La Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre
Projet de loi modificatif--Troisième lecture--Débat
9 novembre 2023
Prenez la parole. Le sénateur Wells n’est pas là.
Non, mais il y a d’autres intervenants ici...
Le sénateur Wells n’est pas...
Eh bien, premièrement, vous ne devriez pas souligner la présence ou l’absence de quelqu’un et, deuxièmement, il y a d’autres intervenants sur la liste.
Sénateur Wells, souhaitez-vous proposer la troisième lecture?
Propose que le projet de loi C-234, Loi modifiant la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, soit lu pour la troisième fois.
— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui sur le projet de loi C-234, Loi modifiant la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre. J’aimerais d’abord remercier le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts d’avoir étudié ce projet de loi, le président du comité, l’honorable sénateur Robert Black, et sa vice-présidente, l’honorable sénatrice Paula Simons, qui a également présidé l’une des réunions. Je tiens à remercier tous les membres du comité, tant les membres réguliers que ceux qui sont venus pour participer aux discussions rigoureuses.
Certains ont commenté la présence de membres non réguliers qui ont dirigé les discussions sur certains aspects de l’étude du projet de loi, mais je tiens à souligner qu’aucun sénateur ne joue un rôle subalterne au sein d’un comité. Sauf pour ce qui est du privilège de voter, tout sénateur a le droit de se joindre à un comité pour l’étude d’un projet de loi. Il a parfaitement le droit de le faire et je m’en réjouis, surtout lorsque ses opinions ne concordent pas avec les miennes.
Comme nous l’avons entendu lors du débat à l’étape du rapport, le comité s’est réuni pendant 10 heures, il a entendu 24 témoins et il a reçu 12 mémoires, sans compter le débat supplémentaire que tous les sénateurs ont suivi à l’étape du rapport mardi.
Chers collègues, comme vous le savez, ce projet de loi modifie la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, autrement dit la taxe sur le carbone, pour accorder une exemption pour le propane et le gaz naturel utilisés à des fins agricoles. Cette mesure pleine de bon sens mérite le soutien de la Chambre pour maintes raisons que je vous présente.
Premièrement, la taxe sur le carbone vise à inciter les consommateurs à réduire l’utilisation de combustibles à teneur élevée en carbone en adoptant des solutions plus efficientes à faibles émissions de carbone. Cet objectif est louable. Toutefois, les agriculteurs n’ont pas d’option de remplacement viable pour faire une transition facile et, lorsqu’elles existent, les solutions possibles sont extrêmement coûteuses. Si ces problèmes ne se posent pas, les agriculteurs, les éleveurs et les maraîchers optent pour un combustible de remplacement parce que c’est sensé sur le plan commercial.
Dans mon discours à l’étape du rapport, vous vous souviendrez que j’ai parlé de nombreuses initiatives, notamment l’installation d’écrans pare-soleil et l’amélioration des systèmes de ventilation, pour réduire le coût du combustible des exploitations. Cela signifie que le maintien de la taxe sur le carbone sur le propane et le gaz naturel ne vise pas le but recherché. C’est encore plus clair quand on note que le diésel et l’essence — des carburants utilisés couramment pour les dispositifs de chauffage, de refroidissement et de séchage du grain — sont exempts de la taxe sur le carbone. Cet argument a été invoqué à maintes reprises devant le comité. Voici comment la Fédération de l’agriculture de l’Ontario expose la question dans son mémoire :
[...] la redevance sur les combustibles prévue à la partie 1 de la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre est un mécanisme inefficace pour favoriser la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans le secteur agricole à court et à moyen termes. À défaut de solutions de rechange viables au propane et au gaz naturel pour le séchage du grain et le chauffage des étables, et compte tenu de la forte invariabilité des prix de l’énergie, la redevance perçue sur ces combustibles ne fait qu’enlever de l’argent aux agriculteurs, dont les marges sont déjà très serrées.
La taxe carbone est censée envoyer un signal de prix pour encourager la transition vers des combustibles à plus faibles émissions de carbone. Toutefois, en raison de l’absence de telles options, ce signal ne fonctionne pas lorsqu’il s’agit du propane et du gaz naturel utilisés à des fins agricoles. Une exemption — et c’est l’objet du projet de loi — est justifiée.
Les agriculteurs peuvent déjà demander un certificat d’exemption qui les dispense de payer la taxe sur le carbone appliquée à l’essence et au diésel. Le projet de loi S-234 vise simplement à étendre cette exemption au propane et au gaz naturel. Cela ne nuit pas à l’efficacité de la taxe sur le carbone, mais constitue un élargissement logique de la politique existante, d’autant plus que le propane et le gaz naturel sont considérés comme des carburants de transition et qu’ils émettent donc moins de carbone dans l’atmosphère que le diésel et l’essence.
En plus de l’exemption existante sur l’essence et le carburant diésel, le gouvernement a également introduit un remboursement qui tient compte de la nécessité d’alléger la taxe sur le carbone pour le propane et le gaz naturel utilisés à des fins agricoles.
Lorsque le remboursement a été annoncé dans la Mise à jour économique et budgétaire de 2021, le gouvernement a déclaré :
Conscient que de nombreux agriculteurs utilisent le gaz naturel et le propane dans le cadre de leurs activités, et conformément à l’engagement du budget 2021, le gouvernement propose de retourner les produits issus de la redevance sur les combustibles directement aux agriculteurs des administrations assujetties à un filet de sécurité au moyen d’un crédit d’impôt remboursable, à compter de l’exercice 2021-2022 de la redevance sur les combustibles.
L’objectif de la politique publique était clair : retourner les produits de la redevance sur les combustibles et prélevés sur le gaz naturel et le propane utilisés à des fins agricoles directement aux entreprises agricoles. Or, le remboursement n’atteint malheureusement pas cet objectif parce qu’il est calculé en fonction de la taille de l’entreprise agricole. Je cite le ministère des Finances :
Il n’y a aucun lien entre l’utilisation réelle de propane ou de gaz naturel dans une exploitation agricole et le montant du crédit attribué.
Chers collègues, autrement dit, le remboursement n’en est pas vraiment un parce qu’il n’est pas calculé en fonction des véritables coûts de la taxe sur le carbone. C’est plutôt un crédit d’impôt remboursable spécial correspondant à 1,73 $ par tranche de dépenses agricoles admissibles de 1 000 $ pour toutes les entreprises agricoles. Les dépenses agricoles admissibles correspondent aux montants déduits dans le calcul des revenus agricoles aux fins de l’impôt sur le revenu, à l’exception des déductions découlant de rajustements de l’inventaire obligatoires et optionnels et d’opérations avec des parties ayant un lien de dépendance.
Pour être clair, le remboursement qui n’en est pas un n’a aucun lien avec les dépenses réelles que les agriculteurs ont assumées en raison de la taxe sur le carbone qui est appliquée sur le propane et le gaz naturel. Il n’y a aucun lien.
Chers collègues, il a beaucoup été question du cumul du remboursement et de l’exemption, et j’aimerais en glisser un mot. Vous vous souviendrez que le projet de loi C-8, parrainé au Sénat par l’honorable Clément Gignac, portait sur ce remboursement. Voici ce que nous avons entendu : Jenna Robbins, directrice principale, Planification stratégique et politique au ministère des Finances, a dit que c’est le ministre des Finances qui établit le taux de paiement. Si le projet de loi C-234 était adopté, le taux de paiement serait établi à zéro. C’est aussi ce qui est indiqué au bas de l’ancien rapport de la Bibliothèque du Parlement que certains collègues ont pu consulter plus tôt cette semaine.
En plus de la mesure que je viens de décrire, pour éviter le double paiement, le gouvernement pourrait donner pour directive à l’ARC de cesser de traiter les paiements à partir de la date de la sanction royale du projet de loi C-234. C’était mentionné dans le Rapport sur ce que nous avons entendu de l’Agriculture Carbon Alliance. Nous pouvons même aller plus loin : la formule contenue dans le projet de loi C-8 permet d’ajuster les jours d’admissibilité au remboursement pendant une année d’imposition donnée. Donc, l’ARC peut traiter les remboursements jusqu’à la date à laquelle le projet de loi C-234 devient une loi. Par la suite, le ministre des Finances peut établir le taux de paiement à zéro. Enfin, la Loi de l’impôt sur le revenu serait modifiée — au moyen d’une loi d’exécution du budget, par exemple — pour retirer la disposition résiduelle ajoutée par le projet de loi C-8.
Chers collègues, l’objectif du gouvernement était juste : de nombreux agriculteurs utilisent du gaz naturel et du propane dans le cadre de leurs activités, et les produits issus de la redevance sur les combustibles devraient leur être remis directement. Malheureusement, le remboursement n’atteint pas cet objectif, et c’est pourquoi le projet de loi C-234 est justifié et nécessaire. Il permettra d’atteindre l’objectif énoncé.
Chers collègues, nous devrions appuyer ce projet de loi non seulement parce que le maintien de la taxe sur le carbone sur le propane et le gaz naturel ne réduit pas les émissions de carbone, mais aussi parce que cette taxe nuit aux efforts des agriculteurs qui souhaitent faire la transition vers des options énergétiques à plus faibles émissions de carbone. La raison en est fort simple : cette mesure enlève de l’argent aux agriculteurs, qui ne peuvent pas le récupérer en transférant le coût immédiatement ou en passant à une source de carburant à faibles émissions de carbone. On se trouve donc à nuire au principe même de la taxe sur le carbone plutôt que de le favoriser.
Vous vous souviendrez que j’ai mentionné dans mon discours à l’étape du rapport qu’une exploitation avicole de taille moyenne paierait 250 000 $ par année en taxe une fois que le prix du carbone atteindrait 170 $ la tonne. Toute analyse du remboursement qui inclurait une contribution annuelle de ce genre favoriserait des investissements beaucoup plus éclairés pour réduire les émissions produites par le chauffage et la climatisation des granges et le séchage des grains.
Le directeur parlementaire du budget a rapporté que la taxe sur le carbone appliquée au gaz naturel et au propane coûtera 978 millions de dollars aux agriculteurs d’ici 2030. Cette taxe réduira le bénéfice net des agriculteurs de près d’un milliard de dollars, ce qui aura des répercussions importantes sur leur capacité à investir dans de nouvelles technologies. Si nous adoptons le projet de loi C-234, les agriculteurs seront plus à même de conserver ce capital dans leurs exploitations, ce qui leur donnera plus d’occasions et de ressources pour continuer à réinvestir dans des pratiques agricoles plus durables.
Il serait bon pour les agriculteurs, les éleveurs et les cultivateurs et mieux pour l’environnement que le projet de loi C-234 soit mis en œuvre, car il reconnaît que le propane et le gaz naturel sont des carburants à faibles émissions et ne décourage pas les exploitants de les utiliser.
Chers collègues, des programmes fédéraux comme le Programme des technologies propres en agriculture et des programmes de ristourne de taxe visent certes à aider les agriculteurs en allégeant l’incidence des suppléments pour le gaz naturel et le propane, mais ce sont des programmes qui, en plus d’être difficiles d’accès, ne suffisent pas à la demande. Quoique bienvenus et nécessaires, ces programmes ne touchent qu’un petit pourcentage d’agriculteurs.
De plus, ces programmes ne couvrent qu’une partie des coûts réels de modernisation des sources de combustible pour les agriculteurs, ce qui veut dire qu’ils doivent remplacer leurs séchoirs à grains avant que le programme ne devienne rentable pour eux. Le Comité permanent de l’agriculture et des forêts a appris qu’un séchoir peut fonctionner pendant des décennies et qu’il représente une importante acquisition. Remplacer un séchoir simplement parce que le gouvernement absorbe une partie des coûts ne signifie pas qu’une telle décision sera automatiquement rentable. Même si le budget prévu par le gouvernement pour ces programmes était illimité, les agriculteurs n’y adhéreraient pas forcément en masse.
Finalement, ma dernière raison pour appuyer le projet de loi C-234 est la suivante : la taxe sur le carbone appliquée au gaz naturel et au propane désavantage les agriculteurs canadiens par rapport à leurs concurrents étrangers qui ne sont pas assujettis à des frais de combustible semblables. Nos entreprises sont donc automatiquement moins rentables que leurs concurrents. De plus, ce coût additionnel pour les agriculteurs se répercute sur les consommateurs canadiens.
Nicholas Rivers, professeur agrégé à l’Université d’Ottawa, a déclaré ceci au comité :
Il y a certaines exemptions à la tarification du carbone pour les combustibles utilisés dans les fermes, mais ces exemptions ne s’appliquent pas actuellement au combustible utilisé pour le séchage des grains ou pour le chauffage des bâtiments. Cela signifie que les céréaliculteurs doivent payer la totalité de la tarification du carbone sur le combustible utilisé pour le séchage des grains et ne reçoivent pas de remboursements fondés sur le rendement. Cependant, tout comme le ciment et l’acier, les céréales sont un produit échangeable à l’échelle internationale, et on craint à juste titre que la tarification du carbone désavantage les céréaliculteurs canadiens par rapport à leurs concurrents internationaux.
Chers collègues, les agriculteurs sont des preneurs de prix, et non des décideurs de prix. Ainsi, pour rester concurrentiels, ils sont contraints d’absorber le coût de la taxe sur le carbone dans leurs activités et de facturer davantage les années suivantes, si cela est en leur pouvoir, ce qui n’est souvent pas le cas.
Voici comment le gouvernement présente les choses dans son document d’information sur la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre :
La [loi] a pour objectif de réduire les émissions de gaz à effet de serre en veillant à ce que la tarification de la pollution par le carbone s’applique dans l’ensemble du Canada.
Parallèlement, le gouvernement reconnaît que des groupes et des secteurs précis ont besoin d’un allégement ciblé de la redevance sur les combustibles, notamment parce qu’ils disposent de peu de solutions de rechange à l’égard de la tarification de la pollution par le carbone.
Chers collègues, les exemptions ne sont pas un inconvénient ou une « exonération ». Je me souviens d’un échange musclé avec notre collègue, le sénateur Woo, concernant ce mot à l’étape de la deuxième lecture, en juin dernier. Le document d’information du gouvernement dit expressément que les exemptions sont l’un des éléments d’un régime de taxe sur le carbone. Ils sont nécessaires pour veiller à ce que la politique soit ciblée et efficace et qu’elle n’entraîne pas de résultats indésirables. Il existe déjà des exceptions pour les agriculteurs et les pêcheurs, ainsi qu’un allégement fiscal ciblé supplémentaire pour les habitants des régions rurales et petites collectivités, les utilisateurs de carburant d’aviation dans les territoires, les exploitants de serres, les centrales qui produisent de l’électricité pour les collectivités éloignées, les peuples autochtones et — comme nous l’avons entendu récemment — ceux qui chauffent leur maison au mazout.
Le projet de loi C-234 n’est pas un nouveau concept. C’est un petit ajustement qu’il est nécessaire d’apporter à l’ensemble des exemptions équitables existantes. Dans ce cas-ci, l’ajustement aura une incidence importante sur la capacité des agriculteurs à demeurer concurrentiels sur les marchés internationaux et à continuer d’adopter des technologies plus efficientes. Les agriculteurs, les éleveurs et les producteurs du Canada se sont exprimés d’une seule voix à l’égard de ce projet de loi, et nous avons tous entendu très clairement leur message.
Enfin, chers collègues, pour finir sur une note peut-être plus personnelle, je me suis engagé à parrainer ce projet de loi, non pas parce que je viens d’un milieu agricole ou même d’une région très agricole. Je viens de Terre-Neuve et il y a probablement une bonne raison pour laquelle le Comité de l’agriculture n’est pas allé sur « le rocher » pour mener une étude des sols. Je voulais parrainer ce projet de loi parce que j’avais l’impression que promouvoir l’équité était la bonne chose à faire.
Le débat sur ce projet de loi a été animé et houleux. Le projet de loi a une incidence importante sur les politiques publiques et il m’a obligé à faire mes devoirs. D’honorables collègues ont mis la main à la pâte, mais le projet de loi a également suscité un débat important au sein des agriculteurs, des éleveurs et des producteurs, ainsi que chez les décideurs et les consommateurs. C’est un exemple parfait de l’excellent travail que peuvent accomplir les sénateurs, et ce fut un honneur d’y prendre part avec vous. Merci.
Le sénateur Wells peut-il répondre à quelques questions?
Oui, madame la sénatrice.
Merci. Je m’en réjouis.
Sénateur Wells, je vous remercie pour le discours détaillé que vous avez prononcé au sujet du projet de loi C-234, qui revêt une importance cruciale non seulement pour les agriculteurs de ma province, la Saskatchewan, mais pour ceux de partout au pays.
Vous avez mentionné, dans votre discours, que les séchoirs à grains représentent une dépense en capital considérable. J’ai un tout petit peu d’expérience dans le domaine, puisque mon père a vendu du matériel agricole, y compris des séchoirs à grains, pendant une trentaine d’années, il y a longtemps. Je sais donc qu’il s’agit d’une dépense considérable. Je souhaitais donner à nos collègues l’occasion d’en apprendre un peu plus à ce sujet.
Ai-je raison de penser qu’acheter un nouveau séchoir à grains pour une ferme, ce qu’il y a de plus efficace sur le marché, coûte probablement entre 100 000 $ et 150 000 $? Je ne parle pas ici d’un séchoir industriel, mais simplement d’un séchoir ordinaire à l’intention des fermes. Le prix est peut-être encore plus élevé maintenant, étant donné la hausse considérable des coûts.
Je vous remercie de votre question, sénatrice Batters. Pour être franc, je ne connais pas le prix d’un séchoir à grains. Mais je sais qu’après la fin du débat mardi, je me suis rendu à la réception de la Canola Growers Association et j’ai parlé avec une agricultrice qui possède une ferme de canola à environ une heure au nord d’Ottawa. Elle m’a dit que, si le projet de loi C-234 était adopté — et il ne s’agit pas d’une grande exploitation —, elle pourrait acheter un séchoir à grains au lieu d’avoir à envoyer son grain à North Gower, juste au sud d’Ottawa. Cet achat se rentabiliserait au bout de 12 ans grâce aux économies qu’elle réaliserait en n’ayant pas à payer la taxe sur le carbone.
Je ne connais pas le prix d’un séchoir, mais je sais que, selon cette petite productrice de canola, qui souhaite sécher son propre grain sur sa ferme pour avoir plus de contrôle — et, bien sûr, réduire les frais de transport —, douze ans pour rentabiliser l’achat d’une pièce d’équipement industriel est une durée raisonnable. De plus, avec cet argent supplémentaire en poche, il lui serait beaucoup plus facile de demander un crédit à la banque que s’il en était autrement.
Sénateur Wells, en ce qui concerne le gaz naturel utilisé pour chauffer les granges et ce genre de bâtiments, pouvez-vous nous donner une idée des coûts qui s’y rattachent? Je crois comprendre que vous avez récemment reçu de la correspondance d’un éleveur de poulets de l’Alberta qui a parlé des coûts énormes. Je pense qu’il a dit que, pour chauffer sa grange, il a dû payer 120 000 $ l’année dernière, et qu’il devra payer 180 000 $ cette année. Lorsque la taxe sur le carbone atteindra 170 $ la tonne, il devra payer 480 000 $ par année.
Est-ce qu’on vise à aider les agriculteurs à composer avec ce genre de coûts pour que les aliments puissent finalement nous coûter moins cher?
Je vous remercie de la question. D’entrée de jeu, je dois avouer que je ne m’y connais pas beaucoup en matière d’élevage des poulets, mais j’ai tout de même visité une exploitation avicole dans le Sud de l’Alberta. J’ai demandé une visite guidée. Les exploitants n’ont pas accepté, entre autres pour des raisons de biosécurité, ce que je comprends. J’ai néanmoins pris le temps de poser de nombreuses questions sur leur exploitation. J’espère répondre à votre question.
Il faut compter huit semaines de la ponte d’un œuf à la vente d’un poulet. C’est une constante. L’exploitation que j’ai visitée compte huit poulaillers à deux endroits différents. Je pense qu’on y utilise du propane parce que le gaz naturel n’est pas offert dans la localité. Au départ, le choix de combustible est limité. Les exploitants m’ont donné des chiffres calculés en fonction de la tarification du carbone et, à 170 $ la tonne, il leur en coûtera près d’un demi-million de dollars par année. On parle ici d’une exploitation moyenne qui n’est pas grande.
Je sais que le prix du gaz naturel est à la baisse. Le sénateur Dalphond l’a signalé au comité, et il a raison. Mais ce n’est pas une constante. On ne sait pas ce que sera le prix du gaz naturel l’an prochain, ou celui du propane. Nous vivons dans un contexte géopolitique volatile, et l’optimisme n’est pas une façon de rentabiliser une entreprise.
Par ailleurs, cela coûte cher. Je sais que cet agriculteur en particulier faisait tout ce qu’il pouvait — je répète qu’il s’agit d’une ferme familiale. Ils ont utilisé le meilleur isolant et installé des écrans thermiques du côté ensoleillé de la grange pour la protéger le plus possible de la chaleur. Ils utilisent un système de ventilation. Bien sûr, pendant l’hiver dans les Prairies, il faut chauffer le bâtiment.
Encore une fois, je pense l’avoir dit dans un discours précédent, mais ils doivent contrôler très étroitement la température à laquelle sont élevés les poulets. Si la température monte de trois ou quatre degrés au-dessus de la fourchette acceptable, les oiseaux meurent en quelques minutes. Si elle chute sous cette fourchette, le même agriculteur m’a dit qu’ils survivent un peu plus longtemps, mais qu’ils finissent par mourir. C’est ce que je sais sur les dépenses en combustible des agriculteurs pour chauffer et refroidir leurs granges.
Sénateur Wells, accepteriez-vous de répondre à une question?
Absolument.
Tout comme vous, j’ai essayé de faire mes devoirs sur ce projet de loi, car je déteste les questions d’iniquité entre les régions.
Les derniers jours ont été difficiles. Je me suis intéressée particulièrement au crédit d’impôt remboursable que le gouvernement a mis en œuvre en 2021, après avoir noté l’iniquité de la situation.
Est-ce que ce crédit d’impôt remboursable compense un certain montant de la taxe sur le carbone? Si on fait le calcul, en Alberta, la moyenne des dépenses des fermes en chauffage et en taxe sur le carbone est de 0,5 % de toutes les dépenses. Pour ce qui est de la taxe sur le carbone, le crédit d’impôt remboursable compense ces coûts à hauteur de 0,17 %. Ce qui fait qu’en moyenne, on peut penser que le chèque que reçoivent les producteurs compense pour environ le tiers des dépenses en chauffage et en taxe sur le carbone.
Étant donné que la taxe sur le carbone est beaucoup moins importante financièrement que les coûts de chauffage, on peut penser que c’est quand même une compensation qui est assez substantielle pour les producteurs. C’est vrai que c’est une moyenne, et c’est vrai que le chèque est une moyenne pour tout le monde.
Toutefois, est-ce que d’une certaine façon cela ne récompense pas ceux qui consomment moins d’énergie, donc cela pénalise un peu plus ceux qui consomment davantage de gaz naturel et de diésel?
Voilà une question un peu complexe.
Je regrette maintenant d’avoir accepté de répondre à votre question.
Je ne vais pas remettre en cause les pourcentages que vous avez donnés. Pour ce qui est du crédit d’impôt remboursable ou du remboursement, il ne cible pas précisément les exploitations agricoles qui utilisent du propane et du gaz naturel. Il cible toutes les exploitations agricoles et toutes les dépenses admissibles. Comme je l’ai déjà dit, ces dépenses admissibles n’incluent pas nécessairement le propane ou le gaz naturel.
J’ai aussi appris que le crédit d’impôt remboursable représente de 7 à 10 %. Il s’agit là d’un pourcentage très faible des dépenses totales en gaz naturel et propane.
Je ne sais pas si cela répond pleinement à votre question, mais bien que le remboursement s’applique à un grand nombre d’exploitations agricoles, il ne cible pas précisément les exploitations qui utilisent du propane et du gaz naturel, les combustibles dont il est ici question.
Puisque je ne suis pas comptable et que vous ne l’êtes peut-être pas non plus, nous allons en rester sur ce différend. Je pense qu’il y a différents chiffres qui circulent sur les remboursements pour le crédit d’impôt remboursable et sur ce que tout cela crée véritablement. Merci.
Était-ce une question?
Je suis d’accord avec vous. Étant donné que ce projet de loi prévoit très clairement une exemption pour le gaz naturel et le propane dans le cadre de la Loi sur la tarification de la pollution, on n’a pas à se préoccuper de l’application de crédits à d’autres dépenses agricoles admissibles que les combustibles.
Est-ce que le sénateur Wells accepterait de répondre à une autre question?
Bien sûr, sénateur Dalphond.
Merci, sénateur. Je vous remercie de votre intervention. Beaucoup de choses ont été dites, et je suis heureux que vous partagiez mon avis sur certains éléments du budget de 2023.
Savez-vous combien un éleveur de poulets ou de dindes en Ontario paie pour le gaz naturel? Combien d’argent supplémentaire faut-il payer cette année par mètre cube de gaz naturel à cause de la taxe sur le carbone?
Je ne connais pas la réponse exacte.
J’ai parlé avec des agriculteurs, et je peux vous fournir l’information. J’ai les factures sous la main. Pour cette année, la taxe sur le carbone est de deux cents le mètre cube. Voilà l’augmentation. L’année dernière, elle était de deux cents. L’année précédente, elle était de deux cents le mètre cube. Vous pourriez peut-être nous dire, sénateur Wells, combien coûte le gaz naturel en Ontario.
Merci de votre question, sénateur Dalphond. Je ne connais pas le prix du gaz naturel en Ontario. Je sais seulement que le prix en dollars que les petites, les moyennes et les grandes exploitations agricoles doivent payer est considérable et que ce n’est avantageux ni pour les agriculteurs ni pour l’environnement.
Accepteriez-vous de répondre à une autre question?
Oui.
Le prix est maintenant de 1,21 $ le mètre cube. Il était de 1,39 $ l’année dernière, incluant la taxe sur le carbone.
Ma prochaine question porte sur la nécessité de maintenir la compétitivité. Je suis tout à fait d’accord avec le principe qui veut que notre secteur agricole soit compétitif.
Sénateur Wells, cela vous a peut-être échappé, mais certains témoins qui ont comparu devant le comité ont mentionné — et des données probantes l’ont démontré — que pour au moins 60 % des producteurs de grains de l’Ontario, le projet de loi C-234 ne s’appliquera pas. Pourquoi? Parce qu’ils utilisent des entrepôts et des séchoirs appartenant à des tiers. Ces producteurs ne bénéficieront pas de votre projet de loi. Il y a donc 60 %, voire 65 %, des producteurs de grains de l’Ontario qui n’en bénéficieront pas.
Vous dites qu’il faut maintenir la compétitivité. Or, le projet de loi ne semble pas y arriver.
Je ne sais pas si vous le savez, mais j’ai posé des questions à un des représentants en comité. Voici la question que je vous pose : quelle est la différence de compétitivité entre les producteurs qui auront accès au remboursement et ceux qui n’y auront pas accès, c’est-à-dire 60 % d’entre eux, sinon davantage?
Je vous remercie, sénateur Dalphond.
C’est une excellente question. Je répondrai d’abord à votre question sur la proportion de 60 % ou plus des producteurs qui ne fait pas sécher son grain sur place.
Vous avez peut-être entendu ma réponse à la question de la sénatrice Batters, qui m’a amenée à parler de l’entretien que j’ai eu mardi soir avec une agricultrice qui fait actuellement sécher son grain à North Gower, au sud d’Ottawa. Or, son exploitation se trouve à une heure au nord d’ici. Ils auraient l’occasion de faire sécher leur grain à leur exploitation et d’en tirer profit. En ce qui concerne la proportion de 60 % ou plus d’agriculteurs qui ne fait pas sécher son grain sur place, quel que soit le chiffre — j’ignore si ce chiffre est exact, mais si vous le dites, je vous crois sur parole —, je dirais que ces agriculteurs auront l’occasion de faire sécher leur grain sur place, ce qui leur permettra de bénéficier du projet de loi C-234.
En toute franchise, je dois dire que j’ai oublié votre deuxième question.
Je peux la répéter. Est-il vrai qu’il y a une différence de 1 % — voire moins —, entre les producteurs de grains de l’Ontario qui bénéficieront de votre projet de loi et ceux qui n’en bénéficieront pas, c’est-à-dire la majorité, comme l’ont indiqué les témoins.
Merci, sénateur Dalphond.
D’après l’énorme quantité de rétroaction que nous avons reçue de la part d’agriculteurs, d’éleveurs, de cultivateurs, dont des producteurs de champignons, et d’associations agricoles, et d’après les chiffres qui y sont fournis, j’ai l’impression que l’avantage est nettement supérieur à 1 %. Je crois que nous conviendrons tous que s’il ne s’agissait que de 1 %, nous n’aurions pas reçu autant d’appels et de courriels.
Bien entendu, le directeur parlementaire du budget a dit que 1 milliard de dollars perçus auprès de l’industrie seraient réinvestis dans des mesures de soutien aux entreprises afin d’accroître leur productivité, d’augmenter le volume produit pour le même prix et de moderniser leurs infrastructures, ce qui, en fait, serait bénéfique pour l’environnement. Le réinvestissement de 1 milliard de dollars dans le secteur aurait une incidence suffisamment importante pour compenser le 1 % que vous avez mentionné.
Accepteriez-vous de répondre à une autre question?
Avez-vous une question, sénateur Quinn?
Oui.
Sénateur Wells, accepteriez-vous de répondre à une question?
Oui, j’accepte de répondre à une question du sénateur Quinn.
Merci, sénateur Wells, pour votre discours et vos réponses aux questions.
Au sujet de votre exemple de l’agricultrice située au sud de North Gower qui envoie son grain à North Gower pour le faire sécher, est-ce que l’installation de séchage du grain serait avantagée par le projet de loi C-234? Dans l’affirmative, est-il juste de présumer que la personne qui envoie le grain à cette installation est moins susceptible de subir une hausse des coûts liés au droit d’utilisation de cette installation?
Merci, sénateur Quinn. C’est une bonne question. L’agricultrice qui envoie son grain à North Gower pour y être séché m’a dit qu’elle se proposait de sécher son grain à sa ferme avec un nouveau séchoir. Elle m’a montré sur son téléphone à quoi ressemble ce séchoir. Cela m’intéressait vivement, parce que je ne connais rien à ce sujet et que j’étais content d’apprendre à quoi ressemble ce type de séchoir. Elle pourrait sécher son grain sur place, ce qui entraînerait des économies immédiates puisque le transport du grain à North Gower a un coût.
Elle éviterait probablement une partie du coût additionnel que l’installation de séchage du grain aurait à payer en étant assujettie à la taxe sur le carbone.
Au début de votre question, vous me demandez si l’installation de séchage du grain de North Gower serait avantagée par le projet de loi C-234. Probablement pas, parce qu’elle aurait moins de grain à sécher étant donné que le séchage se ferait directement à la ferme au moyen d’une technologie plus efficace et moins coûteuse qui ne serait évidemment pas assujettie à la taxe sur le carbone.
Sénateur Dalphond, aviez-vous encore une question?
Je ne sais pas si le sénateur Wells accepterait de répondre à une autre question de ma part.
Sénateur Dalphond, j’ai pour principe de répondre aux questions tant qu’il me reste du temps.
Merci beaucoup. Comme il vous reste 12 minutes, je ne vous prendrai pas au mot.
Lors des témoignages au comité, le président de l’Association des municipalités rurales de la Saskatchewan a affirmé qu’il s’était acheté un séchoir à grain neuf. D’après son expérience, dont il nous a parlé lorsque je l’ai interrogé, et selon les chiffres publiés par le ministère de l’Agriculture de l’Ontario, sa facture de gaz naturel a baissé de 30 % environ. Il consomme beaucoup moins de gaz naturel.
Ne voyez-vous pas que ce que vous êtes en train de dire, c’est qu’il ne devrait pas y avoir de taxe parce que les agriculteurs veulent garder leur vieil équipement, mais qu’il faudrait éliminer la taxe pour qu’ils puissent faire l’achat d’équipement neuf?
Ne croyez-vous pas qu’il serait préférable de garder la taxe pour les obliger à acheter de l’équipement neuf afin d’économiser 30 % sur leurs dépenses en gaz?
Merci, sénateur Dalphond, de cette dernière question.
J’ai dirigé un certain nombre d’entreprises. J’accepterais des économies de 30 % sur n’importe quoi n’importe quand. Si nous revenons à l’exemple que j’ai utilisé, il est établi clairement, en fait, et c’est un exemple récent — il y a deux jours —, qu’ils ne sèchent pas leur grain. Ils le font sécher ailleurs, ce qui leur coûte cher. Ils feront du séchage. Ils installeront leur séchoir, ce qui leur permettra d’économiser. La dame a dit : « On parle d’une période de récupération de 12 ans. C’est parfait pour nous. Nous pouvons nous le permettre. »
L’argent qui ne sera pas versé au gouvernement au titre du programme de la taxe sur le carbone aidera ces agriculteurs à payer leur séchoir. Je ne vois aucun inconvénient à cela. Aucun. Avec cet équipement, le calendrier du séchage leur appartiendra. Il y a des semaines ou des mois où il y a plus de récoltes à sécher et d’autres où il y en a moins. Ces agriculteurs seraient toutefois en mesure de prendre cette décision en fonction de ce qu’ils cultivent sur leur ferme. Ce sont là d’autres économies liées aux coûts de fonctionnement dont ils profiteraient.
Parlons du séchage hors site. Je viens d’une province où se trouvent 40 % des terres agricoles du pays, l’agriculture y est donc un mode de vie. Quand le grain humide doit rester sur une ferme, parce qu’il faut attendre avant de pouvoir l’envoyer à un séchoir à grains hors site, il y a une perte de qualité. C’est la première perte de revenus.
Dans bien des cas, en Saskatchewan, il faut parcourir des distances importantes pour avoir accès à un séchoir à grains. Les coûts de transport sont élevés. L’écart est considérable. De plus, il y a une grande différence entre l’efficacité des vieux équipements et celle des nouveaux. J’aimerais connaître votre avis sur ce point, car conserver de vieux équipements pour justifier ce type de programme est une manière absurde de protéger l’environnement ou, en fait, de nourrir le monde.
Je vous remercie de votre question, sénatrice Wallin.
Parfois, les gens ne modernisent pas leur équipement parce qu’ils n’en ont pas les moyens. Ils doivent se contenter de ce qu’ils ont. Cela ne se produit pas que dans les exploitations agricoles, c’est aussi le cas dans les foyers.
Les exigences en matière de séchage varient en fonction du grain. J’ai appris que le maïs prend plus de temps à sécher parce qu’il absorbe davantage d’eau. Il ne sèche pas aussi rapidement que les autres grains. Le temps n’est pas toujours propice au séchage, c’est pourquoi les agriculteurs doivent utiliser des séchoirs automatiques.
J’ai appris qu’il est également vrai qu’un produit moisira et pourrira si le séchage n’est pas fait au bon moment. Vous avez parlé de diminution de la qualité. Dans ce cas-là, le produit perd de sa qualité, et l’agriculteur, lui, perd les revenus que cela lui aurait rapportés, malgré les coûts engagés jusque là.
Tout ce que je peux dire, c’est que vous avez tout à fait raison : le séchage sur place apporte non seulement un avantage financier, mais aussi un avantage opérationnel.
Sénateur Wells, accepteriez-vous de répondre à une question?
Bien sûr, sénatrice Simons.
C’est la rédactrice en chef et la vérificatrice de faits en moi qui s’expriment. Le sénateur Quinn vous a demandé si cela réduirait les coûts du séchage du grain hors site.
Pour que ce soit clair pour tout le monde, n’est-il pas vrai que ce projet de loi ne s’applique pas aux entreprises de séchage du grain hors site, mais seulement aux agriculteurs qui utilisent des séchoirs à grain sur leur propre ferme?
Merci, sénatrice Simons. Vous avez raison. Il ne s’applique qu’au séchage du grain sur les fermes. Cependant, comme j’ai été dans le monde des affaires et que j’ai calculé pas mal de coûts de production au cours de ma vie, je présume que le séchoir à grain hors site coûterait plus cher par unité, indépendamment de la taxe, uniquement parce que le volume serait moins élevé. Il faudrait toujours payer pour le séchage, mais il y aurait moins de volume. J’ai peut-être tort de le présumer, mais normalement, plus le volume est élevé, jusqu’à un certain point, plus le coût par unité est faible.
Précisons-le encore une fois, aux fins du compte rendu : si ce projet de loi est adopté, il n’aura pas la moindre incidence sur les séchoirs commerciaux? Dans leur cas, il faudra encore payer la totalité de la taxe sur le carbone?
Pour être plus précis, les séchoirs hors site ne profiteront pas d’une exemption de la taxe sur le carbone. Je ne peux pas dire que ces installations n’en retireront aucun avantage ni que ce sera pire pour elles, puisqu’elles ne traiteront pas les mêmes volumes.
À cet égard, il peut y avoir une différence. Cependant, ce n’est pas de cela qu’il est question. J’évalue des coûts de production depuis ma jeune vingtaine. Leurs coûts de production seront différents parce que le coût de production établi en fonction des coûts fixes et des coûts variables sera différent.
N’est-il pas vrai que, même si un séchoir à grains neuf est plus efficace et permet d’économiser de l’énergie, son coût peut être substantiel et s’élever à 150 000 $ et plus? Est-ce exact?
Merci, sénatrice Batters.
Un séchoir à grains coûte extrêmement cher. Pour une grande exploitation agricole, il faut accroître les capacités de séchage, que ce soit en utilisant plusieurs séchoirs ou en utilisant un seul séchoir à plus forte capacité. Je peux seulement en déduire que le coût en capital sera plus élevé. Évidemment, si le séchage se fait sur les lieux de l’exploitation agricole, il y a au moins l’avantage de ne pas avoir à payer la taxe pour le séchage.
C’est exact.
J’ai appris que, lorsqu’un agriculteur s’adresse à une banque ou à un prêteur, ses chances d’obtenir des fonds seront bien meilleures s’il n’a pas cette charge supplémentaire. En effet, l’argent qu’il gardera ainsi en poche rendra sa demande plus intéressante. Habituellement, il s’agit d’un bail à long terme. Il serait certainement plus avantageux de procéder de la sorte.
Sénateur Wells, accepteriez-vous de répondre à une question?
Oui, sénateur Black.
Pour que les choses soient claires, avez‑vous dit que vous aviez parlé mardi soir à quelqu’un qui utilise un séchoir à grain commercial, mais qui arrêtera de le faire si l’exemption prévue est accordée parce qu’il fera plutôt installer sur sa ferme un autre séchoir, probablement neuf et peu énergivore? Ai‑je bien compris?
Je vous remercie, sénateur Black. Effectivement, elle m’a montré une photo d’un séchoir à grain. Je ne savais pas à quoi cela ressemblait avant de voir cette photo.
C’est bien cela. C’était un séchoir neuf. J’ai pu voir les réservoirs de propane et tout le reste. Il serait moins énergivore, c’est évident, ce qui représente aussi des économies. Je l’ignore. Cette personne se trouve à une heure au nord d’Ottawa, et North Gower se trouve à une trentaine de minutes au sud d’Ottawa. Bien que j’ignore dans quel état se trouve le séchoir situé à North Gower, un séchoir flambant neuf serait sans doute moins énergivore.
J’ai beaucoup aimé les questions qui ont été posées, parce qu’elles étaient toutes des questions numériques, des questions de chiffres. S’il y a bien une chose qu’on n’a pas étudiée dans le projet de loi C-234, c’est toute la composante financière, ce qui nous aurait permis de faire la différence entre des dépenses en capital, des dépenses taxables, les dépenses qui sont associées au coût de chauffage, et cetera. Le fait qu’on ait laissé cet aspect de côté fait en sorte qu’il y a une partie de la conversation qu’on n’a pas eue sur le projet de loi C-234.
Je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-234, Loi modifiant la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre. Modifier la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre est une entreprise complexe.
Le Comité de l’agriculture a entendu de nombreux experts au cours de ses cinq réunions consacrées au projet de loi C-234. Nombre de ces témoins ont déclaré au comité que, même si les solutions de remplacement des séchoirs à grains au propane et au gaz naturel étaient limitées, il existait déjà de nombreuses améliorations en matière d’efficacité qui pouvaient compenser les augmentations de coûts liées à la tarification du carbone, grâce à une réduction de 30 % de la consommation de carburant.
Bref, il n’y avait pas de consensus clair au sujet du projet de loi C-234. De nombreux témoins s’opposent aux exemptions prévues dans le projet de loi, en particulier ceux qui n’en bénéficieront pas.
Comme le rapport du Comité de l’agriculture a été rejeté, le projet de loi traite, encore une fois, du chauffage des bâtiments d’élevage. Les témoins ont parlé des technologies désormais disponibles pour réduire les émissions de gaz à effet de serre liées au chauffage des bâtiments d’élevage. Tom Green, de la Fondation David Suzuki, a déclaré qu’il y avait de plus en plus d’exemples d’exploitations agricoles qui réduisaient leur consommation de combustibles fossiles et amélioraient leur efficacité énergétique.
Par exemple, une ferme avicole située à Linden, en Alberta, dispose d’un système solaire de 175 kilowatts sur son toit. Dans d’autres cas, un poulailler construit avec une enveloppe thermique à haut rendement réduit la consommation d’énergie de 83 % par tonne d’œufs — soit une augmentation du rendement de 83 %. Cette technologie est disponible à l’heure actuelle.
Mes collègues du Comité de l’agriculture auraient pu passer beaucoup plus de temps à creuser la question des avantages et des inconvénients de cette décision stratégique. Ils ont également affirmé qu’ils auraient aimé obtenir un rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales, mais ce rapport n’a pas été produit et je crois qu’il aurait été fort utile pour les calculs très importants dans ce projet de loi, comme je l’ai mentionné plus tôt.
Fait important : le comité n’a pas examiné de façon exhaustive les conséquences des changements climatiques et les coûts potentiels pour le secteur agricole si on ne fait rien pour les atténuer. On peut cependant présumer que ces coûts sont considérables.
On nous a dit que le projet de loi mènera à une réduction des mesures de lutte contre les changements climatiques. M. Lindberg, gestionnaire à Environnement et Changement climatique Canada, a dit ceci :
[...] l’économie et la vaste expérience avec ces marchés nous révèlent que sans cet incitatif, toutes choses étant égales, moins de mesures seront prises pour réduire l’utilisation de ces carburants [...] Toutes proportions gardées, sans tarification du carbone, nous voyons assurément des émissions plus élevées à l’échelle mondiale dans l’économie.
Honorables sénateurs, il faut lutter contre les changements climatiques. Nous ne devons pas encourager l’inaction. Même si certains collègues ont déterminé que ce projet de loi est nécessaire dans le contexte actuel, je crois que vous conviendrez tous que nous ignorons si une telle exemption sera nécessaire dans huit ans. Or, le projet de loi présume que nous aurons besoin de prolonger l’exemption dans le futur, et contient à cette fin un ensemble de dispositions fort inusité qui habiliterait le gouvernement — dans huit ans — à proroger l’entrée en vigueur des dispositions de caducité au moyen d’un décret et de l’adoption, par les deux Chambres, d’une motion à cet effet. Chers collègues, la barre est trop basse, et la décision d’inclure des dispositions qui permettraient de reporter la date de caducité de cette exemption dans l’avenir implique une volonté de la perpétuer.
Comme l’a souligné le sénateur Woo au Comité de l’agriculture le 24 octobre : « [...] la disposition de caducité de huit ans rendra la transition plus difficile pour les agriculteurs qui n’auront pas fait les préparatifs nécessaires dans l’intervalle, car le prix du carbone aura augmenté considérablement d’ici 2031. »
Je ne crois pas que nous ayons entendu de témoignage justifiant cette approche inhabituelle qui place la barre très bas pour prolonger l’application de cette exemption.
Compte tenu de la crise réelle et dévastatrice causée par les changements climatiques, il incombe aux parlementaires d’analyser en profondeur leurs décisions en matière de politiques et les conséquences qu’elles auront à court et à long terme. Si les législateurs souhaitent créer une nouvelle exemption quand la loi viendra à échéance, ils pourront présenter une nouvelle mesure législative pour le faire.
Ces raisons m’amènent à proposer l’amendement que voici, qui élimine le mécanisme prévu dans le projet de loi C-234 pour prolonger l’exemption au-delà de la date limite que prévoit la loi au moyen d’une résolution du gouverneur en conseil et de motions présentées à la Chambre des communes et au Sénat.