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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 42e Législature
Volume 150, Numéro 196

Le mardi 24 avril 2018
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le mardi 24 avril 2018

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

Les victimes de la tragédie

Toronto—Minute de silence

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, nous avons tous été attristés et choqués par les horribles événements survenus à Toronto hier, entraînant la perte d’au moins 10 vies et de sérieuses blessures à d’autres individus. Je sais que les sénateurs voudront exprimer leur soutien aux familles endeuillées et à la ville, et je vous demande donc de vous lever pour observer une minute de silence à la mémoire des victimes de cette tragédie.

(Les honorables sénateurs observent une minute de silence.)


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La tragédie survenue à Toronto

Hommages

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je sais que plusieurs sénateurs veulent s’exprimer au sujet des événements tragiques survenus à Toronto. Je crois comprendre qu’il y a donc consentement pour porter à 30 minutes la période consacrée aux déclarations. Êtes-vous d’accord?

Des voix : D’accord.

L’honorable Art Eggleton : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour parler de l’attaque révoltante perpétrée hier, à Toronto, contre des Canadiens innocents. Bien que les motifs de l’attaque restent encore flous, elle a toutes les caractéristiques d’attaques similaires qui ont eu lieu ailleurs dans le monde.

On voit trop souvent dans les nouvelles que des attaques de ce genre ont eu lieu ailleurs. Il est facile d’oublier que le Canada est vulnérable face aux personnes qui souhaiteraient nous faire du mal. Ce n’est pas dû à une faiblesse de notre part, mais plutôt à notre force : notre mode de vie ouvert et accueillant, notre société pluraliste, nos libertés. Comme j'ai vécu à Toronto toute ma vie et que j'ai eu l’honneur d’en être maire pendant 11 ans, je reste convaincu qu’aucune autre ville n’incarne aussi bien qu’elle ces principes qui nous sont si chers.

C’est en raison de nos forces que Toronto et le Canada continuent d’être des cibles pour les personnes qui souhaitent contester par la violence notre mode de vie. Ils ne se rendent pas compte que nous ne changerons jamais. Comme nous l’avons vu dans le cas de la tuerie à la mosquée de Québec, le sentiment d’appartenance à la communauté et le sens de l’acceptation qui définissent depuis si longtemps notre pays ne sont que renforcés par ce genre d’événements.

J’aimerais remercier les premiers répondants de Toronto de leur intervention rapide hier. Comme plusieurs d’entre vous, j’ai vu la vidéo de l’agent Ken Lam qui fixe sans broncher ce qui semblait être une arme et qui procède calmement à une arrestation sans tirer. Grâce à son intervention, des chefs d’accusation ont été portés contre l’agresseur et celui-ci sera traduit en justice.

Il n’en demeure pas moins que 15 personnes ont été blessées, dont certaines gravement, et que 10 autres ont perdu la vie.

Nous exprimons nos condoléances aux familles de ceux qui ont perdu la vie. Nous transmettons aux blessés nos meilleurs vœux de prompt rétablissement. Même si nulles condoléances ne peuvent alléger la douleur de ces personnes et de leur famille, je tiens à ce qu’elles sachent que le pays est avec elles.

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, nous voici une fois de plus rassemblés pour exprimer notre incrédulité et notre horreur à l’égard d’une tragédie.

Qu’une journée ensoleillée d’un printemps tant attendu — le genre de journée qui fait sortir les gens et qui fait ressortir le meilleur d’eux — soit devenue un jour de noirceur et de mort insensée dépasse tout entendement. Il est trop tôt pour chercher à comprendre ou faire plus que pleurer ceux qui ont perdu la vie et réconforter avec tout notre cœur et notre compassion ceux qui essaient de se remettre et ceux qui sont éprouvés.

Une fois de plus, nous exprimons notre reconnaissance et notre profond respect à l’endroit des premiers répondants qui, avec altruisme et courage, protègent et sauvent des vies, veillent au maintien de l’ordre et interviennent sur les lieux où règnent le chaos et la souffrance.

Nous soulignons également le leadership dont ont fait preuve les autorités municipales, provinciales et fédérales pour nous aider à comprendre l’incompréhensible et nous protéger du danger.

En effet, si les actes atroces qui ont entraîné cette tragédie ne représentent aucunement qui nous sommes en tant que Canadiens, notre réaction à cette tragédie, elle, en dit long sur nous.

Je veux dire aux Torontois que nous partageons leur chagrin et que nous savons que la vitalité de leur merveilleuse ville — une ville sûre où il fait bon vivre — permettra de les guérir et de les soigner.

Encore une fois, les Canadiens sont appelés à démontrer leur grande compassion et leur générosité.

Encore une fois, nous observons une minute de silence par respect pour les victimes, et nous nous adressons aux personnes touchées dans l’espoir que nos paroles leur offrent du réconfort et expriment notre empathie et notre solidarité sans bornes.

(1410)

L’honorable Larry W. Smith (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, c’est le cœur lourd que je prends la parole aujourd’hui pour offrir mes plus sincères condoléances aux familles des victimes du terrible incident qui a eu lieu à Toronto hier. Aux 10 personnes qui ont perdu la vie, nos prières accompagnent vos familles en cette période difficile. Aux 15 personnes qui continuent de lutter à l’hôpital, nous vous offrons nos prières pour nourrir votre persévérance sur le chemin du rétablissement.

Une telle violence n’a pas sa place dans nos villes, nos collectivités ou notre pays. Nous sommes solidaires de toutes les personnes touchées par cette tragédie.

Je tiens à remercier tout particulièrement les membres de la force policière dévouée et les premiers répondants de leurs actions courageuses en temps de crise. Merci de votre courage, de votre diligence et de votre engagement à assurer la sécurité de nos collectivités.

Ensemble, nous appuyons tous les habitants de Toronto, et de partout au Canada, en unissant nos forces pour favoriser la bonté dans toutes nos régions. J’espère que nous nous montrerons solidaires pour soutenir les personnes qui ont été touchées par cette tragédie et pour remercier ceux qui se dévouent à la protection de nos collectivités.

L’honorable Ratna Omidvar : Honorables sénateurs, c’est avec une grande tristesse que je m’apprête moi aussi à prendre la parole pour honorer les victimes de l’horrible acte de violence qui a eu lieu hier dans la magnifique ville de Toronto, où j’habite. Je m’exprime au nom de tous les sénateurs indépendants.

Comme l’a souligné le sénateur Harder, la journée d’hier était particulièrement belle sous les chauds rayons printaniers, et il y avait plus de gens qu’à l’habitude sur les trottoirs. Cette attaque insensée a coûté la vie à 10 personnes et en a blessé 15 autres. Je ne peux pas m’empêcher de penser aux caprices du sort : la scène aurait-elle été différente s’il avait fait un froid glacial? Ces personnes ne se seraient peut-être pas trouvées sur le trottoir. Or, la journée était agréable et ensoleillée, et elles y étaient, tout comme une fourgonnette blanche. Le carnage à North York s’est étendu sur plus d’un kilomètre le long de la rue Yonge, au sud de l’avenue Finch, et a duré 26 longues minutes, de la première alerte à l’arrestation du suspect.

Leur mort prématurée a fait s’envoler les rêves de familles, de mères, de pères, de frères, de sœurs, de filles, de fils et d’amis. La vie de tous ces gens est changée à jamais en raison de cet acte insensé.

Dans toute l’absurdité d’une telle tragédie, on peut puiser un certain réconfort en voyant à quel point les services publics d’urgence et de santé ont bien réagi dans des circonstances hautement stressantes. Les pompiers, les ambulanciers, la police de Toronto, particulièrement le constable Ken Lam, qui a réussi, sans broncher, à appréhender l’auteur du crime sans l’abattre. Ils méritent tous des éloges, tout comme les nombreux passants aux alentours du carnage qui ont offert leur aide à leurs concitoyens et leur ont témoigné leur sympathie.

Toronto est une ville forte et résiliente. Nous ne laisserons pas cette tragédie affecter notre moral, mais, aujourd’hui, l’heure est au deuil et je crois que nous avons besoin de réconfort. Lorsque j’ai besoin de réconfort, je me tourne vers les livres, et je crois que les paroles de John Donne pourront nous aider :

La mort de tout homme me diminue, parce que j’appartiens au genre humain; aussi n’envoie jamais demander pour qui sonne le glas: c’est pour toi qu’il sonne.

L’honorable Frances Lankin : Honorables sénateurs, aujourd’hui, Toronto est en deuil et le reste du Canada l’est aussi. Nous savons ce qui s’est passé, comme c’est déjà arrivé ailleurs dans le monde; quelqu’un s’est servi d’un véhicule pour commettre un acte de violence abject. Dix innocents ont perdu la vie, 10 familles ont été brisées. Quinze autres innocents sont à l’hôpital et des centaines d’autres personnes ont été prises de panique, ignorant si leurs proches étaient en sécurité.

Une belle journée du début du printemps, un moment où les Canadiens sortent de leur hibernation et se promènent dans les rues, s’est transformée en cauchemar. Nous ne sommes pas près d’oublier les images des bâches recouvrant des corps inertes dans la rue. Les images de la rue Yonge désertée et encadrée de ruban jaune représentent bien comment nombre d’entre nous se sentent présentement.

Notre ville, notre province et notre pays sont secoués et blessés. Je présente mes plus sincères condoléances à ceux qui souffrent aujourd’hui, aux victimes, aux familles et aux premiers intervenants.

Sur le coup, nous savions ce qui se passait, mais nous ne savions pas encore pourquoi. Était-ce un acte de terrorisme délibéré, un acte criminel? Qu’est-ce qui le motivait?

En dépit de cette sensation d’anéantissement, nous avons, encore une fois, face à la tragédie, montré notre force et notre maturité en tant que peuple. Nos premiers intervenants et d’autres citoyens témoins de la scène ont uni leurs forces pour aider les blessés. De surcroît, les médias partout au pays ont fait preuve de circonspection; ils ont trouvé le ton juste, empreint de tristesse — et non de colère —, en reconnaissant que cette agression était une tragédie, et vraisemblablement pas un acte terroriste.

Comme nous l’avons vu dans une vidéo en ligne, un agent de police exceptionnel, Ken Lam, a fait face, seul, au meurtrier apparemment armé et manifestement dangereux. Par ailleurs, alors qu’il aurait pu facilement tirer, il ne l’a pas fait. C’est un remarquable exemple d’une intervention policière à son meilleur, toutes les vies étant traitées avec la dignité qu’elles méritent, même celle d’un individu ayant commis d’horribles crimes. Cet agent, cet homme, est un héros.

En dépit du mal qui habite certains, les Canadiens en général peuvent se montrer particulièrement sages et compatissants.

Ce meurtrier souffrait probablement de troubles mentaux, et il semble qu’il ait fait des commentaires en ligne allant dans ce sens, se qualifiant ainsi de « célibataire forcé ». Cet homme, comme d’autres hommes sur Internet, se sentait frustré par le peu d’attention que lui accordaient les femmes. Cette sous-culture entraîne ces jeunes gens sur la voie de la misogynie et des opinions réactionnaires qui les poussent à vouloir se venger sur la société. Aussi, en plus de repenser les espaces réservés aux piétons pour mieux les protéger dans les endroits animés, nous devons accorder une attention accrue aux recoins sombres d’Internet, où des jeunes désillusionnés se laissent aller à la violence, qu’il s’agisse d’un radicalisme djihadiste ou misogyne.

Cependant, cela peut attendre à demain. Aujourd’hui, nous portons encore le deuil.

Bon courage, Toronto.

L’honorable Victor Oh : Honorables collègues, c’est le cœur lourd que je prends la parole aujourd’hui afin d’offrir mes pensées et mes prières à tous ceux qui ont été touchés par l’attaque survenue hier à l’angle de la rue Yonge et de l’avenue Finch.

Toronto est depuis longtemps reconnue comme l’une des villes les plus culturellement diversifiées du monde. Le quartier où l’attaque a eu lieu est reconnu pour sa forte population d’origine chinoise, coréenne et iranienne, et pour les nombreux nouveaux arrivants qui y sont établis.

La douleur et le chagrin qui nous affligent actuellement dépassent les frontières de l’Ontario et touchent le reste du Canada et le monde entier. Nous sommes tous unis par des liens familiaux et par notre humanité commune.

Chers collègues, nombre d’entre vous savent que j’habite à Toronto. C’est là que j’ai vécu la plus grande partie de ma vie. C’est l’endroit où j’ai élevé mes enfants et que ceux-ci ont également choisi pour y élever leur propre famille.

J’ai dû marcher avec eux dans ces rues à d’innombrables reprises. Je sais qu’un proche ou moi-même aurions pu être parmi les blessés ou les morts. Il est difficile de ne pas se sentir personnellement touché par ce geste de violence horrible et insensé, car c’est le cas. Mes proches et moi sommes personnellement touchés.

Ce qui est remarquable, c’est que, malgré la tragédie et le deuil qui nous affligent, l’événement a mis en lumière la véritable force de caractère de cette ville et du pays. Au cours de la dernière journée, nous avons été témoins d’une vague d’amour, de compassion et de solidarité. Je suis particulièrement reconnaissant envers les courageux intervenants de première ligne qui étaient sur le terrain de même qu'envers les équipes médicales qui ont soigné les blessés. Je suis profondément touché lorsque j’apprends comment des citoyens ordinaires ont fait preuve de solidarité les uns envers les autres.

Il est évident que nous sommes plus forts lorsque nous sommes solidaires, et que nous ne nous laisserons pas dominer par la peur et par la haine. Nous resterons fidèles aux valeurs qui nous définissent. Nous ne laisserons pas cette tragédie affaiblir notre sentiment de sécurité.

Notre ville demeurera toujours Toronto la bonne, Toronto la forte.

L’honorable Howard Wetston : Honorables sénateurs, aujourd’hui, les Canadiens pleurent le meurtre inexplicable de 10 personnes et les blessures subies par 15 autres. Nous sommes solidaires des gens qui ont perdu des êtres chers et de ceux qui s’engagent sur le long chemin de la guérison.

(1420)

La journée d’hier a été particulièrement déchirante. On a perpétré une attaque en se servant d’une camionnette comme d’une arme. Malheureusement, honorables sénateurs, il s’agit d’une méthode qui nous est devenue familière. Pensons aux événements tragiques survenus à Barcelone, à Londres, à Nice, à Stockholm et à Berlin.

Comment expliquer un geste aussi immoral et absurde? Nous n’arriverons peut-être jamais à le comprendre, mais il est nécessaire de lui donner un sens et de nous faire une raison. Il est utile de rappeler les paroles qu’a prononcées l’ancien président Barack Obama à la suite d’une fusillade dans une boîte de nuit à Orlando, en 2016. Il a indiqué que, en attaquant quiconque, peu importe la race, l’origine ethnique ou la religion, on s’en prend à nous tous ainsi qu’aux valeurs d’égalité et de dignité qui sont intrinsèques à notre nation. Or, aucun acte haineux ou terroriste ne changera ce que nous sommes ni les valeurs qui nous définissent.

C’est une tragédie non seulement pour Toronto, mais aussi pour tout le pays. J’offre mes plus sincères condoléances aux familles des victimes de cet acte insensé.

[Français]

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d’une délégation dirigée par Son Excellence M. Alassane Bala Sakandé, président de l’Assemblée nationale du Burkina Faso, accompagné de Son Excellence M. Athanas Boudo, ambassadeur du Burkina Faso au Canada.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

La Journée mondiale de la propriété intellectuelle

L’honorable Joseph A. Day (leader des libéraux au Sénat) : Honorables sénateurs, j’aimerais attirer votre attention aujourd’hui sur la Journée mondiale de la propriété intellectuelle, qui aura lieu plus tard cette semaine, le 26 avril.

Cette année, le thème de la journée est « Innovation et créativité : les femmes, moteur du changement ». Ce thème est des plus appropriés, compte tenu du budget de cette année, qui fait la promotion de l’égalité des sexes et présente des engagements fermes visant à encourager l’entrepreneuriat et l’innovation chez les femmes. De plus, le budget de 2018 prévoit 85,3 millions de dollars sur les cinq prochaines années pour diverses initiatives, comme un projet pilote de collectif de brevets, l’amélioration de l’accès à de l’expertise en matière de propriété intellectuelle pour les petites entreprises et la création d’un marché de la propriété intellectuelle.

La propriété intellectuelle s’applique aux brevets, aux marques de commerce et aux droits d’auteur, ainsi qu’à d’autres droits exclusifs. Comme le savent les honorables sénateurs, on établit des brevets pour des méthodes de fabrication nouvelles et utiles, qui changent généralement le fonctionnement d’une chose, tandis que la marque de commerce sert à distinguer un produit ou un service des autres produits et services. Quant au droit d’auteur, il confère le droit exclusif d’autoriser d’autres personnes à copier l’œuvre dont il est question, qu’il s’agisse d’un tableau, d’un manuscrit ou d’une chanson.

Les honorables sénateurs se souviendront peut-être que le Comité sénatorial des banques s’est penché sur la réforme du droit d’auteur au Canada il y a deux ans. La question de la propriété intellectuelle suscite beaucoup de discussions dans plusieurs des accords commerciaux que le Canada négocie actuellement. C’est un domaine qui a pris beaucoup d’importance au fil des ans.

À l’approche de la Journée mondiale de la propriété intellectuelle, j’ai le plaisir de vous inviter, en collaboration avec l’Institut de la propriété intellectuelle du Canada, à la réception qui aura lieu ce soir dans la salle 256-S. Nous y accueillerons quelques-uns des étudiants de niveau secondaire les plus brillants au pays, qui présenteront leurs projets scientifiques dans des domaines comme la multiplication des cas d’allergie au pollen et la maladie de Parkinson.

Une étudiante de l’Université Carleton présentera également son projet sur la mécanique du hockey paralympique, un sport populaire pendant les Jeux paralympiques d’hiver. J’espère que les sénateurs pourront se joindre à nous pendant la réception, qui se déroulera de 17 heures à 19 heures aujourd’hui. Merci.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d’un groupe de participants du Programme d’études des hauts fonctionnaires parlementaires.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

La sensibilisation à la sécurité des navires-citernes et des oléoducs

L’honorable Richard Neufeld : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui en tant que citoyen préoccupé. Depuis des mois, les Canadiens discutent du projet d’expansion de l’oléoduc Trans Mountain. Vous connaissez tous ma position là-dessus.

Malgré tous les beaux discours de la part de nos dirigeants politiques et tous les commentaires à ce sujet, une chose demeure certaine : le Canada perd beaucoup d’argent parce que nous vendons notre pétrole à rabais à nos voisins du Sud. Aussi longtemps que durera l’impasse actuelle, les Américains continueront de se moquer de nous. Pas plus tard que la semaine dernière, le Vancouver Sun a publié la lettre d’opinion d’un résident de Seattle, qui remercie les résidants de la Colombie-Britannique d’essayer de bloquer un autre projet d’oléoduc tandis qu’il profite de l’importation du pétrole canadien à bon marché. Il a écrit ceci :

Nous qui vivons au sud de la frontière continuerons à bénéficier de votre pétrole importé à grands rabais tout en exportant notre propre pétrole depuis les ports du golfe au cours du marché mondial. Le cadeau que vous nous faites, au prix de 100 millions de dollars par jour, est grandement apprécié. Nous nous extasions devant votre générosité, tout en mettant en doute votre bon sens.

J’imagine que c’est à cela que servent les amis.

Une étude récente menée par la Banque TD a fait valoir que nous perdons 28 $ le baril, en partie parce que les États-Unis sont notre seul client. L’écart de prix a coûté aux Canadiens près de 117 milliards de dollars au cours des sept dernières années, faute d’avoir accès à des marchés concurrentiels. La première ministre albertaine, Rachel Notley, affirme que les retards dans les projets nous font perdre 40 millions de dollars par jour en recettes. C’est très préoccupant.

Je suis conscient que ces projections ne sont pas une science exacte, mais, au bout du compte, le Canada perd des millions de dollars alors que les États-Unis font des profits sur notre dos. Le Canada doit, de toute urgence, diversifier ses marchés pour bénéficier d’un meilleur rendement.

L’oléoduc Trans Mountain serait une solution. Des sondages récents montrent qu’une majorité de Canadiens appuient le projet d’expansion, mais que certains s’y opposent encore totalement, sous prétexte que le transport du pétrole n’est pas sécuritaire.

Plusieurs sénateurs et moi donnerons donc une séance d’information sur la sécurité des pipelines et des pétroliers aujourd’hui dans la salle des Peuples autochtones. Notre séance ne portera pas uniquement sur Trans Mountain. Nous offrons plutôt aux dirigeants de l’industrie une tribune pour renseigner les parlementaires sur le transport sûr et efficient du bitume. C’est une initiative non partisane.

La Chambre de commerce du Canada parlera du secteur canadien de l’énergie et de la compétitivité. L’Association canadienne de pipelines d’énergie parlera de la sécurité des pipelines et des possibilités d’emplois. La Pipe Line Contractors Association of Canada parlera de la construction et de l’entretien des pipelines et de la formation. L’Administration de pilotage du Pacifique parlera de la sécurité des pétroliers et la Western Canada Marine Response Corporation nous entretiendra des capacités d’intervention en cas de déversement de pétrole.

Comme vous le voyez, nous avons une belle brochette de conférenciers. J’invite tous les sénateurs à passer à la salle des Peuples autochtones entre 17 et 20 heures pour une séance d’information qui promet d’être fort instructive. J’espère que les témoignages que nous entendrons apaiseront certaines de vos inquiétudes concernant la sécurité des pétroliers et des pipelines. Merci.

Le Mois du souvenir, de la condamnation et de la prévention des génocides

L’honorable Murray Sinclair : Honorables sénateurs, je prends la parole pour vous parler, en cette dernière semaine d’avril, du Mois du souvenir, de la condamnation et de la prévention des génocides.

Dans les années 1930, Raphael Lemkin, avocat juif, a inventé le terme « génocide ». Il a dit qu’il s’agissait d’un génocide si l’intention était non seulement de tuer des personnes, mais de détruire leur culture et leur nation. En 1947, le Canada a signé la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. En 2015, le gouvernement a reconnu officiellement le mois d’avril comme le Mois de la commémoration, de la condamnation et de la prévention des génocides.

(1430)

Durant la majeure partie de son histoire, le Canada a eu des lois et des politiques en place qui ont fait en sorte qu’il était illégal pour les Autochtones d’être autochtones. Pensons aux politiques de famine de sir John A. Macdonald visant à faire disparaître les Autochtones de l’Ouest pour faire place aux Européens et au chemin de fer, à la Loi sur les Indiens, visant à éliminer les gouvernements autochtones et l’identité autochtone en établissant qui avait le statut d’Indien et au système des pensionnats indiens, qui a arraché des enfants à leur famille. Des politiques ont été adoptées et inscrites dans la loi.

Il y a aussi eu le livre blanc de 1969 visant à éliminer le statut d’Indien, la rafle des années 1960 où des enfants étaient adoptés par des familles non autochtones, et le système actuel d’aide à l’enfance, qui souffre d’un sous-financement chronique, ce qui fait qu’on retire des enfants de leur famille, à des taux qui dépassent de loin le système des pensionnats indiens lui-même.

Le Canada avait même des lois visant à interdire les cérémonies autochtones et le port des habits traditionnels. Ces politiques et ces mesures, qui visaient à détruire la culture autochtone, sont l’équivalent d’un génocide. En appliquant ces politiques, le Canada souhaitait mettre un terme à l’existence des Autochtones en tant qu’entités distinctes sur les plans juridique, social, culturel, religieux et racial.

Nous reconnaissons beaucoup de génocides dans le monde, et pourtant, l’expérience canadienne est souvent niée ou amoindrie. Imaginez si nous avions des lois pour détruire la culture juive, la religion juive, des lois qui permettraient d’arracher les enfants à leur famille pour qu’ils soient élevés en tant que chrétiens dans des écoles désignées par le gouvernement, d’interdire le port des habits culturels des Juifs, de stériliser de force les juives, d’obliger la population juive à vivre dans des collectivités désignées, et nulle part ailleurs.

La destruction systématique et délibérée de la culture, de l’identité, de la langue et du mode de vie de l’autre est un génocide. Il est possible de faire mieux. Pour qu’il y ait réconciliation au Canada, nous devons faire mieux. Je vous remercie.

[Français]

Le décès de l’honorable Keith Ashfield, C.P.

L’honorable Percy Mockler : Honorables sénateurs, c’est avec beaucoup de tristesse que nous avons appris, au Nouveau-Brunswick, le dimanche 22 avril, le décès de Keith Ashfield.

[Traduction]

J’ai travaillé à ses côtés pendant plus de 15 ans et je peux vous dire que le Nouveau-Brunswick a perdu un grand ami des peuples autochtones, des Premières Nations, des communautés multiculturelles, des francophones, des Acadiens et des anglophones.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Mockler : La devise de Keith était très simple : améliorer le sort des autres en les aidant. Keith était un mentor et un exemple pour les autres. Les gens de sa circonscription, les bénévoles, ses employés et ses collègues faisaient tous partie de sa famille élargie. Sa propre famille passait avant tout, mais sa famille politique venait tout juste après.

Honorables sénateurs, Keith a contribué à changer les choses. Sa carrière politique a commencé dans sa région lorsqu’il est devenu commissaire d’école. J’ai eu le plaisir de le côtoyer tant à l’échelon provincial qu’à l’échelon fédéral. La sénatrice Poirier, Keith et moi avons été élus en 1999 sous la direction du premier ministre Bernard Lord. Keith a représenté la circonscription de New Maryland de 1999 à 2008. Au cours de sa carrière provinciale, il a été vice-président de l’assemblée législative et ministre des Ressources naturelles et de l’Énergie.

Honorables sénateurs, je n’oublierai jamais que, en 2008, voulant relever un plus grand défi, il a réussi à se faire élire député fédéral de la circonscription de Fredericton, au Nouveau-Brunswick. Il a en été député jusqu’en 2015 sous la direction du premier ministre Stephen Harper. Au cours de sa carrière fédérale, il a été ministre des Pêches et des Océans, ministre du Revenu national et ministre responsable de l’Agence de promotion économique du Canada atlantique. L’ancien premier ministre Harper a déjà dit de Keith qu’il était un grand défenseur du Nouveau-Brunswick et un grand Canadien.

Personne ne peut nier le fait qu'il était un gentilhomme, un géant de la scène politique et un travailleur acharné et qu’il a servi ses concitoyens avec compassion et enthousiasme. Grâce à sa contribution, sa collectivité, sa province et son pays se portent mieux.

Honorables sénateurs, je tiens à offrir mes plus sincères condoléances à son épouse, Judy, et à sa famille, à l’instar des sénateurs du Nouveau-Brunswick et du Sénat du Canada.

Keith était un homme merveilleux, attentionné et foncièrement bon, et sa vie était fondée sur les valeurs suivantes : l’amitié, la loyauté, la rigueur et l’engagement.

Reposez en paix, mon ami. Vous avez atteint tous vos objectifs.

[Français]

Je vous lève mon chapeau, Keith, vous avez gagné vos épaulettes. Les Acadiens du Nouveau-Brunswick vous remercient.


AFFAIRES COURANTES

Le directeur parlementaire du budget

Perspectives économiques et financières — Avril 2018—Dépôt du rapport

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport du Bureau du directeur parlementaire du budget intitulé Perspectives économiques et financières — Avril 2018, conformément à la Loi sur le Parlement du Canada, L.R.C. 1985, ch. P-1, par. 79.2(2).

Estimation du coût des mesures prévues dans le budget de 2018—Dépôt du rapport

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport du Bureau du directeur parlementaire du budget intitulé Estimation du coût des mesures prévues dans le budget de 2018, conformément à la Loi sur le Parlement du Canada, L.R.C. 1985, ch. P-1, par. 79.2(2).

La Loi autorisant certains emprunts et les mesures de la dette fédérale—Dépôt du rapport

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport du Bureau du directeur parlementaire du budget intitulé La Loi autorisant certains emprunts et les mesures de la dette fédérale, conformément à la Loi sur le Parlement du Canada, L.R.C. 1985, ch. P-1, par. 79.2(2).

Le vérificateur général

La commissaire à l’environnement et au développement durable—Dépôt des rapports du printemps 2018

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, les rapports du printemps 2018 de la commissaire à l’environnement et au développement durable à la Chambre des communes, conformément à la Loi sur le vérificateur général, L.R.C. 1985,ch. A-17,par. 7(5).

[Traduction]

Projet de loi sur la stratégie nationale pour la prévention de la violence familiale

Première lecture

L’honorable Fabian Manning dépose le projet de loi S-249, Loi concernant l’élaboration d’une stratégie nationale pour la prévention de la violence familiale.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Manning, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

[Français]

L’Assemblée parlementaire de la Francophonie

La réunion de la Commission politique, tenue les 10 et 11 avril 2017—Dépôt du rapport

L’honorable Dennis Dawson : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la section canadienne de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) concernant sa participation à la réunion de la Commission politique de l’APF, tenue à Addis Abeba, en Éthiopie, les 10 et 11 avril 2017.

[Traduction]

Énergie, environnement et ressources naturelles

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à déposer son rapport sur les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone auprès du greffier pendant l’ajournement du Sénat

L’honorable Rosa Galvez : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer auprès du greffier du Sénat, au plus tard le 4 mai 2018, son rapport provisoire sur la transition vers une économie à faibles émissions de carbone, si le Sénat ne siège pas, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.

(1440)

Pêches et océans

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à reporter la date du dépôt de son rapport final sur les activités de recherche et de sauvetage maritimes

L’honorable Fabian Manning : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant l’ordre du Sénat adopté le mardi 28 novembre 2017, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans relativement à son étude sur les activités de recherche et de sauvetage maritimes, y compris les défis et les possibilités qui existent, soit reportée du 30 juin 2018 au 31 décembre 2018.

Le Sénat

Préavis de motion tendant à présenter des demandes à la Conférence des évêques catholiques du Canada

L’honorable Mary Jane McCallum : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Sénat demande à la Conférence des évêques catholiques du Canada :

a)d’inviter le pape François à venir au Canada afin de présenter des excuses aux Autochtones, au nom de l’Église catholique, comme le prévoit l’appel à l’action no 58 dans le rapport de la Commission de vérité et réconciliation, pour le rôle joué par cette église dans le système des pensionnats autochtones;

b)de respecter son obligation morale ainsi que l’esprit de la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens de 2006 et de recommencer à faire tout son possible pour recueillir la somme convenue;

c)de faire constamment des efforts pour remettre les documents demandés aux survivants des pensionnats, à leur famille et aux spécialistes qui s’efforcent de comprendre pleinement l’horreur du système de pensionnats, afin de favoriser la recherche de la vérité et la réconciliation.

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, conformément à la motion adoptée par le Sénat le jeudi 19 avril 2018, la période des questions aura lieu à 15 h 30.


[Français]

ORDRE DU JOUR

La Loi canadienne sur les sociétés par actions
La Loi canadienne sur les coopératives
La Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif
La Loi sur la concurrence

Message des Communes

Son Honneur le Président annonce qu’il a reçu de la Chambre des communes un message informant le Sénat qu’elle a adopté les amendements apportés par le Sénat au projet de loi C-25, Loi modifiant la Loi canadienne sur les sociétés par actions, la Loi canadienne sur les coopératives, la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif et la Loi sur la concurrence, sans y apporter d’autres amendements.

[Traduction]

La Loi sur les traitementsLa Loi sur la gestion des finances publiques

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Harder, C.P., appuyée par l’honorable sénatrice Bellemare, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-24, Loi modifiant la Loi sur les traitements et apportant une modification corrélative à la Loi sur la gestion des finances publiques.

L’honorable Elizabeth Marshall : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-24. D’entrée de jeu, je tiens à remercier le sénateur Harder des commentaires qu’il a exprimés la semaine dernière, ainsi que la ministre, qui, en compagnie de fonctionnaires, a comparu devant le Comité des finances la semaine dernière.

Comme le sénateur Harder l’a souligné, le projet de loi C-24 est un projet de loi technique. Il prévoit deux changements importants dont j’aimerais parler.

Premièrement, le projet de loi prévoit ajouter huit postes de ministre, dont cinq portent un titre, dans la Loi sur les traitements. Il s’agit de ministres d’État sans portefeuille, qui seront considérés comme des ministres de premier rang.

Les cinq postes de ministre qui portent un titre sont les suivants : le ministre responsable de la Francophonie, le ministre de la Petite Entreprise et du Tourisme, le ministre de la Condition féminine, le ministre des Sciences et le ministre des Sports et des Personnes handicapées.

Les titres des trois autres postes de ministre ne sont pas précisés. Ces postes seront comblés et définis à la discrétion du premier ministre.

L’autre changement prévu par le projet de loi est l’élimination des six postes de ministre responsable du développement régional. Les six agences régionales continueront d’exister, mais elles relèveront dorénavant du ministre de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique.

Selon moi, il existe deux enjeux, lesquels ont d’ailleurs été soulevés au sein du Comité des finances nationales. Le premier a trait à l’élimination des six postes de ministre responsable du développement régional. Comme je l’ai dit, les six agences continueront d’exister sous l’égide du ministre de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique.

Moi, par exemple, je représente Terre-Neuve-et-Labrador, qui relève de l’Agence de promotion économique du Canada atlantique, et le ministre responsable de cette agence représente une circonscription de l’Ontario.

Selon un rapport récent du sous-comité du caucus libéral de l’Atlantique, les délais de traitement des demandes de financement adressées à l’agence ont augmenté, passant de 30 à 90 jours. Étant donné qu’il y a 32 députés libéraux provenant du Canada atlantique, l’un d’eux aurait pu être nommé ministre responsable de l’agence.

La deuxième question que j’aimerais soulever concerne la ministre des Services aux Autochtones. Ce poste de ministre a été créé après le dépôt du projet de loi C-24, ce qui explique que le salaire de la ministre continuera d’être versé au moyen d’un projet de loi de crédits. Le projet de loi C-24 prévoit trois autres postes de ministre qui sont, pour l’instant, sans titre. Étant donné que la ministre des Services aux Autochtones aurait pu être nommée à l’un de ces postes sans titre, j’estime qu’il s’agit là d’une occasion ratée, puisque ce poste ministériel et le salaire correspondant devront être désormais autorisés au moyen d’un projet de loi de crédits plutôt que conformément à la Loi sur les traitements.

Ce sont les seuls commentaires que j’avais à faire à propos du projet de loi C-24. Merci beaucoup de votre attention.

(Sur la motion du sénateur Mercer, le débat est ajourné.)

[Français]

Le Code criminel
La Loi sur le ministère de la Justice

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Sinclair, appuyée par l’honorable sénateur Mitchell, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-51, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur le ministère de la Justice et apportant des modifications corrélatives à une autre loi.

L’honorable Kim Pate : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-51, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur le ministère de la Justice et apportant des modifications corrélatives à une autre loi.

[Traduction]

J’aimerais remercier le sénateur Sinclair du travail qu’il a accompli à titre de parrain du projet de loi. À ce titre, et comme il l’a fait à maintes reprises tout au long de sa carrière, il contribue à un système de justice pénale plus clair et plus juste pour tous.

Comme l’a expliqué le sénateur Sinclair, ce projet de loi s’inscrit dans le cadre de l’examen permanent du système de justice pénale par la ministre de la Justice. Il vise en particulier à préciser et à renforcer le droit régissant les agressions sexuelles, à abroger ou à modifier des dispositions jugées inconstitutionnelles par les tribunaux ou qui soulèvent des risques évitables au regard de la Charte et à supprimer des dispositions désuètes ou redondantes du Code criminel. De plus, il exige que, pour tout nouveau projet de loi ministériel, le ministre de la Justice dépose au Parlement un énoncé qui expose ses répercussions potentielles sur les droits et libertés garantis par la Charte canadienne.

[Français]

J’appuie les objectifs de ce projet de loi, mais j’ai des réserves quant aux dispositions visant le droit relatif aux agressions sexuelles et l’énoncé concernant la Charte qui, selon moi, doivent être étudiés plus en profondeur en comité.

[Traduction]

Qui plus est, comme on l’a mentionné pendant l’étude au comité à l’autre endroit, les dispositions du projet de loi C-51 qui visent à supprimer des articles du Code Criminel jugés inconstitutionnels ne permettent pas d’éliminer les peines minimales obligatoires, qui ont été invalidées soit par les cours d’appel, soit par la Cour suprême du Canada. La ministre a indiqué que son examen du système de justice pénale englobait les questions liées à ces peines; or, on ne voit nulle trace de réforme ni dans ce projet de loi ni dans les autres qui découlent de cet examen.

Je n’entrerai pas dans les détails en ce qui concerne les risques de violation de la Constitution découlant des peines minimales obligatoires, du fait d’obliger les juges à imposer des peines qui ne conviennent pas aux circonstances d’une cause donnée. Je me contenterai de dire que c’est une question dont nous devrions tous nous préoccuper.

[Français]

Les tribunaux ont déjà statué qu’une poignée de peines minimales obligatoires violent la Charte.

[Traduction]

Comme on propose dans le projet de loi C-51 de supprimer les soi-disant dispositions zombies — c’est-à-dire les dispositions qui ont été jugées inconstitutionnelles, mais se trouvent toujours dans le Code criminel —, j’estime que nous devons également envisager la possibilité de supprimer les peines minimales obligatoires, qui sont jugées inconstitutionnelles, mais n’ont pas encore été abrogées. À l’absence de données fiables démontrant qu’elles ont un effet dissuasif s’ajoute le fait qu’il est établi que ces peines peuvent inviter des plaidoyers de culpabilité qui ne devraient pas être, surtout chez les personnes marginalisées en raison de leur race, de leur sexe ou de leur revenu. Le risque d’une lourde peine d’emprisonnement peut amener les personnes qui ne bénéficient ni de soutien ni de ressources et ne croient pas avoir une chance d’être traitées de façon équitable à plaider coupable, même dans les cas où elles auraient pu être innocentées. Le maintien de ces dispositions a donc de graves conséquences sur les droits des personnes à un procès équitable et à une défense adéquate.

(1450)

Les dispositions du projet de loi C-51 qui ont trait aux agressions sexuelles reconnaissent que les stéréotypes misogynes et racistes au sujet des plaignants continuent d’influencer les tribunaux quant à l’interprétation et à l’application de la loi. Les pratiques discriminatoires victimisent une deuxième fois les femmes qui dénoncent une agression sexuelle, particulièrement les femmes autochtones et les autres femmes racialisées. Elles empêchent également de signaler une activité criminelle et, par conséquent, nuisent à la crédibilité du système de justice. Comme la professeure Elizabeth Sheehy l’a fait remarquer à l’autre endroit, même si les femmes inondent les médias traditionnels et les médias sociaux de dénonciations de comportements sexuels répréhensibles, le taux officiel de signalement a chuté de 1 sur 10 à 1 sur 20 au cours des dernières années.

Par ailleurs, lors des débats au Sénat sur le projet de loi C-337, on a présenté plusieurs exemples flagrants qui montrent que le système judiciaire n’a pas protégé comme il se doit les plaignants, particulièrement les femmes autochtones. Ces cas ont provoqué un tollé de protestations et amené les Canadiens à réclamer une amélioration de la formation des juges. Les préjugés misogynes et racistes ne sont que plus puissants lorsque les intervenants du système de justice pénal, notamment les policiers, les avocats et les juges, ne sont pas conscients de l’influence de ces attitudes et préjugés discriminatoires sur la violence faite aux femmes et sur l’application de la loi dans les cas d’agressions sexuelles.

Le projet de loi C-51 propose des modifications pour clarifier certaines dispositions du Code criminel à la lumière de principes établis dans la législation sur les agressions sexuelles. Les experts souscrivent généralement aux objectifs du projet de loi C-51, mais ont signalé que le libellé de certaines dispositions, déjà modifié à l’autre endroit, pourrait être encore amélioré. Par exemple, les modifications apportées à l’autre endroit au projet de loi C-51 améliorent la codification de la jurisprudence concernant l’incapacité à consentir, en précisant que le consentement ne peut être donné à l’avance et « doit être concomitant à l’activité sexuelle ». Toutefois, ces modifications n’ont pas dissipé les préoccupations des experts au sujet de l’inclusion de la notion d’inconscience au paragraphe 273.1(2) du Code criminel, concernant l’incapacité à consentir.

La Cour suprême a établi que l’incapacité peut inclure des états qui s’approchent de l’inconscience sans en être vraiment. Selon Mme Sheehy, le Code criminel devrait le dire expressément au lieu de parler simplement d’inconscience et de laisser entendre que d’autres états dans lesquels une personne peut se trouver peuvent l’empêcher de donner son consentement. Elle recommande notamment de détailler les facteurs permettant de déterminer quand il y a incapacité sans qu’il y ait nécessairement inconscience.

[Français]

Cet exercice doit se faire à l’aide de trois critères : la personne plaignante doit être capable de comprendre la nature sexuelle de l’acte et les risques associés à cet acte, être capable de comprendre qu’elle peut choisir de refuser d’y participer et être capable de communiquer son libre consentement à l’acte.

[Traduction]

La professeure Janine Benedet est du même avis et elle croit elle aussi que le mot « inconscience » devrait être retiré de cette disposition afin de rappeler aux décideurs qu’ils ne doivent pas écarter les situations où une personne, sans être inconsciente, est incapable de donner son consentement pour toutes sortes de raisons, par exemple parce qu’elle a consommé de la drogue ou de l’alcool.

En terminant, les représentantes de la Barbra Schlifer Commemorative Clinic ont insisté auprès du comité de l’autre endroit sur le fait qu’il ne servira à rien de modifier le Code criminel si on n’accompagne pas le projet de loi C-51 de certaines mesures bien précises. Le projet de loi permet, par exemple, à une plaignante de se faire représenter par un avocat lorsque l’accusé souhaite présenter en preuve des renseignements personnels la concernant. Or, pour qu’une plaignante puisse vraiment avoir accès aux services d’un avocat, il faudrait que le gouvernement délie les cordons de la bourse.

Hier, dans sa déclaration de fin de mission, la rapporteuse spéciale de l’ONU sur la violence contre les femmes, Dubravka Šimonović, rappelait que, pour améliorer la manière dont l’appareil judiciaire traite les causes d’agression sexuelle et de violence contre les femmes, il faudrait que le gouvernement fédéral fournisse le financement nécessaire pour que les victimes aient accès gratuitement à des conseils juridiques, que ce soit à l'échelon fédéral, provincial ou territorial. C’est entre autres parce que les victimes n’ont pas accès à ce type de conseils ou qu’elles ne sont pas représentées par un avocat que si peu de causes d’agression sexuelle se rendent jusqu’à un procès. Tant qu’elles ne se trouvent pas dans cette situation, bon nombre de victimes ignorent que les procureurs de la Couronne ne sont pas là pour les représenter et que leur rôle à elles se borne à celui de témoin appelé à étayer la preuve à partir de laquelle le juge ou le jury déterminera si l’inculpé a enfreint la loi ou pas. Les victimes sont souvent laissées à elles-mêmes et elles doivent se retrouver dans les dédales de l’appareil judiciaire. On ne les tient pas au courant de la progression de leur dossier et elles sont incapables de participer pleinement au processus.

La directrice générale de la Barbra Schlifer Clinic, Mme Amanda Dale, croit aussi que la mise en œuvre du projet de loi C-51 devra être assortie de mécanismes de reddition de comptes. Elle recommande au gouvernement d’établir un processus de consultation des collectivités et d’y faire participer les organismes de première ligne et les victimes afin de voir comment sont appliquées les dispositions du projet de loi portant sur les agressions sexuelles et de déterminer si elles ont l’effet escompté.

[Français]

Je crois que le projet de loi bénéficiera d’un examen plus poussé de ces questions en comité.

[Traduction]

Des experts au comité de l’autre endroit ont aussi insisté sur le fait qu’il faut aller au-delà du projet de loi C-51 pour remédier à la discrimination fondée sur le sexe et sur la race. La mesure législative doit s’inscrire dans une approche multidimensionnelle, qui prévoit une formation judiciaire et une plus grande transparence dans le cadre du processus décisionnel, comme le prévoit le projet de loi C-337. Il faut prévoir de la formation pour d’autres personnes qui font partie du système judiciaire, tout particulièrement les policiers et les avocats. Il faut aussi rétablir les commissions sur la détermination de la peine et sur la réforme du droit, qui ont toutes deux été démantelées.

[Français]

Ces commissions, qui sont des composantes essentielles et permanentes des systèmes de justice pénale de la plupart des autres pays du Commonwealth, effectuent des recherches et des analyses du régime de justice pénale sur le plan systémique afin d’élaborer des lignes directrices et de fournir des conseils d’experts au Parlement.

[Traduction]

Pour tenir compte de la misogynie et du racisme dans une mesure législative relative aux agressions sexuelles, il est essentiel de prévoir du soutien pour les femmes qui sont marginalisées et victimisées dans nos collectivités. L’omniprésence de la discrimination dans les procédures de droit criminel relatives aux agressions sexuelles nous rappelle à quel point il est important d’analyser les projets de loi dans une optique de conformité à la Charte, tout particulièrement l’article 15, qui garantit l’égalité réelle.

Les énoncés concernant la Charte qui figurent dans le projet de loi C-51 confirment nos obligations, à titre de sénateurs, pour ce qui est de faire respecter la Charte, ainsi que l’importance de tenir compte de cette question dans nos débats. Des témoins au comité de l’autre endroit ont soulevé des préoccupations quant à l’efficacité des énoncés concernant la Charte. Ils craignent que l’on puisse porter atteinte aux énoncés si ceux-ci ne sont pas suffisamment détaillés. Je partage cette préoccupation et j’estime que les énoncés concernant la Charte doivent inclure, outre les précédents et les normes, des discussions sur les principes et les critères juridiques, les facteurs connexes, ainsi que les solutions de rechange envisagées par le gouvernement. J’appuie donc les éventuelles recommandations du comité en vue de modifier le projet de loi C-51, qui feront en sorte que les énoncés concernant la Charte permettent davantage aux parlementaires et au public d’évaluer les répercussions constitutionnelles d’une mesure législative.

Honorables sénateurs, j’espère que vous voterez avec nous afin de renvoyer le projet de loi C-51 au comité, afin que nous puissions poursuivre l’étude du projet de loi et assumer nos responsabilités, qui consistent à promouvoir la justice et l’égalité pour tous.

Merci. Meegwetch.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

[Français]

Projet de loi no 1 d’exécution du budget de 2018

Autorisation à certains comités d’étudier la teneur du projet de loi

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 19 avril 2018, propose :

Que, conformément à l’article 10-11(1) du Règlement, le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à étudier la teneur complète du projet de loi C-74, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures, déposé à la Chambre des communes le 27 mars 2018, avant que ce projet de loi soit soumis au Sénat;

Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à se réunir pour les fins de son examen de la teneur du projet de loi C-74 même si le Sénat siège à ce moment-là, l’application de l’article 12-18(1) du Règlement étant suspendue à cet égard;

Que, de plus, et nonobstant toute pratique habituelle :

1.Les comités suivants soient individuellement autorisés à examiner la teneur des éléments suivants du projet de loi C-74 avant qu’il soit présenté au Sénat :

a)le Comité sénatorial spécial de l’Arctique : les éléments de la section 9 de la partie 6;

b)le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce : les éléments des sections 2, 4, 5, 6, 7, 12, 16 et 19 de la partie 6;

c)le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international : les éléments de la section 8 de la partie 6;

d)le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles : les éléments des sections 15 et 20 de la partie 6;

e)le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense : les éléments de la partie 4;

f)le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles : les éléments de la partie 5;

g)le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts : les éléments de la partie 5, dans la mesure où cette partie concerne l’agriculture;

2.Chacun des différents comités indiqués au point numéro un, qui sont autorisés à examiner la teneur de certains éléments du projet de loi C-74, soit autorisé à siéger pour les fins de son étude, même si le Sénat siège à ce moment-là, l’application de l’article 12-18(1) du Règlement étant suspendue à cet égard;

3.Chacun des différents comités indiqués au point numéro un, qui sont autorisés à examiner la teneur de certains éléments du projet de loi C-74, soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 31 mai 2018;

4.Au fur et à mesure que les rapports des comités autorisés à examiner la teneur de certains éléments du projet de loi C-74 seront déposés au Sénat, l’étude de ces rapports soit inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance;

5.Le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit simultanément autorisé à prendre en considération les rapports déposés conformément au point numéro quatre au cours de son examen de la teneur complète du projet de loi C-74.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

(1500)

[Traduction]

La Loi sur le Parlement du Canada

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Patricia Bovey propose que le projet de loi S-234, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada (artiste visuel officiel du Parlement), tel que modifié, soit lu pour la troisième fois.

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je prends la parole à titre de représentant du gouvernement au Sénat pour appuyer le projet de loi S-234, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada en vue de la création du poste d’artiste visuel officiel du Parlement.

Je souhaite remercier l’ancien sénateur Willie Moore, qui avait déposé ce projet de loi, la sénatrice Bovey, qui parraine ce projet de loi depuis le départ du sénateur Moore, ainsi que le sénateur McIntyre, qui a également soutenu avec éloquence le projet de loi.

Les artistes sont au cœur du secteur de la création; ils nous présentent le monde et nous le font connaître. Ils créent des espaces animés où nous vivons, travaillons et jouons.

Comme le soulignait notre ancien collègue, le sénateur Moore, les arts apportent une contribution importante à l’économie canadienne. En 2014, la culture représentait 54,6 milliards de dollars du PIB, ainsi que plus de 630 000 emplois.

[Français]

La création du poste d’artiste visuel officiel du Parlement souligne l’importance, la valeur et l’appréciation de la contribution des artistes visuels au Canada. C’est l’occasion d’envoyer le message à la communauté des arts visuels que ce Parlement comprend et estime son travail. C’est l’occasion de dire aux artistes : « Nous avons besoin de vous, de votre vision et de votre expression de créativité. »

De plus, la création de ce poste confirme aux Canadiennes et aux Canadiens que nous sommes un pays créatif et productif, qui a une perspective unique et remarquable à partager. Le poste met l’accent aussi sur les œuvres de haute qualité qui ont déjà été créées et sur les œuvres de l’avenir.

[Traduction]

Le poste d’artiste visuel officiel du Parlement profitera également au Parlement en tant qu’institution. Les parlementaires sont tous très occupés et peuvent se laisser emporter par la politique et les menus détails du travail qu’ils ont à faire, aussi important soit-il. Un artiste visuel officiel du Parlement chargé d’amener l’art contemporain au cœur du Parlement nous fera voir les choses d’un autre point de vue. Il invitera les artistes canadiens à s’impliquer dans les débats et les discussions qui ont lieu sur la Colline du Parlement en se servant de leurs talents uniques.

[Français]

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a discuté du projet de loi et a recommandé deux amendements. Ces deux amendements ne changent pas l’esprit du projet de loi. Ils précisent seulement le rôle de l’artiste visuel officiel du Parlement et font en sorte que le comité de sélection soit composé des personnes dotées des meilleures compétences pour effectuer le travail.

Le premier amendement consiste à renommer le poste d’artiste officiel du Parlement en celui d’artiste visuel officiel du Parlement. Ce mot précise le titre de l’artiste officiel et réduit la confusion liée aux arts qui sont représentés par ce poste.

[Traduction]

Le deuxième amendement porte sur le processus de sélection de l’artiste officiel et permet aux agents constituant le comité de sélection de choisir un remplaçant pour intervenir à sa place au besoin.

Nos collègues ont aussi recommandé que le directeur du Musée des Beaux-Arts du Canada, plutôt que le bibliothécaire et archiviste du Canada, siège au comité de sélection.

Ces amendements sont raisonnables et font en sorte que le processus de sélection profite des compétences de ceux qui sont les plus à même de faire un choix parmi les candidats.

[Français]

Honorables collègues, en nous prononçant en faveur de l’adoption du projet de loi C-234, nous avons l’occasion d’appuyer directement les arts. Nous reconnaissons leur importance pour la qualité de vie au Canada en soulignant la qualité et le dynamisme des artistes visuels et en préservant l’histoire du Parlement au moyen des arts visuels.

[Traduction]

Un des philosophes les plus connus au Canada, Marshall McLuhan, a dit ce qui suit :

Le grand art parle une langue que toute personne intelligente peut comprendre.

L’art contemporain peut susciter un questionnement intéressant, mettre en lumière ce qui a été accompli et déclencher un débat approfondi et réfléchi. L’art visuel peut se faire le porte-parole, l’oracle et l’interprète de la société. Il peut assimiler et faire comprendre les difficultés d’un monde moderne et toucher personnellement les gens.

Je pense que les Canadiens et les parlementaires gagneront tous à faire un peu plus de place à l’art dans leur vie. J’espère que vous appuierez l’adoption du projet de loi S-234.

Enfin, j’aimerais terminer là où j’ai commencé, en rendant hommage à l’ancien sénateur Moore qui a présenté ce projet, ainsi qu’un autre toujours en attente d’une étude plus approfondie. J’espère que ces deux projets de loi recevront l’attention du Sénat et pourront passer rapidement au vote qu’ils méritent tant.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur le projet de pipeline Trans Mountain

Deuxième lecture—Débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Black (Alberta), appuyée par l’honorable sénatrice Bovey, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-245,Loi prévoyant que le projet de pipeline Trans Mountain et les ouvrages connexes sont déclarés d’intérêt général pour le Canada.

L’honorable Rosa Galvez : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi S-245, Loi prévoyant que le projet de pipeline Trans Mountain et les ouvrages connexes sont déclarés d’intérêt général pour le Canada.

À la suite de l’étude d’impact sur l’environnement du projet, Kinder Morgan s’est officiellement engagée à prendre des mesures précises pour réduire ces impacts. Si le gouverneur en conseil approuve le projet, l’Office national de l’énergie émettra un nouveau certificat moyennant le respect de 157 conditions. Ces conditions portent sur la protection de l’environnement, la consultation des personnes touchées, y compris les communautés autochtones, ainsi que la sûreté et l’intégrité du pipeline.

J’ai lu de nombreux rapports et articles du gouvernement, de l’industrie et de groupes de réflexion et j’ai tenu compte de ces sources relativement à l’étude d’impact sur l’environnement et à d’autres questions. Mes observations d’aujourd’hui sont fondées sur une analyse complète des faits.

Le projet d’expansion du réseau Trans Mountain présente trois problèmes concrets, mais auxquels il est possible de remédier : on a sous-estimé les impacts sur l’environnement, on a surestimé les retombées économiques et on n’a pas suffisamment consulté les propriétaires et les intendants des terres.

Le fardeau de la preuve pour ces conditions préalables appartient à Kinder Morgan, une société qui exploite un pipeline au Canada, mais n’y en a jamais aménagé. Malgré des lacunes importantes et une situation déséquilibrée, comme en témoignent les 157 conditions, l’Office national de l’énergie a donné son approbation. Le respect de la primauté du droit signifie qu’il faut procéder à la réalisation du projet d’expansion du pipeline.

Cependant, pouvons-nous blâmer la Colombie-Britannique de vouloir protéger ses eaux côtières? La raison pour laquelle l’Alberta et les Canadiens doivent appuyer le projet est-elle claire? Pouvons-nous blâmer les Autochtones d’exiger des consultations complètes et des conditions équitables en échange de leur consentement? Le projet de loi S-245 est-il la bonne solution pour résoudre le désaccord entre deux provinces canadiennes?

[Français]

L’économie de l’Alberta a vécu bon nombre de cycles au cours des dernières décennies et elle émerge maintenant d’un ralentissement. On prévoit que l’économie de l’Alberta s’accroîtra de 6,7 p. 100 cette année, dépassant largement celle des autres provinces canadiennes. Les prévisions les plus récentes du Conference Board du Canada, de 2018, et celles du gouvernement de l’Alberta, de 2017, indiquent que cette croissance est menée par l’agriculture, le secteur agroalimentaire, l’énergie renouvelable, le tourisme, le secteur financier, immobilier et des assurances, ainsi que le commerce de détail, et non pas par le secteur du pétrole. Cette croissance a créé une augmentation de la création d’emplois de 18,4 p. 100.

[Traduction]

C’est une bonne chose pour l’Alberta que l’économie de cette province se diversifie de plus en plus. La diversification élargit la base sur laquelle l’économie peut croître et est cruciale pour en assurer la stabilité à long terme. Ceux qui ont à cœur le développement stable de l’Alberta doivent favoriser la diversification économique de plus en plus importante de cette province, en particulier lorsqu’on connaît les changements majeurs qui se produisent dans les secteurs du pétrole, du gaz et de l’énergie au Canada et dans le monde.

(1510)

En 1971, une seule entreprise exploitait les sables bitumineux à Fort McMurray. La production était de 30 000 barils par jour. Depuis les années 1990, seulement 40 p. 100 du pétrole provenant des sables bitumineux est extrait par des entreprises canadiennes. Le reste de la production est faite par des sociétés des États-Unis ou d’autres pays.

En 2014, la production de pétrole des sables bitumineux était de 2,3 millions de barils par jour, soit près de 30 p. 100 du PIB de 300 milliards de dollars de l’Alberta. Selon Statistique Canada, 98,5 p. 100 du pétrole brut des sables bitumineux est exporté aux États-Unis. Étant donné la faible diversification de l’économie et la vente du pétrole à un acheteur unique, l’économie est soumise aux fortes variations du prix du pétrole brut, qui est passé de 140 dollars américains le baril en 2009 à 30 dollars américains en 2016. En décembre dernier, le prix du baril de Western Canada Select a atteint un creux de 20 dollars américains le baril. La vieille monoéconomie de l’Alberta peinait déjà dans un monde où le prix était de 50 dollars américains le baril. En 2016, plus de 3 millions de barils de pétrole brut canadien ont été vendus aux États-Unis chaque jour à un prix dérisoire.

La baisse des investissements dans les combustibles fossiles constitue un autre problème majeur qui plombe l’exploitation des sables bitumineux. Le fonds souverain de la Norvège, d’une valeur de 1 billion de dollars, se débarrassera entièrement de ses participations dans le secteur des combustibles fossiles, ce qui peut avoir un effet sur le cours des actions canadiennes dans le secteur du pétrole et du gaz. Actuellement, ces actions valent 2,86 milliards de dollars américains. La décision de la Norvège pourrait avoir une incidence sur 61 capitalisations boursières canadiennes du secteur du pétrole et du gaz, y compris Suncor, TransCanada, Enbridge, Canadian Natural Resources Ltd., Encana, Cenovus et Imperial Oil. Le désinvestissement se produit à l’heure où de grosses pétrolières étrangères, y compris ConocoPhillips, Royal Dutch Shell et Statoil, liquident leur participation dans la production de pétrole des sables bitumineux, ce qui représente une valeur de 30 milliards de dollars. Pas plus tard qu’hier, la Banque HSBC, qui est la plus importante d’Europe, a annoncé qu’elle ne financerait plus les projets d’exploitation des sables bitumineux.

L’Agence internationale de l’énergie a indiqué, dans son rapport intitulé Perspectives énergétiques mondiales, que les États-Unis pourraient être un exportateur net de pétrole d’ici 10 ans et qu’ils sont voués à devenir le leader de la production de pétrole et de gaz dans le monde au cours des prochaines décennies. Les États-Unis, autrefois notre plus grand partenaire, sont en train de devenir notre plus grand concurrent.

Les sables bitumineux non conventionnels et enclavés, qui nécessitent des capacités particulières de raffinage, peuvent-ils faire concurrence aux pétroles bruts légers classiques des États-Unis, qui sont plus faciles à raffiner?

[Français]

Étant donné l’historique des sables bitumineux, il est plutôt troublant que moins de cinq raffineries canadiennes puissent accepter les sables bitumineux comme matière première, alors que les raffineries du Golfe et du Midwest américain ont subi des modifications pour ce faire. Les nouvelles mégaraffineries, qui sont en construction en Asie et au Moyen-Orient, sont également conçues spécifiquement pour l’exportation de produits raffinés. Cela leur donne la flexibilité d’accepter les pétroles bruts sulfurés les plus lourds. Puisque les raffineries les plus vieilles ferment leurs portes graduellement, les raffineries complexes représentent la grande majorité de la capacité mondiale de raffinage.

La première raison d’être du projet d’expansion de l’oléoduc Trans Mountain est de maximiser le prix en connectant les sables bitumineux aux voies maritimes. Toutefois, ce pétrole, qui est possiblement vendu en Asie, commande un prix plus bas qu’aux États-Unis, compte tenu des coûts élevés de transport. D’ailleurs, l’OCDE a récemment révélé que la croissance en Asie a diminué et demeurera stable. En même temps, la consommation d’énergie renouvelable en Asie a doublé en un peu plus de deux décennies, selon l’International Renewable Energy Agency. La Chine investit 364 milliards de dollars américains dans la production d’énergie renouvelable.

[Traduction]

Maintenant, étant donné que les sociétés pétrolières réduisent leurs activités, que les États-Unis vont devenir un exportateur net, que le Canada n’a pas la capacité nécessaire pour raffiner les sables bitumineux, que les acheteurs potentiels en Asie se tournent vers les énergies renouvelables, que les raffineries et les sociétés de pipelines appartiennent à des intérêts étrangers, et que la diversification de l’économie de l’Alberta est sur la bonne voie, la construction de nouveaux oléoducs est-elle une sage décision politique? Peut-être, mais il faudra le prouver avec la diligence et la transparence nécessaires.

Le projet d’expansion de l’oléoduc Trans Mountain de la société Kinder Morgan, dont le siège social est situé au Texas, qui s’appuierait sur le transport par pétrolier, représente 6,8 milliards de dollars. Cette expansion porterait la capacité quotidienne à 890 000 barils, soit le triple de la capacité actuelle, et augmenterait le nombre de pétroliers de près de 700 p. 100 dans le port de Vancouver, là où s’étendent des centaines de kilomètres de plage, d’îles et de littoral sauvage.

Les retombées économiques du projet d’expansion de Trans Mountain sont-elles suffisantes pour justifier les risques accrus de déversement de pétrole le long des côtes de la Colombie-Britannique et la contribution au changement climatique résultant de l’accroissement de la production de bitume?

Le gouvernement albertain annonce que 37 000 emplois directs, indirects ou induits seront créés par année d’exploitation, de même que 15 000 emplois dans le secteur de la construction et 1 300 dans le secteur maritime, tandis que le Conference Board du Canada estime à 34 000 le nombre d’emplois qui seront créés chaque année sur une période de 20 ans. Ces estimations diffèrent largement des 2 500 emplois annuels, créés sur deux ans, indiqués par Kinder Morgan dans le volume 5B de sa demande à l’Office national de l’énergie. Chose certaine, lorsqu’on compare ce projet à d’autres projets semblables, on constate que ce sont plutôt quelques milliers d’emplois qui sont créés, et ce, principalement au cours de la période de construction de deux à trois ans.

Au cours des 60 ans d’existence de l’oléoduc Trans Mountain, 82 incidents différents ont entraîné le déversement de 5,5 millions de litres de pétrole. Il faut le remplacer. Des navires transportant du carburant ont récemment provoqué des déversements dans les eaux côtières de la Colombie-Britannique, ce qui a révélé la faiblesse de l’intervention en cas de déversement en milieu marin. Un déversement pourrait mettre grandement à risque 98 000 emplois dépendant des côtes, de même que les rivières à saumon, la faune, le tourisme et la santé des habitants des côtes et des écosystèmes.

L’examen initial de l’Office national de l’énergie n’a pris en considération ni les émissions de gaz à effet de serre en amont ni les émissions de gaz à effet de serre en aval du projet. L’intensité des émissions de GES provenant des sables bitumineux est de 8 à 37 p. 100 supérieure à celles provenant du brut classique. On prévoit que l’oléoduc ajoutera de 13 à 15 millions de tonnes par année à cause de la hausse de la production des sables bitumineux.

En 2016, l’Académie des sciences des États-Unis a mené une étude approfondie sur les déversements de bitume dilué causés par des pipelines. L’étude s’est penchée sur les propriétés physico-chimiques du bitume dilué, ou dilbit, la toxicité pour l’environnement et la planification des interventions en cas de déversement. Pour paraphraser le rapport, la forte densité du dilbit, sa viscosité et son pouvoir adhésif le rendent très différent des autres pétroles bruts. Ces propriétés physico-chimiques sont pertinentes en ce qui a trait aux répercussions environnementales, et elles exigent qu’on apporte des modifications aux règlements sur la planification des interventions et les nettoyages en cas de déversement.

Environnement Canada, conjointement avec Pêches et Océans et Ressources naturelles Canada, a également souligné la composition chimique unique des sables bitumineux, à savoir la présence de composés complexes comme les alcanes, les HAP, les HAP alkylés et les biomarqueurs saturés.

[Français]

Un rapport présenté à Transports Canada, en 2014, par le consortium WSP-SL Ross a évalué les risques liés aux déversements d’hydrocarbures causés par les navires dans les eaux canadiennes au sud du 60e parallèle en effectuant une analyse des risques. Parmi les principaux constats, il y a une plus grande probabilité de déversements de grande taille dans les eaux près de la pointe sud de l’île de Vancouver, et ces déversements pourraient causer des dommages considérables dans ce secteur de grande sensibilité le long de la côte Sud de la Colombie-Britannique.

Avant l’élaboration du projet, cet aspect posait donc des risques et des vulnérabilités déjà élevés dans la zone visée par le pipeline.

D’autre part, le gouvernement du Canada a la responsabilité « de consulter et d’accommoder » les Premières Nations avant d’accorder la permission à un tel projet d’accéder à leurs terres ancestrales. Cependant, cela ne se traduit pas par un droit de veto sur un projet. Or, certaines Premières Nations se sont opposées au projet Trans Mountain.

(1520)

Dans une récente décision contre Kinder Morgan Canada et le gouvernement fédéral, la Cour d’appel fédérale a conclu que le gouvernement n’aurait pas agi dans l’intérêt supérieur de la bande indienne de Coldwater en ne modernisant pas une décision qui date de 1952 et qui permet que le pipeline original soit construit sur la réserve.

[Traduction]

Cette analyse montre, je l’espère, qu’il y a des problèmes légitimes que l’on peut résoudre par une plus grande transparence et des mesures d’atténuation ou d’indemnisation si, en dépit des solides arguments qui sont présentés, les politiciens et les entreprises souhaitent quand même procéder à la construction de cet oléoduc.

Le projet de loi S-245 pourrait avoir à long terme des conséquences inattendues pour l’industrie et les citoyens canadiens. Il pourrait endommager de manière irréversible les relations interprovinciales et entraîner une détérioration des pouvoirs provinciaux. Une chose est sûre. Jeter de l’huile sur le feu qui brûle déjà entre deux provinces sœurs n’est ni avantageux ni intéressant pour le Canada. Merci.

L’honorable Murray Sinclair : Merci de ces commentaires, sénatrice Galvez. Je voulais simplement ajouter quelque chose, étant donné qu’il devient urgent de renvoyer le projet de loi en comité.

J’aimerais dire tout d’abord que le projet de loi vise à déclarer qu’il s’agit d’une entreprise uniquement fédérale et qu’il n’a rien à voir, sinon qu’accessoirement, avec la question de savoir si cet oléoduc doit être terminé.

Il vise, évidemment, à donner au gouvernement du Canada le pouvoir — exclusif, semble-t-il — de terminer le plus tôt possible la construction de l’oléoduc Trans Mountain. Nous débattons de la question de savoir si ce projet de loi fait œuvre utile.

Comme l’a signalé notre collègue le sénateur Pratte, que l’on appuie ou non l’oléoduc, il faut vraiment examiner ce projet de loi afin de déterminer s’il va accomplir quoi que ce soit ou atteindre cet objectif particulier.

D’un point de vue constitutionnel, je ne pense pas que le projet de loi atteint cet objectif. Il ne va pas faciliter le dialogue sur la question de savoir si l’initiative relève ou non du fédéral. Le gouvernement fédéral a déjà déclaré qu’il s’agissait d’une entreprise fédérale. À mon avis, il n’y a pas à en douter. On a procédé en se basant sur l’hypothèse que le gouvernement fédéral avait le pouvoir de l’entreprendre. On ne demande pas que cette mesure législative soit adoptée.

Par conséquent, la véritable question est celle-ci : quel est l’objet de cette mesure législative? Honnêtement, je pense qu’il s’agit d’obliger le Sénat à prendre position sur le pipeline. Si nous devons nous lancer dans ce débat, j’aimerais que le projet de loi soit renvoyé à un comité et passe à l’étape de la troisième lecture afin que nous puissions ainsi vraiment examiner la question des avantages, le cas échéant, du pipeline.

Comme l’a mentionné le sénateur Pratte, ce projet de loi néglige en fait deux principes constitutionnels très importants. Je pense donc que nous devons déterminer si la mesure législative est judicieuse. En ce qui concerne les principes constitutionnels, il y a la question du fédéralisme coopératif, qui, essentiellement, veut que, du point de vue de l’interprétation visée de la Constitution, les tribunaux essaient en général de trouver la compatibilité des lois fédérales et provinciales. Dans le cas qui nous occupe, le simple fait qu’un projet relevant de la compétence fédérale ait été autorisé par le gouvernement fédéral ne l’exempte pas forcément de la réglementation provinciale.

Je l’ai déjà dit dans mes observations touchant la résolution du sénateur Neufeld lorsqu’elle a été présentée au Sénat. Le principe qui veut qu’une entité fédérale doive se conformer aux lois provinciales n’est pas un secret. Le fait de détenir une licence fédérale ne permet pas à une entreprise de camionnage ou à une compagnie ferroviaire, par exemple, de mener ses activités en faisant fi de la réglementation provinciale et environnementale.

Il en va de même pour les pipelines. Même si elle a obtenu une licence ou une autorisation fédérale ou une autorisation de l’Office national de l’énergie, l’entreprise doit se conformer à la réglementation provinciale en ce qui concerne la construction ou, encore, aux principes des activités et des règlements municipaux, selon les compétences établies, à la condition que cela n’élimine pas l’initiative fédérale comme telle et que l’entité relevant du fédéral puisse continuer de fonctionner.

L’autorisation du gouvernement fédéral ne signifie pas forcément qu’il n’est pas nécessaire de se conformer aux lois provinciales. Le professeur Mark Walters s’est exprimé sur ce principe dans un article qu’il a rédigé il y a un certain temps. J’aimerais citer un extrait de cet essai :

Pour déterminer s’il existe un conflit entre une loi provinciale valide et une loi fédérale valide, le tribunal doit se poser deux questions. Premièrement, il doit déterminer s’il existe un conflit opérationnel, parce qu’il est impossible de se conformer simultanément aux deux lois. Si c’est le cas, la loi provinciale est déclarée inopérante. Toutefois, s’il est possible de se conformer aux deux lois, le tribunal doit se demander si la loi provinciale risque de porter atteinte au principe sous-jacent de la loi fédérale. Si c’est le cas, la loi provinciale est de nouveau déclarée inopérante.

Toutefois, les tribunaux sont habituellement réticents à conclure qu’il existe un conflit selon le premier critère, soit celui qui porte sur le conflit opérationnel. Ils ont plutôt tendance à maintenir le chevauchement des lois fédérale et provinciale, compte tenu des vastes pouvoirs législatifs conférés à la province et dans l’esprit du fédéralisme coopératif. En effet, le critère servant à déterminer s’il existe un conflit opérationnel est très étroit. Ce n’est que lorsque la conformité à une loi signifie que l’on enfreint l’autre que la loi provinciale est déclarée inopérante.

Par conséquent, je tiens donc simplement à souligner que, d’un point de vue constitutionnel, l’adoption de ce projet de loi ne permettra pas de faire grand-chose, car, à l’heure actuelle, la vraie question, c’est d’établir si un projet fédéral — en l’occurrence, un oléoduc approuvé par le gouvernement fédéral — doit toujours être conforme aux lois provinciales, c’est-à-dire celles en matière d’environnement.

Je pense que, dans ce cas, c’est la position que défend avant tout le gouvernement de la Colombie-Britannique. Apparemment, c’est aussi la position que préconise le gouvernement fédéral. Ils vont devoir régler la question, que ce soit en collaborant ou en demandant aux tribunaux de trancher pour eux.

Même si le projet de loi était adopté, il y aurait tout de même des poursuites devant les tribunaux, parce que la mesure législative ne tient pas compte des compétences provinciales.

Je signale aussi que le projet de loi omet complètement deux autres principes importants : le premier est un principe constitutionnel, tandis que le second est un principe juridique que le gouvernement a, selon moi, invoqué à quelques reprises tout récemment.

Premièrement, l’article 35 de la Loi constitutionnelle confirme les droits issus de traités des peuples autochtones du Canada. Ces droits permettent aux peuples autochtones d’insister pour qu’on prenne en considération et qu’on respecte leur position lorsque des projets provinciaux et fédéraux, de quelque nature qu’ils soient, ont une incidence sur leurs terres traditionnelles.

En l’occurrence, un certain nombre de Premières Nations se sont opposées à ce projet parce que, selon elles, il est fort probable qu’il les empêcherait de jouir de leurs terres traditionnelles ou de leurs ressources ou d’en faire un usage traditionnel. Je crois d’ailleurs que la possibilité est bien réelle. Il faut faire attention de ne pas empiéter sur ce droit; il ne faut pas non plus croire qu’on peut y passer outre dans une loi fédérale.

Il s’agit un principe constitutionnel. On ne peut pas contourner un principe constitutionnel dans une loi fédérale ou provinciale. Pour ce faire, il faudrait modifier la Constitution.

Les tribunaux sont justement saisis de cette question à l’heure actuelle.

(1530)

Son Honneur le Président : Je suis désolé, sénateur Sinclair. Il est 15 h 30, et la ministre est arrivée. Je dois par conséquent vous interrompre. Après la période des questions, nous vous redonnerons la parole pour le temps qu’il vous reste.

Le sénateur Sinclair : Je serai heureux de poursuivre mon intervention, Votre Honneur. Merci beaucoup.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous invite à vous joindre à moi pour souhaiter la bienvenue à l’honorable ministre Philpott, ministre des Services aux Autochtones. Bienvenue, madame la ministre.

Conformément à l’ordre adopté par le Sénat le 10 décembre 2015, visant à inviter un ministre de la Couronne, l’honorable Jane Philpott, ministre des Services aux Autochtones, comparaît devant les honorables sénateurs durant la période des questions.

Le ministère des Services aux Autochtones

La légalisation du cannabis—La sensibilisation du public

L’honorable Larry W. Smith (leader de l’opposition) : Bonjour, madame la ministre. Bienvenue.

Ma question a trait à l’une de mes principales préoccupations en ce qui concerne les plans du gouvernement en vue de la légalisation de la marijuana, c’est-à-dire l’absence de campagne de sensibilisation ciblant les communautés autochtones.

La semaine dernière, votre collègue, la ministre de la Santé, a déclaré au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones que le gouvernement est en train d’élaborer des campagnes culturellement adaptées qui répondent également aux besoins linguistiques des communautés autochtones.

Le gouvernement est au pouvoir depuis deux ans et demi. Il y a un an ce mois-ci, le gouvernement a présenté le projet de loi C-45. Malgré cela, une campagne de sensibilisation des communautés autochtones n’a toujours pas été élaborée, et encore moins mise en œuvre.

Madame la ministre, pourquoi le gouvernement a-t-il attendu presque au dernier moment pour élaborer un plan de sensibilisation du public et de la documentation à l’intention des communautés autochtones? Quelle est la raison de ce retard?

L’honorable Jane Philpott, C.P., députée, ministre des Services aux Autochtones : Merci, honorable sénateur. Je salue tous les honorables sénateurs. Je suis ravie de me retrouver de nouveau dans cette enceinte. C’est la quatrième fois que j’ai l’occasion de m’entretenir avec vous, mais c’est la première fois à titre de ministre des Services aux Autochtones. Je vous remercie de me donner l’occasion de discuter de ces questions importantes. En ce qui concerne le dossier du cannabis, je suis consciente des efforts considérables déployés par les sénateurs, y compris de l’excellent travail accompli par de nombreux comités.

Vous mettez en lumière un point essentiel, puisqu’il faut aborder la question de la légalisation et de la réglementation rigoureuse du cannabis dans une optique de santé publique, ce qui suppose de mettre l’accent sur la sensibilisation de la population.

Je suis heureuse de souligner que nous avons réussi à soutenir les peuples autochtones dans ce domaine. Nous avons notamment établi un financement destiné à un groupe de travail il y a plus d’un an. Nous collaborons, entre autres, avec le Comité des chefs sur la santé en vue de mettre ce groupe de travail sur pied. Quand notre travail touche les Premières Nations, les Inuits et les Métis, nous tenons toujours compte de la notion d’autodétermination et du fait que, à titre d’exemple, les initiatives destinées aux Premières Nations doivent être dirigées par les Premières Nations.

Je sais que les chefs ne ménagent pas leurs efforts dans ce dossier. Nous les soutenons en finançant l’équipe en question. Nous avons aussi réussi à obtenir, dans le budget de 2018, une somme de 200 millions de dollars qui sera investie dans différents aspects des problèmes de dépendance, notamment dans le travail qui sera fait auprès des conseillers dans les communautés — par exemple dans des communautés des Premières Nations. Ils pourront ensuite consacrer une partie de ces fonds à des activités de sensibilisation, une idée qui aura sûrement notre appui.

Le sénateur Smith : Je vous remercie de votre réponse. J’aimerais creuser encore un peu, si c’est possible.

Il serait utile d’avoir des détails concrets au sujet du programme de sensibilisation, particulièrement en ce qui concerne les jeunes Autochtones. Si vous n’avez pas ces détails à portée de main, je vous demanderais de nous les transmettre dès que possible.

Qu’il s’agisse des Autochtones ou des autres Canadiens, nous souhaitons disposer d’un mécanisme qui nous permettra de faire un suivi. Si la ministre de la Santé annonce que nous avons quelque 64 millions de dollars, nous voudrons savoir ce qui suit : « Maintenant que vous avez un budget, quel est le plan de mise en œuvre? Combien avez-vous dépensé? » Nous tenons à ce que ce processus soit transparent et soumis à une reddition de comptes, car les efforts déployés doivent donner des résultats et contribuer à protéger les citoyens.

Dans les faits, quand la campagne sera-t-elle mise en œuvre? Voilà ce que j’aimerais savoir. Quand prendra-t-elle fin? Sera-t-elle axée surtout sur les médias sociaux ou englobera-t-elle aussi les médias traditionnels, comme les imprimés et la radio? Dans quelles langues aura-t-elle lieu?

En outre, combien d’argent a été consacré jusqu’ici à la campagne destinée aux Autochtones? Je parle bien d’argent dépensé, et non annoncé; il y a une différence.

Si nous pouvons faire ce type de suivi, nous pourrons mieux savoir où vous en êtes et où vous vous dirigez, parce que nous pourrons nous fonder sur des faits. Les Canadiens ont le droit de comprendre, et les Autochtones autant que les autres.

Mme Philpott : Je vous remercie, honorable sénateur. J’aime bien votre suggestion, et j’en prends note. Je demanderai qu’on me fournisse plus de détails sur les sommes dépensées au fil du temps et je vous les transmettrai avec plaisir.

Je vous répète toutefois que, pour l’aspect « santé » des services aux Autochtones, nos relations avec les communautés touchées se font dans le respect des Premières Nations et des Inuits qui dirigent les campagnes.

Quand je me rends dans les communautés autochtones, ce que j’essaie de faire aussi souvent que possible, je me réjouis toujours de voir les campagnes de santé publique qui y sont menées, très souvent dans la langue locale et avec du matériel pédagogique culturellement adapté. Jusqu’ici, je vous dirais que les campagnes sur la consommation de drogue et d’alcool ont davantage misé sur les médias traditionnels que les médias sociaux.

Il peut, par exemple, s’agir d’affiches mettant les gens en garde contre les risques associés à la consommation de drogue et d’alcool qu’on installera dans le bureau du conseil de bande, le dispensaire ou l’infirmerie. Je vous fournirai les détails avec grand plaisir.

Nous avons, par exemple, fourni du financement aux communautés inuites pour faire de la sensibilisation dans le domaine de la santé mentale et de la toxicomanie. C’est ensuite aux communautés concernées de décider ce qu’elles en font. L’inuktitut est souvent un bon choix pour que l’information soit diffusée au plus grand nombre.

La légalisation du cannabis—Les services de santé mentale et de traitement de la toxicomanie

L’honorable Dennis Glen Patterson : Bienvenue, madame la ministre.

Le 29 mars 2018, le directeur parlementaire du budget a déclaré qu’il reste 7,2 milliards de dollars à dépenser sur le montant de 14,4 milliards de dollars qui a été annoncé en 2016 pour la phase 1 du nouveau plan en matière d’infrastructure.

Les 25 communautés du Nunavut ont récemment été consultées au sujet de la légalisation de la marijuana et je les ai toutes entendues réclamer la construction de centres de santé mentale et de traitement de la toxicomanie au Nunavut avant l’entrée en vigueur du projet de loi. Elles veulent des centres qui offriront aux Inuits des programmes élaborés dans le Nord qui sont adaptés à leur culture et qui sont exécutés par des Inuits.

Madame la ministre, étant donné que la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits relève maintenant de Services aux Autochtones Canada, vous engagerez-vous à consacrer une portion des milliards de dollars non dépensés à la construction des infrastructures sociales nécessaires pour fournir le soutien approprié au traitement de la toxicomanie que les communautés du Nunavut réclament?

L’honorable Jane Philpott, C.P., députée, ministre des Services aux Autochtones : Merci. Je serai très heureuse de répondre à cette question; elle fait très bien suite à la question précédente. Monsieur le sénateur, je sais que les dossiers touchant au Nord et au Nunavut vous intéressent particulièrement et je suis très heureuse de parler précisément de ces sujets.

Vous avez laissé entendre — et il s’agit selon moi d’un excellent point — qu’il faut adopter une approche complète à l’égard de la toxicomanie lorsque nous discutons de questions comme celle du cannabis. L’approche doit être axée sur la prévention, le traitement, la réduction des méfaits et l’application de la loi. D’ailleurs, le financement que nous fournissons pour le bien-être mental est tout à fait conforme à l’approche préventive.

Je suis heureuse de vous signaler que, au dernier exercice, c’est-à-dire celui de 2017-2018, le gouvernement a accordé 7,7 millions de dollars en financement au Nunavut pour le bien-être mental et le traitement de la toxicomanie. Un montant considérable est donc consacré à ce dossier.

Une bonne partie de ces fonds ne servent pas nécessairement aux infrastructures physiques, mais plutôt à la prestation de services, des services notamment offerts par des équipes de mieux-être mental. Il y a présentement cinq équipes de ce genre dans le Nord. Nous sommes aussi en mesure de soutenir les guérisseurs traditionnels, ce qui a été très bien accueilli et qui respecte les façons de faire des Autochtones en matière de mieux-être mental et de lutte contre la toxicomanie.

(1540)

Selon moi, il y a d’importantes ressources, au chapitre des effectifs, pour offrir des services supplémentaires en matière de santé mentale et de toxicomanie.

Toutefois, vous avez mentionné la question des infrastructures. Je peux vous dire — et je serais ravie d’approfondir le sujet avec vous — que je sais qu’on a exprimé le désir de bâtir un centre de traitement résidentiel au Nunavut. Je suis heureuse d’annoncer que nous avons d’ailleurs financé une étude de faisabilité de l’ordre de 388 000 $ pour ce projet. J’attends le dépôt d’un rapport d’ici juin. Il s’agit d’un projet qui suscite manifestement beaucoup d’intérêt parce que, oui, à mon avis, on peut en faire beaucoup grâce aux programmes sur le terrain qui offrent des services de consultation, mais il arrive qu’on ait aussi besoin d’un centre de traitement résidentiel, et nous avons hâte de constater ce qu’on peut y accomplir.

La restauration du statut d’Indien pour les femmes des Premières Nations

L’honorable Sandra M. Lovelace Nicholas : Bienvenue, madame la ministre. Comme vous le savez, le projet de loi S-3 a reçu la sanction royale, et, selon le site web de votre ministère, à ce jour, il n’existe aucun formulaire d’inscription destiné à la restauration du statut d’Indien pour les femmes autochtones.

J’aimerais que la ministre nous explique pourquoi on tarde à distribuer les formulaires d’inscription aux femmes, qui attendent depuis un bon moment qu’on leur donne enfin ce qu’on leur a refusé pendant si longtemps.

L’honorable Jane Philpott, C.P., députée, ministre des Services aux Autochtones : Merci de votre question, honorable sénatrice. Il s’agit assurément de l’une des mesures législatives sur lesquelles le Sénat a eu une incidence considérable au cours des dernières années. Je tiens à vous remercier des améliorations que vous y avez apportées grâce à l’excellent travail que vous avez accompli dans ce dossier.

Je dois vous informer qu’il s’agit d’une question qui relève de la ministre Bennett. Comme vous le savez, elle a commencé à travailler dans ce dossier et a poursuivi le travail concernant le projet de loi S-3. Je serai certainement très heureuse de lui communiquer ces préoccupations et de m’assurer que son équipe vous fournisse une réponse plus complète à ce sujet.

La protection des enfants autochtones

L’honorable Murray Sinclair : Madame la ministre, bienvenue au Sénat. En janvier, plus tôt cette année, lors d’un discours que vous avez prononcé, vous avez mentionné un plan en six points concernant la protection des enfants autochtones. Il s’agissait de poursuivre la mise en œuvre intégrale de l’ensemble des ordonnances du Tribunal canadien des droits de la personne; de réorienter la priorité des programmes vers la prévention et l’intervention précoce; d’examiner la possibilité d’élaborer des lois en matière de protection de l’enfance; d’aider les dirigeants inuits et métis à mettre sur pied une réforme adaptée sur le plan culturel; d’élaborer une stratégie relative aux données et à la reddition de comptes avec les provinces, les territoires et les partenaires autochtones; et, enfin, d’accélérer les travaux des tables techniques trilatérales en cours dans l’ensemble du pays. Pouvez-vous nous dire où en sont les choses au sujet de ce plan?

L’honorable Jane Philpott, C.P., députée, ministre des Services aux Autochtones : Honorable sénateur, je vous remercie de votre question. Je sais que ce dossier est extrêmement important pour vous, tout comme il l’est pour moi, et je suis très heureuse d’y répondre. Je pourrais probablement en parler tout l’après-midi, mais je vais tenter d’être brève.

Je vous remercie d’avoir souligné que nous avons organisé une rencontre en janvier. En fait, c’était la première de ce genre, car nous avons rassemblé des dirigeants des Premières Nations, des Inuits, des Métis, des experts en protection de l’enfance et des intervenants d’organismes de services aux enfants et aux familles à Ottawa. Évidemment, il y avait aussi des représentants des provinces et des territoires. Nous avons présenté ce plan en six points afin de nous attaquer à l’un des enjeux sociaux les plus pressants auxquels sont confrontés les Autochtones, soit la surreprésentation des enfants autochtones dans les familles d’accueil.

Je suis ravie d’annoncer que nous avons fait des progrès par rapport aux six points. Comme je sais que le sénateur s’est impliqué dans ce dossier, je signale que, tout d’abord, nous avons pleinement mis en œuvre les ordonnances du Tribunal canadien des droits de la personne. Vous avez sans doute suivi le déroulement de cette histoire. Nous travaillons en étroite collaboration avec toutes les parties du tribunal, afin que toutes conviennent que nous nous conformons entièrement à toutes les ordonnances.

Pour ce faire, il a fallu obtenir du financement additionnel pour garantir qu’aucun organisme de services à l’enfance et à la famille des Premières Nations ne fasse l’objet de discrimination. Combien d’argent avons-nous obtenu? Vous avez peut-être remarqué qu’un financement de 1,4 milliard de dollars nous est alloué dans le plus récent budget fédéral, dont une partie servira à combler les lacunes. Nous allons donc veiller à payer les coûts réels nécessaires pour éviter que les enfants soient pris en charge et pour modifier la façon de faire, de sorte que l’argent serve à empêcher que les familles soient séparées et non à leur enlever un plus grand nombre d’enfants. Il y a encore beaucoup de pain sur la planche.

Ce qui concerne les domaines de compétence et la loi va sans doute intéresser les honorables sénateurs. Je serais heureuse d’entendre votre point de vue sur la question, et ce, n’importe quand. Vous savez peut-être que l’appel à l’action no 4 de la Commission de vérité et réconciliation traite de dispositions législatives. Beaucoup de communautés autochtones de partout au pays affirment que les soins aux enfants autochtones relèvent de leur compétence et qu’elles souhaitent exercer ce droit. Nous sommes tout à fait d’accord et avons signé des protocoles d’entente à cette fin.

Comme je le disais, je pourrais parler longtemps de chacun et je le ferais avec plaisir n’importe quand. Ce qui importe, c’est de dire haut et fort que les enfants ont le droit d’être pris en charge par leur propre famille, entourés par leur culture, leur langue et leurs descendants et que les familles ont le droit de choisir comment élever leurs enfants. Cela figure très clairement dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Nous voyons vraiment des progrès. J’entends régulièrement des histoires merveilleuses de familles réunies qui vous réchaufferont le cœur. Nous poursuivrons le travail.

L’aide à la jeunesse autochtone

L’honorable Kim Pate : Bienvenue, Madame la ministre. En 2016, un jury a formulé des recommandations à la suite d’une enquête sur le décès de sept jeunes des Premières Nations : Jethro Anderson, Curran Strang, Paul Panacheese, Robyn Harper, Reggie Bushie, Kyle Morriseau and Jordan Wabasse, tous morts à Thunder Bay, en Ontario, en l’espace de 10 ans. Comme un grand nombre de leurs camarades de classe, ces jeunes ont été forcés de quitter leur domicile à 14 ans pour fréquenter l’école secondaire à Thunder Bay parce qu’il n’y avait pas d’écoles secondaires adéquates dans leur région. Par conséquent, ils sont morts à des centaines de kilomètres de leur domicile, de leur famille et de leur communauté.

En août 2017, les Services juridiques autochtones, qui représentaient les familles des sept élèves, ont publié un bilan de l’application des recommandations issues de l’enquête. Comme vous le savez sans doute, le gouvernement de l’époque a reçu la plus faible note de toutes les parties évaluées et il a été mentionné que le gouvernement n’avait pas suivi plusieurs des recommandations. Rien n’avait été fait pour certaines, et d’autres étaient en train d’être appliquées.

La recommandation 59 du jury était que le gouvernement du Canada finance suffisamment le Northern Nishnawbe Education Council pour concevoir, construire, meubler, entretenir, exploiter et doter du personnel requis une résidence d’étudiants à Thunder Bay, parce qu’ils devaient se rendre en ville pour étudier dans des établissements comme l’école secondaire Dennis Franklin Cromarty, que j’ai eu le privilège de visiter cette année.

Cela voudrait dire que le gouvernement du Canada aurait à faire des études de faisabilité et à verser du financement. Je me demande si du financement a déjà été accordé, à qui il a été accordé et quels en sont les résultats. J’aimerais aussi savoir à quel moment le gouvernement du Canada estime qu’une résidence pour étudiants sera ouverte. Par ailleurs, à quel moment pensez-vous que des mesures concrètes seront prises pour donner suite aux autres recommandations?

L’honorable Jane Philpott, C.P., députée, ministre des Services aux Autochtones : Je vous remercie, honorable sénateur, de votre question et d’avoir soulevé un autre point important. Il s’agit, selon moi, d’une affaire qui a été bien documentée. Ce qui est arrivé à ces jeunes est vraiment tragique. Cela en dit long aussi sur les conditions dans lesquelles les jeunes des Premières Nations se trouvent lorsqu’ils doivent se rendre si loin de chez eux.

Nous continuons de donner suite aux recommandations de diverses façons, et je vais vous parler de quelques-unes d’entre elles. Je tiens à répondre tout particulièrement à votre question portant sur la résidence. Il me semble que c’est lors de ma dernière visite Thunder Bay — j’y suis allée plusieurs fois récemment — que j’ai rencontré des dirigeants des Premières Nations pour parler de ce projet précis. Nous réalisons des progrès notables. Je serai heureuse de vous faire parvenir un rapport avec plus de détails qui m’échappent en ce moment. Nous avons reconnu qu’un besoin existe. Encore une fois, le projet est mené par des dirigeants des Premières Nations des environs de Thunder Bay, qui envoient un grand nombre d’étudiants là-bas, en vue de la construction d’une résidence et de meilleurs établissements d’éducation pour les jeunes.

(1550)

Nous croyons qu’il faut intervenir sous plusieurs angles en ce qui a trait à ce problème, et il en est question dans le rapport et les recommandations. L’une des solutions consiste à prévoir de meilleures installations à des endroits où beaucoup d’élèves se retrouvent, comme Thunder Bay, sur le plan de la sécurité, des services de santé mentale et de l’adaptation culturelle et linguistique des services offerts aux populations concernées. Il faut leur fournir de meilleurs endroits pour se loger.

Toutefois, il faudrait également, à plus long terme, tâcher de trouver des moyens pour que les élèves soient moins nombreux à devoir quitter le foyer. Mon sous-ministre et moi nous sommes réunis la semaine dernière pour tenter de déterminer ce que nous pourrions faire de plus pour améliorer les services d’éducation offerts aux élèves des collectivités éloignées, de manière à ce que, idéalement, ils n’aient peut-être jamais à quitter le foyer pour terminer leurs études secondaires. Sinon, il faudrait pouvoir retarder le moment du départ de deux ou trois ans afin de ne pas envoyer de très jeunes adolescents là-bas.

Je suis heureuse de pouvoir dire que nous avons fait des progrès, par exemple, dans l’amélioration des services d’éducation pouvant être fournis à distance, ce qui sera utile.

L’autre question que j’aimerais soulever — et le rapport d’enquête en parle — est celle des attitudes des Canadiens non autochtones et du fossé entre les cultures qui persiste au pays, qui s’accompagne d’un manque de respect et d’une incompréhension de l’autre et qu’il faudrait combler. Je pense que le racisme qui existe à certains endroits au pays a des effets néfastes. Nous ne devrions pas hésiter à appeler un chat un chat, et je crois qu’il y a beaucoup de travail à faire dans ce domaine. Chaque fois que j’en ai l’occasion, j’encourage les Canadiens non autochtones à comprendre le travail de réconciliation qui doit se faire. Toutefois, comme je commence maintenant à le dire, la réconciliation n’est pas possible sans la vérité. Beaucoup de Canadiens non autochtones ne comprennent ni la vérité ni l’histoire véritable de notre pays. Par conséquent, ils ne comprennent pas les traumatismes subis par d’innombrables familles à cause du legs des pensionnats autochtones. Nous devons faire connaître la vérité pour pouvoir mieux nous comprendre entre nous et pour que les jeunes ne subissent pas autant de discrimination lorsqu’ils vont vivre loin de leur foyer.

Le logement des Autochtones

L’honorable Nicole Eaton : Madame la ministre, c’est toujours un plaisir de vous voir.

Selon le Dr Tom Kovesi, pédiatre au Centre hospitalier pour enfants de l’est de l’Ontario, les logements en piètre état causent des problèmes respiratoires chroniques chez les enfants autochtones. Un enfant du Nunavut est 20 fois plus susceptible d’être hospitalisé en raison d’une maladie pulmonaire chronique qu’un enfant qui vit à Ottawa. Le problème est causé par l’humidité excessive qui crée de la moisissure. Des études indiquent que la moitié des logements des Premières Nations présentent un niveau inacceptable de moisissures.

Je sais qu’il y a des problèmes dans des maisons qui n’ont pas été construites conformément au code du bâtiment. Nous en avons entendu parler dans les séances du Comité des finances nationales. La situation est toutefois plus complexe que cette seule question. Un code du bâtiment rédigé pour le Sud du Canada n’est pas adapté aux communautés des Premières Nations. Une maison typique au Nunavut est cinq fois plus petite qu’une maison à Ottawa, et deux à trois fois plus de personnes y vivent. Nous investissons de l’argent dans des maisons qui rendent les gens malades dans les communautés des Premières Nations. De plus, ces habitations ne durent que 30 ans.

Madame la ministre, la solution à ce problème ne se limite pas à une question d’argent. Vous engagez-vous à travailler avec les experts médicaux qui ont étudié la situation pour établir une nouvelle approche? Si vous avez déjà lancé un tel processus, pouvez-vous nous expliquer en quoi il consiste?

L’honorable Jane Philpott, C.P., députée, ministre des Services aux Autochtones : Je vous remercie de votre excellente question et de votre intérêt par rapport à cet enjeu important. Encore une fois, je dois dire que le Sénat a fait un très bon travail dans ce dossier. Si je ne me trompe pas, il a notamment mené deux études au cours des 10 dernières années sur le problème criant que représente le logement pour les peuples autochtones. Qu’il s’agisse des Premières Nations, des Métis ou des Inuits, on trouve dans leurs communautés des logements surpeuplés et inadéquats, et c’est un gros problème.

Du travail a été accompli à cet égard, mais il reste encore beaucoup à faire. Je vais vous en dire un peu plus sur certaines choses qui se sont produites. Vous avez déjà expliqué pourquoi ces choses doivent se produire. Il y a une longue liste de raisons pour lesquelles le logement est essentiel, mais nombre d’entre elles ont trait à la santé. Vous avez parlé des problèmes respiratoires. L’un des pires problèmes, c’est, bien sûr, la tuberculose. La situation est très grave, tout particulièrement chez les Inuits. Nous n’arriverons pas à éliminer la tuberculose dans ce pays, dans l’Inuit Nunangat, à moins de remédier au problème des logements surpeuplés. Vous avez déjà parlé des autres problèmes respiratoires.

Nous avons fait des investissements dans ce domaine. J’ai été ravie de constater que, dans le plus récent budget, la somme de 200 millions de dollars par année est prévue pour les Premières Nations. Pour les Inuits et les Métis, un engagement financier sur 10 ans est prévu. Dans le cas des Métis, c’est 50 millions de dollars par année pendant 10 ans. Quant aux Inuits — et j’espère que mes chiffres sont exacts —, c’est 40 millions de dollars par année pendant 10 ans. Je crois que ces chiffres sont exacts.

Ce financement nous permettra de faire des plans à long terme. Comme vous le savez probablement, il y a des difficultés bien réelles. Je pense tout particulièrement aux Inuits. Lorsqu’on ne sait pas combien on pourra dépenser l’an prochain, on ne peut pas passer une commande pour que du matériel puisse être livré avant le début de la prochaine saison de construction. Nous nous sommes heurtés à ce problème à maintes reprises.

Le financement à long terme fait partie du problème. Vous avez tout à fait raison, toutefois, de dire que poursuivre les activités normalement, tout particulièrement pour les Premières Nations dans les réserves, ne permettra pas de réduire l’écart. Le nombre de maisons qui doivent être construites, qui doivent être complètement remplacées ou qui nécessitent d’importantes rénovations se situe entre 80 000 et 100 000. L’écart est énorme. Nous travaillons de concert avec les partenaires des Premières Nations afin d’élaborer une stratégie à long terme en matière de logement. Je crois que votre question au sujet du code du bâtiment est tout à fait pertinente. Je crois qu’il y a davantage à faire, mais la question du code du bâtiment est essentielle. Je suis heureuse de signaler que, pour tous les fonds affectés au logement dans le budget de 2016, les logements doivent être construits conformément au code du bâtiment.

C’est un pas dans la bonne direction. Je pense que cela exige aussi de faire preuve d’une plus grande créativité. Par exemple, je cherche vraiment à encourager la construction d’un plus grand nombre de maisons de conception traditionnelle fabriquées avec plus de matériaux locaux par une main-d’œuvre qui inclut un plus grand nombre de travailleurs locaux, au lieu de toujours faire venir des matériaux d’ailleurs ainsi que des travailleurs qui se contentent de construire des maisons au lieu de former une main-d’œuvre locale.

Si des sénateurs souhaitent faire des recommandations supplémentaires à cet égard pendant l’élaboration de notre stratégie à long terme en matière de logement, je crois que leurs suggestions seraient très bien accueillies par nos partenaires autochtones.

Les services d’aide aux enfants autochtones

L’honorable A. Raynell Andreychuk : Bienvenue, madame la ministre.

J’ai écouté ce que vous avez dit ici, et j’ai certainement suivi toutes vos annonces. Vous me pardonnerez de me montrer quelque peu cynique. J’ai travaillé auprès d’enfants autochtones et je me suis penchée sur des conventions internationales dans le cadre du système judiciaire et au Sénat, et il me semble que nous soyons encore coincés dans ce que j’appelle le processus « thérapeutique », qui consiste à faire rapport sur une crise, puis à proposer un remède.

Ce que j’attends du gouvernement — et vous saurez peut-être me rassurer —, c’est qu’il se penche sur les services de prévention, qu’il considère les problèmes dans leur ensemble et qu’il amène la communauté à résoudre elle-même ses problèmes, car les besoins sont différents d’une province à l’autre et d’une communauté à l’autre. J’entends constamment dire que des mesures seront prises, qu’une étude de faisabilité sera réalisée ou est en cours, et cetera. Or, il me semble que nous ratons la cible, car nous allons de crise en crise, et le problème n’est jamais résolu. Premièrement, j’aimerais avoir l’assurance qu’il y a quelque chose de nouveau dans votre approche.

Les questions administratives font aussi l’objet de mon cynisme. Le ministère a été divisé en deux. Au Comité des finances, on nous a dit que la gestion de deux ministères n’allait pas entraîner de coûts supplémentaires.

J’aimerais avoir la confirmation que les fonds ne serviront pas à développer les ministères et à augmenter le nombre de fonctionnaires sans vraiment aider les gens à qui ils devraient, selon moi, servir, c’est-à-dire les enfants. J’entends énormément parler de structures administratives, de consultations, de plans et de stratégies.

Quelles pages dois-je consulter sur le site web du ministère? Où puis-je consulter votre plan d’action, un site où je pourrais suivre les changements et les progrès réalisés? J’ai vu passer sept ou huit gouvernements, et il semble que nous en soyons encore au même point.

Voilà, je me suis vidé le cœur. C’est à vous qu’il incombe d’agir.

(1600)

L’honorable Jane Philpott, C.P., députée, ministre des Services aux Autochtones : Je vous remercie beaucoup de votre question, honorable sénatrice, ainsi que de votre intérêt pour ce dossier, surtout en ce qui a trait aux enfants. Je pense que c’est sur eux que nous devrions mettre l’accent afin qu’une génération d’enfants autochtones puisse grandir en sachant qu’elle a accès à toutes les possibilités dont chaque enfant canadien devrait pouvoir jouir.

Vous avez indiqué que les solutions existent déjà dans les communautés, et vous avez affirmé que parfois les gouvernements doivent prendre du recul et se contenter d’appuyer les communautés qui connaissent déjà les solutions. Je vais vous donner quelques exemples de ce genre de scénario.

Or, avant de poursuivre, je dois signaler que l’approche que vous préconisez se rapproche beaucoup de celle proposée par le premier ministre en vue de la reconnaissance des droits des peuples autochtones. Ces droits ont été bien énoncés dans des instruments législatifs internationaux, dans des déclarations internationales comme celle des Nations Unies, dans la Constitution du Canada, et parfois dans les traités. Les droits des peuples autochtones sont donc clairs. Le problème, c’est qu’ils n’ont pas toujours été en mesure de mettre en œuvre ces droits.

Le droit dont vous parlez, et que je considère comme étant important, est le droit à l’autodétermination. Il y a 22 ans, la formidable Commission royale sur les peuples autochtones a soutenu que l’une des principales choses dont les Autochtones ont besoin est de prendre en main leur propre destinée. Nous tentons sans cesse de contrôler leur vie. Or, lorsque nous l’avons fait par le passé, cela a eu des conséquences épouvantables.

Il est essentiel de respecter, de reconnaître et d’appuyer la mise en œuvre du droit à l’autodétermination. Je vais donc vous donner quelques exemples que, je l’espère, vous trouverez encourageants.

L’exemple auquel j’ai songé pendant que vous posiez votre question a trait à la santé mentale. Vous connaissez les histoires terribles dont la presse nous informe, notamment les taux élevés de suicide et le besoin criant de spécialistes en santé mentale. Nous avons été entre autres capables de favoriser une approche toute nouvelle de la santé mentale, approche qui est vraiment issue d’une vision locale dans la région de la nation Nishnawbe Aski, où sont représentées 49 nations du Nord de l’Ontario. Elles sont venues nous parler du principe de Jordan, que vous connaissez bien, je crois. Elles nous ont dit : « Nous voudrions utiliser l’argent destiné à la mise en œuvre du principe de Jordan pour élaborer un programme. » Elles ont décidé de nommer ce programme Choose Life, c’est-à-dire choisir la vie. Plutôt que d’avoir recours à un modèle médical où un conseiller travaille avec un patient, on suivrait un modèle de type communautaire. Les jeunes auraient l’occasion de partir sur le territoire apprendre le mode de vie de leurs parents et grands-parents lorsqu’ils travaillent dans la nature. Ils auraient ainsi l’occasion d’assimiler leur culture et de comprendre qui ils sont.

Nous avons dit que nous appuierions solidement ce programme. Nous ne disposons encore d’aucune donnée parce qu’il est trop tôt, mais je crois vraiment que les collectivités qui opteront pour le programme Choose Life, qui est entièrement conçu par les Premières Nations et destiné aux Premières Nations, obtiendront des améliorations en matière de santé mentale durant les années à venir. Je crois que cela concerne ce dont vous parlez.

Permettez-moi aussi de répondre un peu au deuxième volet de votre question, sur l’administration et l’idée de ne pas faire exprès pour provoquer l’expansion du ministère. Nous en sommes très conscients. J’ai un très bon sous-ministre qui collabore avec moi sur ces questions. Nous nous efforçons de gérer de manière très responsable le démantèlement de l’ancien ministère des Affaires indiennes et du Nord pour former les deux nouveaux ministères, et le fardeau administratif n’augmentera pas. Il ira plutôt en diminuant.

Je pense qu’il est très difficile pour les gouvernements d’aller dans ce sens. Nous devons être très sévères envers nous-mêmes, car les choses ont toujours été ainsi. Vous avez toutefois tout à fait raison de dire que nous ne devrions pas chercher à agrandir le ministère. Cependant, cette démarche est tout à fait conforme à l’approche que nous avons adoptée pour essayer d’axer tous les programmes sur les communautés et d’en transférer la gestion aux communautés elles-mêmes afin qu’elles en aient les plans. Nous ne payons pas de fonctionnaires, mais nous appuyons des membres de la communauté et nous créons des emplois, que ce soit dans le secteur de la santé, de l’éducation ou d’autre chose.

Nous continuerons sans conteste de travailler en ce sens à l’avenir et j’espère que cela donnera des résultats.

[Français]

Les services de santé offerts aux Autochtones

L’honorable Dennis Dawson : Madame la ministre, je tiens tout d’abord à vous féliciter des efforts que vous faites pour apprendre le français depuis votre arrivée. Je me permettrai donc de vous poser ma question en français.

Nous savons qu’il existe d’immenses écarts socioéconomiques au sein des communautés autochtones. Les Autochtones peinent à obtenir des services de santé de qualité au sein de leurs collectivités et qui soient adaptés à leur réalité culturelle.

Sans compter les investissements prévus dans les récents budgets afin d’améliorer les indicateurs de la santé dans les communautés autochtones, la ministre peut-elle nous informer des travaux en cours qui visent à faire en sorte que les communautés autochtones aient accès aux soins dont elles ont besoin, au moment où elles en ont besoin?

L’honorable Jane Philpott, C.P., députée, ministre des Services aux Autochtones : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. Je vais essayer de répondre en français, mais si c’est trop difficile, je reviendrai à l’anglais.

Votre question quant aux écarts importants qui existent entre les Autochtones et les non-Autochtones dans le cadre de plusieurs enjeux socioéconomiques, surtout en matière de santé, est très importante. Vous avez parlé des investissements que notre ministère a faits en faveur de la santé, et je suis heureuse que ces investissements aient été consentis lors du dépôt de chacun des budgets de notre gouvernement.

D’ailleurs, nous venons d’investir 1,5 milliard de dollars dans le domaine de la santé. Cet investissement se traduit, entre autres, en subventions pour la recherche sur la tuberculose, et devrait également aider à régler plusieurs problèmes, comme la toxicomanie.

Comme vous l’avez mentionné, notre ministère a changé son approche quant à la santé des Autochtones, et nous espérons que cette nouvelle approche entraînera des changements dans leur qualité de vie. Jusqu’à maintenant, comme je l’ai dit, c’est le gouvernement qui décidait de la façon d’offrir les soins de santé. Or, si les Autochtones décident de prendre en charge leur système de soins de santé, cela devrait apporter des résultats. On le voit en Colombie-Britannique, avec la Régie de la santé des Premières Nations, qui a été mise sur pied par les Autochtones, pour les Autochtones. On a déjà pu constater que les écarts ont diminué et que leur état de santé s’est amélioré.

Nous tenons maintenant de telles discussions dans plusieurs régions du pays. Il y a quelques semaines, lors d’une visite au Manitoba, notre ministère a établi un protocole d’entente avec les Autochtones afin qu’ils puissent planifier leurs soins de santé.

Le Québec souhaiterait également mettre sur pied un protocole d’entente avec les Premières Nations du Québec et notre ministère afin de discuter de la façon dont on peut prévoir une prestation des services qui sera dirigée par les Autochtones, pour les Autochtones. Une telle approche est en adéquation avec notre approche d’autodétermination, et nous espérons obtenir de bons résultats.

(1610)

[Traduction]

Les infrastructures des communautés autochtones

L’honorable Mary Jane McCallum : Madame la ministre, une des désastreuses conséquences de la colonisation dans les communautés autochtones est la perte de cohésion sociale. Cet écroulement est notamment attribuable aux pensionnats. Les liens de soutien moral qui unissaient les communautés autochtones furent brisés. Les individus, notamment les enfants, ont été forcés de plutôt se fier à leurs propres ressources à peu près sans être guidés. Lorsqu’il y a cohésion dans une communauté, elle apporte un capital social favorisant la confiance interpersonnelle et le respect de conventions de réciprocité. Celles-ci servent de ressources aux personnes et facilitent l’adoption de mesures collectives. Le capital social est une composante inhérente à la communauté à laquelle tous les individus participent. La communauté qui existait dans les pensionnats n’était semblable à aucune autre à l’extérieur de ce système fabriqué de toutes pièces.

Au lieu d’une cohésion sociale et de liens sociaux étroits, il régnait un net manque de confiance au sein de la structure sociale. Aucune convention sociale n’y était présente. Le manque de confiance dans cet environnement social nuisait à la réalisation et à la compréhension des obligations et des attentes de chacun.

À l’extérieur des pensionnats et des réserves, la société apprend à ses membres à s’unir pour résoudre les problèmes. Une fois que le problème est résolu, la nouvelle organisation demeure et s’ajoute au capital social disponible pour améliorer la qualité de vie de tous les habitants. Cependant, on a longtemps empêché les peuples autochtones de se réunir ainsi pour bâtir une telle structure sociale. La désorganisation sociale est l’incapacité d’une structure communautaire à réaliser les valeurs communes des membres de la collectivité et à maintenir des contrôles sociaux efficaces.

En matière de lutte contre la criminalité, un aspect important de la désorganisation sociale...

Son Honneur le Président : Je m’excuse, madame la sénatrice, mais il ne reste que quelques minutes à la période des questions, alors, si je peux me permettre, si vous voulez que la ministre puisse répondre à votre question, il faudrait que vous la posiez.

La sénatrice McCallum : Je vais juste terminer ce que j’avais à dire. Il faut que la communauté puisse superviser et contrôler les groupes d’adolescents, surtout les gangs de rue.

Comme votre lettre de mandat le dit, il est de votre responsabilité de continuer de superviser la prestation des services actuellement offerts aux peuples autochtones, y compris les infrastructures communautaires.

Madame la ministre, que va faire votre bureau pour veiller à ce que les infrastructures nécessaires soient en place au sein des communautés autochtones au cours de la période de transition que va amener le projet de loi C-45?

L’honorable Jane Philpott, C.P., députée, ministre des Services aux Autochtones : Merci, honorable sénatrice. Je suis heureuse d’entendre vos observations. Je sais que vous étiez aux Nations Unies avec nous la semaine dernière pour participer au travail important qui se fait sur les questions autochtones.

Vous avez formulé des arguments formidables en ce qui concerne le besoin de cohésion sociale et d’infrastructures sociales. Je crois que cela va dans le sens de bon nombre des efforts que nous faisons et qui visent à favoriser les solutions provenant des communautés. Nous voulons que celles-ci prennent leurs propres décisions, car il n’y a rien de plus déprimant et de démotivant que de perdre le contrôle de sa vie. Voilà ce que nous avons fait et cela fait partie du legs que vous avez décrit.

Ces solutions que nous appuyons, qu’elles soient pour des équipes de santé mentale ou pour de nouveaux programmes qui respectent les pratiques de guérison traditionnelles, les anciens et les enseignants, donnent de la place à des mouvements de jeunes qui travaillent fort et qui veulent se réapproprier leur culture et être en mesure de la faire connaître. L’avenir est prometteur et nous devons tous appuyer cela.

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Je suis convaincu que tous les sénateurs se joindront à moi pour remercier la ministre Philpott d’avoir été parmi nous aujourd’hui. Merci.


ORDRE DU JOUR

Projet de loi sur le projet de pipeline Trans Mountain

Deuxième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Black (Alberta), appuyée par l’honorable sénatrice Bovey, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-245, Loi prévoyant que le projet de pipeline Trans Mountain et les ouvrages connexes sont déclarés d’intérêt général pour le Canada.

L’honorable Murray Sinclair : Je reprends là où j’en étais. Je disais que l’article 35 de la Constitution pourrait constituer un véritable obstacle à ce que le présent projet de loi voie le jour, mais, surtout, je crois qu’il faut reconnaître que le projet lui-même risque de faire l’objet de contestations judiciaires très pénibles.

J’ai déjà parlé des implications potentielles du projet de loi sur le plan du fédéralisme coopératif. Plus important encore, il faut notamment garder à l’esprit le fait que le gouvernement fédéral a l’obligation de protéger les droits des Autochtones. Or, il semble qu’il ait annoncé son intention de voir ce projet réalisé sans égard pour le consentement des Autochtones.

N’oublions pas que le gouvernement s’est engagé à mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et qu’il a indiqué publiquement et à maintes reprises qu’il est prêt à y adhérer, à l’appuyer et à faire en sorte qu’elle se concrétise.

Or, conformément à l’article 32 de la déclaration, le gouvernement est rigoureusement tenu de consulter les organismes, tribus et autres entités autochtones pour obtenir leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, à l’égard de tout projet ayant des incidences sur leurs terres ou territoires.

Dans le cas présent, les Premières Nations qui se trouvent le long du tracé et qui s’opposent actuellement au projet n’ont pas encore été consultées afin d’obtenir leur consentement au sujet de l’oléoduc Trans Mountain.

En fait, même s’il a été question du fait que des ententes sur les répercussions et les avantages ont été signées avec 43 Premières Nations, dont 33 se trouvent en Alberta, et qu’il ne s’agit pas des communautés qui seront le plus directement touchées par le projet, en toute franchise, il s’agit de celles qui étaient touchées par la construction initiale de l’oléoduc Trans Mountain. Le gouvernement fédéral leur a donc retiré un droit légal avant d’être obligé de protéger les droits des peuples autochtones.

Donc, à l’époque la construction de l’oléoduc Trans Mountain d’origine, le gouvernement du Canada a essentiellement dit aux Premières Nations : « Vous n’avez pas le choix. Nous allons utiliser vos terres pour y faire passer l’oléoduc. » Elles ont donc retiré ce qu’elles pouvaient des ententes sur les répercussions et les avantages qui ont été signées à ce moment-là.

Certaines de ces Premières Nations ont simplement amendé l’entente sur les répercussions et les avantages les concernant afin de faire fond sur les paiements qu’elles doivent recevoir, en tenant compte du fait que l’expansion de l’oléoduc aura lieu sur les zones territoriales actuellement occupées par l’oléoduc d’origine, ce qui fait que l’expansion ne les affectera pas plus ni moins qu’avant. Ce sont plutôt les Premières Nations situées dans le Sud de la Colombie-Britannique et aux alentours du port de Vancouver — qui devront assumer les éventuelles répercussions les plus importantes et courir les plus grands risques — qui sont les plus réfractaires au projet. Ce sont d’ailleurs les Premières Nations des environs du port de Vancouver qui s’adressent aux tribunaux.

Le pipeline de Trans Mountain fait face à 18 contestations judiciaires, qui se trouvent devant les tribunaux en ce moment. Elles ont été réunies en une seule par la Cour fédérale du Canada, mais le fait est que ces actions en justice constituent un obstacle légal très important à la réalisation même de ce projet.

Les efforts qui sont apparemment faits pour précipiter l’adoption du projet de loi au Sénat me préoccupent grandement. On nous demande d’accélérer l’adoption de ce projet de loi, d’en faire la promotion, parce que, selon ce qu’on nous a dit, Kinder Morgan a un calendrier à respecter. Très franchement, les Premières Nations ont aussi un calendrier à respecter, à savoir être consultées et convaincues de donner leur accord. À ce stade, aucune démarche n’a été faite pour obtenir leur accord.

(1620)

En ce qui concerne le renvoi du projet de loi au comité — ce qui, j’en conviens, risque fort de se produire — et son retour au Sénat pour l’étape de la troisième lecture, je préviens tous les sénateurs que j’ai l’intention de présenter un amendement à la mesure législative, qui exigera que le projet, s’il est reconnu comme un ouvrage et une entreprise de compétence fédérale, obtienne le consentement libre, préalable et éclairé des Premières Nations du Canada, si ce n’est pas déjà fait, sous la forme d’une entente écrite.

Ainsi, si certains d’entre vous sont certains que le projet ira de l’avant, qu’il ne s’agit que d’apposer notre sceau d’approbation, il vaudrait mieux qu’ils se ravisent. Ce ne sera pas aussi simple. Nous avons encore beaucoup de travail à faire.

Nous devons examiner les types d’enjeux que la sénatrice Galvez nous a signalés. Nous devons déterminer si les retombées du projet ont été exagérées, si ses risques pour l’environnement ont été sous-estimés — et j’ai tendance à le croire — et si le soutien même des Autochtones a été présenté de façon trompeuse.

Selon moi, le comité qui sera saisi du projet de loi devrait avoir le mandat de se pencher sur ces questions. Merci.

Son Honneur le Président : Sénateur Sinclair, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Sinclair : Oui.

L’honorable David Tkachuk : Sénateur Sinclair, vous avez dit dans votre discours que vous vous sentez bousculé. Qui vous force à précipiter les choses?

Le sénateur Sinclair : J’ai dit qu’on cherche à précipiter l’adoption du projet de loi au Sénat. Si vous voulez me citer, faites-le correctement.

Le sénateur Tkachuk : De qui s’agit-il?

Le sénateur Sinclair : Tous ceux d’entre vous qui sont pressés de faire d’adopter le projet de loi. Vous y compris, monsieur le sénateur.

Le sénateur Tkachuk : Ainsi, 23 sénateurs imposeraient leur volonté à 60 sénateurs? J’en doute.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Des voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Black (Alberta), le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des transports et des communications, avec dissidence.)

Modernisation du Sénat

Neuvième rapport du comité spécial—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Frum, appuyée par l’honorable sénatrice Beyak, tendant à l’adoption du neuvième rapport (intérimaire) du Comité sénatorial spécial sur la modernisation du Sénat, intitulé La modernisation du Sénat : Aller de l’avant (période des questions), présenté au Sénat le 25 octobre 2016.

L’honorable Ratna Omidvar : Honorables sénateurs, je prends la parole pour parler du neuvième rapport du Comité sénatorial spécial sur la modernisation du Sénat, qui traite de la partie des délibérations du Sénat que nous préférons tous : la période des questions.

Plusieurs sénateurs se sont déjà exprimés au sujet neuvième rapport, qui a été présenté il y a plus d’un an. D’après le compte rendu des débats, il semble y avoir deux points de vue opposés sur la question de la période des questions.

D’un côté, certains sénateurs considèrent qu’il faut protéger la période des questions. Selon eux, les questions orales sont essentielles pour demander des comptes au gouvernement et accomplir leur devoir, qui consiste à représenter leur région.

D’autres sénateurs sont d’avis qu’il faut abandonner la période des questions, parce que les questions orales ne sont pas une manière efficace d’obtenir des réponses. Selon eux, le Sénat serait mieux servi si les sénateurs soumettaient un plus grand nombre de questions par écrit, car il pourrait ainsi consacrer autant de temps que possible à l’étude des projets de loi.

Il y a donc deux points de vue divergents, et je crois que le neuvième rapport du Comité sur la modernisation du Sénat propose un compromis raisonnable qui ne fait pas abstraction des autres rapports que le comité nous a soumis. Je songe notamment au huitième rapport, qui porte sur la télédiffusion des délibérations du Sénat et qui, à mon avis, s’accorde très bien avec les recommandations du neuvième rapport. La télédiffusion de nos délibérations devrait avoir une incidence sur notre vision de la période des questions, sur la façon dont les sénateurs interagissent et sur la façon dont les Canadiens nous perçoivent.

À l’approche de notre première apparition au petit écran, j’estime que nous devrions déterminer comment les délibérations du Sénat devraient être présentées à la population. Nous cherchons non seulement à changer la façon dont le Sénat est perçu, mais aussi à mettre davantage en valeur les plus belles qualités de cette institution.

Actuellement, la période des questions demeure le centre d’attraction à chaque séance de la Chambre des communes et du Sénat et elle a lieu généralement tous les jours de séance dans les deux Chambres. Dans les deux cas, la période des questions sert à demander des comptes au gouvernement et elle est assujettie, en bonne partie, aux mêmes règles et procédures.

Nous devons donc nous demander ce qui distingue la période des questions du Sénat. Comment le Sénat peut-il bonifier le processus législatif? Quelles sont les forces de notre institution et comment se reflètent-elles dans notre période des questions?

L’année dernière, j’ai eu le privilège de participer à l’annonce du plus récent rapport de Samara Canada au sujet du chahut à la Chambre des communes et sur la Colline du Parlement. Pendant cette soirée, certaines personnes — surtout des politiciens — m’ont fait part à de nombreuses reprises d’un avis presque unanime : ils considèrent que la période des questions au Sénat est beaucoup plus cordiale et constructive et qu’elle se concentre davantage sur la reddition de comptes à la population que sur les réponses préfabriquées et les effets de toge. Il y a beaucoup moins de chahut dans cette enceinte, même si cela se produit quelquefois. Je n’irais d’ailleurs peut-être pas jusqu’à appeler cela du chahut — je parlerais plutôt d’échanges robustes, mais amicaux —, mais cela se produit à l’occasion.

Des voix : Bravo!

La sénatrice Omidvar : Je crois qu’il y en a un peu des deux côtés, il faut l’admettre.

Nous ne limitons pas la durée des questions ni celle des réponses. Cela a des avantages et des inconvénients. D’un côté, ceux qui posent une question ont beaucoup de temps à leur disposition — je pense à vous, sénateur Smith. De votre côté, sénateur Harder, vous avez beaucoup de temps à votre disposition pour réagir aux réponses ou, dans ce cas-ci, intervenir comme ministre. Ainsi. . . Pas de chahut, je vous prie, tenons-nous-en à des échanges robustes. Bref, cette façon de faire nous permet de plonger plus à fond dans les questions de politique.

Cela dit, il arrive parfois qu’une question ou une réponse serve de prétexte à des déclarations ou à des discours creux. La solution à envisager ne serait peut-être pas de recourir au Règlement, mais de prendre plutôt l’habitude de poser des questions ciblées et précises, qui conduiront à des réponses ciblées et précises.

Cela vaut également pour les questions posées aux ministres. Bien que certains ministres présentent une image très idéalisée du gouvernement, l’heure pendant laquelle nous discutons avec eux est beaucoup plus cordiale et instructive que les discussions à la Chambre des communes. Je songe particulièrement à l’excellente période des questions que nous avons passée la semaine dernière avec la ministre Qualtrough. Nous lui avons posé de vraies questions, et elle nous a donné de vraies réponses.

Sénateur Harder, veuillez lui signaler qu’elle peut revenir nous voir au Sénat n’importe quand.

Les recommandations formulées dans le neuvième rapport tiennent compte des deux qualités que j’ai mentionnées. Les deux premières recommandations demandent de rendre officielle la pratique selon laquelle les ministres sont invités à la Chambre pour répondre aux questions des sénateurs au cours de la période des questions, et d’inviter également des hauts fonctionnaires du Parlement.

Les recommandations du neuvième rapport nous permettront également de nous concentrer, dans cette enceinte, sur le travail de nos comités. Nous entendons souvent parler, ici et à l’extérieur, de la solide réputation des comités du Sénat, mais cela se reflète rarement pendant la période des questions. Les présidents des comités ont rarement l’occasion de répondre à des questions de leurs pairs et à des questions sur des audiences spéciales ou les derniers rapports des comités. Cela finit par empêcher les sénateurs de poursuivre les discussions et de faire avancer les recommandations des comités. Je dois mentionner, à cet égard, à quel point la sénatrice Fraser me manque, car elle posait de très bonnes questions aux présidents des comités.

(1630)

C’est une observation qui a été faite par de nombreux témoins qui ont comparu devant le Comité sur la modernisation du Sénat. Je pense que, plus que jamais, il faut remédier à cette lacune, maintenant que nos délibérations seront télédiffusées. Nous devons reconnaître que le travail des comités est une source d’information pertinente pour les Canadiens. Il devrait occuper une place de premier plan dans un Sénat moderne, ouvert et transparent.

La troisième recommandation du neuvième rapport demande que le Sénat ne tienne une période des questions que deux jours par semaine. Les sénateurs auraient ainsi plus de temps pour examiner les mesures législatives, tout en tirant parti de différentes formules de période de questions. La première serait consacrée à un ministre ou à un haut fonctionnaire du Parlement et l’autre serait consacrée à un leader du gouvernement ou à un président de comité, voire aux deux.

Encore une fois, cette recommandation, à mon avis, au-delà de sa signification littérale, crée un précédent au Sénat en demandant que les sénateurs accordent plus d’importance aux travaux des comités au Sénat. Elle demande que nous débattions ici des recommandations débattues dans les comités. En demandant la télédiffusion des délibérations, elle nous demande d’inviter la population canadienne à se joindre aux débats.

Ces modifications renferment un énorme potentiel pour l’étude des questions d’actualité sur lesquelles se penche un comité. Prenons, par exemple, la crise des réfugiés rohingyas. Si le Sénat est incapable de recevoir la ministre des Affaires étrangères pour parler des nouveaux développements tels que l’accord de rapatriement qui existe désormais entre le Myanmar et le Bangladesh, l’autre personne la mieux placée pour répondre à la question pourrait fort bien être le sénateur Munson, qui était président du Comité des droits de la personne lorsque l’étude sur les réfugiés rohingyas a été menée.

Honorables sénateurs, honnêtement, la période des questions est une affaire de goût. On aime ou on n’aime pas. J’hésite entre les deux. Comme le sénateur Mercer l’a dit, je préférerais avoir une période des réponses. J’aimerais transformer toute cette discussion de la période des questions en une période des réponses. Une façon de faire, je crois, est de donner l’exemple et de nous discipliner en posant des questions et en y répondant, ou encore de fixer des limites de temps. Je ne propose pas une modification, mais il s’agit d’idées que le Comité du Règlement pourrait envisager, de même que toutes les autres bonnes idées qui ont été proposées au Sénat au sujet de ce rapport.

En résumé, je crois que les recommandations formulées dans le neuvième rapport constituent un compromis raisonnable. Premièrement, elles différencient la période des questions au Sénat de celle à la Chambre des communes. Deuxièmement, elles misent sur nos forces institutionnelles. Troisièmement, elles nous donnent plus de temps pour étudier le projet de loi. Quatrièmement, elles exploitent notre collégialité et les travaux en comité.

Le plus important, peut-être, est qu’elles nous préparent au nouveau monde de plus d’une façon. Pour ces raisons, ce rapport devrait être envoyé au Comité du Règlement le plus tôt possible aux fins d’examen.

(Sur la motion du sénateur Smith, le débat est ajourné.)

[Français]

Langues officielles

Budget—L’étude sur la perspective des Canadiens au sujet d’une modernisation de la Loi sur les langues officielles—Retrait du huitième rapport du comité

À l’appel des autres affaires, rapports de comités, autres, article no 79, par l’honorable René Cormier :

Étude du huitième rapport du Comité sénatorial permanent des langues officielles (Budget—étude sur la perspective des Canadiens au sujet d’une modernisation de la Loi sur les langues officielles—autorisation d’embaucher du personnel et de se déplacer), présenté au Sénat le 29 mars 2018.

L'honorable René Cormier : Honorables sénateurs, conformément à l’article 5-7k) du Règlement, je demande le consentement du Sénat pour que l’article no 79 sous la rubrique Rapports de comités — Autres, qui demande des fonds pour une activité de voyage qui n’aura pas lieu, soit supprimé du Feuilleton.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(L’article est retiré.)

[Traduction]

Banques et commerce

Motion tendant à autoriser le comité à étudier les opérations de l’Agence de la consommation en matière financière du Canada, de l’Ombudsman des services bancaires et d’investissement et de l’ADR Chambers—Bureau de l’Ombudsman des services bancaires—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion, tel que modifiée, de l’honorable sénatrice Ringuette, appuyée par l’honorable sénatrice Lankin, C.P.,

Que le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce soit autorisé à :

a)Étudier les opérations de l’Agence de la consommation en matière financière du Canada (ACFC) ainsi que l’Ombudsman des services bancaires et d’investissement (OSBI), et l’ADR Chambers — Bureau de l’Ombudsman des services bancaires (ADRBO);

b)Étudier le respect et l’interaction de ces organismes envers les juridictions provinciales;

c)Étudier et déterminer les pratiques exemplaires d’organismes similaires ailleurs dans le monde;

d)Fournir des recommandations pour s’assurer que l’ACFC, l’OSBI, et l’ADRBO puissent mieux protéger les consommateurs et respecter les compétences provinciales;

Que le Comité présente son rapport final au plus tard le 18 mars 2018 et qu’il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.

L’honorable Marc Gold : Je vous remercie, Votre Honneur. Je crois comprendre que cet article en est presque au 15e jour. Je voudrais donc, avec votre consentement, ajourner le débat au nom de la sénatrice Moncion.

(Sur la motion du sénateur Gold, au nom de la sénatrice Moncion, le débat est ajourné.)

Le Sénat

Motion donnant instruction à l’Administration du Sénat de retirer des serveurs du Sénat le site web de l’honorable sénatrice Lynn Beyak et de cesser tout soutien pour tout autre site web connexe jusqu’à ce que le processus d’enquête mené par le conseiller sénatorial en éthique soit conclu—Débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Pate, appuyée par l’honorable sénateur Marwah,

Qu’il soit donné instruction à l’administration du Sénat de retirer des serveurs du Sénat le site Web de l’honorable sénatrice Beyak et de cesser tout soutien pour quelconque site Web de cette dernière jusqu’à ce que le processus mené par le conseiller sénatorial en éthique à la suite d’une demande d’enquête présentée en vertu du Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs portant sur le contenu du site Web de la sénatrice Beyak et sur ses obligations au titre du Code soit conclu, que ce soit par suite du dépôt de la lettre de détermination préliminaire ou du rapport d’enquête du conseiller sénatorial en éthique, de la présentation d’un rapport du Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs ou d’une décision du Sénat sur la question.

L’honorable Donald Neil Plett : Honorables sénateurs, ce débat a été ajourné au nom de la sénatrice Bovey, alors j’aimerais prendre la parole si l’on s’entend pour que, lorsque j’aurai terminé mon intervention, le débat soit, une fois de plus, ajourné à son nom.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Le sénateur Plett : Merci, Votre Honneur et chers collègues. Je prends la parole aujourd’hui au sujet de la motion de la sénatrice Pate, qui propose de retirer des serveurs du Sénat le site web de la sénatrice Beyak. Mon observation d’aujourd’hui sera axée entièrement sur le processus.

J’ai décidé de ne pas exprimer mon opinion au sujet des commentaires qui se trouvent sur le site de la sénatrice Beyak, comme certains l’ont fait, parce que, selon moi, mon opinion à ce sujet n’a aucune importance dans le cadre de cette discussion, pas plus que celle des autres, à vrai dire.

Bien entendu, cette motion a été présentée après que le contenu en question a été confié au conseiller sénatorial en éthique pour qu’il rende une décision. On a déjà déclaré que le code régissant l’éthique des sénateurs a été adopté à l’unanimité par le Sénat et que ce sont les sénateurs qui ont créé le Bureau du conseiller sénatorial en éthique.

Je crois que le processus en matière d’éthique est très solide et que nous pouvons tous en être fiers. D’ailleurs, il n’y a pas si longtemps, nous avons pu constater l’efficacité et l’impartialité de ce processus lorsqu’il semblait que quelqu’un ici avait agi à l’encontre de notre code et que nous avons cherché à remédier à la situation au moyen des canaux adéquats.

La motion à l’étude demande une sanction anticipée avant même que le conseiller en éthique ait rendu son jugement quant à l’existence d’une violation.

Il a été question de l’usage des ressources du Sénat. Honnêtement, je crois que ces préoccupations ne sont pas fondées. Il n’en coûterait absolument rien de plus aux Canadiens si le site de la sénatrice Beyak demeurait sur le serveur du Sénat.

(1640)

Il ne s’agirait pas non plus d’une façon de dire que le Sénat approuve ce qu’on y trouve, pas davantage qu’on peut affirmer qu’il approuve quoi que ce soit sur vos sites web ou sur le mien. Le profil que chacun choisit d’afficher sur le site sencanada.ca doit, bien sûr, respecter certains principes. Or, à partir du moment où ces principes sont respectés, nos sites personnels sont créés, contrôlés et mis à jour par chaque sénateur personnellement, ainsi que par leurs employés, évidemment.

Je suis convaincu qu’il y a certaines choses sur le site web de la sénatrice Pate que je pourrais juger offensantes, tout comme il pourrait y en avoir sur le mien qu’elle jugerait offensantes. En aucun cas le contenu du site web des sénateurs ne reflète le point de vue ou les valeurs de leurs collègues, et encore moins ceux de notre institution.

Pour être tout à fait transparent, je dois d’ailleurs avouer que je ne suis jamais allé sur le site web de la sénatrice Pate ni sur celui de la sénatrice Beyak. Nous avons tous la liberté, dans ce pays, de ne pas consulter les sites web qui ne nous plaisent pas et d’éviter le matériel que nous ne souhaitons pas voir, au même titre que nous avons tous un interrupteur sur notre téléviseur et qu’il nous suffit d’éteindre ce dernier s’il y a une émission que nous ne voulons pas regarder.

D’aucuns, chers collègues, pourraient aussi soutenir qu’il s’agit là d’un empêchement, pour la sénatrice Beyak, de communiquer avec les personnes qu’elle représente, un argument qu’elle a d’ailleurs elle-même fait valoir avec éloquence.

À en croire les sénateurs qui sont en faveur de cette motion, la question n’aurait rien à voir avec la liberté de parole ou d’expression, au motif que les commentaires exprimés frôlent les propos haineux. Au contraire, honorables sénateurs, cette question a tout à voir avec la liberté d’expression. Ce droit garanti par la Charte existe précisément pour protéger les propos qui nous déplaisent, et c’est justement pour cette raison qu’il est nécessaire. Même si certaines personnes peuvent trouver le contenu du site web de la sénatrice Beyak répréhensible, il est tout simplement faux de laisser entendre qu’il s’agit de propos haineux au sens légal du terme.

Le plus grand danger dans cette situation est possiblement le fait que la motion a ouvert un débat qui risque d’influencer l’enquête du conseiller sénatorial en éthique, un agent indépendant. Toutes les décisions que nous prenons au Sénat créent un précédent. Nous ne devons jamais l’oublier. Il y a un mouvement en faveur de la censure qui a fait son chemin dans de nombreux segments de la société et qui s’est même glissé récemment dans le Sénat. En cette ère d’espaces sûrs, d’avertissements d’éléments déclencheurs et de culture de l’indignation, il existe maintenant des opinions qui sont considérées comme de mauvaises opinions. Je ne puis m’empêcher de me demander quand certains de mes points de vue, que j’exprime clairement sur mon site web, seront jugés haineux par certains des sénateurs.

Chers collègues, il ne s’agit pas d’une préoccupation farfelue. Les honorables sénateurs se souviendront que, il n’y a pas si longtemps, une sénatrice m’a accusé de sectarisme pour avoir dit « ces personnes » en parlant des gens qui ne s’identifient pas comme des femmes ou des hommes. Paradoxalement, le même jour, la ministre de la Justice, qui a parrainé le projet de loi C-16, s’est servie de cette expression pour désigner le même groupe. Il s’agit d’une accusation très grave à porter contre quelqu’un pour la simple raison qu’il ne partage pas votre avis.

La même sénatrice a tenté de discréditer des témoins au comité en affirmant, à tort, qu’ils étaient tous des hommes blancs, comme si la validité de leurs arguments reposait leur race et leur sexe. Sur ce point, je déclare explicitement dans mes commentaires sur le sujet que je crois qu’il existe deux sexes. Peu importe la foule de données probantes à l’appui de cette affirmation, ce point de vue est de plus en plus considéré comme intolérant et sectaire par certains idéologues.

Il ne s’agit pas simplement du point de vue des biologistes évolutionnistes. Il existe de nombreuses religions qui croient en l’Ancien Testament. Comme je le mentionne chaque fois que je cite les Écritures, et je ne les cite pas souvent au Sénat, mais voici une autre citation. Au verset 2 du chapitre 5 du livre de la Genèse, on peut lire : « Il créa l’homme et la femme [...] » Or, j’en viens à me demander combien de temps il faudra pour que le contenu en question sur mon site web soit considéré si haineux qu’on présente une motion pour demander qu’il soit retiré. Combien de temps avant que ma position sur le caractère sacré de la vie soit jugé si inacceptable et provocante qu’elle ne puisse plus figurer sur mon site web?

Le leader du gouvernement au Sénat et le gouvernement Trudeau ont dit très clairement que ce point de vue était absolument inacceptable. Une personne qui a une opinion différente sur le moment où commence la vie ne peut même pas soumettre sa candidature au Parti libéral; ce dernier ne le permet pas. C’est tout à fait scandaleux. On a organisé un débrayage en signe de protestation au Comité de la condition féminine parce qu’il se trouve que la présidente, une jeune féministe, est pro-vie. L’exigence relative à la demande de subvention dans le cadre du programme Emplois d’été Canada n’a fait qu’ajouter à cette manifestation d’intolérance.

Le gouvernement a, à maintes reprises, présenté les Canadiens pro-vie comme un groupe radical marginal dont les points de vue ne peuvent être tolérés dans une société progressiste. Selon les dernières données, seulement la moitié des Canadiens, environ, sont d’accord avec l’accès à l’avortement sans restriction que permet la loi actuelle. L’autre moitié est soit en faveur d’un accès restreint, soit complètement contre l’avortement.

Il est donc absurde de laisser entendre qu’il y a consensus, qu’il soit médical, moral ou scientifique, sur le moment où une vie devient une vie. Même au sein du milieu pro-choix, il n’y en a pas. Pourtant, le gouvernement a choisi des gagnants et des perdants sur cette question hautement personnelle qui suscite les passions et divise. Il a décidé quelle était l’opinion juste et quelle était l’opinion erronée. Il va sans dire que l’opinion juste est celle du premier ministre Justin Trudeau.

Lorsque j’ai soulevé cette question auprès du sénateur Harder le 14 février, soulignant que les groupes pro-vie n’enfreignaient aucun droit prévu dans une loi, comme ne cesse de le laisser entendre le gouvernement, sa réponse a été tout à fait consternante. Voici ce qu’il a dit :

Encore une fois, comme le gouvernement l’a précisé, ce qu’il cherche à faire dans le cadre de l’initiative Emplois d’été Canada, c’est de veiller à ce que le financement de base versé par le gouvernement du Canada ne serve pas à financer des activités contraires au point de vue du gouvernement et [qui] vont à l’encontre des politiques et des lois canadiennes.

« […] contraires au point de vue du gouvernement et [qui] vont à l’encontre des politiques et des lois canadiennes. » Chers collègues, cette déclaration est très éloquente. Le gouvernement ne pourrait pas être plus clair. Les organismes qui n’appuient pas le programme personnel de Justin Trudeau doivent donc s’abstenir de présenter une demande. En outre, selon cette déclaration, les organismes qui appuient des activités qui vont à l’encontre des politiques et des lois canadiennes ne devraient pas bénéficier de l’appui du gouvernement.

En gros, cela signifie que les groupes de défense d’intérêts particuliers qui cherchent à faire modifier une loi ne seraient pas admissibles au programme, alors qu’il s’agit de leur mandat fondamental. Est-ce que les groupes qui préconisaient un changement à la loi avant l’adoption du projet de loi C-16 auraient vu leur demande de financement rejetée? Bien sûr que non.

Honorables sénateurs, le retrait du site web d’une sénatrice — qui est son principal mode de communication — est une décision qu’il ne faudrait jamais prendre à la légère. À une époque où des mots comme « sectarisme » et « haine » peuvent être prononcés sur un coup de tête — hélas, même dans cette enceinte —, il se peut fort bien qu’une motion de censure semblable soit proposée à l’avenir si quelqu’un a le malheur d’exprimer une « opinion répréhensible ». Pour cette raison, il est très clair, selon moi, que nous devrions laisser le processus indépendant suivre son cours.

Lorsque des sénateurs ont demandé à la sénatrice Pate pourquoi nous devrions étudier une motion comme celle-ci alors que le conseiller sénatorial en éthique a déjà été saisi de l’affaire, elle a répondu qu’il s’agissait d’une mesure temporaire et que, entre-temps, il nous incombait toujours de représenter les intérêts des minorités. Il ne fait aucun doute qu’il nous incombe de représenter les intérêts des minorités.

Cependant, quel que soit l’angle sous lequel on l’examine, cette motion est punitive. Il s’agit d’une sanction sur un sujet pour lequel nous n’avons pas reçu de décision. À ce stade-ci, nous avons simplement posé la question au conseiller sénatorial en éthique. Nous ne pouvons pas émettre d’hypothèses sur ce qu’il va répondre.

(1650)

Je suis étonné et même troublé de voir que le sénateur Sinclair, un éminent juge, appuie cette motion, une motion qui propose une sanction avant même qu’une décision ait été rendue. Je ne crois pas que le sénateur Sinclair accepterait une telle chose dans son tribunal, et il devrait en aller de même ici. Les commentaires en question ont déjà été publiés et ils ont déjà été rapportés dans les médias nationaux; ils relèvent déjà du domaine public. La forte opposition à cette motion a retenu encore plus l’attention des médias. Je trouve qu’il est complètement absurde de laisser entendre que, à ce stade-ci, alors que nous attendons la décision du conseiller sénatorial en éthique, le maintien du site web causerait un préjudice indu aux peuples autochtones du Canada. La motion prouve qu’il ne suffit plus d’exprimer son mécontentement ou sa désapprobation à l’égard de quelque chose car, même au beau milieu d’un processus qui a fait ses preuves, il y a des sénateurs qui renchérissent pour s’assurer que personne n’oublie à quel point ils sont offensés. C’est à cela que se résume cette motion, honorables sénateurs.

Chers collègues, comme vous le savez tous, je trouve troublant que nous en discutions avant même que ce distingué mandataire du Parlement ait rendu sa décision. Je considère que c’est tout à fait inapproprié. Si le conseiller conclut effectivement que la sénatrice Beyak a enfreint le code d’éthique, c’est à ce moment-là que le Sénat devra suivre la procédure établie et, au bout du compte, déterminer les sanctions qui s’imposent. Pour cette raison, je crois qu’il est indigne de nous demander de chambarder le processus en cours et je recommande fortement que la motion soit retirée ou rejetée.

L’honorable Kim Pate : L’honorable sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Plett : Absolument.

Son Honneur le Président : Vous allez manquer de temps, sénateur Plett. Il vous reste 30 secondes. Demandez-vous cinq minutes de plus pour répondre aux questions?

Le sénateur Plett : Je dirai tout d’abord que je ne m’autoriserai que ce que j’autorise aux autres, à savoir cinq minutes.

La sénatrice Pate : Merci, sénateur Plett. Je vous ai écouté très attentivement et je voudrais, avant de poser ma question, apporter quelques corrections.

Premièrement, la motion vise uniquement à supprimer le site web en attendant la décision du conseiller en l’éthique.

Deuxièmement, même si vous l’aviez cherché, vous n’auriez pas pu trouver mon site web pour le fermer, puisque je n’en ai pas.

Je vous sais gré de m’autoriser à faire ces précisions.

Le sénateur Smith a indiqué que le caucus conservateur du Sénat avait retiré la sénatrice Beyak des comités du Sénat parce que les opinions personnelles de celle-ci « ne reflètent pas les positions du caucus conservateur du Sénat ».

Lorsqu’on lui a posé la question, M. Scheer a fait la déclaration suivante :

Le leader des conservateurs au Sénat Larry Smith et moi-même avons retiré du caucus conservateur national la sénatrice Lynn Beyak à cause des actes qu’elle a posés.

Le racisme ne sera pas toléré au caucus conservateur ou au Parti conservateur du Canada.

Je vous pose donc la question suivante, sénateur Plett : pensez-vous que les mesures prises par votre propre parti ont respecté la procédure établie, ou bien qu’elles ont été punitives et qu’elles ont violé la liberté d’expression de la sénatrice Beyak?

Le sénateur Plett : Je vais être très franc. Comme vous l’avez dit à juste titre, les commentaires étaient à l’effet que le sénateur Smith avait retiré la sénatrice Beyak des comités et que le chef de l’opposition à l’autre endroit avait déclaré que c’était le sénateur Smith et lui qui l’avaient fait. À aucun moment ils n’ont ajouté « et le sénateur Don Plett et le sénateur Untel ».

Nous avons au caucus un chef qui a été élu pour diriger. J’ai beau être d’accord en ce qui concerne le processus démocratique, nous élisons des chefs pour faire ce qu’ils estiment juste de faire. À aucun moment le sénateur Smith n’a déclaré que nous devrions renvoyer la sénatrice Beyak du Sénat ou retirer son site web. Selon vous, il a affirmé que nous devrions la renvoyer du caucus, ou M. Scheer a dit « du caucus », et le sénateur Smith, « des comités ». Ces gens ont été élus pour diriger et ce qu’ils décident de faire n’est pas, à mon avis, toujours démocratique.

La sénatrice Pate : Cela ne répond pas vraiment à la question. Vous n’estimez donc pas que cette décision a suivi la procédure établie. Vous la considérez comme punitive et croyez également qu’elle porte atteinte au droit à la liberté d’expression de la sénatrice Beyak. Si j’ai bien compris, c’est ce qui se dégage de votre réponse.

Le sénateur Plett : Je ne comprends pas trop où dans ma réponse vous avez entendu cela, car ce n’est pas ce que j’ai dit. J’ai dit que je ne crois pas que les caucus soient nécessairement démocratiques, que nous élisons des chefs et des leaders pour prendre des décisions au nom de leur caucus. C’est ce qu’ont fait le chef et le leader. Ils avaient le droit de le faire. Ils n’ont pas retiré la sénatrice de cette Chambre. Que j’approuve ou non ces décisions n’a aucune pertinence. Je crois que, dans tout caucus, y compris le nôtre, il faut accepter le bon comme le mauvais.

L’honorable Murray Sinclair : Je ne souhaite pas poser une question, Votre Honneur. Je souhaite soulever une question de privilège personnel.

Le sénateur Plett m’accuse d’appuyer la motion et d’avoir pris la parole pour l’appuyer, alors qu’il n’en est rien. J’ai pris la parole au Sénat au sujet de la question de privilège de la sénatrice Beyak. Je suis convaincu que, s’il veut vérifier la transcription, il retirera ses paroles et les clarifiera si on lui en donne l’occasion. Je n’ai pas appuyé la motion. Je n’ai pas pris la parole pour l’appuyer. Je suis plutôt intervenu en réponse à la question de privilège qui a été soulevée.

Si le sénateur ne retire pas ses paroles, je vais soulever ma propre question de privilège.

Le sénateur Plett : Votre Honneur, c’est avec plaisir que je vérifierai le compte rendu ainsi que mes notes. Si je me suis effectivement trompé, je corrigerai mes paroles erronées à la prochaine occasion qui se présentera.

Motion d’amendement

L’honorable André Pratte : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour présenter un amendement.

Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :

Que la motion ne soit pas maintenant adoptée, mais qu’elle soit modifiée :

1.par substitution des mots « Qu’il soit donné instruction à l’administration du Sénat de retirer des serveurs du Sénat le site Web de l’honorable sénatrice Beyak et de cesser tout soutien pour quelconque site Web de cette dernière » par le mot « Que, »;

2.par adjonction, immédiatement après le mot « question » de ce qui suit :

« , instruction soit donnée à l’administration du Sénat de :

a)retirer les 103 lettres de soutien datées du 8 mars 2017 au 4 octobre 2017 du site Web de la sénatrice Beyak (lynnbeyak.sencanada.ca) et de tout autre site Web hébergé par un serveur du Sénat;

b)ne pas fournir de soutien, y compris le soutien technique et le remboursement des dépenses, pour tout site Web de la sénatrice qui contient une ou plusieurs de ces lettres d’appui ou qui contient un lien vers une ou plusieurs de ces lettres ».

Son Honneur le Président : L’honorable sénateur Pratte, avec l’appui de l’honorable sénatrice Coyle, propose que la motion ne soit pas maintenant adoptée, mais qu’elle soit modifiée par substitution des mots… Puis-je me dispenser de lire la motion?

Des voix : Oui.

Le sénateur Pratte : Je commencerai par revenir sur un fait indéniable. Certains des commentaires contenus dans les lettres publiées sur le site web de la sénatrice sont racistes, et donc dégoûtants et répréhensibles. La publication de tels commentaires, endossés par un parlementaire du Canada, pourrait nourrir l’hostilité et les préjugés que certains Canadiens entretiennent envers les peuples autochtones, qui souffrent de ce type de sentiments depuis des dizaines d’années.

Le 12 janvier dernier, j’ai écrit au conseiller en éthique pour lui demander de lancer une enquête. Je pensais à ce moment-là, comme je le crois aujourd’hui, que les lettres insultantes devaient être retirées du site web de la sénatrice Beyak, qui, en les publiant, avait enfreint le code d’éthique du Sénat. En ce qui concerne le dernier aspect soulevé, les voies régulières exigent que nous attendions la fin de l’enquête du conseiller en éthique avant d’en arriver à une conclusion.

Cependant, entre-temps, du contenu exceptionnellement désobligeant est accessible depuis des mois sur le site web d’une sénatrice. La situation est intolérable pour les Canadiens, qu’ils soient autochtones ou non autochtones. Elle est également inacceptable pour les sénateurs, qui sont automatiquement associés à ces commentaires honteux.

Est-il possible d’agir tout en respectant le processus établi? Non seulement nous pouvons faire quelque chose, mais nous le devons.

(1700)

Nous pourrions agir dans le sens général de la motion de la sénatrice Pate parce qu’elle ne traite pas de la question faisant l’objet de l’enquête du conseiller sénatorial en éthique, qui a pour but de déterminer si, oui ou non, une violation du code d’éthique a été commise. La motion de la sénatrice Pate concerne plutôt la suppression du contenu raciste visant un groupe particulier. La suppression de ce contenu n’empiète pas sur le rôle du conseiller sénatorial en éthique. Elle ne remplace pas les sanctions futures et ne présume pas qu’une violation du code d’éthique a eu lieu.

Cela dit, la motion va trop loin par rapport à l’objectif, aussi louable soit-il. Elle a l’apparence d’une sanction, que ce soit l’intention de la motionnaire ou non, ce qui sème un certain doute quant au respect de l’équité procédurale.

La motion ordonne à l’Administration du Sénat non seulement d’enlever les lettres choquantes, mais aussi de faire disparaître la totalité du site web de la sénatrice Beyak. Agir ainsi irait au-delà de la mesure nécessaire et empiéterait sur la liberté d’expression de la sénatrice.

La capacité du Parlement d’accomplir son devoir dépend largement de notre liberté d’expression. Nous la tenons souvent pour acquise, mais c’est un privilège très précieux de pouvoir prendre la parole dans cette enceinte pour livrer le fond de notre pensée. C’est une liberté que nous devrions chérir et protéger pour nous et pour les autres.

Il est facile de défendre le droit à la liberté d’expression de ceux avec lesquels on est d’accord. C’est plus difficile à faire cependant lorsqu’une personne exprime une opinion qui nous paraît odieuse. Néanmoins, nous devrions défendre le droit d’un sénateur d’exprimer son opinion tant qu’elle ne tombe pas dans les propos haineux ou le racisme.

C’est là que mon point de vue et celui de la sénatrice Beyak et de ceux qui la défendent divergent. Par exemple, il y a quelques semaines, le sénateur Housakos a déclaré: « Il n’y a pas de limite à la liberté de parole .» En tout respect, j’aimerais rappeler aux honorables sénateurs ce que la Cour suprême a répété dans de nombreuses décisions, à savoir que, à l’instar de tous les autres droits fondamentaux, la liberté d’expression n’est pas absolue. Permettez-moi de citer brièvement la plus récente décision de la Cour suprême sur le sujet. Il s’agit de sa décision dans l’affaire Whatcott, en 2013 :

Il nous incombe donc de trouver un juste équilibre entre, d’une part, les valeurs fondamentales sous-jacentes à la liberté d’expression [...] et, d’autre part, d’autres droits garantis par la Charte et valeurs essentielles dans le cadre d’une société libre et démocratique, en l’occurrence dans le cas qui nous occupe, la promotion de l’égalité et du respect de chaque groupe et de la dignité inhérente à tout être humain […].

C’est précisément ce qui est en jeu en ce moment : d’un côté, il y a la liberté de la sénatrice Beyak de diffuser des idées exprimées par ses partisans, dont certaines sont racistes vis-à-vis des peuples autochtones, et, de l’autre côté, il y a le respect et la dignité que l’on doit aux membres des communautés autochtones ciblées par les commentaires dénigrants.

La Cour suprême n’admet la limitation de la liberté d’expression que si les opinions exprimées constituent un discours haineux, lequel est défini au sens strict comme étant des « sentiments violents et extrêmes inspirant la haine ».

À mon avis, la norme qui s’applique à nous devrait être un peu moins rigoureuse, car, en tant qu’institution du Parlement du Canada, nous avons de plus grandes responsabilités que les particuliers canadiens. La question que nous devrions nous poser est la suivante : le Sénat devrait-il tolérer le racisme, directement ou indirectement?

La liberté d’expression est même limitée au Sénat, tout comme dans tous les parlements. Même si nous sommes libres de dire ce que nous pensons, il y a des choses que nous ne pouvons pas dire, comme ce qui est qualifié de « langage non parlementaire ». Le mot « raciste » est un des mots qui sont interdits au Parlement dans la plupart des contextes. On ne peut pas traiter un collègue de raciste ou de sectaire. Ne trouvez-vous pas que ce soit paradoxal que nous ne puissions pas utiliser le mot « raciste » entre nous, mais que l’un de nous puisse diffuser largement des insultes racistes?

Une autre erreur dans la thèse de la sénatrice Beyak est qu’elle suppose que le fait qu’un commentaire soit raciste — ou pas — n’est qu’une simple question d’opinion. Ainsi, on ne peut pas censurer une idée en partant du principe qu’elle est raciste, car ce n’est qu’une évaluation purement subjective. Je ne suis pas du tout d'accord. Si une personne affirme que tous les Autochtones sont génétiquement inférieurs aux Canadiens blancs, il s’agit objectivement d’un commentaire raciste, un point, c’est tout.

Je vais vous donner un exemple tiré de la correspondance de la sénatrice Beyak, et je cite :

Lorsque je vois une personne autochtone, je peux lui parler. Les Autochtones peuvent fonctionner dans notre monde moderne, jusqu’à un certain point.

Honorables sénateurs, il s’agit d’un commentaire raciste. Ce n’est pas une question d’opinion; c’est un fait. Cela dit, je suis tout à fait d’accord avec le sénateur Housakos lorsqu’il dit ce qui suit :

Je crois que, au bout du compte, le bon côté va l’emporter. Toutefois, le bon côté ne l’emporte jamais lorsqu’on muselle les personnes qui ont une opinion qu’on n’aime pas.

La sénatrice Beyak estime que les pensionnats indiens ont accompli bien des bonnes choses. Beaucoup de gens sont vivement en désaccord avec cela et profondément blessés par de tels commentaires. Je peux comprendre comment ils se sentent, et je sympathise avec eux. Toutefois, je reconnais qu’elle a le droit d’exprimer son opinion. Même si je suis totalement en désaccord avec elle, je vais défendre son droit de s’exprimer. Je me méfie de tout ce qui ressemble un tant soit peu à de la censure, d’où la raison de mon amendement. Toutefois, je n’aime pas non plus le racisme, et c’est pourquoi je félicite la sénatrice Pate d’avoir pris des mesures à l’égard des commentaires racistes affichés sur le site web de la sénatrice Beyak.

La sénatrice Beyak est d’avis que ses opinions controversées sont celles de la majorité silencieuse — les gens qui « contribuent à la prospérité de notre pays en travaillant, en construisant et en vendant des choses, en prenant soin de leurs parents et de leurs enfants. »

Et qu’en est-il du grand nombre de Canadiens, autochtones et non autochtones, qui s’opposent fortement à ses opinions? Qui sont-ils? Ne travaillent-ils pas, ne construisent-ils pas ou ne vendent-ils pas des choses, ou est-ce que ce sont des parasites, comme le déclarent un grand nombre de ses partisans?

Dans la question de privilège qu’elle a soulevée, la sénatrice Beyak a indiqué que « les sites web des sénateurs servent à […] faire suite aux préoccupations et aux points de vue de tous les Canadiens. » Si c’est vrai, pourquoi alors publie-t-elle sur son site web uniquement les lettres des quelques dizaines de personnes qui partagent son avis? Pourquoi censurer la voix des Canadiens qui lui ont dit qu’ils étaient en désaccord avec elle?

Le 1er septembre, la sénatrice écrivait qu’il ne faut pas se crier des noms. C’est une noble pensée. Alors, pourquoi a-t-elle publié des lettres racistes sur son site web?

Évidemment, la sénatrice Beyak nie le caractère raciste de certains de ces commentaires. Elle prétend plutôt qu’ils représentent les réflexions profondes, l’expérience, les recherches et la sagesse de la population.

Honorables sénateurs, si vous avez lu ces courriels, vous savez qu’ils ne représentent pas les réflexions profondes et la sagesse de la majorité des Canadiens. En choisissant d’appuyer ces propos désobligeants et offensants, la sénatrice Beyak s'exprime au nom d'une infime minorité de gens.

[Français]

Honorables sénateurs, j’ai examiné attentivement le site Internet de la sénatrice. Hors de la rubrique « Letters of Support », il ne s’y trouve pas de contenu haineux ou raciste. Il y a bien des communiqués de presse, des articles de journaux et des discours, dont plusieurs tentent de minimiser les effets néfastes des pensionnats autochtones. Ces contenus sont évidemment regrettables et blessants, mais ne sont pas racistes.

Je précise que, pour ma part, je souscris à la description de la Commission de vérité et réconciliation des pensionnats autochtones, selon laquelle il s’agissait d’un élément essentiel de la politique de génocide culturel menée par le gouvernement du Canada. Les conditions de vie dans ces pensionnats étaient déplorables. Mon point de vue sur la question est donc à des années-lumière de celui de la sénatrice Beyak. Par conséquent, lorsque j’entends ou que je lis ce qu’elle en dit, je reste stupéfait.

Néanmoins, cela ne justifie pas le besoin de censurer ses propos. Comme la Cour suprême l’a rappelé, les législateurs ne devraient interdire que les discours extrêmes les plus vils. Cela devrait être le cas également lorsqu’il s’agit de limiter le droit de parole d’un parlementaire.

[Traduction]

Plutôt que de carrément désactiver le site au complet, je crois que l’Administration du Sénat devrait seulement retirer les lettres d’appui. Pourquoi retirer toutes les lettres au lieu de seulement quelques-unes? Il est vrai que ce ne sont pas tous les courriels qui contiennent des propos complètement racistes, mais je dirais que près du tiers d’entre eux sont très problématiques. Plus important encore, c’est le recueil de toutes ces lettres, qui présentent toutes le même côté de la médaille, qui produit une fausse impression quant au fait que les Autochtones seraient des fainéants vivant aux crochets du gouvernement, des geignards qui exagèrent les effets négatifs des pensionnats indiens pour justifier les compensations qu’ils ont reçues.

(1710)

Comme je l’ai dit, outre les lettres, d’autres commentaires troublants ont été publiés sur le site web de la sénatrice Beyak, mais, même si, à mon avis, ces commentaires sont répréhensibles et odieux, je ne crois pas qu’ils soient de nature raciste.

À titre de membre de cette assemblée, la sénatrice a l’obligation et le droit de participer au débat public. En conséquence, elle doit être autorisée à utiliser les outils modernes prévus, y compris un site web personnel hébergé sur un serveur du Sénat, pourvu que les points de vue qui y sont exprimés n’aient pas un caractère raciste.

Je sais que, si l’amendement que je propose est adopté, certains le jugeront insuffisant. D’autres diront que nous allons trop loin. Comme toujours, lorsqu’il est question de droits fondamentaux, ce qui importe, c’est de trouver un équilibre.

Dans son allocution, la sénatrice Pate a déclaré que les conséquences de nos actes en tant que sénateurs ont une très grande portée. La sénatrice a raison. C’est pourquoi nous ne pouvons pas tolérer que l’une des nôtres approuve des commentaires racistes, parce que, si nous le tolérons, nous approuvons ainsi les préjugés. C’est aussi pourquoi nous devons faire preuve de retenue dans les rares cas où nous envisageons de restreindre le discours d’un parlementaire, parce que, en ne faisant pas preuve de retenue, nous encourageons l’intolérance.

Voici ce qu’a dit la Commission de vérité et réconciliation :

Sans vérité, aucune justice ne peut être rendue, la guérison ne peut commencer et il ne peut y avoir de véritable réconciliation entre les Canadiens autochtones et non autochtones.

Par conséquent, devons-nous étouffer les perceptions erronées des pensionnats indiens, comme celles exprimées sur le site de la sénatrice Beyak, de crainte qu’elles n'empêchent les Canadiens de connaître la vérité?

Je participe à des débats sur la scène publique depuis 40 ans, et je suis convaincu qu’on ne fait pas éclater la vérité en étouffant les mensonges, mais plutôt en les dénonçant. La liberté d’expression, c’est avoir confiance en la vérité et la raison. C’est l’un des fondements du système parlementaire. Par conséquent, il faut faire preuve de prudence lorsqu’on envisage de restreindre la liberté d’expression d’un parlementaire. Même si l’on croit que cela servirait à protéger et à renforcer la vérité, cela pourrait, en fait, avoir l’effet contraire.

Honorables sénateurs, notre institution est restée trop longtemps silencieuse pendant que des commentaires racistes étaient publiés sur un site web hébergé sur un serveur du Sénat. Grâce à l’initiative de la sénatrice Pate, nous avons maintenant la possibilité de commencer à soigner les blessures causées par la grave erreur commise par la sénatrice Beyak. L’amendement dont nous sommes saisis nous permet de le faire tout en préservant un droit d’une importance capitale pour la démocratie canadienne et pour le Parlement. Merci.

Son Honneur le Président : Sénatrice Bovey, il ne nous reste que deux minutes avant la sonnerie d’appel pour le vote. Souhaitez-vous intervenir dans le débat sur l’amendement?

L’honorable Patricia Bovey : Je souhaite intervenir dans le débat.

Honorables sénateurs, je prends la parole afin d’appuyer la motion de la sénatrice Pate, telle qu’elle a été amendée par le sénateur Pratte. Je le fais avec le cœur lourd et parce que j’ai toujours cherché à faire de mon mieux pour améliorer les choses. Hélas, il arrive que la réalité nous en empêche. Aujourd’hui, j’espère sincèrement que nous pourrons ouvrir la voie à un avenir meilleur pour le Canada après un sombre chapitre de notre histoire.

Combien de fois a-t-on entendu dire qu’il faut tourner la page, peu importe la situation? Cette expression très facile à dire est cependant terriblement difficile à entendre lorsqu’elle fait allusion à ce que nous avons vécu, qu’il s’agisse de la perte d’un être cher ou encore d’un vol, d’un crime ou de propos diffamatoires dont nous avons été victimes. Cette page ne se tourne jamais complètement, et les sentiments qui s’y rattachent peuvent être ravivés par toutes sortes de situations. Ces sentiments nous accompagnent toujours, enfouis plus ou moins profondément en nous. Nous essayons néanmoins de combler les vides qui nous habitent. Je suis sûre que tous ceux qui ont souffert de la perte d’un être cher sont passés par là.

On peut en dire autant au sujet des pertes sociales, des vols et des préjudices dont nous pouvons être victimes. Évidemment, nous sommes tous libres d’exprimer notre point de vue, nos idées et nos craintes par rapport à cette page de notre histoire. Cependant, dans le contexte de la société civile, nous devons tourner la page tous ensemble et, pour ce faire, nous ne pouvons nous appuyer que sur les faits.

Son Honneur le Président : Pardonnez-moi, sénatrice Bovey, mais il est 17 h 15, et conformément à l’article 9-6 du Règlement, la sonnerie doit retentir 15 minutes avant le vote sur la motion no 92. Après le vote, nous reviendrons au débat sur l’amendement, et vous pourrez terminer.

Convoquez les sénateurs.

(1730)

Le Sénat

Adoption de la motion tendant à exhorter le gouvernement à prendre les mesures qui s’imposent pour désamorcer les tensions et rétablir la paix et la stabilité dans la mer de Chine méridionale

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Ngo, appuyée par l’honorable sénateur Cowan,

Que le Sénat observe avec inquiétude le comportement de plus en plus hostile de la République populaire de Chine dans la mer de Chine méridionale et exhorte par conséquent le gouvernement du Canada à encourager toutes les parties en cause, et en particulier la République populaire de Chine, à :

a)reconnaître et maintenir la liberté de navigation et de survol garantie par le droit international coutumier et la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer;

b)cesser toutes les activités qui pourraient compliquer ou aggraver les différends, notamment la construction d’îles artificielles, l’extension du territoire terrestre en mer et l’accroissement de la militarisation de la région;

c)respecter tous les efforts multilatéraux antérieurs visant à régler les différends et s’engager à mettre en œuvre un code de conduite contraignant dans la mer de Chine méridionale;

d)s’engager à trouver une solution pacifique et diplomatique aux différends qui est conforme aux dispositions de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et respecter les ententes de règlement conclues par la voie de l’arbitrage international;

e)renforcer les efforts visant à réduire considérablement les impacts environnementaux des différends sur le fragile écosystème de la mer de Chine méridionale;

Que, de plus, le Sénat exhorte le gouvernement du Canada à appuyer ses partenaires et ses alliés régionaux et à prendre les mesures additionnelles qui s’imposent pour désamorcer les tensions et rétablir la paix et la stabilité dans la région;

Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le vote porte sur la motion suivante : L’honorable sénateur Ngo propose, avec l’appui de l’honorable sénateur Cowan :

Que le Sénat observe avec inquiétude le comportement de plus en plus hostile de la République populaire de Chine dans la mer de Chine méridionale...

Puis-je me dispenser de lire la motion, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

La motion, mise aux voix, est adoptée :

POUR
Les honorables sénateurs

Andreychuk McPhedran
Batters Mitchell
Beyak Mockler
Boisvenu Munson
Brazeau Neufeld
Carignan Pate
Dagenais Patterson
Doyle Plett
Duffy Poirier
Eaton Raine
Frum Richards
Greene Seidman
Griffin Sinclair
Harder Smith
Housakos Stewart Olsen
MacDonald Tannas
Manning Tkachuk
Marshall Unger
Martin Verner
Massicotte Wetston
McInnis White—43
McIntyre

CONTRE
Les honorables sénateurs

Bellemare Dyck
Black (Alberta) Eggleton
Black (Ontario) Gagné
Boniface Galvez
Bovey Joyal
Campbell Lovelace Nicholas
Christmas Mégie
Cools Mercer
Cordy Moncion
Cormier Omidvar
Coyle Petitclerc
Dawson Pratte
Day Saint-Germain
Deacon Woo—29
Dupuis

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs

Bernard Maltais
Gold McCallum
Lankin Ringuette—6

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, la motion est donc adoptée.

Nous poursuivons le débat sur la motion d’amendement à la motion no 302…

L’honorable Anne C. Cools : Votre Honneur, on permet normalement aux personnes qui s’abstiennent d’expliquer leur choix. La sénatrice Ringuette espérait avoir l’occasion d’expliquer à la Chambre les raisons de son abstention. C’est la procédure habituelle.

Son Honneur le Président : Les sénateurs savent qu’un sénateur qui s’abstient de voter a le droit d’exposer les raisons de son abstention au Sénat.

Je ne m’étais pas rendu compte que c’est ce que vous faisiez, sénatrice Ringuette. Je vous présente mes excuses. Allez-y, je vous en prie.

[Français]

L’honorable Pierrette Ringuette : Monsieur le Président, mon abstention découle d’un manquement à la procédure dans cette Chambre. Il y a maintenant deux ans que nous sommes saisis de cette motion, et nous n’avons eu ni le courage ni la dignité de la transmettre à un comité afin d’obtenir un second regard et l’opinion d’experts à l’extérieur du Sénat. C’est donc la raison pour laquelle je me suis abstenue.

[Traduction]

Le Sénat

Motion donnant instruction à l’Administration du Sénat de retirer des serveurs du Sénat le site web de l’honorable sénatrice Lynn Beyak et de cesser tout soutien pour tout autre site web connexe jusqu’à ce que le processus d’enquête mené par le conseiller sénatorial en éthique soit conclu—Motion d’amendement—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Pate, appuyée par l’honorable sénateur Marwah,

Qu’il soit donné instruction à l’administration du Sénat de retirer des serveurs du Sénat le site Web de l’honorable sénatrice Beyak et de cesser tout soutien pour quelconque site Web de cette dernière jusqu’à ce que le processus mené par le conseiller sénatorial en éthique à la suite d’une demande d’enquête présentée en vertu du Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs portant sur le contenu du site Web de la sénatrice Beyak et sur ses obligations au titre du Code soit conclu, que ce soit par suite du dépôt de la lettre de détermination préliminaire ou du rapport d’enquête du conseiller sénatorial en éthique, de la présentation d’un rapport du Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs ou d’une décision du Sénat sur la question.

Et sur la motion d’amendement de l’honorable sénateur Pratte, appuyée par l’honorable sénatrice Coyle,

Que la motion ne soit pas maintenant adoptée, mais qu’elle soit modifiée :

1.par substitution des mots « Qu’il soit donné instruction à l’administration du Sénat de retirer des serveurs du Sénat le site Web de l’honorable sénatrice Beyak et de cesser tout soutien pour quelconque site Web de cette dernière » par le mot « Que, »;

2.par adjonction, immédiatement après le mot « question » de ce qui suit :

« , instruction soit donnée à l’administration du Sénat de :

a)retirer les 103 lettres de soutien datées du 8 mars 2017 au 4 octobre 2017 du site Web de la sénatrice Beyak (lynnbeyak.sencanada.ca) et de tout autre site Web hébergé par un serveur du Sénat;

b)ne pas fournir de soutien, y compris le soutien technique et le remboursement des dépenses, pour tout site Web de la sénatrice qui contient une ou plusieurs de ces lettres d’appui ou qui contient un lien vers une ou plusieurs de ces lettres ».

L’honorable Patricia Bovey : Honorables sénateurs, je parlais des situations pour lesquelles il faut tourner la page. J’ai dit que, dans la société civile, nous devons tourner la page tous ensemble et que, pour ce faire, nous ne pouvons nous appuyer que sur les faits. Maintenant, je dis que nous devons nous réconcilier. Nous ne pouvons pas admettre quoi que ce soit qui aggrave ou dissimule la douleur engendrée par la vie brisée des survivants des pensionnats et de leur famille.

(1740)

Chers collègues, le Canada est un pays riche. Il n’est pas seulement riche parce que nous possédons des ressources qui nous donnent des bases économiques solides, ni parce que nous avons accès à de la nourriture et les moyens de contribuer grandement à la sécurité alimentaire dans le monde, mais surtout en raison de ce qu’il est : un pays comptant des citoyens qui viennent de partout dans le monde. Le Canada est riche grâce aux immigrants et aux réfugiés qu’il accueille, aux Premières Nations, aux Inuits et aux Métis, ses populations autochtones, à leur patrimoine, leurs traditions et leur histoire, et aux nombreux moments de rassemblement et de triomphe palpitants et exaltants qui sont survenus dans notre histoire collective.

Cependant, il y a aussi eu des actes réellement déplorables et des moments très pénibles. Les pensionnats indiens représentent un chapitre extrêmement sombre de l’histoire canadienne, un chapitre qui a nui au bien-être de plusieurs générations de membres des Premières Nations et de citoyens inuits partout au pays et qui les a privées de possibilités. Ce qui fait la force de notre pays, ce n’est pas la façon dont nous gérons les bons moments, mais la façon dont nous abordons et gérons les moments les plus difficiles, qu’il s’agisse de problèmes personnels ou de problèmes nous touchant tous.

Nous devons nous rappeler que les traités signés avec les Premières Nations ne sont pas des traités des Premières Nations. Ils sont des traités communs, conclus pour nous tous et par nous tous. Ce sont des promesses faites par nous et faites à notre égard. Au Sénat, nous représentons et servons tous les Canadiens. Nous devons poursuivre le dialogue. Nous devons créer des voies de réconciliation.

Au cours des dernières décennies, j’ai observé une amélioration de la compréhension de ces traités, et j’ai vu les gens prendre conscience du fait qu’ils relèvent de notre responsabilité à nous tous. Tim Schouten, un artiste manitobain non autochtone, souligne clairement cette responsabilité collective dans son projet sur les terres cédées en vertu d’un traité. Son objectif consiste à attirer l’attention sur les enjeux de la responsabilité à long terme et des relations complexes sur le plan culturel qui découlent de ces ententes officielles.

S’inspirant de l’histoire et de sa sensibilité à l’égard des Prairies, le paysage est son principal point d’entrée. Schouten a visité chaque site de traité, a fait des recherches sur les traités eux-mêmes et sur la portée qu’ils ont eue. Il a interviewé des aînés des Premières Nations et des historiens autochtones et non autochtones. Il a érigé ses œuvres pour souligner notre histoire commune. Il s’agit de trouvailles archéologiques et philosophiques qui servent de fondement au dialogue en vue d’un avenir où l’on honore l’intention des traités initiaux. Exécutée en cire sur parchemin, l’œuvre dépeint le terrain cahoteux, les longs horizons et la lumière si caractéristique des Prairies. L’œuvre intègre des textes, des articles tirés des traités. Celle que j’ai dans mon bureau me rappelle nos responsabilités collectives.

J’aimerais vous rapporter une histoire qui m’est arrivée pendant l’une des périodes les plus troubles de ma vie professionnelle — un après-midi au début des années 1980. L’artiste Art Thompson, de la nation nuu-chah-nulth et des Salish du littoral, installait son exposition au musée des beaux-arts du Grand Victoria. Tout en travaillant, il m’a raconté une histoire qui me hante encore aujourd’hui après des décennies : ce qu’il a vécu au pensionnat de Port Alberni. Lorsqu’il m’a demandé s’il devait en parler, je lui ai dit que oui et que je le soutiendrais par tous les moyens possibles. Il voulait le faire pour sa fille. Malheureusement, Art est mort d’un cancer avant que la Commission de vérité et réconciliation ne débute ses travaux. J’aurais tellement aimé qu’il puisse témoigner de cette histoire. Il l’a fait toutefois par son art, qu’il nous a laissé en héritage.

Cette année, à Ottawa, le musée de l’Université Carleton a présenté une grande exposition sur Robert Houle, lauréat du Prix des arts visuels du gouverneur général. L’exposition montrait sa série de pastels quotidiens de l’année 2008 sur son séjour au pensionnat de Sandy Bay. Ce sont des œuvres viscérales, directes, authentiques et émouvantes que je vous recommande de voir. Elles ont été achetées il y a plusieurs années par l’école d’art de l’Université du Manitoba grâce au prix de la dotation York-Wilson. Cette même université abrite les archives de la Commission de vérité et réconciliation. Ces œuvres montrent qu’on ne se remet pas de cette expérience. En 1999-2000, le Musée des beaux-arts de Winnipeg a fait une collecte de fonds pour acheter le grand tableau de Houle intitulé Sandy Bay, qui est, à mon avis, l’une des œuvres les plus importantes de l’art canadien.

Quand Robert a parlé de son œuvre au personnel à ce moment-là, il nous a parlé du pensionnat, du fait que ses parents avaient été obligés de l’y envoyer, que ses sœurs étaient entrées par une porte et ses frères et lui par l’autre, et que frères et sœurs n’avaient pas pu se voir par la suite. Il n’y a pas de portes dans son tableau, et les fenêtres sont voilées. Robert a parlé avec bienveillance d’un prêtre et il continue de le faire, mais cela n’efface en rien les horreurs qu’il a vécues. Son calme et son impassibilité m’avaient frappée à l’époque; la réalité et les répercussions de son expérience au pensionnat restent enfouies en lui. Tout comme Art Thompson, il lui a fallu du temps pour arriver à les dévoiler et en parler.

Robert Houle a pu exprimer son vécu grâce à ces dessins percutants presque 10 ans plus tard. Il m’a dit récemment que le fait d’avoir révélé ce qui lui était arrivé lui avait permis de se libérer de sa profonde colère. Il est parvenu à un rapprochement, mais la cicatrice restera. Il n’oubliera jamais, et sa famille non plus.

Le printemps dernier, lorsque le mat totémique à la mémoire des enfants envoyés dans les pensionnats indiens a été érigé à l’Université de la Colombie-Britannique, j’ai regardé la cérémonie à la télévision en me disant que j’aurais voulu être là. Participer à l’érection d’un mat totémique est une source de force comme nulle autre. Plusieurs choses précises m’ont frappée — le mat totémique lui-même, bien entendu, et l’école qui se trouve tout en haut avec les clous en cuivre qui représentent les victimes. Ce sont toutefois les propos d’une jeune femme des Premières Nations que je n’oublierai jamais. Elle a dit que l’érection de ce mat totémique, de même que les conclusions et les recommandations de la Commission de vérité et réconciliation, étaient des étapes qui avaient permis à la plupart des membres des Premières Nations d’accepter la réalité douloureuse et néfaste des pensionnats dans leur passé et que la guérison pouvait à présent commencer. Elle a toutefois dit qu’elle plaignait les gens qui ne font pas partie des Premières Nations, car ils sont nombreux à ne pas avoir accepté la réalité de leur passé et ils ne pourront amorcer leur guérison tant que cela ne sera pas fait.

Elle a raison. Nous ne pouvons pas guérir à moins d’accepter une perte, un vol, un tort, que nous en soyons la victime ou l’auteur.

Chers collègues, je nous exhorte du fond du cœur à contribuer, en tant que représentants de tous les Canadiens, à bâtir ces ponts extrêmement importants au-dessus des crevasses et des divisions dans notre société. Il y a eu des périodes sombres dans notre histoire, au cours desquelles il y a eu beaucoup plus de divisions que de convergences. Je ne voudrais pas que nous vivions une autre période de division, alors que nous avons l’occasion de bâtir quelque chose. Les divisions dans la société ne constituent pas une richesse. La richesse de notre pays est d’accueillir, de comprendre, de respecter les traités et les personnes, et de reconnaître et de réparer nos torts.

Les pensionnats, sous le couvert de l’éducation, ont entrepris d’éradiquer des cultures entières. Ils étaient la cause profonde de la crise sociétale et seule une véritable éducation avec un réel échange de savoir et de points de vue nous sortira de celle-ci et nous permettra de grandir ensemble. Un véritable apprentissage est un apprentissage tout au long d’une vie. Espérons que nous approfondirons tous notre compréhension de ces réalités afin que nous puissions tous commencer à guérir, comme je l’ai dit à Vancouver.

Comme le sénateur Sinclair l’a dit à la communauté muséale canadienne il y a un an, il a fallu des années pour se retrouver dans cette situation et il faudra des années pour s’en sortir.

Si nous travaillons aujourd’hui à une vraie réconciliation, en utilisant tous les moyens de façon appropriée — les écoles, nos sites web, nos déclarations publiques et nos gestes —, la guérison en vue d’un avenir solide commencera maintenant. Cependant, si nous prolongeons la division, atténuons les méfaits en n’utilisant pas les vrais mots, la guérison ne pourra pas commencer et ne commencera pas. En tant que sénateurs, je crois que nous avons un devoir de prendre les devants, et de le faire maintenant. Nous avons un devoir de vérité à remplir pour que tous les points de vue soient fondés sur des faits, et non sur des illusions. J’ai demandé aux musées, aux galeries, aux services d’archives et aux bibliothèques d’assumer leur responsabilité d’enseigner, de montrer, et de constituer une plateforme pour dialoguer et débattre sur les questions sociétales, les préoccupations et les questions épineuses, notamment le passé sombre des pensionnats. Je continuerai à le demander.

Honorables sénateurs, je me tourne de nouveau vers les artistes canadiens, car leur perspicacité, leur vision et leur talent leur permettent de déceler et d’exprimer les crises sociétales bien avant le reste de la société. L’œuvre intitulée La leçon, de l’artiste albertaine des Premières Nations Joane Cardinal-Schubert, montre comment les pensionnats indiens ont tenté d’éliminer les langues des Premières Nations. Créée dans les années 1990 avant l’établissement de la Commission de vérité et réconciliation, cette œuvre était déjà un appel à la compréhension et à la réparation, appel à la fois audacieux, visionnaire et essentiel. On peut aussi penser à l’œuvre Sisters, produite en 1985 par Faye Heavyshield, une artiste des Premières Nations. Cette œuvre, qui montre un cercle de chaussures dorées pointant vers l’extérieur, exprime une autre injustice sociale. Combien d’années ont dû s’écouler, encore, avant l’établissement de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées?

L’art fait œuvre de réconciliation. Ce mois-ci, Lorilee Wastasecoot, membre de la nation de Peguis et rattachée à l’Université de Victoria, a escorté des tableaux peints par les enfants du pensionnat indien McKay jusqu’au Congrès sur la réconciliation qui se tenait à Thompson. C’est un premier pas vers le retour de ces œuvres aux survivants des pensionnats et à leur famille.

Chers collègues, nous avons le devoir de voir, d’entendre, d’écouter et d’apprendre. Je nous souhaite à tous — à moi, à nous tous, aux Canadiens et au Canada — de continuer d’apprendre chaque jour. J’invite tous les sénateurs à montrer la voie. Nous devons tous porter attention à nos sites web, à nos discours et à nos gestes afin de créer, intentionnellement, des espaces où tous pourront comprendre les faits, les réalités et les terribles conséquences des pensionnats indiens au Canada, leur coût humain, les suicides qu’ils ont causés, les vies qu’ils ont détruites et les cultures qu’ils ont tenté de voler. Rien, dans nos sites web et dans nos gestes, ne doit tirer le Sénat et les sénateurs vers le bas. Nous devons éviter de propager des fausses nouvelles, des faussetés ou des conclusions sans fondement. Nous devons, à titre de sénateurs, respecter personnellement et collectivement les obligations que nous avons envers tous les Canadiens.

J’appuie la motion de la sénatrice Pate dans sa forme amendée.

(1750)

Je crois sincèrement que des documents offensants ou erronés ou des commentaires discriminatoires ne devraient jamais être affichés sous la bannière du Sénat aux frais des contribuables.

Je ne crains pas que l’on porte atteinte à la liberté d’expression. Je suis d’accord avec la sénatrice McCallum pour dire que nous devons encourager la discussion pour faire du Sénat une meilleure institution, où l’on favorise l’honnêteté, le respect et la réconciliation, tout en veillant à ce que les ressources publiques ne servent pas à perpétuer des commentaires blessants. Peu importe où je vais, c’est ce que me disent les Canadiens, qu’ils soient autochtones ou non. De nombreuses personnes expriment ce sentiment avec colère. Nous devons contribuer fièrement à la véritable richesse de notre pays. Je crains que, dans le cas contraire, nous ne favorisions plutôt une division irréconciliable, qui ne fera que perpétuer pendant encore plusieurs générations la douleur qui découle de milliers de vies brisées. Il n’y aura pas de quoi être fier. Cette situation ne fera que diminuer, voire détruire, la richesse du pays.

Chers collègues, nous sommes à un moment de notre histoire où nous pouvons faire face aux torts du passé et traiter nos semblables avec tout le respect et toute la vérité qui leur sont dus. Nous devons passer sans tarder à la « réconcili-action ».

(Sur la motion de la sénatrice Dyck, le débat est ajourné.)

La proposition intitulée « Second examen objectif »

Interpellation—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénatrice Wallin, attirant l’attention du Sénat sur la proposition du sénateur Harder, intitulée « Second examen objectif »,  qui passe en revue le rendement du Sénat depuis la nomination des sénateurs indépendants et qui recommande la création d’un nouveau comité des travaux du Sénat.

L’honorable Nicole Eaton : Honorables sénateurs, j’aimerais dire quelques mots sur l’interpellation de la sénatrice Wallin concernant la proposition du sénateur Harder, qui s’intitule « Second examen objectif ». Le débat sur cette question a été ajourné au nom de la sénatrice Cools, mais celle-ci a consenti à me laisser prendre la parole aujourd’hui, à condition que le débat soit de nouveau ajourné à son nom.

Son Honneur le Président : Est-ce d’accord, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

La sénatrice Eaton : Honorables sénateurs, je ne suis ni constitutionnaliste ni spécialiste de la procédure. Je n’ai jamais été membre du Comité sur la modernisation, qui a consacré beaucoup de temps à ce sujet. Je suis une simple sénatrice, qui siège au Sénat depuis neuf ans et qui a été nommée par le premier ministre Harper. Ma nomination au Sénat ne s’est pas faite selon la nouvelle méthode axée sur le mérite, que nous a soigneusement décrite le sénateur Harder et qui lui permet de faire la distinction entre les sénateurs qui ont été nommés au cours de la présente législature et ceux qui siègent au Sénat depuis un certain temps.

J’estime que mes collègues conservateurs et les sénateurs libéraux indépendants ont aussi certains mérites, mais je n’insisterai pas là-dessus.

Le sénateur Harder a présenté la proposition intitulée « Second examen objectif » parce qu’il estime que le processus législatif n’est pas assez rapide au Sénat. Il rend surtout l’opposition responsable de cette lenteur. Il recommande que le Sénat s’inspire un peu du monde des affaires pour traiter les questions législatives, alors que d’autres sénateurs qui viennent d’être nommés estiment que les choses iraient plus rondement si on renonçait carrément au concept de l’opposition. La réforme limitée du sénateur Harder pourrait bien s’inscrire dans la tradition parlementaire de Westminster, tandis que celle que proposent les autres va à l’encontre des principes fondamentaux de cette tradition.

Honorables sénateurs, j’ai beaucoup d’estime pour le sénateur Harder. Il arrive souvent que je sois en désaccord avec lui, mais j’estime qu’il est consciencieux et qu’il cherche à faire pour le mieux dans les circonstances actuelles. Une chose lui échappe, toutefois. L’adoption des projets de loi n’est pas censée se faire rapidement au Sénat. Voilà justement le problème.

Lorsque j’ai été nommée au Sénat, le gouvernement conservateur n’avait pas la majorité dans cette enceinte, et pourtant, il réussissait à faire adopter ses lois. Les sénateurs qui composaient la majorité à l’époque, l’opposition libérale, ne reculaient devant rien. Les sénateurs Cowan, Tardif, Furey et Fraser, pour n’en nommer que quelques-uns, étaient des parlementaires remarquables. Ils connaissaient bien leurs dossiers et savaient comment utiliser le Règlement à leur avantage. Ils n’ont certainement pas facilité la tâche au gouvernement, mais nous, les conservateurs, avons compris leur rôle, leurs droits et leurs privilèges en tant qu’opposition officielle. Nous savions, en tant que caucus du gouvernement, que nous devions être disciplinés pour veiller à ce que les lois du gouvernement soient adoptées. Comme les temps ont changé!

Nous avons maintenant le sénateur Harder qui se plaint de l’opposition au sénateur Gold, dans son discours du 13 février, laissant entendre qu’on n’aurait peut-être pas besoin d’opposition du tout. C’est cousu de fil blanc. En fait, ils reprochent à l’opposition un problème qui a été créé par le premier ministre Trudeau. Je ne peux pas comprendre qu’un caucus de l’opposition, composé d’une trentaine de sénateurs sur 105, puisse être tenu responsable de l’échec du gouvernement à s’organiser pour faire adopter ses projets de loi au Sénat.

Pendant la majorité des 150 dernières années, il y a eu un leader du gouvernement au Sénat qui dirigeait un caucus. Le gouvernement actuel s’est éloigné de cette tradition, pour quelque raison que ce soit, et a formé une équipe de trois personnes pour représenter le gouvernement au Sénat.

Gary Levy, le rédacteur de longue date de la Revue parlementaire canadienne, qui est maintenant chercheur universitaire à l’Université Carleton, a comparu devant le Comité sur la modernisation il y a un an et a décrit cette structure comme étant très étrange et non viable.

Comment en est-on arrivé à un tournant majeur dans le système de nomination et dans la structure du Sénat? Par une déclaration unilatérale du premier ministre, ce qui peut expliquer pourquoi cela n’a pas très bien fonctionné.

Permettez-moi de citer le témoignage livré le 14 décembre 2016 au Comité sur la modernisation par le professeur Andrew Heard, de l’Université Simon Fraser :

[…] je pense qu’il s’agit là d’un exemple déplorable à ne pas reproduire en matière de politique gouvernementale. Mes collègues qui se penchent sur le processus de politique publique diront que la première chose à faire est toujours de consulter les intervenants.

La proposition a été élaborée sans véritable consultation, même auprès des membres du caucus du chef. Un chèque en blanc est laissé à la disposition de l’ensemble du Sénat, qui doit essayer de démêler les conséquences. Je pense que c’est très problématique.

Je sympathise avec le sénateur Harder, mais je ne crois pas que l’opposition devrait porter le blâme pour un gâchis qui a été créé de toutes pièces par le premier ministre.

Je veux maintenant parler de la suggestion du sénateur Gold, à savoir qu’il n’existe, à la base, aucune bonne raison d’avoir une opposition officielle au Sénat.

Si le gouvernement doit être représenté au Sénat — et je crois que la plupart des experts acceptent cette prémisse —, il s’ensuit qu’une opposition est également nécessaire. Il y a une raison pour laquelle une opposition officielle est une caractéristique fondamentale du système de Westminster, qui a été développé au fil des siècles et qui est utilisé par des démocraties partout dans le monde.

Plus tôt cette année, lord Norton, qui est possiblement le plus grand expert vivant sur la démocratie suivant le modèle de Westminster, a publié ceci dans son blogue :

La Chambre [des lords] a deux principales fonctions : elle effectue des examens législatifs et exige des comptes du gouvernement.

L’année dernière, il a affirmé au Comité sénatorial sur la modernisation que l’opposition assure un « examen structuré »:

Il y a toujours un membre de l’opposition de premier rang qui pose des questions et veille à ce que les projets de loi soient examinés soigneusement.

Nous savons que le premier ministre et le Cabinet jouissent de pouvoirs extraordinaires. Le gouvernement a accès à énormément de ressources et d’expertise pour réaliser son programme. Les projets de loi dont le Sénat est saisi sont extrêmement complexes.

Le sénateur Joyal, qui, à mon avis, en sait assez long sur le Sénat, a abondamment parlé au Comité sur la modernisation du pouvoir du gouvernement et de la nécessité d’une capacité d’opposition compensatrice. À mon avis, la possibilité que cette fonction d’opposition essentielle puisse être assumée par 102 indépendants relève, dans le meilleur des cas, de la fantaisie. La notion d’opposition officielle est étroitement liée à la question des caucus partisans au Sénat.

Si on se base sur les deux dernières années au Sénat, il est clair que nous avons perdu quelque chose de précieux avec la baisse du nombre de membres des caucus partisans. Les caucus de parti imposent une discipline aux membres. Ils offrent un soutien en matière d’analyse des politiques et établissent les conditions d’une approche cohérente de l’organisation du programme législatif au Sénat.

(1800)

L’appartenance à un caucus politique représente une forme importante de reddition de comptes. Si vous vous comportez mal ou que vous ne faites pas votre travail, vous laissez tomber toute l’équipe. Vous devez rendre des comptes à votre whip et à votre chef.

Son Honneur le Président : Excusez-moi, madame la sénatrice. Comme il est 18 heures, je dois vous interrompre, à moins que nous acceptions de ne pas tenir compte de l’heure. Est-ce d’accord, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

La sénatrice Eaton : Que s’est-il passé au Sénat depuis qu’on a décidé d’abandonner les caucus partisans, à part le fait que les sénateurs indépendants votent avec le gouvernement sur presque tous les grands enjeux, soit dans 90 p. 100 des cas? Nous sommes passés d’un échange d’idées et de débats ordonnés et civils, selon une dynamique mettant en cause le gouvernement et l’opposition, à une véritable mêlée générale.

Récemment, alors que le Sénat semblait s’être entendu pour renvoyer un projet de loi à un comité à la suite de discours de la part du Groupe des sénateurs indépendants et des sénateurs conservateurs, un sénateur indépendant s’est levé soudainement pour ajourner le débat. Les sénateurs vont et viennent à leur guise pendant les réunions des comités et n’ont de comptes à rendre à personne.

À la fin de l’année dernière, les membres conservateurs du Comité des finances nationales auraient pu amender le deuxième projet de loi d’exécution du budget. Pourquoi? Parce qu’il y avait beaucoup de chaises vides de l’autre côté de la table. En fin de compte, nous n’avons pas amendé le projet de loi, évitant ainsi de plonger le gouvernement dans l’embarras. Ce n’est là qu’un exemple des risques associés à l’orientation que le premier ministre a décidé de donner au Sénat.

Quand je suis arrivée au Sénat en 2009, j’étais un peu dépassée par les événements. Les règles et les pratiques prêtaient à confusion. Au fil du temps, je me suis rendu compte que le mode de fonctionnement du Sénat avait été façonné pendant de nombreuses décennies pour des raisons pertinentes.

Est-il possible d’améliorer les choses? Bien sûr que oui.

Plusieurs des changements qui ont été adoptés récemment pour favoriser une plus grande égalité entre les sénateurs et pour rendre le Sénat plus accessible au public et plus transparent représentent des mesures positives. Toutefois, cela ne veut pas dire qu’il est sage de se débarrasser de l’architecture fondamentale du Sénat.

Le Sénat est une institution qui a servi le Canada pendant deux guerres mondiales, la Grande Dépression et moult situations difficiles. La route était parsemée d’embûches; pensons notamment au scandale des dépenses des sénateurs, au début de la présente décennie, qui a mené Justin Trudeau, alors chef du troisième parti, à vouloir se distancier du Sénat en expulsant tous les sénateurs du caucus libéral. Cependant, ce qui avait causé ce scandale, c’étaient les dépenses des sénateurs, pas la partisanerie. En fait, la partisanerie a plutôt amené une plus grande part de responsabilité, ce qui a mené à des conséquences pour tout un gouvernement.

Comme l’a mentionné M. Levy au Comité sur la modernisation en mars 2017 :

L’idée voulant que les caucus politiques soient en quelque sorte la source de tous les maux ne constitue pas un fondement valable pour réformer nos institutions.

Je suis tout à fait d’accord avec lui. Les arguments soutenant la réforme du Sénat sont fondés sur une fausse prémisse selon laquelle il ne fonctionne pas. Ce n’est pas vrai. Le rôle du gouvernement est de faire des propositions et le nôtre, c’est de s’y opposer au moyen de toutes les procédures et de toutes les ressources à notre disposition. C’est un système fondé sur des siècles de tradition parlementaire. Il ne faut pas oublier que la raison d’être même du Parlement est d’offrir un moyen de faire valoir son opposition. Cela peut parfois être frustrant et aiguiser notre patience, mais, au bout du compte, cela fonctionne.

Merci.

(Sur la motion de la sénatrice Cools, le débat est ajourné.)

Pêches et océans

Retrait du préavis de motion tendant à autoriser le comité à siéger en même temps que le Sénat

À l’appel des motions, article no 321, par l’honorable Fabian Manning :

Que le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans soit autorisé à se réunir le mardi 24 avril 2018, à 17 heures, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l’application de l’article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

L’honorable Fabian Manning : Honorables sénateurs, conformément à l’article 5-10(2) du Règlement, je demande que la motion no 321 soit retirée.

(Le préavis de motion est retiré.)

Les pères fondateurs du Canada

Le général Wolfe et le roi George III—Interpellation—Fin du débat

L’honorable Anne C. Cools, ayant donné préavis le 1er mars 2018 :

Qu’elle attirera l’attention du Sénat sur les grands bâtisseurs de la nation canadienne et sa loi fondatrice, l’Acte de l’Amérique du Nord britannique, 1867, ainsi que sur le cadre conceptuel exhaustif qu’établit son article 91, ainsi libellé : « Il sera loisible à la Reine de faire des lois pour la paix, l’ordre et le bon gouvernement du Canada »; de même que sur la conquête de Québec par le général Wolfe, en 1759, et sur la proclamation royale du 7 octobre 1763, par laquelle le roi George III de Grande-Bretagne a conféré aux gouverneurs des colonies qui deviendraient plus tard l’Ontario et le Québec le pouvoir de convoquer des assemblées générales sous la forme et selon les modalités en usage dans ces colonies sous le régime britannique.

— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet de mon interpellation, l’interpellation no 37, qui vise à attirer l’attention du Sénat sur les distingués bâtisseurs et bâtisseuses de la nation qui, en 1867, ont donné naissance à la nouvelle confédération souveraine nommé le Canada et en ont rédigé la Constitution, l’Acte de l’Amérique du Nord britannique, 1867. Ce soir, je parlerai de la grandeur et de la réussite de cette loi du Parlement britannique à Westminster, une grandeur et une réussite qui ont été bien démontrées par sa longévité et sa continuité dans la sage gouvernance de notre noble et vaste pays, le Canada. Je vais retracer les origines de l’article 91 de cet acte, article intitulé « Pouvoirs du parlement », qui dit ceci :

Il sera loisible à la Reine, de l’avis et du consentement du Sénat et de la Chambre des Communes, de faire des lois pour la paix, l’ordre et le bon gouvernement du Canada [...]

Chers collègues, je vous invite à découvrir le chemin parcouru par le Canada au fil des siècles qui a fait de lui un pays fort et libre. Je vous invite à examiner les textes constitutionnels du Canada, les grands hommes qui les ont façonnés, et les nombreux autres qui se sont évertués à bâtir le Canada, d’est en ouest, d’un océan à l’autre.

Mon objectif est d’explorer l’esprit et l’œuvre des nombreuses personnes formidables qui ont entrepris de faire du Canada un pays juste et prospère. Je vais entamer mon voyage dans le temps après la bataille des plaines d’Abraham de 1759 et la conquête britannique de Québec. Guy Carleton, un officier britannique anglo-irlandais très compétent, a combattu lors de cette bataille avant de servir dans la guerre de l’Indépendance américaine de 1775-1783. Je signale que Carleton a aussi été gouverneur en chef de Québec.

Nous rencontrons sir Guy Carleton, général britannique nommé lord Dorchester en 1786, lors de sa célèbre rencontre du 6 mai 1783 avec le général George Washington des États-Unis. Le point en litige entre les deux généraux, c’était que Washington souhaitait récupérer ses biens personnels. Les biens personnels en question étaient les esclaves noirs de Washington, qui se trouvaient à ce moment-là sous la protection du général britannique Guy Carleton, qui les voyaient et les traitaient comme des hommes libres.

Je souligne que Carleton était responsable d’assurer la sécurité du passage des loyalistes de l’Empire-Uni et des esclaves africains libérés qui fuyaient les États-Unis vers les provinces nord-américaines toujours britanniques, particulièrement le Québec et la Nouvelle-Écosse.

Dans le livre Liberty’s Exiles: American Loyalists in the Revolutionary World publié en 2011 par Alfred Knopf, maison d’édition new-yorkaise, Maya Jasanoff, l’auteure, rapporte l’échange troublant, mais instructif, qui s’est ensuivi entre ces deux généraux puissants, Carleton et Washington, au sujet des esclaves noirs de Washington. À la page 89, Jasanoff a écrit ceci :

Les commandants avaient des questions pressantes à aborder, notamment les actes de violence commis régulièrement par des brigands partisans dans la campagne, l’échange de prisonniers de guerre et l’échéancier pour l’évacuation. Toutefois, Washington a entamé la conférence en faisant la morale à Carleton au sujet de ce qui était, à son avis, la question la plus urgente de toutes, à savoir le retrait des biens humains de New York. Carleton lui a calmement expliqué qu’une flotte en direction de la Nouvelle-Écosse avait déjà pris à son bord des loyalistes noirs enregistrés. « Déjà à bord! », de s’exclamer Washington, surpris. (Il aurait pu être encore plus surpris de savoir que l’un des Noirs qui se trouvaient à bord de la flotte, Harry Washington, lui avait déjà appartenu.) Carleton a répondu qu’il ne pouvait se conformer à toute disposition du traité « incompatible avec des engagements pris précédemment relativement à l’honneur national, qui doivent être tenus avec les gens de toutes les couleurs ».

Mme Jasanoff poursuit ainsi à la page 90 :

[…] Il a exigé que Carleton lui dise exactement quelles procédures avaient été mises en place pour éviter de telles erreurs judiciaires à l’avenir. Cependant, Carleton a pu réfuter point par point, au moyen d’accusations équivalentes, les accusations de son homologue, répondant à l’indignation par la supériorité morale. Carleton, persifleur, a relevé qu’il était curieux que cette nouvelle étonne Washington, puisque tout avait été organisé de façon très ouverte. Tous les navires à destination de la Nouvelle-Écosse avaient fait l’objet d’une inspection, et les seuls différends avaient eu « trait aux nègres ayant été déclarés libres avant mon arrivée. N’ayant aucunement le droit de les priver de cette liberté […] un registre exact fut tenu de tout ce qui les concernait. » De toute façon, conclut-il, « [c]es nègres n’eurent-ils pas obtenu la permission de monter à bord qu’ils eussent , malgré tous les moyens mis en œuvre pour les en empêcher, trouvé le moyen de quitter cet endroit, de sorte que l’ancien propriétaire ne fût plus en mesure de les retrouver, perdant ainsi, bien entendu, toute possibilité d’être indemnisé. » Bref, il a agi conformément à l’esprit et à la lettre du droit britannique. « Les nègres en question […] étant libres à mon arrivée à New York, je n’avais par conséquent aucunement le droit […] de les empêcher de se rendre dans quelque partie du monde qui leur plut. »

Perspicace, Mme Jasanoff souligne ce qui suit, à la page 91 :

La défense raisonnée des loyalistes noirs par Carleton témoigne de la clarté de ses convictions et fait ressortir la différence entre les attitudes de certains Américains et Britanniques relativement à l’esclavage […] Carleton lui-même n’était pas abolitionniste en tant que tel. Il n’avait pas entrepris explicitement de libérer les esclaves. Ses gestes témoignent en partie de son sens intime de l’honneur. Des promesses avaient été faites, et celles-ci devaient être tenues. Ses gestes témoignent également de son souci d’un concept d’honneur national — et du devoir du gouvernement paternaliste de le défendre —, principe qui gagnera rapidement du terrain auprès des dirigeants de l’Empire britannique de l’après-guerre.

(1810)

Honorables sénateurs, cet échange entre deux célèbres soldats et généraux est formidablement révélateur quant à la différence profonde de mentalité et de perspective entre les dirigeants américains, britanniques et britanno-canadiens. Guy Carleton avait été le principal artisan et architecte de l’Acte de Québec de 1774. Cette loi judicieuse du Parlement britannique de Westminster avait permis aux francophones de l’Amérique du Nord britannique de conserver la langue française, la religion catholique romaine et le Code civil.

Dix-sept ans plus tard, en 1791, le Parlement britannique de Westminster adoptait la Canada Act, 1791, que l’on appelle aussi l’Acte constitutionnel de 1791. Cette loi britannique divisait le territoire conquis à la France en 1759 par les forces britanniques du général James Wolfe et constituait deux nouvelles provinces, le Haut-Canada et le Bas-Canada. Cette division faisait partie des efforts politiques et constitutionnels pour soustraire ces deux provinces canadiennes de l’Amérique du Nord britannique aux conséquences terribles et dangereuses de la guerre d’indépendance américaine, notamment l’appui américain à la Révolution française, les agressions et la belligérance des corsaires américains aux frontières des deux Canada ainsi qu’aux frontières de nos provinces maritimes britanniques, à l’est.

En 1791, les Américains étaient encore mécontents de ne pas avoir obtenu, malgré tous leurs efforts, l’appui et la participation du Canada à la révolte des 13 colonies contre la Grande-Bretagne. Ils étaient également troublés par la propension abolitionniste et antiesclavagiste des Canada et des Britanniques.

Je souligne que William Wyndham Grenville, le parrain de la Canada Act, 1791, avait pris la parole dans la Chambre des lords en 1790. Il avait collaboré avec les grands partisans britanniques de l’abolition de l’esclavage et les connaissait bien, notamment le premier ministre William Pitt le Jeune, James Stephen, Charles James Fox, Thomas Clarkson, Guy Carleton, John Graves Simcoe, Edmund Burke et John Wesley, le fondateur de l’Église méthodiste, ainsi que d’autres personnages, comme le légendaire William Wilberforce, qui a livré pendant 40 ans, à la Chambre des communes britannique, une campagne qui a fini par être fructueuse afin d’abolir le crime abominable qu’était le commerce transatlantique des esclaves africains et l’esclavage dans les Antilles et les Amériques.

Je vais citer John Wesley qui, seulement quelques jours avant sa mort, le 2 mars 1791, a écrit à William Wilberforce, comme on le rapporte dans le livre The Life of Wilberforce, de Samuel Wilberforce, publié en 1868. John Wesley a écrit ceci :

[…] Je ne peux voir comment vous pouvez poursuivre votre glorieuse entreprise en vous opposant à cette exécrable infamie qu’est le scandale de la religion, de l’Angleterre et de la nature humaine. À moins que Dieu ne vous ait créé à cette fin précise, vous allez être épuisé par l’opposition des hommes et des démons. Mais si Dieu est avec vous, qui peut être contre vous […] Oh, ne vous lassez pas de faire le bien. Allez de l’avant, au nom de Dieu et fort de sa puissance, jusqu’à ce que l’esclavagisme américain, le plus vil jamais vu, disparaisse. Que Celui qui vous a guidé depuis la plus tendre enfance continue de vous soutenir dans cette entreprise comme dans toute chose. C’est la prière de votre serviteur affectueux, John Wesley.

Chers collègues, ma mère était une fervente méthodiste. Je suis certaine que les sénateurs savent qui étaient les méthodistes.

Honorables sénateurs, le premier lieutenant-gouverneur du Haut-Canada, le général britannique John Graves Simcoe, le grand abolitionniste, qui avait aussi servi lors de la guerre de l’Indépendance américaine, a aussi été député de la Chambre des communes britannique de 1790 à 1792. C’est là que Simcoe a férocement défendu la cause de l’abolition de l’esclavage. À la page 153 du livre de John Graves Simcoe, Correspondence of Lieut. Governor John Graves Simcoe, publié par la Société, à Toronto, le brigadier-général E. Cruikshank souligne que, au Québec, le 7 mai 1792, dans une lettre adressée à Phineas Bond, on peut lire ceci :

Les principes de la Constitution britannique n’autorisent pas l’esclavage, qui est aussi condamné par l’Église catholique. En tant que lieutenant-gouverneur du Haut-Canada, je ne peux pas adhérer à une loi discriminatoire envers les Autochtones d’Afrique, d’Amérique et d’Europe.

Les paroles de Simcoe sont convaincantes sur ce point moral. Comme je l’ai dit, la Constitution du Canada et ceux qui l’ont rédigée constituent une fantastique histoire mal connue d’intelligence humaine, de travail humain et de courage moral humain. Le Canada que nous aimons a été fondé selon le concept libéral humain appelé « gouvernance constitutionnelle ». C’est l’histoire de la profonde détermination de quelques grands dirigeants judicieux à avoir un gouvernement avec le consentement des personnes gouvernées. Autrement dit, le gouvernement doit être fondé sur des principes constitutionnels solides et, en droit, avec l’accord des citoyens et de leurs représentants dans leur assemblée législative. Je souligne que les Constitutions du Canada ont été rédigées et définies par ces personnes judicieuses, en réponse aux guerres terribles et au carnage sauvage qui ont frappé deux fois nos puissants voisins américains lors de leurs deux grands épisodes d’échec constitutionnel. Le premier fut la Révolution américaine, qui a mené à la formation des nouveaux États-Unis d’Amérique grâce aux instincts et aux efforts républicains dominants. Le deuxième fut la guerre de Sécession entre les États de l’Union, au nord, et les États confédérés, au sud. Il est intéressant de noter que Jefferson Davis, le président de la Confédération sudiste, s’était réfugié dans les Cantons-de-l’Est, au Québec. Plusieurs ont fait de même à cette époque. Je souligne également que le nom « Canada » était utilisé et existait depuis bien avant la Confédération du Canada en 1867.

Honorables sénateurs, avant la fin du XVIIIe siècle, les gens et les dirigeants du Canada britannique avaient déterminé et adopté une tout autre approche et un tout autre parcours en ce qui concerne la gouvernance constitutionnelle et le statut de nation. Cette approche différente a été exprimée et est consignée comme l’unique expression constitutionnelle séculaire « la paix, le bonheur et le bon gouvernement », qui est devenue plus tard « la paix, l’ordre et le bon gouvernement » conformément à l’article 91 de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867, notre loi de la Confédération. Cette expression unique, cohésive, conceptuelle et globale a été au cœur de chacune de nos Constitutions, de la capitulation aux plaines d’Abraham en 1759 jusqu’à aujourd’hui.

Voici la liste des Constitutions du Canada par ordre chronologique : la Proclamation royale de 1763, l’Acte de Québec de 1774, la Canada Act 1791, connue sous le nom d’Acte constitutionnel de 1791, l’Acte d’union de 1840 et, pour couronner le tout, le fameux Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867, dont l’article 91 remplaçait l’expression « paix, bien-être et bon gouvernement » par « paix, ordre et bon gouvernement ».

Chers collègues, cette ancienne expression constitutionnelle « paix, bien-être et bon gouvernement » figure pour la première fois dans le décret promulgué par le roi Guillaume III en 1696 en faveur de la petite île britannique antillaise de Montserrat. Dans son ouvrage de 1880 intitulé Powers of Canadian Parliaments, Samuel James Watson, le bibliothécaire du Parlement de l’Ontario, mentionne à la page 14 cette expression récurrente et déterminante :

L’expression « paix, bien-être et bon gouvernement » figure pour la première fois dans un décret de « la cour convoquée à Kensington en date du 31 décembre 1696 ». Avant de déclarer l’approbation par le roi en conseil de certaines lois adoptées par l’assemblée générale de Sa Majesté dans l’île de Montserrat, le décret stipule : « Attendu que Sa Majesté a le plaisir d’autoriser, par le truchement de la commission royale du 26 octobre 1689, le gouverneur, les conseils et les assemblées des îles antillaises Leeward en Amérique d’élaborer et de proclamer individuellement et collectivement des lois et des ordonnances pour la paix publique, le bien-être et le bon gouvernement des dites îles […] »

Honorables sénateurs, nous devons nous rappeler que l’année 1696 suit d'à peine de sept ans la révolution glorieuse de 1689, au cours de laquelle, au moyen de la première Act of Settlement intitulée « 1689 Bill of Rights », le Parlement britannique met fin à une terrible guerre civile. Ces événements et cette loi forcent le roi Jacques II de la lignée des Stuart à abdiquer. À sa place, le Parlement installe le roi Guillaume III d’Orange sur le trône d’Angleterre. Lui et son épouse, la reine Marie, sont ainsi monarques conjoints de la Grande-Bretagne et de ses colonies. Marie et sa sœur Anne, qui leur ont succédé en 1702 à titre de souveraine de Grande-Bretagne, étaient tous deux les filles de Jacques II d’Angleterre.

Le Parlement britannique avait réglé de nombreux et graves problèmes constitutionnels, y compris la succession au trône, et instauré une nouvelle ère de politiques et de réformes audacieuses prônées par les politiciens appelés Whigs. J’ai entendu cette expression depuis longtemps oubliée lorsque j’étais enfant. Ce groupe de politiciens britanniques, les Whigs, dont beaucoup étaient aristocrates, a constitué un parti politique vraiment nouveau. Ayant exercé leur empire pendant les 150 années suivantes, les Whigs sont devenus le grand Parti libéral britannique.

Son Honneur le Président : Je regrette, sénatrice Cools, mais votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous cinq minutes de plus? Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

La sénatrice Cools : Cette époque a vu de remarquables réformes parlementaires pour en arriver au gouvernement représentatif, au gouvernement responsable et à la monarchie constitutionnelle, les caractéristiques propres à la Constitution britannique. Je terminerai en parlant de la Constitution du Canada, sa naissance, sa création et son existence ininterrompue de 150 ans. Je remercie les sénateurs de leur attention. Je les exhorte tous à respecter la proposition qui veut que l’ambition personnelle ne joue jamais un rôle dans la gouvernance et le gouvernement. Ceux-ci doivent toujours être axés sur la paix, l’ordre et le bon gouvernement du Canada. Je répète l’article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867, comme on appelle maintenant l’Acte de l’Amérique du Nord britannique, 1867. Les pouvoirs du Parlement sont les suivants :

91. Il sera loisible à la Reine, de l’avis et du consentement du Sénat et de la Chambre des Communes, de faire des lois pour la paix, l’ordre et le bon gouvernement du Canada [...]

(1820)

Je remercie les sénateurs de leur attention et j’espère qu’ils pourront me supporter encore quelques minutes, parce que j’ai l’intention de passer à mon prochain discours.

Son Honneur le Président : Sénatrice Cools, avant de procéder à votre prochaine intervention, je dois clore le débat. Si aucun autre sénateur ne souhaite prendre la parole sur cette interpellation, nous allons considérer que le débat est clos.

(Le débat est terminé.)

Guy Carleton—Interpellation—Fin du débat

L’honorable Anne C. Cools, ayant donné préavis le 1er mars 2018 :

Qu’elle attirera l’attention du Sénat sur les grands bâtisseurs de la nation canadienne et sa loi fondatrice, l’Acte de l’Amérique du Nord britannique, 1867, ainsi que sur le cadre conceptuel exhaustif qu’établit son article 91, ainsi libellé : « Il sera loisible à la Reine de faire des lois pour la paix, l’ordre et le bon gouvernement du Canada »; de même que sur le général soldat britannique Guy Carleton, le futur lord Dorchester et architecte de l’Acte de Québec de 1774, qui maintint pour les sujets de langue française du roi George III en Amérique du Nord britannique la religion catholique romaine, la langue française et le Code civil des Français (ou Code Napoléon).

— Honorables sénateurs, j’aimerais maintenant parler de l’interpellation no 38 que j’ai lancée, qui porte sur les Pères de la Confédération et les nombreuses personnes qui ont courageusement entrepris de fonder un pays de type « régime constitutionnel », le Canada, qui serait régi par une Constitution durable et conforme à la primauté du droit, à savoir l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867. J’attire de nouveau l’attention de mes collègues sur la suprématie de l’article 91 de cette loi, qui a été maintes fois éprouvé et invoqué et qui déclare avec majesté, confiance, élégance et assurance :

La Reine est habilitée, sur l’avis et avec le consentement du Sénat et de la Chambre des communes, à légiférer, pour la paix et l’ordre au Canada ainsi que pour son bon gouvernement […]

Chers collègues, je parlerai ce soir des lois constitutives du Canada, dont l’Acte de Québec de 1774, qui garantit aux sujets de langue française du roi George III en Amérique du Nord britannique — au Québec pour être précise — le droit de continuer à pratiquer la religion catholique romaine et à parler la langue française et de conserver le droit français, c’est-à-dire le Code civil, ou Code Napoléon. Contrairement au Canada, les colonies des Antilles britanniques ont obtenu des assemblées législatives et des conseils législatifs très tôt dans leur histoire. En 1989, le pays où je suis née, la Barbade, célébrait les 350 ans de son Parlement, appelé Chambre d’assemblée, qui a vu le jour en 1639. Seul le Parlement de Westminster est plus ancien. Aux termes de la Charte de la Barbade de 1652, la Barbade a obtenu la série de pouvoirs et de droits constitutionnels que résument les deux expressions « pas d’impôt sans représentation » et « contrôle des deniers publics ». Dans l’Amérique continentale, l’absence de ces pouvoirs constitutionnels sera un facteur déterminant dans l’éclatement de la guerre d’indépendance américaine, en 1776. La Charte de la Barbade de 1652 précède d’un siècle la Constitution du Canada et celle des États-Unis. Je vous en lis l’article 3, qui établit qu’il ne peut y avoir d’impôt sans représentation. Le texte de l’article est reproduit dans l’ouvrage The History of Barbados: Comprising a Geographical and Statistical Description of the Island, de sir Robert Schomburgk. Paru une première fois en 1848, ce livre a été réédité en 1971 par Frank Cass à Londres, en Angleterre. On y trouve en fait le texte complet de la Charte de la Barbade de 1652. Ce pays, qu’on surnomme aussi la Petite Angleterre, était considéré comme la plus importante des colonies britanniques, et c’est là que la culture de la canne à sucre a commencé, s’est développée et a pris racine. On pourrait d’ailleurs en dire autant de l’esclavage. Les articles de convention de la Charte de la Barbade de 1652 ont été conclus le 11 janvier 1652 entre les commissaires du très honorable lord Willoughby de Parham et ceux du Commonwealth d’Angleterre. Voici ce que dit l’article 3, qui se trouve à la page 280 de l’ouvrage de Schomburgk :

3. Qu’il ne faudra imposer aucune taxe, aucun droit de douane, aucun prêt, aucun droit d’accise ou aucune redevance aux habitants de l’île sans obtenir leur consentement lors d’une assemblée générale.

Honorables sénateurs, il est remarquable que la Barbade ait été si avancée sur le plan constitutionnel plus de 100 ans avant la bataille des plaines d’Abraham de 1759 à Québec, qui opposait les forces du général britannique James Wolfe et celles du général français Louis-Joseph de Montcalm, et 124 ans avant la Révolution américaine de 1776. De toute évidence, l’évolution sociohistorique unique de la Barbade a été enrichie par sa vaste et longue expérience du constitutionnalisme et des assemblées parlementaires. Cependant, je veux parler de la Constitution du Canada, et plus particulièrement du génie et de la longévité de l’expression « paix, bien-être et bon gouvernement » comme cadre constitutionnel du gouvernement et des structures de gouvernance.

Honorables collègues, de la conquête des plaines d’Abraham et la capitulation en 1759 jusqu’à maintenant, en passant par la signature de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867, les lois de la Confédération ont toujours fourni au Canada et aux Canadiens un unique cadre judicieux, exhaustif et conceptuel régissant la gouvernance au Canada. Ce cadre peut se résumer en une simple expression, soit « paix, bien-être et bon gouvernement ». Ce cadre aux origines libérales sert bien le Canada, et ce, depuis longtemps.

Honorables sénateurs, je vais maintenant citer les documents fondateurs majeurs du Canada, le premier étant la Proclamation royale du 7 octobre 1763, texte découlant de la prérogative royale délivré par le roi George III, de la maison de Hanovre. Par la suite, au cours du siècle suivant, le Parlement britannique aura recours à des lois du Parlement plutôt qu’à des textes découlant de la prérogative royale pour exprimer et promulguer les mesures constitutionnelles du Canada. Le Parlement britannique en fera des lois impériales. Permettez-moi de citer les textes constitutionnels du Canada, à commencer par la Proclamation royale du roi George III de 1763, imprimée à la page 1 de la London Gazette du mardi 4 au samedi 8 octobre 1763. La Proclamation royale ordonne ce qui suit :

Nous avons cru opportun de publier et de déclarer, par Notre présente proclamation, que nous avons par les lettres patentes revêtues de notre grand sceau de la Grande-Bretagne, en vertu desquelles lesdits gouvernements sont constitués, donné le pouvoir et l’autorité aux gouverneurs de nos colonies respectives, d’ordonner et de convoquer, de l’avis et du consentement de notre Conseil dans leurs gouvernements respectifs, dès que l’état et les conditions des colonies le permettront, des assemblées générales de la manière prescrite et suivie dans les colonies et les provinces d’Amérique placées sous notre gouvernement immédiat; que nous avons aussi accordé auxdits gouverneurs le pouvoir de faire, avec le consentement de Nos dits conseils et des représentants du peuple qui devront être convoqués tel que susmentionné, de décréter et de sanctionner des lois, des statuts et des ordonnances pour assurer la paix publique, le bon ordre ainsi que le bon gouvernement desdites colonies […].

Honorables sénateurs, le prochain tournant de notre édification nationale a été la loi constitutionnelle portant le titre abrégé d’Acte de Québec de 1774, dont l’architecte était le général soldat britannique de la Révolution américaine, Guy Carleton, le futur lord Dorchester, qui a servi en Amérique du Nord britannique à quatre reprises et qui a été gouverneur en chef de Québec. Le titre long de cette loi était le suivant : Acte qui règle plus solidement le gouvernement de la province de Québec en Amérique septentrionale. Comme je l’ai soulevé plus tôt, à la fin de la Révolution américaine, Carleton, le brillant général soldat, était responsable du passage et du déplacement en toute sécurité des soldats britanniques qui quittaient l’Amérique du Nord, ainsi que de la sortie sûre des loyalistes et des esclaves africains affranchis qui fuyaient la nouvelle République américaine pour s’établir au Canada britannique. Cette loi britannique, l’Acte de Québec de 1774, représentait une importante percée constitutionnelle pour les sujets anglophones et britanniques de Sa Majesté, mais ce l’était encore plus pour les sujets francophones de Sa Majesté, qui obtenaient de nouveaux droits et libertés. Comme je l’ai déjà dit, l’Acte de Québec de 1774 n’autorisait pas un gouvernement s’appuyant sur une assemblée, ce qui serait accordé plus tard dans l’Acte constitutionnel de 1791, mais un gouvernement dirigé par un gouverneur et un conseil. Jalon politique et constitutionnel, l’Acte de Québec a été imprimé dans un ouvrage de 1930, intitulé Documents of the Canadian Constitution 1759-1915, qui réunit des textes choisis et édités par un grand érudit du Canada, le professeur de l’Université de Toronto William Paul McClure Kennedy. L’article XII de l’Acte de Québec, à la page 135 de l’ouvrage original de M. Kennedy, prévoit ce qui suit :

XII. Comme il pourra aussi être nécessaire d’ordonner plusieurs règlements pour le bonheur futur et bon gouvernement de la province de Québec, dont on ne peut présentement prévoir les cas, et qu’on ne pourrait établir, sans courir les risques de beaucoup de retardement et d’inconvénients, à moins d’en confier l’autorité pendant un certain temps, et sous des limitations convenables, à des personnes qui y résideront: et qu’il est actuellement très désavantageux d’y convoquer une Assemblée: il est à ces causes, établi par la susdite autorité, qu’il sera et pourra être loisible à Sa Majesté, ses héritiers et successeurs, par un ordre signé de leur main, de l’avis du Conseil Privé, d’établir et constituer un Conseil pour les affaires de la province de Québec, composé de telles personnes qui y résideront, dont le nombre n’excédera point vingt-trois membres, et qui ne pourra être moindre de dix-sept, ainsi qu’il plaira à la Majesté, ses héritiers et successeurs, de nommer; et en cas de mort, de démission, ou d’absence de quelques-uns des membres dudit Conseil, de constituer et nommer en la même manière telles et autant d’autres personnes qui seront nécessaires pour en remplir les places vacantes, lequel Conseil ainsi constitué et nommé, où la majorité d’icelui, aura le pouvoir et autorité de faire des Ordonnances pour la Police, le bonheur et le bon gouvernement de ladite province, du consentement du Gouverneur, ou en son absence, du Lieutenant-gouverneur, ou Commandant en Chef.

Honorables sénateurs, la phrase constitutionnelle charnière du Canada a été reprise dans l’acte constitutif suivant, la Canada Act 1791, aussi appelé l’Acte constitutionnel de 1791. Le titre long de cet acte était « Acte abrogeant certaines parties d’une loi votée la quatorzième année du règne de Sa Majesté, intitulée “Acte à l’effet de pourvoir d’une façon plus efficace au gouvernement de la province de Québec dans l’Amérique du Nord” et arrêtant de nouvelles dispositions pour le gouvernement de ladite province. » Cette formidable loi britannique, l’Acte constitutionnel de 1791, constituait un autre pas gigantesque sur le plan constitutionnel. Une conséquence de la Révolution américaine et de la perte de 13 colonies par la Grande-Bretagne, cette loi, avec sa nouvelle géographie politique et sociale, divisait le Québec en deux provinces, c’est-à-dire le Haut-Canada et le Bas-Canada. Dans sa loi, la Grande-Bretagne avait prévu les outils constitutionnels habituels, soit des institutions parlementaires et un gouvernement représentatif des deux nouvelles provinces, ainsi que des populations anglophones et francophones.

(1830)

L’architecte de la loi était le remarquable William Wyndham Grenville, premier ministre britannique whig et descendant d’une vieille famille anglo-normande. Auparavant, Grenville avait été secrétaire d’État à l’Intérieur en 1789 pour le premier ministre William Pitt le Jeune, et son secrétaire d’État des Affaires étrangères en 1791. Appelé à la Chambre des lords en 1790, lord Grenville a été nommé leader du gouvernement à la Chambre des lords, un nouveau poste de ministre à l’époque, d’où le poste de leader du gouvernement au Sénat tire son origine, comme le sénateur Harder le sait.

Chers collègues, l’Acte constitutionnel de 1791 est né de la grande intelligence du secrétaire William Grenville, de son amour pour l’humanité et de son sens aiguisé de la justice et de l’équité. Il s’agissait d’une idée personnelle et d’une initiative de Grenville, rendue nécessaire par la guerre de l’indépendance américaine et la menace d’autres guerres, comme celle de 1793 contre la France, ainsi que l’importante guerre de 1812, où les hostilités des États-Unis contre la Grande-Bretagne étaient souvent dirigées vers les Canada.

Soulignons que le dossier de l’Amérique du Nord britannique a toujours été la priorité absolue du Cabinet de Grenville. Sa loi établissait des institutions parlementaires britanniques représentatives dans les assemblées législatives du Haut-Canada et du Bas-Canada, les deux constituées d’une Chambre basse et d’une Chambre haute. Les institutions et les assemblées représentatives étaient bien connues des sujets anglophones du roi en Nouvelle-France, lesquels étaient des électeurs habilités à voter en raison du fait qu’ils étaient propriétaires d’immeubles. Ce n’était pas le cas des sujets francophones du roi. Les Chambres hautes et les conseils législatifs étaient formés de conseillers nommés par commission pour un mandat à vie, ce qu’on appelle l’inamovibilité viagère, c’est-à-dire pour la durée de la vie du conseiller. Tel que promulgué, l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867 institue le mandat à vie pour les sénateurs à l’article 29 :

Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, les sénateurs sont nommés à vie.

Honorables sénateurs, je souligne que les dispositions concernant la nomination à vie et le mandat à vie des juges et des sénateurs ont été modifiées, en 1960 et en 1965 respectivement, de manière à préciser que le mandat prend fin à l’âge de 75 ans. L’article 29 de la version modifiée de la Loi de 1867 sur l’Amérique du Nord britannique disait ceci au sujet de la durée du mandat des sénateurs :

(1) Sous réserve du paragraphe (2), un sénateur occupe sa place au Sénat sa vie durant, sauf les dispositions de la présente loi.

(2) Un sénateur qui est nommé au Sénat après l’entrée en vigueur du présent paragraphe occupe sa place au Sénat, sous réserve de la présente loi, jusqu’à ce qu’il atteigne l’âge de soixante-quinze ans.

Chers collègues, les dispositions concernant la durée du mandat des sénateurs du Canada ressemblent à celles que proposait l’Américain Alexander Hamilton pour le Sénat des États-Unis. Dans son ouvrage intitulé American Influences on Canadian Government, publié par la compagnie Macmillan en 1929, à Toronto, l’universitaire canadien William Bennett Munroe a écrit ceci, à la page 19 :

Si Alexander Hamilton avait pu en faire à sa tête lors de la Convention de Philadelphie, en 1787, il aurait inscrit dans la Constitution des États-Unis quatre dispositions qui n’ont pas été retenues, à savoir: a) la nomination à vie des sénateurs; b) la nomination des gouverneurs d’État par le gouvernement fédéral; c) le droit du gouvernement fédéral d’invalider des lois promulguées par les États; d) l’attribution au gouvernement fédéral de tous les pouvoirs résiduels.

Voici ce que disait l’ébauche proposée par Hamilton pour ces quatre dispositions :

Art. III, 6. Les sénateurs sont nommés à titre inamovible, ne pouvant être révoqués qu’après avoir été reconnus coupables dans le cadre d’une procédure de destitution […]

Toutes ces dispositions, rejetées à la Convention de Philadelphie malgré l’insistance d’Hamilton, se sont retrouvées dans les Résolutions de Québec, à la demande expresse de sir John A. Macdonald. Si Macdonald mérite d’être considéré comme le père de la Constitution canadienne, Alexander Hamilton semble en être le grand-père dans une certaine mesure.

Le professeur Munroe a aussi écrit ce qui suit aux pages 18 et 19 :

La similitude frappante dans la répartition des pouvoirs au Canada et aux États-Unis n’est pas pure coïncidence. Au contraire, nous avons que les rédacteurs des Résolutions de Québec avaient les délibérations américaines de 1787 sous les yeux et qu’ils ont été dans une grande mesure guidés par elles. Macdonald, par exemple, avait lu en détail les Debates in the Federal Convention of 1787, dont Draft of a Constitution for the United States d’Alexander Hamilton, intégré par Madison à son ouvrage. L’exemplaire personnel de Macdonald de cet ouvrage, annoté par lui dans les marges, existe encore. Bon nombre de ces passages marqués sont les propositions d’Hamilton en faveur d’un gouvernement central fort.

Le professeur Arthur Lower, de l’Université Queen’s, dans son ouvrage de 1958 intitulé Evolving Canadian Federalism, confirme le travail de Munroe. Dans le chapitre qu’il a lui-même écrit, sous le titre « Theories of Canadian Federalism, Yesterday and Today », il dit ceci, à la page 13 :

Voici ce qui a été dit à l’auteur de la présente, il y a de nombreuses années, par le professeur W.B. Munroe, de Queen’s et Harvard, qui s’était retrouvé en possession cet exemplaire personnel: Munroe l’a utilisé et l’a mentionné dans son ouvrage American Influences on Canadian Government[…]

Chers collègues, le professeur Munroe nous informe de ce que John A. Macdonald a dit, à la page 21 :

En proposant l’adoption de ces résolutions à l’Assemblée législative du Canada, par exemple, il a rendu hommage à la Constitution américaine :

Il est bien vu maintenant de s’étendre sur les failles de la Constitution des États-Unis, mais je ne suis pas de ceux qui la considèrent comme un échec […] Nous pouvons maintenant profiter de l’expérience des 78 années d’existence de la Constitution et je crois fermement que nous avons, dans une large mesure, évité dans le système que nous proposons à l’adoption du peuple du Canada, les lacunes dont l’existence a été révélée par le temps et les événements dans la Constitution américaine.

Honorables sénateurs, en terminant, je tiens à souligner encore une fois le génie incontestable de sir John A. Macdonald. Comme M. Munroe l’indique à la page 20 de son livre, en 1864, John A. Macdonald a rédigé 50 des 72 Résolutions de Québec.

Je remercie les sénateurs de leur attention. J’espère qu’ils seront aussi fascinés que moi par ces pans d’histoire et qu’ils partageront un peu de mon enthousiasme et de mon intérêt pour ce sujet.

Chers collègues, il est important de connaître nos origines. Il faut comprendre que, lorsque les Américains ont rédigé leur Déclaration d’indépendance, c’était une œuvre de poésie :

Nous tenons pour évidentes pour elles-mêmes les vérités suivantes : tous les hommes sont créés égaux; ils sont doués par le Créateur de certains droits inaliénables; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur.

La Constitution du Canada n’a pas été guidée par la même poésie. Elle prône la paix, l’ordre et le bon gouvernement, autant d’éléments qui font partie de la réalité canadienne depuis 150 ans.

Merci, honorables sénateurs.

Son Honneur le Président : Si personne d’autre ne désire intervenir, cela mettra un terme au débat.

(Le débat est terminé.)

(À 18 h 38, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)

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