a raison ou non? Ne soyez pas excessivement poli.

M. Ruelokke : En ce qui concerne le climat, je vais vous donner un exemple qui est peut-être quelque peu frappant. Nous avions une plateforme de forage semi-submersible appelée Eirik Raude pour forer un puits près du Nord-Est de Terre-Neuve vers 2010. Elle est restée sur ce puits environ 210 jours. Statistiquement parlant, durant ces 210 jours, deux tempêtes centennales se sont abattues sur cette région. Cela en dit un peu sur le climat au large de Terre-Neuve. Il peut être difficile. Je ne connais pas assez le climat des zones de production terrestre en Alberta pour pouvoir faire une comparaison.

Le sénateur Fridhandler : Permettez-moi de vous poser une question de suivi sur un autre enjeu. Quand on parle d’assister à la prospérité de l’industrie du pétrole extracôtier, y a-t-il eu dans le passé des réserves identifiées qui n’ont pas été mises en production et qui, à un prix juste et unique, pourraient être viables sur le plan commercial?

M. Ruelokke : Oui, il y a certainement des zones où, en raison de divers facteurs, la production est plus coûteuse. Les exploitants les examinent chaque année ou même plus souvent, peut-être, pour voir si le coût de produire, par exemple, 20 millions de barils de pétrole dans un endroit plus éloigné, est rentable. La réponse courte est oui, il y a des réserves qui pourraient être exploitées si c’était rentable de le faire.

Le sénateur Fridhandler : Madame Woodford, du côté de l’industrie pétrolière, je trouve intéressant que vous fassiez affaire avec l’ACPP, une association industrielle, et non les exploitants. Je soupçonne que, lorsqu’il y a des incidents impliquant des pêcheurs et des exploitations propres à un exploitant, vous interagissez directement avec l’exploitant ou les acteurs de l’industrie au sein de cette exploitation. Ce n’est pas que j’aie un problème avec l’ACPP, je veux juste comprendre comment vous avez créé des relations directes. J’ai travaillé avec ces gens-là, et ils ne pensent pas tous de la même façon.

Mme Woodford : Merci pour la question. Excusez-moi, j’aurais dû être plus précise dans ma déclaration liminaire.

Je vais vous parler un peu plus des organisations collaborant avec One Ocean du côté de l’industrie pétrolière. Les représentants qui siègent à notre conseil d’administration, par exemple, sont des représentants des organisations membres de l’ACPP. Par exemple, nous avons un siège pour ExxonMobil Canada, Suncor, Equinor et pratiquement tous les exploitants. Je ne voulais pas seulement mentionner l’ACPP en tant qu’organisation. Tous les exploitants producteurs de notre province sont représentés et participent à One Ocean. Nous avons des représentants d’organisations comme Equinor, Suncor, Cenovus, ExxonMobil Canada, ainsi que des représentants de l’ACPP. Excusez-moi, je n’ai pas été très claire dans ma déclaration.

Le sénateur Fridhandler : Il s’agit de votre conseil d’administration, mais qu’arrive-t-il lorsque vous devez gérer des situations? Passez-vous toujours par l’ACPP ou interagissez-vous avec les exploitants?

Mme Woodford : Excusez-moi. Oui, nous interagissons directement avec les exploitants, qu’il s’agisse des exploitants producteurs ou des exploitants qui dirigent un programme de forage d’exploration. Il y a des interactions directes, à la fois par l’intermédiaire de One Ocean et avec nos parties prenantes de la pêche, avec les exploitants. Par exemple, lors d’un programme de forage d’exploration, l’exploitant doit interagir et collaborer avec les parties prenantes de l’industrie de la pêche. Encore une fois, excusez-moi pour ce manque de clarté. Nous pouvons certainement compter sur la participation de tous les exploitants producteurs dans la province ainsi que sur tout nouveau joueur dans la province qui veut s’adonner à du forage d’exploration.

Le sénateur Fridhandler : Merci.

[Français]

La sénatrice Youance : Ma question s’adresse à Mme Woodford.

J’ai retrouvé dans des documents que l’organisme One Ocean a publiés sur son site des lignes directrices relatives à la gestion des risques sous forme d’une matrice. Cette partie était très intéressante, parce qu’elle présente les conflits potentiels entre les deux industries et les mécanismes de dialogue qui doivent être déclenchés dans ces cas. Cela répond vraiment aux objectifs de One Ocean.

Est-ce que vous pouvez nous expliquer la méthodologie qui a été utilisée pour développer ces lignes directrices?

[Traduction]

Mme Woodford : La documentation à laquelle vous faites référence a un titre assez long : One Ocean Risk Management Matrix Guidelines for the Utilization of Fisheries Liaison Officers and Fisheries Guide Vessels for the Fishing and Petroleum Industries of NL. Essentiellement, au cours des 23 dernières années, dans les débuts de One Ocean, les deux industries se sont réunies et ont développé certains programmes déjà en place, appelés programmes de navires de guides de pêche et programmes d’agents de liaison des pêches. Pour donner une réponse courte, le programme de navires de guides de pêche est utilisé lorsqu’il y a un remorquage, par exemple, d’une structure-poids en béton vers le large, comme nous l’avons vu l’été dernier.

Dans ce programme particulier, un membre de l’industrie de la pêche participe à un programme de remorquage. Ces programmes ont été nombreux depuis le début des activités extracôtières. On peut penser au remorquage d’Hébron, par exemple. Ainsi, un membre de l’industrie de la pêche participerait à ce remorquage, dont l’objectif principal est de repérer l’équipement et de communiquer l’emplacement de l’équipement au responsable du remorquage dans l’espoir d’éviter toute interaction potentielle avec cet équipement. C’est donc un rôle de communication, qui repose en grande partie sur la participation de l’industrie de la pêche. Le document auquel vous faites référence présente quelques suggestions à l’intention des exploitants lorsqu’ils ont un programme nécessitant, par exemple, le remorquage d’une structure et pour lequel ils devraient envisager de faire appel à un navire-guide des pêches. Les agents de liaison des pêches sont principalement utilisés pour un programme de levés sismiques. J’en ai parlé plus tôt. Une personne possédant certaines qualifications, un membre de l’industrie de la pêche, serait à bord d’un navire chargé d’effectuer des levés sismiques, dans le but essentiellement de repérer l’équipement afin qu’il n’y ait aucune interaction avec ce navire de levés sismiques.

Cette documentation particulière a été élaborée en consultation et en collaboration avec les deux industries il y a environ 20 ans, et les processus et programmes sont toujours en place aujourd’hui.

[Français]

La sénatrice Youance : Est-ce qu’il y a une mise à jour de ce document? Mieux encore, est-ce qu’il y aurait un outil semblable sur les effets à plus long terme des impacts environnementaux et économiques sur l’industrie de la pêche?

Enfin, éventuellement, s’il y a des discussions sur l’impact économique local, est-ce que vous avez des recommandations à faire sur des mécanismes de gouvernance ou de coordination qui pourraient être mis en place pour régler des problèmes plus quotidiens de l’impact de l’exploitation extracôtière sur l’industrie de la pêche?

[Traduction]

Mme Woodford : À ma connaissance, il n’y a pas eu d’études concernant les répercussions économiques sur l’industrie de la pêche. Si je me trompe, je ferai certainement un suivi, mais à ma connaissance, aucune étude n’a été menée. Je ferai un suivi s’il y a des informations du passé dont je ne suis pas au courant. En ce qui concerne le début de votre question, je crois que vous désiriez savoir si nos protocoles avaient été mis à jour. Nous nous efforçons de les réviser et de les mettre à jour de façon continue.

La présidente : Merci. J’ai une faveur à vous demander à tous les deux, monsieur Ruelokke et madame Woodford. Pourriez-vous rester environ 10 minutes de plus après 19 h 30? Des sénateurs veulent poser d’autres questions? Êtes-vous d’accord pour rester plus longtemps tous les deux?

M. Ruelokke : Oui.

Mme Woodford : Oui.

Le sénateur Lewis : Pour ce qui est du projet de loi C-49 et de l’article 56 en particulier, selon votre expérience, monsieur Ruelokke, vous qui avez travaillé dans de nombreux territoires de compétence, avez-vous déjà eu vent d’une loi ou d’un règlement similaire qui établit les mêmes paramètres que l’article 56?

M. Ruelokke : À ma connaissance, il n’y en a pas, mais je dois reconnaître que je ne travaille plus dans le secteur réglementaire depuis plus de 10 ans. Il est donc possible que je ne sois pas au courant de certaines modifications apportées à la réglementation. Cependant, si je me fie aux conversations avec mes collègues, je ne crois pas qu’il y ait de restriction semblable imposée par d’autres gouvernements.

Le sénateur Lewis : Madame Woodford, vous avez beaucoup d’experts au sein de vos membres et tout. Nous avons parlé de certains obstacles. Y a-t-il des obstacles entre le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial et tous les autres ministères et organismes gouvernementaux, dont le ministère des Pêches et des Océans, avec lesquels vous composez pour ce qui de la communication et de la coopération entre eux et les autres membres de votre groupe?

Mme Woodford : Je répondrai au nom de One Ocean. Même si nous ne représentons pas les industries elles-mêmes ou ne parlons pas en leur nom, nous avons un excellent engagement de la part des organismes de réglementation, la RC-TNLEE et le ministère des Pêches et des Océans. De plus, nous avons une certaine participation de Ressources naturelles Canada dans nos comités, ainsi qu’une représentation provinciale. Nous constatons — et peut-être que je suis simplement très optimiste, ce que j’ai tendance à être — que nous avons une bonne collaboration entre toutes les parties prenantes. C’est l’un de nos objectifs. Ce qui est aussi très important pour notre organisation, c’est la création de liens entre l’industrie de la pêche et l’industrie du pétrole extracôtier et les exploitants à titre individuel et tout autre entrepreneur susceptible d’intervenir, par exemple, en cas de séisme.

La création de liens a été essentielle à ce que nous aimons appeler la coexistence fructueuse. Je ne peux pas dire qu’il n’y a pas d’obstacles. Nous bénéficions d’un grand engagement et d’une excellente participation de toutes les parties prenantes, et nous faisons certainement de notre mieux pour promouvoir la création de liens, ce qui a mené à ce qui pourrait être appelée une réussite.

Le sénateur Lewis : Merci.

Le sénateur D. M. Wells : Monsieur Ruelokke, j’ai une question concernant l’un des volets provinciaux de l’Accord atlantique qui incombe à l’organisme de réglementation. Je sais qu’il y en a quatre : santé et sécurité, environnement, gestion des ressources et avantages industriels. Ce dernier élément porte sur les avantages industriels parce que c’est l’une des choses les plus importantes pour notre province. Je participais à un forum de fournisseurs il y a quelques semaines, le forum des fournisseurs d’Equinor. Il y avait 400 ou 500 personnes dans la salle qui représentaient des compagnies, principalement à Terre-Neuve-et-Labrador, mais aussi du monde entier. Pouvez-vous nous parler un peu des exigences prévues par les dispositions sur les avantages industriels de l’Accord atlantique? S’il n’y a pas de dispositions spécifiques dans l’Accord atlantique, comment l’organisme de réglementation traite-t-il de l’aspect des avantages industriels?

M. Ruelokke : Merci pour cette question, sénateur Wells. L’Accord atlantique exige que les entreprises ou personnes qualifiées résidant dans la province reçoivent des chances justes et équitables dans toute activité d’approvisionnement de la part de l’exploitant. Ce n’est pas plus précis que cela.

Comme vous le savez sûrement, chaque exploitant — qu’il s’agisse d’un exploitant dans le secteur de l’exploration ou de la production — est tenu d’élaborer un plan et un programme relatifs aux avantages industriels. L’organisme de réglementation doit les examiner et les approuver avant l’approbation du plan de développement.

Je ne le fais plus, mais ce que l’organisme de réglementation essaie de faire, c’est d’encourager l’exploitant à dépasser les exigences minimales de l’Accord atlantique et à être très proactif pour rechercher des possibilités qui n’auraient peut-être pas existé autrement, en allant un peu plus loin que ce que la réglementation exige.

Le sénateur D. M. Wells : Selon votre expérience, les exploitants, tant dans le secteur de l’exploration que celui de la production, vont-ils au-delà des exigences de l’Accord atlantique?

M. Ruelokke : Cela varie. Avec le temps, ils sont plus nombreux à le faire. Disons simplement qu’il est possible pour l’organisme de réglementation de les encourager à penser différemment et à aller au-delà de leurs obligations s’il y a une possibilité d’aider une nouvelle compagnie à croître ou à offrir un niveau de service ou un nouveau type de service. On essaie généralement d’encourager cela.

Le sénateur D. M. Wells : Merci, monsieur Ruelokke, pour votre contribution aux travaux du comité.

Madame Woodford, j’ai une dernière question. Je suis un peu confus à ce sujet et je ne devrais pas l’être. L’organisation est-elle financée par les exploitants ou par l’ACPP? Le conseil d’administration est-il composé des exploitants ou de l’ACPP? Y a-t-il d’autres membres qui y siègent? Dans quelle mesure le ministère des Pêches et des Océans, l’organisme de réglementation, Ressources naturelles Canada et FFAW-Unifor sont-ils représentés? Y a-t-il une représentation des hauts dirigeants? Pouvez-vous me dire comment cela fonctionne, et comment les problèmes sont réglés à ce niveau?

Mme Woodford : Bien sûr. Notre conseil d’administration compte une représentation à parts égales de hauts dirigeants des deux secteurs industriels. Par exemple, le président et le secrétaire-trésorier de FFAW-Unifor, ainsi qu’un membre du conseil de l’organisation sur les activités de pêche côtière siègent à notre conseil d’administration. C’est la même chose pour l’Association of Seafood Producers. Le directeur général et un membre du conseil d’administration font partie de notre conseil. Il en va de même pour l’Atlantic Groundfish Council. Un membre de son conseil d’administration est un administrateur de One Ocean.

Du côté de l’industrie pétrolière, comme je l’ai mentionné plus tôt, tous les exploitants présents sont représentés, ce qui veut dire ExxonMobil, Suncor, Cenovus, Equinor ainsi qu’une personne de l’ACPP. Excusez-moi, mes propos plus tôt à ce sujet n’étaient pas clairs. Mais nous avons la représentation de hauts dirigeants. Je ne tenterai pas de fournir leurs titres parce que je pourrais me tromper, mais nous avons une représentation de hauts dirigeants de tous les exploitants siégeant à notre conseil d’administration.

Et notre structure de financement repose sur les exploitants, conjointement avec une formule fondée sur les droits fonciers ainsi que sur les exploitants. Il existe une formule pour obtenir du financement de nos membres de l’ACPP.

Le sénateur D. M. Wells : À votre connaissance, y a-t-il d’autres organisations similaires dans le monde qui exercent leurs activités dans d’autres zones de la production extracôtière?

Mme Woodford : Non. Excusez-moi, je n’ai pas répondu au reste de votre question en ce qui a trait à la représentation. Nous avons aussi ce que nous appelons le statut d’observateur officiel pour la RC-TNLEE. Le chef de la direction siège au conseil. De plus, le directeur général régional du ministère des Pêches et des Océans, ainsi qu’un représentant de la Garde côtière et le vice-président du Fisheries and Marine Institute siègent au conseil d’administration.

À notre connaissance, aucune autre organisation comme la nôtre, dans sa forme actuelle, n’exerce des activités à l’échelle internationale. Dans les débuts de One Ocean, nous nous sommes beaucoup inspirés de pays comme la Norvège, plus particulièrement en ce qui concerne leur fonctionnement et leurs interactions avec l’industrie de la pêche. Mais, à notre connaissance, il n’existe pas d’organisation comme la nôtre.

La sénatrice Galvez : Monsieur Ruelokke, merci beaucoup d’avoir dit qu’aucun déversement d’hydrocarbures n’est acceptable. Merci beaucoup de l’avoir dit.

Mais vous savez qu’il y a eu plusieurs accidents dans ce secteur : Terra Nova en 2004, White Rose en 2008, Hibernia en 2006. Et sur la plateforme d’Hibernia en 2018, 12 000 litres ont été déversés.

Vous dites que la suppression de l’article 56 du projet de loi C-49 réduira les risques. Vous ne parlez pas de réduire les risques liés aux problèmes environnementaux. Vous ne parlez pas de réduire les risques d’impact sur la faune ou sur la pêche et le tourisme. Ce dont vous parlez, c’est de réduire le risque pour les investisseurs, car il y aura un impact sur la surveillance réglementaire puisque nous supprimons cette section.

Si nous accordons cette mesure d’atténuation des risques aux investisseurs, dites-vous que ce sera l’argument économique qui fera en sorte de donner vie à ce projet d’exploitation du pétrole dans cette partie de l’océan au Canada?

M. Ruelokke : Ce que je dis, c’est que les exploitants considèrent l’article 56 comme un risque supplémentaire pour leur investissement. Ils pourraient ainsi très bien décider d’investir ailleurs. Je devrais préciser que je ne laisse nullement entendre que la suppression de l’article 56 diminuera le niveau de responsabilité environnementale imposé par l’organisme de réglementation aux exploitants. Il n’y a aucun lien entre les exigences environnementales et le risque financier de l’investisseur.

La sénatrice Galvez : Merci.

La présidente : C’est la fin de notre soirée ensemble. Je tiens à remercier chaleureusement M. Ruelokke et Mme Woodford d’avoir été des nôtres. Nous ferons une pause de deux minutes, après quoi nous reprendrons nos travaux. Merci beaucoup d’avoir été présents.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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