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Projet de loi sur l’oiseau national du Canada

Deuxième lecture--Ajournement du débat

10 juin 2025


L’honorable Salma Ataullahjan [ - ]

Propose que le projet de loi S-221, Loi portant reconnaissance du mésangeai du Canada comme oiseau national du Canada, soit lu pour la deuxième fois.

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C’est un donneur de vie, un joueur de tours et l’un des êtres les plus intelligents de la Création. Tout ce qu’il fait remet en question les pensées et les perceptions, donnant des enseignements sur la responsabilité, les relations et la vie.

Beaucoup disent que c’est un voleur de nourriture, mais il est courageux dans son intrépidité, brillant dans ses erreurs. Il est gentil avec ceux qui sont gentils en retour, plus dur avec ceux qui ont besoin d’une dose d’humilité. Il est le meilleur de tous les éléments.

Honorables sénateurs, ce sont les mots de Niigaan Sinclair, auteur anishinabe et fils de notre ancien collègue Murray Sinclair, pour décrire l’oiseau que son peuple connaît sous le nom de Gwiingwiishi, et que nous appelons mésangeai du Canada.

Honorables sénateurs, je m’excuse d’avance si je prononce mal certains mots. Je sais à quel point on bute fréquemment sur le nom Ataullahjan.

Chers collègues, comme vous l’avez peut-être déjà deviné, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi S-221, Loi portant reconnaissance du mésangeai du Canada comme oiseau national du Canada.

Chaque pays qui cherche à se définir choisit des symboles qui reflètent ses valeurs, ses croyances et ses aspirations. C’est pourquoi les symboles sont importants. Ce sont les histoires que nous nous racontons sur ce que nous sommes. Ils sont les points d’ancrage de notre identité nationale.

Dans un pays aussi vaste et diversifié que le Canada, les symboles nationaux constituent un point commun. Il ne s’agit pas seulement d’une image de marque, mais aussi de l’édification d’un pays.

Prenons l’exemple de la feuille d’érable. Avant même qu’elle ne figure sur notre drapeau national en 1965, des générations de Canadiens l’utilisaient déjà comme symbole de l’identité canadienne. Après tout, l’érable fait partie intégrante du paysage de l’Est du Canada, où les Autochtones l’apprécient pour sa sève et ses autres dérivés. Aujourd’hui, lorsque nous voyons la feuille d’érable bien en évidence sur des sacs à dos à l’étranger ou brandie au cours d’une cérémonie de remise de médailles olympiques, elle suscite des sentiments de fierté, d’appartenance et de nostalgie.

Pourtant, 158 ans après la Confédération, nous avons un drapeau, un hymne national et même un arbre et un cheval nationaux, mais nous n’avons toujours pas d’oiseau national.

Vous vous demandez peut-être pourquoi c’est important. Les oiseaux sont l’un des symboles les plus couramment utilisés pour façonner un récit. Sur les 195 pays du monde, 106 ont un oiseau national officiel, tandis que 21 ont un oiseau non officiel. Au Canada, toutes les provinces et tous les territoires ont un oiseau officiel.

Les oiseaux sont universels. On les trouve partout dans le monde et souvent au-delà des frontières nationales. Ils sont visuellement impressionnants, souvent bruyants et visibles dans la vie quotidienne.

Les gens prennent plaisir à observer les oiseaux, ce qui fait de l’ornithologie, ou l’observation des oiseaux, un passe-temps populaire, en particulier en Amérique du Nord. Selon un article publié l’année dernière par CBC News, un nombre croissant de jeunes dans le Nord de l’Ontario choisissent l’ornithologie comme passe-temps favori.

Manifestement, les oiseaux fascinent beaucoup de gens, moi y compris. Comme beaucoup de ménages canadiens, ma famille a des mangeoires et des nichoirs dans le jardin. Rien n’est plus agréable que de se réveiller à l’aube au chant des oiseaux.

Les oiseaux jouent un rôle important dans notre vie quotidienne. Par exemple, ils contribuent à la pollinisation et à la lutte contre les ravageurs. Ils nous fournissent des œufs et de la viande pour notre subsistance. Leurs plumes sont utilisées dans nos vêtements, nos oreillers et nos couettes pour nous tenir chaud, ainsi que dans des objets décoratifs et des œuvres d’art.

Pourtant, les oiseaux sont bien plus que des créatures simplement belles ou utiles. Ils sont des métaphores. Ils représentent la liberté, les aspirations, la vision. Leurs chants marquent le rythme des saisons. Leurs plumes inspirent notre poésie, et leur vol exalte notre imagination.

Le Canada abrite plus de 450 espèces d’oiseaux. Compte tenu de cette riche biodiversité aviaire, il est regrettable que nous n’ayons toujours pas officiellement reconnu d’oiseau national.

Durant un voyage officiel en Virginie-Occidentale l’année dernière, l’ancienne députée Brenda Shanahan et moi avons commencé à parler de notre amour des oiseaux. Elle m’a parlé d’un projet sur lequel elle travaillait avec David M. Bird de l’Université McGill, afin que le Canada reconnaisse un oiseau national officiel. Je tiens à les remercier pour tout le travail qu’ils ont accompli dans le cadre de ce projet.

Permettez-moi de vous présenter le mésangeai du Canada. Certains d’entre vous se demandent peut-être pourquoi j’ai choisi cet oiseau. Même s’il est désigné sous plusieurs noms, il demeure indéniablement canadien. Après tout, il porte le nom de notre pays dans toutes ses appellations officielles : Canada jay en anglais, mésangeai du Canada en français, et perisoreus canadensis en latin.

Cet oiseau remarquable, qui se reproduit dans l’ensemble des provinces et des territoires de notre pays, évolue dans les forêts boréales et subalpines. On ne le trouve dans aucun autre pays, sauf aux États-Unis, et ce, uniquement dans les montagnes de l’Ouest de l’Alaska. De plus, il n’est l’oiseau officiel d’aucune autre entité géographique.

En choisissant un oiseau, nous choisissons un symbole pour perpétuer notre histoire et mettre en valeur notre patrimoine naturel. En cette période où les changements climatiques menacent nos écosystèmes, où notre identité continue d’évoluer et où nos concitoyens recherchent l’unité, il est essentiel d’opter pour un oiseau qui ne représente pas seulement notre géographie, mais aussi notre caractère.

Le mésangeai du Canada est un membre de la famille des corvidés, qui comprend les geais, les corneilles, les pies bavardes et les corbeaux, sans doute les oiseaux les plus intelligents de la planète. Le mésangeai du Canada manifeste cette intelligence de manière distinctive. Comme les autres geais et corneilles, le mésangeai du Canada fait des réserves de nourriture, mais contrairement à ses cousins qui les cachent dans le sol, il préfère les stocker sur des arbres, au-dessus de la ligne de neige. Les caches demeurent ainsi accessibles même lorsqu’un épais manteau de neige recouvre le sol. Et si vous pensez que ces caches alimentaires sont remplies de semences non périssables qui se gardent longtemps, comme c’est habituellement le cas pour les oiseaux qui font des réserves, vous vous trompez. Le mésangeai du Canada fait des réserves de nourriture hautement périssable en les enrobant de grandes quantités de salive avant de les coller sur l’écorce d’épinettes et d’autres conifères, où des résines volatiles ralentissent jusqu’à l’hiver l’action des champignons et des bactéries qui causent le pourrissement. En hiver, le froid retarde encore plus le processus de décomposition.

Comme si cela ne suffisait pas, on a observé que certains mésangeais du Canada peuvent préparer jusqu’à 1 000 cachettes individuelles en une seule journée d’été, de sorte qu’à l’arrivée de l’hiver, un seul oiseau peut avoir stocké des dizaines de milliers de provisions sur son territoire. Ce qui est encore plus extraordinaire, c’est la capacité démontrée des mésangeais à se souvenir de l’emplacement de leurs réserves de nourriture. Il est donc évident que cet oiseau peut compter une grande mémoire et l’ardeur au travail parmi ses qualités.

Toutefois, ses caractéristiques positives ne s’arrêtent pas là. Contrairement à beaucoup d’autres oiseaux, le mésangeai du Canada est totalement monogame et il reste généralement avec le même partenaire toute sa vie. C’est pour le moins inhabituel. Cette monogamie ne sert pas qu’à bien paraître. Un couple de mésangeais du Canada reste ensemble toute l’année sur son territoire, souvent en demeurant à proximité l’un de l’autre, par exemple en se touchant légèrement quand ils sont perchés côte à côte. C’est ce que j’appelle le romantisme dans la forêt.

En plus d’être loyal, le mésangeai du Canada est également un oiseau très amical, très curieux et très audacieux. Il s’approche des randonneurs et des campeurs pour se percher sur leurs chapeaux, leurs mains et leurs bâtons de ski, et il inspecte les camps. Le mésangeai observe minutieusement son environnement et explore tout ce qu’il voit et entend pour la première fois. Cet oiseau est également si docile et confiant que les chercheurs ont pu soulever délicatement du doigt le ventre d’une femelle couvant ses œufs afin de les compter.

Toutefois, aussi confiant soit-il, le mésangeai du Canada est conscient des dangers. Dans les montagnes du littoral de la Colombie-Britannique, où les rapaces ornithophages menacent leur survie, les mésangeais du Canada vivent généralement en groupes territoriaux. Dans d’autres régions du Canada, il y a rarement plus de trois oiseaux qui occupent un territoire : un couple et, tout au plus, un troisième oiseau, qui est généralement l’un de leurs propres petits, issu de leur nidification précédente.

Ici, ils font face à une menace différente : les écureuils roux. Afin de réduire au minimum le danger que représente la découverte de leur nid par un écureuil, les parents mésangeais réduisent le nombre de fois où ils se rendent au nid pour donner la becquée tout en maximisant la quantité de nourriture qu’ils apportent chaque fois. S’il y a un troisième oiseau, plus jeune, sur le territoire, les mésangeais l’empêchent impitoyablement de s’approcher du nid jusqu’à ce que les oisillons aient la capacité de voler, ce qui les rend moins vulnérables aux attaques des écureuils.

Au-delà de son charme indiscutable, le mésangeai du Canada est un maître de l’adaptation. La nuit, il peut entrer en hypothermie pour économiser son énergie. Il prend des bains de soleil même par les journées les plus froides. Cela dit, savez-vous, chers collègues, quel est sa caractéristique la plus réjouissante? C’est que l’hiver, il ne quitte pas le Canada pour des climats plus tempérés.

La sénatrice Ataullahjan [ - ]

N’est-ce pas fantastique de trouver une espèce d’oiseau qui non seulement survit, mais qui prospère à la saison froide?

Comment y arrive-t-il, me demanderez-vous? Eh bien, tout comme les Canadiens, le mésangeai du Canada s’est adapté à nos hivers. Il s’est adapté de manière si remarquable qu’il niche à des températures de -30 degrés, alors que la plupart des autres espèces d’oiseaux ne sont même pas encore revenues du sud. Il construit son nid en février. Il pond en mars, et les œufs éclosent au début d’avril.

Ce comportement est surprenant, car presque tous les autres oiseaux de la forêt boréale attendent que la nourriture fraîche soit abondante avant de nidifier. Cependant, cette nidification précoce convient bien au mésangeai du Canada. Ses petits ont de meilleures chances d’échapper aux prédateurs du nid et de l’emporter sur les petits nés plus tard, sans compter qu’ils ont ainsi plus de temps pour faire des réserves de nourriture pour l’hiver. La nidification précoce adapte également les jeunes au froid, ce qui leur permet de survivre pendant les mois les plus rigoureux de l’année.

Le mésangeai du Canada est résistant. Il est intelligent. Il est fidèle et sûr de lui. C’est un oiseau qui fait des réserves de nourriture pour les jours difficiles, un oiseau qui reste avec nous pendant les hivers les plus froids, un oiseau si amical qu’il s’approche des humains au lieu de les fuir. Il s’agit manifestement d’un oiseau qui vit avec distinction et résilience, tout comme les Canadiens.

N’oublions pas que le mésangeai du Canada était le premier oiseau — et peut-être le seul — à accueillir des milliers d’explorateurs, de trappeurs, de bûcherons, de prospecteurs, de colons et de membres des Premières Nations dans leurs campements au cœur de l’hiver. Il occupe depuis longtemps une place particulière dans les cultures autochtones, en surtout chez les Premières Nations.

Il existe plus de 30 noms communs pour désigner cet oiseau remarquable en anglais, mais le plus courant est « whiskey jack », un nom dérivé de l’un des noms du mésangeai du Canada dans la famille des langues algonquiennes, très probablement du mot cri wîskicâhk. Il s’agit donc de l’un des rares noms communs anglais d’une espèce d’oiseau d’Amérique du Nord empruntés à une langue autochtone, et le seul qui soit encore largement utilisé aujourd’hui.

Le mésangeai du Canada figure également dans les récits autochtones. Selon Lawrence Martin, ancien Grand Chef du Conseil Mushkegowuk, le wîskicâhk est un oiseau sacré dans de nombreuses communautés cries. Il a dit :

Selon l’un des récits, cet oiseau s’est offert au peuple cri alors qu’il était au bord de la famine. C’est un conteur. Il vient vous avertir lorsque le malheur vous guette.

Il a poursuivi en expliquant que le mésangeai du Canada accompagnait les chasseurs et aidait les voyageurs égarés à trouver leur chemin.

Ne serait-ce pas un grand honneur que cet oiseau représente notre pays?

La Société géographique royale du Canada a lancé le projet d’oiseau national afin que le Canada choisisse son oiseau national officiel avant le 150e anniversaire du pays en 2017. Après plusieurs mois de vote, le mésangeai du Canada s’est imposé comme l’un des cinq candidats les plus populaires.

Après avoir consulté davantage d’experts et de citoyens aux quatre coins du pays, on a choisi le mésangeai du Canada comme candidat favori. Il a devancé des candidats plus spectaculaires, comme le huard, le harfang des neiges et la bernache du Canada. Pourquoi? Parce que les gens ont reconnu quelque chose de familier dans cet oiseau, quelque chose qui inspire confiance, qui est pérenne et qui évoque des valeurs qui nous sont chères.

Le mésangeai du Canada n’est pas le plus bruyant, ni le plus gros, ni le plus rare du lot, mais il est à nous, c’est-à-dire qu’il est distinctement, fièrement et indéniablement canadien. Nul besoin d’inventer d’histoire. Il existe déjà. Il est dans nos forêts. Il est dans nos sentiers. Il est dans les récits des randonneurs, des campeurs, des aînés et des scientifiques. Le mésangeai du Canada a déjà conquis le cœur de notre pays. Il ne nous reste qu’à le reconnaître officiellement.

Certains se demanderont pourquoi on ne choisirait pas le huard, la bernache du Canada ou le harfang des neiges. Tous ces oiseaux sont formidables et dignes d’admiration, mais n’oublions pas que le huard est déjà sur notre dollar et que c’est l’oiseau officiel de l’Ontario. Qu’en est-il de la bernache du Canada? C’est un oiseau emblématique, mais qui a peut-être trop mauvaise réputation. Qui parmi nous n’a pas déjà été pourchassé par l’un de ces oiseaux? Que dire du harfang des neiges? C’est une excellente candidature, mais c’est un visiteur saisonnier dans de nombreuses régions du Canada, et c’est aussi l’oiseau officiel du Québec.

En revanche, le mésangeai du Canada vit dans notre pays toute l’année. Il reste avec nous, bravant la tempête. En le choisissant comme oiseau national, on ne ferait pas la « promotion » d’un oiseau qui représente déjà officiellement une province ou un territoire. Le mésangeai du Canada est un oiseau on ne peut plus représentatif de notre fédération. Son lien étroit avec la population et l’histoire de notre pays le distingue des autres oiseaux. C’est un symbole d’ouverture et de confiance, un humble compagnon de nos contrées sauvages, un représentant de la gent ailée authentiquement canadien. Il est temps de rendre hommage à un oiseau qui nous ressemble vraiment, non seulement en apparence, mais aussi par l’esprit.

Les symboles ne nous définissent pas, mais ils sont notre miroir. Dans les moments d’incertitude et dans les moments difficiles, nous nous tournons vers nos symboles pour nous rappeler qui nous sommes. À un moment où notre souveraineté est menacée, il est essentiel que, en tant que pays, nous nous souvenions de ce qui compte le plus : notre histoire, nos peuples, nos valeurs et notre territoire.

Les États-Unis n’ont pas choisi le pygargue à tête blanche seulement à cause des plumes et des serres, mais bien pour créer une nouvelle identité nationale. On voulait unir les gens autour de l’image forte de ce qu’ils aspiraient à être.

Aujourd’hui, nous nous trouvons dans une situation semblable. Nous sommes un pays qui se redéfinit, qui se réconcilie avec son passé et qui envisage l’avenir avec audace. Choisissons un oiseau qui reflète ce cheminement. Imaginez que nous choisissons un oiseau national non pas parce qu’il est bruyant ou flamboyant, mais parce qu’il est sage, ingénieux, gentil et résilient. Ce sont là les mots qui nous décrivent, nous les Canadiens, et qui définissent nos valeurs.

C’est ce que nous accomplirons en faisant officiellement du mésangeai du Canada notre oiseau national. Laissons-le s’envoler dans notre conscience nationale comme l’oiseau qui représente le mieux nos valeurs. N’attendons pas encore 158 ans. Agissons maintenant. Merci.

L’honorable David Richards [ - ]

La sénatrice Ataullahjan accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice Ataullahjan [ - ]

Oui, bien sûr.

Le sénateur Richards [ - ]

Je me demandais tout simplement si vous aviez déjà entendu le terme moose bird. C’est le surnom que nous donnons au mésangeai du Canada au Nouveau-Brunswick. J’ai fait manger ces oiseaux dans ma main pendant des voyages de pêche. Comme nous parlons du même oiseau, nous pourrions peut-être opter pour le surnom néo-brunswickois.

La sénatrice Ataullahjan [ - ]

Nous pourrions faire ce choix, mais je pense que le nom « mésangeai du Canada » est largement admis.

Le sénateur Richards [ - ]

C’est vrai.

La sénatrice Ataullahjan [ - ]

Je vous remercie, monsieur le sénateur, de m’avoir fait part de cette information. J’ai appris quelque chose. Peu importe mon âge, je continue d’apprendre. Merci beaucoup.

Le sénateur Richards [ - ]

Je vous en prie.

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat)

Sénatrice Ataullahjan, les mots me manquent pour vous dire à quel point votre discours m’a plu. Il était vraiment magnifique. Je soutiens cette initiative à 150 %.

J’ai entendu tant d’histoires de Wîsahkêcâhk — des histoires cries —, où le mésangeai du Canada nous fait souvent rire. C’est un petit filou. Je me demande si vous êtes d’accord pour dire que l’un des charmes du mésangeai du Canada — et la raison pour laquelle il pourrait être notre oiseau national — est qu’il a un sens de l’humour malicieux, comme les Canadiens.

La sénatrice Ataullahjan [ - ]

Merci, sénatrice. Je suis d’accord; quand on se trouve en situation difficile, il faut puiser dans ses ressources intérieures et agir en petit filou. Je pense que, lorsque la situation l’impose, tout le monde peut être un petit filou à ses heures. Je vois cela comme une qualité chez le mésangeai du Canada.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) [ - ]

D’abord, je vous remercie de votre discours poétique et fort convaincant.

Pourquoi le Canada n’a-t-il pas d’oiseau national? Cette question a-t-elle déjà été abordée auparavant? Pourquoi a-t-il fallu attendre 158 ans? C’est très important et, moi aussi, j’appuie le projet de loi de tout cœur.

La sénatrice Ataullahjan [ - ]

Merci, sénatrice Martin. J’ai été surprise de découvrir que nous n’avions pas d’oiseau national. Comme je l’ai dit, nous avons un arbre et un cheval, mais pas d’oiseau national.

Quand on voit cet oiseau — j’ai eu la chance de présenter le projet de loi —, on se rend compte qu’il s’agit d’un symbole très important. Si je regarde ses couleurs, elles représentent pour moi le Canada en hiver : bleu-gris et magnifique. Elles s’accordent avec tout et elles sont également très belles.

Je sais qu’en 2017, le professeur Bird a travaillé très fort pour que cet oiseau soit reconnu comme symbole national. Toutes les personnes que j’ai rencontrées qui s’adonnent à l’ornithologie conviennent que c’est l’oiseau qui devrait représenter notre pays. Brenda Shanahan et moi en discutions récemment. Elle m’a dit : « Le professeur Bird a envoyé ce livre à tout le monde, et je vous l’ai transmis à tous. » Elle a été la seule députée à s’intéresser à cette question et à lancer le débat. J’ai dit au professeur Bird : « La prochaine fois que vous voulez faire quelque chose, adressez-vous aux sénateurs, car c’est nous qui faisons bouger les choses. »

L’honorable Pat Duncan [ - ]

Honorables sénateurs, je vais encore une fois lire un discours que j’ai préparé, mais je suis également impressionnée par mes collègues et leur éloquence. Je tiens à parler du projet de loi S-221, Loi sur l’oiseau national du Canada. De plus, je remercie la sénatrice Ataullahjan et tous ceux qui l’ont interrogée de leurs interventions éloquentes.

En tant que porte-parole du projet de loi, que j’appuie sans réserve, je tiens à remercier la sénatrice Ataullahjan de ses sages paroles et de la merveilleuse histoire qu’elle a racontée aujourd’hui, ainsi que ses collègues de leur travail sur cette initiative.

Je tiens à vous expliquer brièvement pourquoi j’estime que le projet de loi est important et que le Sénat doit l’adopter rapidement.

Au début de ma carrière, dans le cadre de mes fonctions de directrice de la chambre de commerce de Whitehorse, j’étais chargée de la gestion de l’édifice T.C. Richards, un bâtiment historique de Whitehorse qui abritait à l’époque le centre d’accueil et des organismes à but non lucratif, notamment le Barreau du Yukon, Canards Illimités Canada et le Conseil du Yukon des Guides du Canada. Dans notre collectivité, j’ai assumé bénévolement le rôle de commissaire provinciale des Guides. Le camp des guides et des brownies était situé à Marsh Lake, à environ 40 minutes de route de Whitehorse.

Les Yukonnais de la région savent que le printemps est vraiment arrivé quand des milliers de cygnes trompettes et de cygnes siffleurs arrivent sur les eaux qui se libèrent lentement, leur offrant des aires d’alimentation abondantes au lac Marsh. L’un de mes meilleurs souvenirs de cette période, c’est le travail que j’ai accompli avec mon collègue Dale Eftoda, de Canards Illimités, le ministère des Ressources renouvelables du gouvernement du Yukon et le Conseil du Yukon des Guides du Canada pour transformer le camp des brownies au lac Marsh en Centre d’interprétation du Havre des cygnes. C’était un travail d’équipe entre collègues.

Le Havre des cygnes est à la fois un refuge faunique et un centre d’interprétation. De nos jours, 30 ans plus tard, il accueille chaque année le retour des cygnes dans le cadre du Festival des cygnes, qui offre aux habitants du Yukon, du Nord de la Colombie-Britannique et de l’Alaska l’occasion d’accueillir le printemps et d’assister à la migration annuelle des cygnes, des canards et des oies, ainsi que d’en apprendre davantage sur les oiseaux et d’écouter trompeter des milliers de cygnes.

Soit dit en passant, pour ne pas manquer une belle occasion économique, l’arrivée des cygnes marque également le début de la vente des biscuits des Guides du Canada au printemps. Ces biscuits arrivent généralement en même temps que les cygnes.

Sachant que ce projet me tient à cœur, vous ne serez pas surpris d’apprendre que j’étais enthousiaste à l’idée de participer à la journée du mésangeai du Canada sur la Colline.

Cet événement était organisé par les députés Richard Cannings, Lloyd Longfield, Elizabeth May et Brenda Shanahan, ainsi que par notre chère collègue Salma Ataullahjan, qui a sa propre histoire d’amour avec ces oiseaux.

Cette journée fut une occasion d’apprendre pourquoi le mésangeai du Canada devrait être désigné comme l’oiseau officiel de notre pays, ce qui est la motivation derrière le projet de loi S-221 présenté par notre collègue.

Notre collègue a remis le livre The Canada Jay: The National Bird of Canada? aux honorables sénateurs. Elle a aussi souligné avec éloquence les principaux motifs de cette initiative.

Si vous n’avez pas eu l’occasion de lire le livre, ou si vous venez tout juste d’entrer dans la salle ou que vous venez de commencer à nous écouter, j’aimerais mettre l’accent sur les caractéristiques que je considère comme les plus importantes dans cette discussion.

Les Premières Nations et les Inuit du Canada sont les gardiens de cette terre et de tous ceux qui la foulent depuis des millénaires. Comme vous l’avez entendu ou lu, l’oiseau était souvent appelé en anglais whiskey jack, nom dérivé des mots cris wîskicâhk et wîskacân.

Au chapitre 9 du livre qui vous a été remis, Mark Nadjiwan note que, bien qu’il préfère le nom plus courant dérivé de la langue crie, whiskey jack, il accepte le nom Canada jay, pour mésangeai du Canada, car le mot « Canada » est lui-même une variante du mot kanata, qui signifie « village ».

En tant que représentante de l’un des trois territoires du Sénat, chacun n’ayant qu’un seul représentant, je crois que mes honorables collègues comprendront à quel point il est important pour moi que tout ce que nous fassions soit inclusif et représentatif de l’ensemble du pays.

Contrairement à l’érable, le mésangeai du Canada est présent dans toutes les provinces et tous les territoires. Les plus jeunes oiseaux des années précédentes sont connus pour aider à nourrir les nouveaux oisillons dans un cadre familial, ce qui n’est pas sans rappeler ce à quoi ressemble parfois le fédéralisme.

Ce qui est peut-être le plus important en cette période difficile, comme l’a fait remarquer la sénatrice Ataullahjan, c’est qu’il ne s’envole pas vers le sud pour l’hiver. Il reste ici, au Canada, tout au long de l’année.

De toute évidence, chers collègues, j’appuie le projet de loi S-221. Cela dit, je manquerais à mon devoir de porte-parole amicale si je ne reconnaissais pas les quelques points litigieux de ce projet de loi.

Il y a d’abord ceux qui se demanderont : pourquoi le geai gris, ou mésangeai du Canada? Le travail entrepris pour choisir le mésangeai du Canada — officiellement et correctement reconnu en 2018 par la Société américaine d’ornithologie, qui a rétabli le nom tel qu’il était avant 1957 — est bien documenté dans le chapitre 5 du livre.

Ce sont le Canadian Geographic et les ornithologues de tout le pays qui ont demandé cette initiative et choisi le mésangeai du Canada. Honorables sénateurs, ce sont les Canadiens qui guident ce que nous faisons pour le Canada, et je ne conteste ni leur choix ni leurs efforts.

« Pourquoi maintenant? », demandera-t-on. Il est certain qu’en tant que Chambre de second examen objectif, à la lumière des priorités urgentes et pressantes, nous avons des sujets plus importants à considérer que l’oiseau national du Canada. Toutefois, réfléchissons un instant à l’importance des symboles.

Notre drapeau, celui que nous avons adopté en 1965 — la plupart d’entre nous étaient déjà nés à cette époque — est une source de fierté. Le rouge et le blanc se prêtent bien aux uniformes nationaux, notamment ceux portés par nos athlètes des Jeux olympiques, paralympiques et spéciaux. La feuille d’érable est représentée dans toutes les formes d’art.

Évidemment, il y a les sports nationaux, la crosse et le hockey, qu’on appelle « notre sport », et le trophée le plus difficile à remporter de tous les sports, la coupe Stanley, qui porte le nom de lord Stanley, le sixième gouverneur général du Canada.

Nous sommes d’ailleurs en pleine finale de la Coupe Stanley, ce qui m’amène à poser une autre question qui vient à l’esprit quand on examine le projet de loi : pourquoi maintenant? Je suis en politique depuis quelques années et j’ai appris qu’il ne fallait pas tenter de s’imposer face à la finale de la Coupe Stanley. Heureusement, le match 4 est demain et pas ce soir.

Les honorables sénateurs connaissent assurément l’expression « la même occasion ne se représente jamais deux fois ». Au risque d’être qualifiée d’opportuniste politique, chers collègues, notre occasion est là.

C’est vrai, l’autre endroit et la population canadienne en général discutent d’enjeux très sérieux. Ces discussions se transporteront bientôt au Sénat.

Les incendies menacent tout l’Ouest, ce qui nuit à la santé et à la qualité de l’air ici, dans l’Est. Nous sommes encore en train de reconstruire à la suite des événements météorologiques dévastateurs récents dans le Canada atlantique. Tout le monde se demande quelle est la meilleure façon de présenter à tous les Canadiens des projets d’édification nationale autorisés et responsables sur le plan environnemental, avec la participation des Autochtones, des projets qui fonctionneront pour tout le monde et pour l’avenir du Canada.

Banques alimentaires Canada sera bientôt l’hôte d’une conférence à Montréal. La sécurité alimentaire est un enjeu national, voire une autre crise nationale.

Chers collègues, nous entendons également dire qu’il faut prendre des mesures immédiates et obtenir des résultats pour notre travail. Le Sénat devrait-il prendre le temps de discuter du projet de loi S-221 pour reconnaître un oiseau national?

À cela, je réponds : bien sûr, faisons-le tout de suite.

Une occasion s’offre à nous en ce moment même. En attendant les résultats des discussions des représentants dûment élus à la table des premiers ministres, de l’Assemblée des Premières Nations et de l’Inuit Tapiriit Kanatami avec le premier ministre, ainsi que les résultats de l’étude des propositions législatives à l’autre endroit, nous avons l’occasion de faire un peu de ce que je qualifierais de gestion interne. C’est quelque chose que le Sénat est souvent en mesure d’offrir, par exemple lorsque la renumérotation d’un projet de loi a été négligée ou lorsqu’il y a une conséquence imprévue d’une mauvaise interprétation entre les versions française et anglaise d’un projet de loi. Il s’agit d’amendements relativement mineurs qui peuvent être proposés au Sénat et qui, à l’occasion, le sont.

Nous avons souvent examiné ces questions sans y consacrer beaucoup de temps en comité, sachant qu’elles devaient être traitées sans délai.

Aujourd’hui, alors que de nombreuses régions rurales et éloignées du Canada sont frappées par des ordres d’évacuation, j’ai l’occasion de faire un peu de gestion interne au nom des organisations de gestion des urgences des provinces et des territoires afin de rappeler à tous l’importance de se munir d’une trousse d’urgence, d’un sac prêt à emporter ou d’une boîte de survie. Tous les Canadiens, en particulier ceux qui vivent en milieu rural, sont invités à préparer cette boîte ou ce sac que l’on emporte avec soi lorsque l’on quitte son domicile. Cette trousse d’urgence doit contenir les documents familiaux essentiels, une radio FM à piles pour écouter la chaîne de CBC/Radio-Canada, des médicaments, de la nourriture pour les animaux de compagnie et de l’eau. Une liste complète se trouve sur les sites Web des organisations de gestion des urgences provinciales, territoriales et nationales.

Adopter ce projet de loi, accepter la suggestion des Canadiens de désigner le mésangeai du Canada comme oiseau national, c’est de la gestion interne. C’est préparer cette boîte prête à emporter. C’est garder les coudes bien haut. C’est accepter la passe de nos collègues de l’autre endroit et marquer le but gagnant en prolongation. Adopter ce projet de loi sans étude approfondie — étude qui a déjà été réalisée par les Canadiens au fil des ans — est tout à fait possible, et je crois sincèrement que nous devrions saisir l’occasion qui se présente à nous.

En cette période unique d’édification nationale, où les régions de tout le pays sont prêtes à mettre de côté leurs différences pour former une équipe Canada unifiée et redoutable, la reconnaissance de l’oiseau national vient appuyer ces efforts, en un symbole extraordinaire d’unité.

J’exhorte tous les sénateurs à participer au débat et à adopter le projet de loi S-221 avant l’ajournement estival, avant que quelqu’un d’autre ne s’approprie cet oiseau, alors que les changements climatiques continuent de menacer son existence, et pour montrer à nos collègues de l’autre endroit — à tous les Canadiens — que nous sommes capables, dans un esprit de collégialité, d’écouter et d’agir pour répondre à une simple demande des ornithologues amateurs canadiens qui souhaitent voir le mésangeai du Canada reconnu comme l’oiseau national du Canada.

Je vous remercie de votre attention.

Shäw níthän. Mahsi’cho. Gùnáłchîsh.

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