Il faut améliorer la loi précipitée sur l’intoxication extrême, indique un nouveau rapport d’un comité sénatorial
Ottawa – La hâte du gouvernement fédéral à adopter une loi sur la violence qui découle de l’intoxication volontaire extrême entraîne une insécurité juridique, tandis que les défenseurs des femmes affirment que cette loi n’aidera pas à rendre justice aux victimes féminines, a déclaré un comité sénatorial dans un rapport publié le jeudi 27 avril 2023.
Le Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles a été chargé par le Sénat d’étudier l’intoxication extrême volontaire après l’adoption du projet de loi C-28, Loi modifiant le Code criminel (intoxication extrême volontaire), le 23 juin 2023.
Le projet de loi prévoit qu’une personne peut être tenue criminellement responsable des actes qu’elle a accomplis dans un état d’intoxication extrême si, avant d’atteindre cet état, elle « s’est écartée de façon marquée » de la norme de diligence attendue d’une personne raisonnable dans ces circonstances. Pour déterminer s’il y a eu un tel écart marqué, le tribunal doit examiner la prévisibilité objective du risque que la consommation de substances intoxicantes puisse provoquer une intoxication extrême et conduire la personne à causer un préjudice à autrui.
Plusieurs experts juridiques ont indiqué au comité que la prévisibilité pourrait être très difficile à prouver, tandis que d’autres ont exprimé la crainte que les changements puissent entraîner un allongement des procédures judiciaires ou une réticence de la part de la police ou des procureurs de la Couronne à porter des accusations. La crainte est que les femmes — en particulier les femmes racialisées, autochtones et marginalisées, qui sont déjà les principales victimes de la violence liée à l’intoxication — seront touchées de manière disproportionnée.
Le comité a également noté le risque que les personnes — en particulier les jeunes — comprennent mal la loi relative à la défense d’intoxication extrême. Le comité exhorte le gouvernement fédéral à développer et à mettre en œuvre une campagne de sensibilisation du public afin de clarifier le fait que l’intoxication elle-même — y compris l’intoxication extrême — n’est pas un moyen de défense pour les actes criminels et qu’elle sera rarement utilisée pour disculper une personne inculpée.
D’autres recommandations du comité incluent un nouveau processus de consultation publique approfondi et un examen parlementaire.
En bref
- Le projet de loi visait à permettre aux tribunaux de tenir une personne responsable d’actes de violence commis dans un état d’intoxication extrême. Il a été motivé par la décision rendue par la Cour suprême du Canada en mai 2022 dans l’affaire c. Brown, selon laquelle il est inconstitutionnel de tenir une personne criminellement responsable d’actes commis en état d’intoxication tel qu’elle n’a pas le contrôle volontaire de ses actes.
- Le projet de loi a été introduit à peine un mois après la décision Brown et a été adopté par le Parlement en moins d’une semaine. Il n’a donc pas fait l’objet d’une étude approfondie.
Citations
« Bien que nous applaudissions le sentiment qui sous-tend le projet de loi C-28, les questions sérieuses soulevées par les témoins lors des audiences de notre comité méritent d’être prises immédiatement en considération. Un nouveau processus de consultation approfondi est nécessaire pour les aborder. »
- Sénateur Brent Cotter, président du comité
« Nous avons entendu que la précipitation à légiférer a coûté cher aux victimes de crimes violents. Il est regrettable que le gouvernement fédéral ait choisi de poursuivre ce projet de loi sans en étudier pleinement les conséquences. »
- Sénateur Pierre-Hugues Boisvenu, vice-président du comité
« Le projet de loi C-28 était une initiative qui visait à équilibrer les droits des victimes et les droits des accusés. Cet équilibre est difficile à atteindre ; les témoignages que nous avons entendus suggèrent qu’il reste encore du travail à faire. »
- Sénateur Pierre J. Dalphond, membre du Sous-comité du programme et de la procédure
« La décision de la Cour suprême exigeait une action urgente de la part du Parlement. Cependant, la précipitation dans l’adoption de ce projet de loi s’est faite au détriment d’une consultation et d’une révision législative adéquates. À mon avis, il s’agit d’une erreur coûteuse. »
- Sénateur Dennis Patterson, membre du Sous-comité du programme et de la procédure
Liens connexes
- Lisez le rapport : L’intoxication volontaire extrême et l’article 33.1 du Code criminel.
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