Aller au contenu

Le Sénat

Adoption de la motion concernant le système des pensionnats indiens

29 septembre 2022


L’honorable Mary Coyle [ - ]

Honorables sénateurs, à la veille de la Journée nationale pour la vérité et la réconciliation, alors que nous sommes réunis dans la Chambre haute du Canada, qui se trouve sur le territoire du peuple algonquin anishinabe, je prends la parole pour appuyer la motion no 10 de la sénatrice McCallum et pour encourager les sénateurs à voter en faveur de l’importante motion dont ils sont saisis aujourd’hui.

Je rappelle que la motion se lit comme suit :

Que le Sénat du Canada :

a)reconnaisse que le racisme, sous toutes ses formes, a servi de fondement à la création du système des pensionnats indiens;

b)reconnaisse que le racisme, la discrimination et la maltraitance étaient répandus au sein du système des pensionnats indiens;

c)reconnaisse que le système des pensionnats indiens, créé dans un but malveillant d’assimilation, a eu des répercussions profondes et permanentes sur la vie, les cultures et les langues des Autochtones;

d)présente des excuses sincères pour le rôle joué par le Canada dans l’établissement du système des pensionnats indiens et ses répercussions, qui se font encore sentir aujourd’hui chez bon nombre d’Autochtones et de communautés.

Honorables sénateurs, la motion de la sénatrice McCallum nous demande d’admettre et de reconnaître des torts et de présenter des excuses.

Honorables collègues, les faits sont évidents. Dans cette enceinte, nous avons tous entendu la sénatrice McCallum raconter les expériences extrêmement douloureuses qu’elle a vécues dans un pensionnat autochtone. Honorables collègues, lorsqu’elle a présenté cette motion, il y a près d’un an, la sénatrice McCallum a cité James Minton, qui a dit ceci :

Nous devons être bien conscients que les crimes commis dans le réseau des pensionnats autochtones ne se limitent pas aux blessures subies par les personnes qui ont survécu à ce réseau, car celui-ci visait non pas des personnes, mais des peuples.

Chers collègues, en 1879 — 12 ans à peine après la création du Sénat —, le gouvernement canadien a envoyé Nicholas Flood Davin enquêter sur l’éducation donnée aux Indiens aux États-Unis.

Dans son rapport, il a recommandé les pensionnats afin de réduire « l’influence du wigwam », ajoutant qu’il s’agirait de la meilleure solution pour « les fusionner » au sein de la nation « afin qu’ils s’y perdent ».

Dans leur article intitulé « La carcéralité génocidaire et les pensionnats autochtones au Canada », Andrew Woolford et James Gacek déclarent ceci au sujet du rapport Davin :

Peu après le rapport Davin, plusieurs pensionnats gouvernementaux ont ouvert leurs portes.

À partir de ce moment, jusqu’à la fermeture du dernier pensionnat en 1996, 150 000 enfants ont fréquenté ces écoles, y passant souvent 10 mois par année dès l’âge de 4 ou 5 ans jusqu’à l’âge de 18 ou 19 ans. Pendant leurs séjours au pensionnat, ils étaient soumis à un enseignement assimilateur qui leur inculquait le mépris à l’égard de leur identité autochtone [...] Les pensionnats étaient administrés par des membres de confessions chrétiennes : catholiques, anglicans, méthodistes et presbytériens. C’étaient des lieux d’horribles moments de violences physiques et sexuelles, où les enfants passaient la moitié de leurs journées à suivre des cours et l’autre à travailler pour rembourser le coût de leur éducation [...] Les conditions dans ces pensionnats se résumaient à ceci : de la malnutrition, des vêtements insuffisants, des soins médicaux inadéquats, le surpeuplement et une mauvaise ventilation. Les pensionnats constituaient donc souvent des environnements mortels. La [Commission de vérité et réconciliation] du Canada...

— dirigée par notre ancien collègue l’honorable Murray Sinclair —

... estime qu’au moins 6 000 enfants ont péri en fréquentant les pensionnats autochtones.

De nombreux autres ont quitté ces pensionnats aux prises avec un sentiment de détachement et de perte, incapables de s’intégrer au monde des Blancs qui était censé les avoir assimilés, mais également incapables de retourner dans leurs communautés natales parce qu’ils ne se sentaient plus liés à leur culture. Des générations entières d’enfants autochtones ont été privées de socialisation familiale, d’éducation culturelle et d’un solide sentiment d’appartenance à leur communauté. Les conséquences de cette expérience résonnent encore aujourd’hui sous la forme de taux élevés de violence physique et sexuelle, de toxicomanie, de problèmes de santé physique et mentale, et d’autres indicateurs de marginalisation que l’on retrouve au sein de nombreuses communautés autochtones et qui sont liés à des cycles de violence qui ont débuté dans les pensionnats autochtones.

Dans le discours qu’il a prononcé à titre de parrain du projet de loi C-5, qui a contribué à l’établissement de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation en réponse à l’appel à l’action no 80 de la Commission de vérité et réconciliation, notre collègue le sénateur Brian Francis nous a rappelé que les actions liées à la création et à l’exploitation des pensionnats autochtones étaient :

[...] fondées sur des opinions racistes sur l’infériorité intellectuelle et culturelle des Autochtones ainsi que sur nos modes de connaissance et nos façons d’être.

Les efforts déployés dans les pensionnats pour assimiler, convertir et civiliser les enfants autochtones au moyen de méthodes brutales avaient pour but de « tuer l’Indien dans l’enfant ».

Chers collègues, en 2018, pendant que je me préparais en vue de la visite dans cette région du Comité spécial sur l’Arctique, j’ai parlé avec des gens du Nunavik, dans le Nord du Québec, qui travaillaient dans le système scolaire.

Je n’oublierai jamais ce qu’une enseignante chevronnée m’a dit à propos des répercussions durables du système des pensionnats. Elle m’a dit qu’on n’avait plus besoin des pensionnats pour tuer l’Indien dans l’enfant; ils ont laissé des séquelles tellement dévastatrices qu’un nombre considérable et tragique d’enfants s’enlèvent la vie.

Chers collègues, selon un rapport publié par Statistique Canada en 2019 à propos des taux de suicide chez les peuples autochtones au Canada, le taux de suicide est trois fois plus élevé parmi les membres des Premières Nations que parmi les personnes non autochtones.

Au Canada, le taux de suicide est deux fois plus élevé chez les Métis et neuf fois plus élevé chez les Inuits que chez les non‑Autochones.

Chers collègues, je pourrais vous lire les nombreux témoignages personnels et douloureux des survivants des pensionnats qui ont été consignés par la Commission de vérité et réconciliation.

Je pourrais citer de nombreux articles sur les traumatismes intergénérationnels vécus par les descendants des survivants des pensionnats. Je pourrais citer les chiffres déplorables sur la perte des langues autochtones. Je pourrais parler du traitement raciste et de la maltraitance dont sont victimes les Canadiens autochtones dans notre système de santé.

Je crois toutefois que les données probantes dont nous sommes saisis montrent très clairement que le racisme est la base sur laquelle le système des pensionnats a été établi et exploité et que les manifestations de ses effets horribles sur les Autochtones et leurs communautés alimentent ce même racisme aujourd’hui, tout en exacerbant et en perpétuant les préjudices et les violations des droits de la personne qu’ils subissent.

Honorables sénateurs, revenons maintenant à la motion dont nous sommes saisis et qui nous demande d’admettre et de reconnaître la réalité raciste, tragique et injuste des pensionnats et leurs préjudices et de présenter des excuses à ce sujet.

Chers collègues, le Sénat aurait été complice de l’approbation de ces lois, politiques et programmes et complice de l’absence de protection pour les enfants, les familles et les communautés qui ont subi des préjudices. Le système des pensionnats était un instrument de génocide cruel et, malheureusement, efficace.

Honorables collègues, en cette veille de la Journée nationale pour la vérité et la réconciliation, faisons un modeste pas vers la réconciliation en admettant et en reconnaissant la vérité sur les pensionnats, telle que décrite dans cette motion. De plus, présentons des excuses respectueuses en tant que représentants de nos provinces et territoires respectifs et collectivement au nom du Sénat du Canada.

Chers collègues, faisons un pas en avant vers le rétablissement d’un lien de confiance et vers la guérison de nos précieuses relations avec les peuples et les communautés autochtones du Canada.

Merci, sénatrice McCallum, de votre initiative et de nous donner à tous l’occasion de faire ce qu’il faut.

Wela’lioq, merci.

L’honorable Patti LaBoucane-Benson

Honorables sénateurs, je prends la parole sur le territoire du peuple algonquin anishinabe pour appuyer la motion no 10 de la sénatrice McCallum.

Je tiens à remercier ma collègue, la sénatrice Coyle, de son magnifique discours qui m’a fait frémir. C’était un excellent discours. Merci.

Chers collègues, au début, quand les premiers colons européens sont arrivés, la nature des liens avec les Premières Nations était décrite comme une cohabitation relativement paisible. La relation n’était pas excellente. Elle n’était pas même bonne. Néanmoins, il y avait un début de dialogue entre les Premières Nations et les colons. Si ce dialogue avait pu faire naître une relation florissante, cette dernière aurait eu un énorme potentiel.

Cependant, au même moment, le pays que nous connaissons aujourd’hui sous le nom « Canada » commençait à se former. Le gouvernement avait besoin de s’approprier des terres pour la Couronne, de créer une frontière internationale, de bâtir un système de propriétaires fonciers et de vendre nos ressources naturelles pour assumer les coûts liés à tout cela.

La présence des Autochtones était perçue comme une entrave au progrès. Il fallait donc les chasser du territoire et les fondre dans le processus d’édification du pays. Pour y parvenir, le gouvernement a fait la promotion de trois croyances fondamentalement racistes : la première, que les Autochtones sont primitifs et non civilisés; la deuxième, qu’ils sont sans dieu et païens; et la troisième, qu’ils sont immatures et incapables de prendre leurs propres décisions.

Ces allégations — ces mensonges — ont été utilisées pour justifier les lois, les politiques et les programmes mis en place par le gouvernement pour isoler et assimiler de force les membres des Premières Nations, les Inuits et les Métis. Avec en plus la barrière linguistique évidente entre les colons et les Premières Nations et la peur préexistante de nombreux colons à l’égard des Autochtones, les colons n’ont jamais réellement appris à connaître les peuples autochtones.

Comment les colons auraient-ils pu comprendre cette belle vision d’un monde interconnecté qu’ont les Autochtones? Les communautés et les nations étaient profondément interconnectées, créant un filet de sécurité complexe et solide permettant d’assurer la protection, l’éducation et le développement identitaire et culturel positif des enfants.

En outre, au moment de la colonisation, chaque nation avait une tradition juridique, une constellation de lois, de valeurs et de principes éthiques stricts qui guidaient le comportement de tous ses membres. Cependant, encore une fois, comment les colons auraient-ils pu le savoir?

La motion de la sénatrice McCallum propose d’abord que le Sénat reconnaisse que le racisme, sous toutes ses formes, a été la pierre angulaire sur laquelle le système des pensionnats a été créé. Elle nous demande de reconnaître le racisme et de reconnaître les répercussions intergénérationnelles profondes du système des pensionnats.

Une définition du racisme est :

[...] la croyance selon laquelle différentes races possèdent des caractéristiques, des capacités ou des qualités distinctes, notamment de manière à les distinguer comme inférieures ou supérieures les unes par rapport aux autres.

Il existe de nombreuses preuves que le gouvernement de l’Angleterre d’abord, puis celui du Canada, a utilisé ces hypothèses racistes pour distinguer les peuples autochtones comme inférieurs afin de justifier les lois et les politiques adoptées pour contrôler chaque aspect de leur vie familiale, sociale, politique et spirituelle.

Cela comprenait le système des pensionnats indiens, qui avait trois composantes. La première consistait à briser les liens de parenté en soustrayant les enfants à l’influence de leur famille et de leur communauté pendant la majeure partie de leur enfance.

En 1908, le ministre des Affaires indiennes de l’époque, Frank Oliver, prédisait que la fréquentation des pensionnats allait « élever l’Indien au-dessus de sa condition de sauvage ».

Plus tard, Duncan Scott, surintendant adjoint du ministère des Affaires indiennes, a déclaré franchement que l’éducation des communautés autochtones était nécessaire, car sans elle, les Autochtones constitueraient un élément indésirable et dangereux de la société.

Honorables sénateurs, les liens de parenté ont été rompus à tel point que la Commission royale sur les peuples autochtones a rapporté ce qui suit :

Les enfants autochtones ont appris à mépriser les traditions et les réalisations de leur peuple, à rejeter les valeurs et la spiritualité qui avaient toujours donné un sens à leur vie, et à se méfier des connaissances et des modes de vie de leur famille et de leurs proches. Lorsqu’ils ont été libres de retourner dans leur village, beaucoup avaient appris à se détester eux-mêmes.

Ensuite, la fréquentation des pensionnats avait pour but d’empêcher le développement d’une identité autochtone par la voie de l’acculturation à la culture européenne et au christianisme. La Commission royale sur les peuples autochtones a constaté que les pensionnats n’étaient pas axés sur l’éducation et que leur personnel scolaire n’avait pas reçu de formation d’enseignant. D’ailleurs, une étude ministérielle a constaté que même encore en 1950 :

[...] plus de 40 % du personnel enseignant n’avait aucune formation professionnelle. Certains instituteurs n’avaient même pas terminé leurs études secondaires.

La plupart des enseignants étaient des prêtres ou des religieuses qui concentraient leurs efforts sur la christianisation des enfants et l’anéantissement de l’expression culturelle et spirituelle des Autochtones.

Par ailleurs, chers collègues, l’idée selon laquelle les peuples autochtones étaient impies et païens était un terrible malentendu. Les enfants élevés dans leurs familles aimantes, dans ce réseau de relations profondes et attentionnées, avaient un lien profond avec leur Créateur aimant. Ils n’avaient certainement pas besoin d’une conversion religieuse.

En vérité, Duncan Campbell Scott était parfaitement conscient que les pensionnats offraient une éducation de piètre qualité, bien en deçà des normes de l’époque. Il était également conscient du manque de financement des écoles et de la négligence du ministère des Affaires indiennes. La sous-alimentation des enfants, dont le système immunitaire était affaibli, et le surpeuplement et l’insalubrité des dortoirs, ont mené à la propagation de maladies comme la tuberculose parmi les enfants, lesquels mouraient sans soins médicaux appropriés. Et, il y avait un médecin.

De 1904 à 1914, le médecin en chef des Affaires indiennes Peter Bryce a rédigé de nombreux rapports détaillant les conditions insalubres des écoles et le taux de mortalité très élevé des enfants. En outre, en 1907, il a effectué une inspection spéciale de 35 écoles indiennes en Alberta, en Saskatchewan et au Manitoba, que le gouvernement n’a jamais rendue publique. On y lit ce qui suit :

En ce qui a trait à la santé des élèves, le rapport signale que 24 % de tous les élèves qui avaient fréquenté les pensionnats étaient décédés, alors que 75 % des élèves d’un pensionnat dans la réserve de File Hills, qui a déposé un rapport complet à ce jour, étaient décédés à la fin des 16 années qui se sont écoulées depuis l’ouverture du pensionnat.

Il a présenté des recommandations sensées au gouvernement pour régler le problème.

Le Dr Bryce, un professeur de l’Université McGill, voulait aussi parler de la tragédie que représentait le taux élevé de mortalité des enfants autochtones à une rencontre de l’Association canadienne antituberculeuse. En plus d’empêcher la discussion d’avoir lieu, le gouvernement fédéral n’a rien fait pour freiner la propagation de la tuberculose dans les écoles et il n’a pris aucune mesure pour offrir des soins médicaux aux enfants malades. Il a essentiellement condamné les enfants à une mort douloureuse.

Encore une fois — c’était en 1914 —, le gouvernement était au courant et il a choisi de ne pas agir dans l’intérêt des enfants. Il ne pensait pas que les enfants autochtones méritaient qu’on leur consacre du temps et de l’argent. Le Dr Bryce a qualifié cette attitude d’« hypocrisie évidente ».

M. Bryce a noté que, à la maison et avec de bonnes pratiques sanitaires, les Indiens avaient un taux de natalité supérieur et un taux de mortalité infantile inférieur à ceux des non-Autochtones, et qu’ils devraient donc connaître une croissance démographique importante. Si la même qualité de soins de santé avait été fournie aux peuples autochtones en Alberta, « on aurait pu empêcher qu’une race de guerriers aussi remarquable que les Pieds-Noirs s’étiole ». M. Bryce a souligné que la baisse réelle de la population pour cette communauté s’établissait à 40 %.

Enfin, M. Bryce a travaillé pour faire en sorte que l’élaboration d’un projet de loi pour l’établissement d’un ministère de la Santé — notre toute première Loi canadienne sur la santé — inclurait des services médicaux pour les Indiens. Cependant, à l’étape de la deuxième lecture, la disposition sur les peuples autochtones avait été retirée. M. Bryce était désespéré que le ministre de la Santé :

[...] pouvait, avec tous les faits et statistiques réunis devant lui, négliger et condamner à de nouvelles souffrances indéfinies ces pupilles du peuple canadien, avec lesquelles un gouvernement après l’autre avait conclu des traités et que des députés et des fonctionnaires avaient juré d’aider et de protéger.

Cette situation a entraîné une confusion totale entre les compétences provinciales et fédérales — cela vous rappelle-t-il quelque chose? — et personne n’a assumé la responsabilité de veiller à ce que les Autochtones reçoivent des soins de santé adéquats.

Bryce a même essayé de convaincre le gouvernement de faire mieux, en faisant remarquer qu’en 1914, 2 000 Autochtones s’étaient déjà portés volontaires pour combattre pour l’empire lors de la Première Guerre mondiale.

Honorables sénateurs, on nous accuse souvent de juger le passé en fonction des normes d’aujourd’hui. La vérité, c’est que les bureaucrates savaient pertinemment que la situation était problématique, mais ils ne voulaient pas dépenser l’argent nécessaire pour sauver des vies et éduquer correctement les enfants autochtones, car le troisième et dernier objectif des pensionnats était de libérer le gouvernement de toute obligation découlant des traités en assimilant les Autochtones par le biais de l’émancipation. Les enfants qui ne survivaient pas n’étaient plus leur problème.

Enfin, la sénatrice McCallum nous demande que le Sénat présente des excuses sans réserve quant au rôle du Canada dans la création du système de pensionnats.

J’ai passé beaucoup de temps à lire les Débats du Sénat de 1920. C’était très instructif. En 1920, le Sénat a débattu les modifications à la Loi des sauvages qui rendraient les pensionnats obligatoires. Le sénateur Lougheed, parrain du projet de loi d’initiative ministérielle, soutenait que le Sénat devait adopter le projet de loi, déclarant que les écoles étaient :

[...] dirigées par des instituteurs compétents; des enfants sauvages ont été séparés de leurs parents et ont bénéficié d’une foule d’avantages du côté de l’éducation, en même temps qu’ils ont ressenti certaines influences salutaires [...]

Rien n’aurait pu être plus loin de la vérité.

Le porte-parole de l’opposition, le sénateur Bostock, se méfiant vivement du projet de loi, a déclaré :

Je crois que c’est une affaire de grave importance, de la part du gouvernement, que de tenter d’enlever ainsi ces enfants sauvages, de les séparer de leurs parents et de ce qui entoure leur foyer, pour les interner dans des pensionnats. Bien plus, je crois même que si une étude soigneuse était faite, ces pensionnats pourraient se trouver en butte à certaines objections où l’on découvrirait qu’ils ne sont pas en état de donner entière satisfaction.

Sénateurs, ils savaient que les conditions des écoles étaient mauvaises.

D’ailleurs, le sénateur Bostock avait fait un plaidoyer convaincant concernant la différence entre la mentalité des Autochtones et celle des Blancs et l’incompréhension généralisée de cette différence du côté des Blancs. D’après le sénateur, les Autchotones voyaient la situation d’un autre œil et le gouvernement devait prendre bien soin de tenir compte de l’avis des leaders autochtones.

En outre, le sénateur avait consulté les Autochtones de la Colombie-Britannique et avait affirmé ceci :

[J]e crois pouvoir affirmer qu’ils ont manifesté le plus ardent désir de voir leurs enfants recevoir l’éducation et la formation voulues. J’ajouterai que les enfants eux-mêmes ont démontré qu’ils possèdent une mentalité qui les rend aptes à acquérir des connaissances, et à répondre très rapidement à l’éducation qu’on leur donne.

Il semble que ce que voulaient les Autochtones, c’était que les enfants aillent à l’école pendant la journée de façon à pouvoir rester dans leur famille pendant qu’ils s’éduquaient.

Le parrain du projet de loi n’était pas convaincu. Il avait répondu ceci :

[...] dans plusieurs cas, il est très opportun d’écarter les enfants de certaines influences démoralisatrices qui entourent le milieu où ils vivent. Les enfants sont placés dans ces pensionnats où ils subissent des influences non seulement morales mais religieuses [...]

Chers collègues, les sénateurs savaient que la christianisation était un objectif primordial. Le fait que les pensionnats n’étaient même pas administrés par le gouvernement mais par le biais de contrats avec l’Église a également été remis en question. Le sénateur Turriff, qui s’est également opposé au projet de loi, a demandé quel était le bilan pédagogique de ces pensionnats. Il estimait qu’après 25 ans, il devait sûrement y avoir des enseignants, des médecins, des avocats et des agriculteurs indiens. Le parrain du projet de loi a répondu qu’il n’avait pas de chiffres à donner et a attribué les mauvais résultats scolaires des enfants au nomadisme des Autochtones.

Sénateurs, les Débats du Sénat l’indiquent clairement. Ils savaient que les conditions de vie dans ces pensionnats étaient mauvaises, que les résultats scolaires y étaient médiocres et que les dirigeants autochtones refusaient d’y envoyer leurs enfants. Ils savaient également qu’il était immoral d’arracher des enfants à leur famille et à leur communauté. Cependant, ils y ont quand même consenti.

Pour tous ces motifs, le Sénat a amplement raison de présenter ses excuses. En adoptant cette motion, le Sénat s’excusera enfin du rôle que notre institution a joué dans la perpétration d’une atrocité envers des générations d’enfants autochtones et qui continue encore aujourd’hui d’avoir une incidence sur la vie des gens.

Sénateurs, si vous y consentez, j’aimerais mettre la motion aux voix. Hiy hiy.

Son Honneur le Président [ - ]

Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Son Honneur le Président [ - ]

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

Haut de page