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Déclarations de sénateurs

Les femmes autochtones dans les prisons

13 juin 2018


L’honorable Sénatrice Kim Pate :

Par ailleurs, sur une note moins positive, la Cour suprême du Canada a conclu aujourd’hui que le système carcéral du Canada n’avait pas pris les mesures requises pour veiller à ce que ses outils d’évaluation du risque ne soient pas empreints d’un préjugé culturel à l’endroit des détenus autochtones.

Le Service correctionnel du Canada utilise des outils d’évaluation du risque pour prendre des décisions à propos des conditions d’incarcération des détenus et des programmes et services qui leur sont offerts, des éléments qui ont tous des répercussions appréciables sur la capacité des détenus de réintégrer la communauté de manière sûre, supervisée et structurée. Le processus d’attribution de cote de sécurité déficient employé à l’heure actuelle a abouti à un système carcéral fédéral dans lequel la moitié des femmes en isolement sont des Autochtones.

Dans l’affaire Ewert c. Canada, la cour a déclaré ceci :

Il a été reconnu dans un grand nombre de commissions gouvernementales et de rapports, ainsi que dans des décisions de notre Cour que la discrimination subie par les Autochtones, qu’elle soit le résultat d’attitudes ouvertement racistes ou de pratiques inappropriées sur le plan culturel, s’étend à l’ensemble du système de justice pénale, y compris au système carcéral […].

La cour a conclu que les pratiques du Service correctionnel du Canada entraînaient un risque de discrimination systémique à l’égard des détenus autochtones. Elle s’est toutefois abstenue de conclure à la violation des droits à la liberté et à l’égalité des détenus autochtones, invoquant la preuve insuffisante au dossier. Eh bien, devinez qui administre le dossier.

Le Service correctionnel du Canada sait depuis de nombreuses années que ses politiques et ses façons de faire ont des conséquences négatives, qu’elles entraînent une discrimination fondée sur des motifs qui se recoupent, notamment la race, le sexe et les handicaps, et, par conséquent, qu’elles violent les droits des prisonniers.

C’est d’ailleurs la conclusion à laquelle en est arrivée la Commission canadienne des droits de la personne en 2003. Le Service correctionnel du Canada a donc ordonné la tenue d’un examen sur le traitement qui est réservé aux femmes. À quelle conclusion cet examen est-il arrivé? L'examen a conclu que, bien que les femmes ne présentent pratiquement aucun danger pour la sécurité publique, le niveau de sécurité de leurs conditions de détention dépasse souvent la gravité des infractions commises, surtout si elles sont autochtones, si elles appartiennent à des groupes d’origine ethnique différente ou si elles ont des troubles de santé mentale.

Je nous invite à réfléchir à la décision qui a été rendue dans l’affaire Ewert à l’occasion du troisième anniversaire des appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation ainsi que du 10e anniversaire des excuses que le Canada a présentées aux anciens élèves des pensionnats indiens. Reconnaissons aussi l’effet discriminatoire des politiques gouvernementales sur la vie des Autochtones. Ces politiques font que les détenus autochtones sont incarcérés plus longtemps et purgent des peines plus sévères et plus longues que les autres détenus.

Je nous invite à profiter du Mois national de l’histoire autochtone pour réfléchir à la décision qui a été rendue dans l’affaire Ewert et à reconnaître que le Canada doit, de toute urgence, améliorer ses rapports avec les peuples autochtones afin de tisser des liens de confiance et de progresser ensemble vers un but commun.

Tous ensemble, profitons de l’occasion pour promouvoir la justice, l’équité et la réconciliation, ainsi que pour mettre fin à l’héritage d’inégalité que nous a légué le passé colonialiste du Canada. Merci, meegwetch.

 

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