Aller au contenu
Séances précédentes
Séances précédentes
Séances précédentes

Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 42e Législature
Volume 150, Numéro 218

Le lundi 11 juin 2018
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le lundi 11 juin 2018

La séance est ouverte à 18 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.


[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le Sénat

Hommage à un page à l’occasion de son départ

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, cette semaine, nous rendons hommage aux pages du Sénat qui nous quitteront à la fin de la session.

[Français]

Jacqueline Sirois amorcera sa troisième année universitaire à l’Université d’Ottawa dès l’automne. Elle continuera son baccalauréat spécialisé en science politique avec une mineure en droit. Après l’obtention de son diplôme, elle espère poursuivre ses études en common law, un domaine qui la passionne.

Ce fut un privilège pour Jacqueline de représenter la communauté fransaskoise à titre de page du Sénat au cours des deux dernières années. Jacqueline aimerait remercier chacun et chacune d’entre vous d’avoir rendu cette unique et merveilleuse expérience inoubliable.

[Traduction]

Le Guatemala

L’éruption volcanique

L’honorable Rosa Galvez : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet de la récente éruption volcanique au Guatemala.

Le 3 juin dernier, le volcan de Fuego, au Guatemala, est violemment entré en éruption, causant bien des morts et des disparitions ainsi que la destruction d’infrastructures. Bien que ce volcan actif produise fréquemment de petites éruptions chaque année, une éruption d’une telle ampleur n’avait pas été observée depuis des dizaines d’années.

Les immenses nuages de cendres s’élevant jusqu’à 15 000 mètres au-dessus du niveau de la mer et les coulées de lave qui ont détruit des villages à des kilomètres du sommet font de cette éruption la deuxième pour la violence de l’histoire du Guatemala, après l’éruption du même volcan survenue en 1974. Parmi les régions dévastées figurent les provinces d’Escuintla, de Sacatepéquez et de Chimaltenango, et les coulées de lave continuent de se répandre vers l’ouest et le sud-ouest du pays.

En réponse à cette catastrophe, le gouvernement guatémaltèque a décrété l’état d’urgence pour ces provinces. Des organismes comme la Croix-Rouge fournissent de l’aide humanitaire aux victimes. Les conséquences sur les humains sont dévastatrices. Jusqu’à maintenant, 110 personnes ont perdu la vie, 200 autres sont portées disparues, 3 100 résidants ont été évacués de leur maison et 1,7 million de citoyens ont été touchés. Les villages environnants qui ont été frappés le plus durement sont généralement habités par des gens d’origine autochtone.

Le gouvernement a déjà classé de nombreuses zones sinistrées inhabitables, ce qui fait en sorte qu’un grand nombre de citoyens ne pourront plus jamais rentrer chez eux. Cette destruction et ces pertes auraient dû être évitées. Tous les ordres de gouvernement devraient, partout, tenir compte des zones à risque de catastrophes naturelles au moment de la planification et de la construction des infrastructures. En misant davantage sur la prévention, nous aurions pu réduire le nombre de pertes de vies tragiques dont nous avons été témoins la semaine dernière au Guatemala.

Partout sur la planète, nous sommes aux prises avec les mêmes problèmes d’adaptation à notre environnement et aux catastrophes naturelles. Les humains doivent s’adapter et ce problème est le plus criant en matière d’environnement. J’invite tous mes collègues à réfléchir à cette question alors que nos pensées sont avec le peuple du Guatemala, à qui nous offrons nos condoléances.

Merci.

La Journée mondiale d’Al-Qods

L’honorable Linda Frum : Honorable sénateurs, je prends la parole pour attirer votre attention sur un événement grave survenu dans la ville de Toronto pendant la fin de semaine. Il s’agit de la manifestation antisémite annuelle qu’on appelle la Journée mondiale d’Al-Qods. Elle a eu lieu à Queen’s Park et s’est terminée par une marche sur l’avenue University qui a forcé la fermeture de cette dernière.

Depuis 1979, les événements tenus dans le cadre de la Journée mondiale d’Al-Qods sont commandités à l’échelle planétaire par la République islamique d’Iran. À Toronto, l’événement attire les terroristes du coin et les sympathisants du régime iranien qui réclament l’élimination d’Israël et l’assassinat en masse des juifs. Il est fort préoccupant que 500 personnes, y compris des familles avec de jeunes enfants, aient participé à une telle manifestation de haine.

L’idéologie meurtrière véhiculée lors de ce rassemblement ne doit pas être tolérée au Canada et elle ne représente pas les valeurs multiculturelles pacifiques canadiennes. Il n’y a pas de place au Canada pour une démonstration aussi ignoble de haine raciste.

Je remercie le premier ministre désigné, Doug Ford, d’avoir dénoncé avec autant de force la tenue de cette activité et de s’être engagé à ce qu’il ne soit plus possible de tenir des activités manifestement racistes ou antisémites autour de Queen’s Park à l’avenir.

Je veux également remercier les organismes communautaires juifs canadiens, comme le CIJA et B’nai Brith, de leur vigilance et du leadership moral dont ils ont fait preuve sur cette question.

[Français]

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Mme Rachel Bocher, de Mme Naïma Kaioua et de M. Denis Caille. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Cormier.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

Les sites du patrimoine mondial de l’UNESCO

L’honorable Fabian Manning : Honorables sénateurs, c’est avec plaisir que je présente aujourd’hui le chapitre 34 de « Notre histoire ». Le sénateur Woo a tenté d’usurper mes travaux la semaine dernière, mais j’ai fait appel auprès des instances du droit d’auteur et cela n’arrivera plus.

Le Canada compte 18 sites du patrimoine mondial de l’UNESCO et dans ma province, Terre-Neuve-et-Labrador, nous sommes à la fois fiers et ravis d’avoir 4 de ces attractions uniques de renommée mondiale.

Le lieu historique national de L’Anse aux Meadows a été l’un des 12 premiers lieux déclarés site du patrimoine mondial par le groupe inaugural en 1978. À cet endroit se trouvent les vestiges d’un campement viking du XIe siècle, le premier et le seul lieu de présence scandinave et le campement européen le plus ancien connu en Amérique du Nord, hormis le Groenland.

Ensuite, nous avons le magnifique et majestueux parc national du Gros-Morne, désigné en 1987. Avec ses rochers du manteau terrestre et sa croûte océanique profonde exposés au grand jour, le parc montre la dérive des continents. Des fjords d’eau douce à l’intérieur des terres ainsi que des promontoires érodés par les glaciers dans un cadre océanique contribuent à la beauté naturelle de cette région sauvage. Des gens de partout dans le monde parcourent à pied les sentiers du parc du Gros-Morne, font halte à ses sommets et y admirent le coucher du soleil surplombant ce coin de nature spectaculaire.

Puis, en 2013, la Station baleinière basque de Red Bay, au Labrador, a reçu le statut de site du patrimoine mondial de l’UNESCO parce que, entre 1550 et le début du XVIIe siècle, Red Bay était une zone baleinière basque majeure. Le lieu compte trois galions de chasse à la baleine basques, ainsi que quatre petites chalupas, utilisées dans la capture des baleines. La découverte de ces bâtiments fait de Red Bay l’un des sites archéologiques sous-marins les plus précieux des Amériques.

Cependant, pourquoi s’arrêter là alors qu’il reste tant à découvrir? En 2016, la réserve écologique Mistaken Point, située dans le coin sud-est de la péninsule Avalon, a reçu la désignation de l’UNESCO. Mistaken Point renferme la plus ancienne preuve connue de vie précoce multicellulaire sur la planète. On calcule que ses fossiles auraient de 560 millions à 575 millions d’années.

Faut-il se demander pourquoi on appelle ma province, affectueusement et à juste titre, « le gros rocher »? Mistaken Point est le seul endroit du monde où l’on peut vraiment voir un fond marin de 565 millions d’années.

Je sais que certaines choses que je vous ai dites aujourd’hui sortent de l’ordinaire, et c’est bien le cas, car s’il y a une chose à laquelle nous n’aspirons pas à Terre-Neuve, c’est bien d’être ordinaires.

Il faut beaucoup de temps et d’efforts de la part de beaucoup de gens pour obtenir qu’un site soit désigné site du patrimoine mondial par l’UNESCO. Je félicite tous ceux qui ont participé à ce travail et je les félicite de la réussite qu’ils ont obtenue.

Le statut conféré par l’UNESCO indique qu’on a quelque chose d’unique et de spécial à offrir. Eh bien, nous croyons qu’on peut en dire autant pour toute la province de Terre-Neuve-et-Labrador, mais ne me croyez pas sur parole. Venez sur place voir ce qu’il en est. Je vous garantis que vous ne serez pas déçus.

(1810)

Le Mois de la fierté

L’honorable Wanda Elaine Thomas Bernard : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour souligner le Mois de la fierté. Le Mois de la fierté est plus qu’une célébration de la diversité des sexes ou des genres. En effet, c’est l’occasion de songer à l’histoire de la communauté LGBTQ2+, de prendre conscience des obstacles continus auxquels elle fait face et de célébrer sa force et sa résilience.

Le Mois de la fierté est né des émeutes du Stonewall, à New York, en 1969. Ces émeutes ont eu lieu en raison de raids policiers menés au Stonewall Inn, un bar homosexuel de New York. Marsha P. Johnson, une femme trans noire, a mené cette résistance. Au Canada, des manifestations pour les droits des personnes LGBTQ ont eu lieu dans plusieurs villes du pays, surtout après les nombreuses descentes effectuées dans les saunas au cours des années 1980.

Les personnes issues de minorités raciales et les autochtones bispirituels de la communauté LGBTQ, même si elles sont au premier rang des mouvements de défense pour les droits civils, continuent d’être victimes de nombreuses formes d’effacement, d’exclusion et de discrimination directe de la part de la communauté LGBTQ et de la société en général. J’aimerais souligner ce mois-ci la résilience et la force des membres de la communauté LGBTQ2+, qui doivent continuellement affronter des obstacles en raison de facteurs identitaires conflictuels sur les plans de leur sexualité, de leur genre, de leur race et de leurs capacités.

Même s’il y a eu des progrès, les obstacles systémiques demeurent pour la communauté LGBTQ2+ dans certains secteurs, comme ceux de l’éducation et de la santé. Tout d’abord, une grande partie de ces gens craignent de révéler leur orientation sexuelle ou leur identité sexuelle à leur médecin en raison des préjugés et de la discrimination possibles. Cela représente un obstacle à la santé. Ensuite, la réalité de nombreux membres de la communauté LGBTQ2+ n’est pas reflétée dans le programme d’éducation sexuelle offert dans les écoles canadiennes. C’est également un obstacle à la santé et cela perpétue les préjugés concernant les diverses orientations et identités sexuelles.

Honorables collègues, le Mois de la fierté est une excellente occasion de nous joindre à nos collègues, nos familles et nos amis qui sont membres de la communauté LGBTQ2+ pour célébrer leur fierté, leur résilience et leur force.

Joyeux Mois de la fierté!


[Français]

AFFAIRES COURANTES

Exportation et développement Canada

Le Compte du Canada—Dépôt du rapport annuel de 2016-2017

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport annuel sur le Compte du Canada pour l’exercice qui s’est terminé le 31 mars 2017, conformément à la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. 1985, ch. F-11, par. 150(1).

[Traduction]

La bibliothécaire du Parlement

Dépôt du certificat de nomination

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le certificat de nomination de Heather Lank, candidate proposée au poste de bibliothécaire parlementaire.

Projet de loi sur le cadre fédéral relatif à l’état de stress post-traumatique

Présentation du dix-huitième rapport du Comité de la sécurité nationale et de la défense

L’honorable Gwen Boniface, présidente du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, présente le rapport suivant :

Le lundi 11 juin 2018

Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense à l’honneur de présenter son

DIX-HUITIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-211, Loi concernant un cadre fédéral relatif à l’état de stress post-traumatique, a, conformément à l’ordre de renvoi du jeudi 3 mai 2018, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement, mais avec des observations qui sont annexées au présent rapport.

Respectueusement soumis,

La présidente,

GWEN BONIFACE

(Le texte des observations figure aux Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 3641.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Housakos, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

La bibliothécaire du Parlement

Adoption de la motion tendant à renvoyer le certificat de nomination au Comité mixte de la Bibliothèque du Parlement

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat , je propose :

Que le Certificat de nomination de Heather Lank à titre de bibliothécaire parlementaire, déposé au Sénat le 11 juin 2018, soit renvoyé au Comité mixte permanent de la Bibliothèque du Parlement pour étude et rapport;

Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

Affaires étrangères et commerce international

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à siéger en même temps que le Sénat

L’honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international soit autorisé à se réunir, le mercredi 13 juin 2018, à 16 h 15, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l’application de l’article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à reporter la date du dépôt de son rapport final sur des questions liées aux relations étrangères et au commerce international en général

L’honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant l’ordre du Sénat adopté le mercredi 21 juin 2017, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international concernant son étude sur les questions qui pourraient survenir occasionnellement se rapportant aux relations étrangères et au commerce international en général soit reportée du 30 juin 2018 au 30 juin 2019.

Droits de la personne

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à tenir occasionnellement des réunions à huis clos concernant l'étude du projet de loi C-65

L’honorable Wanda Elaine Thomas Bernard : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5a) du Règlement, je donne préavis que, plus tard aujourd’hui, je proposerai :

Que, nonobstant l’article 12-15(2) du Règlement,  le Comité sénatorial permanent des droits de la personne soit habilité à tenir des séances à huis clos, de façon occasionnelle, pour entendre des témoignages et recueillir des informations particulières ou délicates dans le cadre de son étude, autorisée par le Sénat le 7 juin 2018, sur le projet de loi C-65, Loi modifiant le Code canadien du travail (harcèlement et violence), la Loi sur les relations de travail au Parlement et la Loi no 1 d’exécution du budget 2017.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Agriculture et forêts

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à reporter la date du dépôt de son rapport final sur l’impact potentiel des effets du changement climatique sur les secteurs agricole, agroalimentaire et forestier

L’honorable Diane F. Griffin : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant l’ordre de renvoi du Sénat adopté le jeudi 9 mars 2017, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts concernant son étude sur l’impact potentiel des effets du changement climatique sur les secteurs agricole, agroalimentaire et forestier soit reportée du 30 juin 2018 au 21 décembre 2018.

(1820)

Banques et commerce

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à siéger en même temps que le Sénat

L’honorable Douglas Black : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce soit autorisé à se réunir le mercredi 13 juin 2018, à 16 h 15, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l’application de l’article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Affaires sociales, sciences et technologie

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à déposer deux rapports intérimaires sur les questions concernant les affaires sociales, la science et la technologie en général auprès du greffier pendant l’ajournement du Sénat

L’honorable Art Eggleton : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer auprès du greffier du Sénat deux rapports intérimaires sur les questions concernant les affaires sociales, la science et la technologie en général, entre le 18 juin et le 14 septembre 2018, si le Sénat ne siège pas, et que lesdits rapports soient réputés avoir été déposés au Sénat.

Les pouvoirs et les responsabilités du vérificateur général

La Loi sur le vérificateur général de 1977—Préavis d’interpellation

L’honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, je donne préavis que, après-demain :

J’attirerai l’attention du Sénat sur les attributions du vérificateur général du Canada, agent autorisé par la Loi sur le vérificateur général de 1977 à être « le vérificateur des comptes du Canada », dont le poste et le bureau ont été constitués en 1878 par la loi intitulée Acte pour pourvoir à la meilleure audition des comptes publics; et sur la Loi sur le vérificateur général de 1977 et son paragraphe 7(2), qui prévoit que « [d]ans le rapport mentionné au paragraphe (1), le vérificateur général signale tout sujet qui, à son avis, est important et doit être porté à l’attention de la Chambre des communes, notamment les cas où il a constaté que », selon l’alinéa 7(2)d), « des sommes d’argent ont été dépensées sans égard à l’économie ou à l’efficience ». Cette disposition porte sur ce qu’on appelle le pouvoir d’optimisation des ressources, pouvoir qui a amené le vérificateur général à délaisser son rôle traditionnel lié à la comptabilité quantitative pour adopter un rôle plus subjectif et qualitatif d’appréciation des politiques publiques.

Le rapport du comité des comptes publics de la Chambre des communes britannique, rédigé en 1865—Préavis d’interpellation

L’honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, je donne préavis que, après-demain :

J’attirerai l’attention du Sénat sur les attributions du vérificateur général du Canada, agent autorisé par la Loi sur le vérificateur général de 1977 à être « le vérificateur des comptes du Canada », dont le poste et le bureau ont été constitués en 1878 par la loi intitulée Acte pour pourvoir à la meilleure audition des comptes publics; et sur le rapport marquant du comité des comptes publics de la Chambre des communes britannique, rédigé en 1865, dans lequel le secrétaire du Bureau d’audition britannique explique la fonction et la portée de la vérification, de même que son objet, qui est de renseigner les députés de la Chambre des communes au sujet de l’utilisation effective et appropriée des sommes d’argent affectées par leur Chambre aux dépenses et aux finances publiques.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Les affaires étrangères et le commerce international

Les négociations de l’ALENA

L’honorable Larry W. Smith (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Il s’agit d’une question complémentaire que j’ai posée il y a environ un mois au sujet des droits de douane imposés aux industries canadiennes de l’acier et de l’aluminium par l’administration américaine. Des droits de douane de 25 p. 100 sur les importations d’acier et de 10 p. 100 sur les importations d’aluminium ont été annoncés le 31 mai. Ils sont entrés en vigueur le jour suivant. Ces droits de douane ont déjà des répercussions sur l’industrie de l’acier, un secteur qui donne de l’emploi à plus de 23 000 travailleurs canadiens.

Cependant, les représailles tarifaires que le premier ministre et la ministre des Affaires étrangères ont annoncées le jour même doivent s’appliquer dans trois semaines, aux environs du 1er juillet. Le leader du gouvernement pourrait-il nous présenter la stratégie et la justification qui expliquent pourquoi les contre-mesures du Canada en réponse aux tactiques commerciales des États-Unis n’ont pas été mises en place immédiatement?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. Je dirai d’abord qu’il est habituel de donner un préavis avant d’appliquer de tels droits de douane. Le gouvernement du Canada continue d’espérer que sa décision provoquera une réflexion au sud de la frontière qui mènera à l’annulation des droits de douane que l’administration Trump a imposés. Bien évidemment, le gouvernement communique également avec les collectivités qui risquent d’être touchées afin qu’elles et leurs représentants comprennent l’importance des mesures commerciales que le Canada a annoncées dans l’espoir d’encourager le gouvernement des États-Unis à annuler les droits de douane imposés.

Le sénateur Smith : L’Association canadienne des producteurs d’acier a exhorté publiquement le gouvernement du Canada à imposer les droits de douane le plus rapidement possible. Voici ce qu’a dit récemment le président de l’association aux médias :

En ce moment même, des clients du secteur de l’acier modifient leurs commandes ou les suspendent. Les entreprises subissent des contrecoups et des interruptions aujourd’hui.

Compte tenu de tous les mots échangés et des gazouillis sur Twitter entre le Canada et M. Trump depuis le Sommet du G7, le gouvernement reviendra-t-il sur sa décision d’appliquer les droits de douane le 1er juillet et les imposera-t-il immédiatement, pour faire preuve d’une volonté aussi ferme que celle des États-Unis?

Le sénateur Harder : Je vais faire en sorte que la suggestion de l’honorable sénateur soit entendue par le gouvernement. Je répéterai simplement que le gouvernement est toujours convaincu de l’efficacité de la stratégie qu’il utilise depuis un certain temps en ce qui concerne les discussions avec l’administration américaine, la renégociation de l’ALENA et les mesures associées prises par les Américains.

C’est une période de turbulences pour les provinces et les territoires ainsi que pour les entreprises et travailleurs canadiens touchés par cette situation. Je crois que l’unité dont a fait preuve le Canada devant les mesures prises au cours des derniers mois a renforcé la voix de notre pays et sa position auprès de nos amis américains. Je suis donc reconnaissant de voir cette unité se poursuivre, comme nous l’avons vu aussi récemment qu’aujourd’hui à l’autre endroit.

Réponse différée à une question orale

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer la réponse à la question orale posée au Sénat le 29 mai 2018 par l’honorable sénatrice Griffin, concernant la taxe sur le carbone.

L’agriculture et l’agroalimentaire

La taxe sur le carbone

(Réponse à la question posée le 29 mai 2018 par l’honorable Diane F. Griffin)

Le Cadre pancanadien — dont presque toutes les provinces et tous les territoires sont signataires — établit que la tarification du carbone devrait s’appliquer à un ensemble vaste et commun de sources afin d’en assurer l’efficacité et de réduire le plus possible les répercussions sur la compétitivité interprovinciale.

La définition d’agriculture prévue dans la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre concorde avec la définition d’agriculture dans la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR).

Enfin, l’Agence du revenu du Canada (ARC) administrera la redevance sur les combustibles, en vertu de la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre. L’interprétation de la loi dans le cadre de son application relève de sa compétence.

L’ARC a publié de nombreux documents d’orientation sur l’interprétation de la définition d’« agriculture » aux termes de la LIR. En particulier, l’ARC a interprété la définition d’agriculture aux termes de la LIR de manière à inclure d’autres types d’agriculture, notamment la plantation, la culture et la récolte d’arbres de Noël, l’exploitation de pépinières ou de serres ou l’exploitation de couvoirs à poussins.

Par conséquent, il est raisonnable de s’attendre à ce que l’ARC interprète la définition d’agriculture, aux termes de la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, de la même manière que dans le cadre de la LIR.


[Français]

ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l’article 4-13(3) du Règlement, j’informe le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l’ordre suivant : la deuxième lecture du projet de loi C-74, suivie de tous les autres articles dans l’ordre où ils figurent au Feuilleton.

[Traduction]

Projet de loi no 1 d’exécution du budget de 2018

Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Grant Mitchell propose que le projet de loi C-74, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures, soit lu pour la deuxième fois.

— Chers collègues, j’aimerais d’abord remercier les sénateurs qui ont participé à l’étude préalable du projet de loi C-74, leur personnel respectif ainsi que le personnel administratif du Sénat, qui se sont tous acquittés avec brio de cette importante responsabilité. J’aimerais aussi remercier plus particulièrement les fonctionnaires, le personnel du ministre ainsi que mon personnel, qui ont fait de l’excellent travail pour bien m’informer ainsi que d’autres sénateurs. Il est impressionnant et rassurant de pouvoir compter sur l’intelligence et l’expertise de ces gens dévoués.

L’ensemble des mesures incluses dans le projet de loi C-74 contribuent à atteindre un objectif important pour un budget moderne, soit celui de stimuler et de préparer l’économie de manière à pouvoir relever les défis d’aujourd’hui et de demain, tout en aidant les Canadiens à avoir des chances égales et à être mieux outillés pour participer pleinement à l’économie et à la société canadiennes. Le projet de loi propose également plusieurs mesures administratives pour faciliter le fonctionnement du gouvernement.

Ce projet de loi contient nombre de mesures particulières. Il mettra en œuvre un régime national de tarification du carbone, il améliorera l’aide aux familles avec enfants, aux anciens combattants et aux premiers intervenants et il stimulera le commerce et l’économie de plusieurs façons. Ces mesures contribueront à renforcer le système financier du pays et à mettre en place la structure financière que la légalisation du cannabis rend nécessaire.

(1830)

Ces mesures, ainsi que d’autres mesures comprises dans le projet de loi, sont mentionnées dans le plus récent budget fédéral. Plusieurs d’entre elles répondent explicitement à certains engagements et promesses. Je vais commencer par les mesures du projet de loi qui visent à soutenir les individus et les familles.

L’indexation de l’Allocation canadienne pour enfants a été devancée et commencera en juillet 2018, soit deux ans plus tôt que prévu. Ainsi, les familles avec enfants toucheront plus d’argent plus tôt qu’elles l’anticipaient. En outre, l’allocation demeurera exempte d’impôt. Elle se chiffre à presque 6 500 $ par année pour les enfants âgés de moins de 6 ans et à presque 5 500 $ par année pour les enfants âgés de 6 à 18 ans.

L’an prochain, grâce à ce programme, une famille monoparentale avec deux enfants de 6 et 12 ans et dont le revenu se chiffre à 35 000 $ dollars recevra 560 $ de plus, pour un montant total annuel de presque 13 000 $. En moyenne, les familles admissibles à l’Allocation canadienne pour enfants ont droit à 6 800 $ par année. Ce programme a tiré 300 000 enfants canadiens de la pauvreté.

Le projet de loi C-74 bonifie l’Allocation canadienne pour les travailleurs, grâce à laquelle les travailleurs à faible revenu recevront plus d’argent. La mise en œuvre de ces améliorations sera plus rapide, et leur retrait, plus progressif. Le gouvernement propose également d’augmenter la prestation maximale offerte aux personnes handicapées. Pour assurer l’utilité des améliorations prévues dans la Loi no 2 d’exécution du budget, on mandatera l’Agence de revenu du Canada pour repérer les travailleurs à faible revenu qui sont admissibles aux avantages offerts, mais qui omettent de les réclamer, peut-être parce qu’ils n’en ont pas connaissance.

Ainsi, les travailleurs à faible revenu verront leur revenu net augmenter et ils seront plus fortement incités à entrer sur le marché du travail et à y rester. Ce programme viendra en aide à 2 millions de Canadiens, et 300 000 travailleurs à faible revenu n’ayant pas demandé l’allocation jusqu’ici seront repérés et bénéficieront d’une assistance pour en faire la demande à l’avenir.

Passons maintenant à la bonification du régime d’assurance-emploi. À toutes ces mesures s’ajoutent, dans le projet de loi, des dispositions destinées à pérenniser le projet pilote Travail pendant une période de prestation. Dans ce projet qui deviendra un programme, les prestataires de l’assurance-emploi peuvent conserver 50 cents de prestations pour chaque dollar de revenu de travail gagné pendant qu’ils sont admissibles aux prestations, jusqu’à concurrence de 90 p. 100 de leur rémunération hebdomadaire assurable. D’ici 2021, les prestataires pourront choisir de revenir à un programme antérieur, de manière à ce que la transition avec le nouveau programme se fasse sans heurts.

Les Canadiens qui reçoivent des prestations d’assurance-emploi auront par conséquent intérêt à trouver du travail, même à temps partiel, puisque leurs prestations d’assurance-emploi ne baisseront pas subitement lorsqu’ils auront un revenu d’emploi.

En ce qui concerne le Régime de pensions du Canada, les améliorations suivantes y seront apportées. Les cotisations des parents qui restent au foyer pendant un certain temps, après la naissance ou l’adoption d’un enfant, continueront de s’accumuler. Ceux qui décident de sacrifier leur travail rémunéré pour se consacrer à leurs responsabilités parentales pendant cette période importante n’auront plus à subir une interruption de leurs cotisations au Régime de pensions du Canada. Ce sera le cas aussi pour les personnes handicapées. Le projet de loi prévoit le versement d’une prestation d’invalidité après-retraite pour le bénéficiaire d’une pension de retraite qui n’a pas atteint l’âge de 65 ans et il bonifie la pension de survivant. Ces améliorations n’entraîneront aucune augmentation des cotisations.

Voyons maintenant la question de l’aide aux anciens combattants et à leur famille. Depuis 2006, 67 000 anciens combattants reçoivent ce qu’on appelle l’indemnité forfaitaire d’invalidité. Pour certains anciens combattants gravement blessés, cette indemnité forfaitaire, qui est actuellement de 365 000 $, peut être difficile à gérer. Les indemnités destinées aux anciens combattants sont très complexes et elles manquent de souplesse. De plus, leur gestion constitue un lourd fardeau administratif. Le modèle de financement actuel a donc été remis en question par les militaires, les familles d’anciens combattants et les anciens combattants eux-mêmes.

Par conséquent, le projet de loi C-74 restructure les paiements versés aux anciens combattants pour en faire trois nouvelles prestations regroupées dans le programme que l’on appellera Pension à vie. Il crée l’indemnité pour souffrance et douleur et l’indemnité supplémentaire pour souffrance et douleur, qui pourront totaliser un maximum de 2 650 $ par mois non imposable. Ces indemnités seront une solution de rechange au montant forfaitaire, pour lequel les anciens combattants pourront néanmoins encore opter. Le projet de loi crée aussi la prestation de remplacement du revenu, qui, par souci de simplicité, remplacera six des sept prestations actuelles. Elle équivaudra à 90 p. 100 du salaire avant la libération, avec indexation annuelle selon l’inflation, en plus d’une augmentation annuelle afin de compenser l’impossibilité, pour l’ancien combattant, de terminer sa carrière dans le service militaire.

Le projet de loi aura pour effet de faire passer la pension de survivant de 50 p. 100 à 70 p. 100 de la prestation de remplacement du revenu. Ces dispositions témoignent de la détermination du gouvernement à résoudre les problèmes liés à la structure des prestations versées aux anciens combattants, de manière à ce que celles-ci soient mieux comprises, moins compliquées, plus souples et plus accessibles et pour que l’administration de ces prestations constitue un fardeau moins lourd. En outre, ces prestations représentent, dans l’ensemble, une augmentation de 3,6 milliards de dollars de l’enveloppe budgétaire consacrée aux anciens combattants.

De plus, le projet de loi viendra bonifier le soutien accordé aux militaires, aux policiers et aux premiers répondants déployés à l’étranger, puisqu’ils bénéficieront d’un allégement fiscal amélioré. En effet, lorsqu’ils seront déployés dans le cadre d’une mission opérationnelle internationale, peu importe le niveau de risque qui y est associé, ils pourront demander une déduction applicable à leur revenu imposable, et ce, jusqu’au niveau salarial d’un lieutenant-colonel, donc jusqu’à concurrence de 132 000 $. À l’heure actuelle, la déduction maximale est un peu moins élevée, puisqu’elle correspond au niveau salarial d’un sous-officier.

Les familles des premiers répondants bénéficieront également d’un soutien. En effet, le Programme de subvention commémoratif pour les premiers répondants accorde une subvention de 300 000 $ à la famille des premiers répondants décédés dans l’exercice de leurs fonctions. Grâce au projet de loi C-74, ce montant deviendra non imposable.

Un deuxième groupe de mesures prévues dans ce projet de loi sont axées sur la croissance économique et stimuleront l’économie canadienne. Mentionnons tout d’abord la réduction d’impôt à l’intention des petites entreprises, un changement emballant. Nous savons tous que les petites entreprises sont un puissant moteur de l’économie du pays et qu’elles regroupent 70 p. 100 des emplois du secteur privé. Le taux d’imposition des petites entreprises a déjà été réduit à 10 p. 100. Le projet de loi le ramènera à 9 p. 100 à compter de janvier 2019.

D’ici un an, le taux d’imposition moyen fédéral, provincial et territorial combiné pour les petites entreprises sera de 12,2 p. 100. Il sera le plus faible du G7 et le troisième taux le plus bas parmi les pays membres de l’OCDE.

Une autre initiative contribuera également au dynamisme de l’économie, soit les accords de réparation. Aux termes du projet de loi C-74, l’accord de réparation est conclu entre une organisation accusée d’avoir perpétré une infraction et le poursuivant; il signifie que les poursuites relatives à l’infraction sont suspendues pourvu que l’organisation se conforme aux conditions de l’accord. Les accords de réparation seront supervisés par un juge.

Les accords de réparation permettent d’atténuer l’incertitude et les désagréments qui surviennent quand une entreprise est visée par des accusations criminelles. Ils peuvent prévoir l’indemnisation rapide des victimes, favoriser la divulgation volontaire des actes répréhensibles et faciliter les changements de culture organisationnels tout en sauvant des emplois, ce qui importe par-dessus tout.

Dans la mesure où ces accords permettent aux entreprises concernées de poursuivre leurs activités, les employés, les investisseurs et les sous-traitants qui n’ont rien à se reprocher sont protégés. Les accords de réparation permettent de sauver des emplois et des investissements sans perturber l’économie et, surtout, sans empêcher les coupables d’être poursuivis en justice. Si les conditions ne sont pas remplies, le poursuivant peut revenir aux procédures habituelles en tout temps.

L’une des caractéristiques les plus connues de ce projet de loi est, bien entendu, la création de la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, qui met un prix sur les gaz à effet de serre émis aux quatre coins du pays. Les données scientifiques nous le disent : les changements climatiques constituent un grave danger et ils sont causés par l’activité humaine. D’aucuns prétendent que la lutte contre les changements climatiques est néfaste pour l’économie. Je crois, au contraire, que nous courons un risque bien plus grand en faisant fi des changements climatiques ou en nous y prenant mal pour les éliminer. En réalité, la lutte contre les changements climatiques va permettre de stimuler l’économie, de la faire rouler à plein régime et de la faire entrer dans le XXIe siècle. C’est la clé qui nous ouvrira la porte vers l’économie de demain.

C’est cette façon d’envisager le danger et les occasions qui pousse le Canada à adhérer à l’Accord de Paris, à s’engager à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 232 mégatonnes d’ici 2030 et à se doter des moyens de ses ambitions en mettant un prix sur le carbone. Les économistes sont sans équivoque : il s’agit du meilleur moyen de réduire concrètement nos émissions de gaz à effet de serre.

En décembre 2016, le gouvernement fédéral et ses partenaires provinciaux, territoriaux et autochtones ont adopté le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques. On y précise que toutes les provinces et tous les territoires devront avoir tarifé le carbone d’ici la fin de l’année, soit en mettant en œuvre le régime de leur choix, soit en adoptant le régime fédéral par défaut. Le filet de sécurité fédéral aura deux éléments : la tarification du carbone émis par des combustibles fossiles et un système de tarification basé sur les extrants pour les grands producteurs d’émissions, conçu en particulier pour aider ces producteurs d’émissions étant donné leur exposition aux marchés.

(1840)

Si une province ou un territoire décide de ne pas établir son propre système, quoique la plupart choisissent de le faire, le filet de sécurité créé par ce projet de loi sera appliqué. Dans l’un ou l’autre des cas, l’argent demeurera dans la province ou le territoire où il est collecté.

Il est intéressant de souligner plusieurs observations au sujet de l’incidence sur l’économie. D’abord, 80 p. 100 des Canadiens vivent déjà dans une province ou un territoire où il existe une tarification du carbone : la Colombie-Britannique, l’Alberta, l’Ontario et le Québec. Il est aussi intéressant et important de noter qu’il s’agit des quatre économies qui ont crû le plus rapidement au pays en 2017.

Plus de 70 p. 100 des fermes du pays se trouvent dans ces quatre provinces. Comme je l’ai dit, la plupart des provinces et territoires mettront en place leur propre système de tarification plutôt que de choisir le filet de sécurité par défaut.

Les modèles les plus récents d’Environnement et Changement climatique Canada montrent que la différence dans la croissance du PIB attribuable à ce programme d’ici 2022 sera de 2 milliards de dollars, ou 0,1 p. 100 d’un PIB de 2 billions de dollars. L’analyse révisée du directeur parlementaire du budget, publiée le 22 mai 2018, indique que l’estimation est globalement conforme à l’incidence prévue par Environnement et Changement climatique Canada en 2016.

Les prévisions précises du coût de ce programme pour les ménages dépendent largement de la manière dont les provinces et les territoires décident d’utiliser les revenus provenant de la tarification du carbone. L’expérience de l’Alberta, toutefois, est instructive. On estime que, en 2018, la redevance sur le carbone de cette province coûtera 508 $ à un couple avec deux enfants. Cependant, les familles qui reçoivent le remboursement complet dans le cadre du programme de l’Alberta recevront un retour de 540 $. Ainsi, elles profiteront d’un avantage net.

Pour les agriculteurs, le gouvernement a précisé deux exemptions à la tarification de la pollution causée par le carbone partout où le filet de sécurité fédérale est mis en œuvre : premièrement, les émissions sans combustion, provenant par exemple du bétail, du travail du sol et de l’application de fertilisants et, deuxièmement, l’essence et le diesel utilisés à la ferme.

Le Comité sénatorial de l’agriculture a soulevé deux préoccupations à ce sujet. La première concerne la définition d’activités agricoles. Pour régler le problème, le sénateur Harder vient juste de déposer une réponse différée dans laquelle le gouvernement précise que la définition utilisée dans la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre est la même que celle qui s’applique dans la Loi de l’impôt sur le revenu. Ainsi, l’interprétation de l’Agence du revenu du Canada à laquelle les témoins faisaient allusion sera la même en pratique.

Deuxièmement, le Comité de l’agriculture craint que les exemptions accordées à l’agriculture ne soient insuffisantes. Je dirai deux ou trois choses à ce sujet.

La décision d’offrir aux agriculteurs certaines exemptions et pas d’autres se fonde sur le modèle de tarification de la pollution causée par le carbone actuellement en vigueur en Colombie-Britannique. La recherche montre que cela n’a pas eu d’effet négatif pour les agriculteurs de cette province.

Le Canada s’est engagé à réduire de 232 millions de tonnes les gaz à effet de serre d’ici 2030. Multiplier les exemptions pour un seul secteur, en l’occurrence l’agriculture, signifie que les réductions devront se faire ailleurs, ce qui soulève la question essentielle suivante : dans quels secteurs ces réductions se feront-elles? Autrement dit, quelles petites entreprises, par exemple, seront sollicitées pour mettre en place ces réductions, alors même qu’elles ne profitent pas du genre d’exemptions accordées au secteur agricole?

Le système de tarification de la pollution causée par le carbone ne comporte pas non plus que des coûts. Il présente de vrais débouchés économiques pour les agriculteurs qui pourront ainsi créer et vendre des crédits de carbone. L’idée est géniale. L’Alberta a, depuis longtemps, un régime de crédits de carbone pour les agriculteurs. On a trouvé divers moyens — la dernière fois que j’ai vérifié, il y en avait 21 — par lesquels les agriculteurs peuvent réduire leurs émissions de carbone et recevoir en échange des crédits qu’ils pourront vendre à d’autres émetteurs, dans le cadre d’un marché structuré. Il s’agit de vrais montants d’argent versés aux agriculteurs — une nouvelle source de revenus pour les exploitations agricoles de l’Alberta — et le modèle peut être reproduit dans tout le pays.

Qui plus est, le gouvernement fédéral a fait des investissements considérables qui aideront les agriculteurs à réduire leurs émissions et à s’adapter aux répercussions des changements climatiques, notamment plus de 11 milliards de dollars pour la réduction des émissions, la recherche-développement en agriculture écologique et les emplois dans l’agriculture écologique dans le cadre de divers programmes. Bien entendu, grâce aux recettes générées par les systèmes de tarification du carbone, les gouvernements provinciaux et territoriaux qui ont leurs propres programmes peuvent subventionner les agriculteurs s’il devient évident qu’ils éprouvent des difficultés, à l’instar du gouvernement fédéral, où le régime prévu dans ce projet de loi s’applique.

Historiquement, les Canadiens ont su surmonter de grandes épreuves en travaillant ensemble; ils se sont épaulés pour les surmonter. C’est ensemble qu’ils ont gagné deux guerres mondiales, construit le chemin de fer, exploité des ressources et créé ce pays extraordinaire et remarquable. Les changements climatiques représentent une autre épreuve que les Canadiens peuvent et vont affronter et ils aideront le monde à la surmonter.

Ce projet de loi autorisera les banques à collaborer avec les entreprises de technologie financière et à y investir. Les entreprises de technologie financière découlent principalement de l’économie numérique fondée sur les applications d’Internet. Elles offrent une vaste gamme de services financiers à des taux concurrentiels tout en étant faciles d’accès. Nous sommes nombreux à avoir entendu parler de Mint, de WealthSimple et de SecureKey, par exemple. Dans une certaine mesure, ce sont des perturbateurs du secteur bancaire.

Si les banques n’ont pas accès à ce genre d’entreprises modernes, elles courent le risque de perdre leur compétitivité et de ne pas répondre aux attentes des clients en matière de service. La stabilité et la sûreté du secteur bancaire sont des éléments essentiels d’une économie vigoureuse. Il est important que l’on permette à ce secteur de se développer et d’évoluer avec le temps pour ne pas mettre cette vigueur en péril.

Le Comité sénatorial des banques a soulevé des inquiétudes au sujet de la possibilité que les banques contreviennent aux principes de protection de la vie privée lorsqu’elles échangent les renseignements personnels des clients avec des entreprises de technologie financière, en contournant peut-être ainsi le mur réglementaire qui existe actuellement entre les banques et les fournisseurs d’assurance.

Cependant, aucune des dispositions du projet de loi C-74 portant sur les technologies financières n’apporte de changement au cadre canadien de protection des renseignements personnels, qui est établi par la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, ou LPRPDE. Toutes les exigences actuelles prévues à la Loi sur la protection des renseignements personnels du Canada continueront de s’appliquer.

La LPRPDE supplante d’autres mesures législatives, comme la Loi sur les banques, au moyen de son alinéa 4(3), qui se lit comme suit :

Toute disposition de la présente partie s’applique malgré toute disposition — édictée après l’entrée en vigueur du présent paragraphe — d’une autre loi fédérale, sauf dérogation expresse de la disposition de l’autre loi.

Le projet de loi C-74 ne fait pas cela.

Les institutions financières doivent adopter des politiques au titre de la loi et avoir des pratiques en place qui respectent les principes de la LPRPDE. Le commissaire à la protection de la vie privée du Canada, qui est un mandataire indépendant du Parlement, voit à l’observation de la Loi sur la protection des renseignements personnels et la LPRPDE.

Dans une décision qu’il a rendue en juillet 2017, le Commissariat à la protection de la vie privée a confirmé que les obligations visées par la LPRPDE s’appliquent aux entreprises de technologie financière.

Certains craignent que les banques trouvent un moyen d’échanger des données avec des entreprises de technologies financières qui vendent des assurances. La Loi sur les banques est claire à ce sujet. De nos jours, les banques ne peuvent même pas échanger de données avec les compagnies d’assurance dont elles sont propriétaires. Il s’ensuit qu’il leur est interdit d’échanger des données qui pourraient toucher à la vente d’assurances par l’intermédiaire d’entreprises de technologie financière.

Le commissaire à la protection de la vie privée a également indiqué que toute modification nécessaire relativement aux préoccupations en matière de protection de la vie privée sera apportée de manière appropriée à la LPRPDE. Cette question et les préoccupations plus générales sur les lois sur la protection de la vie privée qui ont été soulevées par le Comité des banques pourraient effectivement mériter de faire l’objet d’une étude ultérieure par le gouvernement.

Il convient de noter que la confidentialité des renseignements des clients est absolument essentielle à la réussite d’une banque. Qui ferait affaire avec une banque qui ne respecte pas cette confidentialité? Le risque à la réputation d’une banque qui découle de la violation de ce principe est tout simplement si grand qu’il y a lieu de se demander pourquoi elle le ferait.

La troisième catégorie de mesures figurant dans ce projet de loi porte sur ce que j’appelle les processus d’administration.

Je commence par le fractionnement du revenu, les placements passifs et les sociétés privées sous contrôle canadien. Le projet de loi C-74 apportera des changements à l’imposition du revenu que ces sociétés tirent d’investissements passifs ainsi qu’au fractionnement du revenu qui en est retiré. Ces changements ont deux objectifs. Ils visent d’abord à veiller à ce que le revenu ne puisse être fractionné qu’avec des personnes qui travaillent réellement pour la société en question ou ont contribué à sa mise sur pied par un apport en travail ou en capital. Ils permettent en outre de limiter la possibilité de mettre les revenus tirés d’investissements passifs à l’abri dans des sociétés afin de réaffirmer un objectif sous-jacent de la politique publique, soit de favoriser le réinvestissement dans l’entreprise des revenus tirés d’investissements passifs afin de la faire croître et, ainsi, contribuer à la création d’emplois et à la prospérité économique.

Lorsque ces idées ont d’abord été proposées, en juillet 2017, elles ont suscité beaucoup de controverse. En décembre, le gouvernement y avait réagi en apportant des changements cruciaux à ses propositions de départ. Il a carrément éliminé les changements qu’il avait proposé d’apporter à l’exonération cumulative des gains en capital et qui préoccupaient particulièrement les agriculteurs et les pêcheurs. Comme la clarté de l’application des règles de fractionnement du revenu soulevait certaines inquiétudes, il a établi des lignes de démarcation pour les préciser. En même temps, comme une telle liste ne peut pas prévoir toutes les possibilités, le critère du caractère raisonnable continuera de s’appliquer.

(1850)

En outre, le gouvernement a prévu un niveau précis de revenu de placement passif avant que le taux d’imposition préférentiel des petites entreprises qui ont des revenus de 500 000 $ commence à être éliminé graduellement.

En ce qui a trait à la cybersécurité, un autre changement important envisagé dans le projet de loi est la création du Centre canadien pour la cybersécurité. Ce centre permettra de concentrer les compétences considérables du gouvernement fédéral en matière de cybersécurité en réunissant 750 employés dans une unité spéciale du Centre de la sécurité des télécommunications. Cette unité fournira des avis, des conseils, des services et du soutien en matière de cybersécurité aux gouvernements, ainsi qu’aux propriétaires et aux exploitants d’infrastructures essentielles du secteur privé. Le centre permettra au gouvernement de réagir plus rapidement et de manière mieux coordonnée et plus cohérente aux cybermenaces.

La taxation du cannabis : le projet de loi C-74 établira un régime de taxation du cannabis. Cette question a fait l’objet d’un examen et d’un débat exhaustifs et éclairés au Sénat depuis plusieurs mois, et tout particulièrement de manière intensive au cours des derniers jours. En bref, dans le cadre du régime sur la taxe d’accise, le gouvernement fédéral touchera 25 p. 100 des recettes et les provinces, 75 p. 100. Le gouvernement fédéral limitera sa part des recettes à 100 millions de dollars au cours des deux premières années.

En conclusion, j’espère vous avoir donné une idée de la façon dont le projet de loi C-74 appuiera les familles avec enfants, les anciens combattants et les Canadiens à faible revenu, des mesures qu’il renferme et qui favoriseront l’essor économique actuel et futur du pays, et de la façon dont il traite des questions essentielles à la gestion du régime fiscal, ainsi que d’autres rôles et processus du gouvernement. Il s’agit d’un budget pour aujourd’hui et pour demain.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : J’ai quelques questions à poser au sénateur Mitchell. J’ai été très attentive aux mesures contenues dans le budget au sujet des petites entreprises.

J’habite tout près d’un Costco. Quand un géant du genre s’installe quelque part, je sais ce qui arrive à 100 milles à la ronde : c’est un désastre pour les petits commerçants.

Les petits entrepreneurs, tant les agriculteurs que les propriétaires d’entreprises dans les grands centres, ont communiqué avec nous. On dit souvent qu’ils sont le moteur de l’économie; pourtant, je ne vois dans le budget aucune des mesures fiscales et aucun des incitatifs dont ont besoin les petites entreprises. Elles peinent à joindre les deux bouts, et tous les ordres de gouvernement viennent leur arracher une part de leurs profits.

Ma question, sénateur, est la suivante : pouvez-vous expliquer en quoi le resserrement des règles concernant les revenus passifs et le fractionnement du revenu et de celles concernant l’admissibilité des vaillants petits entrepreneurs au taux d’imposition pour les petites entreprises aideront les entreprises canadiennes à créer des emplois et à soutenir la classe moyenne, celle que votre gouvernement prétend aider au moyen de ce projet de loi? Je crois qu’il faut protéger les petites entreprises et prévoir davantage de mesures pour les soutenir.

Vous avez parlé de réduire le taux d’imposition des petites entreprises à 9 p. 100 à partir de l’année prochaine, mais cela arrive avec un énorme retard. Le gouvernement conservateur avait promis de le faire, mais les libéraux ont pris le pouvoir et ils n’ont pas donné suite à notre promesse. La mesure annoncée est très faible et elle est très en retard.

J’aimerais que vous expliquiez le raisonnement qui se trouve derrière le resserrement des règles concernant les revenus passifs et le fractionnement du revenu.

Le sénateur Mitchell : Merci, sénatrice Martin. J’apprécie votre question. Mon analyse de la réduction de l’impôt des petites entreprises est un peu différente de la vôtre. En réalité, il est passé de 11 à 9 p. 100 en deux ans, une diminution remarquable.

En premier lieu, je suis d’accord avec vous. Je m’inquiète énormément du sort des petites entreprises. La petite entreprise moyenne a un revenu d’environ 108 000 $ par année. Ce n’est pas énorme, et il faut en tenir compte.

Cependant, les dispositions du projet de loi C-74 n’auront des répercussions que sur 3 p. 100 de toutes les entreprises dont nous parlons, c’est-à-dire les sociétés privées sous contrôle canadien, et 90 p. 100 des répercussions fiscales viseront 1 p. 100 des entreprises qui gagnent les revenus les plus élevés dans cette catégorie. Le gouvernement a donc fait très attention à la façon dont il a ciblé les entreprises.

Le deuxième point que vous soulevez est intéressant. Il s’agit du rôle joué par les petites entreprises dans la création d’emplois. Vous avez, en quelque sorte, établi un lien avec les placements passifs, sauf que ceux-ci ne créent pas des emplois. C’est précisément mon argument. Les propriétaires de société privée sous contrôle canadien pouvaient verser des fonds de bien des façons dans des placements passifs. Ils épargnaient pour d’autres raisons; ils n’investissaient pas dans l’entreprise afin de créer des emplois, de stimuler l’économie et de favoriser l’expansion de leur entreprise. C’est justement ce qui est à l’origine des dispositions.

Je dois dire que le gouvernement a écouté et qu’il a pris des mesures après l’annonce qui a été faite le 17 juillet. Il a, en fait, prévu que 50 000 $ puissent être investis dans des placements passifs avant qu’il y ait une réduction quelconque de l’ensemble des gains pouvant être visés par le taux d’imposition des petites entreprises. Cependant, le fait est que ces changements visent à mettre l’accent sur l’intention de la politique publique originale. Il ne s’agissait pas de créer quelque chose de comparable à un REER parallèle. Il s’agissait, pour l’entreprise, de prendre l’argent qu’elle gagne, puis de se payer de façon raisonnable ou, mieux encore, de réinvestir cet argent dans l’entreprise afin de créer des emplois. C’est exactement ce que font ces dispositions.

La sénatrice Martin : Je pensais aux pressions exercées sur les petites entreprises compte tenu de l’augmentation du salaire minimum. J’appuie effectivement le fait que les Canadiens puissent gagner un salaire juste, mais je sais que les propriétaires de petite entreprise avec qui j’ai parlé sont très préoccupés par leur mince marge de profit. Elle est réellement très mince. On parle d’environ 1 p. 100 et 2 p. 100. Ces chiffres font toute la différence lorsqu’il s’agit d’une petite entreprise.

Voici ma deuxième question : les Canadiens s’attendaient à ce que le gouvernement Trudeau ramène le taux d’imposition général des sociétés au niveau de celui des États-Unis. Or, le gouvernement ne l’a pas fait. Il a plutôt réduit l’impôt des petites entreprises, de sorte qu’il est plus difficile pour les petites entreprises d’y être admissibles.

À la lumière de ce qui se passe aux États-Unis, pouvez-vous me dire quelles mesures le gouvernement prévoit mettre en œuvre afin que le Canada demeure concurrentiel pour les investisseurs étrangers?

Le sénateur Mitchell : Pour répondre d’abord à votre deuxième question, nous avons en fait un taux d’imposition des petites entreprises inférieur à celui des États-Unis. Si ce n’est pas encore le cas, ce le sera certainement après l’application de ces modifications, notamment du taux de 9 p. 100. Nous occupons le troisième rang au sein de l’OCDE pour ce qui est du taux d’imposition des petites entreprises le plus faible. Les États-Unis font partie de l’OCDE, et les deux pays dont le taux est inférieur au nôtre sont l’Irlande et la Suisse, si je ne m’abuse, mais ce ne sont pas les États-Unis. Nous les devançons à l’heure actuelle, c’est indéniable.

Ensuite, vous dites que les petites entreprises se trouvent dans une situation précaire. C’est vrai. Elles n’ont donc pas d’argent à placer dans des investissements passifs, ce qui veut dire que cela ne les touche pas. Les PME en situation précaire sont, espérons-le, celles qui bénéficieront de la baisse d’impôt, ainsi que des autres mesures de relance qui sont prises par le gouvernement dans le cadre de sa politique économique. La croissance moyenne du Canada est maintenant d’environ 2,7 p. 100 par année. C’est près de 50 p. 100 de plus que pour les années précédentes. Nous avons créé 600 000 emplois au pays depuis deux ans. C’est une situation sans précédent. Il s’agit de très bons emplois.

Je suis profondément préoccupé. Une grande partie de l’économie de l’Alberta repose sur les petites entreprises. Or, ce ne sont pas les petites entreprises en situation précaire qui seront touchées par les dispositions relatives à l’investissement passif, car elles n’ont pas l’argent nécessaire pour faire ces investissements.

La sénatrice Martin : Merci. Je crois que nous devrions faire tout ce que nous pouvons pour aider les petites entreprises, en plus de ce que nous faisons ce moment. Je propose l’ajournement du débat au nom du sénateur Mockler.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, au nom du sénateur Mockler, le débat est ajourné.)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Motion d’amendement—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Boniface, appuyée par l’honorable sénateur Sinclair, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-46, Loi modifiant le Code criminel (infractions relatives aux moyens de transport) et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois, tel que modifié.

Et sur la motion d’amendement de l’honorable sénateur Gold, appuyée par l’honorable sénatrice Pate,

Que le projet de loi C-46, tel que modifié, ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié, à l’article 15,

a)à la page 23, par substitution, à la ligne 37 (tel que remplacée par décision du Sénat le 4 juin 2018), de ce qui suit :

« 320.27 (1) L’agent de la paix qui a des motifs raison- »;

b)à la page 24, par adjonction, après la ligne 16, de ce qui suit :

« (2) L’agent de la paix qui a en sa possession un appareil de détection approuvé peut, dans l’exercice légitime de ses pouvoirs en vertu d’une loi fédérale, d’une loi provinciale ou de la common law, ordonner à la personne qui conduit un véhicule à moteur de fournir immédiatement les échantillons d’haleine que l’agent de la paix estime nécessaires à la réalisation d’une analyse convenable à l’aide de cet appareil et de le suivre à cette fin. »;

c)à la page 34, par substitution, à la ligne 20 (tel que remplacée par décision du Sénat le 4 juin 2018), de ce qui suit :

« ments à effectuer au titre de l’alinéa 320.27(1)a); ».

L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-46 et de l’amendement proposé par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, visant à supprimer une disposition autorisant les policiers à effectuer des alcootests dans le cadre de contrôles routiers lorsqu’ils soupçonnent un conducteur d’avoir les facultés affaiblies par l’alcool. J’aimerais remercier le sénateur Gold, le sénateur Pratte et la sénatrice Boniface de leur travail sur cet amendement.

D’abord, nous devons, à mon avis, étudier la question de savoir si le projet de loi C-46 devrait prévoir le dépistage obligatoire de l’alcool dans une optique pragmatique.

(1900)

Quand j’écoute le débat sur le dépistage obligatoire, je ne puis m’empêcher de penser à la première fois où des lois très strictes sur la conduite avec capacités affaiblies par l’alcool ont été adoptées, à l’époque où j’étais jeune avocate. Ces lois strictes, combinées à des efforts de sensibilisation, ont mené à des changements culturels. Puis, il y a eu d’autres lois strictes, efforts de sensibilisation et changements culturels. Nous ne tolérons plus du tout la conduite avec capacités affaiblies, alors que cela ne nous offensait pas par le passé.

Je parle de ce projet de loi parce que je crois qu’il est réellement important que nous examinions ce que fera le dépistage obligatoire. J’appuie l’amendement proposé parce que je crois que nous avons une crise au Canada. À l’heure actuelle, il y a un grave problème de conduite avec capacités affaiblies au pays. En effet, selon les Centers for Disease Control des États-Unis, le Canada se classe au premier rang sur 19 pays en ce qui concerne les décès attribuables à la conduite avec capacités affaiblies. En moyenne, la conduite avec capacités affaiblies tue de trois à quatre Canadiens chaque jour. Alors que nous nous apprêtons à légaliser le cannabis à des fins récréatives, nous devons nous assurer que ce nombre n’augmentera pas. Les drogues sont déjà deux fois plus souvent en cause dans les accidents mortels que l’alcool. Une fois le projet de loi C-45 adopté, ce nombre pourrait facilement augmenter.

Honorables sénateurs, le Canada se sert actuellement de tests d’haleine sélectifs. On peut seulement faire subir ce test aux conducteurs raisonnablement soupçonnés d’avoir conduit en état d’ébriété. Des études ont révélé que ces types de tests ne permettent pas de détecter une partie importante des conducteurs avec facultés affaiblies. Ils ne détectent pas 60 p. 100 des conducteurs dont l’alcoolémie dépasse la limite légale de 0,08. Quand les conducteurs avec facultés affaiblies sont autorisés à conduire, et ils continuent de représenter une menace pour les Canadiens et pour eux-mêmes. Autrement dit, quand nous ne détectons pas des conducteurs avec les facultés affaiblies, nous mettons à risque d’innombrables Canadiens.

Il faut que cela cesse. Il a été prouvé que les contrôles obligatoires contribuent concrètement à réduire le nombre de morts et de blessés sur nos routes. En Irlande, par exemple, quatre ans après l’entrée en vigueur des contrôles obligatoires, le nombre d’accidents mortels avait baissé de presque 40 p. 100. Transposé au Canada, un tel succès nous permettrait de sauver 510 vies par année.

Comme bon nombre de mes collègues, je m’inquiète toutefois de l’effet qu’aura ce régime sur les minorités du pays. L’histoire nous montre que ce sont les personnes issues de minorités qui sont le plus souvent interpellées dans ce type d’opération. Vous vous rappellerez d’ailleurs que j’ai posé la question au sénateur Gold, car cet enjeu me préoccupe tout particulièrement. C’est ce que, par chez nous, on appelle « la conduite en état de négritude ». Fichage, contrôles routiers systématiques, ce ne sont pas les exemples qui manquent où les policiers prennent plus particulièrement pour cibles les minorités visibles ou les Autochtones. Les forces de l’ordre sont pourtant censées appliquer la loi de manière juste, équitable et appropriée.

Je ne suis pas en train de dire que les policiers sont racistes, mais les données montrent une tendance claire : partout au Canada, les pouvoirs de mise en détention comme celui qui est associé aux dispositions sur les contrôles obligatoires ont donné lieu à de la discrimination raciale contre les groupes vulnérables et les Autochtones.

Voilà pourquoi, honorables sénateurs, j’appuierai cette disposition à une condition. S’il doit y avoir des contrôles routiers obligatoires, il devra aussi y avoir des balises rigoureuses afin que les forces de l’ordre aient des comptes à rendre. Les pouvoirs que nous sommes sur le point de leur accorder sont immenses, et nous nous attendons à ce qu’ils les exercent de manière responsable et à ce qu’ils traitent tous les groupes de la même façon.

Nous avons déjà établi que les policiers doivent rendre des comptes lorsque nous leur accordons des pouvoirs sans précédent. Lors du vote à l’étape de la deuxième lecture, le texte prévoyait déjà un examen obligatoire dans trois ans afin que nous puissions évaluer les répercussions du nouveau régime. Quand le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a été saisi du projet de loi C-46, nous avons en outre convenu que cet examen devrait obligatoirement s’intéresser aux effets sur les minorités et les Autochtones. Il s’agit de premiers pas importants qui feront comprendre aux policiers que le projet de loi C-46 ne pourra pas leur servir de prétexte pour faire du profilage racial. Nous avons toujours jugé cette pratique inacceptable, et ce n’est pas aujourd’hui que cela va changer.

Honorables sénateurs, je ne doute pas que vous conviendrez que le profilage racial n’a pas sa place dans les valeurs canadiennes. Je crains que ces examens ne permettent pas de disposer de toute l’information nécessaire pour suivre efficacement les cas de profilage racial.

Lorsque nous avons entendu des représentants du ministère de la Justice, ils nous ont révélé que les arrestations qui ne mènent pas à des conséquences pénales ne sont pas consignées. En d’autres mots, si une personne est arrêtée pour subir un test de dépistage de drogues ou d’alcool non fondé et qu’elle poursuit ensuite son chemin, il y a très peu de chances que nous en entendions parler. Il reviendrait à la discrétion du policier d’enregistrer l’incident et de suivre les données relatives à l’origine ethnique.

Lorsque la question a été soulevée dans les cas de fichage et de contrôle routier obligatoire, les services de police se sont montrés très réfractaires à l’idée. Nous ne pouvons pas nous attendre à une réaction différente cette fois-ci. Il faut que des registres soient tenus.

Bref, même si des examens sont réalisés, il y a très peu de chances que nous disposions des données nous permettant de dresser un portrait précis de la situation au pays. Pire encore, nous ne pouvons même pas compter sur les forces policières pour recueillir des données précises sur cet important sujet. C’est inacceptable. Si nous voulons vraiment examiner les effets du projet de loi sur les minorités, nous avons besoin de données exactes pour effectuer un suivi. Étant donné que nous ne pouvons pas compter sur les forces policières, nous devons prendre des mesures pour que les données soient recueillies autrement.

Honorables sénateurs, je crois que ce problème peut être résolu sans qu’on doive modifier le projet de loi C-46. Sécurité publique Canada a l’autorité nécessaire pour créer un cadre civil indépendant fondé sur les plaintes afin de suivre et d’enregistrer les cas de profilage racial associés aux contrôles routiers. J’exhorte le ministre Goodale à le faire après l’adoption du projet de loi. Ce ne serait pas une mesure sans précédent.

Plusieurs systèmes de traitement des plaintes sont déjà en place pour surveiller les forces policières lorsqu’elles vont à l’encontre des droits des Canadiens. Par exemple, dans le cas de la GRC, il y a la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la Gendarmerie royale du Canada. En Colombie-Britannique, il y a aussi le bureau du commissaire aux plaintes relatives aux policiers et le bureau d’enquête indépendant. Si le gouvernement prend au sérieux la protection des minorités visibles et des Autochtones contre le profilage racial, alors il doit s’assurer que les Canadiens auront des recours si on leur impose ces contrôles obligatoires de manière abusive.

Honorables sénateurs, je tiens à dire que je ne suis pas contre les dispositions du projet de loi C-46 qui autoriseraient le dépistage obligatoire. Nous en avons besoin. Je crois que cette mesure est nécessaire parce qu’elle sauvera des vies. Il ne fait aucun doute que la conduite avec facultés affaiblies pose problème au Canada, et cette mesure pourrait facilement sauver des centaines de vies par année. Cette mesure est trop importante pour ne pas la mettre en œuvre.

Cependant, je comprends aussi qu’il faut faire contrepoids à des pouvoirs considérables, comme ceux qui sont accordés par le projet de loi C-46, en exigeant des comptes de la part des forces policières qui les appliqueront. Nous convenons tous que les Canadiens méritent qu’un processus d’examen équitable soit mis en place afin de faire un suivi des répercussions du projet de loi C-46 sur les plus vulnérables. Assurons-nous que ce processus d’examen s’appuiera sur des données fiables.

Voilà pourquoi j’exhorte tous les sénateurs à se joindre à moi pour réclamer la mise en place d’un cadre civil indépendant de traitement des plaintes pour faire un suivi du profilage racial. Nous devons assurer un équilibre entre la sécurité des Canadiens et le respect de leurs droits constitutionnels.

Honorables sénateurs, je demande humblement au Comité des droits de la personne d’entreprendre une étude à ce sujet afin de s’assurer qu’on aura prévu un mode d’examen complet de ce projet de loi lorsqu’on procédera à l’examen prévu dans les trois ans suivant la date d’entrée en vigueur.

Honorables sénateurs, j’espère que le premier ministre Trudeau, le ministre Goodale et la ministre Wilson-Raybould se rendent compte que, avec les énormes pouvoirs que nous songeons à accorder aux corps policiers, ceux-ci seront tenus responsables de la protection des minorités. En conférant des pouvoirs aux corps policiers, je préviens les commissaires et les chefs de police, partout au pays, que nous les surveillerons. Avec ces pouvoirs, ils devront également rendre des comptes.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Accepteriez-vous de répondre à une question, sénatrice Jaffer?

La sénatrice Jaffer : Oui.

L’honorable Marc Gold : Merci beaucoup de votre discours. Je suis heureux d’obtenir votre appui en ce qui a trait à l’examen triennal, et j’appuie votre recommandation réclamant un cadre civil indépendant de traitement des plaintes pour faire un suivi du profilage racial dans les tests de sobriété routière. C’est là une recommandation on ne peut plus utile.

(1910)

Ai-je raison de penser que vous appuyez néanmoins mon amendement, qui propose de réintégrer le dépistage d’alcool obligatoire au projet de loi C-46?

La sénatrice Jaffer : Oui, sénateur Gold, j’appuie votre amendement, parce que vos arguments et mes entretiens avec le sénateur Pratte et la sénatrice Boniface m’ont fait comprendre à quel point le dépistage obligatoire est important.

Je vais vous faire une confidence. Le jour de votre intervention, j’étais assise ici et je me suis dit que je saurais peut-être persuader certaines personnes de l’importance des tests obligatoires. Mes petits-enfants occupaient alors tout mon esprit. Aujourd’hui, j’ai l’occasion de faire la différence dans la vie de mes enfants et petits-enfants. Voilà pourquoi j’appuie l’amendement.

L’honorable Jane Cordy : Sénateur Gold, j’ai écouté votre allocution avec attention parce que j’avais réfléchi longuement à votre amendement. Avant que vous me le demandiez, je vous dirai que j’appuie l’amendement. En fait, je suis sortie dîner avec mon mari hier soir, et c’est de cela que nous avons discuté. Je doute qu’il ait été content que nous passions ainsi notre temps ensemble, mais toujours est-il que c’est ce que nous avons fait.

Il est vrai que l’on soumet les conducteurs avec les facultés affaiblies à des tests, mais seulement s’il existe une probabilité raisonnable que le conducteur ne soit pas en état de conduire. D’après ce que vous affirmez et d’après les lectures que j’ai faites, notamment la semaine dernière, beaucoup de décès sont causés parce qu’on laisse passer un grand nombre de voitures sur l’autoroute. J’ai lu que les tests obligatoires de dépistage d’alcool sauvent bel et bien des vies. Je n’avais jamais entendu la statistique de « 510 par année » avant votre discours, mais j’avais lu que les tests sauvent beaucoup de vies.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Y a-t-il une question?

La sénatrice Cordy : Oui, en effet.

Je m’interroge à propos du cadre de reddition de comptes. En Nouvelle-Écosse, nous utilisons l’expression « driving while Black », qui signifie « conduire en étant noir ». C’est un enjeu qui me préoccupe grandement. Comment ce cadre fonctionnerait-il? Vous avez parlé d’un examen après trois ans; vous avez aussi mentionné que le Comité des droits de la personne, dont je fais partie, se pencherait sur toute la question du profilage racial.

La sénatrice Jaffer : Je vous remercie de votre question. Le Comité sénatorial des droits de la personne examine de nombreux enjeux. Je n’y siège pas moi-même. Je vous demande donc, très humblement, d’étudier cet enjeu et de contribuer à l’établissement d’un cadre.

Il est déjà question qu’une disposition permette au ministre Goodale d’établir un processus de traitement des plaintes. Je propose qu’on mette sur pied un processus de plaintes pour une durée de trois ans. Ainsi, les personnes touchées par ce problème auraient le pouvoir de dire : « Ce n’est pas acceptable. Je porterai plainte si vous faites cela. » Les policiers auraient donc des comptes à rendre. Si les deux camps sentent qu’ils ont le pouvoir d’agir, on pourra sauver des vies.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice Jaffer, il vous reste une minute.

L’honorable Paul J. Massicotte : Je serai très bref. Dans quelle mesure existe-t-il des liens solides entre le test que vous proposez, les avantages concrets que vous supposez et les recherches dont plusieurs sénateurs ont pris connaissance? Les renseignements sont-ils solides?

La sénatrice Jaffer : Je ne suis pas moi-même chercheuse et je ne saurais évaluer la solidité de la recherche. Je sais toutefois que je peux regarder mes frères et sœurs dans les yeux et leur dire : « Je ne vous ai pas oubliés ». Il est important de sauver des vies, mais je m’efforce aussi de protéger des droits.

Le sénateur Massicotte : Cela dit, comme vous le savez, les tribunaux devront interpréter tout cela et déterminer si les avantages ainsi procurés à la société compensent les atteintes à la liberté personnelle. Nous devons examiner les renseignements à notre disposition et déterminer ce qu’il en est.

La Nouvelle-Zélande et l’Australie ont beaucoup d’expérience dans ce domaine, mais ce n’est pas clair pour moi, car de nombreux facteurs varient constamment. Qu’en pensez-vous?

La sénatrice Jaffer : C’est pour cela que je dis qu’il faudrait le mettre en œuvre pendant trois ans et ensuite l’examiner. Après trois années, nous en connaîtrons l’efficacité et nous pourrons consacrer des fonds à la recherche; ainsi, nous aurons plus d’informations.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Votre temps de parole est écoulé, sénatrice Jaffer.

Le sénateur Pratte a la parole.

L’honorable André Pratte : Marie était au volant, et son époux, Yves, était à côté d’elle. Leurs trois magnifiques filles — Émilie, 10 ans, Virginie, 6 ans, et Rosalie, 3 ans — dormaient à l’arrière. Ils roulaient sur l’autoroute 20, au sud de Montréal, pour rentrer après un souper chez la sœur de Marie. Soudain, Marie a aperçu des phares devant elle qui s’approchaient à toute vitesse. Une voiture avait pris l’autoroute dans le mauvais sens. Le conducteur de la voiture était tellement ivre qu’il n’avait pas constaté son erreur.

Le choc fut horriblement violent. Marie a repris connaissance. Yves ne bougeait pas; sa tête était inclinée vers l’arrière. Marie regardait ses filles, à l’arrière. Rosalie hurlait, Émilie pleurait et Virginie, incroyablement, dormait encore. Marie a réussi à sortir de la voiture. Elle avait mal partout. Elle crachait des morceaux de verre.

Arrivée à l’hôpital local, Marie a appris que Virginie avait été transportée dans un centre de traumatologie. Elle n’était pas restée endormie; elle était tombée dans un coma profond. Ensuite, le médecin est allé voir Marie. Il parlait doucement. Yves, l’amour de sa vie, était mort. Le monde de Marie s’est effondré.

Au Centre hospitalier universitaire mère-enfant de Sainte-Justine, à Montréal, les parents et les amis se relayaient au chevet de Virginie, espérant, contre tout espoir, qu’elle se réveille.

Honorables sénateurs, chaque année, au moins 600 Canadiens meurent dans un accident de voiture impliquant un conducteur en état d’ébriété. Nous avons réussi, dans une certaine mesure à réduire ce chiffre tragique. Il y a 10 ans, il y en avait près de 1 000. Il n’en demeure pas moins que 600 décès sur la route, c’est comme s’il y avait deux écrasements de Boeing 767 par année au Canada.

L’intérêt du gouvernement du Canada pour l’adoption de mesures supplémentaires date d’avant le projet de loi C-46. Il y a trois ans, le gouvernement précédent avait déposé le projet de loi C-73, qui comptait certaines des mesures que nous retrouvons aujourd’hui dans le projet de loi C-46. Le projet de loi C-73 est mort au Feuilleton lorsque les élections ont été déclenchées en 2015. Après les élections, le député conservateur Steven Blaney a présenté un projet de loi d’initiative parlementaire, le projet de loi C-226, qui proposait le dépistage obligatoire d’alcool, disposition qui allait être incluse dans le projet de loi C-46, avant d’être retirée par les conservateurs à l’étape de l’étude par le Comité des affaires juridiques.

Voici ce qu’a dit M. Blaney à propos du dépistage obligatoire d’alcool, le 13 avril 2016 :

Les études démontrent que nos barrages routiers sont inefficaces à plus de 50 %, car les chauffards parviennent à camoufler leurs symptômes d’ébriété […] En tant que législateur, nous avons la chance unique de mettre fin à cette hécatombe.

Lors de sa comparution devant le comité, le 6 février 2017, M. Nicola Di Iorio a posé la question suivante à M. Blaney :

Avez-vous demandé et obtenu le soutien de votre caucus à l’égard de ce projet de loi?

L’honorable Steven Blaney : Oui.

M. Nicola Di Iorio : Donc, votre caucus appuie votre projet de loi.

L’honorable Steven Blaney : Quand mon projet de loi a été déposé, notre porte-parole en matière de justice, M. Nicholson, y a donné son appui sans réserve.

Par conséquent, il y a moins de deux ans, le caucus conservateur était en faveur du dépistage obligatoire d’alcool. Qu’est-ce qui a changé depuis? Pourquoi nos collègues conservateurs au Comité des affaires juridiques ont-ils voté en faveur du retrait du dépistage obligatoire d’alcool? Est-ce que la conduite avec facultés affaiblies a brisé moins de vie au cours des derniers mois? Bien sûr que non.

Trois raisons sont avancées. Premièrement, la mesure pourrait être jugée inconstitutionnelle par les tribunaux. Deuxièmement, elle entraînera ce qu’une sénatrice a décrit comme un « très grand nombre de contestations devant les tribunaux [qui] ne vont qu’exacerber la crise relative aux délais du système judiciaire canadien ». Troisièmement, cela pourrait accroître le profilage racial.

Je vais laisser la question de la constitutionnalité aux juristes fort compétents qui siègent dans cette Chambre. Je me permets cependant de souligner que, en 2009, le Comité de la justice de la Chambre des communes, qui comptait alors une majorité de membres conservateurs, a recommandé la mise en œuvre d’un dépistage obligatoire d’alcool, croyant qu’une telle mesure serait conforme à la Charte. Le comité a dit ceci :

(1920)

L’empiétement sur les droits est minime puisque l’interception et l’alcootest prennent peu de temps et le test est non invasif […] [P]our ce qui est de la proportionnalité entre l’objectif visé et les restrictions, l’objectif visé, à savoir de réduire les nombreux torts que causent les conducteurs en état d’ébriété, est important et l’effort demandé aux conducteurs pour aider à le résoudre est minime.

Comme c’était le cas à ce moment-là, lorsque les universitaires examinent la constitutionnalité du dépistage obligatoire d’alcool, ils arrivent à des conclusions divergentes. Dans de telles circonstances, je ne pense pas que, en tant que sénateurs, nous devrions essayer de deviner la décision que prendrait la Cour suprême. Nous devrions plutôt faire les choix de politiques que nous jugeons être les bons, en nous assurant du mieux que nous pouvons que ces choix respectent la Charte. Autrement dit, nous devrions agir comme des législateurs, et non comme des juges.

À mon avis, voici quelques faits que nous devrions considérer dans notre analyse.

Premièrement, le nombre toujours inacceptable de décès causés par les conducteurs aux facultés affaiblies justifie la prise d’autres mesures.

Deuxièmement, dans les nombreux pays où le dépistage obligatoire d’alcool a été mis en place, le nombre d’accidents mortels liés à l’alcool a diminué considérablement. Les études et les données portant sur ces chiffres sont rigoureuses et impressionnantes.

Troisièmement, bien que « le contrôle par l’État de chaque souffle exhalé par une personne constitue une grave intrusion de l’État dans la vie privée de cette personne » — comme l’a statué la Cour d’appel de l’Ontario dans sa décision rendue dans l’affaire R. c. Wills en 1992 —, la violation de la vie privée dont il est question avec l’alcootest est limitée si vous le comparez à d’autres violations. Je pense, par exemple, au dépistage dans les aéroports et aux frontières du Canada, où les bagages et les corps de millions de voyageurs sont palpés, examinés aux rayons X et fouillés; ces procédures ont été validées par les tribunaux.

Quatrièmement, la Cour suprême a affirmé que les attentes en matière de respect de la vie privée sont plus modestes quand on conduit une voiture que dans toute autre circonstance.

En tenant compte de ces faits, ma propre conclusion, à titre de législateur, est que l’atteinte au droit à la vie privée des conducteurs découlant du dépistage obligatoire d’alcool est justifiée en raison de la haute probabilité que ce dépistage sauve de nombreuses vies.

Les Mères contre l’alcool au volant, qui est un organisme réputé pour publier des statistiques sérieuses, estime que le dépistage obligatoire d’alcool pourrait sauver jusqu’à 200 vies et empêcher 12 000 blessures chaque année au Canada. Disons que cet organisme est beaucoup trop optimiste et que le dépistage obligatoire d’alcool est deux fois moins efficace seulement que ce qu’il a prédit. Il n’en demeure pas moins que cette mesure sauvera 100 vies par année au Canada. Selon vous, y a-t-il beaucoup de mesures législatives relevant de notre compétence qui ont le potentiel de sauver autant de vies?

[Français]

Les sénateurs qui ont voté pour retirer le dépistage obligatoire du projet de loi C-46 craignent que les contestations constitutionnelles de cette mesure soient nombreuses à un point tel qu’elles engorgent les tribunaux. Il est évident qu’il y aura des contestations. Compte tenu des retards considérables qui minent l’efficacité de notre système de justice, cette préoccupation est légitime. Cependant, il faut aussi tenir compte du fait que, s’il se passe chez nous ce qui est arrivé ailleurs, on devrait assister à une diminution du nombre de cas de gens qui conduisent avec les facultés affaiblies et du nombre d’accidents mortels et avec blessures causés par ces conducteurs. Donc, il devrait y avoir une baisse du nombre d’affaires susceptibles de se rendre devant les tribunaux.

[Traduction]

Je note en passant que nos collègues d’en face n’ont pas toujours été aussi sensibles aux préoccupations entourant la contestation possible d’une nouvelle loi devant les tribunaux. Par exemple, lorsque les conservateurs étaient au pouvoir, on les a avertis à maintes reprises que les peines minimales obligatoires seraient déclarées inconstitutionnelles.

Il y a quelques années, lorsque le projet de loi C-2 faisait l’objet d’un débat, l’Association du Barreau canadien a affirmé ceci : « La validité du projet de loi est douteuse du point de vue constitutionnel. Il engorgera le système de justice pénale pendant des années à cause d’une confusion procédurale. » La Criminal Lawyers' Association a déclaré ceci : « […] cette loi favorisera la multiplication des procès. »

De telles inquiétudes n’ont pas empêché le gouvernement de l’époque de forcer l’adoption du projet de loi. Le ministre de la Justice de l’époque, Rob Nicholson, a dissipé les craintes en affirmant ceci :

Chaque fois qu’on change le Code criminel au Canada, on s’expose à ce que sa constitutionnalité soit contestée.

[Français]

La troisième raison qui a été avancée pour écarter le dépistage obligatoire d’alcool est la crainte que cette mesure ouvre la porte au profilage à l’endroit de certaines minorités. Je partage cette crainte. Il faut absolument s’assurer que le dépistage obligatoire n’entraîne pas une aggravation du problème du profilage. Cependant, la solution, ce n’est pas d’éliminer le dépistage obligatoire. La solution, c’est plutôt de suivre la situation de près pour prévenir le problème et en mesurer l’ampleur et, si jamais on constate qu’il s’aggrave, de prendre les mesures appropriées.

C’est pourquoi, au sein du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, nous avons adopté un amendement qui garantit que le profilage fera explicitement partie des questions au sujet desquelles le gouvernement devra faire rapport au Parlement, statistiques à l’appui, lors de l’examen de la mise en œuvre de la loi, trois ans après la sanction royale.

[Traduction]

Par conséquent, selon moi, les trois raisons invoquées pour enlever le dépistage obligatoire d’alcool de ce projet de loi ne résistent pas à un examen attentif.

Premièrement, il existe de solides arguments permettant de soutenir que ce dépistage est constitutionnel et que, étant donné les avantages qui en résultent, cela constitue une limite raisonnable du droit à la vie privée des conducteurs.

Deuxièmement, il n’est pas du tout certain que ce dépistage entraînera une hausse du nombre d’affaires de conduite avec facultés affaiblies portées devant les tribunaux. En fait, il est tout à fait possible que ce soit l’inverse.

Troisièmement, le Comité des affaires juridiques a adopté un amendement raisonnable qui répond aux objections importantes en ce qui a trait au risque de profilage.

Virginie avait les yeux ouverts, mais c’était comme si elle ne voyait rien. Cela faisait des jours qu’elle était dans cet état.

Puis, un matin, alors que j’étais à son chevet, elle a tourné la tête vers moi et m’a dit bonjour comme si de rien n’était. Fou de joie, je lui ai dit bonjour aussi, mais elle était déjà retombée dans son monde secret.

C’était le premier signe que Virginie finirait par sortir du coma un moment donné. Heureusement, c’est effectivement ce qui s’est produit.

Yves a quitté ce monde il y a 22 ans. Je peux dire que Marie a réussi à refaire sa vie. Elle et ses trois filles, qui ont évidemment atteint aujourd’hui l’âge adulte, vont bien.

Toutefois, les premières années ont été extrêmement difficiles. Il a fallu à Marie beaucoup de courage et de détermination non seulement pour trouver le désir de vivre, mais pour élever ses enfants seule, sans leur père, qui leur avait été arraché non pas par le destin, mais par un conducteur ivre et irresponsable.

La conduite avec les facultés affaiblies par l’alcool sème le désarroi chaque année dans des centaines de familles canadiennes, comme la famille de Marie. Nous avons une obligation envers les victimes de ces tragédies qui sont mortes et celles qui ont survécu : nous devons faire tout en notre pouvoir pour nous attaquer à ce que l’ancien ministre de la Justice, Peter MacKay, qualifiait de « fléau qui est à la source d’un véritable carnage sur les routes du pays. »

Honorables sénateurs, il y a une raison très simple, et non partisane, d’appuyer cet amendement qui réintégrerait le dépistage obligatoire de l’alcool dans le projet de loi C-46. C’est la raison qui a été invoquée par le Comité de la justice de la Chambre des communes lorsqu’il a recommandé le dépistage obligatoire en 2009, la raison avancée par M. Blaney en 2015 lorsqu’il a présenté le projet de loi C-226, qui prévoyait le dépistage obligatoire d’alcool, et la raison qui justifie l’empiétement minime sur les droits à la vie privée des conducteurs que cela suppose.

Cette raison est — et il n’y a pas le moindre doute là-dessus — que le dépistage obligatoire de l’alcool peut sauver des vies.

Merci.

[Français]

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Pratte, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Pratte : Oui, bien sûr.

[Traduction]

L’honorable Art Eggleton : Vos arguments sont très convaincants, sénateur, tout comme l’exemple que vous nous avez donné d’une histoire vécue.

En ce qui a trait à toute la question des droits garantis par la Charte, je crois comprendre qu’on a rapporté dans les médias hier qu’une femme qui avait été arrêtée et accusée de conduite en état d’ébriété près de Yorkton, en Saskatchewan, a été déclarée non coupable parce qu’un juge de la Cour provinciale a conclu que ses droits garantis par la Charte avaient été violés au moment de l’arrestation. La défense a notamment soutenu que le policier avait détenu la femme de 28 ans de manière arbitraire, sans motifs raisonnables.

Mis à part cela, sur le plan pratique, en ce qui concerne les vies qui pourraient être sauvées, nous avons en Ontario ce qu’on appelle le programme RIDE, dans le cadre duquel on stoppe les conducteurs systématiquement. S’il y a des motifs raisonnables à ce moment-là, on peut alors, en fait…

(1930)

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Pratte, souhaitez-vous avoir cinq minutes de plus pour répondre à la question?

Le sénateur Pratte : Oui, s’il vous plaît.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Est-ce d’accord, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Le sénateur Eggleton : Dans ces cas, on utilise donc actuellement le critère du soupçon raisonnable. Autrement dit, tous les automobilistes interceptés seraient tenus de subir le test, peu importe s’ils ont pris de l’alcool ou pas ou si l’agent a des soupçons ou non.

Selon vous, y a-t-il suffisamment de raisons de croire que de nombreuses vies seraient sauvées, malgré la violation de la Charte des droits et libertés? Un juge a déjà conclu qu’on porterait atteinte à la Charte en pareil cas. Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez?

Le sénateur Pratte : En effet, sénateur Eggleton, des recherches ont révélé que, très souvent, les agents n’arrivent pas à intercepter des conducteurs aux facultés affaiblies parce que, je suppose, ceux-ci réussissent fort bien à cacher le fait qu’ils ont bu. Par conséquent, les agents ne peuvent pas avoir des soupçons raisonnables puisqu’ils ne se rendent pas compte que les conducteurs ont les facultés affaiblies. Des recherches ont révélé que, dans la moitié des cas, les agents ne détectent pas les indices de l’affaiblissement des capacités. La raison première du dépistage obligatoire d’alcool, c’est qu’il permet de pallier les indices ratés et d’intercepter davantage de conducteurs aux facultés affaiblies que ce qui serait possible au moyen du critère des soupçons raisonnables.

L’honorable Frances Lankin : Sénateur Pratte, je vous remercie de votre intervention et de vos réflexions sur cet enjeu. Je me demande comment je vais voter sur ce projet de loi. J’ai eu de longues conversations avec le sénateur Gold et j’ai aussi parlé au sénateur Wetston. J’ai discuté brièvement avec la sénatrice Batters pour mieux comprendre les raisons pour lesquelles elle a proposé un amendement.

J’ai quatre questions. Comme je ne faisais pas partie du comité, je n’ai pas pu prendre connaissance de tous les travaux de recherche. J’ai lu quelques rapports, mais je n’ai pas encore eu l’occasion de tous les examiner. Je m’interroge au sujet de l’estimation qui veut que la moitié des cas ne soient pas détectés et de la validité de la méthode.

Que faut-il faire pour épingler davantage de gens? Je crois comprendre que des statistiques ont été présentées au comité qui indiquent que vous devez arrêter 250 000 personnes pour attraper 250 personnes dont les facultés sont affaiblies. C’est beaucoup de gens à retirer de la route, mais, en ce sens, 250 000 automobilistes représentent un nombre impossible à arrêter. On parle d’un taux d’efficacité de 1 p. 100. Est-ce que cela représente une utilisation judicieuse des ressources policières?

Nous avons certainement accompli beaucoup de choses grâce au travail de groupes de défense comme MADD et d’autres organismes qui les appuient, à des messages d’intérêt public percutants, à la participation des marchands d’alcool et des distributeurs. Est-ce que de telles mesures ont été prises dans d’autres pays ou le changement était-il tout à fait lié à l’instauration du dépistage obligatoire? Je ne connais pas la réponse à cette question. Je ne sais pas s’il y avait d’autres facteurs en jeu.

Enfin, est-ce possiblement une solution provisoire pour le dépistage du cannabis? Beaucoup de gens pensent que c’est le cas. Dans l’affirmative, ne devrions-nous pas étudier la question du dépistage de cannabis séparément du dépistage d’alcool et ne pas nous servir du dépistage d’alcool comme solution détournée?

Je suis très préoccupée. Ce n’est pas une question de constitutionnalité. Je n’ai pas assez de renseignements ici, sauf pour dire que je suis convaincue que cette option résisterait probablement à une contestation en vertu de la Charte. Je ne le sais pas avec certitude, mais je suis très préoccupée par l’accroissement des pouvoirs policiers dans le domaine des perquisitions et des saisies sans la présence du bon type de contrepoids.

Je ne suis pas sûre que les analyses coûts-avantages fournies par vous et d’autres sénateurs tiennent la route lorsque vous vous attaquez aux statistiques.

Le sénateur Pratte : Comme vous l’avez indiqué, les questions sont nombreuses. Les études que j’ai examinées ont tenu compte de tous les autres facteurs possibles. Je suis tout à fait convaincu qu’elles ont déterminé les répercussions du dépistage obligatoire d’alcool qui ont maintenant été aggravées par d’autres facteurs.

Il est vrai qu’il faut déployer un effort soutenu pour qu’il y ait des résultats. Bien sûr, tout dépend de la mise en œuvre. Une municipalité qui n’utilise pas le dépistage obligatoire d’alcool de façon aussi répandue qu’une autre n’obtiendra pas les mêmes résultats. Alors, effectivement, il faut probablement un effort soutenu de la part des policiers; je l’admets.

Pour ce qui est de profiter du dépistage obligatoire d’alcool pour faire en même temps le dépistage du cannabis, la technologie concernant le cannabis est à des kilomètres de celle qui est utilisée pour l’alcool. Cela ne risquerait pas d’arriver à court terme, selon moi. Il y a une problématique liée à l’alcool qui est très sérieuse.

L’honorable Howard Wetston : J’ai entendu les commentaires concernant l’amendement présenté par le sénateur Gold et je suis heureux que bien des éléments aient été abordés et présentés au Sénat. Je ne parlerai donc pas de ces questions. Je vais plutôt adopter une approche un peu différente quant au projet de loi C-46 et à l’amendement proposé. Si vous me le permettez, je crois que vous comprendrez bien vite où je veux en venir et pourquoi je crois que cette approche devrait être envisagée par le Sénat.

Les dispositions de la version actuelle du projet de loi ont été proposées à l’autre endroit et, si l’amendement proposé n’est pas adopté par le Sénat, le régime actuel sera maintenu, celui où les forces de l’ordre doivent avoir un motif raisonnable de soupçonner que le conducteur d’un véhicule automobile a consommé de l’alcool avant de pouvoir exiger l’administration d’un test d’alcoolémie. Maintenant, honorables sénateurs, comme vous le savez, les membres du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles avaient des opinions très variées, tout comme les juristes d’ailleurs, au sujet de la constitutionnalité du régime de dépistage obligatoire d’alcool.

Honorables sénateurs, je ne fais partie ni du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles ni du Comité permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Toutefois, j'ai passé la majeure partie de ma carrière dans la fonction publique, tout d’abord comme procureur de la Couronne en Nouvelle-Écosse — surtout à Dartmouth — et à Ottawa, au coin de Kent et de Wellington. Étant donné mon expérience à titre de procureur et devant les tribunaux, j’ai réfléchi à toutes ces questions.

En outre, j’ai eu l’honneur, comme certains d’entre vous le savent, d’être pendant six ans juge de première instance à la Cour fédérale du Canada. Pourquoi vous dis-je cela? Parce que j’ai l’expérience des affaires constitutionnelles à la fois en tant que procureur et juge de la Cour fédérale. Ce n’est pas une tâche facile, loin de là, mais vous le savez très bien.

Honorables sénateurs, on a estimé que le critère de soupçon actuel retenu pour arrêter un conducteur, l’empêcher de consulter un avocat et exiger un échantillon d’haleine violait les droits accordés en vertu de la Charte. Cela ne fait aucun doute. Toutefois, ces violations ont été jugées, selon la prépondérance des probabilités — je tiens à le souligner — comme des limites raisonnables et dont la justification peut se démontrer dans une société libre et démocratique, conformément à l’article premier de la Charte.

Cet équilibre doit être trouvé par les tribunaux dans toutes les affaires relatives à la Charte, surtout lorsque l’article premier est invoqué. Toutefois, c’est tout aussi important lorsqu’il n’est pas invoqué, par exemple, pour établir le caractère raisonnable d’une perquisition et d’une saisie.

Les gouvernements proposent souvent, comme vous le savez, des mesures législatives qui semblent, de prime abord, inconstitutionnelles. Ce n’est pas une réaction intuitive, mais on peut la ressentir comme telle. Cette incertitude est souvent réglée à partir de l’analyse de l’article premier par les tribunaux. Si vous pouviez examiner toutes les affaires comportant une perquisition et une saisie, vous n’en trouveriez pas beaucoup qui ont été réglées par une analyse aux termes de l’article premier. La plupart de ces affaires ont été réglées en fonction du caractère raisonnable de la perquisition et de la saisie. Le cas bien connu le plus récent dans ce domaine est l’arrêt Goodwin c. Colombie-Britannique (Superintendent of Motor Vehicles). Je veux attirer votre attention sur cette affaire que plutôt que dresser une comparaison entre elle et celle dont nous sommes saisis. L’arrêt portait sur une infraction réglementaire, alors que cette disposition se rapporte au droit pénal.

(1940)

Une analyse de l’article premier est immanquablement complexe, légalement intense et invariablement contextuelle. Que veux-je dire par « invariablement contextuelle »? Je veux dire que ce n’est jamais hypothétique. C’est un exercice axé sur les faits, qui ne se base pas seulement sur les opinions et les témoignages d’experts comparaissant devant un comité. Plus important encore, tous les témoins, qu’ils soient des experts ou non, sont soumis à des contre-interrogatoires, l’outil le plus précieux dans les litiges. C’est l’outil le plus précieux. C’est important, même dans les causes relevant de la Charte. C’était aussi important dans l’arrêt Goodwin, que je viens de mentionner.

Honorables sénateurs, le Sénat et ses comités ont la responsabilité de garantir que la mesure législative proposée respecte la Charte et ses valeurs. Il ne peut y avoir aucun doute là-dessus. Je ne remets pas en question le pouvoir d’apporter des amendements. Je n’en doute aucunement. Je suis d’accord avec le sénateur Pratte. Il est important d’établir la distinction entre le rôle législatif et le rôle judiciaire, et je reviendrai là-dessus.

Dans ce cas-ci, le comité sénatorial a étudié des éléments de preuve provenant de plusieurs témoins qui ont des opinions différentes sur la question de savoir si le système de dépistage obligatoire d’alcool pourrait résister à l’examen et être sauvé au sens de l’article premier de la Charte, si une analyse de l’article premier est menée.

Comme vous le savez, la principale tâche dans l’interprétation des mesures législatives, qui garantit les droits fondamentaux, qu’ils soient juridiques ou autres, et les libertés, est de concilier les droits individuels et les intérêts de la population en général. Il s’agit de considérer les droits individuels par rapport aux droits collectifs. La Charte a eu pour effet de confier aux tribunaux une bonne part de responsabilité quant au test de dépistage. Je le répète : il y a eu un transfert de la branche législative, le Parlement, à l’appareil judiciaire.

À mon avis, on devrait laisser aux tribunaux le soin d’évaluer la constitutionnalité du dépistage obligatoire d’alcool pour la simple raison qu’ils sont indépendants et objectifs et qu’ils ont l’expertise nécessaire pour s’occuper des questions de liberté, notamment les perquisitions et les saisies, le droit à un avocat et la détention. Je ne crois pas que personne ici pourrait ne pas souscrire à cette affirmation. C’est leur rôle. C’est leur domaine d’expertise.

Chers collègues, je demande votre indulgence, car j’aimerais mentionner brièvement, si je puis me permettre, trois affaires fondées sur la Charte dans lesquelles j’ai eu le privilège de rendre une décision, à l’époque où j’étais juge de la Cour fédérale. Un certain nombre de causes se sont rendues jusqu’à la Cour suprême. Je vais en mentionner trois. Vous m’excuserez ces observations, mais je peux vous dire que ces cas ont été très difficiles. On y a consacré beaucoup d’efforts. Les décisions ont été extrêmement difficiles à prendre. Je pense que vous allez tous comprendre, particulièrement les avocats dans cette enceinte.

Les trois affaires ont été portées en appel devant la Cour suprême. Je vais en parler brièvement.

La première affaire était un cas de perquisition et de saisie qui, apparemment, enfreignait l’article 8 de la Charte. J’ai effectivement conclu qu’il y avait eu violation de l’article 8 de la Charte. Il n’y a eu aucune analyse fondée sur l’article premier, et aucune loi n’était en cause. Il s’agissait d’une lettre de demande adressée aux autorités suisses. Cette décision a été maintenue par la Cour d’appel fédérale. Cependant, la Cour suprême du Canada, dans une décision rendue à cinq juges contre deux, a infirmé ma décision. Je n’en éprouve aucune rancune. Au début, oui, mais plus maintenant. Cependant, voilà où je veux en venir : deux juges ont exprimé une opinion dissidente. C’est plus ou moins le point que le sénateur Pratte essayait de faire valoir.

Le deuxième cas portait sur une autre violation de la Charte, celle-ci de l’article 3, concernant le droit de vote des détenus purgeant une peine de deux ans ou plus dans une prison fédérale. J’ai conclu que le retrait du droit de vote de ces détenus avait une portée trop générale et qu’il ne satisfaisait pas au critère de l’atteinte minimale prévu à l’article premier. Il y avait beaucoup d’éléments de preuve dans cette affaire, provenant notamment de criminologues, de philosophes et d’avocats, ainsi que des témoignages d’opinions. C’était il y a longtemps, mais je m’en souviens encore.

Dans ce cas, ma décision a été infirmée par la Cour d’appel fédérale. J’ai fait ma paix par rapport à cela aussi. Peut-être que c’est pour cette raison que j’ai quitté la magistrature. Je ne m’en souviens plus très bien.

Cela dit, la Cour suprême, dans une décision de cinq contre quatre, a infirmé la décision de la Cour d’appel. Encore une fois, ce à quoi je veux en venir, c’est que quatre juges étaient dissidents.

Le troisième cas portait sur une violation alléguée du paragraphe sur le droit à l’égalité, le paragraphe 15(1) de la Charte, concernant l’application d’un article de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique lors des concours publics pour divers postes au sein de la fonction publique. J’ai conclu qu’il y avait eu violation du paragraphe 15(1), mais j’ai soutenu que la loi pouvait se justifier en vertu de l’article premier de la Charte. J’ai effectué une analyse fondée sur l’article premier.

La Cour d’appel fédérale a rejeté l’appel, tout comme la Cour suprême du Canada, dans une décision de six contre trois. J’en ai été fort satisfait. Sénateur Dalphond, laissons ma satisfaction de côté. Une fois de plus, l’élément à retenir, c’est que trois juges étaient dissidents. Dans chacun de ces cas, il y a eu des jugements dissidents. À quoi est-ce que je veux en venir?

Si je mentionne ces cas, ce n’est pas pour revivre mon passé. C’est pour souligner le fait que statuer sur des litiges constitutionnels est difficile et complexe, mais également que les résultats sont hautement imprévisibles. Dans les trois cas, il y a eu des opinions dissidentes, ce qui n’est pas sans rappeler ce qu’a expérimenté le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles lorsqu’il a amendé l’article 5 du projet de loi C-46. Si l’article 5 n’avait pas été amendé, il est possible que le dépistage obligatoire d’alcool ait pu être justifié en vertu de l’article premier de la Charte. Ceci devrait clairement ressortir des litiges constitutionnels que j’ai mentionnés.

Évidemment, si le projet de loi C-46 est adopté sans la disposition sur le dépistage obligatoire d’alcool, les tribunaux n’auront pas l’occasion de déterminer sa constitutionnalité comme ce devrait être le cas, puisque c’est le rôle du système judiciaire.

Les contestations en vertu de la Charte donnent rarement lieu à des décisions sans équivoque. Les gens qui sont assez bien informés ne sont pas tous du même avis sur ces enjeux, et il en va de même des juges, y compris à la Cour suprême du Canada. En outre, dans le cas où les juges seraient d’avis que le dépistage obligatoire d’alcool n’est pas une limite raisonnable dont la justification peut se démontrer, ils pourraient accorder du temps au Parlement pour modifier la loi, comme c’est souvent le cas, et ils pourraient même, comme ils le font parfois, fournir un jugement assez détaillé pour guider le gouvernement et lui indiquer quel genre de disposition serait acceptable et n’empiéterait pas trop sur les droits et libertés des personnes. Nous devrions donner l’occasion aux tribunaux de se prononcer.

Quelles que soient les décisions de première instance, elles pourront être confirmées ou invalidées par la suite. Le système juridique démocratique du Canada comprend un filet de protection puisqu’il est possible de faire appel. L’interprétation est importante, mais l’application de la loi peut l’être encore davantage. On peut interpréter la Charte, mais la question cruciale est celle de son application. C’est un point important sur lequel je dois insister. On peut interpréter la Charte, mais c’est son application qui est cruciale. Selon moi, c’est ce qui engendre des opinions dissidentes.

Par conséquent, il est probable que le dépistage obligatoire d’alcool sera contesté. Il est fort probable que ce sera le cas si le projet de loi est adopté avec sa disposition sur le dépistage obligatoire d’alcool. Or, comme vous le savez, les tribunaux considèrent souvent les rapports détaillés et de très grande qualité produits par le Sénat ainsi que d’autres ouvrages pour pouvoir porter un jugement éclairé dans les cas de contestation en vertu de la Charte. Les tribunaux prendront connaissance du travail accompli par le Sénat. Ils liront les rapports pour savoir comment interpréter les dispositions adoptées ainsi que l’amendement proposé par le sénateur Gold. Les honorables sénateurs devraient garder à l'esprit cette probabilité.

Honorables sénateurs, lorsque le gouvernement a présenté de bonne foi un projet de loi qui, à première vue, pourrait empiéter sur les droits et libertés garantis par la Charte et qu’il est clair que les questions de l’atteinte minimale aux droits et de la proportionnalité se posent, je crois qu’il est préférable de permettre au système judiciaire de trancher la question. Je crois que c’est une approche démocratique, parce qu’elle est conforme à la nature du système judiciaire de notre pays. Ce que je veux dire, c’est qu’il est préférable de permettre aux tribunaux de prendre cette décision.

(1950)

On dit souvent que les tribunaux devraient s’en remettre au Parlement. Il s’agit d’un cas où le Parlement devrait s’en remettre aux tribunaux, parce qu’il n’a pas les compétences constitutionnelles nécessaires. Ils peuvent entendre la cause. Ils peuvent recevoir les éléments de preuve. Ils peuvent faire que des témoins soient contre-interrogés par les avocats. Une bonne part du débat de la cour sur le traitement de l’article premier de la Charte portait sur la question du renvoi, mais dans l’autre sens.

Quand les tribunaux devraient-ils intervenir? Quand les tribunaux devraient-ils s’en remettre au Parlement? Ce n’est pas ce que l’on nous demande dans le cas présent. Il se peut que les tribunaux ne soient pas appelés à tracer la ligne entre la protection des droits de la personne et le respect du Parlement de gouverner dans l’intérêt public si le dépistage obligatoire d’alcool n’est pas mis en place. Cette possibilité pourrait ainsi s’envoler alors qu’elle ne le devrait pas. Si les tribunaux ont l’occasion de se pencher sur l’atteinte minimale et la proportionnalité, ils pourront trouver un objectif légitime à la loi. Si ce n’est pas le cas, elle sera rejetée.

Comme je l’ai mentionné, les tribunaux demandent un dossier factuel considérable. C’est important, parce que tout dépend toujours du contexte. Par le passé, la Cour suprême…

Son Honneur le Président : Je suis désolé de vous interrompre, sénateur Wetston, mais demandez-vous cinq minutes de plus?

Le sénateur Wetston : Oui.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Le sénateur Wetston : Par le passé, la Cour suprême a dit clairement que le contexte précis d’une cause est d’importance fondamentale dans l’application de l’article premier de la Charte.

Honorables sénateurs, le Sénat a-t-il tous les faits nécessaires? À cet égard, plutôt que de demander aux tribunaux de s’en remettre au Parlement, comme je l’ai dit, le Parlement devrait s’en remettre aux tribunaux. Par conséquent, j’appuierai l’amendement du sénateur Gold.

Son Honneur le Président : Sénateur Wetston, accepteriez-vous de répondre à une question?

[Français]

L’honorable Claude Carignan : En 2017, le Bureau de la sécurité des transports, dans un rapport préparé à la suite d’un accident d’avion de la compagnie Carson Air, recommandait d’étendre aux pilotes d’avion les tests aléatoires de dépistage d’alcool et de drogues. Le Code criminel peut s’appliquer aux pilotes d’avion, aux ingénieurs de train et aux conducteurs de bateau en ce qui a trait à la conduite avec facultés affaiblies. Croyez-vous qu’on devrait étendre les tests de dépistage aléatoires aux titulaires de ces postes?

[Traduction]

Le sénateur Wetston : Il est difficile de répondre à cette question à la lumière de ce qui est proposé actuellement. Il me semble qu’il est question très précisément des conducteurs d’automobile, et nous avons tous reconnu que les automobiles peuvent être comme des armes, comme le sénateur Pratte l’a souligné. Ainsi, je crois que votre suggestion exigerait une connaissance approfondie de ce qui est déjà en place aujourd’hui. Je m’attendrais au moins à ce qu’une personne qui occupe les fonctions que vous décrivez puisse faire l’objet de mesures visant à s’assurer qu’elle n’a pas les facultés affaiblies dans l’exercice de ses fonctions.

Je crois que ce qu’il faut retenir, sénateur Carignan, c’est simplement que les données sur les morts liées à la conduite automobile sur nos routes sont très convaincantes. D’autres sénateurs en ont parlé. Les tribunaux ont constamment fait allusion à ce genre de données associées aux programmes de lutte contre l’alcool au volant. D’ailleurs, si vous examinez la décision rendue dans l’affaire Goodwin, vous constaterez, encore une fois, que les données citées à cet égard sont convaincantes.

Soulignons que, dans l’affaire Goodwin, la cour a rendu une décision majoritaire avec une voix dissidente. La voix dissidente venait de la juge en chef McLachlin, et il n’y a pas eu d’analyse selon l’article premier. Ce qu’il faut retenir, c’est que c’est là-dessus qu’il faut trancher. C’est ce qu’il faut déterminer. Dans certaines circonstances, les tribunaux pourraient conclure que le seuil minimal à l’égard des facultés affaiblies n’a pas été respecté. Je reviens sur ce que j’ai dit auparavant. Dans le contexte de cet amendement, je crois qu’il est tout à fait normal de considérer la sécurité publique comme un aspect primordial, mais d’autres sénateurs ont reconnu et souligné l’importance de mettre en place d’autres mesures de surveillance pour éviter d’autres situations malheureuses.

(Sur la motion du sénateur Mercer, au nom du sénateur Joyal, le débat est ajourné.)

Projet de loi visant à mettre fin à la captivité des baleines et des dauphins

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Sinclair, appuyée par l’honorable sénateur Gold, tendant à la troisième lecture du projet de loi S-203, Loi modifiant le Code criminel et d’autres lois (fin de la captivité des baleines et des dauphins), tel que modifié.

L’honorable Dan Christmas : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui pour parler brièvement du projet de loi d’intérêt public présenté par le sénateur Wilfred Moore, le projet de loi S-203, qui vise à mettre fin à la captivité des baleines et des dauphins.

Je tiens à saluer et à remercier notre collègue, l’honorable sénateur Sinclair, qui a accepté de parrainer le projet de loi après le débat à la retraite du sénateur Moore.

Le projet de loi S-203 est important pour moi à bien des égards. En effet, il a été la première mesure législative que j’ai étudiée à mon arrivée au Sénat, au début de l’an dernier.

J’ai eu l’occasion d’apprendre comment se déroule l’étape de l’étude en comité lorsque le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans a procédé à l’examen du projet de loi dont nous sommes saisis. J’en suis fort reconnaissant.

Par ailleurs, le projet de loi S-203 a des conséquences imprévues sur les communautés autochtones, car, à moins d’y ajouter une disposition de non-dérogation, il porte atteinte aux droits de pêche des Autochtones protégés par l’article 35 de la Constitution.

Enfin, et c’est peut-être le plus important, le comité, durant son étude du projet de loi S-203, a découvert fortuitement que les projets de loi d’initiative parlementaire à la Chambre et les projets de loi d’intérêt public au Sénat ne sont nullement assujettis à l’obligation de consulter les peuples autochtones.

À mes yeux, il s’agit d’une grave lacune en ce qui a trait à l’engagement du Parlement de tenir des consultations. J’ai remarqué notamment la résistance des fonctionnaires du ministère des Pêches et des Océans à entreprendre des consultations pour autre chose que les affaires émanant du gouvernement.

Je tiens à préciser que, alors que nous nous efforçons de comprendre et de déterminer comment le Sénat favorisera la réconciliation avec les Autochtones, il faut absolument que l’ensemble du Parlement et du gouvernement accepte volontiers l’obligation de consulter les Autochtones.

Honorables collègues, j’ai donc trouvé l’examen du projet de loi extrêmement instructif. Si je puis éclairer davantage le Sénat aujourd’hui, je suggère que l’étude du projet de loi S-203 n’a été rien de moins qu’historique.

En consultation avec la Bibliothèque du Parlement, nous avons appris que le comité permanent a tenu 18 réunions et entendu 34 témoins dans le cadre de son étude du projet de loi S-203, ce qui correspond au plus grand nombre de réunions organisées et de témoins entendus pour l’étude d’un projet de loi d’intérêt public émanant du Sénat par le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans depuis la 35e législature il y a 20 ans.

De plus, l’étude du projet de loi et sa progression au Sénat ont été lentes et laborieuses. Comme le sénateur Sinclair nous l’a rappelé, plus de 29 mois se sont écoulés à ce jour.

Je ne prétends pas encore être un parlementaire aguerri, mais je sais qu’un débat constructif au comité et au Sénat est tout à fait essentiel pour comprendre efficacement les affaires parlementaires, conformément à nos fonctions constitutionnelles.

Pour ces raisons, je suis heureux que le projet de loi progresse et je me réjouis de pouvoir parler de ses dispositions ce soir.

(2000)

Ce n’est un secret pour personne : malgré les efforts herculéens que nous avons déployés pour entendre le plus de témoins possible, le comité n’a pas réussi à établir un consensus clair et absolu à propos du fait que la captivité, à elle seule, causerait des dommages.

Permettez-moi toutefois de vous présenter mon point de vue d’Autochtone. Dans le milieu où j’ai grandi, on nous apprenait toujours que les animaux étaient nos frères et nos sœurs. Ce sont des êtres vivants comme nous. Ils ont leurs propres esprits. Ils ont leur propre famille. Ils ont leur propre langage. Quand j’y pense de ce point de vue, je considère les cétacés comme des égaux.

Compte tenu de ce constat, alors que j’écoutais les questions et les témoignages des nombreux témoins, je tentais de former ma propre opinion sur les facteurs à utiliser pour trancher cette question. Un grand nombre des arguments reposaient sur le besoin des êtres humains d’étudier les espèces. Pourtant, étant donné mon expérience imprégnée de ma culture, j’ai de la difficulté avec l’autre côté de la médaille : j’aimerais qu’il soit possible d’obtenir le témoignage d’un cétacé.

Si nous pouvions poser ces questions à un cétacé, nous effacerions tous les doutes. Nous n’aurions plus à consulter des scientifiques et des témoins. Lorsque je considère la question du point de vue opposé, lorsque je vois les cétacés comme des objets auxquels nous pouvons imposer notre volonté, alors c’est nous qui leur dictons comment vivre et qui décidons de leur sort.

Si je les imagine comme des objets, oui, il est logique de les enfermer dans des enclos et de les utiliser pour la recherche et l’éducation. Toutefois, quelque chose me dit, dans mon cœur et dans mon esprit, que ce n’est pas une bonne approche. Nous devons vraiment considérer les cétacés comme nos égaux, comme des êtres vivants. Si je pouvais poser une question à un béluga, je crois que ce serait la suivante : « Qu’est-ce qui est préférable pour votre famille? » Je serais curieux de découvrir la réponse, mais il est évidemment impossible de le savoir.

Comme l’a dit Albert Einstein :

Notre tâche doit être de nous libérer nous-même de cette prison en étendant notre cercle de compassion pour embrasser toutes créatures vivantes et la nature entière dans sa beauté.

À propos de compassion, je souhaite revenir quelque peu au point de vue des Autochtones. Pendant les travaux du comité, il a été question de la chasse à la baleine. Je conviens que la chasse cause une certaine souffrance à l’animal mais, dans la culture autochtone, la chasse se déroulait toujours dans un climat de respect et était parfois entourée de traditions et de cérémonies. Dans nos communautés, nous étions reconnaissants qu’une créature ait donné sa vie pour assurer notre subsistance. Nous sommes conscients que la souffrance fait partie intégrante de la chasse, tout comme la mort, malheureusement.

C’est une chose, selon moi, qu’un animal donne sa vie dans ce contexte. C’est toutefois une autre histoire de garder un animal en captivité pendant une longue période dans le seul but de mener des recherches ou de l’utiliser à des fins éducatives, car ce scénario va à l’encontre de la dignité et du respect que méritent l’animal et sa liberté.

Ces réflexions ont trouvé écho dans le rapport final de la Commission de vérité et réconciliation, où on peut lire ceci :

La réconciliation entre les Canadiens autochtones et non autochtones, du point de vue des Autochtones, exige aussi une réconciliation avec le monde naturel. Si les humains règlent les problèmes entre eux, mais continuent de détruire le monde naturel, la réconciliation sera inachevée. C’est un point de vue que nous, en tant que commissaires, entendons à maintes reprises : la réconciliation n’aura pas lieu à moins que nous ne soyons également réconciliés avec la planète. Les lois micmaques et les autres lois autochtones insistent sur le fait que les humains doivent parcourir les étapes de la vie en conversant et en négociant avec toutes les créatures. La réciprocité et le respect mutuel aident à assurer notre survie.

En terminant, je souhaite vous rappeler la sagesse du mahatma Gandhi, à qui l’on doit ces paroles :

La grandeur et le progrès moral d’une nation se mesurent à la façon dont elle traite ses animaux.

Je vous invite à démontrer un engagement commun à l’égard de l’excellence et du progrès moral en adoptant le projet de loi S-203, qui vise à mettre fin sans plus tarder à la capture de baleines et de dauphins.

Honorables collègues, au nom du sénateur Sinclair, je demande respectueusement que nous réglions sans plus tarder la question de cette mesure législative en tenant un vote d’ici la fin de la journée demain. Wela’lioq. Merci.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, au nom du sénateur Sinclair, le débat est ajourné.)

Examen de la réglementation

Adoption du quatrième rapport du comité mixte

Le Sénat passe à l’étude du quatrième rapport, tel que modifié, du Comité mixte permanent d’examen de la réglementation, intitulé Accessibilité des documents incorporés par renvoi dans les règlements fédéraux — Réplique à la Réponse du Gouvernement au 2e rapport du Comité, présenté au Sénat le 22 mai 2018.

L’honorable Joseph A. Day (leader des libéraux au Sénat) propose que le rapport soit adopté.

— Honorables collègues, il est question d’un examen de la réglementation qui est en cours depuis un certain temps. Les sénateurs qui siègent au Comité mixte permanent d’examen de la réglementation — je vois quelques collègues qui sont au courant de la situation — savent que la question semble traîner depuis très longtemps. C’est inexcusable. Dans ce rapport, on demande l’adoption des conclusions qui y sont consignées et on demande que la ministre responsable soit tenue de fournir une réponse exhaustive à des questions qui touchent le public de très près.

Je vais vous donner un peu de contexte dans un domaine que nous n’étudions pas très souvent, c’est-à-dire les dispositions réglementaires par opposition aux dispositions législatives.

Au début de notre vie, nous avons tous appris que l’ignorance de la loi ne constitue pas une excuse valable. Cet adage juridique remonte au droit romain, en fait. Il figure dans nos propres lois. Par exemple, l’article 19 du Code criminel prévoit que « [l]’ignorance de la loi chez une personne qui commet une infraction n’excuse pas la perpétration de l’infraction ».

(2010)

Ce principe s’applique non seulement aux lois du Canada, qui ont toutes été débattues et adoptées par les deux Chambres. Il s’applique aussi avec la même force aux règlements adoptés par les ministères. Ces règlements sont pris par le gouvernement en fonction des pouvoirs que nous conférons dans les projets de loi que nous adoptons au Parlement. Par exemple, nous avons longuement étudié le projet de loi C-45, la mesure législative sur le cannabis. Il contient des annexes pouvant être modifiées par le gouvernement grâce au pouvoir de réglementer que nous lui donnons dans le projet de loi.

Par exemple, le paragraphe 151(1) du projet de loi C-45 dit ce qui suit :

Le gouverneur en conseil peut, par décret, modifier les annexes 1 ou 2 par adjonction ou par suppression de tout ou partie d’un article.

Dans les deux annexes figure une liste de ce qui est et ce qui n’est pas considéré comme du cannabis. Le gouvernement peut modifier ces annexes ou listes de produits sans avoir à demander l’accord des parlementaires.

Les Canadiens sont censés savoir ce que contiennent ces annexes, même lorsqu’elles sont modifiées en douce par règlement. Le fait d’ignorer la loi n’est pas une excuse valable pour enfreindre un règlement. Ce principe a été clairement énoncé dans la décision que la Cour suprême du Canada a rendue en 1980 dans l’affaire R. c. Molis. M. Molis était copropriétaire d’une entreprise qui exploitait un laboratoire. En 1975, il a commencé à produire une drogue connue sous le nom de MDMA. À l’époque, cette drogue ne figurait pas dans la liste des drogues d’usage restreint à l’annexe H de la Loi sur les aliments et drogues, mais, en juin de l’année suivante, elle a été ajoutée à l’annexe par voie de règlement, et la modification a été publiée dans la Gazette du Canada. Deux mois plus tard, M. Molis a été arrêté, accusé et reconnu coupable de trafic d’une drogue d’usage restreint.

Pendant son procès, il a déclaré ignorer que cette drogue avait été ajoutée à l’annexe H. Il a demandé au juge de présenter des éléments de preuve montrant qu’il avait tenté de savoir s’il avait légalement le droit de fabriquer de la MDMA et qu’il avait été aussi rigoureux que possible. Le juge a rejeté sa requête en ces termes :

[…] l’ignorance de l’accusé quant à l’état de la loi, des règlements et de l’annexe pendant toute la période mentionnée dans l’acte d’accusation, ne constitue pas un moyen de défense, et […] la preuve que l’on veut produire pour démontrer cette ignorance et toutes les mesures que l’accusé a prises pour connaissance de la loi, est irrecevable.

M. Molis a fait appel, mais la Cour d’appel de l’Ontario a conclu que « [l]e juge du procès n’a pas commis d’erreur en refusant de soumettre au jury la défense d’ignorance de la loi ». M. Molis s’est ensuite adressé à la Cour suprême du Canada, qui l’a finalement débouté à l’unanimité.

S’exprimant au nom des autres juges, le juge Lamer a passé en revue les faits en cause. Quand est venu le temps de déterminer si l’ignorance de la loi peut constituer une défense légitime contre une accusation criminelle, il a simplement écrit que, à son avis, « ce moyen de défense n’existe pas ».

Chers collègues, tous les Canadiens sont donc présumés être au courant de la loi, ce qui englobe les règlements et les mesures législatives que nous adoptons ici. Ils sont punis s’ils enfreignent la loi, et il est donc logique qu’ils aient aisément accès à la loi. Ils devraient pouvoir consulter toute la documentation ou les publications leur permettant de connaître la loi à laquelle ils sont censés obéir.

Depuis quelques années déjà, le Comité mixte permanent d’examen de la réglementation cherche à déterminer si les Canadiens peuvent, moyennant un effort raisonnable, se renseigner sur l’ensemble des lois fédérales issues du processus réglementaire. Il s’est notamment intéressé à ce qu’on appelle l’« incorporation par renvoi ». Grâce à ce procédé, un document ou une liste en particulier sont réputés faire partie d’un règlement donné même s’ils n’y sont pas joints physiquement. Il s’agit, la plupart du temps, d’un document ou d’une liste créés par un tiers hors de l’appareil gouvernemental.

Permettez-moi de vous donner un exemple. Transports Canada dispose d’un règlement détaillé sur le transport des marchandises dangereuses. Ce règlement porte notamment sur les bouteilles à gaz cylindriques pour le propane et il contient même une disposition spéciale sur les bouteilles de ce genre utilisées dans les montgolfières. L’article 1.50 du règlement prévoit que les règles normales régissant le transport des bouteilles à gaz cylindriques pour le propane ne s’appliquent pas si ces bouteilles sont utilisées dans une montgolfière, à condition qu’elles soient fabriquées, sélectionnées et utilisées conformément à la norme CSA B340, à l’exception de l’article 5.3.1.4 de cette norme. On s’attend à ce que les citoyens canadiens se conforment à ce règlement.

Le citoyen pourrait donc se demander : « En quoi consiste la norme CSA B340 et que dit l’article 5.3.1.4? » L’acronyme CSA désigne l’Association canadienne de normalisation. Cette association élabore des normes dans 57 domaines et elle se compose de représentants de l’industrie, du gouvernement et de groupes de consommateurs. La norme CSA B340 est un document de 70 pages, qui s’intitule « Sélection et utilisation de bouteilles à gaz cylindriques et sphériques, tubes et autres contenants pour le transport des marchandises dangereuses ».

Tout le document a été intégré au Règlement sur le transport des marchandises dangereuses. Il a force de loi, et nous sommes tous censés nous y conformer. Il doit être respecté, mais il n’est pas possible de l’obtenir auprès du gouvernement. Il n’est même pas disponible en ligne. Le seul endroit où on peut l’obtenir, c’est sur le site web de l’Association canadienne de normalisation, au coût de 157 $. À moins que je sois prêt à payer 157 $, je ne peux même pas vous dire ce que contient ce document.

D’autres règlements du gouvernement renvoient à des documents que d’autres associations ou groupes ont créés. Par exemple, Transports Canada a aussi des règlements sur les sonomètres. Ces instruments doivent se conformer aux spécifications contenues dans un document intitulé « Norme internationale CEI 61672-1:2002 ». Il est possible de l’obtenir auprès de la Commission électrotechnique internationale, dont les bureaux se trouvent à Genève, en Suisse. Il est possible de se procurer le document sur le site web de la commission, au coût de 240 dollars américains. Est-il raisonnable de demander à un citoyen canadien de payer un tel prix à un organisme étranger afin de se conformer à la loi canadienne? C’est la question que vous devriez poser.

Le Comité mixte permanent de l’examen de la réglementation a décelé d’autres problèmes, dont le fait que, dans bien des cas, les documents intégrés dans des règlements ne sont pas publiés dans les deux langues officielles.

(2020)

Par exemple, Environnement et Changement climatique Canada a des règlements régissant les tests de produits pétroliers. Ces règlements renvoient au document D3231-13, intitulé « Standard Test Method for Phosphorus in Gasoline ». On peut l’obtenir auprès d’ASTM International, située en Pennsylvanie, aux États-Unis, pour 46 $ américains, mais il est en anglais seulement.

Le rapport du Comité mixte permanent d’examen de la réglementation met en doute le fait que les documents incorporés dans les règlements par renvoi soient vraiment accessibles à tous les Canadiens s’ils sont disponibles dans une seule langue, et pose la question de savoir si le montant qu’ils doivent payer pour connaître la loi est raisonnable. Le comité a été incapable de déterminer les critères que les divers ministères appliquent afin de répondre aux questions suivantes : le document est-il bilingue, ou pouvons-nous le traduire? Qu’en est-il des coûts? Devrait-on payer 1000 $ ou 200 $ pour obtenir un document? Il semble n’y avoir aucune norme.

Chers collègues, je vous exhorte à jeter un coup d’œil à ce rapport, dans lequel vous trouverez l’historique du dossier. C’est la deuxième fois que nous présentons cette question à la ministre de la Justice. La première fois, la ministre ne semblait pas émue par nos inquiétudes. Nous avons convoqué des représentants au comité, puis, à la suite de ces comparutions, nous avons produit un rapport. Vous en êtes actuellement saisis. Les recommandations se trouvent dans ce quatrième rapport. Plus important encore — ou tout aussi important —, nous demandons à la ministre de la Justice de nous donner une réponse satisfaisante relativement à ces questions.

Par exemple, l’une des recommandations demande que le gouvernement étudie les moyens de réduire l’incorporation par renvoi de documents unilingues ou payants dans les règlements fédéraux — la norme devrait être de réduire cette pratique à un strict minimum — et établisse une directive applicable à l’ensemble des autorités réglementaires soulignant les diverses exigences que je viens de mentionner. L’une de ces exigences, c’est que l’autorité réglementaire justifie, à même le Résumé d’étude d’impact de la réglementation qui accompagne le règlement, son utilisation d’un document qui n’est pas bilingue ou qui n’est pas gratuit.

C’est le genre de recommandations que nous faisons. J’ai passé du temps à vous expliquer les motivations de ces recommandations pour que vous puissiez comprendre ce domaine du droit dont on ne parle pas souvent — certainement pas au Sénat ou même ailleurs. Nous avons certains collègues qui siègent à ce comité, et c’est une partie importante du travail que doit faire le Parlement. Lorsque nous adoptons un projet de loi au Sénat, on voit souvent les différentes dispositions qui stipulent que, par exemple, le gouverneur en conseil, le ministre ou le Cabinet peuvent déterminer, par renvoi ou par un autre moyen, certains règlements. Cela demeure une partie importante de la surveillance que nous devons exercer.

Honorables sénateurs, j’espère que vous appuierez le comité en ce qui a trait à ce rapport en particulier. Dans le cadre du rapport, nous demandons à la ministre de réagir avec des actions concrètes, dans le délai prévu dans le Règlement. Merci, honorables sénateurs.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Peuples autochtones

Budget—L’étude sur les nouvelles relations entre le Canada et les Premières Nations, les Inuits et les Métis—Adoption du treizième rapport du comité

Le Sénat passe à l’étude du treizième rapport du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones (Budget supplémentaire—étude sur les nouvelles relations entre le Canada et les Premières Nations, les Inuits et les Métis), présenté au Sénat le 6 juin 2018.

L’honorable Lillian Eva Dyck : propose que le rapport soit adopté.

— Honorables sénateurs, ce rapport est une demande de budget pour effectuer une mission d’information et pour les audiences publiques dans l’Arctique de l’Ouest prévues par notre comité au début de septembre, avant notre retour. Il s’agira de la suite de l’étude visant à déterminer à quoi pourrait ressembler une nouvelle relation de nation à nation entre les Premières Nations, les Inuits, les Métis et le Canada.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Le Sénat

Les politiques et mécanismes pour répondre aux plaintes contre les sénateurs et sénatrices en matière de harcèlement—Interpellation—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénatrice McPhedran, attirant l’attention du Sénat sur l’importante occasion qui nous est offerte de revoir nos principes et procédures pour que le Sénat ait les politiques et mécanismes les plus solides et les plus efficaces possible pour répondre aux plaintes contre les sénateurs et sénatrices en matière de harcèlement sexuel ou d’autres formes de harcèlement.

L’honorable Rosa Galvez : Honorables collègues, j’interviens à propos de l’interpellation no 26, concernant les politiques et mécanismes pour répondre aux plaintes de harcèlement.

Bien trop souvent, on m’a demandé si ma carrière réussie d’ingénieure et de chercheuse s’était déroulée sans heurts et comme un long fleuve tranquille. Vous savez déjà que ce n’est pas le cas. Les défis que présentent l’acquisition de concepts difficiles et abstraits et l’utilisation d’outils mathématiques n’étaient rien par rapport à ceux que présente la survie dans un monde dominé par les hommes.

Malheureusement, tout au long de mes études et de ma carrière d’ingénieure, j’ai été témoin de cas de harcèlement, d’intimidation et de dénigrement à l’encontre de jeunes femmes et de jeunes hommes par des gens en position d’autorité. J’ai été témoin d’abus physiques et psychologiques commis par des brutes et des narcissiques. J’ai été témoin de moqueries et de commentaires racistes de la part de supérieurs à l’égard d’étrangers. J’ai été témoin de conduites douteuses aux plans déontologique et moral.

Dans mon cheminement de carrière, j’ai fait l’expérience d’intimidation et de menaces de la part de mes pairs qui craignaient d’être en concurrence avec moi. J’ai refusé de céder. Je me suis battue et j’ai défendu mon espace vital comme s’il s’agissait d’un passage rituel dans une jungle que je devais conquérir.

Le harcèlement est, malheureusement, endémique dans certaines institutions, surtout lorsqu’il y a un déséquilibre des pouvoirs dans la relation. Dans ces situations, ceux qui ont le pouvoir peuvent, sciemment ou pas, en abuser sous la forme d’intimidation, de commentaires inappropriés ou de menaces explicites ou subtils. Cela crée des milieux de travail hostiles et non productifs. De plus, ces situations finissent par coûter très cher à la société parce qu’elles entraînent un stress psychologique, des conflits ou la perte de travailleurs compétents et qualifiés.

Ce n’est pas une fatalité, honorables sénateurs. C’est une erreur de perpétuer ce modèle.

Il est temps de changer de paradigme, mesdames et messieurs les sénateurs. Nous devons changer les mentalités et transformer la structure organisationnelle des milieux de travail, qui doivent être modernisés.

(2030)

La quête du profit et la réussite à tout prix doivent être remplacées par la poursuite d’un but et d’une mission, la structure organisationnelle hiérarchique par le réseautage, l’avancement du travail fondé sur les contrôles par l’habilitation des travailleurs, la planification exhaustive par les essais et la prise de décisions dans le secret et la confidentialité par le débat ouvert et transparent.

Les études montrent que le milieu de travail est plus efficace et plus agréable quand les gens sont autonomes et traités de manière égale et quand ils peuvent y trouver leur mission, leur vocation, leur motivation et leur valeur sociale.

Le changement de la culture qui règne dans un milieu de travail commence par la direction. Les dirigeants efficaces savent comment obtenir le meilleur de leurs employés, comment les encourager à travailler efficacement et comment favoriser leur croissance professionnelle. Ils savent comment gérer leur personnel et comment reconnaître et régler les problèmes de harcèlement. Qui plus est, les dirigeants efficaces savent comment gérer leur personnel sans être tyranniques, faire de cinéma, persécuter ou intimider. Pour pouvoir s’attaquer à la source du harcèlement, il faut savoir reconnaître certains comportements chez soi et chez ses collègues.

La prévention du harcèlement en milieu de travail est la première étape en vue de l’élimination du harcèlement dans la société en général. Même si la culture commence à changer dans les milieux de travail, certains comportements jugés « acceptables » pendant des décennies n’ont pas disparu. Ils doivent cesser.

Par conséquent, j’appuie l’interpellation no 26 et j’espère que vous en ferez autant. Merci beaucoup.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

(Sur la motion du sénateur Gold, au nom de la sénatrice Coyle, le débat est ajourné.)

Énergie, environnement et ressources naturelles

Autorisation au comité de reporter la date du dépôt de son rapport final sur les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone

L’honorable Rosa Galvez, conformément au préavis donné le 5 juin 2018, propose :

Que, nonobstant les ordres du Sénat adoptés le jeudi 10 mars 2016 et le mardi 26 septembre 2017, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles concernant son étude sur la transition vers une économie à faibles émissions de carbone soit reportée du 30 juin 2018 au 31 décembre 2018.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

Transports et communications

Autorisation au comité de reporter la date du dépôt de son rapport final sur les nouvelles questions liées à son mandat et les lettres de mandat ministérielles

L’honorable David Tkachuk, conformément au préavis donné le 6 juin 2018, propose :

Que, nonobstant l’ordre du Sénat adopté le mardi 31 octobre 2017, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent des transports et des communications relativement à son étude sur les nouvelles questions liées à son mandat et les lettres de mandats ministériels soit reportée du 30 juin 2018 au 28 juin 2019.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

Sécurité nationale et défense

Autorisation au comité de déposer son rapport sur les questions relatives à la création d’un système professionnel, cohérent et défini pour les anciens combattants lorsqu’ils quittent les Forces armées canadiennes auprès du greffier pendant l’ajournement du Sénat

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition), conformément au préavis donné le 6 juin 2018, propose :

Que le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer auprès du greffier du Sénat, au plus tard le 22 juin 2018, son rapport sur les questions relatives à la création d’un système professionnel, cohérent et défini pour les anciens combattants lorsqu’ils quittent les Forces armées canadiennes, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

Droits de la personne

Autorisation au comité de tenir occasionnellement des réunions à huis clos concernant l'étude du projet de loi C-65

L’honorable Wanda Elaine Thomas Bernard, conformément au préavis donné plus tôt aujourd’hui, propose :

Que, nonobstant l’article 12-15(2) du Règlement,  le Comité sénatorial permanent des droits de la personne soit habilité à tenir des séances à huis clos, de façon occasionnelle, pour entendre des témoignages et recueillir des informations particulières ou délicates dans le cadre de son étude, autorisée par le Sénat le 7 juin 2018, sur le projet de loi C-65, Loi modifiant le Code canadien du travail (harcèlement et violence), la Loi sur les relations de travail au Parlement et la Loi no 1 d’exécution du budget 2017.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

(À 20 h 35, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)

Haut de page