Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule 3 - Témoignages du 13 avril 2010
OTTAWA, le mardi 13 avril 2010
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, a 9 h 30, pour examiner les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis et d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada (sujet : questions concernant l'éducation des Premières nations).
Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je souhaite la bienvenue à tous les honorables sénateurs, aux membres du public et aux téléspectateurs de partout au pays qui suivent ces délibérations du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones sur CPAC ou sur le web. Je suis le sénateur Gerry St. Germain, de la Colombie-Britannique, et j'ai l'honneur de présider ce comité.
Le comité a pour mandat d'examiner les projets de loi et les questions générales qui ont trait aux peuples autochtones du Canada. Ce mandat donne au comité le pouvoir très large de se pencher sur diverses questions d'intérêt pour les Premières nations, les Métis et les Inuits.
La réunion d'aujourd'hui servira à obtenir de l'information auprès des représentants d'Affaires indiennes et du Nord Canada, ou AINC, sur la question de l'éducation. Aux yeux du comité, l'éducation est un facteur essentiel qui doit être abordé pour permettre aux peuples autochtones de réussir et de prospérer. De façon plus précise, nous avons demandé aux représentants d'AINC de nous donner un aperçu des programmes, de l'administration et du financement de l'éducation des enfants des Premières nations vivant dans les réserves, de la maternelle à la 12e année.
Mesdames et messieurs les membres du comité, je vais maintenant vous présenter nos témoins d'Affaires indiennes et du Nord Canada. Vous la connaissez déjà, et c'est toujours avec plaisir que nous l'accueillons : Mme Christine Cram, sous-ministre adjointe, Programmes et partenariats en matière d'éducation et de développement social. Bonjour, madame Cram. Soyez la bienvenue.
Mme Cram est accompagnée de Mme Sheilagh Murphy, directrice générale intérimaire, Direction générale du soutien aux opérations et à la planification. Bonjour, madame Murphy.
Nous accueillons aussi Mme Claudette Russell, directrice, Direction de la planification et de la politique stratégique.
Je crois savoir, madame Cram, que vous voulez présenter un exposé au comité. Comme d'habitude, essayons d'être le plus concis possible, pour que les membres du comité sénatorial puissent poser des questions.
Christine Cram, sous-ministre adjointe, Programmes et partenariats en matière d'éducation et de développement social, Affaires indiennes et du Nord Canada : Merci de cet accueil chaleureux. C'est avec plaisir que je reviens ici. Nous sommes très heureuses de comparaître aujourd'hui devant le comité pour discuter de l'éducation des Autochtones. Je vais parler de l'éducation des Autochtones en général, puis ma collègue, Mme Murphy, parlera de l'infrastructure de l'éducation.
[Français]
Nous savons fort bien que, dans notre monde régi par l'économie du savoir, l'éducation est indispensable pour améliorer la qualité de vie des Autochtones, des membres de toute leur communauté, comme de tous les Canadiens et de toutes les Canadiennes. On estime que les deux tiers de tous les nouveaux emplois imposeront à leurs titulaires d'avoir fait des études supérieures ou suivi une formation poussée. L'une après l'autre, toutes les études nous disent que la composition de notre main-d'œuvre et nos façons de travailler évoluent du fait de la mondialisation et des progrès de la technologie.
[Traduction]
L'éducation revêt une importance encore plus grande pour les Autochtones dont l'âge moyen et le degré de scolarité sont beaucoup plus faibles que ceux des autres Canadiens. Au cours de la dernière décennie, la croissance de la population autochtone du Canada a été plus de cinq fois supérieure à celle des non-Autochtones, alors que son âge médian était inférieur de 13 ans à celui de ces derniers.
Bien qu'ils ne représentent que 4 p. 100 de la population canadienne, les peuples autochtones devraient être responsables de 13 p. 100 de la croissance de la main-d'oeuvre pendant la période allant de 2006 à 2026. D'ici 2026, la population autochtone pourrait constituer 28 p. 100 de la main-d'oeuvre en Saskatchewan, et 22 p. 100 au Manitoba.
Le Centre d'étude des niveaux de vie a mené des recherches poussées sur le potentiel inexploité des Autochtones. Il estime que le produit intérieur brut, le PIB, du Canada pourrait augmenter de plusieurs milliards de dollars si les Autochtones canadiens atteignaient la parité avec la population générale en matière d'éducation, d'emploi et de revenu.
Nous croyons que les élèves autochtones ont besoin d'une éducation qui les incite non seulement à poursuivre leurs études, mais aussi qui leur assure, quand ils reçoivent leur diplôme, d'avoir les compétences voulues pour réussir à se faire une place sur le marché du travail.
[Français]
C'est un plaisir pour moi, en réponse à votre demande, de traiter aujourd'hui de divers aspects de l'éducation autochtone, dont la mise en œuvre de nos programmes, le financement de cette éducation, les résultats obtenus et à venir, l'aide apportée aux étudiants ayant des difficultés d'apprentissage ou des besoins spéciaux, les orientations et les initiatives à venir dans ce domaine.
[Traduction]
J'aimerais également consacrer un certain temps au programme de réforme de l'éducation et aux engagements connexes pris dans le dernier budget.
Commençons par préciser le contexte. Des études ont révélé que de 40 à 50 p. 100 des résultats scolaires des étudiants tiennent à des facteurs qui échappent à l'emprise de l'école, comme le revenu et le degré de scolarité des parents.
L'éducation ne peut, à elle seule, résoudre tous les problèmes sociaux et économiques des Autochtones, mais les recherches montrent également que l'éducation est, de loin, le déterminant le plus important de la réussite sur le marché du travail et qu'elle joue un rôle prépondérant dans l'amélioration de la condition sociale.
Au sujet de la mise en oeuvre, AINC assure le financement de l'éducation dans les réserves, mais il appartient à la Première nation ou à son organisation régionale de gérer et de fournir les programmes et services d'éducation dans quelque 515 écoles situées dans des réserves.
[Français]
Le ministère règle les frais de scolarité fixés par la province pour les élèves des Premières nations qui fréquentent les écoles provinciales à l'extérieur des réserves. Ce montant est versé, selon les modalités de l'accord qui a été conclu, à la Première nation ou directement au ministère de l'Éducation de la province concernée.
[Traduction]
Environ 119 000 étudiants vivent dans des réserves. Parmi eux, 48 000 — environ 40 p. 100 — fréquentent des écoles provinciales en dehors des réserves. Il y a donc un nombre important d'étudiants autochtones, inscrits et non inscrits, qui fréquentent des écoles des provinces.
Au sujet du financement, tous les ans, Affaires indiennes et du Nord Canada investit environ 1,3 milliard de dollars dans l'enseignement primaire et secondaire. De ce montant, un milliard de dollars va aux services d'enseignement, 128 millions de dollars à l'éducation spéciale, 9 millions de dollars aux centres éducatifs et culturels et environ 130 millions de dollars à des initiatives ciblées destinées aux apprenants des Premières nations, comme l'administration des écoles, le recrutement et le maintien en poste des enseignants et l'engagement des parents.
Le gouvernement fédéral a un rôle important à jouer pour s'assurer que le Canada dispose d'une main-d'oeuvre bien formée et hautement compétente.
C'est pourquoi il investit plus de 9,8 milliards de dollars dans l'enseignement postsecondaire. De ce montant, environ 2,1 milliards de dollars sont consacrés à des subventions, des bourses et des prêts aux étudiants, 1,8 milliard de dollars servent à aider les étudiants et les familles à épargner pour leurs études, et environ 3,2 milliards de dollars sont transférés aux provinces, sans oublier les investissements en recherche faits par l'intermédiaire des conseils subventionnaires.
Tous les étudiants, y compris les étudiants autochtones, peuvent profiter de ces ressources, de ces programmes et de ces services.
En réaction aux conditions particulières des étudiants inuits et des Premières nations, le ministère verse des fonds aux Premières nations, ou à leurs organisations régionales, pour leur permettre d'aider ces étudiants à accéder à l'enseignement postsecondaire.
Au cours de l'exercice 2008-2009, quelque 22 000 étudiants ont reçu environ 292 millions de dollars pour les aider à payer leurs frais de scolarité et leur transport, à acheter des livres et pour contribuer à leurs frais de subsistance.
[Français]
Dans le domaine des résultats scolaires, les apprenants autochtones continuent à accuser du retard sur les autres Canadiens. D'après les données du recensement de 2006, environ 34 p. 100 de la population autochtone âgée de 25 à 64 ans n'a pas terminé ses études secondaires, contre 15 p. 100 pour les autres Canadiens.
[Traduction]
Pour l'enseignement postsecondaire, on continue à observer un écart dans les résultats, mais également des progrès. C'est ainsi qu'environ 7 p. 100 des apprenants des Premières nations détenaient un diplôme universitaire en 2006, ce qui représente une hausse de 5 p. 100 par rapport à 2001. De la même façon, 4 p. 100 des étudiants inuits avaient un diplôme universitaire en 2006, ce qui représentait dans leur cas une hausse de 2 p. 100 par rapport à 2001. Par contre, au sein de la population des non-Autochtones, 23 p. 100 des personnes avaient un diplôme universitaire, toujours en 2006.
Le Programme d'enseignement postsecondaire d'Affaires indiennes et du Nord Canada contribue à faire la différence. Un nombre croissant d'étudiants admissibles accèdent à l'enseignement collégial et universitaire. Alors qu'ils étaient 3 500 en 1977, leur nombre atteignait presque 22 000 en 2009.
Le comité a également souhaité savoir quels sont les mécanismes de soutien dont bénéficient les enfants souffrant de troubles d'apprentissage ou ayant des besoins spéciaux. Le Programme d'éducation spéciale d'Affaires indiennes et du Nord Canada investit environ 128 millions de dollars dans des programmes et services destinés aux enfants des Premières nations chez lesquels on a détecté des besoins spéciaux pour leur permettre de réaliser pleinement leur potentiel.
Ce programme leur assure l'accès à des programmes et des services d'éducation spéciale de qualité, adaptés à leur culture et respectant des normes comparables à celles généralement en vigueur dans la province concernée.
[Français]
En accord avec la tendance observée dans les systèmes d'éducation des provinces, le financement fédéral contribue à fournir des services directs comme ceux dispensés dans les classes et dans les écoles, et des services indirects touchant à l'administration du programme, en utilisant une approche basée sur l'intervention.
[Traduction]
Cette approche permet à des enseignants ayant suivi la formation voulue et à des spécialistes d'utiliser et d'interpréter les instruments d'évaluation de manière à élaborer des plans d'éducation individuels et à préparer les programmes d'intervention nécessaires pour répondre aux besoins immédiats des élèves, en attendant les évaluations officielles.
Cette approche offre aux Premières nations la marge de manoeuvre voulue pour appliquer plus rapidement des stratégies d'intervention.
Au chapitre des nouvelles orientations de l'éducation autochtone, le gouvernement du Canada s'est engagé à s'assurer que les étudiants autochtones obtiennent des résultats scolaires comparables et à ce qu'ils participent pleinement à la prospérité économique du Canada. Beaucoup des obstacles à l'éducation des Autochtones imposeront une action continue de la part de tous les gouvernements, des dirigeants autochtones, des parents et des élèves. C'est pourquoi nous collaborons avec nos partenaires à l'élaboration d'un programme complet de réforme.
Les assises du changement ont été posées en 2008, lorsque le gouvernement a lancé l'Initiative de réforme de l'éducation des Premières nations, dotée d'un nouveau financement de 268 millions de dollars sur cinq ans, et par la suite d'un nouveau financement permanent de 75 millions de dollars par année. Cette initiative comprend deux nouveaux programmes, soit le Programme de réussite scolaire des étudiants des Premières nations et le Programme des partenariats en éducation.
Grâce au Programme de réussite scolaire des étudiants des Premières nations, le PRSEPN, les écoles dans les réserves peuvent préparer des plans de réussite scolaire, réaliser des évaluations des élèves et adopter des mesures de rendement permettant d'évaluer les progrès réalisés par les écoles et les élèves et faire rapport sur ces questions.
[Français]
Ce programme aide les éducateurs des Premières nations à planifier et à apporter des améliorations dans les trois domaines prioritaires que sont la littératie, la numératie et la rétention scolaire. Le programme est conçu pour aider les écoles des Premières nations situées dans les réserves à améliorer les résultats scolaires obtenus par les élèves. À l'échelle nationale, le programme dessert environ 84 p. 100 des écoles de bande et 90 p. 100 des étudiants.
[Traduction]
L'initiative comprend également le Programme des partenariats en éducation, conçu pour favoriser l'amélioration des résultats des élèves des Premières nations, dans les écoles tant des Premières nations que des provinces, grâce à une démarche de collaboration entre les Premières nations, les provinces et Affaires indiennes et du Nord Canada.
Le fonctionnement en partenariat est essentiel puisqu'environ 40 p. 100 des apprenants des Premières nations fréquentent des écoles provinciales. En Colombie-Britannique, en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick, au Manitoba et en Alberta, des accords tripartites stimulent déjà la collaboration entre les Premières nations, les provinces et AINC à l'égard de projets d'amélioration des résultats scolaires des élèves des Premières nations.
Ces deux nouveaux programmes constituent un pas important vers l'amélioration des résultats. À ce jour, 65 propositions ont été approuvées dans toutes les régions du pays : 37 au cours de la première ronde d'analyse des demandes et 28 au cours de la seconde.
L'année dernière, les écoles des Premières nations ont reçu des investissements supplémentaires de près de 30 millions de dollars. Cette année, d'autres nouveaux projets lancés dans tout le pays permettront d'injecter des fonds additionnels destinés à aider les élèves des Premières nations à réussir.
[Français]
En nous inspirant de l'approche des partenariats, le gouvernement du Canada a également signé, en avril 2009, l'accord sur l'éducation des Inuits. Cet accord, qui compte 11 signataires, sont les Inuits du Canada qui sont représentés par Inuit Tapiriit Kanatami, leurs organisations partenaires et les gouvernements portent sur la création d'un comité national sur l'éducation des Inuits.
[Traduction]
Le comité va élaborer une stratégie pour améliorer les résultats scolaires des étudiants inuits.
L'engagement du gouvernement envers ce programme de réformes a été répété dans le Budget de 2010. Le gouvernement a en effet décidé de consacrer 30 millions de dollars additionnels à l'obtention de meilleurs résultats des étudiants des Premières nations au primaire et au secondaire.
Ces fonds appuieront un accord d'enseignement qui est prêt à être mis en oeuvre pour les classes de la maternelle à la douzième année. Le but est de veiller à ce que les élèves des Premières nations aient droit à une éducation similaire et obtiennent des résultats comparables qu'ils fréquentent une école implantée dans une réserve ou ailleurs.
Le gouvernement s'est aussi engagé dans le budget à étudier « des options, y compris de nouvelles dispositions législatives, en vue d'améliorer le cadre de gouvernance et de préciser la reddition de comptes » pour l'éducation des Premières nations, de la maternelle à la douzième année.
En ce qui concerne l'enseignement postsecondaire, toujours dans le budget, le gouvernement s'est engagé à étudier une nouvelle approche pour venir en aide aux étudiants inuits et des Premières nations qui suivent des études postsecondaires, une approche qui « sera efficace et responsable et sera coordonnée avec les autres programmes fédéraux d'aide aux étudiants. »
Les engagements budgétaires comprennent également une augmentation ponctuelle d'un an du financement de l'élément Connexion compétences de la Stratégie emploi jeunesse, la SEJ, pour aider un plus grand nombre de jeunes Canadiens à profiter de la reprise du marché du travail, ainsi que des investissements dans Passeport pour ma réussite Canada visant un partenariat avec le secteur privé, d'autres gouvernements et des organisations non gouvernementales en vue de toucher plus de jeunes canadiens ayant de la difficulté à accéder aux études postsecondaires.
Si les investissements fédéraux dans l'éducation des Autochtones sont importants, nous savons toutefois qu'il faut en faire davantage pour réaliser des progrès durables dans l'amélioration des résultats.
[Français]
Récemment, le chef national Shawn Atleo a également souligné l'importance des partenariats et du partage des responsabilités en éducation dans ces termes :
Même si les Premières nations entretiennent principalement une relation avec le gouvernement fédéral, les premiers ministres provinciaux et les dirigeants des territoires peuvent et doivent jouer un rôle important en travaillant avec nous, en respectant nos compétences et en faisant des investissements visant à combler nos besoins essentiels afin de générer de l'espoir ainsi que des possibilités d'avenir.
[Traduction]
Donc, pour conclure, le gouvernement tient à ce que les membres des Premières nations participent pleinement à la prospérité économique du pays. Nous croyons qu'une éducation de qualité, même si elle n'est pas le seul moyen de parvenir à ce but, constitue sans conteste l'outil le plus important pour leur donner de meilleures chances de se réaliser pleinement.
Nous collaborons étroitement avec l'Assemblée des Premières nations, avec les autres partenaires des Premières nations et avec les gouvernements provinciaux pour aider à combler le manque de connaissances et pour aplanir les difficultés que les organisations des Premières nations doivent affronter pour offrir une éducation de qualité.
Nous constatons des progrès. Néanmoins, nous sommes conscients qu'il reste beaucoup à faire pour accélérer le relèvement des résultats scolaires au primaire et au secondaire, tout comme au postsecondaire. Nous sommes convaincus que de solides partenariats avec les Premières nations, avec les provinces et avec les territoires joueront un rôle déterminant pour y parvenir.
Monsieur le président, je vous remercie de m'avoir offert la possibilité de discuter de ces questions importantes avec les membres du comité. Je vais maintenant donner la parole à ma collègue, Sheilagh Murphy, pour lui permettre de fournir au comité l'information qu'il a demandée sur les infrastructures scolaires.
Sheilagh Murphy, directrice générale intérimaire, Direction générale du soutien aux opérations et à la planification, Affaires indiennes et du Nord Canada : Affaires indiennes et du Nord Canada reconnaît l'importance, pour les étudiants des Premières nations, de disposer d'un milieu d'apprentissage sécuritaire et productif.
Le ministère apporte son aide à toute une gamme de projets d'infrastructures scolaires allant de la construction de nouvelles écoles et installations scolaires à la rénovation et à la réparation des installations actuelles, en passant par la conception et la planification de nouveaux projets, sans oublier l'appui qu'il apporte dans les domaines de l'exploitation et de l'entretien.
Ce sont les Premières nations qui possèdent et gèrent les infrastructures qui se trouvent dans les réserves, et il leur incombe donc de veiller à la construction, à la rénovation, au fonctionnement et à l'entretien de leurs écoles.
Les Premières nations financent leurs écoles, pour l'essentiel, grâce aux transferts fédéraux, mais elles peuvent également emprunter des fonds pour réaliser des travaux de construction plus rapidement et utiliser leurs propres ressources pour faire construire des locaux additionnels.
Le financement fédéral est accordé aux projets en fonction des critères énoncés dans le Cadre national de définition des priorités qui sont : la protection de la santé et de la sécurité des personnes et des biens; l'amélioration de la santé et de la sécurité; les budgets de recapitalisation et de grand entretien; et la croissance. Les dépenses prévues pour l'exercice 2009-2010 sont de 225 millions de dollars.
Depuis 2006, le gouvernement a investi environ 714 millions de dollars dans des projets d'infrastructures scolaires. C'est ainsi qu'il a terminé 93 projets de construction d'écoles et qu'il réalise actuellement 113 projets touchant 19 écoles, plus de 12 projets importants de rénovation et d'ajouts à des écoles et 82 projets de réparations mineures, de construction ou de conception de résidences pour enseignants.
Merci, monsieur le président. Nous serons heureuses de répondre à vos questions.
Le président : Merci. Les membres du comité me permettent-ils de poser une question?
Des voix : Oui.
Le président : C'est votre comité, pas le mien. C'est la raison pour laquelle je vous pose la question.
Madame Cram, à la page 4 de votre exposé, vous dites que le gouvernement investit 9,8 milliards de dollars dans l'enseignement postsecondaire, dont 2,1 milliards de dollars sont consacrés à des subventions, des bourses et des prêts aux étudiants. Vous dites ensuite que les apprenants autochtones ont accès à ces programmes.
Pouvez-vous nous dire quelle proportion des Autochtones accèdent à ces programmes? Suivez-vous l'évolution de ce chiffre? Il y a une autre chose qui est revenue souvent dans les voyages que j'ai faits au fil des ans, puisque je fais partie du comité depuis plusieurs années. L'un des chefs que j'ai rencontrés m'a dit qu'il administre le financement accordé pour l'enseignement postsecondaire, et il m'a dit que ce n'est pas juste, en fait, parce qu'il a tendance à favoriser les enfants de ses amis qui l'appuient, dans ce monde politique dans lequel nous vivons. Je ne vais certainement pas le nommer, mais il a été suffisamment honnête pour me faire part de ça. Avons-nous réfléchi à une quelconque autre façon de rendre ces fonds largement accessibles de façon moins partisane ou différente de la situation actuelle, peu importe comment on la décrit?
Mme Cram : Je vais demander à Mme Russell de répondre à la première question, c'est-à-dire si nous savons combien d'étudiants autochtones accèdent au Programme canadien de prêts aux étudiants et à ces autres produits.
Claudette Russell, directrice, Direction de la planification et de la politique stratégique, Affaires indiennes et du Nord Canada : Monsieur le président, la réponse courte à votre question, c'est que nous ne le savons pas. Je m'explique : les programmes sont administrés par Ressources humaines et Développement des compétences Canada, RHDCC. Il y a une relation avec les gouvernements provinciaux en ce qui concerne la façon dont ces programmes sont administrés, mais les étudiants n'ont pas à s'identifier comme étant autochtones ou autres dans le cadre des exigences de reddition de comptes de ces programmes en particulier. Ainsi, lorsque RHDCC et les gouvernements provinciaux font le bilan et déterminent qui accède au programme et qui n'y accède pas, il n'y a aucune façon de savoir si tel ou tel étudiant est autochtone.
Les deux exceptions sont le Manitoba et la Saskatchewan, où certains de ces programmes sont administrés par le gouvernement provincial et où il y a des subventions réservées aux Autochtones. Ces subventions sont très liées aux types de programmes qui sont offerts à l'échelon fédéral. Ainsi, le Manitoba et la Saskatchewan, avec leurs subventions réservées aux Autochtones, ont la possibilité de poser des questions dans le contexte de la reddition de comptes pour savoir si un étudiant est autochtone — métis, membre d'une Première nation ou inuit. Ces provinces sont en mesure de faire état du nombre d'étudiants qui accèdent à leurs subventions et aussi aux programmes fédéraux comme le Programme canadien de prêts aux étudiants.
Mme Cram : Pour ce qui est de votre seconde question, c'est-à-dire celle de savoir si le ministère a envisagé d'autres options que celle de l'administration du programme par les chefs et les conseils, la réponse est oui, nous l'avons fait. Nous n'en sommes assurément pas arrivés à une conclusion quant à la meilleure façon de procéder. Je mentionnerais également qu'il y a un dialogue concernant les options de façon plus générale. Un rapport récent de l'Institut Macdonald-Laurier parle de créer un fonds d'épargne pour chaque enfant autochtone qui naît, de façon à ce qu'il y ait des fonds si l'enfant décide d'aller à l'université.
Il y a aussi un autre rapport, rédigé il y a probablement près d'un an par Alex Usher, qui examine cinq méthodes de prestation différentes. Les options de prestation nous intéressent, mais nous n'avons pas encore tiré de conclusions.
Le sénateur Brazeau : Bonjour et bienvenue à tous.
J'ai pas mal de questions, alors je vais essayer d'être bref, et j'aimerais aussi que vos réponses soient brèves, si possible.
Madame Cram, vous avez mentionné le fait qu'AINC assure le financement de l'éducation dans les réserves et aussi qu'il appartient à la Première nation ou à ses organisations régionales de gérer et de fournir les programmes d'enseignement dans la réserve. Vous dites ensuite qu'AINC règle les frais de scolarité fixés par la province pour les élèves des Premières nations qui fréquentent les écoles provinciales à l'extérieur des réserves et que le montant est versé directement à la Première nation ou au gouvernement provincial. Cela dit, est-ce que le ministère est en mesure d'affirmer que le financement qui est fourni pour l'éducation, que ce soit directement aux chefs de bande et aux conseils ou au gouvernement provincial, est bel et bien consacré à l'éducation?
Mme Cram : Lorsque je dis ça, nous croyons que l'argent qui est versé pour l'éducation de la maternelle à la douzième année est assurément consacré à cela. Nous le croyons parce que nous savons à quel point il est difficile pour les Premières nations de trouver suffisamment d'argent pour exploiter leurs écoles et payer les frais de scolarité. Certaines d'entre elles font face à des augmentations très importantes des frais de scolarité. En passant, une entente réciproque a été négociée récemment en Colombie-Britannique selon laquelle la province verse un montant déterminé pour tout enfant n'appartenant pas à une Première nation qui fréquente une école des Premières nations et les Premières nations paient pour leurs étudiants qui fréquentent des écoles provinciales, et c'est une très bonne chose qu'on ait conclu cette entente.
Nous sommes assez certains que les Premières nations utilisent l'argent pour l'enseignement de la maternelle à la douzième année.
Je dirais que là où nous n'avons pas autant de certitude, c'est en ce qui concerne l'enseignement postsecondaire. La raison est que le financement de l'enseignement postsecondaire est versé aux Premières nations en fonction d'une formule établie dans le passé. Le financement n'est pas lié au nombre d'élèves des Premières nations ayant terminé leur douzième année ayant la possibilité d'y accéder. S'il n'y a aucun étudiant admissible, la Première nation a une marge de manoeuvre qui lui permet d'utiliser le financement pour autre chose. Dans certains cas, elle peut l'utiliser pour l'enseignement de la maternelle à la douzième année. Dans d'autres, elle peut l'utiliser pour autre chose, ce qui est tout à fait légitime, à mon avis.
Le sénateur Brazeau : J'ai devant moi la vérification du programme d'enseignement primaire et secondaire effectuée par AINC. Selon ce document, l'objectif et la portée de la vérification interne étaient de donner une garantie de la suffisance et de l'efficacité du cadre de contrôle de gestion du Programme de la maternelle à la 12e année. Les conclusions de la vérification interne effectuée par AINC sont les suivantes : premièrement, il est impossible à la vérification interne de garantir que le cadre de contrôle de gestion du programme est suffisant et assez efficace pour atteindre les objectifs de ce programme, en raison des limitations touchant les mesures du rendement actuelles. La deuxième conclusion est que les rapports des bénéficiaires, ajoutés au faible nombre de mesures de conformité exécutées par le personnel régional, ne donnent pas une garantie suffisante que les fonds destinés aux différents volets ont été consacrés aux fins prévues.
Je comprends la réponse que vous avez donnée tout à l'heure, mais les conclusions d'AINC laissent entendre le contraire. Ça me dépasse un peu, lorsqu'on parle d'éducation, de quelque chose qui est si important pour les élèves autochtones et des Premières nations — et il y a un important financement qui est consacré à l'éducation —, qu'il ne semble pas y avoir de critères formulés par le ministère dans les ententes de financement une fois qu'il a versé le financement au bénéficiaire prévu. J'aimerais savoir pourquoi il en est ainsi d'après le ministère.
Mme Cram : Je vais parler de l'observation concernant la mesure du rendement. Nous étions d'accord avec le contenu de ce rapport, et nous avons élaboré un plan d'action pour réagir à la vérification. En fait, nous travaillons à l'élaboration d'un système de mesures du rendement plus robuste de façon à disposer de données.
Il y a plusieurs types différents de mécanismes de reddition de comptes. Il y en a un qu'on appelle les états nominatifs. Je pense que les provinces font la même chose, c'est-à-dire qu'elles vérifient combien d'élèves fréquentent une école donnée, et le montant du financement que reçoit cette école reflète ce nombre. Les provinces établissent les états nominatifs, et les Premières nations doivent fournir leurs chiffres. Nous disposons de ces renseignements. Nous savons combien d'élèves fréquentent telle ou telle école. Il s'agit des élèves qui fréquentent une école dans une réserve et aussi de ceux qui fréquentent une école provinciale.
En raison de la préoccupation concernant la façon dont les ressources sont attribuées, nous nous sommes déjà présentés devant le comité pour parler des fonds destinés aux Premières nations d'AINC. À cette occasion, nous avons parlé du nombre de programmes qui font partie du financement de base. Ce financement de base est versé aux Premières nations qui, si elles respectent les exigences de base du programme, peuvent l'utiliser comme bon leur semble en fonction de leurs différentes priorités. Le financement de l'éducation de la maternelle à la 12e année et de l'enseignement postsecondaire fait partie de ce financement de base.
Nous avons créé des programmes ciblés; les deux nouvelles initiatives dont j'ai parlé sont des programmes ciblés. Il s'agit d'initiatives fondées sur des propositions de projets particuliers qui s'assortissent d'exigences de reddition de comptes en fonction du financement qui leur est accordé. La tendance est d'avoir plusieurs programmes, comme le Programme d'éducation spéciale, qui est un autre programme ciblé, alors l'argent sert à cette fin précise. La reddition de comptes permet de s'assurer que l'argent est utilisé à cette fin.
Le sénateur Brazeau : Vous qui occupez un poste important, croyez-vous que le ministère soit l'organe adéquat pour l'administration du financement de l'éducation au nom des Premières nations? Croyez-vous que le ministère a actuellement la capacité et l'expertise voulues pour continuer de le faire?
Mme Cram : Parlez-vous de l'éducation de la maternelle à la 12e année et d'enseignement postsecondaire?
Le sénateur Brazeau : Je parle de l'éducation en général.
Mme Cram : Le problème qui se pose, pour le ministère, c'est qu'il est essentiellement un bailleur de fonds. Nous fournissons du financement aux Premières nations et aux autres organisations qui exécutent les programmes et offrent les services.
Dans la plupart des provinces, il y a un ministère de l'Éducation, des conseils scolaires et des écoles. Les ministères de l'Éducation sont assez importants dans certains cas, et ils ont une expertise. Il y a probablement 60 personnes à AINC qui travaillent sur la question de l'éducation. Ainsi, il leur est impossible d'avoir la même expertise que les provinces.
Comme vous le savez, sénateur, nous avons un modèle d'école unique; nous n'avons pas de système d'éducation. La Colombie-Britannique a le First Nations Education Steering Committee, qui est en place depuis 15 ans. Celui-ci a mis au point des services de deuxième niveau. C'est ce qu'il faut, avec des partenariats plus étroits avec les provinces.
Le sénateur Brazeau : Croyez-vous qu'AINC soit l'organe adéquat pour l'administration des fonds consacrés à l'éducation dans les réserves?
Mme Cram : Lorsque vous dites « administration des fonds »... nous fournissons le financement. Nous le recevons sous forme de crédits parlementaires et nous le versons aux organisations. Je pense que la question, c'est : Comment acheminerait-on l'argent autrement? » Les Premières nations autonomes l'obtiennent sous forme de subvention, alors il faudrait trouver une autre entité pour recevoir le financement puis décider du meilleur mécanisme de prestation.
Le sénateur Brazeau : Comme le proposait, par exemple, l'Institut Macdonald-Laurier?
Mme Cram : Oui, auquel cas il s'agissait de l'enseignement postsecondaire. Nous ne prétendons pas avoir énormément d'expertise dans le domaine de l'enseignement postsecondaire ou de l'éducation de la maternelle à la 12e année. C'est la raison pour laquelle l'approche du partenariat ou de la collaboration avec d'autres entités est importante.
Le sénateur Hubley : Bienvenue; ça fait plaisir de vous revoir.
Je vais aborder la question des écarts, qui sont ahurissants. Je veux me référer à un tableau qui illustre la situation des élèves des Premières nations étudiant dans une réserve inscrits en 12e année et ayant obtenu leur diplôme d'études secondaires. Le tableau porte sur la période de 1996 à 2003, mais je vais parler de deux de ces années en particulier. En 1997-1998, environ 6 000 élèves étaient inscrits, et à peu près 2 000 d'entre eux ont obtenu leur diplôme. Ainsi, seulement 33 p. 100 des élèves des Premières nations inscrits ont obtenu leur diplôme, comparativement à 75 p. 100 des Canadiens non-Autochtones — c'est 33 p. 100 par rapport à 75 p. 100. Il s'agit d'un écart énorme et inacceptable dans le système d'éducation.
Nous pouvons chercher des améliorations par la suite, mais, en 2002-2003, environ 6 700 élèves des Premières nations ont été inscrits, et, encore une fois, à peu près 2 000 d'entre eux ont obtenu leur diplôme. Environ 29 p. 100 des élèves autochtones inscrits ont obtenu leur diplôme, comparativement, encore une fois, à 75 p. 100 des Canadiens non- Autochtones.
Nous tentons de déterminer ce qui est à l'origine de ces chiffres. J'ai relevé dans votre exposé que, selon le recensement de 2006, 34 p. 100 des Autochtones âgés de 25 à 64 ans n'avaient pas terminé le secondaire, comparativement à 15 p. 100 des autres Canadiens. Je trouve que vous avez utilisé des groupes d'âge trop élevés. Le groupe d'âge de 25 à 64 ans est passé. J'aimerais que ce soit ramené à la proportion des jeunes de 16 ans qui sont encore inscrits et à la question de savoir s'ils poursuivent des études postsecondaires. S'ils passent à travers les mailles du système, pourquoi? À mon sens, utiliser le groupe des 25 à 64 ans, c'est un peu trompeur. Pouvez-vous commencer par dire quelque chose là-dessus?
Mme Russell : Les renseignements présentés dans l'exposé de Mme Cram viennent directement du recensement de 2006. Le recensement donne une image assez précise des taux d'achèvement des études postsecondaires.
Les chiffres que vous avez cités à partir des tableaux que vous avez devant vous concernent le système d'éducation de la maternelle à la 12e année. Vous avez raison de dire que ces deux choses ne sont pas nécessairement comparables. Nous ne sommes pas en désaccord avec les chiffres que vous avez cités pour les taux d'achèvement dans le système d'éducation de la maternelle à la 12e année. Comme vous l'avez mentionné, l'écart est très important et inacceptable dans bien des cas; c'est ce qu'on dirait, et nous sommes d'accord.
Il ne faut pas oublier que de nombreux facteurs contribuent à la réussite scolaire d'un enfant. L'un de ces facteurs, c'est le système scolaire; cela ne fait aucun doute. Une bonne école et un enseignement de qualité contribuent à faire en sorte qu'un enfant chemine de l'apprentissage en bas âge jusqu'à l'obtention de son diplôme d'études secondaires. Si vous jetez un coup d'oeil simplement sur le système scolaire et sur ce qui se passe dans le contexte des Premières nations, il y a tout un éventail de problèmes à cet égard. L'un de ces problèmes en particulier, c'est le roulement chez les enseignants. L'autre, c'est l'offre de programmes d'études qui reflètent certaines des aspirations culturelles des élèves autochtones. C'est quelque chose que nous entendons dire très souvent. L'autre aspect qui contribue à ça, c'est simplement la nature de l'école. Tous ces facteurs sont importants, et l'exécution de programmes d'éducation dans les réserves pose problème à bien des égards.
Les gens qui étudient la question à fond vous diront que l'école n'est pas le seul outil à envisager pour obtenir des taux d'achèvement des études secondaires plus élevés. Dans le contexte des Premières nations, le contexte autochtone, en fait — parce que certains de ces chiffres s'appliquent aux élèves autochtones qui fréquentent une école provinciale —, nous voyons des enfants abandonner dès la 6e année. Lorsqu'on cherche à comprendre pourquoi il en est ainsi, il faut regarder au-delà du système scolaire et envisager la collectivité dans l'ensemble et les problèmes sociaux économiques auxquels font face les collectivités autochtones et des Premières nations, par exemple, le développement de la petite enfance. Beaucoup de gens ont examiné cette question de près et parlent de l'importance de s'assurer tôt dans la vie de l'enfant que les parents, et surtout la mère, disposent de tous les outils dont ils ont besoin pour veiller à la santé de leur enfant. L'autre facteur dont on parle, c'est la faiblesse du revenu. Les enfants issus des familles dont le revenu est faible ou dont les structures mère-père sont différentes ont davantage de difficulté à voir l'école et l'éducation comme quelque chose d'important pour eux.
Lorsque nous travaillons auprès des Premières nations, et surtout au sein des systèmes provinciaux où il y a de nombreux élèves autochtones dans les écoles, nous essayons d'envisager les choses le plus possible du point de vue d'un modèle holistique, non seulement par rapport à ce qui se passe à l'école, mais également ce qui se passe dans la collectivité et certaines des choses que nous pouvons faire de façon générale pour contribuer à l'obtention de meilleurs résultats.
Le sénateur Hubley : Merci de votre réponse. Certains éducateurs, et le système scolaire en soi, dans les réserves et ailleurs, doivent aborder bon nombre des problèmes sociaux auxquels font face tous nos enfants et y trouver des solutions partielles. Souvent, il existe des services de counseling, et ces services sont offerts. Vous avez abordé brièvement la question de l'éducation de la petite enfance, et je me demande si le programme d'aide préscolaire aux Autochtones pourrait contribuer à réduire cet écart en matière d'éducation. Qu'en pensez-vous?
Mme Russell : Les responsables ont un rôle extrêmement important à jouer. Le Programme d'aide préscolaire aux Autochtones est géré par l'Agence de la santé publique du Canada, et ce programme est vu particulièrement par les collectivités des Premières nations comme un programme contribuant à la santé. Les gens qui travaillent dans le domaine de la santé disent que l'un des déterminants de la santé, c'est l'éducation, et les liens entre les deux sont importants. Je suis tout à fait d'accord pour dire que le Programme d'aide préscolaire aux Autochtones et tous les programmes de développement de la petite enfance qui aident à garantir que des éducateurs qualifiés travaillent avec les parents, les collectivités et les élèves les aident à se préparer pour l'école, ce qui fait que lorsqu'ils arrivent à la maternelle ou en première année, peu importe le choix de leurs parents, ils sont prêts à apprendre. Ces programmes sont absolument essentiels.
La question est de savoir s'ils sont utilisés efficacement ou si suffisamment de programmes du genre sont offerts aux parents autochtones et des Premières nations dans les réserves pour pouvoir les aider. On peut probablement débattre de cela et de la façon dont ils peuvent être rendus plus efficaces et de certains des outils que les gouvernements peuvent mettre en place pour aider ces collectivités à accéder à ces programmes. C'est assurément une question valable. Toutes ces choses font partie de ce modèle holistique relatif à l'éducation et sont essentielles pour nous qui élaborons les politiques publiques et pour les parents dans leur collectivité qui ont besoin d'aide pour préparer leurs enfants à apprendre et à réussir au fil des ans.
Le sénateur Dyck : Merci de nous avoir présenté des exposés ce matin. Nous connaissons tous les chiffres horribles concernant le degré d'éducation des Premières nations, des Métis et des Inuits au Canada. Je suis heureuse que vous ayez parlé de la situation en Saskatchewan et au Manitoba, qui est désastreuse parce que la population autochtone de ces provinces augmente rapidement. Nous savons tous que l'éducation joue un rôle clé pour ce qui est de permettre aux gens d'échapper au cycle de la pauvreté.
J'ai jeté un coup d'oeil sur certaines des données concernant les taux d'achèvement des études secondaires qu'AINC a affichés dans son site Web. J'ai examiné plusieurs pages et j'ai perdu le tableau, mais des données plus récentes indiquaient que l'écart se refermait au chapitre des taux d'achèvement des études secondaires. Les données que vous nous avez présentées concernent la période qui se termine à la fin de l'année scolaire 2003. Pouvez-vous vérifier si vous avez des données plus récentes qui indiquent que l'écart se referme et que les élèves autochtones sont plus nombreux à obtenir leur diplôme? Pourriez-vous nous fournir des données plus récentes que celles qui figurent sur la feuille qu'on nous a remise ce matin?
Lorsque nous parlons des élèves qui ne terminent pas le secondaire, vous donnez ici le nombre d'élèves qui ne terminent pas la 12e année. Quels sont les taux de décrochage entre la maternelle et la 12e année? Madame Russell, en réponse à une question du sénateur Hubley, vous avez parlé d'enfants qui décrochent en 6e année. Où les changements les plus importants se situent-ils? Savons-nous si c'est surtout au cours des dernières années ou des premières années? Nous ne pouvons pas simplement régler le problème avec de l'argent. Nous devons en connaître l'ampleur. Selon vous, où le problème se situe-t-il en ce qui a trait à l'achèvement des études secondaires?
Mme Russell : Il n'y a pas de réponse simple à cette question, parce que les taux de décrochage, comme vous les appelez, varient d'une région à l'autre du pays. Les gens qui s'occupent des systèmes provinciaux vous le diront. En fait, si vous jetez un coup d'oeil sur certaines des données des gouvernements provinciaux concernant les taux de décrochage, vous constaterez que toutes sortes de problèmes se posent lorsqu'il s'agit de les déterminer. Je vais en parler de façon anecdotique en fonction du type de travail et d'études que nous avons vus.
Il est vrai que, chez les élèves autochtones en général, le décrochage a lieu plus tôt au cours de l'apprentissage que chez les populations non-autochtones. J'ai parlé de la 6e année parce que c'est souvent une année pivot, en ce sens que c'est le moment où l'élève se prépare à envisager sérieusement son éducation et le moment où ça devient un peu plus difficile. Cependant, de façon générale, les taux de décrochage les plus importants se trouvent entre l'école intermédiaire et l'école secondaire, puis à toutes les années de cette période du secondaire, c'est-à-dire la 9e, la 10e et la 11e année. C'est là qu'on voit les taux de décrochage les plus élevés. Les raisons varient, et elles sont différentes d'une région à l'autre et d'une collectivité d'une Première nation à l'autre. Beaucoup de collectivités des Premières nations se trouvent dans des régions très éloignées, et, souvent, plus la collectivité est éloignée d'un centre urbain, plus le taux de décrochage est élevé, et plus le décrochage a lieu tôt au cours de l'apprentissage.
Je ne peux pas vous donner les chiffres, parce que je ne les connais pas par coeur, mais c'est comparable à ce que vous verriez dans un système provincial, sauf que c'est plus grave chez les collectivités des Premières nations, surtout celles où l'école est située dans un milieu défavorisé sur le plan socio-économique et celles qui se trouvent dans une région assez éloignée, en raison de certaines des difficultés qu'il y a à rendre l'école pertinente, pour dire les choses très franchement, et pour présenter l'école comme une option valable aux élèves.
Le sénateur Dyck : Le ministère est-il en mesure d'obtenir des données sur l'ensemble des écoles exploitées par des bandes au Canada? Avez-vous accès aux taux d'achèvement des études dans l'ensemble du pays?
Mme Russell : Par l'intermédiaire des états nominatifs dont Mme Cram a parlé, nous disposons d'un système de reddition de comptes qui exige de chacune des collectivités, écoles ou organisations régionales des Premières nations, selon laquelle est le bénéficiaire de l'entente de financement, qu'elle fasse état du nombre d'élèves qui fréquentent l'école un jour donné et de leur progression. Nous disposons de données générales sur le nombre d'élèves et certaines des raisons possibles pour lesquelles ils décrochent.
Il y a des limites à cet égard, et l'une de ces limites, c'est que nous n'avons pas une très bonne capacité de suivi des élèves. Il arrive parfois qu'un élève décroche d'une école des Premières nations, mais fréquente en fait une école provinciale. Nous n'accordons pas beaucoup de poids à certains des taux de décrochage que nous voyons, parce que nous pensons qu'ils ne reflètent pas vraiment la situation. C'est pourquoi certains des programmes que nous avons mis en place, comme le Programme des partenariats en éducation, qui consiste à travailler avec les systèmes provinciaux pour faciliter les progrès et la transition des élèves dans les réserves et à l'extérieur, sont si importants, parce qu'ils nous aident à nous assurer que nous ne perdons pas d'étudiants entre les systèmes, essentiellement.
J'espère que ça répond à votre question.
Le sénateur Dyck : Nous parlons toujours des histoires d'horreur, mais y a-t-il des exemples de modèles de succès par rapport au taux d'achèvement des études secondaires? Quelles sont les écoles situées dans des réserves qui font du bon travail? Avons-nous accès à cette information?
Mme Russell : C'est un point important que vous avez soulevé. Vous avez raison à propos des histoires d'horreur, mais il y a aussi beaucoup d'histoires positives. Ce sont des cas isolés. Je peux parler de quelques cas, parce qu'il s'agit d'écoles que j'ai visitées et où j'ai discuté avec les éducateurs, qui font un travail extraordinaire.
Il y a une école dans le Nord de l'Ontario, l'école Wiky, où les gens font un travail extraordinaire pour garder les jeunes à l'école et avec les parents et la collectivité en général. Ils entretiennent un lien efficace avec le système provincial et les districts scolaires.
Je connais surtout des écoles de l'Ontario. Il y a aussi celles de Curve Lake, près de Peterborough, et c'est une petite école primaire dans la réserve où les gens font énormément de travail en collaboration avec les gens qui s'occupent du système provincial pour aider les jeunes à passer de l'école dans la réserve à l'école provinciale. À l'heure actuelle, le taux d'achèvement des études est plus élevé qu'au sein du système provincial.
Il y a de nombreux exemples au pays d'écoles qui se débrouillent assez bien, et les raisons sont nombreuses. Habituellement, cependant, c'est une question de leadership dans les écoles, de partenariats efficaces avec les systèmes provinciaux et d'une approche communautaire de l'éducation qui fait que tout le monde voit l'éducation comme une priorité, les parents, les éducateurs et les personnes qui viennent en aide aux élèves.
Vous avez soulevé un bon point lorsque vous avez dit que nous parlons des histoires d'horreur, mais il y a de bons exemples de choses qui fonctionnent bien au pays.
Le sénateur Patterson : J'ai aimé la candeur avec laquelle Mme Cram a fait cet aveu étonnant que vous avez environ 60 personnes pour administrer autour de 1,8 milliard de dollars et que les provinces ont des ressources supérieures par comparaison.
Ce qui m'a frappé aussi, c'est le nombre d'examens qui sont en cours par rapport à ces problèmes, y compris les vérifications internes du ministère et les rapports de la vérificatrice générale comme ceux de l'Institut Macdonald- Laurier et d'Alex Usher, qui ont été mentionnés. Il me semble que l'une des choses nouvelles qui sont prometteuses, c'est les partenariats avec les provinces. Mme Russell vient juste de dire que c'est un facteur de succès dans certains cas.
Je note que le Conseil des ministres de l'Éducation (Canada), le CMEC, a aussi examiné le problème d'écart récemment et publié un rapport. Je pense que c'est peut-être de cette façon que nous devrions envisager de régler le problème d'écart. Il semble qu'il y a des tonnes de rapports dont vous devez tenir compte, mais que pensez-vous de celui-ci? Quelles sont les recommandations? Si ça semble être la voie du succès, allez-vous réagir à ce rapport et aux mesures qui y sont recommandées?
Mme Cram : Le rapport du CMEC est un très bon rapport. Ce qui est fascinant, c'est que c'est le résultat d'un sommet sur l'éducation qui a eu lieu en Saskatchewan il y a plus d'un an. Tous les gouvernements y ont participé, les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral, ainsi que toutes les organisations autochtones nationales. Beaucoup d'organisations autochtones régionales y ont pris part aussi. Le rapport fait état du consensus auquel on en est arrivé quant aux domaines sur lesquels il faut se concentrer.
Je ne me rappelle pas toutes les recommandations, mais il y en avait une au sujet de la nécessité d'obtenir des données pour mesurer les progrès et le rendement. La seule façon d'y parvenir, ce serait de créer des codes d'identification pour les élèves. Je crois que la Saskatchewan est en train de se doter d'un code d'identification unique, alors si l'enfant passe d'une école dans une réserve à une école provinciale, on peut le suivre tout au long de sa carrière.
Idéalement, tous les enfants du pays auraient un code d'identification, de façon que nous puissions suivre leurs progrès et obtenir de bonnes données. Je ne sais pas si c'est réalisable, mais au moins, dans une province, ce serait extraordinaire de pouvoir faire ça.
Les participants au sommet se sont mis d'accord sur le fait qu'il faut de bien meilleures données et qu'il faut bien mieux suivre les étudiants pour pouvoir évaluer leur parcours scolaire.
Je m'éloigne peut-être du sujet, mais une chose à propos des élèves autochtones qui est très différente par rapport aux non-autochtones, c'est qu'ils ne suivent pas une trajectoire prévisible dans leur parcours scolaire. On s'attend à ce que les élèves commencent à la maternelle, continuent jusqu'à la 12e année, puis, par la suite, décident de ce qu'ils vont faire comme études postsecondaires.
Les élèves autochtones ne suivent pas ce parcours. Souvent, ils finissent par faire des études postsecondaires, mais, à ce moment-là, il est probable qu'ils soient déjà mariés et qu'ils aient des enfants ou même qu'ils soient chefs de famille monoparentale. Ils sont souvent dans la trentaine, et ils peuvent avoir abandonné leurs études à quelques reprises. Ils peuvent avoir décroché à quelques reprises entre la maternelle et la 12e année et avoir fait quelques tentatives avant de terminer leurs études postsecondaires.
Ce que nous constatons, c'est qu'ils finissent par réussir. Nous examinons une tranche d'âge qui va jusqu'à 64 ans parce que nous devons prendre une cohorte aussi vaste. Je dirais que, vu que c'est ce que la population fait, nous devons réfléchir aux autres mesures de soutien qui sont nécessaires pour garantir que ces personnes, peu importe si elles ont 30 ou 35 ans, si elles ont des enfants ou si elles sont chefs de famille monoparentale, puissent terminer leurs études.
J'ai fait une digression et je ne me souviens pas de toutes les recommandations du CMEC. Ce que je me rappelle, c'est que l'une des recommandations concernait l'éducation de la petite enfance, et l'autre, l'importance de la culture et de la langue et du fait de proposer un programme pertinent. Par rapport à cette recommandation, la culture et la langue sont d'importants facteurs de succès. La question, c'est de savoir comment enseigner ça et en même temps s'assurer que la littératie, la numératie et ainsi de suite ne sont pas compromises.
Je vais parler de deux ou trois choses nouvelles qui sont prometteuses. La Saskatchewan s'assure que les manuels utilisés dans le système provincial comportent un volet autochtone, et elle le fait pour les sciences sociales et les mathématiques. On constate que tous les étudiants réussissent mieux lorsque c'est le cas. L'Ontario aussi envisage d'inclure du contenu autochtone dans son programme. Nous voyons ça comme une très bonne chose.
Le sénateur Poirier : À la page 3 de votre exposé, vous dites qu'environ 40 p. 100 des élèves autochtones fréquentent une école provinciale en dehors des réserves. Pouvez-vous me dire quel est le taux d'achèvement des études, comparativement à celui des écoles des Premières nations, s'il y a une différence quant aux résultats?
Je parle non pas pour toutes les provinces, mais bien pour celle de laquelle je viens. Toutes les écoles en dehors des réserves ont un programme à suivre qui est fondé essentiellement sur la même méthode d'enseignement. Est-ce que les écoles des Premières nations ont un mécanisme du genre en place, qui fait qu'elles suivent toutes la même méthode ou le même programme d'enseignement également?
Mme Russell : Pour répondre à votre question concernant les résultats des élèves des Premières nations qui fréquentent l'école provinciale, si vous jetez un coup d'oeil sur les données du recensement — et il s'agit d'informations recueillies tous les cinq ans —, le taux d'achèvement de 40 p. 100 des élèves des Premières nations dans les réserves est comparé au taux d'achèvement de 56 p. 100 des élèves autochtones qui fréquentent l'école provinciale, et la moyenne canadienne est d'environ 75 ou 76 p. 100. Les élèves autochtones ont généralement de meilleurs résultats dans les écoles provinciales, mais l'écart au chapitre des résultats demeure assez important.
Le sénateur Poirier : Est-ce que les Premières nations ont une structure en place selon laquelle toutes les écoles suivent le même programme?
Mme Russell : Les ententes de financement en place qui permettent aux Premières nations d'administrer et d'exécuter les programmes d'enseignement exigent qu'elles suivent des programmes comparables aux programmes provinciaux. Elles peuvent y ajouter des éléments, par exemple une composante linguistique et culturelle, mais de façon générale, elles doivent respecter les normes provinciales en matière d'éducation.
Le sénateur Poirier : Ma seconde question concerne le degré d'études postsecondaires. Tout à l'heure, le président a parlé de la possibilité de mettre en place un système équitable, pas seulement pour des raisons politiques et ainsi de suite, de façon à s'assurer que les gens qui veulent suivre les programmes aient le même accès aux programmes.
À l'échelon provincial, au sein de ministères comme le ministère de l'Éducation postsecondaire, de la Formation et du Développement, il y a des programmes dans le cadre desquels les adultes qui souhaitent retourner aux études s'adressent non pas aux politiciens pour accéder aux programmes, mais plutôt à des conseillers en emploi. En travaillant avec les conseillers en emploi, les adultes qui veulent retourner à l'école, que ce soit pour finir leur 12e année ou pour poursuivre des études postsecondaires, ont accès aux fonds. C'est un système équitable parce qu'il offre le même accès à tous.
Savez-vous si AINC verse de l'argent à cette division du gouvernement dans les provinces pour permettre aux membres des Premières nations d'accéder à ces programmes? Est-ce qu'une structure du genre pourrait être créée dans les collectivités des Premières nations de façon que les gens puissent parler avec les conseillers en emploi plutôt qu'avec les élus lorsqu'ils veulent accéder aux programmes?
Mme Russell : Je peux aborder deux ou trois aspects de votre question. Premièrement, dans le cadre des ententes de financement actuelles, l'argent va directement aux bandes ou aux organisations régionales. Habituellement, certaines bandes embauchent des coordonnateurs des études postsecondaires ou ont leurs propres coordonnateurs. Il s'agit de travailleurs communautaires qui aident les étudiants à trouver ce qu'ils veulent faire comme carrière et à accéder au financement. L'approche adoptée varie un peu partout au pays. Ainsi, certaines régions ont leurs propres coordonnateurs des études postsecondaires, d'autres non; c'est ça le problème de la prestation d'aide financière pour les études postsecondaires dans les collectivités des Premières nations.
Toutes sortes de modèles sont proposés, et Mme Cram a parlé de certains d'entre eux, en ce qui a trait à la modification du modèle de prestations pour le rendre plus juste ou pour avoir la possibilité de réaliser des économies d'échelle, pour que ce ne soit pas chaque bande qui administre les fonds. Ces débats se poursuivent.
Cependant, nous pensons que les membres des Premières nations qui vivent dans une réserve et les Autochtones en général profitent de nombreux programmes offerts dans les systèmes provinciaux, ce qui permet aux étudiants d'envisager la vaste gamme de programmes auxquels ils ont accès et la manière d'y accéder. Nous pensons qu'ils accèdent à ces programmes et qu'ils les utilisent. Cependant, habituellement, les étudiants des Premières nations dans les réserves éloignées ne connaissent pas ces programmes. Ils ne disposent pas de toute l'information qui existe. Il y a donc beaucoup de travail à faire pour les aider à faire le lien entre ce qui s'offre à eux dans les réserves, le genre de services qu'on y trouve et les autres services qui peuvent être offerts dans les systèmes provinciaux.
Par exemple, nous savons que lorsque les étudiants des Premières nations quittent les réserves et entrent dans le système provincial d'éducation, ils s'inscrivent à toutes sortes de programmes d'apprentissage. Une forte proportion d'étudiants autochtones accèdent à ces programmes et y réussissent très bien. Nous croyons que la promotion de ces programmes doit être plus efficace, de façon à aider les étudiants des Premières nations à prendre des décisions éclairées quant à ce qui leur convient et à ce qui ne leur convient pas.
Le sénateur Poirier : Peut-être devons-nous aussi continuer d'améliorer le partenariat entre les Premières nations et les gouvernements de toutes les provinces pour nous assurer que l'information est accessible, pour veiller à ce que tout le monde au Canada y ait accès et sache qu'elle existe. Nous devons tirer des leçons de ça pour nous assurer de continuer à joindre les gens.
Le sénateur Raine : Je vais faire une petite digression. Je suis très préoccupée par la crise de l'inactivité à laquelle nous faisons face au Canada, qui touche l'ensemble des Canadiens, avec le déclin de l'éducation physique dans les écoles. Quelles sont nos normes pour les écoles des Premières nations en ce qui concerne l'éducation physique de la maternelle à la 12e année?
Mme Cram : Les Premières nations doivent respecter les normes qui figurent dans le programme provincial, quelles qu'elles soient. J'ai toujours entendu dire par les membres des Premières nations qu'ils pensent que le sport et l'activité physique sont l'un des principaux facteurs pour encourager les élèves à rester à l'école parce qu'ils constatent qu'ils veulent une situation d'apprentissage actif, et ils vont aller à l'école. En fait, si vous demandez aux élèves pourquoi ils vont à l'école, c'est souvent pour les activités parascolaires. Ça peut être le sport ou ça peut être la musique, entre autres. Les gens sont très intéressés à ce qu'il y ait davantage d'activités physiques.
Du point de vue de l'infrastructure, lorsque les Premières nations construisent des écoles, leurs membres veulent un gymnase. C'est en partie parce que, en raison de leur situation géographique, ils ne peuvent pas toujours faire des activités extérieures. Ils veulent vraiment un gymnase pour pouvoir faire de l'activité physique et encourager les autres à en faire. Même si c'est anecdotique, j'ai visité des écoles où le sport est utilisé pour encourager les élèves à être présents en classe, et ceux qui sont choisis pour représenter une école à une manifestation sportive sont ceux qui ont la meilleure fiche de présence. C'est comme ça qu'il faut procéder, et je pense que tout le monde est d'accord.
Il existe une organisation qui s'appelle Right to Play, et je sais que plusieurs Premières nations sont intéressées à s'associer à cette organisation pour favoriser davantage la pratique du sport.
Le sénateur Raine : L'obésité est un problème de santé important chez les Premières nations, et les données qui viennent des Premières nations elles-mêmes montrent que les taux sont plus élevés chez les adultes autochtones qui ne vivent pas dans une réserve que chez les non-autochtones, soit 24,8 p. 100 par rapport à 16,6 p. 100. C'est un problème énorme partout au Canada. La raison pour laquelle j'ai posé une question au sujet de l'éducation physique, c'est que je pense que ce serait une très bonne chose pour les écoles des Premières nations. C'est un domaine dans lequel le gouvernement fédéral a un devoir et la possibilité d'exiger directement certaines choses. De façon générale au Canada, les programmes d'éducation physique sont en déclin parce que les pressions venant des programmes d'enseignement enlèvent des ressources consacrées à l'éducation physique.
Je proposerais de combiner les éléments culturels de l'éducation à l'éducation physique. Je pense que tous les Canadiens ont été très impressionnés par le spectacle de danse qui a eu lieu pendant les cérémonies d'ouverture des Jeux Olympiques d'hiver de Vancouver. C'est assurément une chose dont il faut tirer parti, et il est clair qu'il faut profiter de l'occasion pour rendre obligatoires des programmes d'éducation physique de qualité et quotidiens pour s'attaquer au problème de l'obésité. J'aimerais que vous disiez quelque chose là-dessus. Pensez-vous qu'il est possible de créer un programme de financement spécial pour mettre en place de bons programmes d'éducation physique dans les écoles autochtones?
Mme Russell : À l'heure actuelle, dans le cadre de nos ententes de financement, les Premières nations reçoivent un montant d'argent global pour l'éducation. Elles doivent suivre les programmes provinciaux, dans une certaine mesure, puis faire ce qu'elles doivent faire pour offrir des programmes pertinents sur le plan culturel. Comme Mme Cram l'a dit, bon nombre d'entre elles mettent en place des programmes d'éducation axés sur le territoire. Nous pensons que c'est quelque chose qui se fait beaucoup.
Les Premières nations aiment décider de leur éducation et avoir la capacité d'élaborer les programmes qui sont bénéfiques pour leurs collectivités à leurs yeux. Plusieurs Premières nations ont parlé de l'importance de l'activité, du sport et des loisirs. Oui, il faudrait que des systèmes provinciaux financent certains volets des programmes d'enseignement, notamment le sport, et quelques Premières nations accueilleraient favorablement la possibilité d'obtenir des fonds supplémentaires réservés à quelque chose du genre. La question est cependant toujours de savoir quelle est la meilleure façon de fournir le financement pour permettre aux Premières nations de continuer de gérer leur système d'éducation de façon à pouvoir élaborer des programmes qu'elles jugent bénéfiques pour elles.
De façon générale, tout ce qui serait trop prescriptif en ce sens donnerait l'impression que le gouvernement fédéral régit le système d'éducation plutôt que de fournir le financement pour permettre aux collectivités des Premières nations de le faire. Je suis d'accord pour dire que c'est un volet important de l'éducation, mais je pense qu'il est également important de respecter le fait que les Premières nations veulent continuer de régir leur système d'éducation, ce qui veut dire de mettre en place les programmes qui sont importants selon elles.
Le sénateur Raine : Je pense que vous avez mal compris ma question. Il existe déjà des programmes spéciaux. Pourquoi ne pas cibler l'un de ces programmes spéciaux avec des ressources spéciales de façon à permettre un accroissement des volets d'éducation physique et de santé? Je suis tout à fait consternée de voir que nous avons limité la part du financement de base consacré à l'éducation à 2 p. 100. Je pense que c'est très dangereux. J'aimerais que nous prévoyions un financement spécial pour ces programmes. Ils peuvent régler toutes sortes de choses. Les programmes de mise en forme peuvent permettre de régler les problèmes auxquels les Autochtones font face, mais je ne crois pas qu'il y ait de financement à cet égard à l'intérieur des 2 p. 100.
Mme Russell : Il n'y a pas de voie de financement directe pour l'éducation physique dans les 2 p. 100 du financement de base. C'est tout à fait vrai. Je ne suis pas éducatrice, mais j'ai parlé avec des éducateurs, et ils disent que de nombreuses choses contribuent aux résultats positifs. L'activité physique est l'une d'entre elles, l'éducation spécialisée en est une autre, et l'éducation parentale, une autre encore. C'est toujours la question de savoir à quel égard il convient le mieux d'accroître le financement pour obtenir les résultats voulus.
Vous pouvez défendre l'idée que l'activité physique, surtout chez les Premières nations, est le bon choix pour du financement supplémentaire si vous élaborez un programme ciblé. D'autres ne seraient pas du même avis. Ils se concentreraient sur le développement de la petite enfance, sur le Programme d'aide préscolaire aux Autochtones. D'autres encore diraient qu'il faut s'occuper des étudiants d'âge adulte et ramener les étudiants qui ont décroché dans le système. Il y a un débat sur la meilleure façon d'utiliser l'argent, et l'activité physique fait partie des choix, mais il y a des gens qui choisiraient autre chose.
Le sénateur Dyck : La question que le sénateur Raine a soulevée est importante. En fait, dans le cadre d'un programme — je pense que c'était au Mount Royal Collegiate à Saskatoon —, on a montré que les étudiants du secondaire qui couraient sur des tapis roulants amélioraient leurs notes de façon marquée et terminaient leur programme beaucoup plus rapidement qu'avant l'arrivée des tapis roulants.
La question est donc de savoir si ce type d'initiatives est admissible au Programme de réussite scolaire des Premières nations. Si une école décidait d'emprunter cette voie, pourrait-elle le faire dans le cadre de votre nouveau programme?
Mme Russell : Il y a un certain nombre de programmes qui existent pour permettre aux collectivités des Premières nations d'accéder à du financement pour ce genre de choses. L'un de ces programmes ciblés s'intitule Nouveaux sentiers en éducation. Il s'agit d'environ 40 millions de dollars, et les collectivités des Premières nations peuvent présenter un projet axé sur une proposition pour faire le genre de choses que vous avez suggérées, pour autant qu'elles démontrent que leurs initiatives donnent lieu à une amélioration des résultats en matière d'éducation.
Différentes choses sont accessibles dans le cadre de ce programme. Grâce au Programme de réussite scolaire des Premières nations, il est assurément possible pour une collectivité des Premières nations de formuler une proposition qui montre comment quelque chose comme l'activité physique pourrait donner des résultats positifs par rapport à l'une des trois priorités du programme. La littératie, la numératie et la rétention scolaire. Par exemple, il est légitime de dire qu'une collectivité pourrait formuler une proposition selon laquelle l'accroissement de l'activité dans la collectivité contribuerait à faire en sorte que les élèves de la 8e année, la 9e année ou d'une autre année, peu importe, restent à l'école. Ce serait une proposition légitime qui serait évaluée en fonction des modalités et des lignes directrices de ce programme.
Le sénateur Fairbairn : J'ai écouté très attentivement ce que vous avez dit. Ça a été très utile. Je pensais à l'endroit d'où je viens, c'est-à-dire Lethbridge, en Alberta, et au fait que j'ai toujours été témoin de beaucoup d'activités auxquelles prenaient part les Autochtones de la région et que la Réserve des Gens-du-Sang a toujours gardé le Red Crow Community College.
Pendant que je grandissais, ils ont insisté pour le garder, et les enfants de cette région et de Piikani, qui n'est pas très loin, ont eu une vraie occasion et l'ont saisie. Lorsque l'Université de Lethbridge a été fondée, l'une des premières choses qu'on a faites, ça a été de s'assurer qu'il y aurait un volet autochtone dans cette université, pour qu'ils puissent continuer de faire leur chemin, idéalement, si tout le monde continuait de faire fonctionner ces organisations.
C'est avec beaucoup de plaisir que je vais à la collation des grades, qui va avoir lieu dans quelques semaines à l'université, pour voir le nombre de jeunes de la région et des alentours qui fréquentent l'université aujourd'hui, et surtout le nombre de jeunes femmes, qui montent sur cette scène et qui non seulement se sont rendues jusqu'au bout, mais sont également les meilleures dans leur domaine.
Ça a exigé beaucoup d'efforts, mais je pense que les deux nations ont compris dès le départ qu'il était très important de faire ça. Les deux ordres de gouvernement ont fourni de l'aide. L'université est en face, de l'autre côté de la rivière. Ça a apporté énormément de changements dans toute la région du Sud-Ouest de l'Alberta. Ça a permis aux Autochtones de faire des choses proprement étonnantes. C'est quelque chose d'extraordinaire. Les gouvernements continuent d'essayer de faire la même chose partout au Canada. Je pense que c'est une chose extraordinaire à faire.
Mme Cram : Merci d'avoir donné cet exemple. C'est un bon exemple. Ça a été fantastique, au fil des ans, de voir les partenariats que les collèges et les établissements postsecondaires ont noués. Il y a d'excellents exemples de cela partout au pays. De plus en plus d'établissements d'enseignement reconnaissent que leur clientèle future sera autochtone. Ils vont réussir à attirer une clientèle autochtone et à la garder s'ils créent un milieu accueillant. Ils consacrent plus d'efforts que jamais à ça, ce qui est très bien.
Vous avez également soulevé une question concernant les femmes. Un phénomène incroyable est révélé par les chiffres, et c'est que, de plus en plus, les femmes réussissent mieux. De plus en plus de femmes décrochent un diplôme et continuent. C'est un signe positif. Ça reflète en quelque sorte ce qui se passe dans la collectivité non autochtone. Ce sont maintenant les garçons qui font l'objet des préoccupations. Sont-ils laissés pour compte? Que faut-il faire à cet égard?
Le président : C'est une bonne observation. Nous avons besoin de toute l'aide qu'on peut nous offrir.
Le sénateur Stewart Olsen : Il y a une chose avec laquelle j'ai de la difficulté. Nous parlons de succès — nous n'avons que ce mot à la bouche. D'après les chiffres que vous nous avez fournis, notre mesure du succès semble être liée à l'éducation postsecondaire — c'est-à-dire les diplômes universitaires — et au fait que les gens passent par ce système. Je dirais qu'il y a bien des gens qui vivent dans les réserves, bien des enfants, qui, peut-être, ne perçoivent pas le succès ainsi. Je pense que nous devons changer de perspective par rapport à notre façon de mesurer le succès. C'est probablement vrai pour tous les intervenants du système d'éducation.
J'étais contente de vous entendre parler des programmes d'apprentissage et des collèges communautaires. Comment envisageons-nous la situation des enfants qui peuvent ne pas vouloir aller à l'université et qui trouvent que l'apprentissage et les programmes des collèges communautaires sont une meilleure option pour eux?
Mme Russell : Vous avez tout à fait raison de dire que le mot succès n'a pas la même connotation pour les Premières nations et les Autochtones que pour les autres. Ils utilisent souvent l'expression « apprentissage continu ». Le Conseil canadien de l'apprentissage a fait plusieurs études sur la façon dont nous mesurons le succès chez les étudiants autochtones. C'est vrai que c'est très différent de la façon dont nous en parlons habituellement.
La plupart du temps, lorsqu'on parle avec les dirigeants autochtones et des Premières nations de la réussite scolaire des étudiants de leur collectivité, ils disent tous que l'éducation est une chose extrêmement importante et qu'ils veulent que les étudiants de leur collectivité poursuivent des études postsecondaires. Lorsque nous utilisons l'expression « études postsecondaires », nous parlons de l'ensemble des possibilités de formation. Il s'agit de l'université, du collège, de l'apprentissage et de la formation professionnelle. L'expression ne semble pas avoir la portée que nous voulons lui donner, mais c'est bien de toute la gamme des programmes d'enseignement que nous voulons parler.
Il ne fait aucun doute que de nombreuses Premières nations en particulier et Autochtones en général suivent des programmes de formation professionnelle ou d'apprentissage. Nos programmes permettent d'offrir du financement aux étudiants qui font ce choix. Plusieurs programmes fédéraux qui relèvent plus généralement de RHDCC permettent d'obtenir un financement pour la formation professionnelle, entre autres. Nous sommes tout à fait en faveur de cela et croyons qu'il est extrêmement important de permettre aux étudiants de choisir la formation qu'ils veulent suivre en fonction de leurs aspirations.
Le sénateur Stewart Olsen : Je pense que c'est offert à la population générale aussi. Nous devons prendre soin de permettre à nos jeunes de s'ouvrir des portes. Le comité pourrait peut-être examiner de plus près la question de l'apprentissage et des collèges communautaires. Merci de vos réponses.
Le sénateur Brazeau : J'aimerais poser une question sur l'enseignement postsecondaire. Évidemment, beaucoup de problèmes ont été attribués au programme en général. AINC en a documenté une bonne partie. Il y a eu aussi des témoignages d'étudiants. J'ai eu l'occasion d'entendre beaucoup d'étudiants autochtones parler de certains des obstacles auxquels ils font face.
Récemment, l'Institut Macdonald-Laurier a fait état dans certains documents de ce que des collectivités déclaraient des surplus chaque année et que le financement prévu pour l'éducation était utilisé ailleurs et pour des dépenses non admissibles. Il y a eu des problèmes notamment de népotisme et de favoritisme. Il y a aussi l'absence de rapports sur les progrès et d'indicateurs de rendement. Même les ententes de contribution des ministères qui versent du financement aux collectivités des Premières nations pour l'enseignement postsecondaire s'assortissent de peu de critères pour garantir que les fonds sont utilisés pour l'éducation.
Certaines personnes préfèrent fermer les yeux et prétendre que ces choses n'arrivent pas; je choisis le contraire. Comme prémisse de départ, j'adopte la position selon laquelle il est dans l'intérêt supérieur des étudiants que les fonds soient utilisés par eux, comme prévu. Je pense que nous devons poursuivre dans cette voie.
Maintenant que j'ai mis en lumière tous ces problèmes, qu'est-ce que le ministère fait pour s'assurer que le financement est consacré à l'éducation? Surtout, si l'argent sert à autre chose, au détriment des étudiants autochtones, que fait le ministère pour intervenir et s'assurer que cela ne se produira plus?
Mme Cram : Merci, sénateur Brazeau, d'avoir posé cette question.
Premièrement, dans le cadre du système actuel, nous essayons de voir ce que nous pouvons faire pour nous assurer qu'il y a une responsabilisation accrue par rapport aux fonds et que ces fonds sont utilisés aux fins prévues. Les vérifications sont plus fiables qu'avant, la conformité est accrue, et ainsi de suite.
Vous savez peut-être que le gouvernement fédéral a une nouvelle politique sur les paiements de transfert. À l'heure actuelle, Affaires indiennes et du Nord Canada est en train de déterminer comment nous allons l'appliquer. C'est une occasion de renforcer les cadres de contrôle de la gestion des programmes. Nous faisons beaucoup de travail à cet égard.
J'admets cependant qu'il y a une limite quant à ce que nous pouvons faire dans le cadre du système actuel. C'est la raison pour laquelle dans le Budget 2010, il était mentionné que le budget engageait le gouvernement à envisager une nouvelle approche en matière de soutien aux étudiants inuits et des Premières nations pour les études postsecondaires qui sera efficace, axée sur la responsabilité et coordonnée avec d'autres programmes fédéraux de soutien aux étudiants. Nous commençons à peine à examiner cette question. Cependant, le gouvernement fédéral a l'intention de faire cela au cours de l'année qui vient.
Le sénateur Brazeau : Je comprends ce que vous dites au sujet de ce que le gouvernement fédéral essaie de faire, mais ma question porte précisément sur ce que le ministère fait. Le gouvernement fédéral est composé de plusieurs ministères, mais il arrive parfois que ces ministères n'agissent pas de concert. J'aimerais savoir ce que le ministère fait exactement pour essayer de mettre en lumière ces pratiques douteuses auxquelles on se livre au détriment des étudiants, pour y mettre fin.
Si vous dites que les vérifications sont plus approfondies qu'avant, alors mes prochaines questions sont les suivantes : quels sont les résultats des nouvelles vérifications qui sont effectuées pour mettre cela en lumière? Que fait-on pour régler les problèmes qui persistent?
Mme Cram : J'aurais dû être claire. Chaque bénéficiaire doit procéder à une vérification annuelle relativement aux fonds qu'il a reçus de la part du gouvernement fédéral et indiquer quel usage il en a fait. Ces vérifications sont maintenant plus fiables, avec des modèles de rapports normalisés et ainsi de suite. Elles comportent également une disposition et une portée beaucoup plus grande quant à la capacité du ministère de procéder à des vérifications et à des évaluations relativement à l'utilisation des fonds. C'est un élément nouveau qui a été instauré au cours de la dernière année.
C'est une chose que de demander des rapports, mais il faut faire quelque chose de ces rapports lorsqu'on les reçoit. C'est à cet égard que je parle de conformité. Les agents des services de financement et le personnel des programmes mettent en oeuvre des examens beaucoup plus approfondis de ces rapports pour voir comment les fonds ont été utilisés.
Le sénateur Brazeau : Je ne suis évidemment pas comptable, mais je suis certain que vous allez être d'accord avec moi pour dire qu'on peut vérifier dans le budget d'une collectivité des Premières nations la somme qu'elle a reçue pour l'éducation, et le poste budgétaire peut également préciser si l'argent a été dépensé. Cependant, à moins qu'une vérification juricomptable ne soit effectuée et que vous n'examiniez à fond les livres d'une Première nation donnée, est- ce que le ministère sait si l'intégralité du financement a été consacrée à l'éducation à la lumière des rapports dont vous parlez?
Mme Cram : Les vérifications que chacun des bénéficiaires doit fournir... et je ne connais pas la terminologie officielle, mais elles doivent être approuvées par un comptable agréé. Le professionnalisme de ce comptable agréé dépend du fait qu'il a examiné tous les documents pertinents ou non. Nous comptons sur le fait que nous recevons des vérifications qui ont été examinées par un comptable agréé.
Dans les cas où nous pensons qu'il y a des problèmes, nous ne commençons pas nécessairement par une vérification juricomptable, parce qu'il s'agit d'une vérification de très haut niveau, mais nous pouvons commencer par un examen financier. En fonction de ce que nous trouvons, cela peut donner lieu à une vérification juricomptable. C'est le cas lorsque le ministère apprend que les fonds ont été mal utilisés dans les circonstances précises, par exemple.
Le sénateur Hubley : J'étais vraiment contente de voir qu'il y avait du soutien pour les enfants ayant des besoins spéciaux et une capacité de cerner ces besoins et d'y répondre. Je me demande s'il existe des programmes pour les enfants doués. Ont-ils accès à des programmes enrichis dans le cadre du système d'éducation dans les réserves?
Mme Russell : À l'heure actuelle, il n'y a pas de programmes ciblés pour les enfants doués au même titre qu'il y a des programmes pour les enfants qui ont des besoins spéciaux en apprentissage.
Le sénateur Dyck : Mes questions concernent les écarts sur le plan du financement. Le sénateur Patterson a parlé de la réunion du Conseil des ministres de l'Éducation qui a eu lieu à Saskatoon il y a environ un an. L'une des questions qui ont été abordées, c'est l'équité en matière de financement. Nous savons tous que le soutien aux étudiants de niveau postsecondaire est limité à 2 p. 100 depuis 1996. Qu'est-ce que le ministère à l'intention de faire à cet égard? Va-t-il supprimer ce plafond et accroître l'aide?
Ma deuxième question concerne les différences de financement entre les écoles des réserves et les autres écoles. Le degré de soutien n'est pas le même. Dans certains cas, la différence peut être de plusieurs milliers de dollars par étudiant. Qu'est-ce que le ministère a l'intention de faire à ce sujet? Va-t-il revoir les formules de financement et combler les écarts? Les écoles des réserves reçoivent moins de financement que les écoles du même genre à l'extérieur des réserves.
Mme Cram : Pour ce qui est de la première question, ce n'est pas le ministère qui a imposé le plafond à 2 p. 100. Le ministère reçoit des crédits. Ainsi, le ministère n'est donc pas en mesure de modifier ce plafond. Pour modifier le montant de l'augmentation annuelle, il faudrait qu'une décision soit prise dans le cadre du budget. Remarquez que le plafond de 2 p. 100 ne tient pas compte des nouveaux programmes. J'ai parlé, par exemple, du budget de 2008, dans le cadre duquel nous avons obtenu 268 millions de dollars sur cinq ans. Cette somme s'ajoute aux 2 p. 100 en question.
Pour ce qui est de la deuxième question au sujet des différences de financement, il est difficile de faire des comparaisons, parce qu'il faut savoir comment les provinces calculent leur financement par étudiant et comment le gouvernement fédéral le calcule. C'est une tâche compliquée. Cependant, nous voulons en arriver à un financement comparable. Dans le Budget 2010, vous avez vu que le gouvernement a parlé d'être prêt à passer à des partenariats prêts à conclure. L'idée derrière cela, c'est d'avoir un partenariat tripartite dans le cadre duquel il y a une entente entre la province, la Première nation et le gouvernement du Canada de façon à pouvoir déterminer ce qui est comparable, et, à ce moment-là, il faut que ça demeure comparable. Les provinces annoncent régulièrement dans le cadre de leur budget qu'elles vont augmenter telle ou telle chose, comme le fait le gouvernement fédéral.
Il faut avoir un moyen de faire en sorte que tout demeure synchronisé. Ça varie beaucoup à l'échelle du pays. Il faut s'adapter à une province en particulier. Pour vous donner un exemple, nous avons dépensé 1,3 milliard de dollars pour 120 000 étudiants de la maternelle à la 12e année. Ça fait près de 11 000 $ par étudiant. Si l'on jette un coup d'oeil sur ce qui est comparable dans les provinces — et je dis que c'est comparable, mais très grossièrement — à partir des données de Statistique Canada pour 2005-2006, ça varie énormément, de 18 500 $ par étudiant au Yukon à 7 600 $ à l'Île-du- Prince-Édouard. Il est nécessaire d'avoir ce mécanisme et cette approche de partenariat pour pouvoir travailler par province pour déterminer ce qui serait nécessaire.
Le sénateur Dyck : J'ai une dernière petite question au sujet du financement et du nombre d'étudiants des Premières nations qui sont admissibles à des études postsecondaires. À la page 5 de votre exposé, vous donnez des chiffres selon lesquels le ministère a financé 22 000 étudiants en 2009. Combien y a-t-il d'étudiants qui attendent et qui sont admissibles, mais qui n'ont pas obtenu de financement? Avez-vous des chiffres là-dessus pour les 10 ou 20 dernières années?
Mme Cram : Malheureusement, nous n'avons pas de données sur le nombre d'étudiants qui attendent. Différentes organisations ont proposé des chiffres, mais nous ne les avons pas sous la main. Nous ne savons pas non plus combien d'étudiants qui poursuivent des études postsecondaires obtiennent de l'aide financière offerte dans le cadre des autres produits ou programmes dont j'ai parlé, par l'intermédiaire de RHDCC et des provinces. Je dirais que nous sommes sûrs qu'il y a plus de 22 000 Indiens inscrits des Premières nations, qui vivent dans une réserve ou ailleurs, qui poursuivent des études postsecondaires dans un établissement du Canada parce qu'ils profitent d'autres possibilités.
Le sénateur Dyck : J'avais des chiffres selon lesquels environ 3 000 étudiants attendaient en 2007-2008. Ça donne à penser qu'il faudrait peut-être accroître le budget. Y a-t-il un moyen d'accroître le budget de ce programme?
Mme Cram : Le programme d'enseignement postsecondaire a un plafond d'augmentation de 2 p. 100 par année, tout comme, par exemple, le programme de la maternelle à la 12e année. Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, ce n'est pas nous qui déterminons le montant de l'augmentation annuelle.
Le sénateur Patterson : Les tribunaux ont déterminé que les Inuits sont des Indiens ou des Premières nations en vertu de la Constitution. Vous avez dit qu'une entente a été conclue avec le gouvernement du Canada il y a environ un an pour établir l'Accord sur l'éducation des Inuits. Un nouveau comité a été chargé d'élaborer une stratégie pour aborder la question des résultats scolaires des Inuits.
Pouvez-vous nous faire le bilan de ce qui a été fait et de ce qui se prépare?
Mme Cram : Je suis désolée, je n'ai pas tous les détails sur la situation actuelle à cet égard, mais je serais heureuse de vérifier et de vous donner une réponse.
Le président : Le feriez-vous, s'il vous plaît? Nous allons veiller à ce que le sénateur Patterson obtienne l'information.
Le sénateur Patterson : Malheureusement, d'après les chiffres pour 2006 qui figurent à la page 5 de votre exposé, le taux d'obtention d'un diplôme universitaire chez les Inuits est d'environ la moitié de celui des apprenants des Premières nations.
J'ai été très impressionné par l'initiative de l'Université de l'Arctique, dont je sais qu'elle a bénéficié d'un financement initial de la part de votre ministère. Dans le cadre de cette initiative, l'université offre des programmes d'enseignement en ligne; ce ne sont pas des cours en classe. Grâce à l'initiative, les étudiants inuits qui vivent dans les régions éloignées du Nord vont pouvoir accéder au programme d'enseignement à l'aide d'une connexion Internet à large bande, qui est maintenant possible là-bas, plutôt que d'avoir à voyager pour fréquenter l'université.
Est-ce que le financement de cette initiative relèvera de votre division?
Mme Cram : Non. Le financement de cette initiative fait partie de la Stratégie pour le Nord en général. C'est le programme du Nord qui en est responsable, et, si vous le souhaitez, sénateur, nous pourrions éventuellement vous fournir plus de détails là-dessus.
Le sénateur Patterson : J'aimerais bien. C'est une excellente initiative.
Le sénateur Raine : Pouvez-vous me faire un compte rendu de ce qui se passe en Colombie-Britannique quant à l'entente tripartite et me dire quelles sont les prochaines étapes du processus?
Mme Cram : Merci de votre question, sénateur. Je dirais qu'actuellement, les négociations sont en cours avec le First Nations Education Steering Committee, le FNESC. Je crois que 13 Premières nations sont engagées dans ces négociations dans le but de s'approprier le champ de compétence de l'éducation. C'est en cours. Les choses sont certainement plus avancées qu'elles ne l'étaient, mais les négociations ne sont pas encore terminées.
Le sénateur Raine : Savez-vous quand elles le seront? Ça fait un bout de temps que cela dure.
Mme Cram : C'est sûr que ça avance. On discute encore des questions financières. Ce n'est juste pas encore terminé.
Le sénateur Raine : Je crois savoir que la difficulté vient de ce qu'on embauche des enseignants certifiés et leur offre une formation supplémentaire, mais que le financement fourni ne permet pas de leur offrir ce qu'ils pourraient gagner de l'autre côté de la rivière. Nous ne pouvons pas continuer à faire toujours la même chose et à nous attendre à un résultat différent. Nous avons besoin d'excellents enseignants qui soient rémunérés de façon adéquate dans le système d'éducation des Premières nations. J'ai peur qu'on ne comprenne pas qu'il faut davantage d'argent pour obtenir de meilleurs résultats.
Mme Cram : Nous comprenons très bien, et je pense que le FNESC et Nathan Matthew sont de très bons négociateurs et qu'ils ont fait clairement valoir ce point. J'espère qu'on parviendra à une entente au cours des prochains mois quant au montant adéquat.
Le président : À ce sujet, madame Cram, je suis tombé sur Nathan Matthew à Kamloops il y a à peu près une semaine à l'occasion d'une réunion d'Autochtones et de Métis. Il y a une frustration réelle. Ça fait 12 ans, non, depuis le début?
Mme Cram : Le FNESC existe assurément depuis au moins 15 ans. Je ne pense pas que les négociations soient en cours depuis aussi longtemps, mais ça fait longtemps.
Le président : Le sénateur Raine et moi prêchons pour notre paroisse parce que nous venons tous deux de la Colombie-Britannique. C'est une chose qu'on nous rappelle chaque fois que nous sommes chez nous ou que nous rencontrons ces gens. Tant que vous êtes au courant, j'ai espoir que nous puissions régler ce problème.
Le sénateur Fairbairn : Tout à l'heure, j'ai parlé de notre université. J'ai négligé de parler de notre organisation communautaire aussi, qui a été absolument fantastique. C'est comme de traverser la rivière, pour faire un lien avec ça, dans une partie, et ça a été très utile pour continuer de faire fonctionner celui de la réserve. Ces trois choses ont toutes été offertes aux Autochtones pour qu'ils agissent et fassent ce qu'ils veulent, et ça fonctionne. Ça fonctionne, et ça vient d'autres parts aussi. C'est quelque chose d'utile.
Mme Cram : Merci, sénateur.
Le président : Merci beaucoup.
Honorables sénateurs, comme vous pouvez le voir, il n'y a pas de secret ici, et nous envisageons dans le cadre de nos délibérations une étude sur l'éducation. Madame Cram, vous avez été très sincère et directe lorsque vous avez dit que 60 personnes à AINC administrent le budget et essaient de faire ce que les conseils scolaires font dans l'ensemble du pays, et aussi que nous devons nous pencher sur les ententes tripartites qui sont conclues en ce moment et éventuellement établir un cadre législatif pour aider votre ministère et les gens qui travaillent avec vous à obtenir les résultats que nous aimerions tous voir chez les enfants des Premières nations au chapitre de l'éducation.
Merci à tous d'être venus ici ce matin. Une fois que le comité aura décidé ce qu'il veut faire, nous saisirons peut-être l'occasion de vous inviter de nouveau. C'est toujours agréable de vous voir, et nous avons hâte de travailler avec vous.
Beaucoup de questions ont fait surface concernant l'administration et le financement, mais nous devons nous attaquer au coeur du problème et élaborer un cadre fonctionnel, parce qu'il est difficile pour 60 personnes de s'occuper de 75 000 élèves dans plus de 500 écoles.
(La séance est levée.)