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L'honorable Pierre Claude Nolin dans la chambre du Sénat

L'honorable Pierre Claude Nolin

43e Président du Sénat (2014–2015)

Décisions du Président

18 février 2015
Motion concernant la sécurité au Parlement


Honorables sénateurs,

Hier, immédiatement après que le sénateur Carignan, leader du gouvernement au Sénat, eut présenté sa motion concernant les mesures de sécurité sur la Colline du Parlement, le sénateur Cowan, leader de l’opposition au Sénat, a invoqué le Règlement. Il craignait que la motion ait pour effet de déléguer des pouvoirs à la Gendarmerie royale du Canada d’une manière qui n’est pas permise par la Loi sur le Parlement du Canada. Il a aussi fait valoir que si la motion était adoptée, certaines dispositions de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada pourraient faire en sorte que la sécurité à la cité parlementaire soit sous le contrôle du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile.

Le sénateur Carignan a indiqué que ces questions pourraient être abordées pendant le débat sur la motion. Il a souligné que la motion demande précisément que tout changement effectué respecte « les privilèges, immunités et pouvoirs de chaque Chambre ». Le respect des droits du Parlement fait partie intégrante de la motion. Le sénateur a soutenu que la motion en question permettrait aux Présidents, en collaboration avec la GRC, de choisir la meilleure façon de coordonner les mesures de sécurité, dans le but d’assurer la protection essentielle des parlementaires. Le sénateur Carignan a rejeté l’idée voulant que le Sénat abdique ses responsabilités en matière de sécurité. La motion aurait pour effet de permettre l’établissement de nouvelles dispositions de sécurité, et les Présidents continueraient à jouer un rôle central. Le sénateur Carignan a dit qu’« Il appartiendra aux Présidents des deux Chambres, dans le cadre de leurs discussions avec la GRC et avec la nouvelle force unifiée, de veiller à négocier les différents systèmes afin qu'ils rendent des comptes, qu'ils soient imputables et qu'ils se rapportent » aux Présidents. Il a ensuite fait remarquer que le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration avait récemment proposé l’implantation d’un système de sécurité coordonné. La sénatrice Martin a appuyé les arguments du sénateur voulant que la motion soit conforme au Règlement, lorsqu’elle est intervenue sur le rappel au Règlement, et elle a demandé que le débat sur la question puisse se poursuivre.

Les sénateurs Fraser, Ringuette, Cordy et Joyal se sont aussi exprimés, remettant tous en question la recevabilité de la motion et disant partager les craintes du sénateur Cowan. La sénatrice Fraser a trouvé que la motion manquait de clarté, présentait des problèmes de fond et qu’elle aurait pour effet de confier à la GRC le contrôle de la sécurité. La sénatrice Cordy a estimé que la motion traduisait un manque de respect à l’égard du Comité de la régie interne, du Sénat et du Parlement tout entier. Quant au sénateur Joyal, il s’est abstenu de se prononcer sur la pertinence du but de la motion. Il a toutefois émis des réserves quant au processus. Il s’est notamment demandé s’il était opportun de proposer une motion, plutôt que des modifications législatives, pour effectuer de tels changements.

Pour étudier cette question, il convient de faire un bref rappel historique de la sécurité à la cité parlementaire. L’application de mesures de sécurité sur la Colline du Parlement peut être séparée en deux grandes périodes. Jusqu’en 1920, c’est un contingent de la Police du Dominion – l’un des corps policiers fédéraux – qui assurait la sécurité du Parlement et des bâtiments gouvernementaux que sont maintenant les édifices de l’Est et de l’Ouest. Lorsque la Police du Dominion s’est jointe à la Royale gendarmerie à cheval du Nord-Ouest pour former la GRC, la protection des biens fédéraux était assurée, dans la plupart des cas, par le nouveau corps policier fédéral. Les parlementaires ont alors décidé qu’ils ne voulaient plus de la présence officielle de forces policières dans les édifices, ce qui a donné lieu à la création de services de sécurité distincts pour chacune des Chambres. Ce changement ne s’est pas fait par voie législative. Les dispositions relatives à la sécurité à l’intérieur et autour du Parlement ne sont donc pas demeurées statiques; elles ont changé et évolué avec le temps. La motion présentée propose de nouvelles modifications à ces structures. On nous a laissé entendre que les détails seraient arrêtés par les Présidents des deux Chambres.

Le sénateur Cowan craignait surtout que la motion n’entraîne une délégation des pouvoirs qui déborderait du cadre prévu par la Loi sur le Parlement du Canada. Bien que le Président ne se prononce pas sur les questions de droit, il convient de rappeler les dispositions pertinentes applicables.

L’article 19.3 de la loi établit que :

Sous réserve du paragraphe 19.1(4), le Comité [de la régie interne] peut s’occuper des questions financières et administratives intéressant :

a) le Sénat, ses locaux, et services et son personnel;
b) les sénateurs.

Le paragraphe 19.1(4) précise que :

Dans l’exercice de ses pouvoirs et fonctions en vertu de la présente loi, le comité est placé sous l’autorité du Sénat et est assujetti à ses règles.

Cette disposition dit clairement que le Sénat conserve le contrôle ultime des pouvoirs exercés par le Comité de la régie interne. Le Sénat reste donc maître de son administration interne et de ses travaux. Il s’est prévalu de ce droit dans le passé, en décidant de créer des services de sécurité distincts, et il pourrait le faire de nouveau dans l’avenir, s’il le souhaite.

Pour ce qui est de l’aspect purement technique de la motion, un préavis adéquat a été donné, et son libellé ou sa teneur ne présentent pas de défaut apparent, du moins sur le plan de la pratique parlementaire par opposition à celui du droit, qui n’est pas du ressort du Président. La motion propose que le Sénat invite la GRC à diriger la sécurité opérationnelle dans l’ensemble de la cité parlementaire, les détails des mesures étant établis à l’issue de discussions et de négociations approfondies. Cela n’abroge en rien le privilège fondamental des parlementaires d’avoir librement accès à leurs bureaux, aux comités et au Sénat. Ces mesures pourraient même être modifiées dans l’avenir, si le Sénat en décidait ainsi. Par conséquent, le Sénat conserverait ultimement les droits et privilèges dont il a besoin pour fonctionner de façon autonome.

Certains sénateurs ont dit craindre que la motion ne soit pas suffisamment claire ou complète. Si c’est le cas, on pourra en préciser la teneur en expliquant les problèmes possibles lors des débats et en proposant des modifications pour la clarifier.

Selon le Règlement et la procédure, il n’y a aucune raison de ne pas permettre l’étude de cette motion. Par conséquent, elle est recevable, et le débat peut se poursuivre.

Avant de continuer avec l’étude de l’ordre du jour, je tiens à assurer les honorables sénateurs que, si la motion est adoptée, je prendrai très au sérieux, lors des discussions et des négociations, le rôle qui m’incombe en tant que gardien des droits et des privilèges du Sénat et des sénateurs.

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