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RIDR - Comité permanent

Droits de la personne

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne

Fascicule 7 - Témoignages du 6 février 2012


OTTAWA, le lundi 6 février 2012

Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne se réunit aujourd'hui, à 16 heures, pour surveiller l'évolution de diverses questions ayant trait aux droits de la personne et à examiner, entre autres choses, les mécanismes du gouvernement pour que le Canada respecte ses obligations nationales et internationales en matière de droits de la personne.

Le sénateur Mobina S.B. Jaffer (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Honorables sénateurs, je déclare ouverte cette huitième séance de la 41e législature du Comité sénatorial permanent des droits de la personne.

Le Sénat nous a confié le mandat d'examiner les questions relatives aux droits de la personne au Canada et ailleurs dans le monde.

Je suis le sénateur Mobina Jaffer et je vous souhaite la bienvenue à cette réunion.

[Traduction]

En 2006, quand le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies a été créé, le Comité sénatorial permanent des droits de la personne a reconnu que cet événement historique changerait fondamentalement le système des droits de la personne des Nations Unies et la façon dont seraient traitées les questions entourant les droits de la personne internationaux.

En vertu de son mandat d'examiner l'appareil gouvernemental et la façon dont celui-ci traite des obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne, le comité a depuis entamé une étude à long terme sur l'évolution du nouveau conseil et le rôle du Canada non seulement à titre de membre des Nations Unies, mais également à titre de membre du conseil de 2006 à 2009.

Le comité avait décidé d'étudier en quoi le nouveau conseil influerait sur la façon dont le Canada met en œuvre ses obligations en matière de droits de la personne, et d'étudier le travail du conseil lui-même. De plus, le comité a observé de près l'évolution constante du mécanisme principal d'examen du conseil, soit l'examen périodique universel, qui se penche sur les pays membres des Nations Unies et leur bilan en matière de droits de la personne.

Au fil des législatures, le comité a tenu des réunions pour discuter de ces questions avec les fonctionnaires du gouvernement, avec les membres de la mission canadienne au conseil, avec des groupes de défense des droits de la personne, avec des organisations autochtones, avec des ambassadeurs aux Nations Unies de divers pays, et avec des fonctionnaires du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, entre autres.

[Français]

Grâce à ces rencontres, le comité a recueilli toute l'information nécessaire pour produire quatre rapports. Le plus récent, qui date de 2010, est intitulé Le Canada et le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies : tracer une nouvelle voie, est paru peu de temps après que le Canada eût été soumis à son premier examen périodique universel du conseil concernant la situation des droits de la personne au pays.

Dans ce rapport, le comité a fait un certain nombre de recommandations sur le rôle futur du Canada auprès du conseil et sur la manière dont notre pays doit s'y prendre pour que le conseil soit une tribune efficace pour traiter des questions entourant les droits de la personne au sein du système des Nations Unies.

Nous avons également fait des recommandations visant à encourager le gouvernement fédéral à prendre des mesures proactives en prévision du prochain examen périodique universel dont il fera l'objet. Nous avons insisté sur l'urgence, pour le gouvernement du Canada, d'établir un processus clair, efficace, inclusif et transparent en vue de cet examen.

Nous avons notamment préconisé l'élaboration d'un plan soulignant comment le gouvernement entend mettre en action les recommandations d'un autre État membre des Nations Unies durant son premier examen périodique universel et énonçant la procédure à suivre pour s'engager dans des consultations approfondies auprès des représentants de la société civile, d'organisations autochtones, de parlementaires et de la population canadienne en général.

[Traduction]

Le rapport contient également un certain nombre de recommandations portant sur la façon dont le Canada met en œuvre et respecte ses obligations découlant de traités. Le comité encourage le gouvernement fédéral à développer un nouveau cadre politique, qui mènerait à la signature, la ratification et la mise en œuvre de traités internationaux portant sur les droits humains, et qui inclurait des éléments, tels des rapports réguliers au Parlement sur le progrès des négociations sur les traités et des plans de mise en œuvre. De plus, le comité souhaiterait que le mandat et les procédures du Comité permanent des fonctionnaires chargés des droits de la personne soient revus afin d'obtenir une meilleure coopération, coordination et davantage d'imputabilité de la part des ministres fédéral, provinciaux et territoriaux responsables des droits humains, et ce, dans le but de rendre ces procédés plus ouverts et transparents.

Nous anticipons de bonnes discussions sur ces recommandations avec les représentants de ministères gouvernementaux clés et d'organisations de la société civile qui ont été invités ici aujourd'hui.

Depuis la publication de notre rapport intitulé Le Canada et le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies : tracer une nouvelle voie, il y a eu un certain nombre de développements qui font en sorte que le temps est venu pour le comité de revoir ce sujet. D'abord, le Canada ne siège plus au conseil, et par conséquent, il a dû se donner un nouveau rôle dans sa relation avec le conseil. Les Canadiens ont eu l'occasion d'examiner le travail qu'a fait le Canada pendant son mandat au conseil. De plus, en 2011, le mandat du conseil a été revu à fond, ainsi que ses règles et procédures, et on a apporté des changements qui vont sans aucun doute avoir un effet sur la façon dont le conseil fonctionne.

Nous allons demander à nos témoins de partager avec nous aujourd'hui leurs opinions sur ces questions et sur d'autres développements importants et récents qui se sont produits au conseil.

[Français]

Le prochain examen périodique universel auquel sera soumis le Canada est prévu pour 2013, c'est pourquoi il est absolument urgent d'agir maintenant. Le moment est donc propice pour que le comité sache comment le gouvernement du Canada se prépare pour cet examen et ce qu'il compte faire pour remplir ses obligations au regard des traités internationaux relatifs aux droits de la personne.

La deuxième série d'examens devant le conseil est extrêmement importante pour s'assurer que l'examen périodique universel est un exercice fondamental qui débouchera sur de véritables changements. Si le Canada est capable de mettre au point des processus et des procédures efficaces et de créer des précédents qui feront autorité dans la préparation de son examen périodique universel, et qu'il démontre qu'il prend au sérieux les recommandations d'un autre État membre, alors nous pourrons contribuer à faire avancer les droits de la personne.

[Traduction]

Nous avons deux groupes aujourd'hui, dont le premier inclut Patrimoine canadien, Justice Canada et Affaires étrangères et Commerce international Canada, et l'autre, Action Canada pour la population et le développement, Amnistie Internationale Canada et le Centre pour les droits à l'égalité et au logement.

Avant de présenter les membres du groupe, j'aimerais présenter les sénateurs qui sont avec nous aujourd'hui. Nous avons le sénateur Nolin, qui est sénateur depuis très longtemps; le sénateur Meredith; le sénateur Plett; et le sénateur Hubley.

J'aimerais vous présenter, de Justice Canada, Jodie van Dieen, directrice générale et avocate principale, Section des droits de la personne; d'Affaires étrangères et Commerce international Canada, David Angell, directeur général, Direction générale des organisations internationales, des droits de la personne et de la démocratie; et de Patrimoine canadien, Martha LaBarge, directrice générale, Gestion stratégique et droits de la personne.

D'après ce que je comprends, vous avez des déclarations préliminaires. Nous allons commencer par Mme van Dieen. Mais avant de commencer, j'aimerais vous remercier tous les trois pour l'excellent travail que vous faites au nom du Canada à travers le monde.

J'aimerais vous remercier en particulier, monsieur Angell, pour le travail formidable que vous avez fait sur la résolution 1325. Je reviens du Sri Lanka, et vous serez très heureux d'apprendre que les Sri-Lankaises sont en train de réaliser les projets sur lesquels vous avez travaillé aux Nations Unies concernant la résolution 1325.

Nous anticipons avec plaisir vos présentations.

Jodie van Dieen, directrice générale et avocate principale, Section des droits de la personne, ministère de la Justice Canada : Bon après-midi, madame la présidente et honorables sénateurs. Je suis heureuse d'avoir l'occasion de m'adresser au comité aujourd'hui.

[Français]

Premièrement, je profite de l'occasion pour remercier le comité pour son travail continu et son intérêt marqué dans le domaine des droits de la personne. En particulier, je tiens à remercier le comité pour son rapport intitulé Le Canada et le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies : tracer une nouvelle voie.

Votre rapport est une source d'information précieuse pour le gouvernement qui en tiendra compte dans ses travaux concernant le Conseil des droits de l'homme, l'examen périodique universel et le renforcement de la mise en œuvre continue des obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne. Vos rapports ont fourni et vont continuer de fournir des indications importantes aux fins des débats de politique.

J'aimerais maintenant aborder deux sujets plus précis qui ont été soulevés dans le rapport du comité et au cours du premier examen périodique universel du Canada. Le premier porte sur le renforcement de la mise en œuvre continue des obligations du Canada en matière de droits de la personne. Le second traite du processus d'adhésion aux conventions relatives aux droits de la personne au Canada et d'activités de sensibilisation accrues à cet égard.

[Traduction]

En réponse à ce que le Canada a entendu au cours de son premier examen périodique universel, le Canada s'est engagé à améliorer les mécanismes reliés à la mise en œuvre des obligations internationales en matière de droits humains. Mon collègue de Patrimoine canadien va vous parler davantage des procédés qui existent déjà et des améliorations qu'on pourrait y apporter pour nous acquitter de nos obligations.

Le Canada s'est engagé à faire une autre chose, soit de conscientiser davantage les fonctionnaires canadiens au sujet des traités internationaux portant sur les droits humains. En vertu de cet engagement, le gouvernement reconnaît que la connaissance et la compréhension des obligations du Canada pour ce qui est des droits humains sont essentielles pour la mise en œuvre efficace de ces droits. Nous effectuons le suivi de cet engagement, et j'aimerais vous parler du travail important qui a déjà été réalisé.

Depuis 2009, le gouvernement fédéral a organisé quatre conférences fédérales qui ont réuni des fonctionnaires de toutes sortes de ministères, et qui ont connu beaucoup de succès, afin de conscientiser ses fonctionnaires et de les aider à mieux comprendre en quoi les obligations du Canada en matière de droits de la personne les touchent dans leur travail. En novembre 2009, il y a eu une conférence d'un jour sur la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant. En mars 2011, et de nouveau en janvier, les fonctionnaires fédéraux ont participé à d'autres conférences d'un jour sur la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, que le Canada a récemment ratifiée. En décembre 2011, à l'occasion du 30e anniversaire de la ratification du Canada de la Convention des Nations Unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, les fonctionnaires fédéraux se sont réunis avec des représentantes de groupes de femmes pour une conférence d'une demi-journée aux fins de sensibilisation et de discussion à l'égard des obligations relatives à cette convention.

Le ministère de la Justice du Canada a participé activement à ces conférences. Nous travaillons aussi sur d'autres initiatives dans le but de sensibiliser davantage les gens. Le ministère offre régulièrement des cours sur le droit des droits humains internationaux aux avocats du ministère de la Justice dans le cadre de leur formation juridique continue. Le ministère de la Justice du Canada a mis au point et offre des cours qui se succèdent sur les traités portant sur les droits humains auxquels le Canada est signataire. Un de ces cours porte un regard général sur les obligations du Canada dans le domaine des droits humains internationaux. Nous avons également développé des cours spécialisés sur la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, et sur les droits économiques, sociaux et culturels. Grâce à ces cours, les avocats du ministère de la Justice peuvent donner des avis plus informés aux fonctionnaires du gouvernement sur les obligations du Canada relatives aux traités qu'il a signés.

Depuis l'examen périodique universel du Canada, nous avons travaillé plus fort pour adapter et offrir nos cours internationaux directement aux fonctionnaires dans les autres ministères qui travaillent à l'élaboration des politiques. Par exemple, les avocats ont donné des cours sur les droits économiques, sociaux et culturels, et sur la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, cours qui étaient adaptés au travail des fonctionnaires du ministère des Ressources humaines et Développement des compétences Canada. Même s'il ne s'agit pas d'un traité exécutoire, les avocats ont également des cours pour sensibiliser les gens à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, suite à l'appui donné par le Canada à ce texte législatif en novembre 2010.

[Français]

Par la suite de son examen périodique universel, le Canada s'est engagé à améliorer la communication des renseignements aux Canadiens pour ce qui est du processus d'adhésion aux conventions des droits de la personne et sur les traités faisant l'objet d'un examen en vue d'une éventuelle adhésion. Ainsi, le Canada a reconnu qu'il y a place à amélioration pour mieux faire connaître ce processus.

[Traduction]

Le gouvernement s'est efforcé de donner suite à ses engagements en vue de la ratification, par le Canada, de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, qui s'est déroulée en mars 2010. La communauté des personnes handicapées du Canada a fait l'objet d'une vaste consultation et des renseignements sur le processus d'adhésion au traité ont été diffusés avant sa ratification; y compris sur Internet. Des renseignements concernant le processus d'adhésion au traité sur les droits de la personne et au traité auquel on envisage d'adhérer ont été affichés sur le site web du ministère de la Justice du Canada. Nous allons continuer à envisager d'autres moyens de transmettre ces renseignements au public, y compris dans le cadre de dialogues avec la société civile et d'autres parties prenantes.

Madame la présidente, je vais maintenant passer la parole à mon collègue du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, qui aimerait vous parler du Canada et du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies.

David Angell, direction général, Direction générale des organisations internationales, des droits de la personne, et de la démocratie, Affaires étrangères et Commerce international Canada : Merci madame la présidente et honorables sénateurs de me donner la possibilité de comparaître devant ce comité et merci de votre accueil. Je me joins à ma collègue pour remercier le comité de ses rapports.

Depuis les tout débuts de sa participation au Conseil des droits de la personne des Nations Unies en tant que membre fondateur en 2006, comme vous l'avez dit, madame la présidente, et d'État observateur depuis 2009, le gouvernement du Canada a réussi à utiliser cette institution des Nations Unies afin de promouvoir nos priorités en matière de droits de la personne et contribue à renforcer la capacité institutionnelle grandissante du conseil à s'acquitter de son mandat.

Au cours des dernières années, le conseil a effectué des progrès considérables. Cela comprend le renforcement du suivi et de la communication de l'information sur la situation des droits de la personne en Iran. Ces progrès comprennent la mise en place de nouvelles procédures spéciales afin de répondre à des questions prioritaires particulièrement importantes à la lumière du printemps arabe, comme la liberté de rassemblement pacifique et d'association, la discrimination contre les femmes dans la loi et la pratique, ainsi que la vérité, la réconciliation, les réparations et la garantie de non-répétition. Ils comprennent aussi des avancées en ce qui concerne l'orientation sexuelle qui, nous l'espérons, permettra d'effectuer des progrès en vue de décriminaliser l'homosexualité et de protéger les droits des gais et lesbiennes. Ils comprennent aussi des progrès relatifs à la liberté d'expression sur Internet, à la liberté de culte, et à la capacité de réagir efficacement et en temps réel à des situations urgentes en matière de droits de la personne, comme en Côte d'Ivoire, en Libye et en Syrie.

Cependant, le Canada reconnaît que le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies n'a pas toujours permis de répondre efficacement à des cas urgents de violations des droits de la personne. L'attention démesurée dont fait l'objet la situation en Cisjordanie et à Gaza, ainsi que la politisation continue et les votes en bloc auxquels on assiste parfois au conseil, ont entravé, à certains moments, la mise en œuvre de mesures efficaces, concertées et fondées sur des principes. Cependant, nous pensons que nous assistons à une maturation de cet organisme dont la capacité à s'acquitter de son mandat et à répondre à de nouveaux défis s'accroît. Bien que cette évolution positive soit la bienvenue, elle ne peut être tenue pour acquise et ne doit pas pour autant masquer les faiblesses constitutionnelles continues du conseil. Des efforts soutenus sont essentiels si l'on souhaite poursuivre les progrès que j'ai mentionnés plus tôt.

[Français]

Le Canada a joué un rôle important dans le renforcement des capacités du conseil en resserrant ses liens avec ses alliés traditionnels et en cultivant ses relations avec des États modérés de toutes les régions du monde, afin de mobiliser leur soutien à des priorités et à des initiatives en faveur des droits de la personne. À titre d'exemple, chaque année, le Canada préside les négociations au conseil sur les résolutions visant à éliminer la violence contre les femmes. La stratégie canadienne consiste à dégager un consensus au sein d'un groupe important et diversifié d'États en vue de la promotion et de la protection efficaces des droits des femmes et des filles. Grâce à cette approche, il s'agit désormais de l'une des principales résolutions sur des questions de fonds adoptées par le conseil.

En 2011, plus de 84 États de toutes les régions du monde ont coparrainé ce document consensuel. Le rôle efficace que le Canada a joué dans l'intervention du conseil face aux violations perpétrées en Syrie est un autre exemple de l'efficacité de cette approche. Lors de la 17e session du conseil, en juin 2011, le Canada a mené l'initiative pour une déclaration transrégionale sur la situation des droits humains en Syrie. De plus, le Canada a joué un rôle décisif dans la tenue d'une session extraordinaire sur la Syrie, en décembre dernier, qui s'est traduite par l'adoption d'une résolution ferme bénéficiant du soutien d'une large majorité des membres.

Madame la présidente, l'année dernière, au cours du processus d'examen quinquennal du conseil, le Canada a eu l'occasion d'évaluer comment celui-ci s'acquittait de son mandat en tant que principale instance des Nations Unies chargée de promouvoir et de protéger les droits humains.

[Traduction]

Le Canada a trois principales priorités dans sa participation active à l'examen du conseil. Il s'agit, tout d'abord, d'accroître la capacité du conseil à répondre rapidement à des situations urgentes relatives aux droits de la personne lorsque celles-ci surviennent; deuxièmement, il faut renforcer les procédures spéciales et améliorer la collaboration entre les États dotés de ces mécanismes importants; et enfin, d'assurer le suivi et la mise en œuvre des obligations et des engagements des États relatifs aux droits de la personne. Le Canada a adopté une approche à la fois pragmatique et fondée sur des principes au cours du processus d'examen, en formulant des propositions qui, selon nous, aideraient le conseil à atteindre les objectifs visés.

Étant donné qu'un trop petit nombre des propositions, même les plus modestes, présentées par le Canada et d'autres partenaires ayant les mêmes valeurs ont été prises en considération, le Canada était déçu des résultats du processus d'examen du conseil. Cependant, nous avons été encouragés par le fait que nous n'avons pas perdu de terrain sur des questions importantes. Le risque d'un retour en arrière était très réel, la vigilance reste donc de mise pour protéger ces acquis.

Le Conseil des droits de l'homme est aussi un forum sur la liberté de religion. L'une des responsabilités clés des titulaires de mandat au titre des procédures spéciales du CDH sur la liberté de religion ou de conviction consiste à cerner les obstacles à la jouissance du droit à la liberté de religion et à formuler des recommandations afin de les surmonter. Chaque année, deux résolutions portant sur la religion et les droits de la personne sont présentées au conseil. Des progrès considérables ont été effectués en 2011 lorsqu'une résolution sur la diffamation de la religion est devenue une résolution beaucoup plus constructive portant sur la discrimination fondée sur la religion. Fait remarquable, cette résolution — qui fait l'objet, chaque année, d'un âpre débat — a été adoptée par consensus.

Le Conseil des droits de l'homme est un forum au moyen duquel le Bureau de la liberté de religion, que le Canada doit inaugurer sous peu, pourra faire valoir les priorités du Canada sur cette question importante, y compris au moyen d'examens périodiques universels.

[Français]

Ce processus d'examen du conseil a conduit au renforcement du processus de sélection des mandataires de ces procédures spéciales. C'est ainsi qu'une nouvelle procédure de demandes et d'examens a accru sa transparence. Ces mécanismes sont essentiels pour un système international des droits humains efficace. Pour s'assurer qu'ils demeurent crédibles et efficaces, le Canada plaide régulièrement en faveur des nominations fondées sur les compétences.

L'examen périodique universel, qui permet de se pencher sur le bilan de tous les États membre des Nations Unies en matière des droits de la personne, est également un élément important pour faire respecter l'obligation de rendre compte. Au cours du premier cycle quadriennal de l'EPU, le Canada a montré son attachement au principe de l'universalité en intervenant et en formulant des recommandations dans le cadre de l'EPU à l'ensemble des 191 autres pays.

En juin 2011, le Canada a également organisé une rencontre parallèle à mi-parcours concernant l'EPU à l'intention des pays soumis à un examen en même temps que le Canada il y a déjà trois ans. Cette rencontre a donné lieu à un dialogue constructif et à des interventions utiles des pays et des organismes non gouvernementaux participants.

[Traduction]

Pour conclure, en plus du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies et des organes de défense des droits de la personne de l'Organisation des États américains, le Canada se sert d'organes régionaux et multilatéraux comme le Commonwealth, la Francophonie, l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe ainsi que l'UE pour faire valoir ses priorités en matière de droits de la personne. Il le fait à titre d'État membre ou, dans le cas de l'UE, en collaborant étroitement avec des États membres. Il fait valoir des priorités telles que la liberté de religion, les droits des minorités et les droits des femmes.

Le gouvernement du Canada pense qu'il est important de s'assurer de l'existence d'un processus ouvert et transparent pour l'adoption de traités à l'échelon national et de mécanismes suffisamment souples pour permettre au gouvernement du Canada de faire valoir ses opinions et ses intérêts sur la scène internationale de manière efficace. Par conséquent, le gouvernement consulte les différents ministères fédéraux ainsi que les gouvernements provinciaux, territoriaux et autochtones lorsque l'objet du traité relève de leur compétence. Merci.

Martha LaBarge, directrice générale, Gestion stratégique et droits de la personne, Patrimoine canadien : Madame la présidente et honorables sénateurs, il me fait plaisir d'être ici aujourd'hui pour vous parler en détail de l'examen périodique universel du Canada (EPU).

[Français]

L'examen périodique universel du Canada était l'occasion de nous pencher de façon collective sur notre situation en matière de droits de la personne et de profiter du point de vue et des conseils d'autres États. Les enjeux soulevés par les autres pays touchaient de multiples gouvernements et ministères et nous continuons de collaborer et d'échanger de l'information avec l'ensemble de ces administrations en ce qui a trait aux recommandations que le Canada a acceptées.

[Traduction]

L'une des conséquences importantes et durables du premier EPU du Canada a été un dialogue transversal continu sur les questions qui ont été soulevées. Depuis, nous avons créé un comité interministériel permanent composé de hauts fonctionnaires de tous les ministères fédéraux concernés, qui se réunit une fois par mois pour discuter et faire le suivi des progrès des recommandations acceptées et des engagements du Canada.

Cependant, les recommandations et les engagements, dans bien des cas, touchent aussi les gouvernements provinciaux et territoriaux. Par conséquent, l'EPU du Canada est maintenant un élément permanent de l'ordre du jour du Comité permanent des fonctionnaires chargés des droits de la personne (CPFDP) au sein duquel des hauts fonctionnaires provinciaux et territoriaux font des mises à jour régulières sur des initiatives pertinentes entreprises par leurs gouvernements respectifs.

[Français]

Nous avons continué de réaliser des progrès relativement aux engagements qu'a pris le Canada en réponse aux recommandations issues de l'examen périodique universel. En effet, le Canada s'est engagé à déposer les documents associés au premier examen périodique universel au Parlement, ce qu'il a fait en mai 2010 lorsque le gouvernement a déposé les documents pertinents à la Chambre des communes et au Sénat. Le Canada s'est également engagé à accroître la connaissance des traités internationaux relatifs aux droits de la personne. En appui aux propos tenus par ma collègue du ministère de la Justice, il s'agit d'une initiative continue et beaucoup de travail a déjà été accompli en matière de formation et de partage de renseignements.

En plus de la formation offerte par le ministère de la Justice, notre ministère a revu et amélioré ses propres modules de formation sur les processus de production de rapport et d'examen de l'ONU. Cette formation, qui porte sur l'obligation de présenter des rapports, nous permet de fournir des conseils pratiques aux fonctionnaires qui participent à la préparation des rapports pour le Canada.

[Traduction]

Je souhaite aussi souligner que le CPFDP a aussi examiné ses propres activités à la lumière des recommandations et des engagements relatifs à l'EPU et continue à envisager différentes possibilités afin de publier des renseignements relatifs aux recommandations de l'ONU.

Quelques changements significatifs ont eu lieu depuis le dernier EPU. La liste des membres du CPFDP est maintenant transmise à des organisations afin de fournir un point de contact dans les provinces et les territoires pour des questions liées aux obligations internationales en matière de droits de la personne.

Le CPFDP a aussi décidé de rencontrer régulièrement des représentants de la société civile et d'organisations autochtones à l'occasion de ses réunions en personne. Deux réunions ont déjà eu lieu, l'une à Edmonton en mai dernier et l'autre en novembre dernier, à Ottawa. Ces réunions s'avèrent un mécanisme utile pour connaître l'avis d'organisations non gouvernementales, des ONG, et d'en tenir compte dans les discussions intergouvernementales.

Enfin, dans le but d'étendre la communication, le comité publiera des renseignements sur l'examen des recommandations issues de l'EPU et reçues d'organismes créés en vertu de traités à mi-chemin entre le moment de l'examen et l'envoi d'un rapport à l'ONU.

[Français]

Nous nous afférons présentement à la prochaine comparution du Canada devant le groupe de travail sur l'examen périodique universel en mai 2013. Nous avons entamé des discussions avec nos collègues des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux en vue du prochain rapport qui sera présenté en février 2013, et qui portera principalement sur les initiatives qui découlent des recommandations acceptées par le Canada et ses engagements volontaires.

[Traduction]

À l'automne 2010, nous avons invité un grand nombre de représentants de la société civile et d'organisations autochtones à des réunions qui ont eu lieu dans six régions dans l'ensemble du Canada, y compris la région de la capitale nationale, afin de les informer des initiatives entreprises dans le cadre des engagements pris par le Canada relativement à l'EPU. Nous voulions aussi entendre leur opinion sur un processus qui permettrait, à l'avenir, d'effectuer des consultations permanentes auprès de la société civile et d'organisations autochtones.

Ils nous ont dit que ce qu'ils souhaitaient avant tout, c'était un processus large et inclusif qui porte sur les rapports et les recommandations que nous recevons des Nations Unies.

Par conséquent, et dans le cadre de notre stratégie de consultation, nous sommes en train d'entreprendre une vaste consultation sur une ébauche de plan pour les rapports que le Canada doit faire parvenir aux Nations Unies. Cette ébauche de plan est rendue disponible à la société civile ainsi qu'aux organisations autochtones, qui sont invitées à cerner d'autres questions clés et à établir un ordre de priorité pour les sujets qui pourraient faire l'objet du rapport du Canada. En outre, en janvier, nous avons envoyé l'ébauche de plan à plus de 200 organismes de la société civile et autochtones, afin d'obtenir leur avis sur les questions prioritaires qui pourraient être incluses dans le rapport sur l'examen périodique universel.

Étant donné que le rapport du Canada devra, pour se conformer aux lignes directrices de l'ONU, se limiter à 20 pages, des décisions vont devoir être prises pour ce qui est des sujets dont il sera fait mention dans le rapport, décisions que viendront éclairer les organisations de la société civile et autochtones. Nous allons aussi consulter les organisations sur les recommandations que nous recevrons en 2013 afin d'éclairer la rédaction de la réponse du Canada, dans laquelle nous indiquerons les recommandations que le Canada accepte.

Le processus à deux étapes que j'ai élaboré pour l'examen périodique universel complété des réunions organisées avec le Comité permanent des fonctionnaires chargés des droits de la personne est le même qui sera employé pour les rapports du Canada en vertu des traités auxquels nous sommes parties.

Un grand nombre des processus que j'ai mentionnés sont en cours, et nous allons continuer à les modifier et à les améliorer à l'avenir. Nous apprécierions beaucoup avoir votre opinion sur le processus que j'ai décrit et serons ravis de répondre à vos questions. Merci.

La présidente : Merci à vous trois pour votre mise à jour sur ce que fait notre gouvernement en matière de droits de la personne.

Ce qui a été très décevant dans le dernier processus était la consultation de la société civile. Cela n'est pas entièrement imputable aux ministères. Nous savons qu'il y a eu une prorogation et des élections ce qui ne nous a pas permis d'avoir un processus de consultation aussi efficace que nous l'aurions aimé.

L'une des raisons pour lesquelles nous organisons cette réunion aujourd'hui, c'est qu'il nous importe grandement de vous entendre d'abord, puis la société civile ensuite, pour savoir si, cette fois-ci, le processus est plus inclusif.

Madame LaBarge, il semblerait que vous ayez entamé des consultations avec la société civile et nous aimerions savoir si vous pensez que ces consultations sont plus efficaces et plus inclusives que la dernière fois.

Mme LaBarge : Le processus de consultation est-il plus efficace? Nous l'espérons certainement. Nous avons entendu et reçu les recommandations issues du processus d'EPU et les recommandations que votre comité a formulées. Nous avons aussi entendu ce que la société civile nous a signalé. Comme vous l'avez dit, nous savons qu'ils ne sont pas satisfaits de la manière dont les choses se sont passées la dernière fois. Il y a eu des problèmes d'échéancier, et cetera. Ensuite, nous avons consulté la société civile. Nous avons modifié les processus au sein du CPFDP afin d'assurer une représentation régionale et locale d'organisations de la société civile et d'organisations autochtones, et pas seulement des administrations centrales de ces organisations.

Nous pensons qu'à ce jour, nous avons développé le processus. Le processus de consultation, comme vous le savez bien, va bien au-delà de la société civile. Nous avons inclus ou du moins tentons d'inclure autant que possible les organisations provinciales et territoriales.

Pour répondre à votre première question, le processus de consultation est-il plus efficace? Oui. Qui avons-nous consulté? Nous pensons que le processus est plus efficace, car nous avons consulté les organisations afin de déterminer qui devrait être consulté. En outre, nous nous servons des réseaux existants au sein de l'organisation. Dans notre invitation, qui peut s'avérer imparfaite la première fois, nous avons demandé qu'on nous indique les noms d'organisations que nous aurions pu oublier, afin de les inclure.

La présidente : Avant de donner la parole aux membres du comité, j'ai une autre question. Vous avez parlé des collectivités autochtones. Près de la moitié des recommandations issues du processus d'EPU concernaient des problèmes auxquels se heurtent les peuples autochtones, et vous nous avez dit que vous tentiez d'aller au-delà des organisations nationales. Le comité aimerait savoir exactement ce que vous faites afin d'inclure les peuples autochtones dans ces consultations.

Mme LaBarge : Avec l'aide du ministère des Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, lorsque nous devons effectuer des consultations qui ont trait à un rapport précis, ce ministère est bien placé pour savoir qui le consulte, et celui-ci nous donne une liste d'organisations autochtones qu'il est important de consulter sur différents sujets. Le ministère est donc un point de contact privilégié car il connaît bien ses clients.

Le sénateur Meredith : Merci de vos témoignages. J'apprécie le travail que vous faites ici au Canada et ailleurs dans le monde.

Je voulais justement vous poser la question que la présidente vient juste de vous poser en ce qui a trait aux collectivités autochtones. Madame LaBarge, quelles sont les questions qui sont soulevées? Je sais qu'on vous prend un peu pour cible en ce moment, mais quelles sont les questions que soulèvent les collectivités autochtones et qui sont examinées ou qui le sont selon elles?

Mme LaBarge : Ce sont des questions qui ne sont pas de mon ressort. Le ministère serait mieux placé pour répondre à ces questions précises. Selon le rôle et le mandat que j'ai au ministère du Patrimoine canadien, je peux traiter des recommandations et des questions qui sont soulevées en matière de processus, de production de rapports et d'examens, mais pour ce qui est des recommandations précises ou de toute autre chose ayant trait à d'autres ministères, les principaux ministères sont bien mieux placés pour répondre à cela.

Le sénateur Meredith : En ce qui a trait aux questions qui sont soulevées, quelles sont les questions qui sont soulevées en matière de droits de la personne? C'était ma question.

Mme LaBarge : Une fois encore, et mes collègues ont des observations à faire à ce sujet, les recommandations précises qui ont trait aux questions autochtones sont nombreuses et relèvent davantage des compétences d'un représentant de ce ministère.

Le sénateur Meredith : Monsieur Angell, vous avez parlé du Bureau de la liberté de religion. Quelle a été la réaction de la communauté internationale à la suite de la création de ce bureau afin de promouvoir la liberté de religion dans l'ensemble du monde?

M. Angell : La réaction que nous avons pu observer a été extrêmement favorable. C'est une question qui pose problème à un certain nombre de gouvernements. Elle s'inscrit dans le débat des droits de la personne depuis de nombreuses années. C'est l'un des droits de la personne qui font l'objet de la Déclaration universelle, mais un certain nombre de gouvernements ont le sentiment que parmi l'éventail de droits de la personne fondamentaux, la question de la liberté de religion n'a pas fait l'objet d'une attention suffisante.

Il y a un certain nombre d'années, les États-Unis ont mis sur pied un bureau. Il s'agirait donc du deuxième bureau de ce type, mais un certain nombre de gouvernements cherchent des moyens d'améliorer leur propre trousse d'outils afin de traiter plus directement de cette question.

Le Rapporteur spécial à Genève sur la liberté de religion ou de conviction a souligné, dans plusieurs rapports, au fil des années, l'importance de cette question et la tendance croissante de certains pays visant à abolir ce droit. La réponse, c'est que cette initiative arrive en temps opportun, et il est clair que nous allons avoir un nombre croissant de partenaires ayant les mêmes valeurs avec qui nous pourrons collaborer pour faire avancer la liberté de religion.

Le sénateur Meredith : Merci.

Le sénateur Hubley : Merci et bienvenue à tous.

Mes questions font suite aux recommandations, la première étant la recommandation 17. Au-delà des récentes mises à jour apportées au site Internet du ministère du Patrimoine canadien, le gouvernement du Canada a-t-il examiné la recommandation 17 du comité visant à créer une banque de données centrale publique sur Internet pour informer les Canadiens du statut de leur pays en ce qui a trait à la ratification de traités internationaux, de toutes consultations publiques qui auront lieu à cet effet, et de tout programme conçu pour satisfaire aux obligations du Canada issues de traités relatifs aux droits de la personne?

Mme van Dieen : Si je puis me permettre, ma collègue du ministère du Patrimoine canadien a décrit certains travaux qui sont en cours afin de rendre le suivi de l'examen périodique universel plus transparent. Comme vous l'avez indiqué, le ministère du Patrimoine canadien a un site Internet très complet sur les droits de la personne qui est accessible au public et qui comporte des liens vers les traités que le Canada a ratifiés ainsi que les rapports périodiques que le Canada a envoyés aux organismes des Nations Unies relatifs aux traités.

Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, le ministère de la Justice a récemment fait des ajouts à son site Internet pour y inclure des renseignements concernant les traités internationaux relatifs aux droits de la personne auxquels le Canada est partie, les rôles et responsabilités du gouvernement en matière d'adhésion aux traités, les processus d'adhésion aux traités au Canada, et les traités internationaux auxquels le Canada envisage d'adhérer.

Bien qu'il s'agisse de deux ministères qui ont chacun leur site Internet, nous faisons des liens entre nos sites respectifs afin d'accroître l'accessibilité de ces renseignements pour le grand public canadien.

Le sénateur Hubley : Ma deuxième question porte sur la recommandation 7. Le gouvernement du Canada a-t-il pris des mesures visant à mettre sur pied un bureau de l'ambassadeur canadien des droits de la personne, qui pourrait, entre autres, agir à titre de représentant permanent du Canada auprès du Conseil des droits de l'homme de Nations Unies et qui pourrait promouvoir les droits de la personne sur la scène internationale au nom du Canada?

M. Angell : Les droits de la personne sont une composante importante du portefeuille du représentant permanent du Canada aux Nations Unies à New York et du représentant permanent du Canada aux Nations Unies à Genève. Ceci est d'autant plus vrai concernant l'ambassadeur aux Nations Unies à Genève.

Le ministre des Affaires étrangères a annoncé publiquement que le Bureau de la liberté de religion, auquel on a fait référence un peu plus tôt, serait dirigé par un ambassadeur, ce qui signifie que c'est un ambassadeur qui s'occupera spécifiquement de cette question et qui collaborera étroitement avec nos ambassadeurs à New York et Genève, dont la tâche comporte un important volet consacré aux droits de la personne.

[Français]

Le sénateur Nolin : Monsieur Angell, à la lumière des événements de l'année dernière, je suis préoccupé par votre témoignage lorsque vous dites que les objectifs canadiens étaient d'améliorer la rapidité avec laquelle la communauté internationale réagit à des événements qui soulèvent la protection des droits de la personne.

Mes collègues viennent de soulever la question de la liberté de religion. Je ne peux pas ne pas être préoccupé par ce qui se passe en Égypte avec la minorité copte. J'aimerais savoir si, à votre point de vue, la communauté internationale est à même d'apprécier les arguments du gouvernement du Canada dans la défense de la mise en place d'une mécanique qui viserait à améliorer la rapidité de réaction de la communauté internationale?

J'ai l'impression que les événements de l'an dernier prouvent que la communauté internationale est sclérosée et qu'elle a de la difficulté à prendre action face à des attaques aux droits de la personne. Je prends comme point d'appui la minorité copte égyptienne qui, de toute évidence, va malheureusement passer sous le radar. J'espère que le bureau de la liberté de religion que le Canada est en train de mettre sur pied fera en sorte qu'on éclaire la défense de ces droits minoritaires.

M. Angell : Madame la présidente, en indiquant qu'il y a du progrès quant à la rapidité du conseil à réagir à des événements, je ne voulais pas suggérer que, 100 p. 100 du temps, sur toutes les priorités, il y a une réponse de la part du conseil. Malheureusement, ce n'est pas le cas.

Ce que je voulais indiquer, c'est que si on prend, par exemple, la situation en Libye ou en Syrie, le conseil a réagi à la hauteur des événements. On a vu très vite des sessions spéciales avec l'adoption de résolutions et la mise sur pied de comités d'investigation ou d'autres mécanismes.

En ce qui concerne l'Égypte, madame la présidente, l'importance et la vulnérabilité de la communauté minoritaire copte était le sujet de plusieurs déclarations du ministre des Affaires étrangères qui prend tout à fait au sérieux cette situation. Ce sont parmi les priorités de notre ambassadeur au Caire. Nous comprenons à quel point il y a une vulnérabilité.

Dans le discours du Trône et dans les déclarations qui ont été faites quant à la création du bureau pour la liberté religieuse, le point est fait que cette question de la liberté religieuse est comprise non seulement dans un contexte des droits de la personne, mais aussi dans un contexte de la création des sociétés démocratiques. La liberté religieuse est un des éléments clés pour bâtir des sociétés démocratiques.

En ce qui concerne l'Égypte et les efforts qu'on voit actuellement pour mettre en place une démocratie, il est évident qu'il est très important que cet aspect de la liberté religieuse soit abordé.

Je ne peux pas me prononcer sur les priorités du bureau qui n'existe pas encore, qui sera cependant bientôt créé, mais étant donné l'importance que le ministre des Affaires étrangères a soulevée envers la question des minorités coptes en Égypte, il semble qu'il ne serait pas surprenant si, pour le bureau, cette situation demeure une priorité.

Le sénateur Nolin : Je vous remercie, monsieur, de votre réponse. En soulevant l'importance de l'aspect démocratique du développement d'un État, je ne peux pas m'empêcher de penser aux conséquences de la démocratie. Si la démocratie fait en sorte que la loi de la majorité va l'emporter sur la défense des droits minoritaires, j'ai un problème. C'est pour cela que les droits de la personne doivent être de nature constitutionnelle, sinon on tourne en rond; on n'aboutit pas, on n'avance pas. Vous voyez ma préoccupation? Je n'ai pas de problème avec le respect de l'évolution démocratique d'un État en autant que les droits de la personne sont au-dessus de la volonté majoritaire et qu'ils sont protégés. Vous devez être d'accord avec moi?

M. Angell : Je suis tout à fait d'accord. C'est dans cet esprit que la liberté religieuse fait partie des droits fondamentaux qu'on voit dans la déclaration universelle.

[Traduction]

Le sénateur Ataullahjan : J'ai quelques questions concernant les violations des droits de la personne. Suit-on ce qui se passe en Libye? La semaine dernière, nous avons été informés qu'un ancien ambassadeur est décédé après avoir été détenu pendant 24 heures. J'aimerais que vous commentiez ces faits.

En outre, on commence à entendre parler d'abus envers les détenus. Cela fait-il l'objet d'une surveillance?

M. Angell : Lorsque ces deux cas d'abus des droits de la personne ont été révélés, le ministre des Affaires étrangères a lancé un message très clair en utilisant des termes d'une fermeté rare dans la diplomatie. Oui, la situation est suivie de très près.

Je ne suis pas un expert en la matière. Nous sommes organisés de sorte que nos bureaux géographique sont ceux qui prennent les devants lorsque l'on examine une situation particulière à un pays, mais je peux vous assurer que la situation fait l'objet d'un suivi extrêmement attentif.

Le sénateur Ataullahjan : Selon vous, le gouvernement du Canada fait-il tout ce qui est en son pouvoir pour s'assurer que tous les membres de la société civile participent au processus d'EPU? Vos processus de surveillance sont-ils transparents et accessibles au public?

Mme LaBarge : Un peu plus tôt, nous parlions du processus de consultation et de la manière dont nous tenterons de solliciter le plus possible la participation de la société civile. Nous avons mis en place de nouveaux processus et avons effectué un certain nombre de changements afin de s'assurer d'une consultation plus efficace de la société civile et des organisations autochtones.

Nous avons organisé des réunions à l'automne 2010 afin de déterminer un processus qui constituerait un pas en avant.

Plusieurs thèmes y ont été soulevés, dont la reddition de comptes et la transparence. Afin d'y répondre, le Comité permanent des fonctionnaires chargé des droits de la personne a accepté de transmettre des renseignements aux organisations concernant les recommandations entre l'examen et le processus d'élaboration de rapports en ce qui a trait à l'inclusivité et à l'accessibilité.

Cela inclut de vastes consultations, des communautés locales et des organisations régionales, et le CPFDP rencontrera de nouveau des organisations de la société civile et des organisations autochtones à leurs réunions bisannuelles — l'une à Ottawa et l'autre, six mois plus tard, dans une capitale provinciale ou territoriale — ce qui nous donnera la possibilité de rencontrer des représentants locaux et régionaux.

Les consultations que nous effectuons à Ottawa comprennent toujours une myriade de hauts fonctionnaires fédéraux qui n'hésitent pas à parler de leur domaine de spécialité respectif et qui peuvent traiter de bien des questions soulevées lors de l'EPU.

Une fois encore, nous nous servons aussi des réseaux des ONG afin de cerner les organisations pertinentes. C'est essentiellement l'étape à laquelle nous nous trouvons depuis le dernier EPU.

La présidente : Je dois dire que nous étions préoccupés lors des consultations la dernière fois. Nous sommes maintenant en février et votre exposé est en mai, et nous consulterons la société civile. Je vous invite à rester et à entendre leurs témoignages. On nous a dit que les consultations n'ont pas évolué aussi vite qu'elles l'auraient dû.

La raison pour laquelle les trois ministères ont été invités — Justice, Affaires étrangères et Patrimoine — est que le site du gouvernement vous présente comme les ministères centraux pour ce qui est de cette question relative aux EPU. Vous êtes censé coordonner le processus, solliciter les parties et élaborer les réponses. L'organigramme énonce clairement que tous les ministères, y compris Affaires indiennes, font rapport au comité interministériel.

Il y a quelque chose qui me chagrine dans votre réponse au sénateur Meredith. Dans vos témoignages écrits et verbaux au cours du premier EPU, le gouvernement du Canada a annoncé reconnaître qu'il existait des inégalités dans notre société entre les peuples autochtones et les autres Canadiens. Il a énoncé un certain nombre de choses — comme dans votre rapport — selon lesquelles les Autochtones étaient plus à risque d'être des bénéficiaires d'aide sociale, d'être victimes de chômage, d'être incarcérés, de vivre dans la pauvreté, de contracter des maladies et de se suicider. En outre, vous ajoutez que les femmes autochtones sont une source importante de préoccupations.

Le gouvernement du Canada s'est engagé à s'attaquer à ces problèmes et il a indiqué son intention de mettre l'accent sur le développement économique, l'éducation, l'habilitation des citoyens, la protection des personnes vulnérables, et ainsi de suite. Comme c'est ce dont vous avez parlé lors du dernier EPU et que le gouvernement du Canada a reconnu qu'il reste beaucoup à faire, comment entendez-vous vous assurer que ces améliorations seront faites avant le deuxième processus?

Mme LaBarge : Pour favoriser un meilleur engagement et des mesures correctives plus efficaces, nous avons créé un comité interministériel. Justice Canada, Affaires étrangères et Patrimoine canadien sont les principaux ministères intéressés par l'examen périodique, mais les conclusions de l'EPU doivent être examinées par les experts en la matière des ministères concernés.

Dans les grandes lignes du prochain EPU que nous avons fait parvenir à la société civile, nous répondons essentiellement aux conclusions du premier EPU. Comme il y avait plus de 60 recommandations, nous avons regroupé les réponses par thème. Il s'agit entre autres de la mise en œuvre des obligations internationales en matière de droits humains, des peuples autochtones, de la pauvreté et de l'itinérance, de l'inégalité et de la violence contre les femmes et les enfants.

Ces ministères primordiaux se réunissent chaque semaine et donnent suite à toutes les recommandations de l'EPU. C'est la meilleure façon de procéder pour la famille fédérale.

Dans le cas des provinces et des territoires, le travail se fait par l'entremise du CPFDP, car beaucoup de ces enjeux sont de compétences provinciales et territoriales. Nous en discutons avec eux aux réunions du comité coordonnateur pour faire l'état des lieux, et déterminer les moyens à prendre pour remédier aux problèmes de concert avec le ministère de la Justice, celui des Affaires étrangères et très souvent d'autres ministères, selon les objectifs en question. En règle générale, d'autres ministères sont bien représentés et participent à la coordination et aux discussions. Il y a d'abord la première réponse à l'EPU, un document d'une vingtaine de pages décrivant les suites qu'on donnera au premier groupe de recommandations. Vient ensuite la consultation selon le processus que nous avons élaboré. Je suis sûre que les choses vont évoluer et nous avons également le point de vue des provinces et des territoires. Voilà ce que nous faisons.

La présidente : Merci, madame LaBarge. Je ne vous demandais pas quel processus est en place pour les consultations. Je vous ai posé une question précise et j'attendrai volontiers si vous voulez y répondre par écrit puisque c'est une question assez vaste; le Canada a reconnu qu'il y a des problèmes non réglés relativement aux peuples autochtones. Ce que je vous demande, c'est si vous avez tracé un plan pour remédier à ces problèmes, pour qu'en 2013 lorsque nous irons à un autre exposé, les mêmes questions ne soient pas soulevées de nouveau.

Je vous demanderais de nous répondre par écrit, particulièrement en ce qui concerne les Autochtones. Je crois qu'il y avait 68 recommandations, dont 39 ont été acceptées par le Canada. Notre comité aimerait savoir quelles mesures sont prévues pour donner suite aux 39 recommandations acceptées par le Canada. Pourriez-vous nous donner par écrit le plan que vous avez tracé pour répondre à ces recommandations en indiquant ce qui est déjà en place? Je comprends tout à fait qu'il serait difficile pour vous de me donner ces renseignements aujourd'hui même, mais nous aimerions avoir votre réponse par écrit.

Mme LaBarge : Je ferai part de votre demande à mon collègue des Affaires autochtones qui est le spécialiste dans cette matière.

La présidente : Vous nous ferez parvenir un document décrivant les suites données aux 39 recommandations?

Mme LaBarge : J'en discuterai avec mes collègues. C'est à eux qu'il incombera de décrire avec précision les mesures déjà prises dans ce sens ou celles qui sont prévues.

La présidente : Je ne comprends pas très bien à quels collègues vous faites allusion. Je pensais que vous trois représentiez les ministères primordiaux à cet égard.

Mme LaBarge : C'est une responsabilité partagée : Justice Canada est responsable de l'interprétation et de l'application de la législation des droits de la personne. Le ministère des Affaires étrangères doit s'occuper du volet international, tandis que la coordination incombe à Patrimoine canadien. Nous ne sommes pas des spécialistes des recommandations.

La présidente : Je comprends très bien. Mais d'après le tableau qui figure sur le site Internet, tous les ministères relèvent de votre comité.

Quelles mesures ont été mises en place pour donner suite aux 39 recommandations? J'adresse la question à vous trois puisque c'est vous qui coordonnez ces mesures. J'aimerais savoir où on en est et qu'en est-il des suites données à ces 39 recommandations.

Par ailleurs, plusieurs personnes se sont plaintes devant notre comité que le site de Patrimoine canadien ne renferme que des renseignements rudimentaires au sujet de la participation du Canada. On y parle peu des occasions pour les citoyens de prendre part aux consultations avec le gouvernement fédéral; le site est également avare d'information sur la participation du Canada à l'EPU d'autres pays. Vous affirmez avoir fait des efforts pour mobiliser la société civile, mais sauf votre respect, le site Internet doit être amélioré pour faciliter la participation de la société civile. Il ne permet pas aux gens de contribuer au processus d'EPU. Et nous avons entendu des plaintes au sujet de la difficulté d'entrer en communication avec les comités principaux. Je m'en remets à vous pour corriger le problème.

Le sénateur Meredith : Je m'adresse à madame LaBarge. Vous avez dit que le processus heurtait certains écueils au départ, mais qu'on en a tiré de précieux enseignements.

Pour revenir à la question de madame le sénateur au sujet des 39 recommandations, la réputation internationale du Canada a-t-elle souffert ou s'est-elle améliorée à la suite du rapport du Comité des droits de la personne et de l'EPU initial?

M. Angell : Nous prenons l'EPU très au sérieux. Nous posons des questions épineuses à d'autres gouvernements et devrons donc nous attendre à ce qu'ils fassent de même avec nous. À notre avis, les critiques qui nous sont adressées, à nous ou à tout autre gouvernement responsable, rehaussent la crédibilité du processus. Nous admettons sans réserve les critiques d'autres gouvernements, car cela témoigne de l'intégrité de l'EPU.

Le sénateur Meredith : Avons-nous fait l'objet de critiques ou de commentaires positifs par suite des mesures que nous avons prises pour remédier à ces problèmes? Comment la communauté internationale a-t-elle réagi?

M. Angell : Je n'ai pas la liste complète des questions à portée de la main, mais les critiques ont été formulées de façon constructive. Bien entendu, comme dans le cas de tous les pays visés par l'EPU, les suites que nous donnerons à l'examen seront scrutées par d'autres pays. Le Canada n'a pas fait l'objet de critique particulière. Nous avons reçu des commentaires constructifs d'autres pays et nous y donnons suite, mais nous n'avons pas trouvé que les critiques à l'endroit du Canada étaient trop sévères, loin de là. Elles étaient très constructives.

Le sénateur Meredith : Vous dites que vous y donnez suite. À quoi exactement réagissez-vous?

M. Angell : Nous réagissons à l'ensemble des observations dans le cadre du processus piloté par Patrimoine canadien. Les commentaires visaient toute la panoplie des questions liées aux droits de la personne. Je ne peux pas vous répondre précisément au sujet d'une critique particulière adressée au Canada, mais je vous assure que nous prenons ces critiques très au sérieux.

Par exemple, on a encouragé le Canada à appuyer une déclaration de l'ONU, et depuis nous l'avons fait. Si vous parcourez la liste des recommandations, vous constaterez que nous avons donné suite à un bon nombre d'entre elles.

Le sénateur Meredith : Nous avons observé le fonctionnement du Conseil des droits de l'homme. À votre avis, fonctionne-t-il de façon efficace? Dans votre exposé, monsieur Angell, vous avez dit qu'on assiste à des votes en bloc. Pourriez-vous nous expliquer quels mécanismes sont mis en place pour que ce conseil puisse promouvoir les droits de la personne au lieu d'être un organisme dont chacun des membres essaie d'avancer ses propres intérêts?

M. Angell : Le conseil est encore en évolution. Comme je l'ai dit tout à l'heure, il y a eu d'importantes réussites au cours des dernières années, surtout lorsque le conseil s'est mobilisé vite pour dénoncer des atteintes flagrantes aux droits de la personne, comme celles qu'on a vues en Libye et en Syrie. Le Canada collabore avec d'autres pays qui partagent ces valeurs pour faire en sorte que les mécanismes soient aussi forts et crédibles que possible.

Par exemple, nous avons travaillé avec plusieurs gouvernements afin de tirer les enseignements du premier examen périodique universel et d'améliorer le deuxième examen. Nous sommes de fervents partisans des procédures spéciales, y compris les arrangements pris à la suite du premier EPU afin de fonder davantage le processus de sélection sur les compétences.

La composition du conseil est ce qu'elle est, mais nous travaillons avec les pays qui ont les mêmes valeurs que notre pays pour faire en sorte que le conseil intervienne rapidement et efficacement et que ces mécanismes soient les plus robustes possible. Comme je l'indiquais, nous avons été déçus de l'issue du processus d'examen. Cela dit, nous croyons toutefois qu'il y a un effet d'engrenage et le conseil devient un peu plus fort chaque année, mais il n'a pas fini d'évoluer.

Le sénateur Meredith : Le sénateur Nolin a évoqué le Bureau de la liberté de religion et nous avons mentionné les coptes. J'ai rencontré Shahbaz Bhatti en février dernier, et il a été assassiné en mars. Comment le conseil a-t-il réagi à cet assassinat? A-t-il exercé des pressions sur le Pakistan pour qu'il s'occupe du dossier? Vous dites que le conseil réagit rapidement à de tels cas. Nous avons des échos de ce qui se passe en Libye et de la situation des coptes en Égypte. J'ai été Bagdad en décembre, où des bombes ont explosé dans des églises.

Plus précisément, comment le conseil réagit-il rapidement aux incidents de ce genre dans le monde?

M. Angell : La réaction du conseil n'est pas positive sur toute la ligne. Nous avons connu des succès comme, par exemple, la tenue rapide de séances spéciales relatives à la situation en Libye et en Syrie, mais je ne me rappelle pas de la réaction du conseil à l'assassinat de M. Bhatti. Le gouvernement du Canada y a répondu très fortement.

Le sénateur Meredith : Je pense que le ministère des Affaires étrangères a émis une déclaration très forte, mais le conseil dépêche-t-il certains de ses membres à ces pays pour discuter avec leurs dirigeants lorsque de pareils événements se produisent?

M. Angell : Si vous permettez, nous enverrons après la réunion une réponse détaillée, car je n'ai pas cette information à portée de la main.

Le sénateur Meredith : Un autre témoin pourrait-il commenter la question?

La présidente : Je remercie les témoins d'avoir été des nôtres aujourd'hui. Comme vous voyez, nous sommes préoccupés par le processus de consultation que nous souhaiterions améliorer. Nous vous en reparlerons sans aucun doute. Nous attendrons avec impatience les documents que vous nous ferez parvenir sur les améliorations faites à la suite des 39 recommandations acceptées. Nous espérons avoir le plaisir de travailler de nouveau avec vous à l'avenir.

Permettez-moi de signaler la présence de l'ancien sénateur Prud'homme, qui s'est joint à nous aujourd'hui.

Je souhaite la bienvenue à M. Alex Neve, d'Amnistie Internationale, Mme Leilani Farha, du Centre pour les droits à l'égalité au logement, et à M. Sandeep Prasad, de l'organisme Action Canada pour la population et le développement. Comme vous l'aurez compris d'après les questions que nous avons posées au témoin précédent, notre principale préoccupation concerne la consultation de la société civile pendant le deuxième processus d'examen périodique universel. Chacun sait que pendant le premier processus, on a critiqué les consultations avec la société civile. Nous aimerions que vous nous parliez des améliorations faites par le gouvernement du Canada pour donner suite aux 39 recommandations qu'il a acceptées.

Nous vous entendrons en premier, Mme Farah.

Leilani Farha, directrice exécutive, Centre pour les droits à l'égalité au logement : Bonjour, madame la présidente et mesdames et messieurs les sénateurs. Je vous remercie de m'avoir invitée à témoigner aujourd'hui et je suis très heureuse de constater que votre comité demeure très intéressé à l'examen période universel du Canada de même qu'à la performance du Canada à titre de membre du Conseil des droits de l'homme. Ce soir, je parlerai de ce que le Canada a fait depuis le premier EPU et en préparation du deuxième qui doit avoir lieu en mai 2013. Je m'attacherai particulièrement aux recommandations dont on parle le plus et à la question plus vaste des consultations. Mon collègue, M. Neve, abordera le respect des droits de la personne dans le domaine juridique et politique au Canada. Monsieur Prasad commentera le travail du Conseil des droits de l'homme.

La dernière fois que j'ai comparu devant votre comité, c'était pour parler du même sujet en mars 2009. Le Canada venait de prendre connaissance du rapport du Conseil des droits de l'homme mais n'avait pas encore répondu aux recommandations formulées par d'autres pays. À l'époque, j'ai critiqué les modalités du Canada en matière de consultation et j'y reviendrai plus tard dans ma déclaration.

Depuis 2009, le Canada a donné suite aux recommandations formulées par les autres pays et il est en train de mettre en œuvre des mesures dans ce sens. Le prochain examen en 2013 portera sur la mise en œuvre des recommandations ou l'absence de mesures. Plusieurs ONG et associations autochtones de tout le pays participent à une évaluation de l'action du gouvernement relativement à chacune des recommandations formulées dans le premier EPU. Je n'ai pas le temps de vous donner une description détaillée de notre évaluation, mais dès qu'elle sera achevée nous la ferons parvenir au comité. Je peux toutefois vous dire que le Canada est susceptible de recevoir un mauvais bulletin relativement aux suites données à l'EPU, et sur deux fronts : la mise en œuvre de recommandations précises et ses interactions avec la société civile.

Permettez-moi de vous donner trois exemples de l'échec du Canada à cet égard dans différents domaines thématiques : les personnes handicapées, les droits des Autochtones, l'itinérance et la pauvreté.

Les ONG du Canada ont été ravies de voir le Canada ratifier la Convention sur les droits des personnes handicapées, donnant suite à une des recommandations de l'EPU. J'imagine qu'on donnera cet exemple pour montrer que le Canada a bien mis en œuvre une des recommandations de l'EPU, mais il ne l'a fait que partiellement. Le Canada a effectivement ratifié cette convention, mais il n'a pas ratifié le protocole facultatif s'y rattachant, contrairement à d'autres pays du monde. C'est le protocole facultatif qui donne vraiment corps à la convention parce qu'il s'agit du mécanisme grâce auquel des individus peuvent revendiquer les droits garantis par la convention. En ratifiant ce protocole, le Canada aurait reconnu expressément qu'on peut revendiquer ces droits, mais en omettant de le faire, il a envoyé le message contraire.

Le Canada a accepté nombre de recommandations visant à corriger les inégalités sociales et économiques vécues par les Autochtones et à protéger les droits des femmes et des enfants autochtones. Encore une fois, loin de donner suite à ces recommandations, le Canada a pris une position obstructionniste, comme en témoigne, par exemple, sa réponse à une décision historique du Tribunal canadien des droits de la personne portant sur les droits des enfants autochtones. Le tribunal a jugé discriminatoire que les programmes de protection de l'enfance et de services à l'enfance des Premières nations vivant sur les réserves n'obtiennent pas le même financement que les services équivalents offerts aux autres Canadiens. Le gouvernement a reconnu que le financement insuffisant de ces services a entraîné le placement d'un nombre disproportionné d'enfants autochtones hors de leurs familles, mais il s'est vivement opposé à ce que le tribunal tienne des audiences sur la question. Le gouvernement canadien fait valoir que le Tribunal canadien des droits de la personne n'est pas fondé à examiner ces décisions en matière de financement des services aux Premières nations. Cette position du gouvernement a des répercussions plus vastes : les Premières nations du Canada n'auront pas accès à la protection de la Loi canadienne sur les droits de la personne relativement à certaines des plus importantes décisions et actions du gouvernement. Son message est le suivant : vous avez peut-être des droits, mais vous ne pouvez pas les revendiquer ni demander réparation pour les atteintes à vos droits, du moins pas ici.

En ce qui concerne la pauvreté et l'itinérance dans l'ensemble de la population, le Canada a accepté la recommandation lui demandant d'intensifier ses efforts pour mieux respecter le droit à un logement adéquat, particulièrement pour les groupes vulnérables. Le projet de loi d'initiative parlementaire C-304, qui est parvenu à la troisième lecture au printemps dernier, donnait au gouvernement la possibilité de concrétiser cette recommandation.

Le projet de loi C-304 a rallié beaucoup de gens. Les trois partis d'opposition, de même que les municipalités, les associations autochtones et des organisations de la société civile de tout le Canada l'ont appuyé. Il n'aurait presque rien coûté au gouvernement de mettre en application les dispositions de ce projet de loi, mais cela aurait créé le mécanisme initial permettant à tous d'avoir accès à un logement adéquat dans ce pays. Or, au lieu d'adhérer à ce projet créatif qui aurait pu améliorer les conditions de logement des personnes les plus marginalisées au Canada, les députés conservateurs l'ont rejeté en comité et à la Chambre des communes. Ce faisant, ils ont réitéré encore une fois le même message : vous avez peut-être des droits, mais n'essayez même pas de les affirmer dans la législation.

Permettez-moi de commenter ce que le Canada a fait pour mettre en œuvre ces recommandations précises issues de l'EPU. Comme ces exemples en témoignent, le plus troublant n'est pas l'inaction complète du Canada, quoique ce soit peut-être le cas dans certaines situations. Le plus troublant, du moins d'après ces trois exemples, c'est qu'il a systématiquement et activement tâché de bloquer les mécanismes qui permettraient de concrétiser ces droits. Des mécanismes garantissant les droits de la personne à l'échelle internationale comme un protocole facultatif? Allons bon. Des mécanismes internes relatifs aux droits de la personne comme le Tribunal canadien des droits de la personne? Pas question. Des projets de loi comme le projet de loi C-304? Jamais.

Cela montre à mon avis que le gouvernement est très peu intéressé à garantir le respect des droits des personnes des groupes les plus marginalisés, qu'il s'agisse de droits garantis par le Conseil des droits de l'homme ou d'autres organismes. Car après tout, les droits de la personne sont illusoires si on ne peut les revendiquer ou demander réparation pour les atteintes à ses droits.

Étant donné la position du gouvernement, qui est de rejeter tout mécanisme de revendication des droits, il n'est guère étonnant qu'il n'ait pas réussi à collaborer sérieusement ou concrètement avec la société civile pendant le processus de l'EPU. Le gouvernement a accepté la recommandation d'organiser régulièrement des consultations globales avec la société civile à la suite des recommandations de l'EPU et en préparation du prochain rapport.

Dans le dernier mémoire que je vous ai présenté, je décrivais cet échec à consulter correctement la société civile avant l'examen. Peu a changé depuis. Après l'EPU, on a organisé une réunion des associations autochtones et des ONG nationales pour discuter des recommandations devant être acceptées ou rejetées. La réunion était très interactive, et beaucoup de fonctionnaires fédéraux présents s'intéressaient manifestement aux questions soulevées. Toutefois, il n'est pas évident que le gouvernement ait tenu compte des résultats de cette réunion dans sa réponse à l'EPU.

Mme LaBarge a énuméré les différentes réunions tenues depuis. Nous ne contestons pas l'existence de ces réunions, mais je crois qu'on pourrait dire ceci à leur sujet : dans aucune d'elles, on a déterminé les résultats souhaités ou exercé un suivi. Faute de ressources, différents organismes civils nationaux n'ont pas pu participer, y compris ceux qui représentent des groupes marginalisés, et les hauts fonctionnaires et responsables du gouvernement dotés de pouvoirs décisionnels brillaient également par leur absence.

On nous a récemment envoyé par courriel les grandes lignes du prochain rapport du Canada au Conseil des droits de l'homme, en nous disant que la tenue de consultation en personne était peu probable avant la rédaction du rapport. Autrement dit, il semble que tout cela se fera sous forme électronique. Quelqu'un a dit qu'aucune ressource n'avait été prévue pour la tenue de consultation avant mai 2013.

S'agit-il de progrès par rapport au dernier EPU? Pas à mon avis. Pour le dernier EPU, nous avons eu des consultations face à face partout au pays, même si cela s'est fait à la dernière minute et de façon désorganisée. Ce qu'il est ressorti de plus précieux de ces consultations, c'est que des centaines d'organisations s'intéressaient aux enjeux liés aux droits de la personne, même si elles ne les voyaient pas dans la perspective des droits de la personne. Cela nous manquera lorsque nous viendrons au cœur de la question, c'est-à-dire à la mise en œuvre effective des droits de la personne.

En terminant, je lancerais deux recommandations, si on peut les appeler ainsi. Premièrement, votre comité doit exhorter le gouvernement à changer complètement son approche en matière de droits de la personne. Si la gouvernance dans ce pays est fondée sur le respect des droits — et c'est là un gros « si » — elle repose sur une question défensive : la position du gouvernement contrevient-elle à la Charte ou à la Loi sur les droits de la personne? Toutefois, une approche des gouvernances sur les droits de la personne peut poser une question prospective, comme la suivante : La décision du gouvernement entraînera-t-elle un plus grand respect des droits de la personne?

Madame la présidente a demandé qu'on lui présente un plan d'action relative à la mise en œuvre des 39 recommandations. À mon avis, cela va dans le sens d'une approche proactive et prospective en matière d'application des droits de la personne au Canada.

Voici ma deuxième et dernière recommandation, que le gouvernement mette en place des mécanismes et des structures permettant de revendiquer des droits et que les gouvernements soient tenus d'en rendre compte. Monsieur Neve parlera davantage de ce point. Merci.

Alex Neve, secrétaire général, Amnistie Internationale Canada : Bonjour et merci, madame la présidente et mesdames et messieurs les membres du comité. J'aimerais me faire l'écho des propos de Mme Farha; je suis heureux de comparaître ce soir et je suis encouragé de voir que votre comité, qui a accordé autant d'attention aux questions liées aux droits de la personne garantis par l'ONU et à l'engagement du Canada dans le domaine des droits de la personne, continue ses travaux. C'est très heureux, car il y a peu d'autres endroits dans le processus parlementaire où l'on peut examiner précisément ces questions importantes. Je suis ravi d'être de nouveau des vôtres.

J'aimerais revenir sur les réflexions et les recommandations exprimées par Mme Farha au sujet de l'engagement initial du Canada vis-à-vis du processus de l'EPU en 2009 et de sa poursuite du processus l'année prochaine, en 2013.

Elle a attiré votre attention sur certains défis importants et très sérieux qui touchent à la fois les préparatifs du Canada en vue de l'EPU et la mise en œuvre des recommandations issues du premier EPU. Il importe de collaborer sérieusement et concrètement avec les associations autochtones et les organismes de la société civile tout comme d'améliorer l'accès des citoyens à leurs droits, les redditions de comptes chez les élus et une meilleure coordination entre le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires.

Ces éléments sont essentiels pour que l'engagement du Canada à l'endroit de l'EPU se concrétise par des mesures visant à garantir des droits importants au pays mais qu'il donne également l'exemple aux autres États.

Ces défis touchent également la façon dont le Canada s'engage dans d'autres dossiers importants touchant les droits de la personne à l'échelle internationale. Il doit par exemple décider d'appuyer et par la suite de ratifier d'importants traités internationaux sur les droits de la personne; se préparer en vue d'autres mécanismes d'examen de droits de la personne, particulièrement les examens périodiques effectués par les principaux organismes de l'ONU chargés de surveiller le respect des traités sur les droits de la personne et les visites ciblées au Canada d'experts ou de groupes relevant du système de procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme de l'ONU, comme par exemple la visite prochaine du Rapporteur spécial de l'ONU sur le droit à l'alimentation ou les visites passées du Rapporteur spécial de l'ONU sur les droits des peuples autochtones ou le Groupe de travail sur la détention arbitraire; et aussi assurer la mise en œuvre coordonnée des recommandations des experts et des organes internationaux des droits de la personne adressées au Canada.

Nous continuons à faire face à d'importants défis et lacunes dans chacun de ces domaines.

Un mémoire présenté dans le cadre de l'examen périodique universel du Canada en 2009, et qui a été appuyé par 48 organismes autochtones et de la société civile du Canada, présentait nos préoccupations et nos recommandations en ce qui concerne ce que nous avons appelé « les écarts dans la mise en œuvre au Canada ». Ce mémoire commençait en signalant que :

Nos organisations sont profondément inquiètes de l'écart grandissant entre les engagements que le Canada a pris sur la scène mondiale en ce qui concerne la protection des droits de la personne et le manquement à ces promesses au pays.

Nous sommes particulièrement inquiets du fait qu'il n'y a aucun moyen transparent, efficace et responsable de veiller à ce que ces engagements soient mis en œuvre.

Il n'a jamais existé au Canada d'organisme intergouvernemental doté du pouvoir et de la responsabilité de mettre en œuvre les recommandations et de répondre aux préoccupations. Le Comité permanent des fonctionnaires chargé des droits de la personne, une instance fédérale, provinciale et territoriale qui existe depuis plus de 30 ans, n'a pas ce pouvoir. Il n'a aucun pouvoir décisionnel, et ces travaux sont effectués entièrement à huis clos. Les commissions fédérales et provinciales des droits de la personne ne sont pas en mesure de jouer ce rôle puisque leur mandat est restreint et concerne des aspects précis de la non-discrimination qui ne s'étendent pas à bon nombre des droits garantis par les instruments internationaux. Il n'y a pas eu de rencontre interministérielle ni même de rencontre intergouvernementale de haut niveau pour traiter des droits de la personne au Canada depuis 1988.

Or, il s'est passé beaucoup de choses sur la scène internationale depuis 1988, par exemple : parmi d'innombrables autres évènements essentiels d'une importance considérable pour tous les niveaux de gouvernement au Canada, le Canada a ratifié sept traités depuis cette date — dont trois concernent les droits des enfants, l'un dans le domaine de la justice internationale et l'un sur les plaintes de discrimination contre les femmes, un autre sur l'abolition de la peine de mort et, tout récemment, les droits des personnes handicapées.

Depuis cette dernière réunion, cinq importants traités internationaux ont été adoptés par les Nations Unies mais n'ont pas été ratifiés par le Canada; ils concernent les travailleurs migrants, la prévention de la torture, les personnes disparues, les processus de plaintes relatives aux droits économiques, sociaux et culturaux ainsi que les droits des personnes handicapées.

En outre, il y a d'autres nouveaux instruments importants qui, bien qu'il ne s'agisse pas de traités revêtant une importance considérable pour le Canada, ont été adoptés depuis cette dernière réunion, et plus particulièrement, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

En outre, depuis la dernière fois que les ministres se sont rencontrés, 17 examens de la situation au Canada ont été effectués par six organismes différents des Nations Unies chargés du respect des traités. Il y a eu l'examen périodique universel et le groupe des procédures spéciales en matière des droits de la personne de l'ONU est venu au moins six fois au Canada pour faire enquête sur les peuples autochtones, les droits des migrants, le logement, le racisme et les détentions arbitraires. Juste cette année, il y aura trois examens de la situation au Canada en ce qui concerne la discrimination raciale, la torture et les droits des enfants; il y a également eu deux visites des rapporteurs spéciaux de l'ONU sur le droit à l'alimentation et sur l'extrême pauvreté et les droits humains.

Il y a toutes ces nouvelles obligations, toutes ces obligations non assumées, tous ces examens, toutes ces visites de niveau international, qui engagent tous la responsabilité du fédéral, des provinces et des territoires et au sujet desquels la société civile et les organisations autochtones ont eu beaucoup à dire et à offrir mais il n'y a eu aucune rencontre et il n'existe aucun processus pour assurer une coordination de plus haut niveau et, à l'occasion, l'attention et la prise de décisions au niveau ministériel.

Nous sommes certainement heureux de constater qu'un certain nombre de suggestions intéressantes ont été formulées à l'intention du Canada par de nombreux gouvernements qui ont participé à l'EPU pour améliorer l'exécution des traités et la consultation avec la société civile et nous nous félicitons que le Canada ait accepté une partie de ces suggestions.

Beaucoup d'organismes de l'ONU ont soulevé officiellement ces questions voilà plus de 10 ans; ils ont maintes fois demandé au Canada d'améliorer son approche de mise en œuvre, et bien sûr, votre comité lui-même a souvent exprimé ses préoccupations relativement à la mise en œuvre, à la consultation et à la coordination dans des rapports remontant jusqu'en 2001.

Toutefois, nous voici en 2012, après plus d'une décennie de recommandations de votre comité, des organismes des droits de la personne de l'ONU, de douzaines d'organismes de la société civile et d'associations autochtones, et tout récemment, de plusieurs autres pays qui, dans le cadre de l'EPU, demandent au Canada de modifier profondément sa façon de remplir ses obligations internationales en matière de droits humains. Très franchement, nous devons vous dire tous les trois que, malheureusement, nous n'avons pas progressé du tout sur beaucoup de plans.

Au fil des ans, nous avons proposé maintes fois un plan d'action en cinq points au gouvernement fédéral, de même qu'aux provinces et aux territoires. En terminant aujourd'hui, je vais vous en brosser les grandes lignes.

Premièrement, pour faciliter le processus, il faut instaurer un cadre transparent coordonné et responsable en matière de droits de la personne. Cela n'existe pas en ce moment. À l'heure actuelle, on tient quelques réunions avec la société civile et les associations autochtones pour leur permettre d'exprimer leurs préoccupations et leurs recommandations; à l'issue de ces réunions, on les remercie en disant qu'on tiendra compte de leurs points de vue. Un point, c'est tout. Ces réunions dépourvues de tout engagement ou de dialogue ne sont pas véritablement un processus de consultation, lequel devrait faire partie intégrante d'un cadre solide en matière de droits de la personne.

Il faut revoir différents éléments. Par exemple, la participation des fonctionnaires provinciaux et territoriaux aux consultations et à la mise en œuvre des recommandations n'est ni ouverte, ni transparente. On fait peu pour coordonner ou faciliter l'engagement des provinces et des territoires auprès de la société civile et des groupes autochtones. Il faut corriger cette lacune. Il doit y avoir plus de coordination entre les fonctionnaires de haut niveau du gouvernement fédéral, des provinces et des territoires pour faciliter la prise de décision transparente et responsable; la mise en commun de renseignements entre des fonctionnaires membres d'un comité permanent, qui se fait derrière des portes closes, ne suffit pas. On pourrait commencer par tenir une réunion des ministres fédéral, provinciaux et territoriaux responsables des droits de la personne, ce qu'on aurait dû faire voilà près de 25 ans.

Deuxièmement, le processus doit devenir permanent. Il ne faut pas attendre la préparation du prochain examen périodique relatif à un traité ou à un autre mécanisme d'examen pour consulter les ONG et les peuples autochtones sur les principales conclusions de l'examen précédent; il faut instituer un mécanisme ouvert, transparent et permanent de surveillance, de déclaration et de dialogue au sujet des mesures prises par suite des recommandations et des préoccupations formulées pendant les années d'intervalle entre les examens.

Troisièmement, et ce point est lié à ce que je viens de dire, les Canadiens doivent avoir aisément accès à cette information. Il doit y avoir un site que les Canadiens peuvent consulter pour savoir, par exemple, où en est le processus d'éventuelles ratifications de traités essentiels sur les droits de la personne. Seulement à l'intérieur de l'ONU, il y en a cinq que le Canada n'a pas encore ratifiés, mais il est presque impossible de savoir s'ils sont susceptibles de l'être. Si ce n'est pas le cas, pourquoi pas et quels sont les obstacles à la ratification? Je suis ce dossier de très près et je constate qu'il est presque impossible d'obtenir ce renseignement.

Dans la même veine, les Canadiens ne savent pas où s'adresser pour savoir où en est la mise en œuvre des recommandations de l'ONU ou si le Canada a décidé de ne pas donner suite à certaines recommandations, et pourquoi.

Quatrièmement, lorsqu'il prépare un rapport officiel pour l'ONU ou un organisme d'examen, le gouvernement doit agir de façon transparente et rendre des comptes au Parlement, aux assemblées législatives des provinces et à la population. Il est capital que les projets de rapports soient discutés devant un comité parlementaire ou dans le cadre d'un autre processus ouvert au public pour assurer la reddition de comptes dans le processus de rédaction de rapport. En ce moment, les Canadiens ne peuvent pas savoir ce que disent leurs gouvernements à l'ONU au sujet de leurs droits tant que le rapport n'a pas été signé, scellé et expédié à Genève. Le Canada présentera sous peu son premier rapport relevant de la Convention sur les droits des personnes handicapées, doit paraître au mois d'avril prochain. Toutefois, d'importants groupes de la société civile m'informent qu'on a à peine fait appel à eux pour ce rapport. Il n'est pas trop tard pour adopter une approche plus ouverte participative et responsable en ce qui concerne la rédaction de ce rapport.

Finalement, je dois soulever la question des ressources. Il faut offrir plus d'aide, y compris de l'aide financière, aux organisations de la société civile et aux associations d'autochtones pour leur permettre de jouer pleinement leur rôle dans le processus de mise en œuvre. Leur participation est essentielle, mais elle doit être soutenue pour être réelle et appréciable. Merci.

Sandeep Prasad, directeur exécutif, Action Canada pour la population et le développement (ACPD) : Merci, madame la présidente, bonsoir, mesdames et messieurs les sénateurs. Je suis honoré de comparaître de nouveau devant votre comité. Je l'ai déjà fait deux fois pour parler de la création du nouveau Conseil des droits de l'homme de l'ONU et du rôle du Canada au sein de ce conseil. Je félicite le comité de donner suite à ses rapports antérieurs sur la question et particulièrement de le faire maintenant.

Ces audiences viennent à point nommé, car l'examen quinquennal du Conseil des droits de l'homme vient de se terminer et le deuxième cycle de l'examen périodique universel débute; le gouvernement du Canada amorce en ce moment les préparatifs en vue de son deuxième EPU prévu pour le milieu de l'année 2013.

Mon organisation, Action Canada pour la population et le développement, est une association de défense des droits de la personne dans le domaine de la santé et des droits reproductifs et sexuels. Nous faisons beaucoup de représentation auprès du Conseil des droits de l'homme et travaillons avec des partenaires à l'étranger pour faire en sorte que ces questions soient abordées dans le cadre de l'examen périodique universel.

Ce soir, je vous ferai part de nos observations sur deux choses. Premièrement, les progrès réalisés et les défis qui se posent au travail du conseil et à l'EPU après l'examen quinquennal; et deuxièmement, la participation du Canada aux travaux du conseil et à l'EPU. En terminant, je proposerai quelques façons d'améliorer le rôle du Canada à cet égard.

Premièrement, les résultats de l'examen quinquennal du Conseil des droits de l'homme, terminé en juillet dernier, ont été très décevants. En effet, l'examen ne proposait aucun changement profond du fonctionnement, des méthodes de travail ou des mécanismes du conseil. Le rapport n'a pas fait écho aux améliorations proposées par les ONG pour améliorer la coopération des États avec les procédures spéciales et le processus de l'EPU, entre autres.

Les résolutions du conseil demeurent inégales : certaines font avancer les droits de la personne mais quelques-unes vont à l'encontre des normes établies dans ce domaine. Heureusement, la grande majorité des résolutions font avancer les droits de l'homme et nous constatons que le conseil a fait des progrès très importants dans certains nouveaux domaines.

Ainsi, il a adopté en juin une résolution historique sur les droits de la personne, l'orientation sexuelle et l'identité de genre. Deuxièmement, le conseil fait un travail d'avant-garde relativement aux dimensions des droits de la personne que sont la mortalité et la morbidité maternelles. Troisièmement, il a établi de nouveaux mandats prometteurs relativement aux procédures spéciales, y compris un nouveau groupe de travail sur l'élimination de la discrimination contre les femmes dans le droit et la pratique, sans oublier la nomination d'un Rapporteur spécial sur la liberté de réunion et d'association. Ce sont là autant de progrès majeurs de la part du conseil.

Toutefois, il a également adopté des résolutions régressives qui risquent de miner sa crédibilité. C'est notamment le cas de la résolution sur les valeurs traditionnelles pilotée par la Russie, qui souhaite asseoir la notion de valeurs traditionnelles dans la doctrine des droits de la personne pour renforcer des arguments fondés sur le relativisme culturel pour contester l'universalité des droits de la personne.

L'EPU demeure un des importants processus du conseil. Il est pertinent de se demander à présent ce que le premier cycle d'examen a produit. Il a incontestablement entraîné une kyrielle de recommandations touchant beaucoup de grands sujets des droits de la personne, et dans certains cas des recommandations très fermes. La plupart des pays ont pris très au sérieux leur participation à ce premier cycle. En ce qui concerne la mise en œuvre des recommandations de l'EPU, toutefois, les efforts semblent fragmentaires et partiels.

Selon certaines études systématiques sur la mise en œuvre, il y a des cas où il n'y a eu que peu de progrès et d'autres cas où seules quelques recommandations ont été concrétisées. Pour l'avenir, l'examen suivant devenant imminent, je suis sûr que les États vont faire diligence pour prouver une mise en œuvre accrue et leur bonne foi. Je prévois que les plans de mise en œuvre, qui auraient dû être élaborés immédiatement après le premier examen, seront préparés en prévision du deuxième examen.

L'examen portant sur le deuxième cycle doit vérifier la mise en œuvre des résultats de l'examen portant sur le premier cycle. Toutefois, lors de l'examen du premier cycle, bien des enjeux soulevés par la société civile ont été écartés. L'examen portant sur le deuxième cycle doit porter sur les questions de droits de la personne qui n'ont pas été étudiées lors du premier examen.

Le Canada a le mérite d'avoir adopté une politique de participation à chacun des examens. Nous exhortons le gouvernement, lors de sa préparation en vue de chaque EPU, à se pencher sur les questions écartées lors du premier examen et à examiner leur évolution au cours des quatre années, en vue de les mettre en lumière lors du deuxième examen.

S'agissant de la participation du Canada au travail du conseil, le comité lors d'études précédentes sur ce sujet a entendu nombre de représentants d'ONG lui dire que le Canada, en tant que membre du conseil, adoptait régulièrement des positions polarisées et oppositionnelles, faisant souvent cavalier seul à cet égard. En tant qu'observateur, le Canada s'est efforcé de mettre l'accent sur les négociations, là où il peut jouer un rôle constructif. Toutefois, à l'occasion, il se comporte encore d'une façon qui continue de faire du tort à sa réputation en tant que chef de file en matière de droits de la personne sur la scène internationale.

Voici deux exemples : le Canada s'oppose à la reconnaissance du droit à l'eau potable et à l'octroi du statut de rapporteur spécial à l'expert indépendant sur la question, et en outre, le Canada réclame que le programme de travail du mécanisme d'expert sur les droits des peuples indigènes soit présenté au conseil pour obtenir son aval, ce qui menace l'indépendance de ce mécanisme.

Pour l'avenir, le Canada doit établir un ordre prioritaire pour ce qui est de ses efforts diplomatiques afin qu'il participe à des discussions où il peut jouer un rôle vraiment constructif. Il pourra s'inspirer des cas où il a agi ainsi, notamment son travail constructif sur les résolutions concernant la violence contre les femmes, l'orientation sexuelle et l'identité sexuelle, la mortalité maternelle, ainsi que son opposition à la résolution sur les valeurs traditionnelles.

Le Canada doit améliorer nombre de ses pratiques avant de pouvoir contribuer efficacement à la mise en commun de pratiques exemplaires à l'échelle internationale. Il y a de nombreux exemples de pratiques qui gagneraient à être améliorées.

Tout d'abord, il faut s'assurer que les politiques nationales et autres sont conçues pour refléter les pratiques exemplaires et l'esprit des résolutions que je viens de citer. Par exemple, le Canada a coparrainé la résolution historique sur l'orientation et l'identité sexuelles, si bien qu'il devrait consolider les protections juridiques à l'égard des personnes transgenres au Canada.

Le Canada a coparrainé la résolution annuelle sur la mortalité maternelle et ce faisant, on a signalé la nécessité de s'occuper des avortements dangereux et d'offrir des services sûrs à cet égard. Toutefois, l'ACDI maintient une position intenable concernant le financement canadien de ce genre de services à l'étranger.

Ces exemples ne tiennent pas compte des pratiques exemplaires et ne respectent pas l'esprit des résolutions sur lequel le Canada a travaillé de façon constructive.

Le comité l'a entendu de la bouche des représentants d'ONG : le Canada doit améliorer ses pratiques de consultation avant et après les examens portant sur les droits de la personne. La ratification par le Canada de la Convention des droits des personnes handicapées était prometteuse. Pourtant, dès avril, le Canada doit déposer son premier rapport tel que l'exige le traité et il n'a pas entrepris des dialogues sérieux avec les représentants intéressés de la société civile.

Enfin, en ce qui concerne ses pratiques au sujet de son propre examen dans le cadre de l'EPU, le Canada a beaucoup de chemin à faire. Il n'a pas déposé de rapport de mi-mandat. Le gouvernement n'a aucun plan de mise en œuvre accessible au public et les consultations qu'il a menées auprès de la société civile et des organismes autochtones laissaient grandement à désirer.

En ce qui concerne l'EPU, le Canada devrait suivre l'exemple d'autres pays. Par exemple, le processus de consultation du Brésil lors de premier EPU comportait environ trois séries de consultations en personne et la possibilité pour les intéressés de soumettre des observations écrites sur l'ébauche de rapport. Le troisième processus de consultation était en fait une audience du Sénat brésilien sur l'ébauche de rapport du gouvernement et la société civile était invitée à faire des exposés. Cet exemple est beaucoup plus proche du processus qu'il nous faudrait ici au Canada.

En conclusion, ce genre d'amélioration à la participation du Canada aux travaux du conseil, ainsi que ce genre de réformes de la politique et de la pratique intérieures aideraient le Canada à se positionner plus efficacement pour promouvoir les droits de la personne à l'échelle internationale. Je m'arrête là pour le moment. Ce sera un honneur pour nous de répondre à vos questions.

Le sénateur Meredith : Merci pour votre passion et vos exposés.

Madame Farha, je sens votre frustration face à ce processus et au fait que les ministères de la Justice, des Affaires étrangères et du Patrimoine canadien viennent de nous dire que ce processus est ouvert et que la société civile est consultée. Est-ce que je vous ai bien entendue dire que ce n'est pas le cas, et pourquoi ce n'est pas le cas?

Mme Farha : Je ne sais pas si je dirais que le processus n'a pas été ouvert et que la société civile n'a pas été incluse dans une certaine mesure. Nous avons été invités à une série de consultations ou de rencontres. En fait, au départ, ils ne les ont pas qualifiées de « consultations »; ils ont plutôt parlé de « sessions d'engagement », car ils ne nous consultaient pas. Le gouvernement avait déjà présenté son rapport avant de nous rencontrer. C'était avant le premier examen.

Depuis, il y a bien sûr eu quelques réunions, mais je vais vous donner un exemple. Entre l'examen et le moment où le gouvernement a accepté les recommandations, il y a eu une réunion à Gatineau. La réunion regroupait surtout des ONG nationales, car elle avait lieu à Gatineau, et il n'y avait pas de ressources, ou très peu, pour faire venir des gens de l'extérieur. Il y avait quelques personnes de Montréal, mais c'est tout.

C'est le premier exemple de l'absence d'une vraie consultation. Les organismes nationaux font un travail formidable, mais ils ne représentent pas tout le monde, et nous avons des façons très différentes de présenter les enjeux, surtout les enjeux locaux.

Cette réunion était intéressante. Certains des bureaucrates présents étaient vraiment engagés et certainement intéressés à l'EPU. Ils n'en connaissaient pas grand-chose, mais ils apprenaient. Cependant, nous n'avons certainement pas eu l'impression qu'il y avait un rapport quelconque entre cette réunion et ce que le gouvernement du Canada avait décidé d'accepter comme recommandation dans le cadre du processus de l'EPU. Les deux étaient dissociés.

Pour ceux qui travaillent dans ces domaines — moi, je travaille dans le domaine du logement — il ne suffit pas qu'on nous pose des questions au sujet du sans-abrisme et de la pauvreté auxquels font face les personnes les plus marginalisées du pays et de nous dire ensuite : « Merci beaucoup. » Il n'y a pas de suivi et nous n'avons pas l'impression que notre contribution servira à quelque chose, qu'elle sera prise au sérieux et qu'on en tiendra compte aux prochaines étapes, car il n'y a pas de plan.

Je ne peux pas vraiment vous expliquer pourquoi cela se passe de cette façon, sauf qu'il n'y a pas de véritable engagement en ce qui concerne les droits de la personne. Mes collègues auraient peut-être quelque chose à ajouter à ce sujet.

M. Neve : Je suis tout à fait d'accord avec Mme Farha. Il y a eu des réunions. Nous connaissons beaucoup des fonctionnaires qui ont participé à la planification de ces réunions et nous apprécions leurs efforts. Cette planification exige beaucoup de travail.

L'ennui, c'est qu'il n'y a pas d'appui politique. Les réunions qui ont lieu entre les fonctionnaires et la société civile se font avec des fonctionnaires qui n'ont aucun pouvoir, aucune autorité pour répondre à ce qu'ils entendent, ou partager leurs opinions ou idées sur la validité et l'efficacité des recommandations qui leur sont faites. La prise de décision se fait ailleurs de façon très fragmentée, il n'y a aucune coordination des ministères fédéraux clés avec les ministères provinciaux et territoriaux de sorte qu'il y ait un vrai dialogue avec la société civile à ce niveau-là.

J'ai l'impression que les organismes ne font que fournir leurs points de vue et de l'information, mais rien ne leur revient. Pour dire qu'il y a eu un dialogue efficace et qu'un processus de consultation existe, il faut que ça aille dans les deux sens. Les deux parties doivent savoir à quoi servent leurs points de vue et leurs renseignements et il faut aussi comprendre quel effet tout cela peut avoir par rapport au résultat final. On n'est pas du tout rendu là. Je crois que c'est universel, presque tous les organismes qui participent à la poignée de réunions qui ont lieu se sentent insatisfaits puisqu'ils n'ont pas du tout l'impression d'avoir participé à un processus concret.

Le sénateur Meredith : Personne n'en prend la responsabilité. Je crois que vous avez mentionné, monsieur Neve, le processus de mise en œuvre de ces recommandations. Qu'il s'agisse des Affaires étrangères ou du ministère du Patrimoine canadien, ils semblent se renvoyer la balle et dire « Je croyais que c'était vous qui deviez le faire ». Cela fait 10 ans que ça dure et les choses n'ont toujours pas avancé.

Vous avez parlé de trois autres examens pour le Canada. Pouvez-vous nous dire qui est à l'origine de ces examens et quel en serait le suivi?

M. Neve : Pour revenir à ce que vous avez dit au début, je crois que c'est tout à fait juste. Certains processus et certaines entités existent. Le CPFDP existe depuis plus de trois décennies et travaille à huis clos, sans que la société civile ne puisse participer de façon constructive. Nous savons qu'il existe un groupe interministériel fédéral qui se réunit relativement régulièrement, mais là encore, il n'y a aucune participation de la société civile.

Par le passé on nous avait dit qu'il existait des procédés et des comités de sous-ministres qui rassemblaient les ministères au sein du gouvernement fédéral mais sans participation de la société civile. Il n'y a rien eu pour rassembler tous les joueurs de façon à prendre des décisions avec une perspective globale, efficace, responsable. Cela n'existe toujours pas.

Par rapport aux examens prévus pour cette année, trois organes conventionnels examinent la conformité du Canada en ce qui a trait à trois différents traités. Un examen est prévu pour le mois prochain. Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale étudiera le bilan du Canada par rapport à cette question. Au mois de mai, le Comité contre la torture étudiera le bilan du Canada par rapport à la Convention contre la torture et autre peine ou traitement cruel, inhumain ou dégradant. À l'automne, je crois que c'est au mois de septembre, le Comité des droits de l'enfant se penchera sur le bilan du Canada à cet égard. En fait, cette semaine le Comité des droits de l'enfant tient un examen présessionnel sur le Canada où l'on discute des enjeux qui devraient faire l'objet de l'examen à venir sur le Canada.

M. Prasad : Je crois que le dernier commentaire que vous venez de faire, sénateur Meredith, touche le cœur même du problème lié à la consultation.

Je suis parfaitement d'accord avec la réponse que mes collègues ont offerte à votre première question, en ce qui a trait aux consultations.

J'aimerais ajouter quelques commentaires. Nous n'avons pas encore terminé le processus de l'EPU, le premier auquel le Canada ait participé. À mon avis, nous n'avons toujours pas de plan de mise en œuvre qui nous permettrait d'intégrer les recommandations qui ont été retenues dans un plan de travail cohérent, un plan d'action national, afin de nous préparer au prochain examen.

D'après certaines rumeurs, le gouvernement aurait préparé à l'interne un document dont il se sert pour suivre la mise en œuvre des recommandations; nous ne l'avons pas vu. Ces processus de consultations ne sont pas suffisamment transparents.

L'engagement politique présente un autre problème. Par exemple, je viens de participer à la table ronde de Muskoka de la ministre de la Coopération internationale. Il y a eu beaucoup d'engagement alors au niveau politique. La ministre était présente; il y avait également des cadres et des représentants de l'ACDI. Ce type d'engagement est justement ce dont nous avons besoin dans le secteur des droits de la personne au Canada, et ce de façon permanente, avec la participation des gouvernements provinciaux et territoriaux.

Le sénateur Meredith : Quand j'étudie ce processus, je me dis toujours que des millions de dollars sont consacrés à entendre des témoins et à rédiger des rapports. Personnellement, je ne pense pas que des rapports devraient être rédigés simplement pour dire qu'il y a un rapport, alors que l'élément le plus important c'est la mise en œuvre. D'après vous, que pourrait faire le comité pour assurer la mise en œuvre de ces recommandations? Comme on l'a signalé plus tôt, 39 de ces recommandations n'ont toujours pas été mises en œuvre. Que proposez-vous? Madame la présidente, je sais que je ratisse large, alors n'hésitez pas à intervenir.

À mon avis, le temps est venu de cesser d'être hypocrites, et d'agir, de faire ce que nous avons dit que nous allions faire. Nous parlons des droits de la personne, mais nous ne faisons pas ce que nous devrions faire. C'est de l'hypocrisie sur la scène internationale, et je ne blâme pas exclusivement le gouvernement actuel. Le problème existe déjà depuis 10 ans. Le gouvernement précédent n'était pas parfait. Il ne s'agit pas de blâmer qui que ce soit, mais plutôt de faire ce qui doit être fait. Lors de la dernière série de questions, j'ai demandé comment ce rapport avait miné notre crédibilité sur la scène internationale. Je crois que c'est une chose importante. Les sénateurs qui sont autour de cette table, peu importe leur allégeance politique, veulent que le Canada agisse. Je pense qu'il est important que nous rappelions aux gestionnaires ministériels et aux ministres que le temps est venu d'agir. Chaque fois qu'il y a une réunion, on affecte des ressources, on dépense de l'argent, mais si on ne met rien en œuvre, à mon avis, comme hommes d'affaires, nous gaspillons l'argent des contribuables. Il ne sert à rien de s'engager à faire quelque chose si nous ne mettons pas les recommandations pertinentes en œuvre.

Je sais que je ne mâche pas mes mots, et je me ferai probablement taper sur les doigts plus tard, mais peu importe. C'est la chose à faire. Il faut dire tout simplement cela suffit, il faut agir, protéger notre réputation sur la scène internationale et mettre en œuvre les recommandations pertinentes. Il ne faut pas nous soustraire à nos engagements. Il nous faut agir.

Je veux donc vous demander ce que notre comité peut faire. Les contribuables nous rémunèrent pour que nous agissions, que nous rédigions des rapports, afin d'assurer que l'on passe de la parole aux actes et que l'on agisse pour améliorer la vie des gens. Que pouvons-nous faire?

M. Nerve : Je suis convaincu que nous pourrons tous suggérer quelque chose. Je vais faire deux suggestions.

Nous avons tous signalé que le grand défi qui se pose actuellement est la mise en œuvre. Entre autres, il est très difficile de comprendre où on en est au sujet de la mise en œuvre des recommandations et quels progrès ont été effectués. Peut-être votre comité pourrait-il demander qu'on lui fournisse à intervalle régulier des mises à jour sur le processus de mise en œuvre. Nous irions même plus loin. Nous proposons que vous organisiez des audiences sur ces rapports, sur les mises à jour intérimaires sur la mise en œuvre, à la fois en ce qui a trait à l'examen périodique universel et aux organismes créés en vertu de traité; nous proposons de plus que ces audiences aient lieu à intervalle régulier, entre les diverses réunions sur l'examen périodique, de sorte que vous puissiez vous assurer que tout le monde fait son travail; de cette façon, comme parlementaires, vous pourrez suivre les progrès effectués, ou l'absence de progrès, au sujet de la mise en œuvre; si tout cela se déroule dans un processus parlementaire, cela permettra d'assurer une certaine transparence et un accès.

Je me dois de revenir à ma recommandation habituelle, soit le besoin de convoquer une réunion ministérielle sur les droits de la personne. Ce genre de réunion se fait attendre depuis déjà très longtemps. Je ne crois pas que cela règlera tous ces problèmes, mais nous devons trouver une façon de créer de nouveaux modèles afin d'assurer que nos hauts responsables politiques se réunissent pour discuter des problèmes en matière de droits de la personne auxquels nous sommes confrontés et afin d'assurer que nous donnons vraiment suite aux recommandations internationales dans ce dossier. Même si les fonctionnaires qui se réunissent deux fois par année, notamment au sein du comité permanent, font preuve de bonne volonté et travaillent très fort, ils ne pourront que faire quelques pas dans la bonne direction à moins qu'il n'y ait un vrai processus politique complémentaire pour les appuyer. Je crois qu'une réunion des ministres est une façon de lancer le genre de discussions et d'échanges nécessaires.

Je sais que votre comité a déjà cette recommandation. C'est une recommandation que vous devez formuler à nouveau dans le cadre de l'étude que vous effectuez actuellement. À titre d'intervenants du processus parlementaire, vous pouvez communiquer directement avec les ministres fédéraux et provinciaux pour les encourager à organiser cette réunion.

Mme Farha : Je suis parfaitement d'accord avec ces excellentes recommandations.

Vous avez mentionné un peu plus tôt la protection de la réputation du Canada sur la scène internationale, une réputation qui a été entachée dans plusieurs secteurs. C'est justement une partie du problème. Mon secteur d'intérêt est celui des droits sociaux et économiques. Tout particulièrement, je me penche sur la pauvreté et le sans-abrisme des groupes vulnérables et défavorisés. La position du Canada sur la scène internationale ne correspond certainement pas à celle de la communauté internationale dans ce dossier.

Quand vous suivez de près ce que le Canada fait et dit sur les droits comme le droit à l'eau potable et le droit à un logement convenable, vous constaterez que le Canada ne croit pas que ces droits relèvent de la compétence des tribunaux. Enfin, le Canada ne reconnaît même plus dans un forum international qu'il s'agit en fait de droits; tout cela va à l'encontre de ce que soutient la communauté internationale. Au Canada, on se demande ce qu'il en est de la mise en œuvre. Lorsque le gouvernement ne croit pas qu'il s'agit là de droits de la personne et qu'il a, en fait, des obligations à cet égard, nous avons un problème énorme.

Je me demande ce que votre comité peut faire à l'égard de ce problème, et je dois dire que ce que vous faites actuellement est fort utile. Les mécanismes qu'a mentionnés M. Neve seraient utiles. Demander des mises à jour sur la mise en œuvre des recommandations pour chaque organisme créé par un traité dans le cadre des Nations Unies et de l'EPU créerait un fardeau très lourd; cependant, vous pourriez demander un plan général sur les activités périodiques, comme vous l'avez fait dans le cas du groupe précédent, et ça serait un bon départ. Si vous agissez de cette façon, vous communiqueriez un message clair au gouvernement, soit que votre comité juge que nombre de questions relèvent des droits de la personne et que vous les suivez de près.

M. Prasad : J'appuie entièrement les commentaires de mes collègues. Des plans de mise en œuvre pourraient constituer un bon départ. Il n'y a pas suffisamment d'information publique sur ces plans. Nous ne connaissons pas la position du gouvernement par rapport à ces recommandations et à leur mise en œuvre. Lorsque nous recevons des recommandations d'organes de suivi des traités, nous ne connaissons pas nécessairement la position du gouvernement à leur égard.

Lorsque le gouvernement doit soumettre un rapport, il serait bien qu'un comité parlementaire comme le vôtre demande une ébauche et fasse comparaître des témoins pour en discuter avant qu'il ne soit soumis.

Le sénateur Ataullahjan : À votre avis, nous n'avons pas mis en œuvre les leçons et recommandations de notre dernier EPU. Croyez-vous que nous sommes sur la bonne voie pour le prochain?

Mme Farha : Certains parmi nous travaillons à colliger un tableau sur la mise en œuvre par le Canada des 39 recommandations. J'aurais aimé que ce tableau puisse vous être présenté; il est toutefois actuellement à l'étape de l'ébauche.

La présidente : Pourriez-vous le mettre à notre disposition dans quelques semaines?

Mme Farha : Absolument. Nous y mettons la dernière main, alors il devrait être prêt d'ici un mois.

J'ai fait un examen rapide dans le cadre de ma préparation à la présente séance, et j'ai été scandalisée de voir combien de recommandations n'ont fait l'objet d'aucun suivi d'après ce que j'ai pu voir et selon les évaluations des ONG.

En tout respect, je crois que nous avons répondu à la question de savoir si le Canada était prêt ou faisait de bons progrès pour l'EPU 2. Pour faire des progrès à cet égard, il faudrait mettre en œuvre les recommandations du premier examen, alors je crois qu'il y a des lacunes.

Nous avons discuté du processus de consultation à ce jour et, à moins qu'il y ait des améliorations considérables au cours des quelques prochains mois, je ne crois pas que ce processus de consultation portera des fruits ou sera constructif, ce qui ne respecte pas l'esprit de l'EPU. Je ne sais pas si M. Prasad en a parlé dans ses commentaires. Il nous rappelle souvent que l'EPU devait constituer un nouveau mécanisme au sein du système de l'ONU qui favoriserait un meilleur dialogue et donc la mise en œuvre des droits de la personne entre les gouvernements, la société civile et les organismes autochtones.

Non, je ne crois pas que nous ayons atteint les objectifs.

La présidente : Lorsque vous nous donnerez le tableau, nous aimerions le faire parvenir à des fonctionnaires pour obtenir leurs réactions, si vous n'avez pas d'objections. Dites-nous ce que vous en pensez.

Le sénateur Hubley : Monsieur Prasad, vous avez brièvement parlé du modèle brésilien et expliqué pourquoi ce modèle fonctionne de façon plus satisfaisante que le nôtre. Pouvez-vous nous dire quel autre pays pourrait servir de modèle pour le Canada pour la suite de notre processus de consultation et la préparation du prochain EPU?

M. Prasad : Le modèle brésilien m'interpelle de façon très claire en raison des aspects évidents de surveillance parlementaire et de consultations répétées de façon transparente par rapport à l'ébauche. Je sais que le Royaume-Uni a un processus solide. Je ne sais pas s'il comporte une surveillance parlementaire comme telle, mais il y a certainement des échanges transparents sur l'ébauche avant que le document ne soit définitif.

Je devrai vous revenir avec des exemples plus tard, si vous n'avez pas d'objections.

Le sénateur Hubley : Que devrait impliquer la surveillance parlementaire selon vous?

M. Prasad : Je suis certain que mes collègues auront des réponses différentes, mais selon moi, il faudrait que des parlementaires examinent l'ébauche.

Le sénateur Hubley : Les députés de la Chambre des communes.

M. Prasad : Mes collègues brésiliens vous diront qu'il y a eu un changement de ton dans l'ébauche du rapport entre le moment où le gouvernement a fait son premier jet et le moment où ils ont reçu les commentaires écrits et tenus des audiences avec le Sénat brésilien. Autrement dit, l'aspect mea culpa du rapport du gouvernement a beaucoup été accru tout au long de ce processus. Précédemment, le gouvernement faisait la liste de ses réussites dans le domaine des droits de la personne; mais après ce processus, cet aspect est devenu plus discret et on s'est davantage concentré sur les défis à relever dans le domaine de la protection des droits de la personne. Il s'agit d'un aspect important.

M. Neve : Un rôle principal d'un comité comme le vôtre est de tenir des séances et d'examiner une ébauche de rapport. L'autre défi auquel nous devons faire face au Canada, et je ne crois pas nécessairement avoir une solution facile à proposer, est de trouver une façon significative d'intégrer les législatures provinciales. Il y a une autre question clé, soit les nombreuses lacunes et les nombreux défis auxquels doit faire face le processus canadien : la mesure presque inexistante dans laquelle les législatures suivent les processus, en sont au courant ou y participent, et ce qui est dit ou pas dit sur la question des droits de la personne dans les provinces et les territoires à mesure que le processus avance. Est-il réaliste d'imaginer que le Parlement et les assemblées législatives du pays puissent tenir des séances pour examiner un rapport? C'est peut-être un peu excessif. Toutefois, il est important de trouver un moyen par lequel les assemblées législatives provinciales pourraient effectuer une surveillance dans le cadre du processus.

La présidente : Certaines de mes questions seront précises. Si vous estimez que nous devrions attendre votre plan pour les 47 recommandations, je n'ai pas d'objection, mais je vais vous poser les questions tout de même. La moitié des 68 recommandations porte sur l'état des collectivités autochtones. Êtes-vous au courant du type de consultations qui ont eu lieu dans les collectivités autochtones? Travaillez-vous avec elles?

M. Neve : Aucun de nous ne serait à l'aise de parler au nom des organismes autochtones, qui auraient des points de vue bien arrêtés à ce sujet. Nous ne pouvons peut-être qu'offrir certaines de nos observations de la société civile.

Je reviendrais aux consultations — la réunion de Gatineau, comme elle est connue — dont Mme Farha a parlé dans ses remarques. Cette réunion a eu lieu entre le moment où le Canada a fait l'objet d'un examen et a reçu toutes les recommandations, et le moment où il indique au conseil quelles recommandations étaient acceptées, soit un moment essentiel du processus d'EPU.

La réunion était en fait très importante. Elle a été décevante à bien des égards parce qu'on a eu l'impression qu'il s'agissait surtout d'un dialogue unidirectionnel, comme je l'ai mentionné plus tôt. La première journée de la réunion était consacrée à la société civile, et la deuxième, aux organismes indigènes. Je n'étais pas là le deuxième jour, et je crois que personne ici n'y était, alors nous ne pouvons vous donner nos impressions de ce qui s'est passé ce jour-là. Je peux vous dire toutefois que personne ne m'a jamais parlé avec enthousiasme de cette réunion. L'expérience était probablement très semblable au dialogue unidirectionnel que nous avons eu avec très peu de rétroaction.

Les réunions plus récentes ont mélangé les deux. Une réunion récente sans précédent a quelque peu ouvert le dialogue en prévision de la réunion de novembre du Comité permanent des fonctionnaires chargés des droits de la personne. Trois ou quatre provinces étaient à la réunion, qui a été décevante, mais le fait qu'elle ait eu lieu était sans précédent. Quelques organismes autochtones étaient à la réunion, mais il n'y a pas eu de tentative précise ou séparée d'entreprendre des consultations avec les groupes autochtones, ce qui est absolument essentiel. Je sais que les groupes autochtones n'estiment jamais qu'il est approprié d'être mélangé aux organismes de la société civile. Nombre de ces organismes représentent des nations. Des consultations différentes doivent avoir lieu, et ce n'est pas ce qui est arrivé selon moi.

Mme Farha : Nous travaillons en étroite collaboration avec des groupes autochtones sur l'EPU. Nous nous sommes battus pour obtenir des réunions séparées avec les organismes et groupes autochtones. Ce n'était pas la position par défaut du gouvernement; il y en a eu deux, pour lesquelles nous avons dû nous battre très fort. L'organisme autochtone avec lequel nous avons travaillé dirait qu'il s'agit toujours d'un enjeu considérable, surtout à la lumière des préoccupations de la communauté internationale relativement aux conditions des peuples autochtones au Canada.

La présidente : Ma prochaine question porte sur la réduction de la pauvreté. Dans son mémoire écrit et oral à propos du premier EPU, le Canada a indiqué qu'il acceptait qu'il restait encore beaucoup à faire relativement à certains défis, par exemple la réduction de la pauvreté. Compte tenu de la position du gouvernement du Canada, bien que vous préfériez peut- être attendre de nous donner votre tableau, selon vous, quelle a été l'étendue de la mise en œuvre sur la question de la réduction de la pauvreté?

Mme Farha : Je tiens à être claire : le Canada a rejeté la recommandation voulant qu'il adopte une stratégie nationale de réduction de la pauvreté. Techniquement, il n'a pas à démontrer qu'il en a mis une en œuvre. De l'autre côté, des préoccupations ont été soulevées sur le sans-abrisme et la pauvreté chez la population autochtone, alors il n'est pas entièrement tiré d'affaire. Si je me fie à mes souvenirs, et pardonnez-moi si j'ai tort, il a invoqué des questions de compétences pour éviter d'avoir à mettre en œuvre une stratégie nationale de lutte contre la pauvreté.

Je peux vous assurer que très peu a été fait relativement à la mise en œuvre de mesures visant les questions de pauvreté. Je crois en fait qu'il s'agit d'un moment opportun de notre histoire économique et politique au Canada, parce que le gouvernement s'apprête à annoncer, ou a commencé à laisser filtrer, des mesures d'austérité. Il n'y a pas moment plus important pour parler de sa reddition de comptes sur les droits de la personne et les questions de pauvreté. Je serais surprise de voir des résultats, mais c'est ce qu'il faudrait viser.

M. Neve : Comme Mme Farha l'a dit, le gouvernement a rejeté la proposition portant sur une stratégie nationale de réduction de la pauvreté, que j'ai devant moi. Les raisons invoquées sont surprenantes. On dit que le Canada n'accepte pas la recommandation 17 d'élaborer une stratégie nationale pour éliminer la pauvreté et que les provinces et les territoires ont compétence dans ce domaine de politique sociale et ont élaboré leurs propres programmes pour régler la question de la pauvreté.

Cela démontre très bien la difficulté incroyable à faire en sorte que les gouvernements fédéral et provinciaux travaillent ensemble immédiatement pour assurer l'exécution nationale de ces obligations en matière de droits de la personne. Le fait que le gouvernement fédéral estimait qu'il était approprié de rejeter une recommandation essentielle sur une question fondamentale en matière de droits de la personne, comme la pauvreté, en raison des compétences provinciales et territoriales illustre de façon frappante à quel point le processus est mal coordonné et le peu de cohérence dont font preuve les gouvernements fédéral et provinciaux dans la réalisation que ces obligations partagées doivent être prises en charge et exercées de façon partagée.

La présidente : Une des choses qui me préoccupe concernant l'EPU, c'est que le gouvernement prétend qu'il consulte les gens et les écoute. Avec le plus grand respect, je ne veux pas dire les organismes nationaux seulement, mais les organismes partout au Canada.

Je crois que le site web comporte de nombreuses lacunes. Il est très difficile d'obtenir de l'information. Il est difficile de soumettre des observations. Il serait utile pour vous de nous faire des suggestions à savoir comment nous pourrions recommander au gouvernement d'améliorer son site web. Je ne parle pas des parties sophistiquées du site web, mais du genre d'information qui, selon vous, serait utile d'afficher sur le site web.

M. Neve : Les Canadiens aimeraient notamment que l'état des mesures prises concernant toute une gamme de questions relatives aux droits de la personne soit affiché. Comme je l'ai dit, il y a de nombreux traités importants en matière de droits de la personne que le Canada n'a pas ratifiés. On devrait pouvoir accéder facilement à la situation de ces traités, aux raisons pour lesquelles il n'y a pas de progrès, aux obstacles, et en cas de décision de non-ratification, aux raisons claires qui motivent la décision, tout en pouvant donner son point de vue. De la même façon, concernant toutes les questions de mise en œuvre et de recommandations clés, les Canadiens devraient pouvoir accéder facilement à cette information sur les progrès de la mise en œuvre. Cette information n'est tout simplement pas accessible actuellement.

M. Prasad : Pour revenir à ce qui vient tout juste d'être dit, il me semble que c'est une lacune fondamentale. Les organismes internationaux et les mécanismes de promotion des droits de la personne ont déjà beaucoup fait de suggestions au Canada pour faire avancer concrètement ces droits au pays. Le public devrait pouvoir accéder aux renseignements en un seul endroit, sans avoir à passer au travers de nombreux documents des Nations Unies, et ainsi avoir une idée de ce que le gouvernement a réalisé dans ce domaine pour remédier à la situation. Cette lacune fondamentale doit être comblée.

Mme Farha : Je dois admettre que je n'utilise jamais leur site web, car je ne le trouve pas utile. J'ai toujours recours au site web des Nations Unies qui regroupe tous les rapports de nos ONG, tout ce que les Nations Unies ont dit au Canada, ce que le Canada a répondu, et cetera. Vous avez raison de souligner les insuffisances de leur site web.

Les propositions faites par mes collègues sont très bonnes, alors je n'en ajouterai aucune. Je me contenterai de dire qu'un site Web doit transmettre de l'information, et qu'il ne devrait pas être créé pour faire des consultations auprès des ONG.

La présidente : Donc, l'EPU se divise en deux volets. D'une part, un examen interne, et d'autre part, le rôle que le Canada a à jouer dans l'examen des autres pays. Vous étiez dans la pièce lorsque M. Angell a mentionné le fait que le Canada posait des questions pour aller en profondeur. Le Canada s'acquitte-t-il bien de sa deuxième fonction dans le cadre de l'EPU?

M. Neve : Je crois que le Canada mérite des éloges. Il a effectué l'EPU d'autres pays avec intégrité. Je suis certain que si nous passions en revue toute la liste, car chaque pays a maintenant fait l'objet du premier tour, je pourrais être déçu par certains examens, car de temps à autre, une question n'aurait pas été posée de façon aussi appuyée que nous l'aurions voulu.

Dans l'ensemble, l'engagement dont le Canada a fait preuve à l'égard de chaque examen est essentiel. Je ne sais pas si cela a porté fruit, mais c'était l'objectif. Il se peut qu'on ait raté la cible à quelques reprises, mais l'objectif demeure essentiel et illustre véritablement la conviction du Canada dans la nature universelle des droits de la personne et du processus. Bien souvent, les questions et recommandations soulevées étaient fort à propos et mettaient l'accent sur les principales préoccupations à l'égard des droits de la personne dans le pays en question. En fait, il s'agissait de questions que le Canada avait moins tendance à soulever dans les discussions bilatérales avec le pays. Par exemple, nous nous sentons déçus lorsqu'une question n'est pas franchement abordée durant une mission commerciale. Or, ces questions ont été soulevées dans le cadre de l'EPU. Je crois qu'il y a matière à grandement féliciter le Canada à cet égard.

M. Prasad : Je suis tout à fait d'accord avec cette façon de voir les choses. Pour ce qui est du deuxième volet, madame la présidente, le Canada s'est très bien débrouillé. Je crois que nous sommes le pays qui a formulé le plus grand nombre de recommandations dans le cadre de l'examen, ce qui est une bonne chose. Comme mon collègue l'a dit, j'aurais aimé poser quelques questions au sujet de la forme, mais en général, c'est du bon travail. Le Canada a abordé tout un éventail de questions.

Je recommanderais que le gouvernement réduise la duplication de recommandations par rapport aux autres délégations, de sorte que les examens présentent une meilleure couverture des thèmes abordés. Toutefois, mon impression générale est assez positive.

La présidente : J'aurais une autre question à poser au sujet d'un point qui a été soulevé plus tôt aujourd'hui lorsque nous avons reçu le premier groupe de témoins. Le bilan du Canada aurait-il une incidence sur le Bureau de la liberté de religion? Mon collègue, le sénateur Nolin, a soulevé la question des coptes en Égypte, et notre premier ministre s'apprête à partir pour la Chine. Or, nous savons que le traitement des musulmans en Chine est une autre question qui est rarement soulevée.

Qu'en pensez-vous? Pensez-vous que le Bureau de la liberté de religion s'inscrira dans le programme de promotion des droits de la personne?

M. Neve : Amnistie Internationale a présenté un certain nombre de recommandations au gouvernement. Nous n'avons toujours pas été invités aux réunions de consultation pour la création du bureau, alors n'étant pas assis à la table de consultation, nous n'avons pas eu l'occasion de nous faire une idée des préoccupations potentielles qui pourraient être soulevées par certains, par exemple, si ce bureau n'exclura aucune religion.

Nous sommes tout à fait d'accord avec l'affirmation selon laquelle la liberté de religion est une partie incroyablement importante des droits de la personne. Amnistie Internationale a fait des études, a consigné des données et a réalisé des campagnes au sujet de la persécution religieuse de bien des façons un peu partout dans le monde depuis nos tout débuts en 1961. Parmi les premiers prisonniers d'opinion qui ont reçu l'aide d'Amnistie internationale, on comptait des hommes et des femmes emprisonnés en raison de leurs croyances religieuses. Nous sommes tout à fait d'accord. En fait, nous défendons et encourageons ce type d'initiative.

Nous avons été préoccupés par ce qui semble être un manque de transparence sur la façon dont le bureau est créé, sur les intervenants qui sont invités ou non aux consultations et sur ce qui est ou n'est pas discuté. Cela était très difficile pour les journalistes, ou quiconque n'ayant pas été invité à ces réunions, d'accéder à ce type de renseignements. Le problème, c'est qu'à tort ou à raison, ce type d'approche soulève des préoccupations et fait naître des doutes. Je ne crois pas que ce soit une façon de partir du bon pied.

Le ministre lui-même nous a garanti que le bureau allait couvrir toutes les religions. C'était un point très important à entendre. Toutefois, je crois que le manque de transparence au sujet des réunions de consultation continue d'alimenter le doute et les inquiétudes à ce sujet. Une plus grande transparence permettrait de convaincre le public du fait que ce bureau sera ouvert à toutes les religions.

Pour un organisme de défense des droits de la personne, la préoccupation sans doute la plus importante en ce qui a trait à la liberté religieuse, c'est qu'elle s'inscrive dans le cadre élargi de protection et de normes régissant tous les droits de la personne. D'après nos recherches en matière de droits de la personne, qui d'ailleurs peuvent s'étirer sur une décennie, le rapport entre la liberté de religion et les autres droits de la personne est souvent très complexe, voire conflictuel. Les violations d'autres droits de la personne sont parfois le fait de violations aux droits à la liberté de culte. Similairement, la liberté religieuse peut être maintenue tout en ayant des répercussions négatives sur l'égalité des sexes, la défense des droits des gais et lesbiennes, la liberté d'expression et la promotion des droits d'autres minorités religieuses.

Le mandat du bureau est en train d'être établi ainsi que les méthodes de travail, voilà pourquoi nous enjoignons le gouvernement à faire en sorte que le mandat du bureau s'inscrive dans un cadre de défense des droits de la personne et qu'il inclue tous les aspects de la liberté de religion dans une approche élargie de protection des droits de la personne. Si l'on fait peu de cas de cette dimension ou si d'autres questions plus complexes sont ignorées ou négligées, je crois que le Canada manquera une occasion en or d'aborder la question de la liberté de religion de façon fort dynamique.

M. Prasad : Selon moi, l'approche employée pour créer le bureau n'est pas fondée sur les droits de la personne. On constate un manque flagrant de transparence à cet égard ainsi que l'absence de contribution d'organismes de défense des droits de la personne et des femmes sur la façon d'établir le bureau et de gérer les nombreuses tensions qui pourraient marquer l'exécution de son mandat.

Je crois que ce que M. Neve vient de dire est très révélateur : l'une des plus grandes organisations de défense des droits de la personne au Canada n'a pas du tout été consultée sur la mise sur pied de ce bureau. J'ai donc personnellement des réserves quant à l'établissement de ce bureau.

La présidente : Dans l'intérêt du public qui nous écoute par télédiffusion, pourriez-vous préciser si vous parlez d'Amnistie Internationale lorsque vous faites allusion à l'une des plus grandes organisations de défense des droits de la personne?

M. Prasad : Oui. Merci.

La présidente : Enfin, cela n'a pas directement trait à l'EPU, mais puisque vous avez abordé la question de la liberté de religion, j'aimerais parler du printemps arabe. Des gens comme moi estiment qu'il s'agit d'un bon pas en avant, mais nous craignons que les droits des femmes ne soient bafoués, en particulier en Égypte, qui est le théâtre de ces bouleversements. Puisque vous êtes tous familiers avec la question, j'aimerais que vous nous indiquiez ce que vous estimez être les effets du Printemps arabe sur la situation des femmes.

Mme Farha : Oh que oui, je partage votre préoccupation. D'une part, le Printemps arabe est un fait remarquable, essentiel et important, pour revenir sur ce que M. Neve a dit. Nous en sommes à une situation où des intérêts de grande importance entrent en conflit.

D'autre part, je partage votre préoccupation. Ces questions ne font pas partie de mon travail quotidien, mais elles font partie des préoccupations de ma vie quotidienne. Un mouvement international s'inquiète également des droits des femmes dans ces pays, et j'ai confiance que ces groupes feront tout en leur pouvoir pour les aider. En particulier, vous avez parlé des Égyptiennes. Je reçois de nombreux courriels qui indiquent une réaction de la communauté internationale. Je ne peux qu'espérer qu'elle soit efficace.

M. Neve : Je suis tout à fait d'accord. Les études et les campagnes menées par Amnistie Internationale au cours de la dernière année ont mis en lumière cet aspect comme étant l'un des plus dominants, si ce n'est le plus dominant, de nos préoccupations. Je crois que l'Égypte constitue l'exemple le plus cité et le plus flagrant, mais les autres exemples sont nombreux un peu partout dans la région.

C'était totalement euphorique de voir les femmes prendre les choses en main en Égypte et exercer un leadership si fort. Il y a à peine un an, alors que les bouleversements avaient cours, elles n'étaient pas de simples participantes. Or, très rapidement, elles ont été écartées du processus de bien des façons. Amnistie Internationale a dénoncé bon nombre de ces dérives tout juste après la démission du président Moubarak alors que nous étions censés entamer une ère nouvelle. Lorsque le nouveau comité a été formé pour établir l'avenir de la constitution égyptienne, il ne comprenait aucune femme. Il s'agit d'un moment fondamentalement important qui façonnera les prochaines étapes de la transition, et aucune femme n'est assise à la table des négociations. Voilà un exemple parmi d'autres.

Toujours dans cette nouvelle ère post-Moubarak, on a eu un autre exemple choquant du travail qu'il reste à accomplir lorsque des manifestantes ont porté plainte pour avoir subi des tests de virginité à la suite de leur arrestation.

Je crois qu'il est essentiel que nous, la communauté internationale, poursuivions notre engagement et continuions d'exercer de vives pressions auprès des nouvelles autorités en Tunisie, en Libye, en Égypte et qui sait quel autre pays à l'avenir dans cette région du monde pour s'assurer que l'égalité des sexes et la défense des droits des femmes soient absolument au cœur des nouvelles institutions et lois qui seront créées.

M. Prasad : J'ai eu l'occasion de rencontrer un certain nombre de collègues égyptiennes appartenant à une organisation féministe de défense des droits de la personne installée au Caire tout juste après l'annonce de la démission de M. Moubarak. Le sentiment d'exultation et de victoire ressenti par ces collègues était contagieux et réconfortant. Je crois qu'elles ressentiraient quand même ce sentiment d'allégresse et de réalisation malgré les défis qui surgissent en ce moment. C'est le moment idéal de réfléchir à la façon de renforcer la capacité des acteurs de la société civile qui créent une mobilisation à l'égard des droits des femmes et des principaux droits de la personne et de faire pleins feux sur leur travail important.

La présidente : En plus, il ne s'agit pas seulement de l'Égypte. Il y a aussi la région du Soudan, et les autres pays du Maghreb. Le test de la virginité est une question très importante, donc nous devons nous pencher sur tous ces pays.

Madame Farha, monsieur Neve et monsieur Prasad, vous prenez beaucoup de soin à vous préparer avant de venir nous présenter vos observations. Nous sommes sensibles au temps que vous prenez avant votre comparution, pendant que vous êtes ici avec nous en comité, et après, et nous avons toujours hâte de vous écouter. Vous nous apprenez beaucoup et cela nous donne beaucoup de matière à réflexion quant aux façons d'améliorer le système.

Pour le bénéfice des Canadiens qui nous écoutent, nous sommes tous d'accord que nous pouvons être très fiers ici au Canada des droits de la personne, mais nous ne devons jamais les tenir pour acquis, donc il y a beaucoup de travail à faire, vous êtes des guides dans ce domaine, et nous vous remercions.

Avant de passer à huis clos, pourrais-je demander si le personnel et les conseillers pourraient demeurer dans la salle pendant la séance à huis clos?

Des voix : Oui.

La présidente : Nous allons prendre une pause de 10 minutes et ensuite nous reprendrons nos travaux.

(La séance se poursuit à huis clos.)


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