La santé des Canadiens Le rôle du gouvernement fédéral
Rapport intérimaire
Volume quatre – Questions et options
Le comité sénatorial permanent des Affaires sociales, de la science et de la technologie
Président : Lhonorable Michael J.
L. Kirby
Vice-président : Lhonorable Marjory LeBreton
Septembre 2001
Chapitres 1, 2 et 6
Chapitres 3 et 4
Chapitre 5
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Introduction
Résumé des principales constatations et observations des phases un, deux et trois
2.1 Principales constatations et observations de la phase un
2.2 Principales constatations et observations de la phase deux
2.3 Principales constatations et observations de la phase trois
Rôle du gouvernement fédéral : aperçu
3.1 Transfert de fonds pour la prestation de services de santé gérés par d’autres administrations :
rôle de financement
3.2 Financement de la recherche innovatrice dans le domaine de la santé et évaluation des
projets pilotes : rôle de recherche et d’évaluation
3.3 Soutien de l’infrastructure des soins de santé et de l’infostructure de la santé : rôle de soutien de l’infrastructure
3.4 Protection et promotion de la santé et du mieux-être de la population et prévention des maladies :
rôle relatif à la santé de la population
3.5 Prestation directe de services de santé à certains segments de la population : rôle de prestation de services
Le rôle du gouvernement fédéral : objectifs et contraintes
4.1 Objectifs liés au rôle de financement du gouvernement fédéral
4.2 Objectifs liés au rôle du gouvernement fédéral dans le domaine de la recherche et de l’évaluation
4.3 Objectifs liés au rôle du gouvernement fédéral dans le domaine de l’infrastructure
4.4 Objectifs liés au rôle du gouvernement fédéral dans le domaine de la protection de la santé de la population
4.5 Objectifs liés au rôle du gouvernement fédéral dans le domaine de la prestation de services
4.6 Contraintes touchant le rôle du gouvernement fédéral
Contexte d’une politique de soins de santé au xxie siècle
5.1 Réforme des soins primaires : une étape en vue d’une structure adaptée au XXIe siècle
5.2 Les soins de santé sont différents des autres biens et services
Observations au sujet des choix offerts
6.1 Nécessité d’un choix réaliste d’options
6.2 Intérêt d’un débat non idéologique
6.3 Comprendre l’expérience des autres pays
La Loi canadienne sur la santé, équité et accès aux traitements en temps opportun
7.1 Introduction
7.2 Est-ce que les Canadiens ont droit à des soins de santé?
7.3 Dans quelle mesure, le cas échéant, la Loi canadienne sur la santé autorise-t-elle la prestation de soins de santé privés et les régimes privés d’assurance-santé?
7.4 Accès en temps opportun et listes d’attente
7.5 De quelle façon peut-on garantir l’« accès aux soins en temps opportun »?7.5.1 « Garantie de soins »
7.5.2 Charte des droits des patients
Enjeux et options quant au financement
8.1 Introduction
8.2 Quels changements peut-on apporter au mode de prestation des soins de santé qui seraient
susceptibles d’avoir un impact sur le niveau de financement requis?8.2.1 Accroissement de l’efficience et de l’efficacité
8.2.2 Réforme des soins primaires
8.2.3 Régionalisation des services de santé
8.2.4 Passation de marché avec des établissements de santé privés à but lucratif
8.2.5 Accroissement des ressources affectées à la promotion de la santé, à la prévention de la
maladie et à la santé de la population8.3 Quelle forme devrait prendre l’aide financière du gouvernement fédéral pour les soins de santé?
8.3.1 Retour aux accords de partage des coûts
8.3.2 Maintien du financement global actuel
8.3.3 Financement global amélioré dans le cadre du TCSPS
8.3.4 Comptes d’épargne-santé (CÉS)
8.3.5 Convertir tous les transferts pécuniaires du TCSPS en transferts de points d’impôt8.4 Comment le gouvernement devrait-il générer des recettes aux fins des soins de santé?
8.4.1 Affecter une plus grande part des impôts existants aux soins de santé
8.4.2 Accroître les recettes générales (au moyen de l’impôt sur le revenu ou des taxes de vente) et consacrer les recettes additionnelles aux soins de santé
8.4.3 Frais d’utilisation
8.4.4 Prise en compte des soins de santé dans l’Impôt sur le revenu
8.4.5 Primes annuelles pour les soins de santé
8.4.6 Régime privé d’assurance-maladie permis pour concurrencer le régime public8.5 L’impact des options de financement sur le changement comportemental
8.6 Un système de santé à deux vitesses
8.7 Services assurés et bénéficiaires du régime public d’assurance-maladie
8.7.1 Retrait de certains services
8.7.2 Élargissement du régime8.8 Médicaments prescrits : réduction des coûts
8.8.1 Liste nationale des médicaments admissibles
8.8.2 Usage obligatoire du médicament efficace le moins cher
8.8.3 Publicité sur des médicaments prescrits au consommateur8.9 Médicaments prescrits – Élargissement de la protection
8.9.1 Initiative nationale d’assurance-médicaments
8.9.2 Un programme public complet
8.9.3 Une initiative mixte globale
8.9.4 Initiative mixte de garantie des dépenses élevées en médicaments
8.9.5 Une initiative fiscale contre les dépenses élevées en médicaments8.10.1 Un programme national de soins à domicile
8.10.2 Crédit d’impôt et déduction fiscale aux consommateurs de soins à domicile
8.10.3 Fonds d’assurance spécial pour les soins à domicile
8.10.4 Mesures spécifiquement destinées aux soignants informels
Questions et options concernant le rôle de recherche et d’évaluation
9.1 Recherche innovatrice dans le domaine de la santé
9.1.1 Augmentation de la part fédérale dans le financement de la recherche en santé
9.1.2 Appui au transfert des connaissances
9.1.3 Réduction des disparités régionales
9.1.4 Un organe national de surveillance de l’éthique pour une recherche humaine9.2 Financement et évaluation de projets pilotes innovateurs
9.2.1 Investissement fédéral dans l’évaluation de projets pilotes visant à améliorer la prestation
des soins de santé
9.2.2 Réduction des disparités régionales dans le financement des projets pilotes
Questions et options concernant le rôle d’infrastructure : technologie et systèmes d’information
10.1.1 Financer l’acquisition et l’amélioration de la technologie de la santé
10.1.2 Investir davantage dans l’évaluation des technologies de la santé10.2 Systèmes d’information de santé
10.2.1 Le déploiement d’une infostructure santé pancanadienne
10.2.2 Investir dans la télésanté dans les communautés rurales et éloignées
10.2.3 Assurer la confidentialité et le caractère privé des renseignements de santé personnels10.3 Reddition de comptes et qualité
10.3.1 Un rapport annuel sur l’état de santé des Canadiens et l’état du système de santé
10.3.2 Un conseil national sur la qualité des soins de santé
10.3.3 Assurer une meilleure reddition de comptes de la part des gouvernements
Enjeux et options pour le rôle d'infrastructure : ressources humaines en santé
11.1 Introduction
11.2 Une stratégie nationale des ressources humaines s'impose
11.3 Vers une structure horizontale
11.4 La réforme des soins primaires et les ressources humaines
11.5 Mesures incitatives visant les patients
11.6 Recruter, former, retenir11.6.1 Financement
11.6.2 Recherche
11.6.3 Contrer l'exode des professionnels11.8 Les infirmières
11.9 Les autres professionnels de la santé
11.10 Résumé
Questions et options concernant le rôle à jouer en matière de santé de la population
12.1 Les tendances observées pour les maladies
12.2 Quelques tendances dérangeantes
12.3 Les déterminants de la santé : quelques données
12.4 Le rôle du gouvernement fédéral12.4.1 La promotion de la santé et la prévention de la maladie
12.4.2 Les stratégies d’amélioration de la santé de la population
12.4.3 Les recherches
Questions et options relativement au rôle à jouer dans le domaine de la santé des autochtones
13.1 Le profil socio-économique et la santé de la population autochtone canadienne
13.2 La prestation des services de santé aux canadiens autochtones13.2.1 Un plan d’action national pour les services de santé aux Autochtones
13.3 Assurer l’accès à des services de santé adaptés aux réalités culturelles
13.3.1 Des fournisseurs de soins de santé autochtones
13.3.2 La télésanté
13.3.3 Des services de santé adaptés aux réalités culturelles13.4 La santé de la population
13.4.1 Une stratégie d’amélioration de la santé de la population pour les Canadiens autochtones
13.4.2 La reddition de comptes fédérale pour les programmes de santé autochtone13.5 La recherche relative à la santé des Autochtones
13.6 La participation des communautés autochtones
Extrait des Journaux du Sénat du 1er mars 2001 :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur LeBreton, appuyée par l'honorable sénateur Kinsella,
Que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé à examiner pour en faire rapport l'état du système de soins de santé au Canada. Plus particulièrement, que le Comité soit autorisé à examiner :
- les principes fondamentaux sur lesquels est fondé le système public de soins de santé du Canada;
- l'historique du système de soins de santé au Canada;
- les systèmes de soins de santé dans d'autres pays;
- le système de soins de santé au Canada - pressions et contraintes;
- le rôle du gouvernement fédéral dans le système de soins de santé au Canada;
Que les mémoires reçus et les témoignages entendus sur la question par le Comité dans la deuxième session de la trente-sixième législature soient déférés au Comité;
Que le Comité présente son rapport final au plus tard le 30 juin 2002;
Que le Comité soit autorisé, par dérogation aux règles usuelles, à déposer tout rapport auprès du greffier du Sénat si le Sénat ne siège pas à ce moment-là; et que le rapport soit réputé avoir été déposé à la Chambre du Sénat.
Après débat,
La motion, mise aux voix, est adoptée.
ATTESTÉ :
Le greffier du Sénat,
Paul C. Bélisle
Les sénateurs suivants ont participé à l’étude sur l’état du régime de santé du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie :
L’honorable Michael J. L. Kirby, président du Comité
L’honorable Marjory LeBreton, vice-présidente du Comité
et
Les honorables sénateurs :
Catherine S. Callbeck
Joan Cook
Jane Cordy
Joyce Fairbairn, C.P.
Alasdair B. Graham, C.P.
Wilbert Keon
Yves Morin
Lucie Pépin
Douglas Roche
Brenda Robertson
Membres d’office du Comité :
Les honorables sénateurs : Sharon Carstairs C.P. (ou Fernand Robichaud, C.P.) et John Lynch-Staunton (ou Noel A. Kinsella)
Autres sénateurs ayant participé, de temps à autres, à cette étude :
Les honorables sénateurs Banks, Beaudoin, Cohen*, DeWare*, Ferretti Barth, Grafstein, Hubley, Joyal, C.P., Milne, Losier-Cool, Rompkey et Tunney.
*retraités
Introduction
Résumé des principales constatations et observations des phases un, deux
et trois
Observations au sujet des choix offerts
Le présent document a pour objet de préciser le rôle que devrait jouer le gouvernement fédéral au sein du système de soins de santé du Canada et de présenter une série d’options possibles pour combler les lacunes de ce système. En élaborant cette série d’options, le Comité a tenté d’adopter une approche objective et non idéologique. Nous avons choisi délibérément de n'écarter a priori aucune option de la discussion.
Le Comité a l'intention, en préparant le présent document, de susciter la tenue d'un débat public. Nous croyons que les citoyennes et citoyens canadiens, les intervenants dans le domaine de la santé et les décideurs fédéraux et provinciaux doivent s’engager dans un débat national sur les changements qu’il faut apporter à notre système de soins de santé si nous voulons qu’il soit viable à long terme. Nous croyons également qu’un tel débat doit accueillir des options qui sont souvent rejetées du revers de la main par diverses personnes et divers organismes, partis politiques et segments de la société canadienne.
Ce document ne reprend pas l’information contenue dans d’autres rapports précédemment publiés par le Comité ou qui seront publiés à brève échéance; toutefois, le chapitre 2 met l'accent sur un certain nombre de conclusions que le Comité a tirées de ses audiences. Même si ces conclusions constituent une toile de fond utile, elles ne précisent pas la position adoptée par le Comité sur les questions soulevées dans ce rapport. Les recommandations du Comité sur ces questions seront contenues dans notre cinquième et dernier rapport, qui sera publié au tout début de 2002, à l’issue d’une série d’audiences publiques prévues pour cet automne dans toutes les régions du pays.
Rôle du gouvernement fédéral : aperçu
Le rôle du gouvernement fédéral : objectifs et contraintes
Pour établir les mérites d’une façon particulière de traiter une question de politique gouvernementale, il faut énoncer clairement l’objectif de la politique. Ce n’est que lorsqu’un objectif a été clairement articulé que l’on peut comprendre l’incidence de telle ou telle option sur l’atteinte de l’objectif et donc décider s’il convient d’adopter ou de rejeter l'option en question. Par conséquent, le Comité a commencé ses travaux en établissant, au chapitre 3, les cinq rôles que devrait jouer le gouvernement fédéral dans le domaine de la santé et des soins de santé. Nous avons ensuite, au chapitre 4, répertorié les objectifs particuliers qui devraient, à notre avis, être le point de mire des politiques gouvernementales se rattachant à chacun de ces cinq rôles. Ces rôles, ainsi que les objectifs qui s’y rattachent, sont les suivants :
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LES CINQ RÔLES DU GOUVERNEMENT FÉDÉRAL DANS LE DOMAINE DE LA SANTÉ ET DES SOINS DE SANTÉ |
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Les objectifs liés au rôle de financement sont les suivants :
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TRANSFERT DE FONDS POUR LA PRESTATION DE SERVICES DE SANTÉ GÉRÉS PAR D’AUTRES ADMINISTRATIONS |
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Le Comité propose que les objectifs du gouvernement fédéral liés à son rôle de financement dans le domaine de la santé et des soins de santé soient les suivants :
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En ce qui a trait au rôle de recherche et d’évaluation du gouvernement fédéral, les objectifs établis par le Comité sont les suivants :
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FINANCEMENT DE LA RECHERCHE INNOVATRICE DANS LE DOMAINE DE LA SANTÉ ET ÉVALUATION DES PROJETS PILOTES INNOVATEURS |
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Le Comité propose que les objectifs suivants fassent partie du second rôle du gouvernement fédéral :
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Le rôle du gouvernement fédéral dans le domaine de l’infrastructure comporte trois volets distincts : la planification des ressources humaines, les systèmes d’information en matière de santé tels que la télémédecine, l'informatisation des dossiers médicaux et l’infrastructure physique. Pour ce rôle, les objectifs proposés par le Comité sont les suivants :
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SOUTIEN DE L’INFRASTRUCTURE DES SOINS DE SANTÉ ET DE L’INFOSTRUCTURE, NOTAMMENT DES RESSOURCES HUMAINES |
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Le Comité propose que les cinq objectifs suivants fassent partie du troisième rôle du gouvernement fédéral :
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Le rôle que joue le gouvernement fédéral par rapport à la santé de la population est axé sur la prévention plutôt que sur le traitement de la maladie. Les objectifs proposés sont les suivants :
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PROTECTION DE LA SANTÉ, PROMOTION DE LA SANTÉ ET DU MIEUX-ÊTRE DE LA POPULATION ET PRÉVENTION DES MALADIES |
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Le Comité propose que les objectifs suivants fassent partie du rôle du gouvernement fédéral au chapitre de la santé de la population :
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Le gouvernement fédéral fournit des services de santé à un plus grand nombre de Canadiens que ne le font les provinces de l’Atlantique et la Saskatchewan (cinq gouvernements provinciaux). Il est donc un acteur clé dans la prestation des services de santé. À ce titre, ses objectifs devraient viser la santé des populations autochtones :
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PRESTATION DIRECTE DE SERVICES DE SANTÉ |
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Le Comité propose que les objectifs suivants fassent partie du rôle du gouvernement fédéral dans le domaine de la prestation de services : |
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Contexte d’une politique de soins de santé au xxie siècle
Avant d’examiner les questions stratégiques liées à chacun des cinq rôles du gouvernement fédéral en matière de santé, il est utile de prendre du recul et de faire un survol de l’industrie des soins de santé en la comparant à d’autres industries du secteur tertiaire du XXIe siècle. Nous constatons alors que le secteur des soins de santé ne possède aucune des grandes caractéristiques d’une industrie de services moderne. Il est donc évident qu’il faut changer complètement les modes de prestation des services de santé et que ces changements doivent être faits même si d’autres facteurs de changement entrent en ligne de compte, par exemple l’augmentation des coûts. Une industrie tertiaire moderne se distingue par trois caractéristiques principales :
- La création d’unités organisationnelles de plus grande taille permettant de faire des économies d’échelle et la capacité d’offrir des services 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.
- La mise sur pied d’unités organisationnelles spécialisées dans la prestation d’un éventail restreint de services, mais dont les services sont plus efficaces et de meilleure qualité que ceux des unités qui dispensent une plus vaste gamme de services.
- Une préoccupation centrale pour le consommateur, qui exige plus que jamais des services rapides et de grande qualité.
Le secteur des soins de santé primaires s’apparente davantage à une industrie artisanale du XIXe siècle qu’à une industrie de services du XXIe siècle, car il est composé, dans une large mesure, d’entreprises individuelles (cabinets de médecins) non regroupées et donc incapables d’offrir des services 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.
Le morcellement de l’industrie des soins de santé en unités spécialisées offrant une gamme restreinte de services ne s’est généralement pas produit. Il existe, bien sûr, un certain nombre d’exceptions, notamment les cliniques de chirurgie de l’œil au laser et un très petit nombre d’hôpitaux spécialisés comme l’hôpital Shouldice, dans la région de Toronto, où l’on n’opère que les hernies. Le principal système de soins de santé au Canada demeure l’hôpital général non spécialisé. Ces établissements seront toujours nécessaires, mais il importe aussi d’examiner les avantages qu’il y aurait à faire des unités de services spécialisées un élément plus important d’un système de services de santé modernisé.
Pour ce qui est de la troisième caractéristique des industries du secteur tertiaire au XXIe siècle – l’importance accordée à la prestation de services rapides et de grande qualité –, très peu a été fait à ce chapitre. En fait, la durée de l’attente pour certains types de traitements est à l’origine du plus grand nombre de plaintes formulées par les Canadiens à l'endroit du système de soins de santé. De toute évidence, les services ne sont pas fournis rapidement.
Le Comité est d’avis que nombre des problèmes auxquels le secteur des soins de santé est confronté ne seront réglés que si l’industrie est prête à évoluer et à devenir une industrie de services du XXIe siècle plutôt que de rester paralysée dans une structure du XIXe siècle.
La première étape essentielle du changement organisationnel est la réforme du système de soins primaires. La nécessité d'une telle réforme a été reconnue par la Commission Sinclair en Ontario, la Commission Clair au Québec et la Commission Fyke en Saskatchewan. C’est également la raison pour laquelle le gouvernement fédéral a consenti, dans le cadre de l’entente fédérale-provinciale-territoriale de septembre 2000, à verser 800 millions de dollars pour la réforme des soins primaires. Dans le cadre de cette réforme, l’on créerait de plus grosses unités organisationnelles en mettant l’accent sur la prestation des services 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Une telle réforme permettrait aussi de mettre en place une structure présentant deux des trois caractéristiques de l’entreprise de services type du XXIe siècle que nous avons décrite plus haut.
La Loi canadienne sur la santé, équité et accès aux traitements en temps opportun
La Loi canadienne sur la santé joue un rôle clé dans le débat sur les soins de santé au Canada. En effet, non seulement elle établit les conditions que les provinces et les territoires doivent respecter s'ils veulent bénéficier de la contribution financière du fédéral en vertu du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux (TCSPS), mais on lui a également attribué une envergure mythique en la tenant pour le seul garde-fou qui puisse prévenir l’américanisation du système de soins de santé du Canada.
Le Comité appuie fortement les quatre conditions ou principes axés sur le patient que sont l’universalité, l’intégralité, l’accessibilité et la transférabilité, mais il reconnaît qu’ils sont loin d’être respectés aussi rigoureusement que le voudraient beaucoup de Canadiens. Contrairement à la croyance populaire, le cinquième principe – l’administration publique – ne signifie nullement que le secteur privé ne devrait pas intervenir dans la prestation des services de santé. Il renvoie plutôt à l’obligation pour le système, à des fins d’efficience administrative, d’adopter un modèle à payeur unique, le rôle de payeur étant confié à un gouvernement provincial.
En ce qui concerne la Loi canadienne sur la santé, le Comité a soulevé trois grandes questions. Premièrement, les Canadiens ont-ils droit à des soins de santé et, si tel est le cas, ce droit est-il inscrit dans la Charte canadienne des droits et libertés? Deuxièmement, dans quelle mesure, le cas échéant, la prestation de soins de santé par des fournisseurs privés et les régimes d’assurance-santé privés sont-ils autorisés en vertu de la Loi canadienne sur la santé? Troisièmement, est-ce que l’« accès satisfaisant » dont il est question dans la Loi canadienne sur la santé signifie que les Canadiens doivent avoir accès sans délai aux services et aux soins de santé dont ils ont besoin?
Primo, les soins de santé ne sont pas explicitement mentionnés dans la Charte. Par conséquent, pour qu’un tel droit existe, il faudrait que les tribunaux décrètent qu’il est sous-entendu dans l’interprétation de l’un des droits énoncés dans la Charte. Néanmoins, puisque certains peuvent soutenir que la Charte garantit aux Canadiens le droit implicite aux soins de santé, les experts ont fait savoir au Comité qu'ils s'attendaient à ce que ce droit soit revendiqué au cours des prochaines années.
Secundo, la Loi canadienne sur la santé n’interdit pas la prestation de soins de santé privés. Elle incite plutôt les provinces, sous peine de leur retirer le droit aux fonds fédéraux, à empêcher les fournisseurs de soins de santé de facturer directement aux patients des montants supérieurs à ceux qu’ils reçoivent des régimes d’assurance-santé provinciaux. C’est donc dire qu’elle décourage ce qu’on appelle la surfacturation. De même, pour toucher intégralement la contribution financière à laquelle ils ont droit en vertu du TCSPS, les provinces et les territoires ne doivent pas autoriser les hôpitaux à facturer aux patients des services hospitaliers assurés. Par conséquent, la Loi ne fait qu’établir à quelles conditions le gouvernement fédéral transférera des fonds aux provinces.
En tant que telle, la Loi n’interdit pas aux fournisseurs et aux établissements de soins de santé privés ou à but lucratif de fournir des services de santé assurés par la province et de demander un remboursement, pourvu qu’il n’y ait ni surfacturation ni frais imposés aux utilisateurs. Les fournisseurs et les établissements de soins de santé peuvent refuser de participer aux régimes provinciaux et facturer directement aux patients le coût total des services fournis, sans qu’aucune pénalité ne soit imposée aux provinces en vertu de la Loi canadienne sur la santé. Dans ces cas, les patients ne sont pas admissibles à un remboursement en vertu des régimes provinciaux. En outre, la Loi canadienne sur la santé interdit effectivement aux particuliers d’acheter de l’assurance-santé privée pour couvrir le coût de services reçus d’un fournisseur qui a choisi de ne pas participer à un régime provincial d’assurance-santé.
Dans l’ensemble, la Loi canadienne sur la santé, tout comme les lois provinciales et territoriales, a empêché l’émergence d’un système de soins de santé privé qui ferait directement concurrence au système public. Il n’est simplement pas possible, d'un point de vue économique, que les patients, les médecins et les établissements de soins de santé participent à un système parallèle.
Cela soulève la question suivante : les gouvernements peuvent-ils continuer à décourager la prestation de services de santé privés en interdisant les assurances privées si le droit aux soins de santé est reconnu en vertu de l’article 7 de la Charte et si les services financés par les fonds publics ne sont pas accessibles en temps opportun? Pour paraphraser l’article 1 de la Charte des droits et libertés : est-il juste et raisonnable, dans une société libre et démocratique, que le gouvernement rationne l’offre de services de santé (au moyen de ses affectations budgétaires aux soins de santé) et que, simultanément, il empêche les particuliers d’acheter des services au Canada?
Les réponses à ces questions ne sont pas seulement d’ordre juridique. Il s’agit par-dessus tout d’une question d’équité. C’est à notre lecteur qu’il revient de se faire une opinion sur la situation actuelle.
Il est clair, cependant, que toute réforme des ententes actuelles comportant une participation du secteur privé susceptible de concurrencer le secteur public exigerait que l'on modifie de façon substantielle la Loi canadienne sur la santé.
La troisième question soulevée au début de cette section consiste à savoir si l’« accès satisfaisant » dont on parle dans la Loi canadienne sur la santé signifie que les Canadiens doivent avoir accès sans délai aux services de santé dont ils ont besoin. Ici encore, la réponse est loin d'être évidente d’un point de vue juridique.
Ce qui est clair, néanmoins, c’est que les listes d’attente pour les tests et les traitements sont perçues par la population canadienne comme un problème important. Il faut dès lors se demander quelles sont les mesures à prendre, s’il en est, pour garantir aux Canadiens que le délai d’attente qu’ils devront subir pour un test ou un traitement a un plafond et qu’ils n’auront jamais à attendre plus longtemps que le délai maximal fixé (qui pourra varier en fonction des tests ou des traitements).
Deux solutions sont proposées au chapitre 7 pour résoudre ce problème. La section 7.5.1 présente une stratégie fondée sur une « garantie de soins » qui a été élaborée en Suède. La section 7.5.2 explique comment le Royaume-Uni, en adoptant une charte des droits des patients, a tenté de résoudre le problème des listes d’attente. Ces stratégies s’appuient toutes deux sur une combinaison d’incitatifs et de pénalités ayant pour but de rendre les établissements de soins de santé plus productifs et plus efficients.
Ces stratégies soulèvent également la question de savoir si le système de soins de santé canadien devrait être modifié pour permettre, voire encourager, la concurrence entre les hôpitaux. En poussant le raisonnement plus loin, si cette concurrence était permise, les patients devraient-ils être autorisés, comme dans la plupart des autres pays industrialisés, à payer le prix d’un traitement donné (ou à acheter une assurance couvrant le paiement d’un tel traitement) afin d’obtenir des services plus rapides? Cette dernière question touche au problème d’un système « à deux vitesses ».
Les tenants d’un système axé sur un payeur unique invoquent l’argument de l’équité. Ils soutiennent que les services de santé devraient être fournis exclusivement en fonction du besoin et que l’adoption d’un deuxième niveau de soins qui ne serait accessible qu’à une minorité ayant les ressources nécessaires pour payer va à l’encontre des principes d’équité et de justice. Cette critique sous-entend que le système canadien ne présente à l’heure actuelle aucune des caractéristiques d’un système « à deux vitesses », mais est-ce vraiment le cas?
Les personnes qui peuvent se le permettre vont déjà se faire soigner à l’extérieur du Canada (en général aux États-Unis) lorsqu'elles n'ont d'autre choix que de patienter longtemps pour leur traitement au Canada. Des données non scientifiques mais néanmoins probantes permettent de croire que la situation au Canada ressemble à celle qui existe en Australie. En effet, comme nous l'a expliqué l’un de nos témoins australiens, l’accès aux services de santé publics est généralement plus facile à obtenir pour les gens fortunés ou puissants qui comprennent les rouages du système et ont des relations au sein des services et des administrations hospitalières. De plus, dans la plupart des provinces, les commissions provinciales des accidents du travail ont un accès préférentiel aux traitements pour leurs clients, sous prétexte qu’elles doivent les remettre rapidement au travail (et non pas, soit dit en passant, pour qu’elles puissent faire des économies).
Pour toutes ces raisons, donc, le système canadien n’est pas aussi « démocratique » que la plupart des Canadiens le croient ou que la plupart des porte-parole gouvernementaux le soutiennent. Que cela constitue ou non un argument pour élargir encore la portée du système « à deux vitesses », c’est le lecteur qui en décidera.
Enjeux et options quant au financement
La question qui attire le plus l’attention des médias dans le domaine des soins de santé est celle de savoir quel montant chaque palier de gouvernement devrait dépenser pour soutenir le système tel qu’il est organisé à l’heure actuelle. Formulée de cette façon, cette question fait abstraction de deux interrogations essentielles :
- Premièrement, quelles économies peut-on réaliser en mettant l'accent sur l'efficience, notamment par la réforme des soins primaires, la régionalisation des services de santé, la sous-traitance à des établissements de soins de santé privés à but lucratif, à la prévention des maladies et à la promotion de la santé des populations? (Ces mesures sont étudiées à la section 8.2.)
- Deuxièmement, si de nouvelles sources de financement sont nécessaires, l’argent versé au secteur des soins de santé devrait-il provenir du contribuable en passant par le gouvernement ou directement du contribuable? (Une gamme d’options de financement gouvernemental et de financement individuel direct est exposée aux sections 8.3 et 8.4.)
La question de savoir si de nouvelles sources de financement sont nécessaires pour assurer la viabilité du système de soins de santé mobilise deux écoles de pensée. Les partisans de la première école prétendent qu’un fonctionnement plus efficient du système générera assez d’économies pour éviter tout recours à de nouvelles sources de financement. Cette façon de voir se reflète dans le récent rapport Fyke sur les soins de santé en Saskatchewan ainsi que dans divers rapports et articles de presse de nombreux auteurs, dont le Dr Michael Rachlis.
De nombreux analystes reconnaissent que l’efficacité et l’efficience du système de soins de santé canadien doivent être améliorées, mais personne ne s’entend sur les économies que cela permettrait de réaliser. Ce qui nous amène à la deuxième école de pensée, celle qui prône la nécessité de trouver de nouvelles sources de financement. Selon ses tenants, certaines économies sont certainement possibles dans un système de soins de santé exigeant 90 milliards de dollars, et il faut tout faire pour mettre en œuvre des changements motivés par l’efficience, mais on arrivera difficilement à améliorer l’efficience et l’efficacité parce qu’à la fois l’attitude et le comportement de diverses personnes ayant des intérêts acquis au sein du système – des patients, des fournisseurs de services, des sociétés pharmaceutiques, etc. – se sont avérés fort imperméables au changement au fil des ans. En effet, si bon nombre des changements proposés étaient aussi faciles à appliquer que le prétendent les partisans de la première école, il faut se demander pourquoi ils n’ont pas encore été mis en œuvre.
Le Comité estime donc qu’il est important d’agir avec prudence et d’élaborer des politiques et des plans qui seront efficaces même si les changements apportés au système actuel ne produisent pas suffisamment d’économies. Procéder autrement équivaudrait à mettre tous nos œufs dans le même panier ou, en d'autres termes, à faire reposer l’avenir du système sur des changements dont la faisabilité et le potentiel d’économies sont douteux.
L’opinion du Comité tient compte du fait que l’approche préconisée par la première école de pensée présente un avantage important : elle permet d’éviter la plupart des difficiles questions de financement évoquées dans le reste du présent chapitre. Il est certes tentant d’adopter le point de vue de la première école, et ainsi de faire fi des enjeux les plus épineux dans le domaine des soins de santé, mais le Comité est d’avis qu’une planification responsable des politiques publiques exige qu’on se rallie à celui de la deuxième école, et que les Canadiens devraient désormais se pencher sur les moyens à prendre pour trouver des fonds additionnels, tout en continuant d’organiser la prestation des soins de santé d’une façon plus efficiente.
La question se résume donc à savoir à quelles nouvelles sources de financement nous devrions faire appel. Plusieurs options sont proposées à la section 8.3, pour la plupart des variantes de mécanismes de financement fédéraux actuels ou antérieurs :
- Retour au partage des coûts (8.3.1), maintien du financement global (section 8.3.2), financement global amélioré en vertu du TCSPS (section 8.3.3) ou conversion de tous les transferts monétaires du TCSPS en transferts de points d'impôt (section 8.3.5).
- Comptes d’épargne individuels pour dépenses médicales (« comptes d’épargne santé ») dans lesquels la portion « santé » du TCSPS serait entièrement ou partiellement transférée (section 8.3.4).
À la section 8.4, nous examinons diverses méthodes qui permettraient aux personnes de payer directement la portion du coût des soins de santé qui n’est pas couverte par les fonds publics. Plus précisément, les options suivantes sont passées en revue :
- frais d’utilisation (section 8.4.3) : le patient paie comptant une portion du coût du service au moment de le recevoir;
- versements d’impôt sur le revenu sur la valeur des services que la personne reçoit du système de soins de santé public au cours de l’année (section 8.4.4);
- cotisations annuelles versées au gouvernement pour les soins de santé (section 8.4.5);
- primes d’une assurance-santé privée faisant concurrence à l’assurance-santé du gouvernement, de sorte que les personnes ayant une assurance privée puissent acheter les services dont elles ont besoin auprès d’établissements de soins de santé publics ou privés (section 8.4.6).
Il existe trois sortes de frais d’utilisation dans les pays industrialisés :
- l’assurance partielle, la plus simple : le patient paie un pourcentage fixe (disons 5 %) du coût du service qu’il reçoit. Ainsi, plus le coût du service est élevé, plus le montant à débourser est élevé. Bon nombre de régimes d’assurance-médicaments exigent ce mode de paiement.
- la quote-part, la solution de rechange à l’assurance partielle : au lieu de payer une partie du coût du service, le patient paie des honoraires fixes par service (disons 5 $). On demande le même montant, quel que soit le coût du service. Ce genre de frais d’utilisation existe dans bien des pays, dont la Suède.
- la franchise : le patient paie le coût total des services reçus au cours d’une période donnée, jusqu’à concurrence d’un certain plafond, qu’on appelle franchise. Au-delà de ce plafond, les coûts des services fournis sont couverts par le régime d’assurance. Tous les usagers paient une franchise minimale standard, quelle que soit la quantité de services reçus. Ce genre de frais d’utilisation fondés sur l’assurance a cours dans certains pays.
Pour ce qui est de considérer comme un revenu imposable la valeur des services de santé reçus au cours de l’année, l’option proposée à la section 8.4.4 comporte un seuil maximum pour l’impôt supplémentaire que paierait la personne pour une année donnée.
Quant aux cotisations annuelles versées au gouvernement (section 8.4.5), il pourrait s’agir d’un montant fixe ou d’un montant variant selon le revenu de la personne. Cependant, contrairement aux options frais d’utilisation et impôt sur le revenu, les cotisations annuelles ne varieraient pas selon la quantité de soins de santé reçus au cours de l’année.
Certaines des options proposées – à savoir les frais d’utilisation pour les services de santé financés par les deniers publics, les comptes d’épargne santé et les assurances médicales privées – peuvent soulever un certain nombre de préoccupations quant aux répercussions possibles d’un système de soins de santé à deux vitesses. Trois suggestions ont été faites pour contourner les aspects négatifs d’un système de soins de santé à deux vitesses tout en maintenant la qualité du système financé par les deniers publics :
- tous les médecins seraient tenus de travailler un certain nombre d’heures au sein du système financé par l’État, ce qui signifie qu’ils ne seraient pas autorisés à travailler exclusivement dans le système financé par le secteur privé;
- le système de santé public garantirait que les délais d’attente pour divers traitements ne dépasseraient pas un certain plafond, faute de quoi le gouvernement serait tenu de payer pour que le traitement soit assuré dans le système privé;
- un organe indépendant serait mandaté pour veiller à ce que la technologie des soins de santé dans le secteur public soit aussi avancée que dans le secteur privé.
Le Comité aimerait avoir l’avis des Canadiens sur un système de soins de santé à deux vitesses dans lequel les trois conditions qui viennent d’être énoncées seraient respectées.
En examinant diverses options de financement, il est important de ne pas perdre de vue que chaque option a des répercussions sur les comportements autant qu’une incidence financière. Des exemples tirés de plusieurs pays qui disposent d’un système de soins de santé universel montrent bien que le mode de financement du système peut contribuer à l’atteinte des grands objectifs d’intérêt public consistant à offrir les meilleurs soins possibles au moindre coût.
Malheureusement, comme l’ont souligné de nombreux témoins, le système de soins de santé actuel au Canada offre très peu d’incitatifs pour encourager les fournisseurs de soins à réduire les coûts ou à mieux intégrer les services (grâce, par exemple, à une réforme des soins primaires). Il n’encourage pas non plus les consommateurs à utiliser le système d’une façon responsable.
Les frais d’utilisation peuvent jouer un rôle très utile pour faire bifurquer la demande de soins de santé très coûteux vers des soins moins chers, sans nuire à l’accès aux services médicaux nécessaires. Mais cela ne sera possible que si des services moins chers sont disponibles et qu’ils sont assurés.
Nous posons donc les questions suivantes à propos de la structure de financement des soins de santé au Canada :
- La structure financière devrait-elle être telle que tous les intervenants du système – consommateurs, fournisseurs, administrateurs d’établissements de soins de santé, etc. – trouvent un avantage à utiliser le système de manière aussi efficiente que possible?
- Devrait-on encourager les patients à comprendre qu’au-delà de leur droit à un système de soins de santé universel, ils ont également la responsabilité d’utiliser ce droit de manière raisonnable et judicieuse?
Les réponses à ces questions auront un impact direct sur le choix du système de financement de l’avenir.
Après avoir décrit une série d’options touchant les questions financières, le chapitre 8 aborde la question de la sélection des personnes et des services qui devraient être couverts par le régime d’assurance-santé public, car elle a une incidence directe sur le coût des services de santé subventionnés par l’État.
À la section 8.8, diverses options sont avancées en vue de réduire le coût des médicaments d’ordonnance, la fraction des coûts des soins de santé qui augmente le plus rapidement. Ces options ne sont pas absolument exclusives; elles pourraient toutes êtres retenues :
- un formulaire pharmaceutique national (section 8.8.1)
- l’obligation d’utiliser les médicaments qui coûtent le moins cher mais qui sont quand même efficaces d’un point de vue thérapeutique (section 8.8.2)
- le maintien de l’interdiction de publiciser les médicaments d’ordonnance (section 8.8.3)
L’élaboration d’un formulaire pharmaceutique national pourrait ouvrir la voie à la création d’un organisme national d’approvisionnement unique accessible à tous les ordres de gouvernement, provincial, territorial et fédéral. Le pouvoir d’achat d’un tel organisme serait considérable. Cela renforcerait vraisemblablement la capacité des régimes d’assurance-médicaments publics d’obtenir des compagnies pharmaceutiques le prix d’achat le plus avantageux.
L'établissement d'un système de gestion des médicaments rentable qui ne répertorierait, dans les formulaires, que les médicaments d’ordonnance les plus efficaces par rapport à leur coût devient une nécessité qu’il faut envisager vu les ressources limitées du système de soins de santé public. Au cours des dernières années, les régimes d’assurance-médicaments provinciaux ont commencé à utiliser leurs politiques de remboursement pour encourager les médecins à choisir parmi diverses pharmacothérapies concurrentes. Dans certains cas, un médicament ne fait tout simplement pas partie de la liste du formulaire lorsqu’il est plus coûteux que des substituts s'avérant tout aussi efficaces pour le traitement d’une maladie donnée. Dans d’autres cas, un régime d’assurance-médicaments (par exemple, le Programme de médicaments de l’Ontario) ne remboursera un médicament plus cher en vertu d’une autorisation spéciale que s’il a été préféré à un substitut moins cher parce qu'il a été prescrit pour une seule de ses indications et non pour les autres. La politique de la Colombie-Britannique qui consiste à établir le coût en fonction d’un médicament de référence a été utilisée à cette même fin. En effet, la province ne rembourse jusqu’à concurrence du prix d’un médicament de référence dans une catégorie thérapeutique particulière que si la nécessité de prescrire un produit plus coûteux a été démontrée par le médecin et est approuvée a priori par le régime d’assurance-médicaments.
Deux questions stratégiques sont particulièrement difficiles à résoudre : jusqu’à quel point les gouvernements devraient-ils adopter un programme imposant la sélection du médicament le moins coûteux ayant des effets thérapeutiques équivalents? Et avec quelle rigueur devrait-on appliquer cette politique de substitution?
La troisième question à aborder au chapitre du coût des médicaments d’ordonnance est celle de savoir si les compagnies pharmaceutiques devraient être autorisées à publiciser les médicaments d’ordonnance. Actuellement, Santé Canada interdit toute publicité directe auprès du consommateur et limite la publicité des médicaments d’ordonnance aux fournisseurs de soins de santé. La publicité s’adressant directement aux consommateurs est interdite dans la plupart des pays industrialisés. Aux États-Unis, où elle est permise (l’industrie dépense des centaines de millions de dollars chaque année en publicité), des études montrent que les médecins, particulièrement les médecins de famille, rédigent une très forte proportion d’ordonnances pour lesquelles le patient demande tel ou tel médicament parce qu’il a vu la publicité. Ce n’est guère surprenant puisque le but même des annonces publicitaires est de faire croître la demande. On a donc proposé que, pour éviter une telle augmentation de la demande de médicaments d’ordonnance au Canada, le gouvernement fédéral continue d’interdire la publicité portant sur les médicaments d’ordonnance.
À la section 8.9, nous présentons une série d’options visant à augmenter la couverture pour les médicaments d’ordonnance subventionnés par l’État. Il y est question, entre autres, de diverses formes d’un programme national d’assurance-médicaments (sections 8.9.1 à 8.9.3) et d’un régime qui protégerait les Canadiens contre des coûts de médicaments prohibitifs. Deux modes de financement d’un tel programme sont proposés. Le premier est un régime d’assurance conjoint secteur public/secteur privé (section 8.9.4) et l’autre un programme fiscal (section 8.9.5). Si l’on insiste sur la nécessité d’un programme visant à empêcher les coûts exorbitants des médicaments, c’est qu’il s’agit de la plus importante lacune de la couverture des thérapies faisant appel à des « médicaments nécessaires d'un point de vue médical ». De plus, un tel programme cadre bien avec le rôle traditionnel du gouvernement du Canada en ce sens qu’il constituerait un filet de sécurité en cas de catastrophe.
Environ 3 % de la population canadienne ne dispose d’aucune assurance-médicaments couvrant les médicaments d’ordonnance. Le Comité a appris que la plupart de ces personnes sont des adultes d’âge actif. Des données qualitatives donnent aussi à penser que ce groupe partage quelques-unes des caractéristiques suivantes : employés non qualifiés peu rémunérés, employés à temps partiel, employés saisonniers et personnes en chômage pendant de courtes périodes. En cas de maladie, ces personnes n’ont aucune protection contre les prix très élevés, voire exorbitants, des médicaments d’ordonnance.
Les familles à faible revenu, particulièrement dans les provinces ou les territoires qui n’ont pas de régime public d’assurance-médicaments pour le grand public, sont souvent dans des situations difficiles. Leur revenu est trop élevé pour qu'elles aient droit à l’aide sociale, mais elles n’ont généralement pas d’emplois réguliers et n’ont donc aucune assurance collective. Les coûts des médicaments peuvent les placer dans une situation financière telle que leur revenu disponible, après l’achat, est inférieur à celui des assistés sociaux.
En outre, dans les quatre provinces de l’Atlantique, il n’existe aucun régime public universel qui permette de limiter l’exposition des personnes et des familles aux coûts élevés des médicaments d’ordonnance. Justement, une étude récente subventionnée par le Fonds pour l’adaptation des services de santé de Santé Canada a permis de conclure que plus de 25 % des habitants des Maritimes n’ont pas d’assurance contre les coûts exorbitants des médicaments d’ordonnance et qu’encore 25 % peuvent être considérés comme sous-assurés.
Enfin, à la section 8.10, le rapport aborde la question des soins à domicile, l’autre forme de soins qui, avec les médicaments d’ordonnance, est le plus fréquemment mentionnée comme pouvant faire l’objet d’une extension de la couverture qu’offre le système subventionné par l’État.
Un programme efficace de soins de santé à domicile peut contribuer à réduire à long terme les coûts du système de soins de santé pour un certain nombre de motifs :
- il réduit la pression sur l’occupation des lits réservés aux soins actifs (de courte durée) en permettant de donner un traitement médical dans un environnement moins coûteux et de réserver les ressources hospitalières pour les cas où elles sont indispensables (en d’autres termes, les soins à domicile se substituent aux soins hospitaliers actifs);
- il réduit la demande de lits pour soins de longue durée en permettant à la population vieillissante de maintenir son indépendance à domicile et donc sa dignité (en d’autres termes, les soins à domicile servent de substitut aux soins prodigués en maison de repos);
- il permet aux patients en soins palliatifs de passer leurs derniers jours dans le confort du milieu familial (en d’autres termes, les soins à domicile se substituent aux soins prodigués par des établissements de soins palliatifs).
Nombre de témoins ont prétendu que lorsque des soins à domicile viennent remplacer des soins actifs, ils devraient être mis sur le même pied que les soins actifs offerts dans d’autres milieux et, par conséquent, être régis par les dispositions de la Loi canadienne sur la santé.
En ce qui a trait aux soins à domicile qui se substituent aux soins palliatifs de longue durée, on s’est demandé s’il ne faudrait pas exiger des patients qu’ils versent une quote-part plus élevée, tant qu’ils auront des ressources financières suffisantes, pour aider à payer le coût des services. Certaines provinces exigent déjà une quote-part plus élevée, d’autres non. Dans les premières, de nombreux patients sont obligés d'épuiser la plus grande partie de leurs ressources personnelles avant que leurs soins de longue durée soient entièrement payés par le gouvernement. Cela soulève la question de savoir si les personnes qui ont les ressources financières nécessaires pour payer le coût de leurs soins de longue durée devraient le faire, ou si elles devraient être subventionnées par l’État tout comme les personnes moins nanties, afin qu’elles puissent laisser un héritage plus important à leurs proches.
Au chapitre des soins à domicile, une série d’options est proposée :
- un programme complet de soins à domicile accessible à l’échelle nationale (section 8.10.1);
- un régime de déductions et de crédits fiscaux pour les consommateurs de services de soins à domicile (section 8.10.2);
- la création d’un fonds d’assurance spécialisé en vue de prémunir les personnes contre la hausse des coûts des soins à domicile (section 8.10.3);
- une série de mesures destinées à soutenir financièrement les personnes –habituellement des femmes – qui prodiguent des soins non rémunérés à un membre de leur famille.
Le tableau suivant résume les options présentées au chapitre 8.
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OPTIONS RELATIVES AU RÔLE DE FINANCEMENT |
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Modifications apportées à la prestation des soins de santé (8.2) |
Amélioration de l’efficience et de l’efficacité (8.2.1) |
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Réforme des soins primaires (8.2.2) |
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Régionalisation des services de santé (8.2.3) |
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Recours, à contrat, à des établissements privés à but lucratif (8.2.4) |
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Promotion de la santé et prévention de la maladie (8.2.5) |
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Formule de financement fédéral des soins de santé (8.3) |
Partage des coûts (8.3.1) |
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Formule actuelle de financement global (8.3.2) |
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Amélioration du TCSPS (8.3.3) |
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Comptes d’épargne santé pour dépenses médicales (8.3.4) |
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Transferts fiscaux (8.3.5) |
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Augmentation des recettes gouvernementales pour les soins de santé (8.4) |
Au moyen des recettes générales : |
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Réaffectation des recettes existantes aux services de santé (8.4.1) |
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Augmentation des impôts (8.4.2) |
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Au moyen des paiements directs : |
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Frais d’utilisation (8.4.3) |
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Imposition des soins de santé (8.4.4) |
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Cotisations pour soins de santé (8.4.5) |
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Assurance-santé privée (8.4.6) |
Pour les soins de santé offerts par des organismes publics ou privés |
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Soins de santé subventionnés par l’État (8.7) |
Radiation de certains services (8.7.1) |
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Augmentation de la couverture (8.7.2) |
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Réduction du coût des médicaments d’ordonnance (8.8) |
Formulaire pharmaceutique national (8.8.1) |
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Recours au médicament efficace le moins cher (8.8.2) |
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Publicité des médicaments d’ordonnance auprès du grand public (8.8.3) |
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Augmentation de la couverture des médicaments d’ordonnance (8.9) |
Programme national d’assurance-médicaments (8.9.1) |
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Programme public complet (8.9.2) |
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Programme conjoint complet (public/privé) (8.9.3) |
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Programme conjoint (public/privé) de protection contre les prix élevés des médicaments (8.9.4) |
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Mesures fiscales de protection contre les prix élevés des médicaments (8.9.5) |
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Soins à domicile (8.10) |
Programme national de soins à domicile (8.10.1) |
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Déductions et crédits fiscaux (8.10.2) |
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Fonds d’assurance spécial pour les soins à domicile (8.10.3) |
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Mesures particulières pour les dispensateurs de soins bénévoles (8.10.4) |
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Questions et options concernant le rôle de recherche et d’évaluation
Le rôle du gouvernement fédéral dans le champ de la recherche et de l’évaluation comporte deux volets car il s’étend à la fois au financement de la recherche médicale innovatrice et à l’aide financière à l’évaluation des projets pilotes. D’une audience à l’autre, tous les témoins ont reconnu unanimement que le financement de la recherche innovatrice et de l’évaluation de projets innovateurs devrait rester, à l’avenir, une prérogative du gouvernement fédéral.
Le gouvernement fédéral a une longue tradition d’aide financière à la recherche dans le domaine de la santé (plus de 40 ans). En fait, jusqu’en 1994, il représentait la principale source de financement de cette recherche au Canada. Les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) sont les principaux organismes de financement fédéral de la recherche dans ce domaine. La principale préoccupation exprimée par les témoins aux audiences publiques au sujet de la recherche en matière de santé tenait au fait que les dépenses du Canada s'avéraient modestes par comparaison avec d’autres pays industrialisés et que le gouvernement fédéral devrait consacrer davantage de fonds à ce secteur d'activité. Parmi les autres questions abordées, on peut citer le transfert des connaissances, les disparités régionales et les questions d’éthique.
Tous s’entendent pour reconnaître que la recherche sur la santé constituera un des principaux moteurs de changement du système de soins de santé canadien dans les années à venir (section 9.1). Les connaissances acquises par l’entremise de la recherche sur la santé se traduisent directement en une amélioration du diagnostic, du traitement, de la cure et de la prévention de nombreuses maladies. Ce changement à son tour entraîne une diminution des coûts du système de soins de santé
- en réduisant le coût de la maladie, tant sociale qu’économique, grâce à la mise au point de nouveaux médicaments, produits, technologies et découvertes qui abrègent l’hospitalisation, accélèrent la guérison et prolongent les périodes de bonne santé;
- en améliorant l’efficience et l’efficacité de la prestation des soins de santé;
- en guérissant la maladie.
La première option consisterait à augmenter la part que consacre le gouvernement fédéral aux dépenses sociales en matière de recherche sur la santé à un pour cent de l’ensemble des dépenses consenties dans ce domaine par rapport au niveau actuel de financement qui se situe à environ un demi-pour cent (section 9.1.1). À cette fin, il faudrait pour le moins doubler le budget actuel d’IRSC pour le porter à 1 milliard de dollars. Cela aurait également pour effet d’aligner la contribution fédérale à la recherche sur la santé avec celle des gouvernements centraux d’autres pays. Plus important encore, un tel investissement fédéral contribuerait à faire de la recherche en matière de santé une industrie dynamique et avant-gardiste.
Le transfert des connaissances résultant de la recherche sur la santé renforcerait considérablement le processus de prise de décisions fondé sur l’expérience clinique dans le domaine de la santé et des soins de santé, au profit de tous les Canadiens (9.1.2). On a dit au Comité qu’il faut diffuser les résultats de la recherche sur la santé aux fournisseurs de soins de santé et aux décideurs politiques. Il convient également de lancer une campagne de sensibilisation publique en vue d’informer les Canadiens sur les résultats, notamment, de la recherche génétique, du clonage animal et de la recherche sur les embryons. On pourrait mettre sur pied un organisme qui aurait pour tâche de diffuser les résultats de la recherche biomédicale et clinique. Un tel organisme pourrait être créé dans le cadre d’IRSC ou au sein de Santé Canada. On pourrait également créer un organisme fédéral séparé dédié à cette tâche.
On a fait savoir au Comité qu’il existait, d'une région à l'autre du pays, une grande disparité en ce qui a trait à la capacité de recherche (section 9.1.3). Par exemple, certains établissements médicaux et centres d’étude sur la santé, particulièrement dans les provinces de l’Atlantique et les Prairies, sont actuellement sous-financés et incapables de relever les défis qui leur permettraient de contribuer au succès du Canada dans le contexte concurrentiel de la recherche mondiale sur la santé. Le Comité aimerait recueillir des avis sur les mesures que pourrait prendre le gouvernement fédéral pour contribuer à réduire les disparités provinciales dans ce domaine.
Le Comité a entendu dire qu’un groupe d’experts sur l’éthique en matière de recherche vient d’être créé par IRSC en collaboration avec le CRSH et le CRSNG (section 9.1.4). Ce groupe d’experts dirigera la politique fédérale pour l'étude des questions d’éthique que soulève la recherche appliquée à des sujets humains. Le Comité a entendu dire que bien que cette politique préconise des normes élevées, il faudrait y adjoindre une surveillance efficace pour faire respecter ces normes. En outre, le groupe d’experts sur l’éthique en matière de recherche examinera la recherche financée par IRSC, le CRSH et le CRSNG, à l’exclusion des autres projets de recherche entrepris au Canada. On a proposé qu’un organe de surveillance national indépendant d’IRSC soit créé afin d’assurer la bonne marche des examens déontologiques pour toutes les entreprises de recherche financées par des fonds publics et privés, en particulier la recherche sur les tissus de l’embryon ou du fœtus humain, y compris la recherche sur les cellules embryonnaires.
Ces dernières années, le gouvernement fédéral a fourni des fonds permettant d’évaluer les projets pilotes innovateurs destinés à améliorer la prestation des soins de santé (section 9.2). Un volet important de ces projets pilotes tient à la nécessité de fournir une évaluation des résultats, notamment en ce qui a trait à l'impact du projet sur l’état de santé des populations, l’utilisation des services de santé, sa rentabilité et les améliorations apportées à la prestation des soins, à la sécurité des systèmes de soins de santé et à la confidentialité des renseignements personnels, etc. Tous les témoignages souscrivent au fait que le gouvernement fédéral devrait maintenir ou augmenter son niveau de financement dans le domaine de la recherche (section 9.2.1) tout en abordant la question des disparités régionales (section 9.2.2).
Questions et options concernant le rôle d’infrastructure : technologie et systèmes d’information
Le concept « d’infrastructure des soins de santé » comprend l’ensemble varié des ressources – à la fois physiques et humaines – qui soutiennent la prestation des soins de santé. Dans ce sens, l’infrastructure ne touche pas seulement les briques et le mortier, pas seulement l'équipement médical et la technologie sanitaire, mais aussi les ressources humaines, le secteur de l’enseignement et les systèmes d’information et de communication qui appuient les fournisseurs de soins de santé.
Bien que le Canada se classe au 5e rang des pays de l’OCDE pour ce qui est du budget total affecté aux soins de santé (comme pourcentage du produit intérieur brut), il se retrouve généralement parmi le tiers inférieur de ces pays pour ce qui est de l’accès à la technologie médicale. L’accessibilité n’est pas la seule question qui se pose en matière de technologie. Le « vieillissement » de cette technologie est également source de préoccupations.
L’accessibilité restreinte à la technologie médicale s’est souvent traduite par un accès limité aux soins et un allongement des délais d’attente. L’accès opportun au diagnostic et au traitement est un objectif primordial qu’il convient d’atteindre dans le cadre du système de soins de santé au Canada (voir le chapitre 7 pour une discussion plus approfondie du problème des listes d’attente).
Même si le gouvernement fédéral a annoncé qu’il investirait une somme totale d'un milliard de dollars en 2000-2001 et 2001-2002 pour aider les provinces et les territoires à se procurer de l’équipement médical neuf à des fins diagnostiques et cliniques, un certain nombre de préoccupations subsistent. Primo, certaines provinces n’ont pas demandé leur part de ces subventions, peut-être parce que le gouvernement fédéral exige un partage des coûts. Secundo, il n’existe apparemment aucun mécanisme obligeant les provinces à rendre des comptes, ce qui permettrait de surveiller l'affectation des fonds. Tertio, des ressources supplémentaires sont requises pour faire fonctionner cet équipement. Selon les estimations, un investissement d'un milliard de dollars pour l’achat d’un nouvel équipement devrait être assorti d’une subvention supplémentaire de 700 millions pour couvrir les dépenses de fonctionnement. Quarto, un tel investissement ne réglerait pas le problème de l’équipement désuet. Un autre investissement d'un milliard de dollars serait requis pour moderniser l’équipement actuel.
Ces considérations laissent entendre que le gouvernement fédéral devrait envisager sérieusement de s’engager dans un programme de financement à long terme pour couvrir les dépenses afférentes à la technologie sanitaire (section 10.1.1). Un tel financement fédéral engloberait à la fois l’acquisition des technologies nouvelles, ainsi que le fonctionnement et la modernisation de l’équipement actuel. Dans le cadre de ce programme, les gouvernements provinciaux et territoriaux pourraient être tenus de faire rapport aux Canadiens sur la façon dont ils ont investi ces fonds fédéraux; autrement, le gouvernement fédéral n’aurait aucun moyen de savoir si son argent est dépensé aux fins pour lesquelles il a été prévu.
L’évaluation de la technologie des soins de santé (ETSS) (section 10.1.2) fournit des renseignements sur la sécurité, l’efficacité clinique et l’efficience économique. L’ETSS peut aider à décider si une nouvelle technologie devrait être adoptée et quand une technologie en usage devrait être remplacée. Chose plus importante encore, l’ETSS veille à ce que les technologies des soins de santé soient efficaces, qu’elles s’appliquent dans des conditions et des cas appropriés et que la solution la moins coûteuse soit retenue pour obtenir un résultat donné.
Au Canada, on n’accorde pas assez d’attention à l’ETSS. Par exemple, l’ensemble des paliers de gouvernement y investissement moins de 8 millions de dollars alors que le Royaume-Uni fournit quelque 100 millions de dollars à l’organisme national chargé de l’ETSS – le National Institute for Clinical Excellence (NICE). Il en résulte que les technologies des soins de santé sont souvent introduites dans le système canadien sans que l’on ait une connaissance approfondie de leur sûreté, de leur efficacité et de leur coût.
Une des principales faiblesses de notre système de soins de santé est qu’il s’apparente à une « industrie artisanale » (voir également la discussion portant sur le secteur des soins primaires au chapitre 5). D’une part, le secteur des soins de santé au Canada fait moins appel à la technologie de l’information et des communications que d’autres industries axées sur l’information. D’autre part, le système de soins de santé n’est pas intégré : les médecins et autres fournisseurs de soins de santé, les hôpitaux, les laboratoires et les pharmacies fonctionnent comme des entités indépendantes ayant un accès limité aux mécanismes de liaison qui permettraient une meilleure diffusion de l’information.
Une meilleure utilisation des technologies de l’information et des communications (section 10.2), de concert avec une meilleure intégration des fournisseurs et des établissements de soins de santé, améliorerait considérablement les processus de prise de décision, fondés sur l'expérience clinique, des fournisseurs, des gestionnaires et des décideurs en matière de santé.
Beaucoup de témoins ont souligné qu’il fallait d’urgence améliorer notre capacité de gérer l’information sur la santé. Ils sont allés jusqu’à recommander qu’on le fasse même si cela signifie, à court terme, que les listes d’attente s’allongent, qu’on achète moins de technologies de la santé et qu’on remette à plus tard certaines autres dépenses. De l’avis de nombreux témoins, il est essentiel que nous améliorions notre capacité de gérer l’information sur la santé si nous voulons que le régime d’assurance-santé survive.
L’utilisation des technologies de l’information et des communications dans le domaine de la santé est souvent désignée par terme « télémédecine ». Parmi les applications de la télémédecine qui sont envisagées au Canada dans le but de partager l’information et d’intégrer la prestation des soins de santé, on peut citer les systèmes d’informatisation des dossiers médicaux et les sources d’information sur la santé de l’Internet.
Le principal défi à relever consiste à regrouper les diverses infrastructures qui s’élaborent actuellement de façon dispersée dans divers établissements et diverses provinces. C’est ce qui résultera de l’infostructure de la santé qui a été proposée pour le Canada (10.2.1). Il ne s’agira pas d’une structure monolithique mais d’une constellation de réseaux qui s’appuiera sur des projets déjà en place ou en élaboration aux paliers fédéral, provinciaux et territoriaux. Il s’agit certainement là d’une entreprise aussi coûteuse qu’ambitieuse qui demandera des années avant de voir le jour. Il est toutefois indispensable d’y parvenir si nous voulons acquérir des renseignements valables sur la santé des Canadiens, sur l’état de notre système de soins de santé et sur l’efficience et l’efficacité de la prestation et de la distribution de ces services.
En mettant en œuvre cette option, il conviendrait d’accorder la priorité à l’informatisation des dossiers médicaux puisqu’un tel système est la pierre angulaire d’un système de prestation de soins de santé efficient et judicieux, capable d’améliorer la qualité et la responsabilisation. Sans cette sorte d’infostructure, les perspectives d’un système de soins de santé vraiment axé sur le patient et les perspectives de renforcement de l’efficience dans la prestation des services de santé sont minces. En fait, un système de dossiers médicaux informatisés est essentiel si on veut vraiment réformer les soins de santé primaires.
La télémédecine (section 10.2.2) est une forme d’application de l'informatisation des systèmes de soins de santé qui peut grandement améliorer la qualité et l’accès à des soins opportuns, particulièrement dans les régions rurales et éloignées du Canada. L’accessibilité des soins de santé est l’un des quatre principes de la Loi canadienne sur la santé qui fondent une médecine axée sur le patient. Toutefois, les populations canadiennes rurales se préoccupent toujours davantage des disparités qui se manifestent entre les services offerts dans les zones rurales et éloignées et ceux qui sont offerts dans les régions urbaines.
La télémédecine est un volet important de la politique de santé du gouvernement fédéral en région rurale. Dans le contexte de la santé des populations rurales, elle offre les avantages suivants : elle répond à la pénurie de fournisseurs de soins de santé en milieu rural et aux lacunes de la formation médicale; elle améliore l’infrastructure de santé rurale; elle permet de se conformer au principe d’accessibilité de la Loi canadienne sur la santé et elle assure une diffusion plus équitable des systèmes d’information sur la santé dans tout le pays.
La production d’un volume considérable de renseignements sur la santé constituera un des résultats importants de l’infostructure canadienne de la santé. Tous les membres des divers paliers de gouvernement et tous les intervenants dans le secteur de la santé sont d’avis qu’un système de soins de santé fondé sur l'expérience clinique peut offrir une plus grande responsabilisation et assurer l’amélioration continue de l’état de santé et de la prestation des soins de santé, de même qu’une meilleure compréhension des déterminants de la santé (section 10.3).
Le gouvernement fédéral, de concert avec les provinces et les territoires, s’est clairement engagé dans la voie d’une plus grande responsabilisation dans le domaine des soins de santé lorsqu’il a signé l’Accord des premiers ministres en septembre 2000. Un comité chargé de faire rapport sur des indicateurs de rendement, présidé par l’Alberta et comptant parmi ses membres des représentants de Terre-Neuve, du Québec, de l’Ontario et de Santé Canada, s’efforce d'établir et de recommander une liste d’indicateurs. De la même façon, le rapport de l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS), intitulé Health Care in Canada, constitue un pas vers un processus de comptabilité national dans le domaine des soins de santé. L’une des possibilités consisterait à étendre la capacité d’analyse d’information de l’ICIS et sa capacité de rendre compte chaque année aux Canadiens de leur état de santé et de l’état de leur système de soins de santé (section 10.3.1).
Dans la ligne de la recommandation de la Commission Fyke en Saskatchewan, un conseil national de la qualité des soins de santé (section 10.3.2) serait un organisme autonome, fondé sur l’expérience clinique et indépendant du gouvernement. Il aurait pour objet de fournir l'évaluation la plus objective possible de la prestation des services de santé et il ferait rapport à la fois au gouvernement et au grand public. Ce conseil entreprendrait, notamment, l’analyse du rendement du système de soins de santé, élaborerait des points de repère et des normes, étudierait les coût et les avantages des programmes et services et évaluerait les tendances se manifestant dans l’état de santé des populations.
Les indicateurs de rendement élaborés par ce conseil national de la qualité des soins de santé poseraient les assises d’une amélioration de la qualité et serviraient de guide pour l’affectation des ressources. Le conseil mettrait le doigt sur les secteurs ayant besoin d’appui et permettrait au public de porter des jugements plus éclairés sur les divers secteurs et services ainsi que sur le système en général. Cela améliorerait considérablement la perspective d’une optimisation de l’utilisation des ressources publiques disponibles.
La reddition de compte de la part des gouvernements peut s’engager dans deux directions (section 10.3.3). Dans le cadre de la première option, le gouvernement fédéral ferait rapport aux Canadiens sur ses politiques et programmes en matière de santé (reddition de compte au public). La deuxième concerne les rapports fournis par les provinces et les territoires au gouvernement fédéral sur l’utilisation des paiements de transfert fédéraux (reddition de compte de gouvernement à gouvernement).
Le gouvernement fédéral pourrait montrer l'exemple en mettant sur pied un mécanisme de rapport permanent au public canadien sur les répercussions des politiques qu’il adopte en matière de santé et de soins de santé. Il pourrait, par exemple, nommer un commissaire à la santé qui serait chargé de cette fonction et prendre pour modèle le projet « Healthy People » mis sur pied par le Surgeon General des États-Unis avec la collaboration du Département américain de la Santé et des Services humanitaires.
La deuxième forme de reddition de compte – de gouvernement à gouvernement - peut sembler problématique à tous ceux qui estiment que le gouvernement fédéral ne devrait jouer aucun rôle et ne devrait pas imposer aux provinces de rendre compte des programmes qu'elles offrent. Toutefois, étant donné le montant substantiel des subventions octroyées aux provinces et aux territoires par le gouvernement fédéral pour la prestation des services de santé, la responsabilité de ce gouvernement en matière de reddition de compte aux contribuables fédéraux exige qu'il comprenne bien comment leur contribution a été dépensée, bien ou mal. L’attribution d’un rôle au gouvernement fédéral, en ce qui a trait à l’obligation de reddition de compte entre gouvernements, n’a pas pour objet de lui permettre s’immiscer dans les prérogatives provinciales mais plutôt d'offrir aux Canadiens la possibilité de savoir comment leurs impôts fédéraux ont été dépensés, y compris par le gouvernement fédéral dans son rôle de fournisseur de services à des groupes de population particuliers, tout spécialement aux Autochtones du Canada.
Enjeux et options pour le rôle d'infrastructure : ressources humaines en santé
Une « crise » dans le domaine de la santé est fort plausible dans le secteur des ressources humaines, particulièrement si on se penche sur la situation des infirmières et infirmiers autorisés au Canada. L’Association des infirmières et infirmiers du Canada prévoit que d’ici 2011 il y aura une pénurie d’au moins 59 000 infirmières au Canada, mais que cette pénurie pourrait atteindre 113 000 si on tient compte des besoins d’une population vieillissante. On constate également une pénurie chez les autres professionnels de la santé dans d'autres secteurs, notamment chez les techniciens de laboratoire et les pharmaciens.
L’évaluation de la situation des médecins est plus difficile. Alors que le nombre total de médecins s’est accru, le ratio des médecins à la population est resté relativement constant au fil des ans, en dépit de certaines fluctuations. Toutefois, les totaux ne révèlent pas tout. L’accessibilité des services offerts par les médecins varie largement selon le type de médecin à qui l’on a affaire et le lieu de résidence.
Il est improbable que l’on puisse régler rapidement les problèmes de ressources auxquels fait face le secteur de la santé. Tous les organismes nationaux représentant ce secteur ont fait valoir avec insistance qu’on a besoin d’une stratégie nationale, à long terme, conçue au Canada (stratégie de gestion des ressources humaines) et coordonnée par le gouvernement fédéral (section 11.2). Bien entendu, les provinces et les territoires n’ont pas seulement la responsabilité de la prestation des soins de santé à leur population, ils sont également chargés de l’éducation et de la formation. Relever le défi consiste donc à trouver un moyen d’élaborer une telle stratégie d'une manière qui soit acceptable pour les provinces et les territoires.
Il se peut que les gouvernements provinciaux et territoriaux résistent à l’intervention du gouvernement fédéral dans l’élaboration d’une telle stratégie de gestion des ressources humaines. Par exemple, lors de leur réunion d’août 2001, les premiers ministres et chefs de file provinciaux et territoriaux ont consenti à développer en permanence la coopération interprovinciale en vue d’assurer un approvisionnement adéquat en fournisseurs de soins de santé, sans que le gouvernement fédéral intervienne. Néanmoins, le Comité est d’avis qu’une stratégie nationale (et non fédérale) reposant sur la participation de tous les gouvernements, y compris le gouvernement fédéral, est requise.
Deux autres questions touchant aux ressources humaines exigent de toute évidence l’attention de tous les gouvernements (section 11.3) :
- Comment faire le meilleur usage possible d'une gamme complète de spécialistes de la santé ayant des qualifications différentes pour que l’ensemble des compétences de chaque type de spécialiste soit utilisées de manière productive?
- Comment recruter, former et retenir une réserve adéquate de spécialistes des soins de santé qui peuvent s’adapter aux besoins de la population canadienne en matière de santé et de soins de santé?
Aujourd’hui, une structure fortement hiérarchisée permet de classer les professionnels de la santé et autres dispensateurs de soins. Les médecins spécialistes sont généralement perçus comme étant au sommet de cette pyramide, suivis par les médecins de famille, diverses catégories d’infirmières, depuis celles qui ont une formation poussée (infirmières praticiennes) jusqu’aux infirmières auxiliaires (infirmières auxiliaires autorisées). D’autres professionnels, allant des pharmaciens aux techniciens de laboratoire, reçoivent moins d’attention, mais n’en sont pas moins importants pour le fonctionnement harmonieux du système. Il ne faut pas oublier non plus les praticiens d’un éventail de médecines complémentaires qui ne cessent de se battre pour la pleine reconnaissance de leur contribution à la santé et au bien-être des Canadiens. Enfin, il existe une armée de dispensateurs de soins non professionnels et de bénévoles dont la contribution, quoique essentielle, est souvent totalement laissée pour compte.
Nous devons par conséquent demander explicitement s’il n’est pas temps de nous éloigner de ce mode de pensée hiérarchisé pour tenter d’adopter une approche plus complémentaire, de type spectral, à la gestion des ressources humaines œuvrant dans le domaine de la santé. Un tel concept réfuterait l’idée que les médecins spécialistes se situent plus haut sur l’échelle que leurs collègues généralistes, en vertu de leur connaissance plus approfondie d’un domaine particulier, ou que les médecins en général sont nécessairement plus hautement qualifiés que les infirmières. Au contraire, le concept est fondé sur la présomption que chaque profession a ses forces particulières et que celles-ci doivent être valorisées et déployées de manière adéquate.
Un des principaux obstacles à l’élaboration d’un plan de traitement de ces questions tient aux règles actuelles qui définissent ce que les membres des divers professionnels de la santé peuvent et ne peuvent pas faire (ce que l’on appelle les règles régissant le cadre des fonctions). La réforme des soins primaires est essentielle si nous voulons rationaliser l’utilisation des ressources humaines dans le domaine de la santé (section 11.4). Les soins primaires constituent le premier niveau de soins et habituellement le premier point de contact de la population avec le système de soins de santé. Les services de soins primaires aident les personnes et les familles à prendre les meilleures décisions concernant leur santé. Ces services doivent être :
- coordonnés;
- accessibles à tous les consommateurs;
- fournis par des professionnels de la santé qui ont les habiletés requises pour répondre aux besoins des personnes et des collectivités auxquelles ils s’adressent;
- conçus de telle sorte qu’on puisse rendre compte de la prestation des soins par l’entremise de la gérance communautaire.
Le travail d’équipe multidisciplinaire doit par conséquent être au cœur même de la prestation des soins primaires. Toutefois, le but de ce travail d’équipe ne devrait pas être de remplacer un dispensateur de soins de santé par un autre, mais plutôt de tenir compte des habiletés uniques que chacun offre à l’équipe et de coordonner le déploiement de ces compétences. Le client doit rencontrer le travailleur de la santé qui est le plus susceptible de régler son problème.
La façon dont les soins de santé sont fournis au Canada ne reflète généralement pas une philosophie des soins primaires (même si on peut dire que les centres de santé communautaires sont des exemples d’organismes offrant des services conformes à une telle philosophie). Les services de santé ne sont pas souvent coordonnés, pas plus qu’ils ne sont fournis par les praticiens les plus qualifiés; en outre, la connaissance et les habiletés de nombreux intervenants ne sont pas pleinement exploitées.
La mise en œuvre d’une stratégie de soins primaires, tel que noté précédemment dans ce rapport (voir le chapitre 5), présuppose également que l’on repense la pratique actuelle du paiement à l’acte comme mode principal de rémunération des médecins. Le paiement à l’acte incite activement les médecins à ne pas s’engager dans un travail d’équipe et leur salaire dépend du nombre de patients qui les consultent. En outre, ce mode de rémunération encourage les médecins de famille à renvoyer d’office un grand nombre des cas plus complexes aux spécialistes puisqu’ils n’ont aucun avantage à consacrer davantage de leur temps aux cas difficiles. Enfin, la rémunération à l’acte renforce la perception qu’a le grand public de la hiérarchie qui préside à l’organisation du système de soins de santé et qui ne peut servir qu’à renforcer chez les patients la volonté de consulter dans tous les cas les médecins les plus hautement qualifiés, sans tenir compte du fait que ces spécialistes sont ou non les mieux placés pour répondre à leurs besoins.
Par rapport au paiement à l’acte, les formules de rémunération salariale et de rémunération per capita représentent les principales options, les services des médecins étant, dans ces cas, rémunérés d’après le nombre de patients enregistrés dans leur secteur. Actuellement, certains médecins ayant d’importantes fonctions d’enseignement ou d’administration sont rémunérés sur une base salariale, mais il y a eu dans diverses provinces un certain nombre d’initiatives visant à organiser des groupes de praticiens selon certaines formes de capitation. Il est également possible de combiner ces formes de rétribution (comme on le fait en Grande-Bretagne).
La recherche d’autres modes de rémunération des médecins n’est pas le seul obstacle à surmonter si l’on veut réformer le système actuel de telle sorte que l’on fasse, dans le secteur de la santé, le meilleur usage possible de tous les types de ressources humaines. La réforme dans ce domaine va nécessairement à l’encontre de la distribution actuelle du pouvoir de décision et on peut s’attendre à ce que les gens qui y occupent les postes de pouvoir les plus en vue résistent à ces changements. La réforme des soins primaires aurait pour effet d’accroître le nombre de personnes partageant le sommet de la pyramide et il faudra trouver les moyens de persuader ceux qui occupent aujourd’hui un rôle dominant de la nécessité de céder une partie de leurs prérogatives.
Enfin, il est important d’envisager diverses façons d’encourager les patients eux-mêmes à solliciter les formes de soins les plus appropriées (section 11.5). Les Canadiens ont été incités à penser qu’ils doivent voir un médecin quand la consultation d’une infirmière auxiliaire peut suffire, ou qu’un spécialiste est nécessaire alors qu’un généraliste pourrait aisément fournir des soins de qualité comparable. Le système de prestation des soins de santé doit être organisé de telle sorte qu’il soit possible pour les patients de consulter le professionnel de la santé qui convient le mieux et il faut qu’il existe des mesures incitatives récompensant les patients qui ont fait le meilleur choix ou les pénalisant lorsqu’ils choisissent une solution inutilement coûteuse pour le système.
On pourrait, pour atteindre ce but, réclamer des honoraires qui ne s’appliqueraient que si un patient insistait pour voir un professionnel de la santé donné lorsque ce n’est pas jugé nécessaire lors de la première interaction du patient avec le système. Les renvois à des spécialistes sur l’avis d’un professionnel de la santé (infirmière de triage, généraliste) seraient sans frais, mais si les patients exigeaient de leur plein gré d’autres consultations, ils devraient verser des honoraires qui pourraient varier en fonction du type de professionnel consulté. Ces honoraires pourraient être remboursables si la consultation s’avérait nécessaire pour éviter de décourager totalement ceux qui souhaitent obtenir une deuxième opinion sur leur cas. Il pourrait également s’avérer possible de garantir des délais d’attente plus courts pour certaines catégories de professionnels et d’utiliser une telle garantie comme une mesure incitative supplémentaire afin de promouvoir un comportement sensible aux coûts chez les consommateurs de soins de santé.
Quatre grandes questions font partie intégrante du problème de planification des ressources humaines :
- Quel rôle le gouvernement fédéral devrait-il jouer dans l’élaboration d’un plan national des ressources humaines applicable à tout le personnel des services de santé?
- Quel rôle le gouvernement fédéral devrait-il jouer dans la mise en œuvre d’un tel plan (p. ex. par l’entremise du financement de l’infrastructure ou d’une contribution financière aux programmes de formation)?
- Comment les Canadiennes et les Canadiens peuvent-ils être « formés » ou encouragés à établir des distinctions et à discriminer entre leurs vrais besoins de services de santé et une demande de services fondée sur leurs désirs?
- Comment peut-on persuader ceux que l’on perçoit actuellement comme étant au sommet de la structure de pouvoir en matière soins de santé de céder une partie de ce pouvoir et de changer les règles du cadre de pratique pour qu’on puisse en arriver à une utilisation plus efficiente du personnel des services de santé (« efficiente » signifiant qu’un patient sera toujours examiné par un travailleur de la santé qualifié pour répondre à ses besoins et qui adressera le patient à un dispensateur de services ayant d’autres compétences lorsque ce patient en aura vraiment besoin)?
Une des difficultés inhérentes aux questions soulevées tient au fait que les deux premières questions dépendent fortement des hypothèses que l'on peut formuler sur l’échéancier et sur la nature précise des progrès que l'on peut réaliser dans les deux dernières.
Questions et options concernant le rôle à jouer en matière de santé de la population
Un bon système de soins de santé n’est qu’un des nombreux facteurs qui contribuent à garder les gens en bonne santé. Certains experts ont laissé entendre que seulement 25 % de la santé de la population était attribuable au système de soins de santé, 75 % dépendant de facteurs tels que la biologie et la supériorité génétique, l’environnement physique et les conditions socio-économiques.
On s’entend généralement à reconnaître que de multiples facteurs – appelés les « déterminants de la santé » – influent sur l’état de santé. Parmi ces déterminants, on peut citer le revenu et le soutien social, l’éducation, l’emploi et les conditions de travail; le milieu social et physique; les pratiques d’hygiène personnelle et les facultés d’adaptation.
Le terme « santé de la population » est utilisé pour renvoyer à l’état de santé général d’une population tel que résultant de l’ensemble des déterminants de la santé. Une stratégie d’amélioration de la santé de la population vise l'élimination des problèmes de santé latents avant qu’ils n’exigent un traitement au sein du système de soins de santé.
Un des principaux attraits d’une stratégie visant la santé de la population est qu’une telle stratégie permet de mieux comprendre pourquoi l’état de santé au Canada ne touche pas uniformément tous les segments de la population. Un large éventail d’indicateurs de l’état de santé montre qu’il existe d'importantes disparités, au sein de la population canadienne, notamment quant étudie différents paramètres tels que l’emplacement géographique, les facteurs démographiques, les conditions socio-économiques ou les différences liées au sexe.
La révolution qu’ont connue les soins de santé au XXe siècle a considérablement modifié la courbe de distribution des maladies, les principales causes de mortalité passant des maladies infectieuses aux maladies non transmissibles (section 12.1). Les maladies chroniques telles que le cancer et les maladies cardiovasculaires sont devenues les principales causes de décès et d’invalidité au Canada, les blessures accidentelles venant au troisième rang des causes de mortalité.
Un certain nombre de tendances touchant la santé des jeunes Canadiens sont très inquiétantes. Il s’agit, entre autres, de l’embonpoint et de l’obésité, des troubles de l’alimentation, des nombreux cas d’ignorance des méfaits du tabac et des faibles niveaux de bien-être psychologique (section 12.2).
Les questions qui touchent à la maladie sont complexes, mais bon nombre des maladies chroniques et infectieuses et la plupart des blessures peuvent être prévenues. Néanmoins, on a eu tendance à tenter de guérir les maladies au lieu de les prévenir, en raison principalement d’un manque de volonté politique.
Selon de nombreux experts, le statut socio-économique est le facteur qui exerce la plus grande influence sur la santé (section 12.3). Les Canadiens à faible revenu et faible niveau d’éducation sont plus susceptibles que d’autres de souffrir d’un état déficient quel que soit le traitement appliqué, et on peut dire, en tenant compte des déterminants de la santé et de pratiquement tous les paramètres mesurés, que la santé des gens s’améliore avec l'augmentation des niveaux de revenu et d’éducation.
Le rôle du gouvernement fédéral en ce qui a trait à la promotion de la santé et à la prévention de la maladie est un rôle bien établi (section 12.4). De la même façon, ce gouvernement a été reconnu comme un chef de file, à l’échelle mondiale, pour ce qui est du développement du concept de santé de la population. Il pourrait une fois de plus faire preuve de leadership en adoptant une stratégie de santé de la population qui s’applique à tous les Canadiens.
Les efforts de prévention doivent être adaptés et souples. Il n’y a pas de stratégie unique s’appliquant à tous (section 12.4.1). Les stratégies globales de prévention et de promotion doivent donc tenir compte des organes de liaison entre les facteurs de risque, de même qu’entre l’état de santé et les facteurs socio-économiques, démographiques et environnementaux.
Ces stratégies doivent également reconnaître la relation qui existe entre une collectivité saine et des citoyens en bonne santé. Parmi les approches qui permettent de s’attaquer à plusieurs facteurs de risque et peuvent produire des avantages multiples, on peut citer l’appui aux familles vulnérables, les programmes complets de promotion de la santé en milieu scolaire et de santé et sécurité au travail.
Le Comité est d'avis que plusieurs questions clés se posent pour ce qui est des stratégies de promotion de la santé de la population; celles-ci concernent, pour une grande part, les difficultés que soulève la transposition, en politiques réelles pouvant être mises en œuvre, des résultats de recherche visant à établir l'importance de ces stratégies concernant la santé de la population. En premier lieu, la multiplicité des facteurs influençant les résultats en matière de santé fait en sorte qu’il est extrêmement difficile d’associer causes et effets, particulièrement puisque l'effet n'est souvent perçu que plusieurs années après l’exposition à la cause.
En outre, en raison de la diversité des facteurs qui influencent les résultats en matière de santé, il est très difficile de coordonner les interventions gouvernementales à cet égard. Puisque le système de soins de santé lui-même n’est responsable que d’un pourcentage modeste des véritables déterminants de la santé, la responsabilité de la santé de la population ne peut s’arrêter aux divers ministères de la Santé. Toutefois, la structure de la grande majorité des gouvernements ne se prête pas facilement à une réglementation interministérielle de ces problèmes complexes.
Bien que de nombreuses difficultés soient associées à l’élaboration d’une stratégie efficace visant la santé de la population, le Comité estime qu’il est important que le gouvernement fédéral continue à essayer de donner l’exemple en explorant des moyens novateurs de transformer les bonnes théories en bonnes pratiques et de contribuer ainsi à l'amélioration des résultats en matière de santé au Canada. Le Comité aimerait mettre sur la table deux grandes options et solliciter les observations des lecteurs à leur endroit (section 12.4.2).
La première de ces options concerne la responsabilité fédérale pour ce qui est des services de santé offerts aux Autochtones du Canada (voir également le chapitre 13). L’idée-force tient au fait que, dans un domaine où la responsabilité fédérale est incontestable, il devrait être possible pour le gouvernement d'adopter une stratégie explicite en matière de santé de la population qui reconnaîtrait les nombreux facteurs contribuant au déplorable état de santé qui est toujours la norme dans de nombreuses collectivités autochtones.
La deuxième option octroierait au gouvernement fédéral un rôle encore plus important. En raison du fait qu’il faut, pour mettre en œuvre des stratégies visant la santé de la population, une vision très large, il est essentiel de trouver une façon de décloisonner les responsabilités dans le domaine des résultats des politiques et de scruter toutes les politiques à travers le prisme de ces stratégies. On pourrait à cette fin charger un « commissaire de la santé » (voir également le chapitre 10) de surveiller et de faire rapport sur l’incidence des politiques gouvernementales fédérales sur la santé.
Enfin, d’autres recherches sont nécessaires (section 12.4.3), particulièrement dans certains domaines. Souvent, l’argent est dépensé sans que des projets de recherche épidémiologique ne permettent d’établir où il faut l’investir. En ce qui a trait à la recherche sur les maladies chroniques, on note un manque de connaissance de l’usage qu’il faut faire de cette information pour la mise en œuvre de stratégies de prévention. À cet égard, des recherches s’imposent si l’on veut déterminer la meilleure façon de partager l’information sur la santé à la fois avec les fournisseurs de soins et avec chaque Canadien, et en particulier la meilleure façon de faire parvenir cette information aux membres des groupes socio-économiques défavorisés ou à ceux dont les capacités de lecture et d’écriture sont médiocres.
Questions et options relativement au rôle à jouer dans le domaine de la santé des autochtones
Il existe des disparités importantes entre les peuples autochtones du Canada et les autres Canadiens sur le plan de la santé et du point de vue socio-économique (section 13.1). Le Comité est d’avis que l’état de santé des Canadiens autochtones est une honte nationale. Si ces derniers jouissaient d’un état de santé comparable à celui du reste de la population, le Canada serait probablement le pays où l’état de santé des habitants est le meilleur au monde. Il est clair que des améliorations s’imposent à cet égard. Le gouvernement fédéral doit prendre les devants pour corriger immédiatement la situation.
Les soins de santé sont administrés aux Autochtone du Canada par l’entremise d’une gamme complexe de programmes et de services administrés par le fédéral, les gouvernements provinciaux et les collectivités autochtones (section 13.2). Qui fournit quoi à qui dépend d’un certain nombre de facteurs tels que le statut en vertu de la Loi sur les Indiens, le lieu de résidence (dans les réserves ou hors réserve), l’emplacement de la collectivité (non isolée ou éloignée) ainsi que de la question de savoir si Santé Canada a signé un accord de transfert pour la livraison de certains services de santé à une collectivité ou un organisme autochtone donné.
Pendant la deuxième phase de cette étude, le Comité s’est fait dire qu'en vertu de la Loi sur les Indiens, les Indiens de plein droit sont sous responsabilité fédérale. La construction d’hôpitaux et la prestation de services médicaux est toutefois du ressort de la province ou du territoire. Les Indiens inscrits qui résident dans une réserve ont droit aux services de santé généraux fournis par les provinces et les territoires tels que les hôpitaux, les services médicaux et les autres services assurés couverts par les régimes de santé provinciaux et territoriaux. Santé Canada, toutefois, offre des services d’urgence et des services directs de soins primaires dans les réserves situées dans des régions éloignées et isolées où aucun service provincial n’est disponible. Quel que soit le lieu de résidence (dans une réserve ou hors réserve), les Indiens de plein droit ont accès à des services de santé non assurés (SSNA) subventionnés par le gouvernement fédéral. Parmi ces services, on peut citer les médicaments, les fournitures et l'équipement sanitaires, les soins dentaires, les soins de la vue, le transport des malades, les cotisations de soins de santé et le counseling d’urgence en santé mentale.
Les gouvernements provinciaux et territoriaux sont chargés de fournir des services de santé aux Inuits, mais la livraison des services de santé à la population inuite du Canada varie selon la province de résidence. En 1988, le gouvernement fédéral a transféré la responsabilité de l’administration de la santé au gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. À la création du Nunavut, le gouvernement de la nouvelle entité est devenu responsable du territoire du Nunavut. Le gouvernement fédéral fournit des fonds aux gouvernements territoriaux pour que ceux-ci puissent livrer des programmes de santé aux Indiens de plein droit et aux Inuits, y compris des services de santé non assurés.
Les Métis et les Indiens non inscrits n’ont pas accès aux programmes de santé fédéraux. Ils reçoivent des services médicaux des gouvernements provinciaux et territoriaux, sur la même base que les autres Canadiens. Les Métis et les Indiens non inscrits ne sont pas visés par la Loi sur les Indiens et ne sont pas admissibles non plus aux services de santé non assurés financés par le gouvernement fédéral.
Dans l’ensemble, des obstacles juridictionnels à l’offre de services de santé aux Autochtones existent à deux niveaux. Le premier obstacle est attribuable à la répartition des pouvoirs entre les gouvernements fédéral et provinciaux. Les conséquences de l’intervention de deux champs de compétence dans la prestation des services de santé sont notamment les suivantes : fragmentation du programme, problèmes de coordination des programmes et des mécanismes de rapport, inconsistance, lacunes, chevauchement possible des programmes, manque d’intégration, incapacité de rationaliser les services et obstacles à l’élaboration d’une vision holistique de la santé et du bien-être.
Le deuxième obstacle juridictionnel provient des divisions que crée la Loi sur les Indiens au sein même des populations autochtones. En raison du fait que les Métis et les Indiens non inscrits sont exclus du champ d'application de la loi, ils ne sont pas admissibles à la plupart des programmes fédéraux. De l’avis des témoins, ce manque de reconnaissance place les Métis et les populations non inscrites dans un véritable vide juridictionnel.
L’option proposée à la section 13.2.1 concerne l'élaboration par le gouvernement fédéral, en collaboration avec les provinces, les territoires et les représentants de tous les groupes autochtones, d’un plan d’action national sur la santé des Autochtones visant à améliorer la coordination de la prestation des soins de santé entre les ordres de gouvernement. Le ministre fédéral de la Santé pourrait faciliter une telle coordination.
La section 13.3 aborde les moyens à prendre pour assurer un accès adéquat à des services de santé culturellement adaptés aux Autochtones du Canada. Une stratégie à long terme visant à accroître le nombre de fournisseurs de services de santé autochtones pourrait être élaborée par les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux (section 13.3.1). Dans le cadre d’une telle stratégie, le gouvernement fédéral pourrait fournir les ressources nécessaires pour former les Autochtones du Canada dans une gamme étendue de disciplines.
Une stratégie à long terme devrait également permettre de former, de recruter et de retenir les personnes qui ont embrassé une des nouvelles carrières dans le domaine de la santé, notamment les dispensateurs de soins à domicile, les éducateurs de la petite enfance, les travailleurs chargés de la prévention du diabète, les spécialistes de la télémédecine et les techniciens spécialisés en développement de systèmes.
La télémédecine pourrait également jouer un rôle important pour améliorer l’accès aux services de santé dans les collectivités autochtones (section 13.3.2). Dans les collectivités autochtones éloignées et isolées, la télémédecine offre divers avantages. Elle permet de tenir compte de la pénurie de dispensateurs de soins de santé et des lacunes de la formation médicale; elle améliore l’infrastructure des soins de santé; elle permet de se conformer au principe d’accessibilité mis de l’avant par la Loi canadienne sur la santé et elle assure un développement plus équitable des systèmes d’information sur la santé dans toutes les régions du pays. Le Comité accueillera favorablement toute opinion sur la façon d’offrir aux Autochtones du Canada un accès adéquat à des services de santé culturellement adaptés et de haute qualité (section 13.3.3).
Les Autochtones, quel que soit leur groupe d'appartenance, ne se contentent pas de définir la santé comme l’absence de maladie (section 13.4). Ils adoptent une vue plus large du concept de santé (ils parlent de « bien-être ») qui englobe les facettes spirituelle, physique, mentale et émotionnelle de la personne. Ils expliquent que les diverses composantes de l’état de santé global peuvent être influencées par le milieu social, culturel, physique, économique et politique où évolue la personne. Le concept autochtone de bien-être met l’accent sur le fait que les solutions en matière de santé ne deviendront efficaces que si tous les facteurs ayant une incidence sur un problème particulier sont pris en considération. Les témoins ont laissé entendre que la politique du gouvernement fédéral portant sur la santé des Autochtones doit mettre davantage l’accent sur la prévention de la maladie et sur une stratégie holistique de promotion de la santé des populations.
Le gouvernement fédéral a été reconnu, à l’échelle mondiale, pour un chef de file dans l’élaboration du concept de santé de la population. Dans le cadre de l’option discutée à la section 13.4.1, il devrait, une fois de plus, faire preuve de leadership dans la mise en œuvre d’une stratégie de santé de la population visant particulièrement les Autochtones du Canada. Une telle stratégie devrait tenir compte, notamment, des conditions économiques, de diverses questions environnementales telles que l'accès à une eau potable propre et sans danger, de la prestation de soins de santé de haute qualité culturellement appropriés, ou de la possibilité de mener une vie saine. Le fait d’investir dans de telles activités améliorera l’état de santé des Autochtones et réduira la souffrance et les coûts résultant d’une santé déficiente. Cette option exigerait une collaboration interministérielle permanente et à grande échelle. Le ministre fédéral de la Santé pourrait intervenir à titre de chef de file.
Le gouvernement fédéral devrait également donner l’exemple en mettant sur pied un mécanisme permanent permettant de faire rapport, au public canadien, sur l’incidence de toutes ses politiques et programmes destinés à améliorer la santé des Autochtones. Il pourrait s’agir de la première étape vers une responsabilisation du gouvernement fédéral dans le dossier des politiques sur la santé. Nous accueillerons toute option qui pourrait nous être proposée pour mettre en œuvre un mécanisme de reddition de compte efficace à l’échelle fédérale, dans le domaine de la santé des Autochtones (section 13.4.2).
Au fil des audiences, divers témoins ont souligné l’importance d’entreprendre des recherches sur la santé des Autochtones et de fournir ainsi des renseignements utiles sur la façon d’améliorer la prestation des services de santé et les résultats en la matière (section 13.5). Ils ont accueilli la création du nouvel Institut sur la santé des Autochtones au sein d’IRSC et ont souligné le fait qu’il est essentiel que ce nouvel institut dispose d’un niveau suffisant de financement. À leur avis, la diversité des groupes qui composent la mosaïque démographique autochtone doit se refléter dans les activités de recherche en matière de santé. En outre, des fonds devraient être affectés à des activités de recherche qui explorent divers modèles en vue d’obtenir des renseignements, fondés sur l’expérience, sur la façon d’élaborer et d’administrer des programmes ayant des effets sur la santé des Autochtones.
Étant donné la diversité des peuples autochtones et leurs besoins uniques en matière de santé et de soins de santé, il est essentiel de faire participer leurs collectivités au renouvellement des politiques et des programmes fédéraux qui ont une incidence sur la santé de leurs collectivités (section 13.6). Nous avons entendu dire que les programmes les plus fructueux, ceux qui ont donné les meilleurs résultats en matière de santé, sont aussi ceux qui ont reçu un appui significatif des membres des collectivités concernées. Le Comité voudrait obtenir des suggestions sur les processus les plus appropriés qui permettraient d’assurer la participation des Autochtones du Canada à la conception, l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques et des programmes fédéraux destinés à améliorer la santé de leurs collectivités.
Conclusion
Pour nous, Canadiens, le système de soins de santé subventionné par l’État est l’une des principales caractéristiques de notre pays. Il a en fait presque acquis un statut mythique. Il traduit des valeurs typiquement canadiennes qui contrastent avec celles qui ont cours chez nos voisins américains.
L’assurance-santé repose sur le principe que le société canadienne devrait partager collectivement les risques et les conséquences des maladies et des blessures qui touchent chaque Canadien. Avant l’avènement de l’assurance-santé, ce sont généralement les malades ou les blessés eux-mêmes qui les assumaient, ou encore leurs familles ou divers organismes caritatifs. D’une façon générale, les Canadiens ont encore aujourd’hui ce sens de la responsabilité collective à l’égard ds soins de santé, malgré les valeurs plus individuelles qui sont apparues ces dernières années et qui expliquent certains des grands changements sociaux récents.
De plus, les Canadiens considèrent les soins de santé un peu comme un bien public, même si plus de 30 % des coûts totaux des soins de santé sont payés au moyen de fonds privés. Ils les considèrent aussi comme un bien public en ce sens qu’ils s’attendent à ce que le gouvernement, tant fédéral que provincial, leur assure les services auxquels ils estiment avoir droit.
Vu la place qu’occupent les soins de santé dans la mentalité des Canadiens et dans la vie politique du pays d’une façon plus générale, on aurait pu s’attendre à ce qu’il y ait eu un débat continu et réfléchi sur la question au Canada, ce qui n’a malheureusement pas été le cas.
C’est ainsi que le Comité a décidé dès le début qu’il assurerait un service public utile en produisant un rapport sur les grandes lacunes du système de soins de santé canadien et sur les façons dont il propose d’y remédier. De plus, il voulait ce rapport objectif et non idéologique. Enfin, il était essentiel, selon lui, de n’exclure aucune option a priori. Voilà ce qu’il espère avoir réussi.
Nous reconnaissons que la liste des problèmes que nous avons évoqués n’est pas exhaustive et que bon nombre de nos lecteurs voudront la compléter. De la même façon, certains estimeront incomplète la série des options que nous proposons et voudront en ajouter de leur cru. Nous accueillerons avec plaisir tous ces ajouts à notre travail. À notre avis, ils aideront à réaliser l’objectif que nous nous étions fixé : servir de catalyseur en vue d’un débat public éclairé sur la question des soins de santé.
Mais surtout, nous espérons que les Canadiens – c’est-à-dire les personnes qui bénéficient le plus du régime d’assurance-santé du Canada et celles qui seront le plus touchées par les changements qui y seront apportés – prendront le temps d’écrire au Comité et de lui faire savoir quelles options ils préfèrent et pourquoi. Nous comptons énormément sur l’opinion des Canadiens pour nous aider à rédiger notre rapport final et les recommandations qu’il renfermera.
Veuillez vous adresser à :
Le Comité sénatorial permanent des Affaires sociales, des
sciences et de la technologie
Le Sénat
Ottawa (Ontario)
K1A 0A4
sante@sen.parl.gc.ca
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