Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 40 - Témoignages du 23 mai 2013
OTTAWA, le jeudi 23 mai 2013
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 10 h 27, pour étudier le projet de loi C-314, Loi concernant la sensibilisation au dépistage chez les femmes ayant un tissu mammaire dense.
Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.
[Traduction]
Je m'appelle Kelvin Ogilvie, je suis un sénateur de la Nouvelle-Écosse et président du comité. J'invite mes collègues à se présenter, à commencer par ma droite.
La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal.
La sénatrice Eaton : Nicky Eaton, de Toronto.
Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, de l'Ontario.
La sénatrice : Jane Cordy, de la Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Dyck : Lillian Dyck, de la Saskatchewan.
Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, sénateur de Toronto et vice-président du comité.
Le président : Merci, chers collègues, et bienvenue à nos invités. Je les présenterai au fur et à mesure quand je leur demanderai de faire leurs exposés.
Je vous rappelle que nous étudions la teneur du projet de loi C-314, Loi concernant la sensibilisation au dépistage chez les femmes ayant un tissu mammaire dense.
Nous accueillons trois témoins importants et il a été convenu que nous débuterions par Shelly Jamieson, présidente- directrice générale du Partenariat canadien contre le cancer.
Shelly Jamieson, présidente-directrice générale, Partenariat canadien contre le cancer : Honorables sénateurs et sénatrices, je vous remercie de m'avoir invitée à vous adresser la parole. Je compte vous parler aujourd'hui du mandat du partenariat, de l'originalité de notre organisme et de notre rôle dans le dépistage du cancer du sein.
Depuis que je me suis jointe comme présidente-directrice générale au Partenariat canadien contre le cancer l'an dernier, je ne cesse d'être frappée par l'impact du cancer sur la vie des Canadiens. La sensibilisation au risque du cancer et à ses conséquences pour les individus fait partie intégrante des moyens dont nous disposons pour réduire l'impact de la maladie. Ceux qui témoignent avec moi font partie des experts avec qui nous travaillons pour comprendre comment les données scientifiques peuvent nous aider à accomplir de notre mission.
Établi par le gouvernement du Canada en 2007 et financé par Santé Canada, le partenariat est un organisme pancanadien chargé de mettre en œuvre la Stratégie canadienne de lutte contre le cancer, un plan d'action sur 30 ans visant à obtenir des résultats concrets dans la lutte contre le cancer. Il est à noter que le Canada compte parmi une poignée de pays qui se sont dotés d'un plan national de lutte contre le cancer.
Le partenariat favorise la mise en application des connaissances et des données issues de la recherche et des pratiques exemplaires. Nous y parvenons par des efforts intergouvernementaux et interorganisationnels de grande ampleur visant à réduire l'incidence du cancer, à améliorer la qualité de vie de ceux que le cancer frappe et à réduire les probabilités de mort par cancer chez les Canadiens. Nous agissons sur tous les aspects de la lutte contre le cancer, depuis la prévention, le dépistage et le traitement jusqu'à la survie et aux soins palliatifs et de fin de vie.
Le partenariat apporte au paysage du cancer ceci d'original qu'il mise sur la collaboration, c'est-à-dire qu'il mène toutes ses actions de concert avec des partenaires de partout au pays, gouvernements provinciaux et territoriaux, organismes de revendication, chercheurs, cliniciens, ONG, groupes de patients, et j'en passe. Nous veillons à ce que l'action de nos partenaires nous permette de progresser dans la lutte contre le cancer dans de meilleures conditions de rapidité, d'efficacité et d'efficience que si chacun travaillait de son côté.
Le partenariat a pour priorité stratégique de mettre au point des méthodes de dépistage à grand rendement et à ciblage démographique. Nous y parvenons au moyen de réseaux d'experts et de partenaires responsables des programmes de dépistage provinciaux et territoriaux. Ces réseaux ont pour mission d'évaluer et de diffuser les données nouvelles et les pratiques exemplaires pour améliorer les programmes de dépistage et augmenter la participation des Canadiens au dépistage scientifique des cancers colorectal, du col de l'utérus, du poumon et, depuis peu, du sein.
Nous venons par exemple d'amorcer un dialogue sur le dépistage du cancer de la prostate et l'utilisation de la tomographie par ordinateur à faible dose chez les fumeurs à risque élevé afin que partenaires et experts nous renseignent sur la signification des données et leur mise en application pratique.
À cause du mandat et de la focalisation stratégique du partenariat, plusieurs volets de l'Initiative canadienne pour le dépistage du cancer du sein ont été transférés de l'Agence de la santé publique du Canada au partenariat le mois dernier. Le partenariat secondera les efforts de l'Initiative canadienne pour le dépistage du cancer du sein.
Au fur et à mesure qu'émergent de nouvelles données, il va, en collaboration avec le réseau et d'autres experts, en faire l'évaluation et en saisir les incidences sur la planification et la pratique. Il nous faut par exemple déterminer s'il y a un lien entre l'augmentation du dépistage chez les femmes à forte densité mammaire et la mortalité par cancer et, si oui, l'étudier plus à fond.
En outre, les données longitudinales dont dispose l'Initiative canadienne pour le dépistage du cancer du sein nous permettent de déceler les lacunes ou les données émergentes et d'améliorer la qualité du dépistage. Il nous faudrait par exemple de plus amples données sur le surdiagnostic pouvant résulter d'une augmentation de la fréquence de dépistage chez les femmes à forte densité mammaire.
Les réseaux de dépistage s'emploient aussi à mettre en application les données et à communiquer avec les Canadiens d'une manière constructive et qui les pousse à des changements de comportement salutaires. Lorsque les comportements des Canadiens vont à l'encontre des données, des tactiques de sensibilisation du public sont mises en œuvre au niveau provincial, territorial et local.
L'expérience nous apprend que quand il est possible de développer des outils et des méthodes de conscientisation, il peut être avantageux d'adopter en la matière une démarche systématique et coordonnée à laquelle organismes et professionnels prennent part. Ce fut le cas de Côlonversation, un programme de sensibilisation issu du réseau de dépistage du cancer colorectal par nos soins et largement disséminé au pays.
Nous savons aussi que chaque fois que des changements sont apportés aux lignes directrices de dépistage, les gens s'y intéressent de près. Nous avons le devoir de toujours nous assurer que l'information est fondée en science, donne une orientation claire et réduit au minimum l'anxiété en aidant les Canadiens à s'y retrouver dans des points de vue parfois contradictoires.
Je tiens à assurer au comité que nous comprenons la menace que fait peser sur les femmes le cancer du sein et que le partenariat s'emploie à maintenir la coordination des efforts de dépistage du cancer du sein au Canada. Le partenariat et tous ceux qui collaborent avec lui sont déterminés à repérer et combler les lacunes dans les données et à examiner les données et à les mettre en application dans de bonnes conditions de rapidité et d'efficacité afin de sensibiliser les femmes aux risques du cancer et au rôle du dépistage et d'améliorer ainsi la vie des Canadiens.
Je remercie le comité d'avoir offert au Partenariat canadien contre le cancer l'occasion de témoigner devant lui.
Le président : Passons à Gregory Doyle, président du comité national de l'Initiative canadienne de dépistage du cancer du sein.
Gregory Doyle, président, comité national, Initiative canadienne pour le dépistage du cancer du sein : Distingués membres du Sénat, je suis heureux de vous entretenir aujourd'hui, au nom de l'Initiative canadienne pour le dépistage du cancer du sein, du projet de loi C-314, Loi sur la sensibilisation à la densité mammaire.
Le dépistage organisé du cancer du sein a commencé au Canada en 1988. Aujourd'hui, en 2013, il existe des programmes de dépistage dans toutes les provinces et dans deux territoires. Les éléments de preuve qui militent en faveur du dépistage du cancer du sein proviennent de huit essais cliniques comparatifs. Ces essais ont montré que si on soumet sur une base régulière 70 p. 100 de la population à des tests de dépistage, il est possible de réduire de 25 à 30 p. 100 la mortalité due au cancer du sein. Depuis 1990, le taux de mortalité associé au cancer du sein au Canada a chuté de plus de 35 p. 100; cette baisse peut être attribuée à la fois à la détection précoce et aux progrès des traitements.
En 1993, Santé Canada a mis sur pied l'Initiative canadienne pour le dépistage du cancer du sein, l'ICDCS. C'est un partenariat de programmes provinciaux de dépistage, d'ONG et d'organisations professionnelles. L'initiative a pour objet de mettre au point des programmes de qualité en misant sur les meilleures pratiques observées ainsi que de faire un suivi et une évaluation du rendement des programmes. En 2012, l'initiative a été transférée au Partenariat canadien contre le cancer.
Les mesures de la densité mammaire à la mammographie sont consignées dans la Base de données canadienne sur le dépistage du cancer du sein. Leur évaluation et leur catégorisation n'ont toutefois pas été normalisées.
Plusieurs facteurs augmentent le risque d'une femme de développer un cancer du sein. Un de ces facteurs est une densité mammaire élevée à la mammographie. L'avancement en âge est le facteur de risque le plus courant.
L'intervalle courant entre les dépistages du cancer du sein est de deux ans, encore que certains programmes prévoient un dépistage annuel pour les femmes présentant une densité mammaire élevée à la mammographie et d'autres facteurs de risque importants.
Les responsables des programmes de dépistage entretiennent des réserves à l'égard du projet de loi C-314, et notamment à l'égard de mandats législatifs concernant la densité mammaire. Les dispositions du projet de loi sont floues et mal définies. Il serait possible de donner au projet de loi une interprétation qui reviendrait à dire que les programmes de dépistage devraient informer systématiquement les femmes de leur densité mammaire à la mammographie. Les programmes ne font pas tous le calcul de la densité mammaire et la mesure de la densité est très subjective, n'est pas reproductible uniformément et présente une grande variabilité inter-observateur et intra- observateur. De plus, une densité mammaire élevée peut être un phénomène transitoire qui se résorbe avec l'âge.
Le projet de loi fait référence à des seins hétérogènes ou denses. Selon les données limitées de la Base de données canadienne sur le dépistage du cancer du sein, entre 35 et 40 p. 100 des femmes ont des seins hétérogènes ou denses, d'où la question suivante : le projet de loi obligera-t-il les programmes de dépistage à informer jusqu'à 40 p. 100 des femmes qu'elles ont peut-être une condition de seins hétérogènes ou denses?
Le double mandat des programmes de dépistage du cancer du sein consiste à détecter le cancer du sein tôt et donc à réduire la mortalité attribuable à ce cancer et à confirmer l'absence de maladie.
L'établissement de ces principes de dépistage par l'Organisation mondiale de la santé remonte à 1968. Les programmes de dépistage du cancer du sein satisfont à ces principes. Rien ne porte à croire que le dépistage de la condition de seins hétérogènes ou denses respecte les principes de l'OMS. Nous savons que la densité mammaire est un facteur de risque du cancer du sein, au même titre que d'autres facteurs et conditions. Nous savons aussi qu'elle rend l'interprétation du mammogramme plus compliquée et que la mammographie numérique réussit mieux à détecter un cancer chez les femmes présentant une densité mammaire élevée à la mammographie.
En 2011, le Groupe d'étude canadien sur les soins de santé préventifs a établi des lignes directrices régissant le dépistage du cancer du sein. Il recommande que les femmes de 50 à 74 ans subissent un dépistage avec mammographie tous les deux ou trois ans. Pour les femmes de 40 à 49 ans, le groupe d'étude recommande de ne pas faire de dépistage systématique. L'étude qu'il a menée pour évaluer le pour et le contre du dépistage a révélé, du côté des avantages, que le dépistage réduit le nombre de décès du cancer du sein, surtout chez les femmes de 50 à 74 ans. Quant aux désavantages, le groupe d'étude signale les résultats positifs erronés, lesquels peuvent donner lieu à de l'anxiété et à des biopsies et des tumorectomies inutiles.
Les partisans de la théorie voulant que l'on informe les femmes de leur densité mammaire font valoir que l'avantage premier est de leur faire mieux comprendre le risque relatif de cancer du sein et de les sensibiliser à d'autres options d'imagerie médicale. Cependant, rien ne prouve que donner de l'information sur la densité mammaire aura une incidence sur la mortalité due au cancer du sein. Une récente étude du Journal of the National Cancer Institute indique en effet que la densité mammaire n'influe pas sur les décès attribuables au cancer du sein parmi les patientes atteintes de ce cancer. Autrement dit, même si les femmes présentant une densité mammaire élevée ont un risque relatif plus élevé de développer un cancer du sein, elles répondent aussi bien sinon mieux au traitement du cancer du sein.
Qu'en est-il des inconvénients d'informer les femmes de leur densité mammaire? Les femmes seront informées d'un facteur de risque mais nous ne pourrons pas leur dire comment réduire ce risque, ce qui les rendra plus anxieuses. Elles seront nombreuses à se tourner vers d'autres techniques d'imagerie, mais cela fera augmenter le nombre de résultats positifs erronés, diminuer le taux de biopsies positives et augmenter les chirurgies inutiles. Rien n'indique non plus qu'un recours accru à l'imagerie médicale ou à d'autres interventions aura une influence quelconque sur le taux de mortalité attribuable au cancer du sein.
Un des objectifs de la Base de données canadienne sur le dépistage du cancer du sein est de normaliser la méthode utilisée pour consigner la densité mammaire. L'initiative collabore avec le Dr Norman Boyd, responsable du projet portant sur les résultats de densité mammaire et de cancer à la mammographie. Le Dr Boyd se sert de la base de données pour trouver les sujets de son étude, qui consiste à faire des liens entre la densité mammaire cumulative et le cancer du sein. Le Dr Boyd est d'avis que la densité mammaire cumulative est la mesure de risque de cancer du sein la plus solide et la plus significative. Mais cette mesure est plus complexe que cela.
La densité mammaire a beau constituer un sujet d'étude prometteur, elle présente une valeur limitée dans le contexte clinique. Avant que les programmes de dépistage communiquent cette information aux femmes, il importe de connaître les causes de la densité mammaire chez les femmes; les raisons de la diminution de la densité mammaire avec le temps; la nature des tissus mammaires denses; le lien entre la densité mammaire cumulative et le risque de cancer; et la façon d'obtenir une mesure fiable de la densité mammaire.
Tant que nous n'aurons pas de réponses à ces questions, il sera prématuré d'obliger les programmes de dépistage à informer systématiquement les femmes de leur densité mammaire. Ce n'est que lorsque nous aurons ces réponses que nous saurons qui a besoin d'un dépistage plus fréquent et plus intense et qui pourrait bénéficier d'une chimio- prévention. Merci.
Le président : Passons maintenant à la Dre Christine Wilson, directrice médicale, Programme Mammographie de dépistage de la Colombie-Britannique, British Columbia Cancer Agency.
Dre Christine Wilson, directrice médicale, Programme Mammographie de dépistage de la Colombie-Britannique, British Columbia Cancer Agency : Je tiens moi aussi à remercier le comité de l'occasion offerte de traiter du sujet de la densité mammaire. Je vais commencer par parler des descriptions les plus courantes de la densité mammaire et profiter de l'occasion pour vous montrer des détails en rapport avec certains points soulevés par M. Doyle dans son allocution. Je vais aussi traiter de l'état d'avancement de la législation américaine concernant la densité mammaire et je résumerai ensuite les recommandations formulées par le groupe de travail canadien dont vous venez d'entendre parler. J'établirai enfin un lien entre cet aspect et les répercussions sur certains programmes de dépistage du cancer du sein au Canada.
Commençons par la classification BI-RADS. Ceci n'est qu'une partie; vous devriez avoir en main des papiers. C'est là-dedans. Je vais ensuite vous montrer des mammographies.
L'appellation BI-RADS est l'acronyme de Breast Imaging Reporting and Data System. Il s'agit d'un système de classification élaboré destiné à uniformiser les résultats de mammographie aux États-Unis. L'initiative a débuté simultanément avec la mise en œuvre de la loi sur la norme de qualité des mammographies, ou MQSA, pour Mammography Quality Standards Act. Cette loi a été adoptée aux États-Unis en 1992 et a mis en vigueur l'examen des résultats de mammographie en rendant obligatoires le suivi en cas de résultat positif et la mise en corrélation de ces mammographies et des résultats de biopsie. À cette époque, on faisait habituellement une biopsie chirurgicale. Cette loi a également rendu obligatoire l'utilisation de la terminologie BI-RADS pour désigner la catégorie d'évaluation finale dans le rapport; au fond, c'était logique pour le médecin traitant. Il pouvait lire le rapport et savoir tout de suite quoi faire. Ces dernières règles sont entrées en vigueur en 1999, soit plusieurs années après la mise en application de la classification BI-RADS aux États-Unis et après que la norme ait réussi à grandement améliorer la qualité des mammographies dans le pays.
L'indication de la meilleure densité mammaire dans le rapport n'était pas obligatoire, mais était encouragée. L'objectif était de signaler au médecin traitant dans quelle mesure la densité du sein risquait de cacher un cancer sur la mammographie en question. L'information ne se voulait pas un indice du risque de cancer.
Dans la classification BI-RADS, il y a quatre types de seins. Le premier est essentiellement adipeux, et je vous renvoie maintenant aux images; le deuxième type présente des opacités glandulaires éparses, le troisième type présente une densité hétérogène et le quatrième type présente une extrême densité.
C'est une superbe image, mais la lumière dans la salle empêche de bien voir. Vous regarderez ces images plus tard.
Voici un exemple d'un sein presque entièrement composé de graisse. Vous pouvez voir beaucoup de gris; c'est de la graisse. Le peu de blanc correspond au tissu glandulaire.
Le numéro deux montre des opacités glandulaires éparses. Il y a plus de trainées blanches et elles représentent le tissu fibreux. Le numéro trois montre un sein à densité hétérogène. Vous pouvez voir qu'il y a beaucoup plus de traînées blanches mélangées à un peu de gris. Pourtant, cela va se révéler être un sein dense. Le numéro quatre montre un tissu mammaire extrêmement dense.
Ce dont il faut se souvenir, c'est qu'il suffit de regarder ces images pour savoir qu'il sera beaucoup plus difficile de détecter un cancer dans ce sein-ci — et nous sommes ici en présence d'un cancer — que dans celui-ci.
De plus, vous pouvez vous imaginer à quel point ces types de seins prêtent à interprétation selon la personne qui regarde les clichés, en particulier si on compare le deux et le trois ou le trois et le quatre. Les interprétations peuvent être très différentes. L'analyse est subjective et il n'existe pas de programme qui encadre cela pour le moment, même si c'est le genre de choses sur lesquelles on travaille.
J'aimerais également mentionner l'une des percées technologiques qui a réellement permis d'examiner le tissu mammaire dense, soit le développement de la mammographie numérique. L'étude DMIST, publiée en 2005, a démontré que la mammographie numérique donne des résultats de loin meilleurs chez les jeunes femmes, soit les femmes âgées de moins de 50 ans ou les femmes dans la quarantaine subissant un dépistage par mammographie, chez les femmes pré- ou périménopausées et chez les femmes dont la densité mammaire est hétérogène ou élevée. Vous pouvez constater qu'il y a beaucoup de chevauchements dans ces trois-là. Cela a montré que la mammographie numérique offre une sensibilité de 70 p. 100 dans la détection du cancer, comparativement à 55 p. 100 pour la mammographie sur film, sans pour autant rien perdre à la spécificité.
De plus, pour vous donner quelques notions générales, une femme qui subit une mammographie numérique n'est pas en mesure de le savoir, parce que les deux types de mammographies sont effectués de la même façon; les deux machines sont très similaires. Un des avantages de la mammographie numérique, c'est que l'exposition au rayonnement est moindre. Cette réduction par rapport à la mammographie sur film peut atteindre 50 p. 100, mais en moyenne, elle tourne plutôt autour du tiers.
L'image apparaît en quelques secondes. Il n'y a pas de pellicule à traiter. Elle s'affiche directement sur l'écran du poste de travail du radiologiste. L'examen dure ainsi moins longtemps pour la femme, qui n'a plus à attendre que l'on vérifie la qualité de l'image avant de partir.
Pour passer maintenant à l'état de la situation aux États-Unis, pour le moment, six États rendent obligatoire la notification de la densité mammaire : le Connecticut, le Texas, la Virginie, la Californie, New York et Hawaï. La législation oblige les radiologistes à informer les femmes dont le tissu mammaire est dense à la mammographie de dépistage des limites de cette technique pour déceler les tumeurs dans le sein.
Pourtant, seule la loi du Connecticut oblige les compagnies d'assurance à rembourser le coût d'un dépistage par échographie additionnel de tout le sein en cas de densité de catégorie 3 ou 4 selon le BI-RADS. Croyez-moi quand je vous dis que cette question est source de grande controverse au sein de la communauté des radiologistes en Amérique. Dans les autres États, par conséquent, si un autre examen, une échographie ou une IRM est proposée et que la femme concernée n'est pas assurée, l'accès est très limité.
L'accès n'est pas restreint ici de la même manière, quand on parle de couverture, mais l'accès à la technologie est limité. Je peux témoigner moi-même de mon expérience en Colombie-Britannique, où nous n'avons pas une masse de technologues en échographie; l'attente pour une échographie mammaire de routine peut être de six semaines. Nous prolongerions les délais et retarderions la pose d'un diagnostic de cancer du sein chez les femmes atteintes.
Dans 16 autres États américains, des lois sont en attente et un projet de loi a été soumis à la Chambre des représentants. Le Texas a adopté une autre approche : la loi favorise le dialogue entre la femme et son médecin en vue de déterminer le meilleur cheminement clinique.
Il s'est écoulé suffisamment de temps au Connecticut pour qu'on étudie les résultats obtenus. La première année de dépistage, avec l'ajout de l'échographie, on a dépisté 3,2 cancers de plus pour 1 000 femmes. Une erreur s'est glissée dans le document qu'on vous a distribué : il faudrait lire 1 000 au lieu de 100. Donc, en ajoutant l'échographie à la mammographie, on a pu déceler 3,2 cancers de plus.
Ces résultats ressemblent beaucoup à ceux obtenus dans d'autres études de grande envergure ayant porté sur le dépistage par échographie. Je vous renvoie aux résultats de l'ACRIN 6666. C'est le plus large essai à répartition aléatoire jamais réalisé, qui combine échographie et mammographie. Il comprenait deux groupes : le premier subissait une mammographie de dépistage seulement, le second, une mammographie de dépistage et une échographie. Dans ce dernier groupe, il y a eu quatre fois plus de faux positifs que dans le premier groupe. Donc, dans le second groupe, une femme sur dix a subi une biopsie inutile, alors que dans le premier groupe, une femme sur quarante a subi une biopsie qui a révélé une tumeur bénigne. Nous avons la preuve que ces femmes subissent un plus grand nombre de biopsies que les autres.
Je passe maintenant à la scène canadienne. Dans le seul but de vous rafraîchir la mémoire, je rappelle que les recommandations sur le dépistage du cancer du sein du Groupe d'étude canadien sur les soins de santé préventifs publiées en novembre 2011 dans le Canadian Medical Association Journal concernent les femmes de 40 à 74 ans présentant un risque moyen. Elles ne visent pas les femmes à risque élevé, soit les femmes qui ont déjà eu un cancer du sein, les femmes qui ont connu une mutation des gènes BRCA ou les femmes qui ont déjà subi une irradiation au niveau de la paroi thoracique. Aucune recommandation ne porte sur les femmes âgées d'au moins 75 ans, car les données sont insuffisantes pour ce groupe d'âge.
En ce qui concerne le dépistage par IRM chez la femme présentant un risque moyen, le groupe d'étude n'en recommande pas l'usage systématique. Cette recommandation n'est pas controversée; c'est plutôt la norme.
Par contre, pour les femmes de 40 à 49 ans, le groupe d'étude ne recommande pas le dépistage systématique par mammographie. Voici une citation tirée de cet article :
Cette recommandation accorde une importance relativement faible à une très légère diminution absolue du risque de mortalité par cancer du sein et tient compte des préoccupations concernant les résultats faussement positifs, les biopsies inutiles et le surdiagnostic du cancer du sein.
Quant à la mammographie pour les femmes de 50 à 69 ans, le groupe d'étude recommande le dépistage systématique par mammographie tous les deux ou trois ans. En Colombie-Britannique, depuis la parution de ces lignes directrices, nous remarquons une baisse de la participation au programme de dépistage par mammographie chez les femmes dans la quarantaine — et pas seulement dans ce groupe, mais également chez les femmes dans la cinquantaine.
De plus, le groupe d'étude recommande de ne pas effectuer systématiquement l'examen clinique des seins seul ou en association avec la mammographie pour dépister le cancer du sein. Il recommande de ne pas conseiller aux femmes de pratiquer l'auto-examen des seins. Cette position soulève une vive controverse chez mes confrères du secteur des soins primaires. Ils sont inquiets. Il y a, bien sûr, des essais à répartition aléatoire qui montrent des éléments convaincants dans ces deux domaines, mais c'est un sujet de préoccupation. Je vais simplement m'étendre sur la question.
Je veux vous expliquer très rapidement ce qui motive l'inquiétude du groupe d'étude en rapport avec le dépistage chez les femmes dans la quarantaine. Le tableau qui suit montre, à gauche, les groupes d'âge, et, dans la colonne suivante, le nombre d'essais, lesquels sont énumérés à la page suivante. Voilà les essais à répartition aléatoire dont parlait M. Doyle. Ils sont d'envergure internationale et sont fortement pris en compte — tous sont à répartition aléatoire.
Ils montrent que le dépistage est clairement avantageux pour réduire la mortalité dans les trois groupes d'âge, soit les 39 à 49 ans, les 50 à 59 ans et les 60 à 69 ans. C'est ce qu'indique la troisième colonne. Vous pouvez lire que, pour ces groupes d'âge, la valeur est inférieure à un, avec 0,85, 0,86 et 0,68, ce qui veut dire qu'il y a une réduction statistiquement significative du risque de mortalité chez ces femmes.
L'élément controversé se situe dans la colonne suivante, la quatrième colonne. Vous pouvez constater qu'il a été établi que le nombre de femmes dans la quarantaine qui doivent subir un test de dépistage pour éviter un décès par cancer du sein dans ce groupe d'âge est de 1 900 femmes, alors qu'il est de 1 339 femmes chez les 50 à 59 ans. Les chercheurs considèrent que c'est exposer un trop grand nombre de femmes sans problème au risque de subir d'autres examens, dont de nouvelles mammographies, une échographie, des biopsies, voire une intervention chirurgicale.
C'est ce qui explique leur déclaration.
En Colombie-Britannique, nous avons adopté une position quelque peu différente. Nous avons révisé nos lignes directrices. Ces dernières ne sont pas encore publiées, mais ça ne saurait tarder. Nous avons ajouté un groupe de femmes qui, à notre avis, présentent un risque supérieur à la moyenne. Ces femmes auront le droit de subir une mammographie de dépistage tous les ans. Ces femmes ont des parents au premier degré — mère, père, sœur, frère — ou une fille ayant eu un cancer du sein. Elles seront autorisées à participer au programme tous les ans.
Je vais simplement vous répéter brièvement certaines informations générales sur le programme de mammographie de dépistage en Colombie-Britannique. Ce programme de dépistage est le plus ancien au pays. Il a commencé en 1988, donc nous célébrons ses 25 ans d'activité cette année. Le programme a permis de réaliser 1,4 million de mammographies de dépistage et de déceler le cancer du sein chez plus de 16 000 femmes durant cette période.
À l'heure actuelle, les femmes de 40 à 49 ans subissent un dépistage tous les ans; elles peuvent demander à subir le test. Les femmes de 50 à 79 ans subissent un dépistage tous les deux ans; elles aussi peuvent demander à subir le test. Cependant, les résultats sont remis uniquement à un omnipraticien ou à une infirmière praticienne, ce qui peut poser un problème à celles qui n'ont pas de médecin.
Une femme n'est pas admissible si elle présente des symptômes, a des antécédents de cancer du sein ou porte un implant mammaire.
En 2011, l'année pour laquelle nous possédons les données statistiques les plus complètes à ce jour, nous avons effectué plus de 305 000 mammographies et décelé 1 464 cancers. Les mammographies sont prises sous deux angles, comme partout au Canada. Trente-huit centres desservent les milieux urbains et trois fourgonnettes font le tour de plus de 120 petites localités britanno-colombiennes, dont les communautés des Premières Nations et les secteurs difficiles tels que l'Eastside Vancouver. Elles se rendent sur place également pour les grandes entreprises de services publics et ce genre de structures. Le service mobile assure 10 p. 100 des tests annuellement. Le programme de mammographie de dépistage est financé par le ministère de la Santé, qui lui réserve un budget distinct, et la coordination est assurée par la BC Cancer Agency. Les mammographies sont prises dans les cliniques publiques des hôpitaux ou dans les cliniques d'imagerie communautaires, lesquelles peuvent être exploitées par les radiologistes qui travaillent à l'hôpital situé en face.
Le coût d'une mammographie de dépistage pour le régime de santé public est de 73 $. Plus de 300 000 femmes sont testées tous les ans et environ 7 p. 100 de celles-ci devront subir d'autres tests de diagnostic.
La visualisation diagnostique concerne les femmes qui présentent des symptômes ou qui ont obtenu des résultats de mammographie positifs. De nouvelles mammographies sont prises sous d'autres angles, des échographies, des biopsies et d'autres examens sont réalisés. Elle est également effectuée à la demande d'un omnipraticien ou autre médecin. Cependant, ce service est payé à l'acte; le financement est assuré par le régime de services médicaux et la prestation, par les cliniques publiques et communautaires. Le coût d'une mammographie bilatérale, pour le régime de santé, s'établit à 131 $. Le régime économise beaucoup d'argent en dirigeant les femmes qui ne présentent pas de symptômes vers la mammographie de dépistage.
Cette diapositive montre les volumes de mammographies atteints et leur croissance en même temps que la population ces dernières années. La partie sur fond bleu indique le nombre de femmes participant au programme de dépistage pour la première fois.
La diapositive suivante montre les taux de participation des femmes aux programmes de dépistage du cancer du sein partout au pays. En Colombie-Britannique, ce taux est de 56 p. 100. La ligne rouge indique le taux de participation national, soit 46 p. 100 à peu près. Cette diapositive montre le taux de participation régional au programme de mammographie de dépistage de la province. Le taux varie d'une région à l'autre : la participation est un peu plus faible dans le nord de la province et elle est supérieure dans les centres urbains comme Vancouver et l'île de Vancouver.
Cette diapositive est intéressante, car elle montre le nombre de cancers décelés pour chaque groupe d'âge, de 2007 à 2010. Vous pouvez voir que les chiffres sont incroyablement stables. Chez les femmes dans la quarantaine, le taux de détection du cancer du sein est de 16 p. 100 environ. Le nombre de cancers décelés dans ce groupe d'âge équivaut à une moyenne de 16 p. 100. Pour le groupe des 50 à 59 ans, le taux est de 30 p. 100, c'est le même taux chez les 60 à 69 ans et, pour les 70 à 79 ans, c'est un taux de 20 p. 100. Chez les personnes âgées d'au moins 80 ans, ce taux est de 2 p. 100 seulement. Les données se ressemblent d'une année à l'autre et 80 p. 100 des cancers décelés grâce au programme de mammographie de dépistage se situent dans le groupe des femmes âgées d'au moins 50 ans.
J'ai une brève remarque à faire au sujet des résultats, parce que cet exercice est très important; c'est pour cette raison que nous agissons ainsi. Sur cette diapositive, dont le contenu est extrait d'un article du Lancet publié en 2010, on peut voir que les pays en question tiennent de vastes bases de données démographiques liées au cancer. Ce tableau montre les taux de survie après un an et après cinq ans chez les femmes ayant souffert d'un cancer du sein. Les résultats sont très bons pour le Canada, mais vous pouvez constater que la Colombie-Britannique a une meilleure moyenne que le Canada et que ses résultats sont comparables à ceux de la Suède.
Je vous remercie d'avoir pris le temps de m'écouter; c'est ici que se termine ma présentation.
Le président : Merci. Je vais me tourner vers mes collègues, en commençant par la sénatrice Seidman.
La sénatrice Seidman : Merci. Cela fait énormément d'informations à digérer d'un coup, alors je vais essayer de revenir quelque peu sur les grands thèmes que vous avez abordés.
D'abord, j'aimerais que nous parlions un peu de l'Initiative canadienne de dépistage du cancer du sein, monsieur Doyle, car l'initiative est directement concernée par ce projet de loi. Est-ce que vous-même ou l'initiative avez été consultés pendant que ce projet de loi était conçu et discuté par ses promoteurs?
M. Doyle : Non, c'est la première fois aujourd'hui que nous avons l'occasion de parler du projet de loi.
La sénatrice Seidman : Même quand ce projet de loi était débattu à la Chambre des communes, vous n'avez pas été invité pour discuter de ses répercussions sur l'initiative?
M. Doyle : Non
La sénatrice Seidman : Je pose cette question parce que ce projet de loi confère certaines responsabilités à l'initiative.
Il y est dit :
c) en communiquant, au moyen de l'Initiative canadienne pour le dépistage du cancer du sein, l'information concernant la détection du tissu mammaire hétérogène ou dense durant le dépistage et toutes méthodes de suivi.
C'est ce qu'exige le projet de loi, n'est-ce pas?
M. Doyle : Oui, c'est exact.
La sénatrice Seidman : Est-il désormais courant de partager des informations d'une organisation à l'autre?
M. Doyle : Concernant la densité mammaire?
La sénatrice Seidman : Oui.
M. Doyle : Comme je l'ai indiqué dans mon mémoire, les données sur la densité mammaire sont actuellement enregistrées par des programmes de dépistage provinciaux. Elle ne fait pas pour l'instant l'objet d'un classement systématique par catégorie de façon homogène d'un bout à l'autre du pays, et certains programmes provinciaux de dépistage n'enregistrent pas de données sur la densité mammaire. Nous ne le faisons pas de façon systématique et, à l'heure actuelle, la méthode de mesure n'est pas homogène d'un lieu à l'autre
La sénatrice Seidman : Vous l'avez indiqué en effet et vous êtes même allé plus loin. Ce que vous avez dit à propos de la densité mammaire dans votre exposé a également été évoqué par l'American College of Radiology dans ses commentaires à propos de la loi américaine, dans les différents États, concernant la sensibilisation à la densité mammaire. Vous dites que la mesure de la densité est subjective, qu'elle n'est pas reproductible de façon systématique et qu'elle est sujette à variation selon l'observateur.
M. Doyle : C'est tout à fait exact. Nous savons, grâce aux programmes de dépistage dans les provinces qui collectent des données sur la densité mammaire, que cela varie parfois selon le radiologue qui interprète l'image. On peut passer d'une catégorie à l'autre. Actuellement, au Canada, certains programmes de dépistage provinciaux utilisent la méthode BI-RADS qui classe la densité mammaire en quartiles. D'autres provinces utilisent une méthode qui classe au-dessus ou en dessous de 75. C'est une classification binaire, ce qui facilite les choses, et réduit la variabilité parce qu'il n'y a que deux possibilités. Il n'y a pas vraiment de méthodologie cohérente aujourd'hui pour enregistrer ces données.
La sénatrice Seidman : L'évaluation de la densité mammaire n'est donc pas reproductible de façon fiable?
M. Doyle : Non.
La sénatrice Seidman : Cela nous amène à ce que vous avez dit ensuite. Nous savons tous que les programmes de dépistage peuvent être positifs, mais on doit toujours s'assurer que le bénéfice est supérieur aux risques.
M. Doyle : J'ai parlé du double mandat du dépistage, nous essayons de détecter les cancers de façon précoce, mais nous essayons aussi de confirmer l'absence de la maladie. Le projet de loi sous-entend que nous devrions informer les femmes de leur situation sur le plan de la densité mammaire. Nous ne détectons pas de maladie, mais nous ne confirmons pas non plus l'absence de maladie. Nous informons les femmes de l'existence d'une caractéristique qui peut entraîner un facteur de risque, mais nous n'avons rien d'autre à leur proposer quand nous les informons sur cet état de santé.
La sénatrice Seidman : C'est l'enjeu, n'est-ce pas?
M. Doyle : Oui.
La sénatrice Seidman : S'il y a un programme de dépistage et qu'on apprend aux femmes qu'elles présentent ce risque, il faut pouvoir leur proposer quelque chose pour que ce diagnostic ait une utilité, n'est-ce pas?
M. Doyle : Le but d'un programme de dépistage est soit de trouver une pathologie, soit d'en confirmer l'absence. C'est le principe du dépistage tel que le définit l'Organisation mondiale de la santé. Il y a une série de principes et quand l'on applique ces principes au dépistage pour des seins hétérogènes ou denses, c'est en quelque sorte un échec. Cela ne remplit pas les conditions du dépistage définies par l'OMS.
La sénatrice Seidman : Il y a un autre sujet d'inquiétude. Vous dites que la fréquence des seins denses est proche des 40 p. 100.
M. Doyle : La terminologie utilisée dans le projet de loi parle de seins hétérogènes ou denses. Cette terminologie correspond au système BI-RADS utilisé aux États-Unis et dont a parlé la Dre Wilson. Hétérogène correspond à la catégorie supérieure à 50 et inférieure à 75, très dense ou dense correspond à plus de 75. Nos données sont limitées, car, comme je l'ai dit, toutes les provinces ne les collectent pas, mais nous pouvons regarder les données des provinces qui ont utilisé les quartiles. Certaines sont arrivées à plus de 50 p. 100 ou à moins de 50 p. 100, mais nous proposons une estimation d'environ 40 p. 100. L'American College of Radiology dit que le chiffre est plus élevé, et l'estime aux environs de 50 p. 100. Il y a là un défi, parce que si, à l'aide du programme de dépistage, nous informons les femmes de leur état, elles vont chercher à obtenir une imagerie supplémentaire et cela va à l'encontre du but du dépistage.
La sénatrice Seidman : Suggérez-vous qu'il faille, comme en a, je crois, parlé la Dre Wilson, un outil de sélection plus précis qui, plutôt que d'utiliser un indicateur de risque unique tel que la densité mammaire, prendrait en compte d'autres paramètres comme l'existence d'un parent proche atteint d'un cancer du sein, l'âge ou autre?
M. Doyle : L'intervalle habituel entre deux dépistages est de deux ans. Le groupe de travail recommande un intervalle de deux ou trois ans. Nombre de programmes de dépistages font revenir certaines femmes tous les ans, en fonction des facteurs de risque et des antécédents familiaux. La densité joue un rôle dans certaines provinces. Si une femme a reçu des radiations pour une leucémie ou pour un lymphome à la poitrine dans son enfance, cela est pris en compte. Cela joue sur la fréquence du dépistage. L'intervalle de routine est de deux ans, mais nous dépistons certaines femmes plus fréquemment.
La sénatrice Seidman : Ce qui me préoccupe, ce sont les faux positifs et les points sur lesquels vous avez insisté, vous en avez peut-être parlé tous les trois, je crains que cela ne provoque une anxiété anormale chez les femmes, qui devront ensuite passer toutes sortes d'autres tests, être de nouveau exposées aux radiations, subir des biopsies ou des interventions chirurgicales. C'est très certainement préoccupant, surtout si l'on parle de plus de 40 ou 50 p. 100 de femmes qui présentent ce profil, comme vous l'avez décrit.
M. Doyle : Le cœur du problème, c'est que nous n'avons pas de test fiable que nous pourrions mettre en œuvre sur un grand effectif de femmes pour améliorer les choses. Tout ce que nous voyons, c'est que cela va faire plus de mal que de bien.
Le président : Docteure Wilson, souhaitez-vous faire une remarque?
Dre Wilson : En Colombie-Britannique, nous pouvons établir les antécédents familiaux de façon fiable, car les femmes les signalent à chaque dépistage, nous avons aussi les données internationales ainsi que les données de notre propre programme pour montrer que les femmes ayant un parent au premier degré atteint ont un risque deux fois plus élevé de développer un cancer du sein. Nous avons choisi d'utiliser cela pour déterminer le rappel annuel. La plupart des femmes sont contactées tous les deux ans, mais ces femmes en particulier sont admissibles au dépistage annuel.
La sénatrice Seidman : Il ne s'agit pas nécessairement de femmes ayant une densité mammaire élevée?
Dre Wilson : Non, cela concerne toutes les femmes. Il n'est pas vraiment avéré que des femmes présentant un niveau de risque moyen, mais ayant des seins plus denses, devraient faire l'objet d'un dépistage plus fréquent que les autres. C'est peut-être une chose qui ressort de certaines études en cours, mais, dans l'état actuel des connaissances, nous n'avons pas de preuve.
La sénatrice Seidman : J'ai une dernière question, et peut-être pourrais-je vous demander vos conclusions sur le sujet et sur la législation potentielle qui pourrait avoir des conséquences sérieuses.
Monsieur Doyle, vous avez également mentionné dans votre exposé, et je connais cette étude, que le Journal of the National Cancer Institute a indiqué que la densité mammaire n'a pas d'incidence sur la mortalité chez les patientes atteintes d'un cancer du sein.
M. Doyle : C'est une étude qui a été réalisée par un groupe nommé Breast Cancer Consortium aux États-Unis. Il est semblable à l'Initiative canadienne pour le dépistage du cancer du sein. Ce groupe ne couvre pas l'ensemble des États, mais c'est un consortium d'États qui a une base de données tout comme nous. Parce qu'il y a là-bas cette loi au sujet du BI-RADS et du MQSA, le groupe a toujours utilisé les catégories de densité. Les clichés mammaires leur ont permis d'obtenir des données catégorielles concernant la densité mammaire des femmes, ils ont ensuite comparé les résultats des femmes ayant des seins peu denses avec ceux de femmes ayant des seins denses et se sont aperçus qu'il n'y avait aucune différence.
Les femmes qui ont des seins denses réagissent bien au traitement. Si vous vous y connaissez un peu en traitement du cancer du sein ou si vous connaissez des femmes qui souffrent de ce cancer, vous les entendrez parler d'œstrogène triple positif, d'ER PR positif, et négatif. Les femmes positives ont plus fréquemment des seins denses et répondent beaucoup mieux au traitement. Il existe une corrélation entre le type de cancer constaté chez des femmes ayant une densité mammaire élevée d'un côté et le type de cancer que l'on trouve chez les femmes ayant une densité mammaire faible, d'un autre côté.
La sénatrice Seidman : Les femmes ayant une densité mammaire élevée répondent aussi bien, ou mieux au traitement, et ne présentent par conséquent pas un risque accru de mortalité comparé aux autres femmes?
M. Doyle : C'est exact. Cette étude a été publiée en août dernier. C'est une très bonne étude.
La sénatrice Seidman : Je comprends.
D'après tout ce que vous avez dit, et tout ce que vous avez ajouté, docteure Wilson, avez-vous eu au regard de votre expérience du dépistage du cancer du sein, l'occasion de lire ce projet de loi et avez-vous des suggestions au sujet de choses que nous devrions ajouter, retirer ou que sais-je?
Dre Wilson : Tout d'abord, il faut se féliciter de ce projet de loi parce qu'il attire l'attention. Tout ce qui attire l'attention sur le dépistage du cancer du sein est sans doute une bonne chose. Je crois que le fait d'aller trop loin dans la législation pose problème. Cela pose particulièrement problème comme je l'ai souligné en ce qui concerne l'accès aux examens supplémentaires, parce que, encore une fois, nous n'avons pas de données prouvant que ces examens supplémentaires sont bénéfiques. Nous savons qu'il y aura des inconvénients de taille : le problème de l'accès et celui des tests supplémentaires inutiles.
Comme il l'a indiqué, le groupe de travail craint que les mammographies de dépistage ne contribuent déjà à ce problème. En particulier, cela pose problème pour ce qui est des femmes jeunes.
Il est clair que les dispositions législatives en place aux États-Unis ne fonctionneraient pas ici, dans notre contexte.
La sénatrice Seidman : Merci. Je comprends.
Le sénateur Eggleton : Permettez-moi d'enchaîner sur le projet de loi lui-même, le projet de loi C-314. Monsieur Doyle, vous avez dit, dans votre exposé, que vous aviez des inquiétudes au sujet du projet de loi, au sujet des mandats législatifs concernant la densité mammaire. Vous avez ajouté que les dispositions du projet de loi sont vagues et imprécises, puis vous partez de ce point et vous nous expliquez votre point de vue.
Pour poursuivre sur ce que disait la sénatrice Seidman, plus loin dans vos remarques écrites, vous dites :
Qu'en est-il des inconvénients d'informer les femmes de leur densité mammaire? Les femmes seront informées de l'existence d'un facteur de risque, mais nous sommes dans l'incapacité de dire à ces femmes de quelle manière elles peuvent réduire ce risque; et cela augmentera leur anxiété.
Dites-vous que cette législation pourrait, en fait, être néfaste?
M. Doyle : Si nous appliquons les principes que le Groupe d'étude canadien sur les soins de santé préventifs a utilisés pour évaluer les avantages et les inconvénients du dépistage, alors je dirais que oui, cela pourrait être néfaste. Cela serait mon analyse.
Le sénateur Eggleton : Cette question s'adresse à tous les témoins. Pensez-vous que des amendements à ce projet de loi pourraient en réduire ou en supprimer les inconvénients, ou pourraient rendre ce projet de loi plus utile? La Dre Wilson a déclaré il y a quelques instants que cela permettait de mettre l'accent sur le dépistage et de mieux cibler les interventions, ce qui peut être positif, mais comment pouvons-nous modifier le texte?
Si vous n'avez pas la réponse à cette question tout de suite, vous pourriez nous envoyer vos remarques concernant des amendements en particulier plus tard.
M. Doyle : Je ne suis pas spécialisé en modification de projets de loi, mais, avant d'en venir à ce sujet, j'ai mentionné cinq questions qui exigent des réponses. Si nous voulons que le projet de loi serve à quelque chose, il faudrait qu'il fournisse l'infrastructure et les agents de recherche nécessaires pour qu'on puisse trouver la réponse à ces questions.
En ce qui concerne l'initiative, en collaboration avec le PCCC, si le projet de loi demeure tel qu'il est, nous travaillerons évidemment dans ce cadre et nous tenterons de normaliser la manière dont on mesure la densité mammaire. Nous doutons fortement que cela puisse avoir le moindre impact sur la mortalité ou sur la santé publique, c'est à cela que servent les programmes de dépistage. Ils ont une incidence sur les taux de mortalité dans leur ensemble.
Le président : Avant de passer la parole à Mme Jamieson, je voudrais vous poser une question : le corps médical a pour principe de « ne pas nuire ». Dans sa forme actuelle, votre réponse à cette question est-elle oui ou non?
Vous avez formulé des réponses très prudentes.
M. Doyle : Je m'étais préparé à l'éventualité de devoir exprimer mon point de vue sur le projet de loi en un seul mot; je dirais que le projet de loi est inutile.
Dre Wilson : Je ne puis qu'approuver.
Le président : Je vais en rester là et donner la parole à Mme Jamieson pour connaître son point de vue et sa réponse à ma question.
Le sénateur Eggleton : J'aimerais obtenir une réponse à ma propre question également.
Le président : Je suis désolé, sénateur. Pouvez-vous répondre à la question du sénateur Eggleton et ensuite à la mienne?
Mme Jamieson : Je vais essayer de répondre aux deux questions à la fois en disant, comme l'a indiqué la Dre Wilson, qu'à chaque fois que nous informons les gens sur des enjeux précis liés au cancer, nous rendons service à la population canadienne. Il nous faut davantage de gens sensibilisés, davantage de gens qui parlent des facteurs de risque, des choix de modes de vie et des obligations individuelles de dépistage. Tout cela est nécessaire et nous y travaillons de bien des manières. Nous pouvons le faire au moyen de politiques ou de procédures, par une directive ou par la manière dont le système est structuré. Nous pourrions le faire grâce à des campagnes dans les médias et nous l'avons déjà fait. Nous avons besoin de tout ce qui peut sensibiliser. Dans cette boîte à outils, la législation est l'une des possibilités. Il serait utile qu'une loi prenne en compte les enjeux du dépistage et prescrive davantage de recherches pour comprendre le rôle de la densité mammaire. Nous serions très en faveur de cela.
Je dirais que notre partenariat repose sur le fait que nous écoutons les experts qui nous aident à comprendre, ce qui est vraiment évident afin que nous ne nous agitions pas autour des différentes possibilités, effrayant ainsi les gens inutilement. Je dirais que l'initiative de dépistage serait ravie de débattre des perspectives en ce sens. En ce qui concerne les autres types de cancer, au sein du PCCC nous aidons les gens de la lutte contre le cancer dans tout le pays à recueillir des données d'une manière homogène et à comprendre les pratiques exemplaires.
J'ai entendu ce matin des gens dire qu'il n'y avait pas assez de données dans le pays, que nous ne recueillons pas ces données selon les mêmes méthodes et que nous n'avons pas de preuves susceptibles de nous orienter vers une voie ou vers une autre. Tout cela constitue de bonnes pistes, mais nous ne sommes pas encore arrivés à destination.
La sénatrice Seth : J'aimerais vraiment savoir si l'on s'inquiète des femmes ayant un tissu mammaire dense ou des seins hétérogènes? S'agit-il d'un problème? Avez-vous réalisé des études d'envergure qui prouvent que le cancer est plus prévalent chez les femmes ayant un tissu mammaire dense? Vous avez dit que rien n'indique que le fait de fournir de l'information sur les tissus mammaires denses a une incidence sur la mortalité liée au cancer du sein.
Quand je regarde la photo des tissus mammaires denses, ils apparaissent en blanc. Lorsqu'une patiente va passer un test de dépistage et une mammographie, un cancer de petite taille apparaît également en blanc. Il se confondra donc avec le reste. Lorsqu'on voit une telle chose, qu'est-on censé dire à la patiente? Qu'elle a des seins très denses et qu'il pourrait s'agir d'un cancer, mais que vous n'en êtes pas sûr? Ne faudrait-il pas prendre des dispositions pour effectuer un suivi?
Maintenant, vous dites que si l'on détecte des tissus mammaires denses, on effectuera un suivi, ainsi que des mammographies et des biopsies supplémentaires et que l'on obtiendra encore plus de faux positifs. Pensez-vous qu'avec un diagnostic sur 10 qui est un faux positif, si vous suivez ensuite ces neuf autres patientes, pensez-vous qu'elles pourraient avoir un cancer caché dans cette masse blanche qui s'y confondrait, car il apparaît en blanc également? Le cancer apparaît en blanc et les tissus mammaires denses apparaissent en blanc. Pourrions-nous alors sauver des vies, également?
Qu'y a-t-il de mal à sensibiliser et à faire plus attention, à assurer plus de suivi en faisant des mammographies ou des échographies automatiques pour pouvoir sauver des vies?
Dre Wilson : Vous avez complètement cerné la controverse. Pour commencer, c'est la même controverse à laquelle nous sommes confrontés pour les mammographies de dépistage et les autres types de tests.
Pour les mammographies de dépistage, contrairement aux autres types de tests, nous disposons d'essais aléatoires qui indiquent qu'il y a une réduction de la mortalité chez les femmes qui ont subi un dépistage du cancer du sein. Nous le savons d'après les essais aléatoires. Chez les femmes qui se font dépister pour le cancer du sein, on constate une baisse de la mortalité due au cancer du sein. Nous ne disposons pas des mêmes données probantes pour les autres tests.
Je m'occupe des échographies mammaires; dans la province, je suis l'experte en RM et je crois fermement en ces deux outils. Toutefois, nous n'avons pas de données probantes nous indiquant la même chose pour les femmes à risque moyen. Ces dernières sont toujours considérées comme étant à risque moyen, car, je le répète, nous ne disposons d'aucune preuve qui ferait augmenter le niveau de risque supérieur à la moyenne, uniquement sur la base de leur densité mammaire.
Nous sommes en train de parler de femmes présentant des risques moyens et rien, dans les preuves dont nous disposons, ne montre qu'en faisant des tests plus poussés, on puisse détecter le cancer du sein plus tôt et accroître leur longévité. C'est vraiment là le cœur de la question.
Bien évidemment, vous avez également soulevé un autre point très important, à savoir l'émotivité qui entoure le cancer du sein et sa détection. C'est quelque chose qui touche une corde sensible chez les gens. Je ne suis pas en train de dire que c'est mauvais, car c'est une question qui me tient à cœur, mais cela nuit à l'interprétation des données et avec ce qui doit être fait. Cela vient ajouter une couche supplémentaire et nous essayons, par le biais de tests aléatoires, de prendre un peu de recul pour voir ce que nous pouvons défendre et, certainement, ce que nous pouvons défendre au sein d'un régime public de soins de santé, comme celui que nous avons au Canada.
La sénatrice Seth : J'estime toujours, du moins à ma connaissance, d'après ce que je vois, que c'est une bonne chose d'être prudent. La patiente devrait être conseillée. Elle sera anxieuse si vous lui dites : « Oh, vous avez des tissus mammaires denses. » Nous sommes censés nous occuper des patients lorsque le rapport arrive.
Plus encore, étant donné que l'on peut sous-diagnostiquer le cancer du sein qui en est au premier stade — nous pouvons faire beaucoup mieux que simplement partir après avoir dit que le risque de mortalité n'est pas suffisamment élevé. Je ne sais pas. Cela ne...
Dre Wilson : Ce n'est pas ce que nous disons. Comme nous l'avons également indiqué et souligné, le fait que les femmes connaissent leur densité mammaire est une bonne chose. Ce n'est pas une mauvaise chose, au contraire. Effectivement, cela peut causer une anxiété accrue, ce qui dans certains cas n'est pas nécessaire, mais ces femmes ont probablement besoin de faire un petit peu plus attention. Elles devraient participer au programme de dépistage plus régulièrement et devraient avoir ces discussions avec leur médecin, surtout s'il y a des changements dans leurs antécédents familiaux — ce qui peut arriver.
Nous sommes en train de dire — et je crois que le groupe de travail canadien a également mis l'accent là-dessus — que c'est le genre de conversations que les femmes doivent avoir individuellement avec leur propre médecin de famille. Elles doivent comprendre les limites de la technologie et elles doivent être à l'aise avec leur choix, à savoir qu'elles ne se conforment pas aveuglément à tout ce qu'on leur dit ou qu'elles ne refusent pas de faire les choses. Elles doivent pouvoir comprendre où elles en sont, les risques auxquels elles sont exposées et y faire face d'une manière appropriée pour elles.
Le président : Permettons à M. Doyle de prendre la parole.
M. Doyle : Nous devrions toujours souligner le fait qu'il s'agit de dépistage au sein de la population et que cela concerne donc un grand nombre de personnes. Si l'on pense au dépistage, il existe 40 p. 100 de femmes qui ont des seins hétérogènes ou à tissus denses. Il est tout simplement inconcevable que l'on offre à ce groupe de femmes des services d'imagerie supplémentaires comme les échographies et je sais que bien des partisans de ce type de loi sur la sensibilisation au dépistage chez les femmes ayant un tissu mammaire dense sont entièrement pour les échographies.
Toutefois, nous savons que les échographies sont très utiles à des fins diagnostiques et il nous faut comprendre la différence entre le dépistage et les examens diagnostiques. Nous faisons passer un test de dépistage aux femmes qui sont en bonne santé; toutes les femmes qui viennent aux programmes de dépistage se portent bien. Sur les 1 000 femmes qui viennent, 995 ou 994 n'ont pas de cancer du sein. En revanche, elles sont à peu près 400 sur 1 000 à avoir un tissu mammaire dense.
À l'heure actuelle, sur ces 1 000 femmes, 940 ou 930 se font dire de rentrer chez elles, de ne pas s'en faire et de revenir dans un an ou deux. Toutefois, avec ce genre de projet de loi, nous aurions à dire à 400 femmes sur ces 1 000 de se soumettre à des tests d'imagerie supplémentaires — d'aller passer une échographie. Il s'agirait toujours de dépistage, car nous n'aurions pas de rapport de mammographie indiquant une anomalie — une zone sur laquelle une échographie se concentrerait et dont elle donnerait une image. Il faudrait avoir recours à une imagerie générale du sein, chercher une aiguille dans une botte de foin, chercher à l'aveuglette. Ainsi, nous aurions 400 femmes à qui on ferait une échographie et qui, en grande partie, n'auraient pas plus d'information, car ces cancers n'existent pas.
Sur les 1 000 femmes, il y en a six qui ont un cancer. Le programme de dépistage en trouvera cinq et il y en a une que l'on ne trouvera pas. Nous ne savons même pas si elles se trouvent parmi les 400 qui auraient une échographie; il se peut qu'elles se situent parmi les 600 femmes qui ne subissent aucun service d'imagerie complémentaire. C'est l'aiguille dans la botte de foin, comme on dit. Nous ferions ces échographies, le radiologue les examinerait et dirait : « Je ne sais même pas ce que je suis censé chercher. »
Mme Jamieson : J'aimerais ajouter un point à cela. L'effet de tout cela sur le système fera en sorte que des personnes qui ont vraiment besoin de subir un dépistage n'arriveront pas à profiter du programme et devront attendre plus longtemps, de sorte que la détection sera retardée. Tout cela a également des effets cumulatifs sur le système.
Dre Wilson : Ça se produit lorsqu'il y a de longs temps d'attente, parfois, pour les échographies diagnostiques en particulier.
Le président : Vous l'avez indiqué très clairement dans votre exposé, docteure Wilson — à savoir qu'il pourrait y avoir des retombées assez négatives sur les femmes, en général, en ce qui concerne cet enjeu précis.
Avez-vous une question différente?
La sénatrice Seth : Quoi qu'il en soit, je dirais qu'il vaut mieux prévenir que guérir et que c'est là toute l'idée derrière ce projet de loi.
Le président : Madame la sénatrice, pourriez-vous passer à une autre question?
La sénatrice Seth : Mon autre question est...
M. Doyle : J'aimerais réagir à la question de la prévention. Nous ne faisons pas de la prévention des cancers du sein en faisant du dépistage; la prévention ne fait pas partie de notre trousse à outils. Nous ne prévenons pas les cancers en faisant du dépistage du cancer du sein. Nous les détectons de manière précoce, mais nous ne les prévenons pas.
La sénatrice Seth : Il s'agit là d'un facteur clé — détecter à un stade précoce. Cela permet de sauver des vies et de prodiguer un meilleur traitement.
Allez-y, il s'agit d'un échange.
Ma deuxième question porte sur quelque chose que vous avez mentionné dans votre allocution. Vous avez dit que vous n'encouragiez pas l'auto-examen.
Dre Wilson : Ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit que le Groupe d'étude canadien sur les soins de santé préventifs, dans ses recommandations de novembre 2011, a dit qu'il recommandait de ne pas conseiller aux femmes de pratiquer l'auto-examen des seins. Il s'agit là de leur ligne directrice. Cela prête à controverse.
La sénatrice Seth : Êtes-vous d'accord avec cela?
Dre Wilson : Suis-je d'accord avec cela? Eh bien...
Le président : Je crois que nous nous écartons du sujet, ici, et je vais donc vous demander de poser votre prochaine question, si vous en avez une.
La sénatrice Seth : Merci, mais je crois qu'elle portait là-dessus.
Le président : Il s'agit d'une question séparée, madame la sénatrice.
Les sujets que nous avons abordés ici, ce matin, ont été, je crois, exceptionnellement utiles pour nous aider à comprendre cette question et à comprendre l'importance des différents aspects de la discussion sur la question. Il serait extrêmement fâcheux qu'un parlement adopte un projet de loi qui nuise à la santé de ses citoyens. Si les médecins adhèrent au principe de précaution et d'innocuité, il est évident qu'un gouvernement doit au moins répondre à ce critère.
Notre rôle, ici, consiste à étudier davantage le sujet dont nous sommes saisis, d'en tirer des conclusions et de conseiller le Sénat du Canada sur cette question.
Tout d'abord, j'aimerais vraiment remercier mes collègues pour leurs questions...
La sénatrice Cordy : Je suis d'accord avec vos propos, mais je ne m'attendais pas à ce que les choses se terminent si rapidement.
Le président : Vous n'avez pas signalé que vous désiriez poser une question.
La sénatrice Cordy : Vous avez tout à fait raison.
Le président : Je vais donc m'interrompre à mi-chemin et inviter notre retardataire, la sénatrice Cordy, à poser sa question.
La sénatrice Cordy : Je suis d'accord avec ce que vous dites, même au sujet de mon retard.
Je ne suis pas en désaccord avec quoi que ce soit. Je suis grandement intéressée par la participation aux programmes provinciaux de dépistage du cancer du sein. Docteure Wilson, dans le tableau que vous nous avez remis, les provinces maritimes affichent des taux assez élevés — et je m'en réjouis. En revanche, Terre-Neuve affiche un taux qui est bas. J'imagine que c'est à cause de la controverse qu'ils ont connue, il y a quelques années. Ou bien cela n'est-il pas à cause de cela?
Dre Wilson : Je vais laisser le soin à M. Doyle de vous répondre, puisqu'il est de là-bas.
M. Doyle : Il est en fait dommage que ce soit ce tableau que la Dre Wilson ait choisi de vous donner. Au Canada, les femmes ont accès aux mammographies de deux façons : l'une, par le biais des programmes de dépistage qui sont organisés et l'autre, simplement en obtenant une requête de leur médecin et en se rendant à un centre de mammographie diagnostique, où l'on fait des mammographies de routine, ce qui équivaut à du dépistage.
Si l'on consultait les données de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes, on trouverait que cette tendance est très égale à travers le pays — à savoir près de 70 p. 100. J'ai vu cela et je me suis dit : « Oh... »
La sénatrice Cordy : L'Alberta se situe à 0,6 et je me suis dit : « Wow. Pourquoi? »
Dre Wilson : C'est pour la même raison : elles se font en majorité dans des cabinets privés, ce que j'appelle les CIC, à savoir les cliniques d'imagerie communautaires. En outre, seul un petit pourcentage se fait dans leurs centres mobiles.
M. Doyle : Et donc...
Le président : Examinons ce courant de pensée et, ensuite, la Dre Wilson pourra apporter des éclaircissements.
M. Doyle : Nous pouvons vous donner une mise à jour et vous brosser un meilleur tableau de l'utilisation des mammographies de routine, à travers le pays, car ce tableau n'en reflète qu'une partie. Il s'agit de la façon dont les provinces organisent la prestation de services et nous ne tenons compte que d'une partie de cette prestation. Néanmoins, lorsque nous regardons les choses d'un point de vue pancanadien, en utilisant deux différents ensembles de données, on voit qu'il s'agit d'une tendance assez semblable et qu'elle avoisine les 70 p. 100, à l'échelle du pays.
La sénatrice Cordy : Ce serait utile, car, pour Terre-Neuve, j'avais présumé certaines choses — et on ne devrait jamais présumer — tandis que pour l'Alberta, je me suis posé la question, car financièrement parlant, j'aurais pensé qu'elle serait en bien meilleure posture.
M. Doyle : Il y a un autre tableau que nous pouvons vous fournir.
La sénatrice Cordy : Je m'intéresse aussi au dépistage du cancer du sein dans le Nord. L'un d'entre vous a mentionné que les taux de participation dans les zones urbaines étaient beaucoup plus élevés. Qu'en est-il des collectivités du Nord, au Yukon ou dans les Territoires du Nord-Ouest?
Dre Wilson : Ils ont un programme de dépistage au Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest. Malgré cela, je crois que c'est sporadique dans les Territoires du Nord-Ouest, n'est-ce pas?
M. Doyle : Ils ont un programme qui est organisé à Yellowknife.
La sénatrice Cordy : S'agit-il d'un programme itinérant comme l'unité mobile?
M. Doyle : Non.
Dre Wilson : Nous utilisons beaucoup les unités mobiles. L'Ontario s'en sert beaucoup, tout comme l'Alberta.
La sénatrice Cordy : Merci, monsieur le président.
La sénatrice Dyck : Merci pour vos exposés ce matin. Ils étaient très clairs et utiles. Monsieur Doyle, vous avez clairement indiqué qu'il serait peut-être prématuré d'adopter ce projet de loi, car il aura plus d'effets négatifs que positifs, dans la mesure où il va probablement faire augmenter le nombre de faux positifs, exacerber les niveaux d'anxiété et accroître le nombre de tests et de traitements inutiles. Plus tard, on a signalé qu'il ne risquait pas de nuire uniquement aux femmes aux tissus mammaires denses, mais qu'il risquait d'avoir des retombées négatives sur celles dont ce n'est pas le cas, car les ressources disponibles seront déjà largement grevées.
En vous écoutant, docteure Wilson, je me suis rendu compte que, avec les lignes directrices concernant le dépistage du cancer du sein pour les femmes âgées entre 40 et 49 ans, on ne recommande plus qu'elles se soumettent à un dépistage de routine. Je me demande s'il s'agit d'une situation équivalente, car, dans ce cas précis, on s'inquiète davantage des faux positifs, des biopsies qui ne sont pas nécessaires et des surdiagnostics. Diriez-vous qu'il s'agit d'une situation semblable?
Dre Wilson : Oui, c'est pour cela que j'en ai parlé. C'est parce que nous mettons désormais 40 à 60 p. 100 des femmes qui ont subi un dépistage dans la même catégorie de femmes qui doivent subir des tests additionnels, mais cela n'est pas obligatoirement nécessaire. Nous pensons que cela n'est pas nécessaire, en grande partie, et nous ne disposons pas des données pour nous en indiquer l'efficacité, ni nous préciser pour quel pourcentage de femmes c'est nécessaire. C'est ce que je voulais dire.
Le président : Je vais maintenant me tourner vers mes collègues et je ne vois personne lever la main. Je vais donc conclure en vous remerciant, encore une fois, pour la façon dont vous nous avez expliqué cette question très importante, question qui évidemment suscite beaucoup d'émotions, et, si je peux me le permettre, tous les éléments purement médicaux ou cliniques qui la sous-tendent.
Je crois que vous nous avez été d'une aide très précieuse. Au nom de mes collègues, je tiens à vous en remercier chaleureusement.
(La séance est levée.)