Débats du Sénat (Hansard)
1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 249
Le jeudi 12 décembre 2024
L’honorable Raymonde Gagné, Présidente
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- Les affaires mondiales
- La sécurité publique
- Régie interne, budgets et administration
- Le revenu national
- Le patrimoine canadien
- Le Cabinet du premier ministre
- La sécurité publique
- Les affaires mondiales
- Les finances
- La sécurité publique
- Les services publics et l’approvisionnement
- La santé
- L’Association parlementaire Canada-Europe
- ORDRE DU JOUR
- Les travaux du Sénat
- Projet de loi concernant un congé fiscal pour l’ensemble des Canadiens
- Projet de loi de crédits no 4 pour 2024-2025
- Projet de loi sur la Commission d’examen des erreurs du système judiciaire (Loi de David et Joyce Milgaard)
- La sanction royale
- La justice
- Le Sénat
- Le discours du Trône
- L’ajournement
- La Loi sur les aliments et drogues
- Les travaux du Sénat
LE SÉNAT
Le jeudi 12 décembre 2024
La séance est ouverte à 14 heures, la Présidente étant au fauteuil.
Prière.
[Traduction]
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
Hommages
L’honorable Jean-Guy Dagenais
L’honorable Scott Tannas : Timide, réservé, effacé, silencieux... honorables sénateurs, si quelqu’un utilisait ces termes pour décrire le sénateur Dagenais, je lui répondrais qu’il n’a jamais rencontré Jean-Guy Dagenais.
Aujourd’hui, nous rendons hommage à notre collègue et ami le sénateur Jean-Guy Dagenais. Nommé au Sénat en 2012 par le premier ministre Harper, le sénateur Dagenais est ouvertement un fier Québécois et un fier Canadien, et il a représenté sa province avec honneur et distinction. Son expérience dans la police et à la tête de l’Association des policières et policiers provinciaux du Québec a fait de lui un de nos experts pour tout ce qui touche la sécurité.
Quiconque connaît Jean-Guy sait trois choses avec certitude : premièrement, on peut sortir un gars de la police, mais on ne peut jamais sortir la police du gars. Le sénateur Dagenais est l’un des héros méconnus — l’un des miens en tout cas — de la fusillade qui a ébranlé la Colline du Parlement le 22 octobre 2014. Cette partie-là de l’histoire est sans doute méconnue de la plupart des sénateurs. Quand le tireur a pénétré dans l’édifice du Centre et a commencé à tirer, le caucus du gouvernement était réuni dans une pièce qui donne sur le couloir principal. La salle a été barricadée. Les agents de la GRC qui étaient déjà sur les lieux ont emmené le premier ministre en lieu sûr. Tandis que la plupart des gens fuyaient le danger, un groupe de parlementaires — dont bon nombre avait travaillé dans les forces de l’ordre — ont plutôt pris le chemin inverse.
Le sénateur Dagenais est l’un de ceux qui sont allés à la rencontre du danger, qui ont pris l’initiative d’agir pour protéger les autres. Sur le coup et sans hésitation, Jean-Guy s’est mis à diriger les gens vers des lieux sûrs en en protégeant l’entrée. Il faisait partie de ceux qui étaient armés d’une perche servant à tenir un drapeau. C’était chaotique. Le courage, le dévouement et l’héroïsme dont notre collègue et d’autres personnes ont fait preuve ce jour-là doivent être fréquemment rappelés. Nous vous remercions.
Deuxièmement, Jean-Guy est la sincérité même. Il n’hésite jamais à donner son point de vue, à défendre les gens de sa région et à dire les choses comme elles sont. Lorsque le sénateur Dagenais était le représentant des policiers du Québec, l’ancien premier ministre Jean Charest nous a déjà dit, en le croisant dans la rue, qu’il craignait de rencontrer Jean-Guy, parce qu’il devrait alors faire bien d’autres concessions qui engageraient beaucoup de fonds publics.
Enfin, le sénateur Dagenais est très attaché à la reddition de comptes. Il a souvent été le premier à demander des comptes au gouvernement et à exiger des réponses au nom des Canadiens et des Québécois. Ce n’est pas tout. La responsabilité personnelle lui tenait aussi à cœur. Il s’est toujours senti lié par ses paroles, ce dont nous lui sommes très reconnaissants.
À deux reprises, j’ai fait partie du même groupe parlementaire que lui, la première fois au sein du caucus conservateur, puis au sein du Groupe des sénateurs canadiens. Chaque fois, c’était quelque chose, c’est le moins qu’on puisse dire. Il réagissait sur le vif et il n’a jamais eu peur de la vérité.
Je tiens à mentionner un grand personnage de la littérature canadienne, l’inspecteur-chef Armand Gamache de la série policière de Louise Penny. Lui aussi était membre de la Sûreté du Québec. Dans le livre La faille en toute chose, l’inspecteur présente des traits semblables à ceux du sénateur Dagenais. L’auteure dit :
Armand Gamache a toujours eu des croyances démodées. Il croit que la lumière bannit les ombres. Que la bonté est plus puissante que la cruauté, et que la bonté existe, même dans les endroits les plus désespérés. Il croit que le mal a ses limites.
Jean-Guy, vous avez passé plus de 12 ans au Sénat à servir et à protéger les Canadiens. Vous allez vraiment nous manquer. Je crois comprendre qu’au cours des prochains mois vous ferez la transition de sénateur à retraité migrateur.
Au nom de vos collègues et amis du Groupe des sénateurs canadiens, je vous souhaite, ainsi qu’à Danielle, une longue et heureuse retraite. Je vous offre nos meilleurs vœux.
Des voix : Bravo!
[Français]
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au nom du bureau du représentant du gouvernement pour rendre hommage à notre collègue l’honorable sénateur Jean-Guy Dagenais.
Comme vous le savez, le sénateur Dagenais a servi la population du Québec pendant près de 40 ans en tant qu’agent de la paix au sein de la Sûreté du Québec. Au cours de sa carrière, le sénateur Dagenais a occupé de nombreux postes comme patrouilleur, enquêteur et chef d’équipe.
Pour la plupart des gens, cela aurait été plus que suffisant, mais pas pour le sénateur Dagenais qui a pris une part active dans l’Association des policières et policiers provinciaux du Québec et en a rapidement gravi les échelons, passant de délégué à directeur régional, à vice-président et, enfin, à président de l’association, où il a mené les négociations avec la province de Québec au nom de ses collègues policiers. Ce n’est que le début.
Si la plupart des gens ont pris leur retraite après une carrière aussi brillante, ce n’est pas le cas de notre collègue, qui a continué à défendre les intérêts des Québécois et à travailler pour eux ici, au Sénat.
(1410)
Il n’est donc pas surprenant que le premier discours prononcé par le sénateur Dagenais dans cette enceinte ait été pour parrainer le projet de loi C-36, Loi sur la protection des personnes âgées du Canada, qui ajoutait la vulnérabilité attribuable à l’âge comme circonstance aggravante aux fins de la détermination de la peine. Depuis plus de 12 ans, le sénateur Dagenais apporte son expérience et son point de vue aux nombreux débats importants qui ont lieu dans cette Chambre.
Sur une note plus personnelle, pour les Canadiens ainsi que les sénatrices et sénateurs qui nous ont vus interagir seulement pendant la période des questions, vous serez peut-être surpris d’apprendre que le sénateur Dagenais et moi avons beaucoup en commun. Nous sommes tous deux Québécois et nous partageons un grand amour de la musique. Dans nos jeunes années, le sénateur Dagenais et moi avons tous deux joué dans des groupes de rock, lui au clavier et moi à la guitare. Cette expérience commune nous a permis de nouer une solide amitié personnelle et chaleureuse.
Au cours de votre séjour dans cette enceinte, mon ami, vous avez toujours été un homme de principe et vous avez défendu vos valeurs — et oui, je confirme que vous m’avez donné du fil à retordre pendant la période des questions.
Cher ami, j’espère que vous profiterez de votre retraite bien méritée et que vous passerez du bon temps avec votre charmante épouse, Danielle, et vos nombreux amis. Encore une fois, au nom de toute mon équipe, je vous souhaite une bonne retraite. Vous allez me manquer.
[Traduction]
L’honorable David M. Wells : Honorables sénateurs, je prends la parole pour rendre hommage à mon bon ami, le sénateur Jean-Guy Dagenais.
Lorsque je suis arrivé au Sénat en 2013, je connaissais peu de mes nouveaux collègues et ne connaissais pas le sénateur Dagenais. Nous étions une soixantaine dans notre caucus. Je connaissais la sénatrice Marshall, le sénateur Manning, bien sûr, et quelques autres, mais c’était tout.
J’ai communiqué avec le sénateur Dagenais alors que je m’apprêtais à aller à Montréal. Je lui ai suggéré qu’on aille déjeuner ensemble pour apprendre à se connaître et il a accepté. Il s’est excusé pour son anglais, et moi, pour mon français, puis nous avons immédiatement forgé un lien et depuis, nous sommes des amis proches.
Au début de ma carrière de sénateur, on m’a invité à faire une allocution à l’occasion de l’assemblée générale annuelle de la Royal Newfoundland Constabulary Association, le syndicat qui représente la police provinciale. J’avais un conflit d’horaire et, sachant que le sénateur Dagenais est un ancien policier et un ancien président de l’Association des policières et policiers provinciaux du Québec, je lui ai demandé s’il accepterait de donner l’allocution à ma place. Il a accepté volontiers, et bien sûr, j’ai par la suite appris qu’il avait été excellent. Les personnes présentes l’ont adoré, et à ce jour, elles parlent toujours de son allocution. Plus tard, lorsque j’ai mentionné à l’association que je serais ravi de donner une allocution à son assemblée l’année suivante, le président m’a dit : « Serait-il possible de faire venir le sénateur Dagenais à nouveau? », alors depuis, je ne l’invite plus.
Nous savons que Jean-Guy et son épouse, Danielle, passent le plus de temps possible en Floride. Même pendant la pandémie, le sénateur Dagenais a su tirer parti des faiblesses de la frontière. Il réfléchit peut-être aux avantages qu’il y aurait à ce que le Canada devienne le 51e... C’est une discussion pour un autre jour.
Ce n’est pas non plus un secret qu’il conduit les voitures les plus belles et les plus luxueuses de la Colline du Parlement. Tous les sénateurs qui ont eu l’occasion de se garer à côté de lui, qu’il conduise sa Jaguar ou sa Bentley ce jour-là, le regrettent instantanément. Ce fut mon cas quand j’ai garé ma vieille camionnette à côté de sa voiture.
Or, personne ne regrette qu’il ait été nommé au Sénat. Grâce à ses antécédents dans les domaines de la sécurité et du maintien de l’ordre, il a été un atout important, que ce soit en intervenant sur des projets de loi qui portaient sur ces domaines ou en siégeant au Comité de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants. Ses interventions énergiques sont toujours respectées. Il a été un atout précieux pour le Sénat, et nous sommes heureux de l’avoir eu à nos côtés.
Le temps est malheureusement venu pour le sénateur Dagenais de faire ses adieux au Sénat. Toutefois, cela ne signifie pas que nous devons lui faire nos adieux. Nous ne pourrons peut-être pas le voir aussi souvent, mais, bien sûr, il y a des vols réguliers vers la Floride, ainsi qu’un trajet en train facile vers Montréal et Blainville, qui est située à proximité.
Au nom du caucus conservateur du Sénat, sénateur Dagenais...
[Français]
— cher ami, je te fais tous mes vœux pour ta retraite et je te souhaite, ainsi qu’à Danielle, beaucoup de santé et de bonheur pour les années à venir.
L’honorable Raymonde Saint-Germain : Chers collègues, c’est avec plaisir que je prends la parole aujourd’hui afin de rendre hommage à notre estimé collègue, mon compatriote québécois, le sénateur Jean-Guy Dagenais.
Le sénateur Dagenais a été nommé au Sénat en 2012, après une longue carrière qu’il a consacrée à la protection de la population au Québec au sein de la Sûreté du Québec. En fait, la passion de Jean-Guy pour la sécurité publique est génétique. Elle a toujours été ancrée en lui parce qu’il a suivi les pas de son père, qui était lui-même policier de carrière au sein du Service de police de la Ville de Montréal.
Le sénateur Dagenais, avant son arrivée au Sénat, s’est engagé dans l’action syndicale au sein du milieu policier. En 2004, il est même devenu président de l’Association des policières et policiers provinciaux du Québec. Il a occupé ce poste à la tête d’un syndicat policier pendant sept ans, ce qui est quand même considérable. Vous avez gagné vos épaulettes à ce titre, Jean-Guy.
Je vous l’apprendrai peut-être, mais le parcours du sénateur Dagenais et le mien se sont croisés avant nos arrivées respectives au Sénat. Là, vous avez peur, Jean-Guy. Je sais que vous avez peur. En février 2010, alors que j’étais protectrice du citoyen du Québec, j’avais publié un rapport recommandant la création d’un organisme indépendant pour enquêter sur les incidents graves causant la mort ou des blessures sérieuses qui mettaient en cause des policiers. Nul besoin de vous dire, chers collègues, que cette recommandation n’avait pas fait l’unanimité dans le milieu syndical policier. Vous devinerez que, à l’époque, le président Dagenais avait tonné contre cette recommandation, estimant que mon rapport illustrait, et je cite : « Les compétences en communication de la protectrice du citoyen et non ses compétences en affaires policières. »
Le gouvernement du Québec a tranché en ma faveur, et la Loi modifiant la Loi sur la police concernant les enquêtes indépendantes a été adoptée le 9 mai 2013. Je sais que Jean-Guy reconnaîtra aujourd’hui que tant les policiers que la population s’entendent sur la crédibilité remarquable de ce bureau indépendant qui, dans bien des cas, a bien servi les policiers. La justice était de ce côté.
On dit qu’il faut toujours se méfier de la première impression. Je suis aujourd’hui heureuse que le sénateur Dagenais et moi ayons eu la chance de mieux nous connaître et de nous apprécier. Peu importe nos divergences d’opinions, j’ai compris à cette époque que le sénateur Dagenais était un homme de conviction prêt à défendre et à débattre avec passion des idées qui lui tiennent à cœur. Homme de principe, le sénateur Dagenais n’a jamais eu peur de prendre des décisions courageuses et difficiles pour ne pas nier ses valeurs fondamentales. Dorénavant en désaccord à plus d’un titre avec son parti politique, il a choisi de quitter la sécurité d’une affiliation partisane et de siéger comme indépendant pendant ses dernières années au Sénat. Toute décision prise par conviction est une décision qui honore.
Honorable sénateur Dagenais, cher Jean-Guy, je vous souhaite, au nom du Groupe des sénateurs indépendants, le meilleur pour la suite des choses. C’est une nouvelle période qui s’ouvre pour que vous repreniez du service auprès de vos proches. À vous et à Danielle, je vous souhaite de bien profiter de cette retraite et de ces bons moments si mérités.
Merci. Meegwetch.
L’honorable Pierre J. Dalphond : Honorables sénateurs, au nom des sénateurs indépendants du Groupe progressiste du Sénat, je veux rendre hommage au sénateur Dagenais.
Fils d’un policier, notre collègue a été membre de la Sûreté du Québec pendant 39 ans. Dans la famille Dagenais, la loi et l’ordre font bon ménage.
Il a commencé comme patrouilleur en 1972 à Rawdon et est passé rapidement à la représentation de ses collègues. Il n’y a là rien de surprenant de la part d’un diplômé en ressources humaines. En 1996, il est devenu vice-président aux finances de l’Association des policières et policiers provinciaux du Québec, puis, 2004, il est devenu président de l’association en remplaçant Tony Cannavino.
Appelé à négocier des conventions collectives, mon ami Jacques Dupuis, alors ministre de la Sécurité publique, l’a décrit comme un leader syndical de taille imposante — c’est vrai — et plutôt opiniâtre.
En 2011, Jean-Guy a quitté le syndicat pour devenir candidat du Parti conservateur du premier ministre Harper, contrairement à son ami Cannavino, qui militait pour le Parti libéral du Canada. Le thème de la loi et l’ordre l’attirait.
(1420)
Si la porte de la Chambre des communes ne s’est pas ouverte, celle du Sénat l’est devenue en janvier 2012.
C’est désormais une approche politique qui le démarque. Ainsi, si le président de l’association était favorable au maintien du registre des armes à feu, le sénateur soutient son abolition.
Hier, dans une entrevue, notre collègue mentionnait parmi ses réalisations l’adoption du projet de loi favorisant la transparence financière des syndicats, un projet de loi auquel ces derniers s’opposaient.
Toutefois, je retiens surtout de ce collègue chaleureux et sympathique qu’il est demeuré un homme aux opinions fortes. En 2013, à la députée néo-démocrate qui propose l’abolition du Sénat dans le dépliant qu’elle envoie à ses électeurs et électrices, il réplique par une lettre ouverte qui débute ainsi, et je cite : « Quel torchon! »
Il ajoute ce qui suit :
Comme députée NPD qui n’aurait probablement jamais été élue sans une spontanée sympathie des Québécois pour Jack Layton [...] vous ne connaissez rien en matière constitutionnelle pour écrire de telles allégations. Il y a une bibliothèque bien garnie sur le sujet, à votre disposition, dans le Parlement et je vous suggère de vous en servir.
En novembre 2019, contestant le chef Andrew Scheer et son leader au Sénat, il annonce qu’il rejoint le Groupe des sénateurs canadiens.
En septembre 2022, muni d’une paire de ciseaux, il coupe sa carte de membre du Parti conservateur et compare Pierre Poilievre à Donald Trump. Ses déclarations sont toujours assorties d’un effet « punché ».
Toutefois, pour être juste envers notre collègue, ses opinions musclées n’épargnent personne, surtout pas le premier ministre Trudeau ni le sénateur Gold.
Cher Jean-Guy, je vous souhaite, à vous et à Danielle, une bonne continuation. Je ne serais pas surpris de voir, entendre ou lire dans les médias — dans quelques mois ou quelques semaines — d’autres commentaires « punchés » de votre part.
Bonne retraite!
Visiteurs à la tribune
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Danielle Comeau, la conjointe de l’honorable sénateur Dagenais, de Son Excellence Wang Di, ambassadeur de la République populaire de Chine au Canada, de Son Excellence Dauletbek Kussainov, ambassadeur de la République du Kazakhstan au Canada, de Son Excellence Kallayana Vipattipumiprates, ambassadeur du Royaume de Thaïlande au Canada, de l’honorable Victor Oh et de l’honorable Erin O’Toole. Ils sont accompagnés d’autres amis et collaborateurs de l’honorable sénateur Dagenais.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
[Traduction]
L’honorable Jean-Guy Dagenais
Remerciements
L’honorable Jean-Guy Dagenais : Honorables sénateurs, merci. Tout d’abord, je réalise qu’il s’agit de ma première ovation en 12 ans, et je dois vous dire que j’aime cela.
[Français]
Votre Honneur, chers collègues sénatrices et sénateurs, vous allez m’excuser, mais je vais prendre mes lunettes.
[Traduction]
J’ai 75 ans, après tout. Je suis certain que vous comprenez.
[Français]
C’est déjà pour moi le moment de quitter cette Chambre, emporté par les règles de l’âge.
Je vous avoue que je trouve cela assez bizarre qu’une carrière politique au Canada, du moins au Sénat, doive se terminer à l’âge de 75 ans, alors que chez nos voisins du Sud, c’est devenu, ces dernières années, l’âge requis pour s’engager à servir en politique. D’ailleurs, je pense que le sénateur Oh et moi attendons nos 78 ans.
Trêve de plaisanteries. C’est une très belle journée pour moi, surtout après avoir entendu le concert d’éloges que certains d’entre vous viennent de me faire et certains souvenirs. J’y reviendrai avec des remerciements plus personnalisés dans quelques instants.
Je voudrais d’abord prendre ces premières minutes pour saluer mes invités à la tribune, qui ont tenu à être présents pour ce moment de ma vie.
[Traduction]
J’aimerais plus particulièrement saluer les trois ambassadeurs qui me font l’honneur d’être ici aujourd’hui. Je souhaite la bienvenue au Sénat du Canada à Wang Di, le nouvel ambassadeur de la Chine au Canada; à Dauletbek Kussainov, le nouvel ambassadeur du Kazakhstan; et à Kallayana Vipattipumiprates, l’ambassadeur de la Thaïlande, qui m’honorent de leur présence.
Les années que j’ai passées à Ottawa, sur la Colline du Parlement, m’ont permis de rencontrer les ambassadeurs de plusieurs pays et de nombreux autres politiciens que j’ai appréciés. Je ne pouvais évidemment pas tous les inviter, mais je dois vous dire que j’ai eu de très plaisantes discussions avec la plupart d’entre eux. J’ai eu des rencontres lors desquelles j’ai toujours tenté de tirer des leçons allant au-delà des idéologies politiques exprimées par certains de nos représentants élus.
Peu importe le message que nos politiciens transmettent, je préfère toujours voir de mes propres yeux, apprendre et former ma propre opinion au sujet des gens, de leur pays et de leur culture.
La Chine est un très important partenaire économique du Canada depuis de nombreuses années. Je me souviens d’avoir participé à une réunion où j’ai rencontré des membres de la famille Desmarais, de Power Corporation, ainsi que l’ancien premier ministre libéral Jean Chrétien. J’y ai compris l’importance de nos échanges économiques avec ce pays.
À mon avis, la Chine est devenue un partenaire économique essentiel du Canada. Si ce pays est devenu l’un de nos partenaires essentiels, c’est en raison des produits que nous lui achetons et que nous lui vendons. Notre relation avec elle est essentielle à l’avenir de beaucoup d’entreprises canadiennes. Les produits fabriqués en Chine qu’on trouve dans toutes nos maisons — et ils sont effectivement dans toutes nos maisons — sont loin de se limiter à ce qu’on peut acheter dans un magasin Dollarama.
Un mot maintenant sur le Kazakhstan, que j’ai eu le plaisir de visiter. Permettez-moi de dire que l’économie de ce pays favorise grandement le développement international d’entreprises canadiennes comme Cameco, en Saskatchewan, qui possède des mines d’uranium au Kazakhstan, et Bombardier, qui est le principal fournisseur d’avions pour le transporteur national.
Je vais maintenant parler brièvement de la Thaïlande, qui est connue pour ses grandes capacités agricoles. C’est le deuxième pays le plus important d’Asie du Sud-Est pour les échanges économiques bilatéraux du Canada, qui atteignent aujourd’hui 6 milliards de dollars par an. Ce pays nous achète chaque année de grandes quantités de potasse et de blé.
En quelques mots, par l’intermédiaire de relations diplomatiques cordiales, j’ai toujours cherché à dépasser les partis pris politiques, qui donnent parfois une image déformée de la réalité, pour améliorer et favoriser la situation économique de nos entreprises canadiennes, qui est déjà florissante, en particulier dans ces trois pays. Merci, messieurs les ambassadeurs, de votre présence parmi nous aujourd’hui. Merci beaucoup, mes amis.
Je dois aussi saluer tout particulièrement l’ancien sénateur Victor Oh, également présent à la tribune, avec qui j’ai eu beaucoup de plaisir à travailler.
[Français]
Je suis également très honoré par la présence de l’ex-chef du Parti conservateur du Canada, Erin O’Toole, qui a été député de la circonscription de Durham de 2011 à 2023.
Merci, Erin, d’être ici avec nous malgré un emploi du temps très chargé comme nouveau président canadien de la multinationale de sécurité stratégique ADIT de France.
La présence d’Erin me permet de vous rappeler que je suis venu en politique comme conservateur en même temps que lui, en 2011 — et que je suis encore un conservateur sur le plan politique.
Pour être honnête, je devrais plutôt vous dire que je suis un progressiste-conservateur qui, un jour, a décidé de siéger dans cette Chambre comme sénateur indépendant, tout simplement parce qu’on ne dicte pas à un vieux leader syndical comme moi quand parler et quoi dire. Je crois, avec le temps et l’expérience, que j’ai le droit d’exprimer clairement et sincèrement mes opinions, aussi divergentes soient-elles. Je l’ai toujours fait avec respect, parce qu’à mon avis, la politique ne doit en aucun temps être un combat de ruelle. Les sociétés démocratiques modernes qui évoluent ne se sont pas bâties sur des consensus, mais bien sur des débats d’idées et sur des critiques bien formulées. La franchise doit primer sur l’hypocrisie et, comme je le dis souvent, le mensonge n’a pas d’avenir.
(1430)
Laissez-moi maintenant vous parler un peu du Sénat comme institution. Je quitte le Sénat, mais dites-vous bien que j’aurai toujours un œil sur la nature et la qualité des débats que vous tiendrez.
Permettez-moi cependant d’exprimer une certaine appréhension ou une certaine inquiétude vis-à-vis de ce qu’on appelle la modernisation du Sénat. L’indépendance des sénateurs n’est pas une mauvaise idée. D’ailleurs, j’ai été parmi les premiers à délaisser la partisanerie pour avoir la liberté nécessaire de choisir ce qui est bon, non pas pour moi ou pour faire plaisir au gouvernement en poste, mais bien pour les Canadiennes et les Canadiens des régions que nous représentons. L’indépendance des sénateurs, j’y crois et je vais continuer d’y croire, pourvu qu’elle ne soit pas diluée par les valeurs politiques de certains à chaque changement de gouvernement. Soyons prudents. La cohérence est une valeur fondamentale quand on veut sincèrement améliorer nos institutions.
Malheureusement, je ne serai pas là pour vivre avec vous ce qui arrivera après les prochaines élections. Toutefois, j’ose espérer que le Sénat continuera de jouer pleinement son rôle et qu’il revendiquera toujours avec fermeté son indépendance. Nous avons collectivement, comme sénateurs, le droit de poser des questions. J’ajouterais que nous avons aussi le droit de nous indigner face à des décisions politiques qui sont mal formulées, irréfléchies ou encore abusives pour l’avenir collectif des gens de notre beau et grand pays. J’ai et j’aurai toujours beaucoup de difficulté avec ces politiciens qui légifèrent parfois par idéologie en nous faisant miroiter des résultats qui sont, de toute évidence, inatteignables. Malheureusement, il y en a de plus en plus. Soyons vigilants. Les Canadiens ont besoin de vous comme mur protecteur contre les idéologies de passage.
Passons maintenant à l’étape des remerciements.
La première personne que je veux remercier, c’est le très honorable Stephen Harper, un grand premier ministre que j’ai été particulièrement fier de servir. Aujourd’hui, on manque de ce genre de politicien rigoureux et d’envergure internationale.
Je m’en voudrais de ne pas souligner l’intervention des sénateurs Claude Carignan et Leo Housakos, qui ont sûrement joué un rôle important dans mon arrivée en politique. Merci à vous deux. Merci d’être encore mes amis — du moins, c’est ce que je pense, même si nos idées politiques ne sont plus aussi conciliables.
Je vais vous raconter une petite anecdote. Un collègue voulait s’assurer que je n’oublie pas de remercier personne. La semaine dernière, je suis allé prendre un café dans la bibliothèque et j’ai laissé une note sur mon pupitre pour préparer mes remerciements. Lorsque je suis revenu, j’ai trouvé une note sur mon pupitre. Ce n’était pas moi qui l’avais écrite. L’auteur de cette note croyait qu’un ancien policier ne trouverait pas le coupable. Je vois que le coupable arbore un grand sourire. Je vais vous lire ce qui était écrit :
Remercier et rendre hommage à l’excellent sénateur Carignan, sans qui je n’aurais pas eu le privilège de siéger au Sénat.
Claude, je te remercie, mais j’avais déjà écrit mes remerciements. Ce n’était pas nécessaire d’écrire pour moi.
Quand j’ai quitté le caucus des conservateurs, j’ai rejoint le Groupe des sénateurs canadiens, un groupe qui ne cesse de grandir, parce qu’il offre aux sénateurs un environnement qui favorise la liberté de penser et de s’exprimer sur tous les enjeux politiques soumis à cette Chambre.
J’en profite pour remercier notre leader, Scott Tannas. Merci pour votre habileté politique qui permet de rassembler au sein d’un même caucus des gens très différents, mais qui, ensemble, veulent travailler pour le bien de tous les Canadiens. Merci beaucoup, Scott. Merci aussi à tous les membres de notre groupe. Je vous souhaite de continuer de grandir afin que le Sénat bénéficie de vos grandes compétences individuelles. Je vais sûrement m’ennuyer de nos caucus du mardi midi.
Maintenant, passons aux remerciements plus personnels.
J’adresse mes remerciements à Son Honneur la Présidente. Merci, Raymonde, pour votre patience, votre respect et votre élégance dans des débats qui n’ont pas toujours été faciles.
Je remercie également Son Honneur la Présidente intérimaire. Merci, Pierrette, d’avoir si brillamment suppléé aux tâches de Son Honneur la Présidente. Vous l’avez fait avec grâce et avec honneur. « Votre malcommode » va s’ennuyer de vous.
Merci, monsieur le leader du gouvernement. Marc, je suis certain que mes prémisses ne vous manqueront pas. Même si à l’occasion je pouvais vous sembler un peu dur, j’ai un immense respect pour la tâche que vous avez accomplie dans le respect des règles de cette enceinte. Je dois vous faire une confidence : ce n’est pas moi qui écrivais les questions, mais mon conseiller politique. Alors, si vous cherchez le coupable, il est assis à la tribune.
Merci à tous les leaders qui m’ont rendu hommage. J’ai beaucoup apprécié vos hommages. Cela m’a rappelé certaines choses que j’avais dites. Merci, Raymonde; vous avez une bonne mémoire. C’était tout à fait vrai.
Je veux remercier mon ami l’huissier du bâton noir, Greg Peters. Monsieur l’huissier, je vais m’ennuyer de vos « À l’ordre, madame la Présidente ». Je me suis souvent demandé si vous vous comportiez de cette manière à la maison. Je suis certain que vous avez beaucoup d’effet. Vous savez, Greg, c’est une blague. Toutefois, je veux vous remercier de vos loyaux services. Vous représentez très bien un symbole de notre démocratie au Canada.
Je sais que cela peut sembler répétitif, mais nous ne dirons jamais suffisamment merci à nos greffiers, plus particulièrement à Ericka Paajanen, avec qui j’ai travaillé au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants. Vous avez eu le don de nous sécuriser dans nos travaux.
À nos pages, je vous vois, vous êtes ici. Vous êtes une inspiration pour l’avenir. Bonne chance à chacun d’entre vous.
À nos agents de sécurité, il est vrai que parfois, quand je sortais le soir, j’avais un malin plaisir à vous dire : « Ce soir, nous allons terminer à minuit. » Les agents restaient calmes et me répondaient : « On sera là pour vous. »
Je remercie mes amis les chauffeurs de minifourgonnettes. On a eu plusieurs discussions dans ces minifourgonnettes. Merci, messieurs. Souvenez-vous que ce qui se dit dans les minifourgonnettes reste dans les minifourgonnettes.
Évidemment, je m’en voudrais d’oublier nos techniciens, nos interprètes. Ce n’est pas toujours facile de traduire les expressions du terroir québécois.
Nous arrivons maintenant à un moment un peu plus intime. Je remercie mes deux adjointes, Mireille et Luce Farrell, les deux sœurs. Qu’aurais-je été sans votre soutien indéfectible? Tous les jours, vous étiez là comme de bons soldats. J’arrivais au bureau et vous me disiez : « Sénateur, asseyez-vous sur la petite chaise devant mon bureau. » C’était peut-être la première fois que j’écoutais. Vous me disiez : « Voici vos invitations, monsieur le sénateur; voici votre programme pour la semaine, monsieur le sénateur. » Avant de partir pour le Sénat, vous me disiez : « N’oubliez pas vos lunettes, monsieur le sénateur; n’oubliez pas votre cellulaire, monsieur le sénateur; n’oubliez pas votre tablette, monsieur le sénateur. » Vous avez été ma mémoire et mes yeux. Que puis-je dire d’autre? Vous m’avez secondé avec professionnalisme et je vous en suis redevable.
(1440)
Je remercie mon conseiller politique, Richard Desmarais, un homme de médias écrits, de radio et de télévision. Richard, tu as été plus qu’un conseiller politique; tu as été un confident. Je me souviendrai toujours de nos appels quotidiens. Il me demandait : « Comment va-t-il? », et je répondais sans hésitation : « Il va très bien, et l’autre? » Imaginez si l’autre avait été mal... J’aurais très mal paru.
Certaines mauvaises langues ont dit qu’il était mon ventriloque, et que lorsqu’il était à la tribune et que je parlais, ses lèvres ne bougeaient même pas. Voici donc le coupable qui préparait mes questions et mes déclarations, tant à la Chambre qu’aux comités. Merci, mon ami, pour cet appui indéfectible.
Nous en sommes maintenant à mon épouse, ma complice, mon amoureuse. Elle m’a bien averti et m’a dit : « Jean-Guy, ne commence pas tes grandes déclarations. » Je vais quand même vous chanter, si vous me le permettez, ce que je lui chantais avant d’arriver en Floride pour Noël.
[Traduction]
« À Noël, je serai de retour [...] »
[Français]
Cette fois-ci, je vais changer les paroles et je vais lui chanter ceci :
[Traduction]
« À Noël, je serai de retour » pour le reste de nos jours. Je t’aime, ma chérie.
[Français]
En conclusion, comme dirait le sénateur George Baker, à vous tous, mes amis, et en particulier aux membres de mon caucus, je veux vous remercier pour l’expérience inoubliable que j’ai vécue au Sénat. Cela m’a permis de connaître des Canadiennes et des Canadiens de tous les coins de notre grand et beau pays. Vous êtes arrivés ici, tout comme moi, avec des chemins de vie différents, et c’est ce qui fait la richesse du Sénat. Vous avez partagé votre expérience, vous aussi. Si j’avais un souhait à vous faire, ce serait de continuer à travailler pour le mieux-être de vos concitoyennes et concitoyens canadiens. Merci à vous tous. Merci beaucoup.
Hommages à l’occasion de son départ à la retraite
L’honorable Larry W. Smith : Nous nous souvenons tous de notre première journée dans cette magnifique Chambre. Je me souviens d’avoir été impressionné par les gens remarquables que je côtoyais : Percy Mockler, Nancy Greene Raine et Frank W. Mahovlich, pour n’en nommer que quelques-uns.
Quelque temps plus tard, j’ai appris que Jean-Guy Dagenais prendrait place sur le banc des conservateurs au Sénat. La première fois que je l’ai croisé, j’ai tout de suite compris que j’étais en la présence d’un homme incroyable, d’un bon et pur Québécois. Quelle fierté de servir notre belle province à ses côtés.
Au fil du temps, j’ai eu plusieurs occasions de travailler aux côtés de Jean-Guy. Il a rapidement montré qu’il était le genre d’homme capable de jauger une situation et de prendre le temps nécessaire avant de réagir. Il a toujours su interpréter les situations, certaines parfois moins agréables que d’autres, avec le sens de l’humour que nous lui connaissons bien.
Jean-Guy est un leader atypique. Lorsque ses collègues de la Sûreté du Québec l’ont choisi pour les représenter en 2004, il leur a facilement prouvé qu’il était à la hauteur de la tâche et il a fièrement porté leurs voix jusqu’en 2011. Il les a guidés en étant un leader fort, solide, mais discret.
Le sénateur Dagenais montre dans tous les aspects de son travail qu’il est un solide joueur d’équipe sur lequel on peut compter. Son intégrité innée et sa pudeur invariable m’ont souvent facilité la tâche lorsque j’étais leader de l’opposition au Sénat. Merci, Jean-Guy.
Je n’ai jamais douté que Jean-Guy serait à mes côtés pour m’appuyer dans les situations difficiles, et j’étais très heureux de pouvoir célébrer avec lui nos victoires collectives.
Jean-Guy a toujours su s’entourer de bonnes personnes. Nous ne pouvons rendre hommage à ce grand homme sans souligner le travail de Richard, Mireille et Luce pour le soutien qu’ils ont apporté à Jean-Guy au fil des ans. De plus, au nom de toutes les Canadiennes et de tous les Canadiens, j’aimerais également remercier sa conjointe, Danielle —
[Traduction]
— bon travail, Danielle —
[Français]
— pour les sacrifices qu’elle a faits afin de permettre au sénateur Dagenais de siéger au Sénat, avec et pour nous.
Jean-Guy, cher ami, je te souhaite une retraite à la hauteur de tes attentes. Profite du temps libre que la vie t’offre enfin, après de nombreuses années à travailler au service des autres, pour te reposer sous le soleil de la Floride. Que cette retraite t’apporte santé, bonheur et petites douceurs.
Salut, mon vieux, et merci.
L’honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénatrices et sénateurs, aujourd’hui, nous soulignons la retraite du sénateur Jean-Guy Dagenais, nommé au Sénat en janvier 2012 par l’ancien premier ministre Harper.
Suivant les traces de son père, le sénateur Dagenais a entrepris une carrière dans les forces policières de Montréal. Membre actif de l’Association des policières et policiers provinciaux du Québec, il en est devenu président en 2004.
Le sénateur Dagenais ne manque pas d’histoires à raconter à cause de sa longue carrière de policier. Je crois qu’il est particulièrement fier de ses exploits de négociateur pour les forces policières, particulièrement des bons moments qui se sont produits lors des négociations qu’il a menées avec l’ancien premier ministre du Québec Jean Charest. Il le taquine toujours en lui disant qu’il a coûté cher à son gouvernement lors d’une négociation en particulier. C’est certainement l’un de tes meilleurs souvenirs, Jean-Guy.
À son arrivée au Sénat au sein du caucus conservateur, le sénateur Dagenais donnait l’impression d’être une personne difficile d’approche. Détrompez-vous. Le sénateur Dagenais a un sens de l’humour tout aussi prononcé que les questions un peu partisanes qu’il adressait aux représentants du gouvernement, les sénateurs Harder et Gold.
Le sénateur Dagenais est un progressiste-conservateur, tout comme notre ancien collègue Ghislain Maltais. À mes yeux, ce sont deux bons vivants qui savent comment équilibrer le sérieux et l’humour. Je me suis liée d’amitié avec ces deux sénateurs et nous avons passé de bons moments ensemble. Le sénateur Dagenais était tellement porté à taquiner que j’ai commencé, il y a plusieurs années, à le surnommer « mon malcommode ». Je crois que Danielle pourrait dire la même chose que moi.
Sénateur Dagenais, « mon malcommode », vous allez me manquer énormément. En tout temps, tout comme aujourd’hui, vous avez réussi à nous faire rire. C’est important de pouvoir rire. J’espère que votre retraite aux côtés de votre épouse, Danielle, sera remplie d’agréables aventures en Floride, à Montréal ou ailleurs. Si vous êtes aussi malcommode avec Danielle que vous l’êtes avec moi, il se peut qu’elle rêve secrètement que vous vous trouviez un autre emploi pour occuper votre temps libre. Je crois que nous aurions plusieurs sénateurs qui seraient prêts à se rendre disponibles pour ce faire.
Blague à part, vous allez me manquer et j’ai très hâte de vous revoir à Québec, en compagnie de Ghislain Maltais, pour écouter vos histoires et rire une fois de plus à chaudes larmes à vos côtés.
Merci beaucoup, Jean-Guy, pour votre présence au Sénat et votre contribution. Longue vie à vous.
(1450)
L’honorable Réjean Aucoin : Chers collègues, dès mon arrivée au Sénat il y a un peu plus de 12 mois et au sein du Groupe des sénateurs canadiens, Jean-Guy m’a pris sous son aile et j’ai pu bénéficier de son appui, de sa générosité et de son sens de l’humour.
Semaine après semaine, le sénateur Dagenais ne manque pas de poser sa question au représentant du gouvernement sur des sujets qui lui tiennent à cœur. Il m’a tout de suite cédé sa place au Comité sénatorial permanent des langues officielles et m’a tendu la main — et même le bras jusqu’au coude.
Comme j’ai été à la fois avocat de la défense et journaliste, j’ai souvent été opposé aux policiers et aux syndicats, mais voilà que je me retrouve voisin d’un sénateur qui a déjà été les deux. Sans qu’il me le dise, j’ai compris, par sa gentillesse, que les syndicats et les policiers ne sont pas toujours méchants.
Durant sa carrière de policier, ce sénateur est celui qu’on accusait toujours, et avec raison, chaque fois que quelqu’un était la cible d’une blague ou d’un petit tour de passe-passe, que ce soit au détachement de police ou parmi les membres du personnel lorsqu’il était représentant syndical.
Une image vaut mille mots, et voici celle que j’ai en tête : le sénateur Dagenais dans sa Rolls-Royce, habillé de son complet, avec son chapeau et son nœud papillon, en compagnie de son épouse, en chemin pour la retraite. C’est l’image même du gentleman sénateur, et non du gentleman-cambrioleur, en parlant d’Arsène Lupin dans les récits de Maurice Leblanc.
Avant de me rasseoir, je vais vérifier mon siège pour m’assurer que son dernier geste envers moi au Sénat ne sera pas de me jouer un tour après les petites confidences que je viens de vous faire.
J’oubliais un détail au sujet de l’image que je garde en tête. Quand la Rolls-Royce passe devant moi pour aller en Floride, il n’y a pas d’affiche qui dit « bonne retraite » à l’arrière de la voiture; il y a un gros orgue sur pied dans le coffre, car Jean-Guy a plus d’une corde à son violon. Il est organiste, et il n’est pas question de partir pour la retraite sans son instrument préféré.
Jean-Guy, cher ami, bonne route vers de nouveaux projets et longue vie.
Merci. Meegwetch.
Des voix : Bravo!
L’honorable René Cormier : Chers collègues, il y a des gens avec qui, au départ, nous avons l’impression de ne rien avoir en commun, avec qui nous nous demandons de quoi nous pourrions bien discuter, considérant que nous semblons à des années-lumière l’un de l’autre. C’est la perception que j’avais de ma possible relation professionnelle avec le sénateur Dagenais.
Je dois dire que je ne partage pas toujours ses points de vue ni les prémisses de ses questions et interventions au Sénat. Je suis plutôt éloigné de l’univers policier dans lequel il a travaillé pendant tant d’années. Je ne porte pas un amour particulier aux voitures au point de les laver trois fois par jour et je n’affectionne pas particulièrement les séjours récurrents en Floride.
En y réfléchissant, je me disais qu’à part la musique, nous avions peut-être en commun le même coiffeur, mais j’ai coupé court à cette réflexion, reconnaissant que ce sujet n’aurait aucun avenir entre nous deux.
Aussi, sachant que nous allions partir en mission ensemble au Paraguay pour l’association ParlAmericas, et le destin voulant que nous soyons assis l’un à côté de l’autre durant ce long trajet, je me suis demandé de quoi j’allais bien pouvoir lui parler.
Eh bien, chers collègues, vous n’avez pas besoin de parler si vous voyagez avec le sénateur Dagenais : il s’en occupe. Il s’entretient avec vous pendant tout le voyage et, pour être sûr que vous retiendrez bien ses histoires, il les répète une, deux, voire trois fois.
Que ce soit pour parler de ses fameuses voitures, de son passé de délégué syndical, de son chien qu’il affectionne particulièrement ou de l’amour inconditionnel qu’il porte à son épouse, Danielle, il fait preuve d’une générosité sans borne.
Si vous souhaitez vous reposer durant le voyage, portez un masque, prenez vos écouteurs, faites semblant de ronfler ou simulez une crise cardiaque. Bref, utilisez toutes les stratégies possibles pour vous retrouver rapidement dans les bras de Morphée, car autant le sénateur prend la parole avec parcimonie dans cette Chambre, autant les histoires et anecdotes se succèdent sans interruption en voyage, avec une telle fluidité qu’on a l’impression d’un tsunami capable de déplacer la petite maison blanche du Lac-Saint-Jean.
Résigné à écouter ses histoires durant ce fameux voyage, je me suis finalement mis en mode écoute. C’est alors, chers collègues, que je me suis rendu compte que derrière ces histoires et anecdotes se cache une personne aimable, sensible, remplie de bienveillance et d’affection pour les êtres humains, un sénateur habité d’un amour incommensurable pour la langue française et la culture québécoise et faisant preuve d’une solidarité sans borne pour tous les francophones et Acadiens de ce pays.
Je me suis souvenu que cette solidarité s’était manifestée lorsqu’il a siégé au Comité sénatorial permanent des langues officielles, plus particulièrement comme membre du Sous-comité du programme et de la procédure, au moment de notre étude sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles. En tant que président de ce comité, j’ai toujours pu compter sur son appui et sa présence lorsque celle-ci était requise.
C’est donc en plein vol entre Montréal et Asuncion que j’ai eu cette révélation et que j’ai finalement compris qui était réellement le sénateur Dagenais.
Monsieur le sénateur, cher Jean-Guy, alors que s’amorce cette nouvelle étape de votre vie, je vous souhaite une retraite bien méritée. Surtout, je vous souhaite de rencontrer de nombreuses oreilles attentives qui pourront écouter vos histoires avec attention, car ce sont ces histoires qui nous donnent accès à la personne formidable que vous êtes.
Merci, sénateur Dagenais.
Des voix : Bravo!
Visiteurs à la tribune
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de l’épouse de l’honorable sénateur Moreau, l’honorable Michèle Monast, juge à la Cour supérieure du Québec.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Jacques Dupuis, ancien ministre de la Sécurité publique du Québec. Il est l’invité de l’honorable sénateur Dalphond.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
[Traduction]
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Mary Deros, conseillère de la Ville de Montréal pour le district Parc-Extension. Elle est l’invitée de l’honorable sénateur Housakos.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
Mary Deros
Félicitations pour avoir reçu une médaille du couronnement du roi Charles III
L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, en tant que parlementaires, on nous a confié le grand privilège de remettre la Médaille du couronnement du roi Charles III à des Canadiens exceptionnels, des personnes qui se sont dévouées au service de notre grande nation grâce à des contributions significatives dans divers secteurs et régions. Cet honneur est réservé à ceux qui ont considérablement enrichi leur province, leur territoire ou leur milieu.
Aujourd’hui, j’ai l’immense plaisir et le grand honneur de rendre hommage à l’une de ces personnes remarquables, Mme Mary Deros.
C’est avec une profonde admiration que j’ai proposé la candidature de Mme Deros comme récipiendaire de la Médaille du couronnement du roi Charles III. C’est une conseillère municipale de longue date et très respectée — elle est en fait la doyenne de l’hôtel de ville de Montréal, ayant siégé deux fois au comité directeur de deux administrations différentes —, ainsi qu’une dirigeante communautaire de Montréal, une personne que j’ai eu la chance de connaître personnellement et avec qui j’ai collaboré sur de nombreuses initiatives visant à améliorer la vie d’autrui.
Née à Athènes de parents d’origine grecque et arménienne, Mme Deros a un parcours semblable à celui de beaucoup de fiers Canadiens : un parcours marqué par la résilience et l’espoir. Sa famille a surmonté une grande adversité avant de chercher une vie meilleure dans un nouveau pays, pour finalement s’établir ici, au Canada.
Pour Mme Deros et sa famille, ce nouveau départ a eu lieu dans le quartier dynamique et en constante évolution de Parc-Extension, à Montréal. Si ses habitants ont beaucoup changé au fil des ans, une constante s’est imposée au cours du dernier quart de siècle : la présence durable et le dévouement inébranlable de Mary Deros.
En tant que conseillère municipale depuis plus de 26 ans, elle représente sans aucun doute le district le plus diversifié du Canada, Parc-Extension, indépendamment de l’appartenance ethnique, de la religion, du sexe ou du statut social des gens qu’elle représente. Mary Deros a travaillé sans relâche pour construire des ponts, favoriser l’inclusion et rassembler les gens.
(1500)
Comme j’ai moi-même grandi dans Parc-Extension et que mes parents sont aussi des immigrants grecs, je comprends les difficultés uniques que rencontrent les gens qui habitent là, surtout les néo-Canadiens qui aspirent à un avenir meilleur.
Pour de nombreuses personnes, qui dit « politiques d’immigration » dit nécessairement « gouvernement fédéral et provinces », mais en réalité, ce sont souvent les administrations municipales qui influent le plus — et le plus directement — sur le quotidien des néo-Canadiens, et cela, Mary Deros le comprend mieux que quiconque. L’ardeur avec laquelle elle défend son prochain est aussi immuable qu’inspirante. Toujours et sans jamais faillir, Mary porte la voix des gens de son district et elle fait toujours passer les besoins des autres avant les siens. La confiance inébranlable que lui porte la population et qu’elle continue de lui porter depuis toutes ces années en dit long sur son dévouement et sa force de caractère.
Mary Deros jouit d’une excellente réputation, et ses réalisations ont profondément marqué Montréal. Pendant plus de trois décennies, elle a chapeauté d’innombrables organismes communautaires, dont l’Organisation des jeunes de Parc-Extension, le Bouclier d’Athéna, la Société d’entraide des femmes grecques, Pink in the City, le club de soccer Panellinios et j’en passe. Son inépuisable énergie et sa détermination à aider les autres ont inspiré une multitude de gens. Elle est aimée des Grecs, des Arméniens, des Sud-Asiatiques — quel que soit le groupe auquel vous pouvez penser, tous considèrent que Mary Deros est une des leurs.
Mary, je vous offre mes plus sincères félicitations pour ce témoignage de reconnaissance plus que mérité. Votre sens inébranlable du service, votre passion pour vos concitoyens et vos réalisations exceptionnelles sont une source d’inspiration pour nous tous. Je me réjouis tout particulièrement de savoir que votre mari, Peter, est ici aujourd’hui pour célébrer avec nous ce moment inoubliable. Merci infiniment de ce que vous avez fait pour Parc-Extension, pour Montréal, pour le Québec et pour le Canada. Que Dieu vous bénisse.
Visiteur à la tribune
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Marni Panas, une spécialiste en inclusion agréée du Canada d’Edmonton, en Alberta. Elle est l’invitée des honorables sénateurs Wells (Alberta) et Simons.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
Le décès d’Omar Zia
L’honorable Salma Ataullahjan : Sénateur Dagenais, vous êtes une personne très spéciale, un bon ami, quelqu’un qui a beaucoup d’humour. Vous me manquerez. Je vous souhaite une belle retraite.
Honorables sénateurs, c’est avec beaucoup de tristesse que je rends hommage à l’enseignant Omar Zia, qui nous a quittés trop jeune la semaine dernière. Il avait 49 ans. Omar était le directeur de l’école secondaire Woodlands, à Mississauga.
Puisque je fais partie de la communauté des Canadiens d’origine pakistanaise de Mississauga, je connais depuis longtemps les parents d’Omar, Rizwana et Tahir. Omar était leur fils aîné. Cette famille cherche à redonner à la collectivité par tous les moyens possibles. Il n’est donc pas étonnant qu’elle ait élevé quelqu’un comme Omar : un père dévoué, un fils exceptionnel et un chef désintéressé.
Il a déjà témoigné devant le Comité sénatorial permanent des droits de la personne dans le cadre de l’étude sur l’islamophobie. Comment peut-on en quelques mots saisir l’essence d’un jeune homme qui a consacré 25 ans de sa vie à l’éducation et à la justice sociale?
Lorsque j’ai assisté aux funérailles d’Omar en fin de semaine, j’ai été stupéfaite de voir des milliers de personnes faire la queue pour parler à sa famille. J’ai dû attendre mon tour pendant plus d’une heure. Le très grand nombre de jeunes qui sont venus dire à sa mère comment Omar les avait encadrés et aidés témoigne clairement du genre de vie qu’il vivait et des innombrables vies qu’il a touchées.
Alors que je me trouvais à l’extérieur du salon funéraire, j’ai entendu trois hommes parler de la perte que représentait le décès d’Omar. Ils ont déploré le fait qu’il ne s’agissait pas seulement d’une perte pour la communauté musulmane, mais d’une perte pour nous tous.
Devant vous, chers collègues, je ne peux qu’être d’accord. Omar a passé la majeure partie de sa vie à faire profiter la jeune génération de sa sagesse et à la guider, incarnant ainsi l’esprit de leadership qui fait de lui un véritable fils du Canada.
Omar a laissé dans le deuil sa femme, Madiha, et leurs deux filles, Sufoora et Sakina. Sufoora a 18 ans, et Sakina n’a que 16 ans. Fait tout aussi important, il a laissé derrière lui un héritage de mentorat et de leadership qui continuera d’inspirer ceux dont il a touché la vie.
Visiteurs à la tribune
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Tineka Simmons, Kim Beals et Sandra DiGnagbo. Elles sont accompagnées d’autres membres du Réseau des exécutifs noirs. Elles sont les invitées de l’honorable sénatrice Bernard.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
AFFAIRES COURANTES
L’étude des responsabilités du gouvernement fédéral à l’égard des Premières Nations, des Inuits et des Métis
Dépôt du vingt et unième rapport du Comité des peuples autochtones auprès de la greffière pendant l’ajournement du Sénat
L’honorable Brian Francis : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur d’informer le Sénat que, conformément aux ordres adoptés par le Sénat le 3 mars 2022 et le 26 octobre 2023, le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones a déposé auprès de la greffière du Sénat, le 12 décembre 2024, son vingt et unième rapport (provisoire) intitulé Respectés et protégés : Vers l’établissement d’un cadre régissant les droits de la personne des Autochtones. Je propose que l’étude du rapport soit inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.
(Sur la motion du sénateur Francis, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)
[Français]
Déclaration de situation de crise
Dépôt du troisième rapport du Comité mixte spécial
L’honorable Claude Carignan : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le troisième rapport du Comité mixte spécial sur la déclaration de situation de crise, qui porte sur l’examen de l’exercice des attributions découlant de la déclaration de situation de crise en vigueur du lundi 14 février 2022 au mercredi 23 février 2022.
[Traduction]
La Loi sur la citoyenneté
Projet de loi modificatif—Dépôt du trente et unième rapport du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie
L’honorable Rosemary Moodie : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le trente et unième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, qui porte sur la teneur du projet de loi C-71, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté (2024).
PÉRIODE DES QUESTIONS
Les affaires mondiales
Les relations canado-américaines
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader du gouvernement, le Canada est pris avec un premier ministre dépourvu de gros bon sens. Il s’est même fait traiter d’insupportable abruti. Il sait parfaitement bien que l’imposition de droits de douane de 25 % aux exportations canadiennes vers les États-Unis serait catastrophique pour notre pays. Nous devons aborder cette menace avec toute la gravité qu’elle mérite, monsieur le leader. Pourtant, hier, dans un discours, le premier ministre Trudeau a critiqué le choix des électeurs américains à l’élection présidentielle du mois dernier.
Selon le premier ministre de l’Ontario, pendant la rencontre sur les droits de douane qu’ils ont eue hier avec M. Trudeau, les premiers ministres des provinces lui auraient répété à l’envi que ses commentaires n’aidaient absolument personne. Monsieur le leader, croyez-vous que les commentaires du premier ministre étaient utiles? Oui ou non?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie. Ce qui aiderait le Canada à protéger et à défendre ses intérêts fondamentaux, c’est que tous les politiciens — pas seulement le premier ministre, certains membres de l’opposition et les premiers ministres des provinces, mais aussi le chef de l’opposition — laissent tomber la partisanerie, cessent d’exagérer et de tomber dans la désinformation — qu’il s’agisse de la frontière canadienne ou du problème bien réel de la drogue au Canada — et unissent leurs efforts pour contrer les menaces qui planent sur notre société, notamment en ce qui concerne les droits de douane.
(1510)
Le sénateur Plett : Eh bien, ce ne sont pas tous les dirigeants qui estiment devoir remettre en question la décision du peuple américain quant au président qu’il a élu.
Monsieur le leader, ces dernières semaines, vous avez sans cesse contesté la validité des questions posées par les sénateurs conservateurs au sujet de ces droits de douane. Vous dites que c’est « lassant » et que ce sont des « faussetés ». Vous prétendez que le gouvernement libéral travaille sérieusement. Or, le premier ministre a encore une fois manqué de discernement. Il n’a pas fait passer les intérêts du Canada en premier, monsieur le leader. Quand les élections dont les Canadiens ont si cruellement besoin seront-elles déclenchées?
Le sénateur Gold : Je ne vous reproche pas de poser des questions sur les droits de douane, mais de faire de la désinformation, c’est-à-dire de donner sciemment de l’information que vous savez fausse. À tout le moins, si vous ne savez pas qu’elle est fausse, vous devriez le savoir. Ce qui est dit à propos de l’incidence de la tarification de la pollution ou encore des politiques gouvernementales sur le logement est faux. Je pourrais continuer encore longtemps, mais malheureusement, nous n’avons pas le temps.
La sécurité publique
Le Service correctionnel du Canada
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : A-t-il ou n’a-t-il pas critiqué les Américains?
Monsieur le leader, mardi, le journaliste Joe Warmington a écrit un article sur un autre meurtre gratuit commis par quelqu’un qui n’aurait pas dû courir les rues. Un homme est accusé d’avoir tiré sur sa petite amie parce qu’elle a essayé de lui échapper alors qu’elle lui rendait visite dans une maison de transition de Toronto dimanche. L’accusé à de lourds antécédents de crimes avec violence, y compris à l’endroit de ses partenaires, et il lui est interdit de posséder une arme à feu pour le restant de ses jours. Elle s’appelait Alisha Brooks et était mère d’une fille de 16 ans.
Monsieur le leader, vous évitez toujours de répondre à nos questions au motif qu’il s’agirait d’une responsabilité provinciale. Or, dans ce cas-ci, on parle bel et bien d’un délinquant sous responsabilité fédérale qui avait été libéré d’office.
Je suis navré de ne pas vous avoir communiqué ma question d’avance, monsieur le leader, mais les récidivistes violents ne devraient-ils pas rester derrière les barreaux?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Il s’agit d’une énorme tragédie pour Alisha et pour sa famille. Si votre parti propose aux Canadiens et souhaite que les libérations d’office soient rayées du Code criminel, alors que cette disposition se trouve depuis très longtemps dans la loi — c’est-à-dire si un jour votre parti forme le gouvernement et qu’il propose une politique qui ferait fi de la Charte des droits en invoquant l’article 33 de manière générale — ou qu’il songe à proposer aux Canadiens de retirer leur autonomie et leur indépendance aux commissaires ou de la Commission des libérations conditionnelles, voire aux juges eux-mêmes, je vous en supplie, faites qu’il s’en abstienne. Ce serait une tache terrible dans l’histoire du Canada, sans compter que cela ne règlerait pas le problème que constituent ceux qui enfreignent les règles et violent la loi aux dépens des honnêtes Canadiens.
Le sénateur Plett : Dans son article, M. Warmington pose des questions auxquelles le Service correctionnel du Canada doit répondre. Pourquoi, monsieur le leader, un délinquant aussi violent a-t-il été assigné à un établissement situé à proximité de quartiers résidentiels et de deux écoles? Est-ce la faute des conservateurs? Comment a-t-il pu se procurer une arme à feu à l’intérieur de l’établissement? Est-ce aussi la faute des conservateurs, monsieur le leader? Allez-vous obtenir les réponses à ces questions afin de les déposer au Sénat?
Le sénateur Gold : Je n’ai jamais prétendu que c’était la faute des conservateurs. Je n’ai jamais prétendu que les conservateurs sont responsables des mesures prises par la Commission des libérations conditionnelles du Canada ou Service correctionnel Canada, des organisations indépendantes qui, après avoir évalué les risques, ont assigné cette personne à une maison de transition précise. Je dis qu’il incombe aux politiciens responsables de proposer des solutions concrètes — et non des faux-semblants — qui amélioreront réellement la situation et assureront la sécurité des Canadiens, au lieu de se contenter de faire de la petite politique.
Régie interne, budgets et administration
Les travaux du comité
L’honorable Mary Coyle : Ma question s’adresse à la présidente du Comité de la régie interne, la sénatrice Moncion. Le 22 octobre, j’ai profité de la période des questions pour vous demander où en était le rapport de la phase 3 commandé par le Groupe de travail consultatif sur l’environnement et le développement durable afin de recommander au Sénat divers moyens de réaliser ses engagements internes et d’atteindre la carboneutralité d’ici 2030. Le rapport de la phase 1 a été publié en septembre 2023, mais les sénateurs n’ont pas encore vu celui sur la phase 3, qui a pourtant pris fin en mars. Dans la mesure où ce rapport pourrait contenir des renseignements de nature délicate qui ne devraient pas se retrouver dans la sphère publique, la greffière du comité a demandé en mon nom aux membres du comité de m’en remettre une version caviardée, ce qui m’a été refusé.
Sénatrice Moncion, pour quel motif empêchez-vous les sénateurs de consulter ne serait-ce qu’une version caviardée de ce rapport? Pourquoi tout ce secret?
L’honorable Lucie Moncion : Je vous remercie de votre question, sénatrice Coyle, et merci aussi de vous intéresser à ce dossier. Votre question porte sur des délibérations qui ont eu lieu à huis clos, ce qui veut dire que suis dans l’impossibilité de vous répondre.
La sénatrice Coyle : Je vous remercie, sénatrice Moncion. La transparence et la reddition de comptes sont essentielles si nous voulons atteindre la carboneutralité. S’ils ne peuvent pas consulter le rapport ni prendre connaissance de son contenu, comment les sénateurs peuvent-ils évaluer les recommandations et, le cas échéant, donner suite à celles qui sont valables? Quelles assurances pouvez-vous nous donner que le Sénat demeure sincèrement déterminé à atteindre ses objectifs de carboneutralité d’ici 2030?
La sénatrice Moncion : Comme je l’ai déjà dit ici, l’administration s’emploie activement à concevoir diverses initiatives inspirées du rapport et mises au point visant le Sénat dans son ensemble. Ces mesures seront communiquées à l’ensemble de l’organisation lorsqu’elles seront approuvées.
En plus du travail de nature administrative, les équipes vertes peuvent continuer de créer des initiatives vertes dans leur direction ou dans leur groupe parlementaire et les faire ensuite connaître au Groupe de travail consultatif. Les mises au point sont compilées et diffusées à l’interne sur la page traitant d’environnement et de développement durable...
Son Honneur la Présidente : Le sénateur Loffreda a la parole.
Le revenu national
Le secteur de la bienfaisance
L’honorable Tony Loffreda : Sénateur Gold, nous sommes à quelques jours du temps des Fêtes, une période de rassemblements, de générosité et de compassion. Les Canadiens continuent de faire preuve d’altruisme en soutenant les organismes de bienfaisance, qui améliorent le sort des personnes les plus défavorisées.
Bien que la bienfaisance fasse encore partie intégrante de la société canadienne, le pourcentage de Canadiens faisant des dons à des organismes de bienfaisance serait, selon une étude de l’Institut Fraser, à son niveau le plus bas depuis 20 ans. Il serait donc possible de soutenir davantage ce secteur afin qu’il dispose des ressources nécessaires pour mener à bien sa mission. Le gouvernement a déjà commencé à agir concrètement en affectant 750 millions de dollars aux organismes de bienfaisance pour les aider à sortir encore plus forts de la pandémie.
De quelle façon cet argent a-t-il contribué à développer les capacités du secteur afin qu’il puisse mieux aider les personnes les plus vulnérables du Canada?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question, sénateur. Je vous remercie aussi de rappeler tout ce que font les organismes de bienfaisance et, sur le plan personnel, d’avoir soutenu pendant des décennies le secteur de la bienfaisance dans votre autre vie professionnelle et de le faire encore à ce jour.
Grâce au Fonds de relance des services communautaires, près de 5 500 organismes communautaires des quatre coins du pays ont obtenu des fonds pour développer leurs capacités et s’adapter après la pandémie de COVID-19. Je n’ai pas le temps d’énumérer tous les projets et leurs répercussions, chers collègues, mais permettez-moi de parler seulement d’un programme de la région, la Boîte de bonne bouffe du Centre de ressources communautaires Rideau-Rockcliffe, qui vend à prix modique des boîtes de fruits et de légumes frais à des particuliers et à des familles. Grâce à ce programme, environ 2 000 Ottaviens ont pu acheter 22,8 tonnes de produits frais à bon prix.
Le sénateur Loffreda : Il est formidable d’entendre cela, et je vous remercie du compliment. Je le fais toujours pour le bien de la population.
Bien que de nombreux Canadiens fassent encore des dons, les conclusions de l’institut donnent à penser que la fréquence et l’importance de ces dons ont diminué. Voilà donc l’occasion d’innover et de croître au sein de l’écosystème caritatif. Au-delà des investissements, comment le gouvernement favorise-t-il un environnement plus favorable aux organismes de bienfaisance, un environnement qui réduit le fardeau administratif, élimine les obstacles aux dons et incite les Canadiens à continuer d’améliorer les choses dans leurs collectivités?
Le sénateur Gold : Je vous remercie. Le gouvernement fédéral a déjà apporté des changements structurels pour permettre aux organismes de bienfaisance et aux organismes sans but lucratif de faire leur travail plus facilement en créant un cadre réglementaire plus convivial. Il s’agit notamment de permettre aux organismes de bienfaisance de participer pleinement au dialogue sur les politiques publiques et à leur élaboration, sans subir le harcèlement des politiciens qui ont modifié la Loi de l’impôt sur le revenu il y a quelques années, en créant un comité consultatif permanent sur le secteur de la bienfaisance en 2019 pour discuter avec les organismes de bienfaisance des questions de politique et de réglementation, et en permettant aux organismes de bienfaisance de fournir des ressources aux organismes qui n’étaient pas des donataires reconnus à partir de 2022 afin qu’ils puissent mieux servir…
[Français]
Le patrimoine canadien
Les langues officielles
L’honorable Réjean Aucoin : Honorables sénateurs, la nouvelle Loi sur le divorce promulguée en 2019 permet aux Canadiens et Canadiennes d’obtenir leur divorce dans la langue officielle de leur choix devant un juge qui parle et comprend cette langue. J’en félicite le gouvernement.
(1520)
Toutefois, cinq ans plus tard, trois provinces — la Nouvelle-Écosse, l’Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve-et-Labrador, qui ont une minorité acadienne et francophone — n’ont toujours pas promulgué la nouvelle Loi sur le divorce. Même l’Ontario et la Colombie-Britannique ne l’ont fait que récemment. Cela veut dire qu’encore une fois, la minorité francophone de ce pays n’a pas les mêmes droits que la majorité anglophone.
Sénateur Gold, qu’est-ce que le gouvernement fédéral fait pour que cette loi soit promulguée dans ces trois provinces, afin que les francophones et les Acadiens puissent divorcer dans leur langue?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci pour cette question. C’est très important. Le gouvernement s’est engagé à veiller à ce que les Canadiens puissent avoir accès à toutes les facettes du système judiciaire dans l’une ou l’autre des langues officielles. Comme vous l’avez bien mentionné, quelques provinces n’ont pas choisi, malheureusement, de promulguer ce projet de loi pour ce qui est du rôle fédéral. En ce qui concerne votre question précise, je vais parler au ministre pour m’informer davantage.
Le sénateur Aucoin : Merci.
Depuis 2019, le gouvernement a nommé 19 juges à la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse. Deux juges francophones siègent à la Division générale, mais ne font pas de droit de la famille. Donc, dans une demande pour un divorce contesté avec audience en français, encore une fois, les francophones ne pourraient pas bénéficier comme les anglophones de l’expertise d’un juge d’expérience dans le domaine.
Comment le gouvernement peut-il affirmer qu’il prend des mesures positives et qu’il tient compte de la minorité acadienne de la province en ne nommant aucun juge sur 19 qui parle et comprend le français?
Le sénateur Gold : Je vous remercie de la question. Bien que ce gouvernement nomme des juges à un rythme record, il reste du travail à faire. Pour ce qui est de votre question — qui traite non seulement de la décision finale du ministre de la Justice, mais aussi des processus de recrutement, de sélection, et cetera —, je vais l’ajouter à ma question au ministre.
[Traduction]
Le Cabinet du premier ministre
Les nominations au Sénat
L’honorable Wanda Thomas Bernard : Sénateur Gold, en 1990, j’ai été embauchée par l’Université Dalhousie. J’ai été la première Néo-Écossaise d’origine africaine à occuper un poste menant à la permanence. J’ai choisi d’établir un programme de recherche qui donnait la priorité à la recherche sur les hommes noirs en raison de leur absence dans le monde universitaire. J’ai mené des projets avec des hommes noirs, explorant la manière dont ils survivent dans des sociétés qui s’attendent à ce qu’ils échouent. Dans le cadre de chaque projet, j’ai reçu beaucoup de courrier haineux sur les stéréotypes négatifs concernant les hommes noirs.
Aujourd’hui, sénateur Gold, j’ai l’impression d’être au milieu d’un autre projet du genre, ici au Sénat, en raison de l’absence d’hommes noirs dans cette enceinte. Sénateur Gold, les hommes noirs canadiens veulent savoir si leurs demandes ou nominations feront l’objet d’une évaluation juste et impartiale par le comité consultatif indépendant en 2025.
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de poser la question et de continuer à souligner le travail qui reste à faire pour que le Sénat reflète pleinement et véritablement la diversité qui est la force de notre pays. À bien des égards, le progrès accompli jusqu’à présent est considérable et cela témoigne du soin avec lequel le processus a été mis en place. Je ne pense pas que l’absence d’homme noir canadien dans cette enceinte puisse s’expliquer par de funestes desseins. Cela dit, je ne manquerai pas de soulever cette question auprès des personnes concernées.
La sénatrice Bernard : Sénateur Gold, je vous remercie de continuer à aborder le sujet avec les personnes compétentes en raison du fait que je continue à poser la question.
Voici une autre question : pourriez-vous vous engager à demander que le comité indépendant reçoive une formation sur les préjugés inconscients, si une telle formation n’est pas déjà dispensée? Je serais ravie de vous recommander des consultants qui font ce travail.
Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. Je ne manquerai pas de transmettre cette suggestion. Je ne suis pas en mesure — et ce n’est pas mon rôle, étant donné l’indépendance et le caractère autonome de ces comités — de prendre un engagement au nom du gouvernement, mais je ne manquerai pas de transmettre cette suggestion utile.
La sécurité publique
La sécurité frontalière
L’honorable Leo Housakos : Sénateur Gold, je vais vous présenter quelques faits, puis vous poser une question. J’aimerais que vous répondiez à la question et que vous ne remettiez pas en cause la véracité des faits.
Premièrement, l’Agence des services frontaliers du Canada admet avoir perdu la trace de près de 30 000 personnes qui ne se sont pas présentées à leur procédure de renvoi. Deuxièmement, le président national du Syndicat des douanes et de l’immigration a révélé que moins de 1 % de toutes les marchandises qui entrent au Canada en provenance des États-Unis sont inspectées. Troisièmement, des rapports alarmants sont publiés alors que le nouveau président américain menace le Canada d’imposer des droits de douane de 25 % en raison de la porosité des frontières. Au lieu de s’attaquer à ces graves problèmes de sécurité frontalière, votre chef, le premier ministre Trudeau, choisit d’insulter personnellement le président désigné et de dénigrer les Américains pour ne pas avoir élu une femme — c’est aussi un fait, malheureusement.
Sénateur Gold, le premier ministre Trudeau a-t-il un plan concret pour sécuriser les frontières et les ports du Canada, ou sa stratégie se résume-t-elle à continuer d’agir comme un petit homme belliqueux et capricieux?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question et de ce préambule. Le gouvernement actuel a consacré des ressources importantes à la sécurisation de notre frontière, qui est déjà une ressource et qui fait l’objet d’une attention et d’investissements réguliers et continus de la part du gouvernement.
Comme nous le savons, le gouvernement a annoncé un autre investissement très important dans la sécurité de nos frontières, dont les détails seront communiqués prochainement.
Pour mémoire, la réalité est que le premier ministre exprimait sa déception quant au fait que les États-Unis n’ont pas encore fait de progrès en vue de l’élection d’une femme à la présidence, et c’est bien la réalité.
Le sénateur Housakos : Le premier ministre devrait se soucier de son pays et non des autres démocraties.
Il est paradoxal que le premier ministre accuse les autres de ne pas respecter les femmes fortes qui occupent des postes de direction, puisqu’on parle du même homme qui a chassé Jody Wilson-Raybould et qui semble maintenant prêt à remplacer la ministre Freeland par M. Carney, qui, dans les faits, la remplace déjà. Puisque son parti est dans le pétrin, qu’est-ce qui empêche le premier ministre Trudeau de se retirer et de laisser une femme forte et plus compétente prendre la relève à la tête du parti?
Le sénateur Gold : Sénateur Housakos, on peut au moins dire que vous avez de la constance, car pendant la période des questions, vous vous contentez toujours de faire des discours partisans au sujet des élections. Le Sénat ne tient pas de votes de confiance. Je suis ici pour représenter le gouvernement en ce qui concerne les mesures législatives et les politiques. Je fais de mon mieux pour répondre à vos questions, mais je vous félicite de votre constance.
[Français]
Les affaires mondiales
Les relations canado-américaines
L’honorable Claude Carignan : Ma question s’adresse au leader du gouvernement. Monsieur le leader, mardi soir, le premier ministre Trudeau a décidé de se mêler du résultat des élections américaines en critiquant le peuple américain pour son choix électoral du 5 novembre dans un moment particulièrement délicat concernant les rapports économiques entre nos deux pays. Cela lui a valu un rappel à l’ordre par les premiers ministres provinciaux et, surtout, une réplique rapide et cinglante d’Elon Musk, conseiller du président Trump, qui l’a traité, et je cite, d’« insupportable abruti ».
Le premier ministre Justin Trudeau a-t-il un plan pour faire face aux enjeux économiques évoqués par le président Trump, et dans l’affirmative, l’ingérence dans les résultats des élections américaines fait-elle réellement partie de ce plan?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Il ne s’agit pas d’ingérence dans l’élection si le premier ministre a exprimé quelque chose sur le rôle des femmes dans une démocratie voisine. C’est loin d’être l’équivalent des insultes des membres que vous avez nommés et que je ne nommerai pas. Ce n’est pas nécessaire. Lisez les journaux, cher collègue. Je ne vais pas verser dans la partisanerie pour émettre des commentaires sur ceux et celles que le président Trump a décidé de mettre en place. En ce qui concerne ce gouvernement qui travaille avec l’industrie et les premiers ministres provinciaux pour défendre nos intérêts, il a un plan sérieux pour faire la promotion de nos intérêts en tant que Canadiens.
Le sénateur Carignan : Le Parti libéral existe depuis 1867. Justin Trudeau dirige actuellement le seul grand parti national au Canada qui n’a jamais été dirigé par une femme.
(1530)
Si le premier ministre veut donner des leçons de féminisme aux Canadiens et aux Américains, pourquoi ne démissionne-t-il pas immédiatement afin de laisser sa place à Mélanie Joly ou à la vice‑première ministre, Chrystia Freeland?
Le sénateur Gold : Je vous remercie de faire la promotion des autres ministres. Cher collègue, le premier ministre a été choisi par son parti. Il dirige ce pays depuis neuf ans. Il a défendu nos intérêts lors du premier mandat du président Trump et il continuera de le faire au nom de tous les Canadiens.
[Traduction]
Les finances
Les Comptes publics
L’honorable Krista Ross : Sénateur Gold, c’est la troisième fois — et j’espère, la dernière — que je pose une question au sujet des Comptes publics du Canada.
La comparution de représentants du Secrétariat du Conseil du Trésor devant le Comité sénatorial permanent des finances nationales, le 27 novembre, nous a appris que la dernière version des comptes publics n’avait pas été remise à la vérificatrice générale du Canada et qu’elle le serait bientôt.
Dans la mesure où les comptes publics sont normalement signés en septembre et déposés à la fin d’octobre, il est inquiétant qu’il n’y ait même pas eu de version finale à signer à la fin de novembre. En 30 ans, ils n’auront jamais été déposés aussi tard au cours d’une année non électorale.
On sait qu’il faut habituellement 30 jours au receveur général du Canada pour préparer les documents à déposer après leur signature. Je ne suis donc pas convaincue que nous les verrons d’ici le 31 décembre.
Sénateur Gold, je pose donc la même question : les comptes publics ont-ils été signés? Pourriez-vous nous donner la date où ils seront déposés?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie pour votre question et de demander un suivi sur ce sujet important.
Malheureusement, je n’ai pas la réponse à votre question. Je ne manquerai pas de me renseigner.
La sénatrice Ross : Sénateur Gold, étant donné qu’il ne nous reste que quelques jours de séance, il me semble qu’il y a une réelle possibilité qu’il faille attendre jusqu’en février, si l’on tient compte des 15 jours de séance après le 31 décembre. Quel type d’erreurs comptables le gouvernement a-t-il tenté de corriger — et pour quels ministères — pour justifier un dépôt si tardif des comptes publics?
Le sénateur Gold : Encore une fois, je suis tout à fait d’accord pour dire que le dépôt de ces documents est tardif, mais je n’ai pas d’informations ni de détails sur ce qui cause ce retard.
La sécurité publique
Les Forces armées canadiennes
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : À la fin de novembre 2023, le commandant de la Marine royale canadienne, le vice-amiral Angus Topshee, a publié une vidéo dans laquelle il énumère les nombreux problèmes graves qui secouent la marine. Si vous vous souvenez bien, monsieur le leader, je vous avais interrogé à ce sujet à ce moment-là.
Le vice-amiral Topshee a notamment déclaré que la marine n’avait pas réussi à atteindre ses cibles de recrutement des 10 années précédentes, et qu’il manquait jusqu’à 20 % d’effectifs dans certains domaines clés. Il a ajouté que l’aviation et l’armée connaissaient les mêmes problèmes.
Plus tôt cette année, le ministre Blair a dit que le recrutement dans les forces était dans une spirale de la mort.
Monsieur le leader, la marine a-t-elle réussi à atteindre ses cibles de recrutement l’année dernière?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie et je vous répondrai probablement la même chose que le ministre Blair. Les Forces armées canadiennes, dont font partie la marine et diverses autres institutions, dont la GRC, ont énormément de mal à recruter du personnel et à le garder. La situation préoccupe le gouvernement, et c’est ce qui l’a amené à prendre des mesures pour renforcer et, espérons-le, améliorer le recrutement et le maintien en poste.
Il a publié la Directive pour la reconstitution des Forces armées canadiennes et la Stratégie de maintien des effectifs des Forces armées canadiennes et il a annoncé que les résidents permanents, par exemple, étaient maintenant les bienvenus dans les forces.
On m’informe par ailleurs que le gouvernement a décidé d’accélérer le processus de présélection en matière d’admissibilité et de sécurité et d’appliquer de nouvelles normes médicales à l’enrôlement. Il a enfin pris de nombreuses autres mesures afin d’attirer plus de gens et il continuera de chercher d’autres moyens pour stimuler l’enrôlement.
La sénatrice Martin : Dans sa vidéo, le vice-amiral Topshee a dit qu’un technicien de marine quittait la marine tous les deux jours. Un an plus tard, est-ce toujours le cas, monsieur le leader?
De plus, vous engagez-vous à demander combien de métiers de la marine connaissent actuellement une pénurie de 20 % ou plus de personnel et de quels métiers en particulier il s’agit?
Le sénateur Gold : Je vais certainement discuter de ces questions avec le ministre et j’espère que les efforts déployés par le gouvernement et toute autre mesure qui améliorerait le recrutement et le maintien en poste de ce personnel indispensable et précieux seront mis en place le plus rapidement possible.
Les services publics et l’approvisionnement
Postes Canada
L’honorable Pamela Wallin : Sénateur Gold, dans les petites localités des régions rurales, le bureau de poste est une bouée de sauvetage. Pour des millions de personnes qui ne peuvent pas utiliser de téléphones intelligents, c’est la seule façon de communiquer.
La grève des postes paralyse les petites entreprises, qui ne se sont pas encore relevées de la pandémie et à qui on avait promis, afin de relancer leurs affaires, qu’elles pourraient bénéficier de services de livraison gratuits pendant les Fêtes. La grève nuit à ces activités commerciales, aux personnes qui envoient et reçoivent encore du courrier et aux habitants des régions rurales où il n’y a pas de solution de rechange.
Si le gouvernement fédéral se soucie vraiment des services offerts dans les régions rurales, que décidera-t-il de faire, à part bien sûr autoriser une hausse de 25 % du prix des timbres?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Les problèmes que cause la grève sont très graves, surtout pour les personnes qui n’ont pas facilement accès à d’autres services que ceux de Postes Canada.
Le gouvernement fédéral ne ménage aucun effort auprès des services de médiation et des parties pour réunir les conditions nécessaires pour que la médiation soit même possible.
Comme les parlementaires qui sont ici depuis au moins 10 ans le savent très bien, il y a des problèmes structurels incontournables, notamment en ce qui concerne les avancées technologiques, les habitudes de consommation ainsi que les moyens de livraison et de communication. Dans l’intérêt supérieur des Canadiens, le gouvernement libéral espère que les parties, c’est-à-dire Postes Canada et les syndicats, entendront raison et recommenceront à négocier afin de mettre fin à la grève.
La sénatrice Wallin : La poste affiche 750 millions de dollars de pertes. Aucun bénéfice n’a été enregistré depuis 2017. Les syndiqués sont bien payés — jusqu’à 50 $ l’heure.
Avec la grève très dommageable pour les entreprises et le projet de loi sur la TPS, à la fois coûteux et dévastateur, on sonne aussi le glas d’une autre source de revenus postaux, car de nombreuses transactions qui nécessitaient l’envoi de chèques par la poste vont désormais cesser d’être effectuées.
Que ferez-vous pour résoudre ce problème?
Le sénateur Gold : Madame la sénatrice, je vous remercie d’avoir rappelé ce point. Je suis tout à fait d’accord avec la plupart de vos propos, du moins en ce qui concerne les problèmes auxquels les Canadiens sont confrontés — si ce n’est de toutes les causes —, mais il y a des problèmes qui ne se prêtent pas à une solution rapide, et il semble que ce soit le cas ici.
La meilleure solution sera que Postes Canada et les syndicats regardent la réalité en face et parviennent à un accord qui préservera la capacité de Postes Canada à continuer de servir les Canadiens et à répondre à leurs besoins.
La santé
L’aide médicale à mourir
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader, le Bureau du coroner en chef de l’Ontario a récemment publié un rapport d’un comité d’examen sur l’aide médicale à mourir. On peut y lire des études de cas troublantes.
Par exemple, un psychiatre a pris l’initiative de parler du suicide assisté à un homme dans la quarantaine qui souffrait d’une maladie intestinale inflammatoire alors qu’il subissait une évaluation de la santé mentale. Le comité a conclu que sa consommation de substances n’avait pas été prise en compte dans les évaluations de la demande d’aide médicale à mourir. On ne lui a pas offert de traitements contre la toxicomanie. Aucun avis de la famille n’a été documenté. Le fournisseur de l’aide médicale à mourir l’a personnellement reconduit, dans son véhicule, jusqu’à l’endroit où il est mort. C’est une honte, monsieur le leader.
Qu’en est-il des prétendues mesures de sauvegarde qui devaient protéger cet homme selon le gouvernement?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Cette histoire est très troublante. Je ne suis pas au courant de ce cas en particulier.
Pour répondre à votre question, je dirai que les mesures de sauvegarde pour les demandes d’aide médicale à mourir sont prévues dans les mesures législatives qui ont été adoptées par le Parlement. L’administration de ces mesures de sauvegarde, des critères et des règles relève des professionnels de la santé qui, dans le cas de l’Ontario, doivent se conformer au cadre réglementaire de la province.
(1540)
Je sais, sénateur Plett, que certains de vos collègues et vous êtes contre l’aide médicale à mourir en toutes circonstances. Je respecte ce point de vue, mais ce n’est pas ce qui est prévu dans la loi au Canada. Je respecte les résultats de l’enquête dont vous parlez.
S’il s’avère qu’on a fait fi de ces règles ou qu’on les a mal appliquées, je m’attends à ce que les autorités réglementaires concernées prennent les mesures qui s’imposent.
Le sénateur Plett : Vous avez tout à fait raison. Je m’y oppose en toutes circonstances. Cependant, tout Canadien raisonnable s’oppose à ce que l’aide à mourir soit offerte à une personne atteinte d’une maladie intestinale inflammatoire, sénateur Gold. J’espère que c’est la même chose pour vous.
Selon le rapport, les personnes qui ont obtenu de l’aide pour se suicider dans le cadre de la voie 2 et dont la mort n’était pas raisonnablement prévisible étaient beaucoup plus susceptibles de vivre dans des régions marginalisées de l’Ontario. Allez-vous rejeter la responsabilité sur les provinces, monsieur le leader? Pour une fois, assumez vos responsabilités.
Le gouvernement Trudeau est-il préoccupé par les conclusions de ce rapport?
Le sénateur Gold : Je choisis de ne pas m’offusquer de certaines de ces insinuations. Vous avez le don, sénateur Plett, d’offenser les gens sans vous en excuser.
Le gouvernement se soucie des Canadiens. Il est extrêmement soucieux de veiller à ce que les dispositions législatives soient bien appliquées et administrées, et il continuera de le faire malgré vos opinions, que je respecte, même si je désapprouve vos insinuations à mon égard.
Merci.
L’Association parlementaire Canada-Europe
La réunion d’automne de l’Assemblée parlementaire de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, tenue du 2 au 4 octobre 2024—Dépôt du rapport
Consentement ayant été accordé de revenir au dépôt de rapports de délégations interparlementaires :
Le sénateur Downe : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de l’Association parlementaire Canada-Europe concernant la 22e réunion d’automne de l’Assemblée parlementaire de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, tenue à Dublin, en Irlande, du 2 au 4 octobre 2024.
ORDRE DU JOUR
Les travaux du Sénat
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l’article 4-12(3) du Règlement, j’informe le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l’ordre suivant : la troisième lecture du projet de loi C-78, suivie de la deuxième lecture du projet de loi C-79, suivie de la troisième lecture du projet de loi C-40, suivie de l’étude de la motion no 207, suivie de l’étude de la motion no 205, suivie de tous les autres articles dans l’ordre où ils figurent au Feuilleton.
Projet de loi concernant un congé fiscal pour l’ensemble des Canadiens
Troisième lecture
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Moncion, appuyée par l’honorable sénatrice Miville-Dechêne, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-78, Loi concernant l’allègement temporaire du coût de la vie (abordabilité).
L’honorable Tony Loffreda : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la troisième lecture pour faire part de mon point de vue sur le projet de loi C-78, qui vise à modifier la Loi sur la taxe d’accise afin de mettre en œuvre un congé temporaire de TPS/TVH du 14 décembre 2024 au 15 février 2025 pour certaines fournitures taxables.
Il est important de noter que lorsque ce congé fiscal a été annoncé pour la première fois, le 21 novembre, il devait être accompagné d’une nouvelle « Remise pour les travailleurs canadiens » de 250 $ qui aurait été distribuée à 18,7 millions de Canadiens au printemps prochain. Cette mesure n’est pas incluse dans le projet de loi C-78.
Premièrement, je tiens à exprimer ma gratitude aux membres du comité pour le travail exceptionnel que nous avons accompli la semaine dernière. Je vous remercie.
Malgré des délais serrés, notre comité a tenu trois réunions et a reçu 18 témoins, dont des intervenants de l’industrie tels que des détaillants, des épiciers et des restaurateurs.
Nous avons entendu des représentants du Centre canadien de politiques alternatives, un ancien gouverneur de la Banque du Canada, le directeur parlementaire du budget et des universitaires. Nous avons également eu le plaisir d’accueillir la ministre Freeland et des représentants du ministère des Finances et de l’Agence du revenu du Canada mercredi.
Deuxièmement, je vais vous expliquer pourquoi j’appuie le projet de loi.
Pour mon troisième et dernier point, mais non le moindre, j’aimerais prendre quelques minutes pour revenir sur certains des témoignages entendus la semaine dernière par le Comité des finances nationales, notamment de la part de gens d’affaires. Je trouve important que les honorables sénateurs entendent ce que ces gens avaient à dire, même si je dois admettre que j’ai abrégé leurs propos parce que je sais que la sonnerie va retentir bientôt et que les votes suivront.
Chers collègues, permettez-moi de vous expliquer pourquoi j’appuie ce projet de loi. Pour commencer, il accordera un répit financier immédiat aux Canadiens en exonérant certains biens et services essentiels de la TPS et de la TVH. Tous les Canadiens pourront vraisemblablement faire rapidement des économies s’ils achètent les articles visés.
Ce projet de loi favorise également l’abordabilité pendant une période cruciale. Ce congé de taxe temporaire coïncide avec la période des Fêtes, pendant laquelle les dépenses des ménages sont généralement en hausse, et il vise à alléger la pression financière qui pèse sur leurs épaules en faisant baisser le coût d’un grand nombre d’articles essentiels ou populaires pendant cette période de l’année.
Le projet de loi stimulera également les dépenses de consommation et l’économie en général en faisant baisser le coût de certains types de marchandises. Cette mesure devrait favoriser les dépenses de consommation et offrir un bon coup de pouce au secteur de la vente au détail et à celui de la restauration. Le regain de vitalité espéré a d’ailleurs poussé les analystes de la BMO à ajuster leurs prévisions de croissance du PIB à la hausse.
Ce projet de loi vient aussi en aide aux familles avec enfants. L’inclusion des vêtements, des chaussures et des sièges d’auto pour enfants, des couches et des jouets dans la liste des articles exonérés de taxe offrira un répit ciblé aux familles, qui pourront plus facilement assumer ce qu’il en coûte pour élever une famille et prendre soin d’enfants.
Enfin, le projet de loi favorise la littératie et l’éducation en exonérant de la taxe les livres et les imprimés. Le projet de loi encourage la lecture et les activités éducatives, ce qui pourrait entraîner des avantages sociaux à long terme.
En résumé, le projet de loi C-78 est conçu pour offrir une aide financière immédiate aux Canadiens, stimuler l’activité économique et soutenir tous les Canadiens et toutes les familles pendant une période où les dépenses sont élevées. Pour ces raisons, je voterai en faveur du projet de loi C-78.
Ce projet de loi vise à aider les familles, les enfants et de nombreux Canadiens en atténuant les pressions financières qu’ils peuvent subir. Donnons-leur l’aide dont ils ont besoin. Les entreprises devraient également profiter d’une hausse des ventes.
Les Canadiens s’attendent désormais à cette aide. Les entreprises ont déjà engagé des dépenses pour se préparer à ce projet de loi que tout le monde s’attend à voir entrer en vigueur samedi. Nous avons entendu des arguments selon lesquels cela coûte cher aux entreprises. Ces dépenses sont déjà engagées. Pouvez-vous imaginer l’impression que nous donnerions si nous ne votions pas en faveur de ce projet de loi alors que les entreprises ont déjà engagé les dépenses? Elles n’engrangeraient pas les recettes qui en découleront. C’est un point important.
Bien sûr, la plupart des Canadiens accueilleront favorablement ce congé de taxe. Qui ne voudrait pas avoir en poche une plus grande partie de l’argent qu’il a durement gagné?
Permettez-moi de vous faire part de ce que nous avons entendu dans le cadre des travaux du comité.
Pour d’aucuns, cette mesure est trop générale et ne cible pas les Canadiens qui en ont le plus besoin. Le directeur parlementaire du budget nous rappelle d’ailleurs que le congé de TPS et de TVH est de portée générale. Ce congé ne se voulait pas une mesure ciblant certaines tranches de la population. Sinon, le gouvernement s’y serait sans doute pris autrement.
Le gouvernement a manifestement choisi d’instaurer un congé de taxe universel, ce qui m’amène à parler d’autres grandes questions, dont certaines ont été abordées au comité.
Premièrement, à propos du choix des articles admissibles au congé de taxe, la ministre Freeland a expliqué que le gouvernement a commencé par les denrées alimentaires, qui sont essentielles, mais coûtent de plus en plus cher, et qu’il a ensuite élargi la liste aux vêtements, aux couches et aux articles dont les enfants ont besoin.
Deuxièmement, il a été beaucoup question en comité du fardeau que cette mesure impose aux entreprises. Je suis conscient des coûts associés à l’application de ces modifications, mais il faut se rappeler que les ventes augmenteront. Ce projet de loi entraînera une augmentation des revenus. Les dépenses associées à l’application de cette mesure ont déjà été faites.
En effet, pour bien des entreprises, ces dépenses, ou la plupart d’entre elles, ont déjà été faites parce qu’elles s’attendent à ce que le projet de loi soit en vigueur d’ici samedi. Si nous rejetons le projet de loi, il n’y aura pas de revenus supplémentaires, mais les coûts additionnels auront déjà été engagés.
Le Conseil canadien du commerce de détail a déclaré ceci :
[...] nous appuyons cette politique visant à accorder un congé de TPS et nous croyons qu’elle aura des avantages concrets et importants tant pour les consommateurs que pour les détaillants.
Le conseil a dit qu’il y avait des défis à relever, mais qu’il soutenait ce projet de loi.
Chers collègues, depuis l’annonce de cette mesure il y a trois semaines, mon téléphone ne cesse de sonner — comme toujours, mais un peu plus. Certains membres du milieu des affaires sont inquiets, et avec raison, mais beaucoup m’ont également dit qu’il y avait un effet positif déjà perceptible. En effet, les revenus et les profits nets seront plus élevés.
(1550)
J’ai bon espoir que les coûts associés à la mise en œuvre de ce changement seront compensés par la hausse des ventes et des profits. Pour tout vous dire, les économistes de la BMO estiment que le congé de TPS et de TVH incitera les gens à dépenser et ils prévoient que la croissance du produit intérieur brut au premier trimestre de 2025 va passer de 1,7 à 2,5 %.
Voyez un peu : Maximilien Roy, de Restaurants Canada — qui appuie le projet de loi C-78 — a déclaré que le congé de TPS et de TVH ne pouvait pas mieux tomber pour le secteur hôtelier et celui de la restauration. Selon l’économiste en chef de l’association, les ventes additionnelles que connaîtra son secteur d’activité pendant cette période pourraient atteindre 1,5 milliard de dollars — et c’est seulement pour le secteur de la restauration. Voilà pourquoi je disais tout à l’heure que l’on constate déjà les retombées de cette annonce dans l’augmentation du nombre de réservations pour le temps des Fêtes, par exemple.
Je crois qu’on peut espérer que le phénomène se répétera dans les autres secteurs d’activité, et, qui sait, peut-être une partie des économies réalisées réintégreront-elle l’économie par d’autres chemins.
Le troisième point que je souhaite aborder est l’approche de l’Agence du revenu du Canada en matière de conformité. Les entreprises devront se conformer à cette nouvelle mesure fiscale, mais certains se demandent ce qui arrivera à celles qui y dérogeront sans le vouloir. Cette mesure a été annoncée à très court préavis, sa mise en œuvre nécessitera beaucoup de travail et la liste des articles admissibles est passablement complexe, alors des erreurs de bonne foi sont très certainement possibles.
Le directeur général de la Direction de la TPS/TVH et de l’observation numérique a déclaré au comité que le gouvernement est bien conscient des difficultés des entreprises. La direction a mis de nombreuses ressources à la disposition des entreprises pour répondre à leurs questions et communiquer avec elles. Il nous a dit que l’Agence du revenu du Canada allait adopter une approche pragmatique concernant l’observation des règles et qu’elle allait se concentrer sur les cas où les entreprises refusent carrément de les appliquer. Il a insisté sur le fait que les entreprises qui cherchent de façon raisonnable à s’y conformer n’ont rien à craindre. L’agence ne veut pas pénaliser les personnes qui cherchent à respecter les règles.
Je presse d’ailleurs l’agence de se concentrer sur les entreprises qui refusent carrément de se conformer aux changements fiscaux. Nous suivrons ce dossier de près.
Je répète que cette mesure vise à aider l’ensemble des Canadiens dans le contexte actuel de la crise du coût de la vie. Elle ne se veut pas une mesure ciblant les personnes à faible revenu. Comme la ministre Freeland nous l’a rappelé, le gouvernement a déjà fait beaucoup depuis 2015 pour aider les personnes les plus vulnérables et les plus démunies.
En ce qui concerne la capacité fiscale du Canada de se priver de ces recettes, ce qui est d’ailleurs extrêmement important, j’ai posé la question au directeur parlementaire du budget lorsqu’il a comparu devant le comité. En parlant de son dernier rapport sur la viabilité financière, il a confirmé ceci :
[...] selon la politique actuelle, ses paramètres et les hypothèses démographiques, la situation financière est viable au Canada. Le gouvernement fédéral pourrait dépenser plus ou réduire ses recettes fiscales, ou une combinaison des deux, et demeurer viable sur un horizon de 75 ans. Par conséquent, y a-t-il des capacités financières permettant de faire plus d’investissements? La réponse est oui.
Au comité, nous nous sommes penchés sur la politique budgétaire et monétaire. Pendant ma carrière de 40 ans dans le secteur financier, j’ai participé à de nombreuses discussions. Je dis 40 ans en comptant mes 5 années au Sénat. Je peux vous dire que je suis très impressionné par le Comité sénatorial des finances — tout comme l’est le Globe and Mail. Je remercie encore une fois mes collègues du travail qu’ils font.
Les questions soulevées au comité ont aussi porté sur la politique monétaire. Nous avons notamment discuté des médias qui avaient rapporté qu’au moins un expert était d’avis que le projet de loi C-78 ruinerait toute chance d’une réduction marquée du taux directeur par la Banque du Canada. Le sentiment était qu’il fallait maintenant oublier une telle réduction et que, même si nous en avions besoin, le projet de loi détruirait cette possibilité. Vous savez quoi? Hier, la Banque du Canada a réduit le taux directeur de 50 points de base, ce qui a démenti cette critique.
Je pourrais parler longtemps des excellentes questions qui ont été soulevées, mais, parce que je suis conscient de la sonnerie et du vote qui vont suivre, je conclurai en disant que le Comité sénatorial des finances, qui est exceptionnel, recommande aux sénateurs, après avoir fait un travail diligent et approfondi, d’appuyer le projet de loi. Offrons à de nombreux Canadiens l’aide dont ils ont besoin pendant les Fêtes.
Merci, meegwetch.
L’honorable Percy E. Downe : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?
Le sénateur Loffreda : Oui.
Le sénateur Downe : Monsieur le sénateur, les entreprises canadiennes croiraient davantage les paroles rassurantes de l’Agence du revenu du Canada si cet organisme était connu pour joindre le geste à la parole. Malheureusement, au cours des dernières années, l’agence a — et je resterai poli — induit les Canadiens en erreur. Par exemple, elle a prétendu que 90 % des appelants réussissaient à joindre un agent de leur centre d’appels. C’est extrêmement important. Les entreprises ont besoin de savoir comment mettre en œuvre le congé de taxe, et elles vont communiquer avec le centre d’appels de l’Agence du revenu du Canada.
C’est ce qu’a prétendu l’Agence du revenu du Canada. Toutefois, quand la vérificatrice générale a mené son enquête, elle a découvert que l’agence avait raccroché au nez de 28 millions d’appelants et que le taux réel d’appelants ayant réussi à joindre un agent du centre d’appels était de 36 %.
Il y a toute une série de problèmes avec ce que l’Agence du revenu du Canada a dit et ce qu’elle a fait ces dernières années.
Pourquoi êtes-vous si confiant à l’égard de ce que nous avons entendu lors de cette réunion du Comité des finances?
Le sénateur Loffreda : Je vous remercie.
J’ai beaucoup d’expérience avec l’Agence du revenu du Canada. Vous avez entendu la question que j’ai posée à ses représentants lorsqu’ils étaient devant le comité. Je l’ai déjà dit : quand l’ARC frappe, elle frappe fort. Avons-nous l’assurance que ce ne sera pas le cas ici et que l’agence se montrera clémente envers les erreurs non intentionnelles? Vous avez entendu la réponse, sénateur Downe.
Je ne peux pas commenter ce qui est arrivé par le passé, je peux seulement regarder en avant. On dit qu’il n’y a rien de plus important que l’espoir, alors espérons. L’agence a les ressources qu’il faut. Nous avons entendu ses représentants — leur témoignage est public — et j’entends leur demander des comptes.
Le sénateur Downe : Il y a d’autres exemples, évidemment. L’ARC est loin d’en être à ses premières frasques. Il y a quelques années, certains contribuables qui touchaient le crédit d’impôt pour personnes handicapées ont soudainement cessé d’y être admissibles. L’Agence du revenu du Canada a alors dit publiquement que les critères n’avaient pas changé. Diabète Canada a mis la main sur un courriel fuité qui prouvait exactement le contraire. La chose a été ébruitée et l’ARC a dû se dédire.
Que dire des 300 employés de l’agence qui ont été renvoyés parce qu’ils ont réclamé des prestations auxquelles ils n’avaient pas droit pendant la pandémie? Dernièrement, l’agence a refusé de révéler au Parlement combien de dossiers fiscaux de Canadiens avaient été compromis. Elle versait de l’argent à des pirates informatiques. L’agence a fini par transmettre une partie de l’information au Parlement, mais à personne d’autre.
Dans les circonstances, pourquoi le Comité des finances n’invite-t-il par l’ARC et ne soumet-il pas sa culture organisationnelle à une étude détaillée?
[Français]
Son Honneur la Présidente : Sénateur Loffreda, votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous plus de temps pour répondre à la question?
[Traduction]
Le sénateur Loffreda : Je demande seulement du temps pour répondre à cette question. Cela vous va?
Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
Le sénateur Loffreda : Sénateur Downe, vous faites valoir d’excellents arguments. J’ai le plus grand respect pour votre expérience, pour tout ce que vous avez fait et pour les services que vous avez rendus.
Malheureusement, je ne suis ni président ni même membre du comité directeur du Comité des finances. Je vous rappelle toutefois qu’il y a quand même une étude en cours et que les recommandations seront transmises au comité directeur et à son président. Le président actuel sait où il s’en va. Tout le monde louangeait le sénateur Mockler pour son excellent travail, mais le sénateur Carignan fait un travail exceptionnel. Nous avons un Comité des finances extraordinaire. Espérons que le comité directeur saura en profiter.
J’ai presque terminé.
Les gens disent souvent qu’ils n’ont aucun pouvoir. Or, le pouvoir le plus sous-estimé du monde est celui de l’influence. Espérons que j’aurai assez d’influence pour convaincre le comité de se lancer dans cette étude.
Son Honneur la Présidente : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : Oui.
Des voix : Non.
Son Honneur la Présidente : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Des voix : Oui.
Son Honneur la Présidente : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.
Des voix : Non.
Son Honneur la Présidente : À mon avis, les oui l’emportent.
Et deux honorables sénateurs s’étant levés :
Son Honneur la Présidente : Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie? Pardon, mais j’ai entendu un « non ». La sonnerie retentira pendant une heure, et le vote aura lieu à 17 heures.
Convoquez les sénateurs.
(1700)
La motion, mise aux voix, est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté :
POUR
Les honorables sénateurs
Al Zaibak | Klyne |
Arnot | Kutcher |
Aucoin | LaBoucane-Benson |
Audette | Loffreda |
Bernard | MacAdam |
Boehm | Massicotte |
Boudreau | McBean |
Burey | McNair |
Busson | Mégie |
Cardozo | Miville-Dechêne |
Clement | Moncion |
Cormier | Moodie |
Coyle | Moreau |
Cuzner | Muggli |
Dalphond | Oudar |
Dasko | Pate |
Deacon (Ontario) | Petitclerc |
Dean | Petten |
Duncan | Ravalia |
Francis | Ringuette |
Fridhandler | Saint-Germain |
Galvez | Senior |
Gerba | Simons |
Gignac | Sorensen |
Gold | Wells (Alberta) |
Greenwood | White |
Harder | Woo |
Hartling | Youance |
Kingston | Yussuff—58 |
CONTRE
Les honorables sénateurs
Anderson | Martin |
Ataullahjan | McCallum |
Batters | Plett |
Black | Quinn |
Brazeau | Richards |
Carignan | Ross |
Deacon (Nouvelle-Écosse) | Seidman |
Downe | Smith |
Housakos | Verner |
MacDonald | Wallin |
Manning | Wells (Terre-Neuve-et-Labrador)—22 |
ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs
Patterson | Tannas—3 |
Robinson |
Projet de loi de crédits no 4 pour 2024-2025
Deuxième lecture
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) propose que le projet de loi C-79, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2025, soit lu pour la deuxième fois.
Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
Une voix : Avec dissidence.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion de la sénatrice LaBoucane-Benson, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance, avec dissidence.)
[Français]
Projet de loi sur la Commission d’examen des erreurs du système judiciaire (Loi de David et Joyce Milgaard)
Projet de loi modificatif—Troisième lecture
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Arnot, appuyée par l’honorable sénatrice Clement, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-40, Loi modifiant le Code criminel et d’autres lois en conséquence et abrogeant un règlement (examen des erreurs judiciaires).
L’honorable Claude Carignan : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-40. Mon intervention sera brève, mais j’espère qu’elle trouvera écho auprès de vous et de tous les Canadiens et Canadiennes qui suivent nos travaux.
Le projet de loi C-40 est important, et les personnes directement ou indirectement visées par ce projet de loi méritent qu’on analyse de façon non partisane toutes les possibilités qui existent pour améliorer le contenu et les effets de ce projet de loi. Il est impossible de rester insensible à l’histoire de David et Joyce Milgaard qui est à l’origine de ce projet de loi. J’ajouterais que chaque témoignage de victimes d’erreur judiciaire que j’ai eu le privilège d’entendre en tant que membre du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles est tout simplement bouleversant. Je tiens d’ailleurs à saluer MM. Brian Anderson, Clarence Woodhouse et Guy Paul Morin, qui sont venus témoigner courageusement devant notre comité. Ce sont des personnes qui ont fait et qui font toujours preuve d’une grande résilience. Ils ont tout mon respect.
(1710)
Devant ces histoires d’horreur, je me suis demandé ce que nous pouvions faire de plus pour améliorer ce projet de loi pour que des situations comme celles qui nous ont été racontées par les témoins ne se reproduisent plus. Je sais bien que notre système de justice n’est pas parfait et qu’il ne le sera jamais et que, malgré toute la bonne volonté des membres du Sénat et de l’autre endroit, aucun projet de loi ne réussira à tout corriger ou à tout prévoir. Toutefois, si une personne innocente de moins se retrouve derrière les barreaux parce qu’on a apporté une correction ou fait un ajout au projet de loi C-40, une vie de moins aura été brisée.
J’ajouterais qu’il ne faut pas oublier que le projet de loi C-40 traite des erreurs judiciaires. Par conséquent, s’il y a une erreur judiciaire, cela veut dire qu’une personne qui a réellement commis un crime est probablement en liberté. De ce fait, de quelle façon concrète pensons-nous à la victime du crime dans ce projet de loi? On peut penser que les victimes acquièrent au fil du temps une certaine forme de sérénité, puisqu’elles croient que le responsable du crime qu’elles ont subi a été condamné et que justice a été rendue.
J’ai moi-même proposé en vain des amendements au projet de loi C-40 afin que personne ne soit oublié dans ce processus. C’est la raison pour laquelle je prends la parole aujourd’hui. Mes amendements proposaient d’inclure dans le projet de loi deux groupes de personnes qui sont les grands oubliés de cette mesure législative, soit les militaires et les victimes. Je ne vous referai pas la nomenclature de chacun des huit amendements que j’ai proposés. Cependant, je vous les résumerai brièvement en deux volets.
Pour ce qui est de nos militaires, à qui nous devons le respect en raison de l’importance de leur engagement à nous protéger et de tous les sacrifices que cela représente, j’ai proposé qu’ils soient inclus dans ce projet de loi. Je proposais notamment d’incorporer l’article 130 de la Loi sur la défense nationale à la partie XXI.1 du Code criminel, afin que les militaires qui ont subi un procès militaire pour des infractions civiles puissent présenter une demande d’examen à la Commission d’examen des erreurs du système judiciaire. L’objectif était donc que les droits d’un militaire soient identiques à ceux d’un civil, parce qu’ils sont tout aussi importants qu’eux.
Enfin, j’ai proposé des amendements qui auraient eu pour effet d’inclure la victime d’une façon concrète, claire et précise durant le processus de demande d’examen au motif d’erreur judiciaire. Cela aurait eu pour effet que la victime soit tenue au courant du processus à différents moments de l’examen par la Commission d’examen des erreurs du système judiciaire. Ces amendements faisaient suite aux témoignages de représentants de groupes de défense des droits des victimes.
De plus, je proposais que le paragraphe 2.2(1) du Code criminel incorpore la partie XXI.1 de ce même code aux articles déjà énumérés à ce paragraphe, qui prévoit les différents endroits dans le Code criminel où un particulier peut agir pour le compte de la victime, advenant le décès de cette dernière ou son incapacité d’agir. Cela aurait eu pour effet d’élargir la liste des personnes auxquelles la Commission d’examen des erreurs du système judiciaire aurait été tenue de rendre compte durant les différentes étapes du processus d’examen.
En conclusion, chers collègues, je ne peux malheureusement pas voter en faveur du projet de loi C-40, puisque celui-ci laisse délibérément de côté des personnes importantes qui doivent être comprises dans le processus de demande d’examen au motif d’erreur judiciaire. Je ne peux donner mon appui à un projet de loi qui donne des droits à une catégorie de citoyens canadiens, mais qui en exclut une autre en ne donnant pas ces mêmes droits à nos militaires. Ensuite, le projet de loi C-40 ne peut avoir mon soutien, puisque les victimes n’y sont pas incluses d’une manière qui ne laisse place à aucune ambiguïté.
Ainsi, honorables sénateurs, je vous invite à voter contre le projet de loi C-40, puisque celui-ci crée des injustices flagrantes durant le processus de demande de révision au motif d’erreur judiciaire.
Je vous remercie.
L’honorable Pierre J. Dalphond : Est-ce que le sénateur Carignan accepterait de répondre à une question?
Le sénateur Carignan : Bien sûr.
Le sénateur Dalphond : Sénateur Carignan, êtes-vous au courant que le projet de loi C-66 est actuellement à l’étude à la Chambre des communes? Ce projet de loi concerne la révision du système de justice militaire. Nous pourrions facilement y inclure une disposition qui permettrait de donner compétence à la Commission d’examen des erreurs du système judiciaire.
Êtes-vous bien conscient que le projet de loi C-40 oblige la Commission d’examen des erreurs du système judiciaire à donner des avis aux victimes, selon la procédure qu’elle déterminera?
Le sénateur Carignan : Effectivement, j’ai consulté le projet de C-66, projet de loi sur la modernisation du système de justice militaire. Malheureusement, il ne traite pas du tout des erreurs judiciaires; ce n’est pas son objet. Il en est à l’étape de la deuxième lecture. Selon ce que plusieurs en disent, les risques sont élevés que ce projet de loi meure de sa belle mort. J’ai donc peu d’espoir que ce projet de loi soit adopté à l’autre endroit, et encore moins qu’il soit modifié en ce qui a trait au processus d’erreur judiciaire.
Nous avons l’occasion de le faire immédiatement. Il s’agit d’amendements faciles à faire et qui peuvent s’intégrer aisément dans le projet de loi. Malheureusement, le comité les a rejetés. Si on peut donner des droits à des civils et aux militaires au même moment, cela me semble être la manière la plus appropriée de le faire, sans créer de délai inutile.
On sait qu’au Royaume-Uni, ils ont prévu des cours martiales directement dans le projet de loi qui traite de leur commission pour les erreurs judiciaires.
Pour ce qui est du droit d’être informé, encore une fois, il serait plus puissant si l’obligation d’informer était inscrite dans une loi, plutôt que de laisser le soin à un organisme de donner de l’information aux victimes au sujet de ce processus. Ce n’est pas prévu dans le projet de loi et il n’y aurait pas d’obligation légale d’agir.
[Traduction]
L’honorable Rebecca Patterson : Accepteriez-vous de répondre à une question de plus?
[Français]
Le sénateur Carignan : Avec plaisir, sénatrice Patterson.
La sénatrice Patterson : Merci.
[Traduction]
Comme vous le savez, le projet de loi qui est à l’autre endroit en est à l’étape de la deuxième lecture et il se fonde essentiellement sur deux examens. Le premier est l’examen de la Loi sur la défense nationale qui est prévu dans la loi. Il a entraîné beaucoup de changements, mais il s’agit d’un examen exigé par la loi. Dans l’autre cas, il s’agit d’une étude spéciale réalisée par un autre ancien juge de la Cour suprême.
Croyez-vous qu’il serait possible de changer la partie du projet de loi à venir qui porte sur l’examen prescrit par la loi? Parce que la dernière chose que nous voulons, c’est de créer une disparité pour les membres des Forces armées canadiennes.
[Français]
Le sénateur Carignan : Le projet de loi C-66 est plus complet et vise tout le processus disciplinaire. Évidemment, les infractions qui touchent les militaires concernent aussi la discipline. Il s’agit d’un code et d’un projet de loi vraiment différents de ce qui nous est présenté dans le projet de loi C-40, qui vise les erreurs judiciaires commises pour des infractions criminelles. Le Code criminel est inclus par référence dans le code disciplinaire des militaires.
Il serait laborieux de l’inscrire dans le projet de loi C-66. Étant donné qu’il n’est inscrit ni dans le projet de loi C-40 ni dans le projet de loi C-66, je considère que nos militaires ont été oubliés.
(1720)
[Traduction]
L’honorable Denise Batters : Honorables sénateurs, c’est à titre de porte-parole de l’opposition que je parlerai aujourd’hui du projet de loi C-40, Loi sur la Commission d’examen des erreurs du système judiciaire, aussi connu sous le nom de Loi de David et Joyce Milgaard. Même si l’idée de créer une commission chargée de se pencher sur les erreurs judiciaires a été évoquée à de nombreuses reprises au fil des ans, il a fallu attendre beaucoup de temps avant qu’un projet de loi en ce sens soit présenté.
Je trouve tout à fait pertinent que cette loi honore à jamais la mémoire de l’une des victimes des pires erreurs judiciaires du Canada, David Milgaard, et de sa mère Joyce, qui a lutté bec et ongles pour prouver son innocence. Encore adolescent, David Milgaard a été reconnu coupable du viol et du meurtre d’une étudiante en soins infirmiers de Saskatoon, Gail Miller. Il a passé 23 ans en prison pour des crimes qu’il n’a pas commis. Le verdict de culpabilité de Milgaard a été annulé et son innocence a été prouvée hors de tout doute par la génétique, qui a permis d’établir que c’est plutôt le violeur en série Larry Fisher qui était derrière ces crimes.
Ce cas a fait beaucoup de bruit dans ma province, la Saskatchewan, et il a touché une corde sensible chez beaucoup de gens. Je l’ai étudié pendant ma première année en droit pénal, en plein dans la ville où le meurtre a été commis. En 2003, le gouvernement de la Saskatchewan a lancé une enquête officielle sur la condamnation injustifiée de David Milgaard. Des années plus tard, quand le ministre Don Morgan a rendu les résultats de l’enquête publics, j’étais cheffe de cabinet pour M. Morgan, fonction que j’ai occupée jusqu’à l’automne 2018. J’ai même eu l’honneur de rencontrer Joyce Milgaard avant la conférence de presse qui a été organisée ce jour-là.
Vous avez entendu les sénateurs Cotter et Arnot parler de leur intervention directe dans certains aspects de l’affaire. Le sénateur Arnot avait poursuivi Larry Fisher lors d’un précédent procès, et le sénateur Cotter, en tant que sous-ministre de la Justice de la Saskatchewan, a joué un rôle dans la décision de procéder à l’examen provincial de l’affaire Milgaard et dans l’approbation de la nouvelle analyse des preuves qui finirait par blanchir le nom de Milgaard et par mener la police au véritable assassin, Larry Fisher. La sénatrice Pate, amie de David Milgaard, a parlé de ses expériences personnelles avec lui alors qu’il essayait de rebâtir sa vie après sa condamnation injustifiée, et elle a parlé de son engagement inébranlable à veiller à ce que justice soit rendue aux autres personnes qui ont été traitées de la même manière par le système de justice.
Tant de Canadiens ont été touchés par l’histoire de David Milgaard. Au cours de l’étude du projet de loi C-40 par le Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles, nous avons eu la chance d’entendre l’ancienne première ministre Kim Campbell, qui était la ministre fédérale de la Justice à l’époque où Joyce Milgaard se battait pour appeler de la condamnation injustifiée de David. Mme Campbell nous a expliqué qu’en réalité, c’est elle, et non le premier ministre de l’époque, Brian Mulroney, qui a eu l’idée de porter l’affaire David Milgaard devant la Cour suprême du Canada. Cette action a déclenché le processus qui a finalement abouti à l’annulation de la condamnation de David Milgaard. Elle a dit :
La raison pour laquelle j’ai soumis ce renvoi à la Cour suprême du Canada — et, soit dit en passant, cela remonte à l’affaire Steven Truscott. Quand j’étais jeune, mon père avocat avait un livre d’Isabel LeBourdais intitulé The Trial of Steven Truscott, et je n’étais qu’une jeune femme quand je l’ai lu. À l’époque, Jean Chrétien était ministre de la Justice et il a renvoyé la cause devant la Cour suprême du Canada. Il lui a demandé de l’examiner comme si elle avait accueilli un appel — je crois qu’elle a rejeté l’appel. Je me suis donc demandé ce que je pouvais faire. J’ai soumis un renvoi à la Cour suprême du Canada pour lui demander si, après avoir examiné tout ce que j’avais sous les yeux et plus encore, elle était d’avis qu’il y avait probablement eu une erreur judiciaire. Ce qui a rendu cela possible, c’est la diffusion publique de tous les témoignages que j’avais devant moi. La question n’était donc pas de savoir pourquoi Kim Campbell ne faisait pas ceci ou cela. Ce n’était pas à propos de moi. C’était à propos de ce cas très difficile, et cela a donné ce genre d’ouverture.
Si une commission a la capacité de faire connaître publiquement les éléments de preuve et de permettre aux gens de voir ce qui est examiné — il faut déterminer quelle est la meilleure mesure à prendre —, cela aide à créer une certaine confiance que rien n’est caché et qu’on répond aux affirmations. Ce processus est très prometteur.
Mme Campbell a ajouté que l’affaire Milgaard a été « [...] l’un des cas les plus difficiles que j’aie jamais rencontrés [...] parce que les preuves circonstancielles [pointant vers Milgaard] étaient écrasantes [...] » Voici ce qu’a déclaré l’ancienne première ministre et ancienne ministre de la Justice en songeant à l’aspect émouvant de l’affaire Milgaard :
C’est une affaire qui m’a hantée. Je dois dire que, lorsque j’ai trié mes papiers après que l’électorat canadien m’a imposé ma retraite politique à l’automne 1993, j’ai découvert une très jolie carte de Noël de Joyce Milgaard. Je pense qu’elle a compris que j’avais fait tout ce que je pouvais. Elle se souciait beaucoup de moi. J’étais heureuse pour elle lorsque David a finalement été clairement exonéré.
Le Comité sénatorial des affaires juridiques a entendu des récits déchirants de la part d’autres témoins qui ont eux aussi été condamnés à tort. L’un d’entre eux est Guy Paul Morin, qui a été condamné pour un meurtre qu’il n’a pas commis, celui de sa voisine Christine Jessop, âgée de neuf ans. La rencontre avec Guy Paul Morin et son témoignage resteront à jamais gravés dans ma mémoire comme un moment clé de mon mandat de sénatrice.
Le dossier de M. Morin était truffé d’erreurs. Le juge québécois qui a supervisé l’enquête sur l’erreur judiciaire a qualifié l’affaire de « vision étroite aux proportions ahurissantes ». M. Morin a été disculpé en 1995 grâce à des éléments de preuve provenant de l’analyse de l’ADN, mais ce n’est qu’en 2020 que l’identité du véritable assassin, Calvin Hoover, un ami de la famille Jessops, a été révélée. Il s’était suicidé cinq ans plus tôt.
M. Morin a raconté au comité à quel point les préjugés persistent après une condamnation criminelle, même si cette condamnation est annulée pour cause d’erreur judiciaire. M. Morin a raconté que quelqu’un avait dit que son nom était celui d’un « tueur » longtemps après qu’il ait été disculpé. M. Morin a expliqué qu’il doit vivre avec le déshonneur associé à sa condamnation injustifiée, ce qui n’a jamais été le cas pour Calvin Hoover, le véritable tueur. À propos du véritable coupable, M. Morin a déclaré :
[Calvin Hoover] n’a eu qu’une semaine peut-être de couverture médiatique. J’ai eu dix ans. Encore aujourd’hui les gens me disent : « Je suis au courant de ton cas. » Ce à quoi je réponds : « Savez-vous qu’ils ont trouvé le vrai meurtrier de Christine Jessop? » Ils me disent alors : « Tu te moques de moi? » Ils sont tellement surpris. Je dis : « Vous avez donc manqué la fois dont on en a parlé dans les nouvelles. » À ce jour, c’est encore un problème pour moi. Je suis déçu de la façon dont cela s’est passé.
J’aime la vie, mais je n’aime pas ce que la vie m’a donné.
Voici ce que j’ai répondu :
Monsieur Morin, votre nom est synonyme de persévérance et pas de meurtrier. Vous êtes le symbole pour moi de quelqu’un qui a persévéré malgré d’énormes défis, et j’espère que vous repartirez d’ici aujourd’hui en vous rappelant de cela.
Le comité a également entendu le témoignage de deux hommes autochtones qui ont été condamnés à tort. Ils ont témoigné de la discrimination systémique qu’ils ont subie dans le système de justice pénale et qui a contribué à l’erreur judiciaire dont ils ont été victimes. Brian Anderson et Clarence Woodhouse étaient deux des quatre jeunes Autochtones condamnés à tort pour le meurtre de Ting Fong Chan, un chef cuisinier, au centre-ville de Winnipeg en 1973. Les deux hommes, ainsi qu’un troisième, Allan Woodhouse, ont été récemment acquittés, plus de 50 ans plus tard. Le frère de Clarence, Russell Woodhouse, le quatrième homme condamné pour le même crime, est décédé en 2011 alors qu’il était incarcéré, avant que son dossier ne puisse être réexaminé.
Brian Anderson a déclaré au comité :
La police a profité de notre jeune âge, de notre méconnaissance du système de justice pénale et du fait que nous étions des Anishinabes et que nous ne parlions pas bien l’anglais. Lorsque j’ai été questionné par la police, on m’a menacé et on a utilisé la force. Il était facile pour la police de forger des aveux. Ces faux aveux sont la raison pour laquelle nous avons été condamnés.
[…] Il y a une forte population d’Autochtones et de Noirs dans le système carcéral. Je le sais d’expérience. Le racisme et la corruption ont mené à ma condamnation injustifiée. Le projet de loi C-40 peut aider à faire entendre la voix d’autres personnes innocentes comme moi, qui ont besoin de cela parce que personne ne les écoute.
Les gouvernements aiment parler de réconciliation. Agissons concrètement. Donnez-moi des preuves de la réconciliation. J’ai lutté toute ma vie pour cela. Je ne veux plus que cela arrive à des gens comme moi.
Clarence Woodhouse est venu témoigner devant le Comité sénatorial des affaires juridiques, mais il n’a pas pu s’exprimer en raison de problèmes de traduction. Bien que l’on ait assuré à notre comité qu’un interprète saulteaux serait présent, nous avons découvert peu avant la réunion que ce n’était pas le cas. M. Woodhouse a donc enregistré une déclaration après la réunion, qui a été traduite et distribuée aux membres du comité. Je crois fermement que sa déclaration mérite une plus grande importance dans la discussion sur le projet de loi C-40. On a déjà volé la voix de M. Woodhouse; je ne veux pas que cela se reproduise au Sénat. Voilà pourquoi je tiens à lire la version traduite de sa déclaration pour le compte rendu aujourd’hui.
Clarence Woodhouse a commencé ainsi:
Boozhoo! Je m’appelle Clarence Woodhouse, et je vous remercie de cette occasion de vous parler de l’importance de la Loi de David et Joyce Milgaard, qui chargerait un groupe indépendant d’examiner les condamnations injustifiées. Ce groupe est nécessaire parce qu’il sera distinct du système judiciaire, ce système qui m’a condamné et m’a mis en prison, ainsi que bien d’autres personnes innocentes au Canada.
Je suis un Anishinaabe de la Première Nation de Pinaymootang, au Manitoba.
Mon frère Russell, maintenant décédé, mon cousin Brian Anderson, A. J. Woodhouse — qui n’a pas de lien de parenté avec moi malgré notre nom de famille identique — et moi avons été condamnés à tort, quand j’avais seulement 19 ans, pour le meurtre de M. Tin Fong Chang, une personne que ni mes coaccusés ni moi-même ne connaissions. Nous n’avions rien à voir avec la mort de M. Chang. Nous étions tous des nouveaux venus à Winnipeg et notre maîtrise de l’anglais était très faible, voire nulle. On ne nous a pas fourni d’interprète lorsque la police nous a interrogés. Je ne comprenais rien à ce qui se passait, et personne ne m’a rien expliqué. J’étais sous le choc. Je ne comprenais pas quels étaient mes droits; j’essayais seulement de me sortir de ce cauchemar.
Aucun de nous n’avait la moindre expérience du système de justice pénale; nous étions donc des proies faciles pour la police et le procureur George Dangerfield.
La police m’a brutalisé pour que je signe une fausse confession. Le procureur a dit que j’avais fait cette confession en anglais, alors que je ne savais ni parler, ni lire, ni écrire cette langue. C’est ce que j’ai dit au procès, mais personne ne m’a cru.
Mes années en prison, je les ai passées dans la peur et une grande solitude. Je n’avais plus de repères dans ce monde du pénitencier, où personne ne devrait être jeté au risque de sa vie.
En effet, ma période d’emprisonnement a été un véritable enfer, surtout parce que les gardiens étaient déterminés à me faire avouer un meurtre que je n’avais pas commis et dans lequel je n’avais joué aucun rôle.
Lorsque je suis sorti de prison après 12 ans, en 1983, j’avais subi une si longue incarcération que j’ai eu énormément de difficulté à m’intégrer à la société. Je n’ai reçu aucune aide et personne ne m’a encadré. Il m’a été très difficile de fonctionner dans ce monde que je ne reconnaissais pas et où je ne me sentais pas à l’aise.
Enfant, j’avais souvent été expulsé de l’école parce que j’avais un trouble d’apprentissage. Donc, vu mon manque d’instruction, et parce que je ne parlais toujours pas bien l’anglais et qu’en plus on me considérait comme un meurtrier, je n’ai pas réussi à me trouver du travail permanent. J’ai donc survécu en faisant des petits boulots par-ci par-là.
Depuis que je ne suis plus dans la population active, et jusqu’à ce jour, je vis de l’aide sociale. Je n’arrive pas à joindre les deux bouts, et ma vie est un combat de tous les jours dont je ne vois pas la fin.
Je crois que la création d’un nouveau groupe indépendant chargé d’examiner les condamnations injustifiées évitera à d’autres personnes innocentes les souffrances qui ont été les miennes et celles de mes coaccusés
Si le projet de loi C-40 est adopté, il existera un groupe qui pourra entendre les appels à l’aide des personnes condamnées à tort, et elles n’auront pas, comme mes accusés et moi, à attendre 50 ans que leur innocence soit reconnue — 50 ans de doute, de revers et de souffrance inimaginable, sans qu’on en voie la fin.
Merci de m’avoir écouté.
Meegwetch.
(1730)
Le projet de loi C-40, dont nous sommes saisis aujourd’hui, propose la création d’une commission sur les condamnations injustifiées pour enquêter sur des cas comme ceux que je viens de décrire. En tant que porte-parole pour le projet de loi, je suis en faveur de la création de cette commission, mais j’ai de sérieuses inquiétudes quant à sa mise en œuvre. Le professeur de droit Kent Roach s’est fait l’écho de certaines de mes préoccupations quand il a affirmé ceci :
[…] nous pensons que le projet de loi C-40 est loin de garantir que la commission proposée sera vraiment indépendante du gouvernement, qu’elle représentera réellement les populations à risque et qu’elle disposera de pouvoirs et de fonds suffisants pour accomplir le travail nécessaire.
Le Comité des affaires juridiques a mené une étude approfondie et entendu de nombreux et excellents témoins afin d’examiner la législation actuelle sur les erreurs judiciaires. Certains témoins nous ont fait part d’amendements importants qui devraient être apportés pour améliorer le projet de loi, y compris le juge LaForme, l’un des architectes du rapport original pour le gouvernement. Je le cite :
Premièrement, ce qui me préoccupe le plus, c’est l’indépendance. Je ne pense pas que cette structure personnelle permettra à la commission d’être indépendante. Je suis inquiet à l’idée que le commissaire en chef doive assumer deux responsabilités, celle d’un administrateur et celle d’un commissaire en chef. J’en ai fait l’expérience et cela ne fonctionne tout simplement pas. Les exigences du gouvernement sont tout simplement trop importantes pour que ces deux fonctions puissent être exercées de manière adéquate.
Les détails relatifs à la commission, tels qu’ils sont décrits dans le projet de loi C-40, sont également préoccupants. Dans le système actuel, où le ministre décide du sort d’une affaire, le comité qui examine les erreurs judiciaires possibles et qui conseille le ministre se compose exclusivement d’avocats du ministère de la Justice. Cependant, le projet de loi C-40 prévoit qu’à la commission au moins le tiers, mais moins de la moitié des commissaires doivent être des avocats qui comptent au moins 10 ans d’expérience dans l’exercice du droit pénal. En raison des exigences de quorum, il est donc possible qu’il n’y ait qu’un avocat parmi les commissaires qui examinent une affaire donnée.
Les témoins qui ont comparu devant le Comité sénatorial des affaires juridiques ont déclaré qu’imposer un tel plafond n’était pas idéal du point de vue de la composition de la commission, mais ils craignaient que le projet de loi ne survive pas à un amendement.
La Criminal Lawyers’ Association a indiqué que le projet de loi C-40 devrait être amendé pour que la commission soit majoritairement composée d’avocats :
D’après ce que je vois des demandes en vertu de l’article 696, il faut bien connaître le droit pénal pour comprendre de quoi il retourne. Il est nécessaire de comprendre le processus de fond en comble. Il faut aussi bien saisir le processus de libération conditionnelle qui s’applique à ces personnes. C’est la définition même de la formation juridique, et je pense que la commission profiterait de la présence de ce genre de personnes à sa tête.
De nombreux témoins, dont l’Association des avocats noirs du Canada et l’Association du Barreau autochtone, ont déclaré préférer que la représentation des Noirs et des Autochtones au sein de la commission soit obligatoire, surtout compte tenu de la surreprésentation de ces communautés au sein de la population carcérale. En 2021, une consultation menée par deux juges à la retraite, l’honorable Harry S. LaForme et l’honorable Juanita Westmoreland-Traoré, a recommandé qu’au moins un poste au sein de la commission soit obligatoirement occupé par des Noirs ou des Autochtones. L’un des témoins entendus par le Comité des affaires juridiques qui a exprimé son soutien à la représentation obligatoire est le professeur de droit Kent Roach. Il a déclaré :
[...] une commission de cinq personnes sans représentants autochtones et noirs est manifestement inadéquate pour le Canada. C’est d’autant plus vrai que la Nouvelle-Zélande, un pays bien plus petit que le nôtre, dispose d’une commission de sept personnes où la représentation des Maoris est garantie. C’est particulièrement vrai si nous voulons que la commission soit proactive et systémique.
Tout au long de l’étude du projet de loi C-40, de nombreux sénateurs du Comité juridique ont exprimé le souhait que la commission s’attaque aux inégalités systémiques. C’est pourquoi j’ai trouvé curieux qu’ils n’aient pas tenté d’amender le projet de loi pour rendre obligatoire la représentation des Noirs et des Autochtones au sein de la commission. Le projet de loi C-40 dit seulement que le ministre « tient compte » de facteurs comme la surreprésentation lorsqu’il nomme les commissaires.
Les représentants de l’Association canadienne des policiers ont déclaré au Comité juridique du Sénat que parmi les membres non juristes de la commission ils aimeraient voir l’inclusion d’un représentant de la police. Le président de l’Association canadienne des policiers, Tom Stamatakis, a suggéré qu’un représentant de la police pourrait apporter une contribution précieuse aux travaux de la commission. Il a déclaré ceci :
Étant donné que de nombreux cas examinés se fonderont sur les éléments précis des méthodes et techniques d’enquête, il serait bon de s’assurer que des agents de l’application de la loi soient membres de la commission. Leur point de vue peut apporter un éclairage précieux sur les aspects pratiques des enquêtes, depuis le traitement des éléments de preuves jusqu’aux subtilités liées à l’interrogation des témoins et des suspects.
Si la commission compte parmi ses membres des gens qui ont une compréhension professionnelle des techniques d’enquête, les examens seront complets et toutes les recommandations formulées seront fondées sur les réalités du travail des policiers de première ligne. Leur participation renforcerait la crédibilité de la commission et favoriserait une approche équilibrée dans le cadre de son important mandat.
M. Stamatakis a également fait part de ses inquiétudes quant à l’absence de délai clair pour le processus employé par la commission, mentionnant que tout prolongement des délais risquait d’avoir un impact sur les enquêtes et sur la preuve. Voici son explication :
Comme vous le savez tous, les enquêtes reposent en grande partie sur les dossiers détaillés conservés et sur les souvenirs des enquêteurs qui ont participé à ces enquêtes. Avec le temps, les dossiers peuvent devenir incomplets ou il peut être difficile de les retrouver, et les souvenirs des témoins s’estompent. Bon nombre de nos membres ont une lourde charge de travail et peuvent avoir pris leur retraite ou accepté d’autres fonctions au moment où une ancienne affaire est réexaminée. Il est essentiel que cette commission mène ses travaux conformément à un échéancier clair, dans la mesure du possible, afin de veiller à ce que les affaires soient examinées dans les plus brefs délais, pour limiter l’impact du temps sur les éléments de preuves et faire en sorte que la justice soit rendue de manière efficace.
Malheureusement, de nombreux détails n’ont pas été réglés dans le projet de loi C-40, et ils seront décidés par un règlement ou par le Cabinet, ou encore après la création de la commission. Cela est d’autant plus préoccupant que moins de la moitié, et peut-être seulement le tiers, des commissaires chargés des enquêtes et des affaires complexes seront des juristes qualifiés. Laisser les détails au Cabinet signifie laisser le pouvoir entre les mains de l’exécutif, ce qui contredit l’intention derrière le projet de loi : faire en sorte que les décisions relatives aux erreurs judiciaires ne relèvent plus d’une seule personne — le ministre de la Justice — et confier ce pouvoir à une commission.
Le projet de loi C-40 accorde au Cabinet le pouvoir d’établir le salaire du commissaire en chef et des autres commissaires. Lorsque j’ai demandé à une représentante du gouvernement quelle serait la rémunération de ces nouveaux commissaires, elle n’a répondu que par une fourchette extrêmement large allant de 180 000 $ à 464 800 $. Elle a précisé que le gouvernement s’attend à ce que la rémunération se situe entre le milieu et le haut de cette fourchette, quelque part entre 300 000 $ et 500 000 $. Le gouvernement devrait être en mesure de donner ces détails dès maintenant, non seulement pour des raisons de clarté, mais aussi pour l’indépendance de la commission.
Il est devenu évident au comité que bien des détails du projet de loi C-40 sont négligés dans l’intérêt de l’opportunisme politique du gouvernement Trudeau.
Comme je l’ai souligné dans mon discours sur le projet de loi C-26 la semaine dernière, cette pratique est devenue trop courante sous le gouvernement Trudeau : présenter un projet de loi vague et complexe en ne précisant pas les détails ou en les laissant hors du cadre législatif, puis pousser le Sénat à se dépêcher de l’adopter, sans amendement. Cette façon de faire avantage le gouvernement, qui évite ainsi l’examen parlementaire et la reddition de comptes, mais cela se fait au détriment des Canadiens.
Étant donné que le gouvernement essayait de précipiter le renvoi du projet de loi C-40 au Comité sénatorial des affaires juridiques, il a encouragé le parrain du projet de loi, le sénateur Arnot, à prononcer son discours abrégé de 15 minutes à l’étape de la deuxième lecture avant même d’avoir eu l’occasion de recevoir une séance d’information sur le projet de loi de la part de représentants du gouvernement. Cette attitude est inappropriée et injuste à l’égard du parrain du projet de loi. En outre, il n’a ainsi pas été en mesure de répondre à un grand nombre de mes questions après son discours ce jour-là.
Je l’ai déjà dit et je le répète : le gouvernement Trudeau doit assumer ses responsabilités et faire son travail au Sénat. Une fois de plus, le leader du gouvernement, le sénateur Gold, a omis de prononcer un discours aux étapes des deuxième et troisième lectures du projet de loi C-40, ce qui prive les sénateurs de l’occasion de poser des questions au gouvernement sur le projet de loi au Sénat.
Le sénateur Gold affirme qu’il n’a pas d’observations à faire sur les projets de loi qui ne peuvent pas être faites par leurs parrains qui « [...] s’y connaissent beaucoup plus sur le sujet dont traite le projet de loi et le comprennent beaucoup mieux que moi ». C’est une dérobade. En tant qu’ancien professeur de droit, le sénateur Gold sait que les discours du leader du gouvernement sur un projet de loi peuvent jouer un rôle important dans l’interprétation judiciaire de l’intention du gouvernement à l’égard d’un projet de loi dans le cadre de poursuites judiciaires.
(1740)
Le sénateur Gold a également souligné que la comparution des ministres devant les comités était suffisante pour expliquer le point de vue du gouvernement sur un projet de loi. Les ministres font généralement une déclaration liminaire de cinq minutes et ils restent au comité pendant environ une heure pour répondre aux questions. Jusqu’à 15 sénateurs doivent se partager ce temps de parole pour poser leurs questions, ce qui est insuffisant.
Un de ces jours, sénateur Gold, j’aimerais bien que vous me prouviez que j’ai tort et que vous prononciez un discours sur un projet de loi du gouvernement, mais c’est toujours la même chose avec vous. Ce n’est pas ainsi que l’on fait preuve de leadership, que l’on rend des comptes et, honorables sénateurs, que l’on veille au bon fonctionnement du Parlement.
Après le discours à l’étape de la troisième lecture du parrain du projet de loi, j’ai demandé au sénateur Arnot comment il avait réagi, en tant qu’ancien juge, au rapport du Comité sénatorial des affaires juridiques sur ce projet de loi. Dans ce rapport, le comité a joint une observation contenant un lien vers le rapport de la sénatrice Pate concernant les 12 femmes qui, selon le document, auraient été accusées à tort. C’est peut-être le cas, mais l’orientation donnée par le comité à la commission était, à mon avis, trop contraignante et inappropriée. Le rapport du comité se lit comme suit :
Le comité tient à souligner que son étude du projet de loi C-40 s’est appuyée sur des mémoires et des témoignages, y compris une lettre du ministre de la Justice qui éclairera l’interprétation du projet de loi C-40 et guidera le mandat de la Commission d’examen des erreurs du système judiciaire, en particulier en ce qui concerne l’importance vitale de reconnaître et de corriger de manière significative et proactive les inégalités sexistes, racistes et autres inégalités systémiques, en particulier pour les femmes autochtones, en commençant par les cas identifiés dans le rapport intitulé Injustices et Erreurs Judiciaires Subies par 12 Femmes Autochtones.
Cette directive indique que le mandat de la Commission d’examen des erreurs du système judiciaire est de « [commencer] par les cas identifiés » dans le rapport Pate. À mon avis, il n’est pas approprié que le Comité des affaires juridiques fournisse ce genre d’orientation normative, mais, encore une fois, ma motion a été rejetée au comité.
J’ai demandé au sénateur Arnot son point de vue sur la question, étant donné qu’il a été juge. Je suis à peu près certaine qu’il n’aurait pas accepté de telles directives dans ses fonctions de juge indépendant. Je suis consternée qu’il ait tenté de justifier cette façon de faire en qualifiant la directive du Comité sénatorial des affaires juridiques de simple « suggestion ».
Comme c’est souvent le cas maintenant, le rapport du comité contenait d’autres longues observations présentant de nobles pensées philosophiques, mais peu de mesures concrètes. Certaines de ces observations sont essentiellement les mêmes, répétées dans tous les rapports sur toutes les études que nous faisons. Le gouvernement n’y a jamais donné suite auparavant, alors pourquoi le ferait-il maintenant? Les sénateurs doivent réaliser que, s’ils veulent que le gouvernement en prenne note et y réponde, ce sont des amendements, et non des observations, qu’ils devraient présenter au sujet d’un projet de loi.
Cependant, le gouvernement Trudeau a fait peur aux sénateurs indépendants en leur faisant croire que s’ils amendent un projet de loi et le renvoient à la Chambre des communes, cela va essentiellement torpiller le projet de loi, comme cela semble avoir été le cas avec le projet de loi C-234. Il s’agissait cependant d’un projet de loi d’initiative parlementaire. Il y a une différence entre un tel projet de loi et un projet de loi du gouvernement. Le gouvernement exerce un contrôle total sur un projet de loi gouvernemental. C’est lui qui détient le plus de sièges à la Chambre des communes et qui détermine le programme législatif, et seul le gouvernement décide quels amendements il accepte ou il rejette lorsque le Sénat lui renvoie un projet de loi amendé. Le gouvernement Trudeau tente de berner les sénateurs en insistant sur le fait qu’ils doivent adopter les projets de loi le plus rapidement possible, sans amendement. Le leader du gouvernement au Sénat veille à assister aux réunions des comités lorsqu’ils procèdent à l’étude article par article afin de bien faire comprendre aux sénateurs indépendants qu’ils ne doivent pas oser apporter des amendements.
La Chambre des communes a été saisie du projet de loi C-40 pendant deux ans. Le Sénat en est saisi depuis moins de trois mois. Même si le projet de loi est adopté maintenant, le ministre de la Justice estime qu’il faudra probablement encore un an, peut-être plus, avant que la commission voie le jour. Nous avons tout le temps d’adopter des amendements pour améliorer le projet de loi, mais le gouvernement Trudeau tente constamment de faire peur aux sénateurs indépendants pour qu’ils précipitent l’adoption du projet de loi au Sénat.
Au cours de son étude, le comité de la Chambre des communes a apporté de nombreux amendements au projet de loi C-40. Le Sénat devrait faire de même pour renforcer le projet de loi. Pourquoi la Chambre des communes peut-elle amender ce projet de loi, mais pas nous? Pourquoi les sénateurs acceptent-ils que le gouvernement leur dicte quoi faire? Honorables sénateurs, si nous continuons de tout approuver sans discussion, le gouvernement Trudeau continuera à nous traiter comme des laquais. Il ne s’agit pas d’un second examen objectif.
Lors des travaux du comité, j’ai proposé un amendement sérieux et réfléchi au projet de loi C-40. Il aurait empêché le renouvellement du mandat des commissaires afin d’assurer l’indépendance de la commission. Mon amendement s’appuyait sur les témoignages que nous avons entendus lors de l’étude et sur les renseignements contenus dans le rapport des juges LaForme et Westmoreland-Traoré, qui disaient que le renouvellement du mandat des commissaires par le gouvernement pouvait nuire à l’indépendance de la commission. Leur rapport suggérait que la commission soit « soumise au même traitement indépendant du gouvernement que l’appareil judiciaire ».
Ce point de vue a été repris par le professeur de droit Kent Roach, qui a présenté un mémoire au comité conjointement avec le juge LaForme. Il a déclaré :
[...] le mandat renouvelable des commissaires est une mauvaise idée qui nuit à l’indépendance des commissaires par rapport au gouvernement. Nous n’accepterions pas de mandats renouvelables pour les juges [...]
Dans leur mémoire qu’ils ont soumis au comité, le juge LaForme et le professeur Roach écrivent ceci :
La population canadienne n’accepterait jamais, à juste titre, de tels arrangements pour les juges. Nous ne devrions pas l’accepter pour une commission.
Nous avons recommandé que les mandats des commissaires ne soient pas renouvelables pour assurer leur indépendance par rapport au gouvernement. Nous attirons également l’attention du Comité sur les problèmes que la Criminal Cases Review Commission (CCRC) d’Angleterre a éprouvés lorsque le gouvernement a refusé de nommer à nouveau un commissaire qui s’était opposé aux tentatives du gouvernement visant à rendre la CCRC plus efficace, le budget de l’organisme était largement considéré comme inadéquat [...]
La nature renouvelable des nominations et le différend anglais sur l’ingérence du gouvernement dans le renouvellement d’une nomination risquent de miner l’indépendance de la nouvelle Commission, laquelle indépendance est essentielle pour que les demandeurs aient confiance dans la Commission. Personne n’accepterait des mandats de sept ans renouvelables pour les juges, et des mandats de ce genre ne devraient pas être acceptables pour une commission qui aurait le pouvoir d’infirmer des décisions judiciaires et d’exiger que de nouveaux procès et appels soient tenus devant les tribunaux.
Mark Knox, du Conseil canadien des avocats de la défense, appuie lui aussi cette idée. Il a dit :
[...] J’ai tiré ma position du rapport dont vous avez parlé, celui des juges LaForme et Westmoreland-Traoré et de M. Roach. Oui, je pense, comme ils l’ont dit, que ces commissaires devraient être indépendants du gouvernement. Ils devraient occuper un poste quasi judiciaire et, par conséquent, ils ne devraient pas faire l’objet d’un examen gouvernemental. [...]
Mon amendement était raisonnable, réfléchi et non partisan. En outre, il portait sur le même sujet qu’une observation annexée plus tard au rapport du Comité par la sénatrice Simons. Malheureusement, une fois de plus, les membres du Comité ont voté massivement selon leurs allégeances politiques : neuf sénateurs contre, seulement deux sénateurs conservateurs pour et deux abstentions, dont celle de la sénatrice Simons.
Si les commissaires peuvent voir leur nomination renouvelée, et que ces nominations sont faites par le Cabinet, comme le prévoit le projet de loi C-40, il y aura atteinte à l’indépendance. Les sénateurs Arnot et Dalphond, tous deux anciens juges et défenseurs de l’indépendance de la magistrature, n’auraient jamais accepté cette méthode pour contrecarrer leur indépendance. Je note que le plus récent membre du Comité sénatorial des affaires juridiques, le sénateur Moreau, a déposé au Sénat cette semaine son projet de loi d’intérêt public sur la Journée de l’indépendance de la magistrature. J’espère qu’il s’adressera à ses collègues au sein du Comité pour qu’ils célèbrent l’indépendance de la magistrature non seulement par une journée marquée sur le calendrier, mais aussi en mettant cette indépendance en pratique.
J’ai décidé de ne présenter que ce que je considérais comme l’amendement le plus important au comité. Il était solidement appuyé par des témoignages clés, et pourtant, il est loin d’avoir obtenu suffisamment d’appuis lors du vote au comité. Pourquoi prendrions-nous la peine d’entendre tous ces excellents témoins venus s’adresser au comité qui nous disent comment améliorer des projets de loi importants si nous ne les écoutons pas?
Malheureusement, ce n’est pas la première fois que je vois cette situation sous le gouvernement Trudeau. L’année dernière, j’ai proposé et fait adopter deux amendements importants au projet de loi C-9, Loi modifiant la Loi sur les juges, qui étaient solidement appuyés par des témoignages entendus en comité et par des témoins clés au Comité sénatorial des affaires juridiques et à la Chambre. Lorsque le projet de loi a été renvoyé à la Chambre des communes, le ministre de la Justice de l’époque, David Lametti, a rejeté les amendements, nous obligeant ainsi à adopter le projet de loi malgré ses lacunes et sans mes amendements, juste avant la pause estivale.
Je me demande donc à quoi sert tout notre travail si, de toute façon, le gouvernement finit par rejeter nos propositions. C’est pour cette raison que j’ai décidé de ne pas proposer mon amendement de nouveau à l’étape de la troisième lecture.
Les sénateurs indépendants nommés par Trudeau qui siègent au Comité des affaires juridiques ont également voté contre les victimes à cinq reprises au cours d’une même réunion lorsqu’ils ont rejeté les amendements du sénateur Carignan qui auraient permis de respecter les droits des victimes d’actes criminels en cas d’erreur judiciaire. Lors de l’étude en comité, nous avons entendu plusieurs témoins parler des répercussions néfastes que le processus de la commission d’examen des erreurs du système judiciaire prévu dans ce projet de loi pourrait avoir sur les victimes d’actes criminels.
Parfois, les conséquences sur les victimes de la criminalité se perdent au cours de la discussion. J’ai été renversée lorsque le sénateur Arnot, durant son discours à l’étape de la deuxième lecture, a minimisé les droits des victimes de la criminalité dans le cadre de ce projet de loi. Il a dit :
Le projet de loi C-40 a été conçu en réponse à une situation particulière, celle des personnes qui ont été condamnées injustement; ces personnes sont au cœur du projet de loi [...] Les condamnations injustifiées sont sans contredit source d’une terrible déception pour les victimes du crime commis à l’origine [...]
Nous devrions tous reconnaître sans réserve qu’il faut accroître et améliorer le soutien offert aux victimes de crimes. Ces changements sont vraiment nécessaires, mais ils devront faire l’objet d’une autre mesure législative que celle-ci.
Je ne suis pas d’accord. Les condamnations injustifiées font de nombreuses victimes, non seulement la personne dont la vie et la liberté ont été gravement limitées par une telle condamnation et par la stigmatisation qui s’ensuit, mais aussi les victimes du crime commis à l’origine qui peuvent maintenant se retrouver une fois de plus sans savoir qui est l’auteur de leurs souffrances ni où il se trouve. Il y a aussi l’horreur de la réouverture de vieilles blessures et de la revictimisation par un système de justice pénale froid et indifférent.
Sarah Crawford, directrice générale du Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes, a dit à notre comité :
Ce projet de loi représente une étape importante dans la lutte contre les condamnations injustifiées. Cependant, pour les survivants d’actes criminels et leur famille, la justice ne se limite pas à la punition, mais comprend aussi la responsabilisation, la validation et le sentiment de résolution. Les survivants qui apprennent que la mauvaise personne a peut-être été tenue responsable d’un crime commis contre eux peuvent perdre confiance à l’égard du système de justice pénale. Cela peut créer un sentiment de trahison et de malaise.
En réalité, même si le projet de loi C-40 est conçu pour prévenir les injustices pour les personnes condamnées à tort, il risque également de rouvrir de profondes blessures émotionnelles pour les victimes et les survivants d’actes criminels. La révocation d’une condamnation signifie que les survivants, qui croyaient que leur cas avait été réglé, peuvent être confrontés à un nouveau traumatisme en revivant des souvenirs douloureux. Il est essentiel que ce projet de loi protège non seulement contre les condamnations injustifiées, mais aussi le bien-être mental et émotionnel des survivants et des familles touchées par ces décisions.
Le CCRVC estime que ce projet de loi doit accorder la priorité aux ressources visant à soutenir les victimes tout au long de ces examens et garantir l’accès à des services de soutien, à des mises à jour de cas et à des ressources supplémentaires qui pourraient être nécessaires pour les aider à s’y retrouver dans ces processus difficiles.
(1750)
Benjamin Roebuck, l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels, a affirmé que le projet de loi C-40 ne va pas assez loin pour protéger les victimes et leur droit d’avoir accès aux renseignements sur leur cas. Il a suggéré qu’on énonce ces obligations dans le projet de loi à des fins de clarté. Voici ce qu’a dit l’ombudsman Roebuck :
Le projet de loi C-40 exige que la commission établisse des politiques pour assurer la communication avec les victimes, mais il ne respecte pas leurs droits à la protection et à la participation.
En vertu de la Charte canadienne des droits des victimes, la commission sera tenue de se doter d’un processus de traitement des plaintes pour les victimes d’actes criminels, à l’instar de tous les organismes de justice pénale à l’échelle fédérale. Si une victime n’est pas satisfaite de la réponse, elle peut déposer une plainte auprès de notre bureau. Ces éléments devraient être énoncés dans le projet de loi pour que ce soit clair.
Puis, il a ajouté :
J’ai quelques recommandations. Premièrement, il faut veiller à ce que la commission ait le pouvoir législatif de divulguer des renseignements aux victimes. Le projet de loi C-40 pourrait nécessiter une modification de coordination visant l’article 26 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition pour autoriser le Service correctionnel du Canada, ou SCC, à communiquer aux victimes des informations sur les travaux de la commission.
Le gouvernement Trudeau a essayé de nous promettre qu’un poste de coordonnateur des services aux victimes serait créé une fois que la commission d’examen des erreurs du système judiciaire aura été établie. Cependant, aucune précision n’a été fournie à savoir s’il s’agira d’un poste à temps plein, à temps partiel ou contractuel. Des fonctionnaires m’ont dit que cette décision serait prise par le commissaire en chef. Le poste de coordonnateur des services aux victimes n’est même pas mentionné dans le projet de loi. Une fois de plus, le gouvernement Trudeau s’attache davantage à montrer ostensiblement son soutien aux victimes qu’à prendre des mesures concrètes pour l’étayer.
Même le propre document du gouvernement Trudeau sur l’analyse comparative entre les sexes plus du projet de loi C-40 ne mentionne pas les victimes féminines. Bien sûr, il ne dit pas grand-chose non plus à propos des femmes en général, mais cela semble être la norme pour le gouvernement Trudeau ces derniers temps. J’ai demandé au ministre de la Justice pourquoi l’analyse comparative entre les sexes plus ne contient presque rien au sujet des victimes féminines de crimes violents, étant donné qu’un grand nombre des condamnations injustifiées qu’évaluera cette commission concerneront probablement ce type de crime. Il y a eu beaucoup de discussions et d’agitation, mais pas vraiment de réponse de la part du ministre. Quelle surprise.
La réticence du gouvernement à donner des réponses directes est évidente dans tout le projet de loi C-40 qui, étant donné son manque de clarté, laisse beaucoup de place à l’interprétation. Prenons l’exemple du paragraphe 696.3(1) du projet de loi. Il dit :
La Commission traite la demande le plus rapidement possible et fournit régulièrement au demandeur des mises à jour concernant sa demande.
Le projet de loi ne définit pas l’expression « le plus rapidement possible » et il ne la clarifie pas. Il ne précise pas non plus ce qui est considéré comme « régulièrement » pour les mises à jour sur l’état de la demande. Actuellement, le traitement des demandes peut prendre de 20 mois à 6 ans. La commission s’occupera des condamnations éventuellement injustifiées de personnes qui ont peut-être déjà passé des années de leur vie en prison, privées de liberté pour un crime qu’elles n’ont pas commis. Pourquoi le gouvernement ne préciserait-il pas dans le projet de loi les paramètres précis de l’expression « le plus rapidement possible »? Le caractère nébuleux de ces termes semble indiquer que le gouvernement n’a pas l’intention de s’attaquer sérieusement au problème.
Le manque de clarté du projet de loi C-40 s’étend également aux critères de recevabilité des demandes. En effet, pour que la commission examine une requête, il faudra qu’elle ait :
[...] des motifs raisonnables de conclure qu’une erreur judiciaire a pu être commise et qu’elle estime que cela servirait l’intérêt de la justice [...]
C’est très vague comme libellé. Que signifie « dans l’intérêt de la justice » dans ce contexte? En quoi pourrait-il ne pas être dans l’intérêt de la justice de réparer une erreur judiciaire?
J’ai posé la question à diverses reprises, mais je n’ai jamais obtenu de réponse satisfaisante, ni du ministre de la Justice au comité ni du parrain du projet de loi au Sénat. Dans leurs témoignages, plusieurs témoins ont reconnu devant le comité que cette expression est vide de sens et qu’elle devrait être supprimée, y compris le juge LaForme, qui a affirmé ce qui suit :
La dernière chose que je souhaite dire est que j’ai été juge pendant 25 ans, dont 15 ans en tant que juge d’une cour d’appel. En tant que juge, je me souviens particulièrement des mots « dans l’intérêt de la justice », qui représentent pour moi le mystère le plus complet. Je ne sais toujours pas ce qu’ils signifient. Je sais à quoi ils peuvent servir et je les ai utilisés dans des décisions, mais je ne sais pas ce qu’ils signifient et j’ose dire qu’aucun de mes collègues ne le sait non plus.
Il a ajouté ceci :
Je savais quand m’en servir pour appuyer une décision ou quelque chose du genre. Là, je l’employais. C’est une expression fourre-tout, et aucun juge n’aime l’admettre, mais nous ne savons pas ce qu’elle veut dire. On peut essentiellement lui donner le sens que l’on veut.
Elle peut aussi être dommageable, je dirais, et c’est ce qui m’inquiète. Je ne crois pas que ce devrait être dans le test.
J’ai dit: « Merci. Proposez-vous de simplement la retirer de cette disposition? » Il a répondu : « Oui. »
Le Barreau du Québec a aussi exprimé des réserves quant à l’inclusion de l’expression. Une représentante de l’organisation a affirmé :
Le Barreau du Québec s’interroge également sur la pertinence d’inclure le critère de l’intérêt de la justice afin de justifier l’octroi d’une mesure de redressement. En effet, nous craignons que ce critère risque de désavantager certains demandeurs, notamment les Autochtones, les Noirs et d’autres demandeurs marginalisés. Parallèlement, les demandeurs qui ont été reconnus coupables de crimes graves ou qui peuvent simplement sembler dangereux aux yeux du public pourraient ne pas obtenir justice, même si une erreur judiciaire a été commise. Le Barreau du Québec considère que le critère de l’intérêt de la justice devrait plutôt être un motif additionnel utilisé au profit des demandeurs, lorsque la commission n’arrive pas à conclure qu’une erreur judiciaire a pu être commise, mais que les circonstances justifient l’imposition d’une mesure de redressement.
L’un des principaux problèmes posés par le projet de loi C-40 est qu’il assouplit les critères de recevabilité des demandes, ce qui pourrait entraîner un déluge que la commission n’est pas prête à gérer et pour lequel elle ne dispose pas de ressources suffisantes. Selon les exigences actuelles, le ministre de la Justice peut prescrire une mesure de redressement s’il est « [...] convaincu qu’il y a des motifs raisonnables de conclure qu’une erreur judiciaire s’est probablement produite [...] » Dans le projet de loi C-40, ces exigences ont été allégées. Comme je l’ai dit, le projet de loi stipule maintenant que la commission devra déterminer ce qui suit :
[...] si elle a des motifs raisonnables de conclure qu’une erreur judiciaire a pu être commise et si elle estime qu’il est dans l’intérêt de la justice de le faire;
La Criminal Cases Review Commission du Royaume-Uni applique un seuil de « possibilité réelle » pour le renvoi d’une affaire, ce qui signifie que la possibilité d’une erreur judiciaire est raisonnable, et non pas une simple possibilité. J’ai demandé à John Curtis, avocat au service du gouvernement de la Criminal Cases Review Commission, s’il pensait que le seuil plus bas fixé par le Canada dans le projet de loi C-40 puisse entraîner un nombre élevé de demandes. Voici ce qu’il m’a répondu :
La réponse courte à cette question est oui [...]
Notre cour d’appel a clairement indiqué qu’il est pratiquement impossible de s’assurer qu’une information n’aurait peut-être rien changé au verdict du jury. C’est pourquoi les cas où les chances de réussite sont fantaisistes, théoriques ou une simple possibilité ne justifient pas un appel fructueux. La cour a clairement indiqué qu’elle avait besoin d’un fondement plus solide et de possibilités réelles. Le terme privilégié est une « perspective raisonnable ». Il y a une disposition correspondante en droit civil. Si vous rédigez un contrat, que le mot « raisonnable » y figure ou non, les parties sont tenues de se comporter raisonnablement. En pratique, la cour au Canada devrait privilégier les cas raisonnables et significatifs plutôt que des possibilités très faibles et fantaisistes.
M. Curtis a déclaré au comité qu’en 27 ans, la commission britannique a examiné plus de 32 000 cas et fait 850 renvois. Il estime que la commission reçoit environ 1 500 demandes par année.
Quand j’ai demandé aux représentants du gouvernement ce que le Canada prévoyait comme nombre de demandes annuelles pour la commission d’examen des erreurs du système judiciaire, ils m’ont répondu qu’ils s’attendaient à environ 250 demandes par an. Toutefois, dans un rapport volumineux et détaillé, M. Myles Frederick McLellan, de l’Association canadienne de justice pénale, a utilisé les chiffres des commissions internationales pour prévoir ceux de la commission canadienne. Il estime que la nouvelle commission d’examen des erreurs du système judiciaire recevra environ 1 333 demandes par an, dont probablement environ 400 provenant d’Autochtones condamnés. Étant donné que le gouvernement a prévu les ressources de la commission en fonction d’un nombre annuel nettement plus bas, il se pourrait bien que le seuil inférieur pour présenter une demande entraîne une avalanche de demandes qui submergera le système.
Le pays vit déjà une crise des délais judiciaires. Pouvez-vous imaginer l’état de la situation une fois qu’il y aura un afflux d’ordonnances de nouveaux procès ou d’appels pour condamnation injustifiée dans des centaines de cas par année? Si l’on ajoute à cela le piètre bilan du gouvernement Trudeau en matière de nominations à la magistrature, alors qu’il reste des dizaines de postes de juge vacants en date du 1er décembre, il est facile d’imaginer le chaos qui en résulterait. Bien sûr, c’est particulièrement grave si l’on considère qu’en raison de l’arrêt Jordan de la Cour suprême du Canada, de nombreuses affaires sont rejetées par les tribunaux parce qu’elles n’ont pas été jugées dans les délais prescrits. La confiance du public dans le système de justice pénale pourrait être sapée à mesure que les délais judiciaires augmentent, que des criminels dangereux sont libérés et que la crise s’aggrave.
En plus du seuil global plus bas d’acceptabilité prévu dans le projet de loi C-40, un autre facteur qui viendra compliquer les choses, c’est que le projet de loi élimine l’exigence selon laquelle tous les appels doivent avoir été épuisés avant que la demande ne soit présentée. Cette exigence a été supprimée par un amendement lors de l’étude du projet de loi par le Comité de la justice de la Chambre des communes.
Lorsqu’il a présenté le projet de loi C-40, le ministre de la Justice de l’époque, M. Lametti, a déclaré ceci :
Il est important de souligner que le processus d’examen des erreurs du système judiciaire n’est pas une solution de rechange au système judiciaire ni un autre niveau d’appel. Il prévoit plutôt un mécanisme permettant d’examiner après l’appel de nouveaux renseignements ou éléments de preuve que les tribunaux n’ont pas initialement pris en compte et d’enquêter sur ces renseignements ou éléments.
(1800)
L’exigence d’épuiser les possibilités d’appel constituait une protection contre les demandes frivoles ou sans fondement. Cet obstacle a été supprimé, ce qui risque d’aggraver encore la crise des retards judiciaires.
Plusieurs sénateurs et témoins ont demandé que la commission dispose de recours supplémentaires, au-delà de la recommandation d’annuler une condamnation ou de lancer un nouvel appel. Une option permettant d’ordonner une réhabilitation ou une suspension du casier a été suggérée comme autre recours possible. C’était l’une des recommandations du rapport LaForme/Westmoreland-Traoré. Lorsqu’il a témoigné devant notre comité, le juge LaForme a indiqué qu’il ne savait pas pourquoi le gouvernement Trudeau avait choisi de ne pas suivre cette recommandation dans le projet de loi C-40. Lorsque les circonstances d’une affaire de condamnation injustifiée sont défavorables à la tenue d’un nouveau procès ou d’un appel, cette recommandation donnerait à la commission la souplesse nécessaire pour continuer à rendre justice.
Honorables sénateurs, la création d’une commission d’examen des erreurs judiciaires se fait attendre depuis longtemps. Pour les personnes qui ont été condamnées à tort, les enjeux ne pourraient être plus élevés. Néanmoins, c’est aussi pour cette raison qu’il est essentiel que nous fassions ce qui s’impose : la vie des gens, leurs libertés et la sécurité de la société sont en jeu.
Notre rôle au Sénat est de perfectionner les projets de loi, et le projet de loi C-40 est loin d’être parfait. Ce projet de loi est assurément imparfait. Il risque d’enfreindre le principe essentiel de l’indépendance, il manque de clarté, et je crains qu’il n’aggrave une crise de retards judiciaires déjà ingérable dans ce pays.
J’aimerais que le gouvernement Trudeau et ceux d’entre vous qui votent comme le gouvernement soient ouverts aux amendements qui sont nécessaires à cette mesure législative afin qu’elle rende justice comme il se doit aux personnes qui ont été condamnées à tort et à tous les Canadiens. Toutefois, je suis aussi consciente que cela ne se produira pas ici ce soir.
En tant que porte-parole de cette mesure législative, j’ai tenté de l’améliorer, en vain. Chers collègues, nous devrions exiger mieux, car nous pouvons faire mieux, et j’espère qu’un jour — bientôt — c’est ce que nous recommencerons à faire. Merci.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Des voix : Oui.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.
Des voix : Non.
Son Honneur la Présidente intérimaire : À mon avis, les oui l’emportent.
Et deux honorables sénateurs s’étant levés :
Son Honneur la Présidente intérimaire : Je vois deux sénateurs se lever. Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?
Une voix : Une heure.
Son Honneur la Présidente intérimaire : La sonnerie retentira pendant une heure. Le vote aura lieu à 19 h 2. Convoquez les sénateurs.
(1900)
La motion, mise aux voix, est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté :
POUR
Les honorables sénateurs
Al Zaibak | Kutcher |
Arnot | LaBoucane-Benson |
Aucoin | Loffreda |
Audette | MacAdam |
Black | McBean |
Boehm | McNair |
Boniface | Mégie |
Boudreau | Miville-Dechêne |
Burey | Moncion |
Busson | Moreau |
Cardozo | Muggli |
Clement | Osler |
Cormier | Oudar |
Coyle | Pate |
Dalphond | Petitclerc |
Dasko | Petten |
Deacon (Nouvelle-Écosse) | Prosper |
Deacon (Ontario) | Quinn |
Dean | Ravalia |
Downe | Ringuette |
Duncan | Robinson |
Francis | Ross |
Fridhandler | Saint-Germain |
Galvez | Senior |
Gerba | Simons |
Gignac | Sorensen |
Gold | Tannas |
Greenwood | Varone |
Harder | White |
Hartling | Woo |
Kingston | Youance |
Klyne | Yussuff—64 |
CONTRE
Les honorables sénateurs
Ataullahjan | Manning |
Batters | Martin |
Carignan | Plett |
Housakos | Seidman |
MacDonald | Wells (Terre-Neuve-et-Labrador)—10 |
ABSTENTION
L’honorable sénateur
Richards—1 |
[Français]
La sanction royale
Son Honneur la Présidente informe le Sénat qu’elle a reçu la communication suivante :
RIDEAU HALL
Le 12 décembre 2024
Madame la Présidente,
J’ai l’honneur de vous aviser qu’au nom et à la demande de la très honorable Mary May Simon, gouverneure générale du Canada, Kenneth MacKillop, suppléant de la gouverneure générale, a octroyé la sanction royale par déclaration écrite aux projets de loi mentionnés à l’annexe de la présente lettre le 12 décembre 2024 à 17 h 41.
Veuillez agréer, Madame la Présidente, l’assurance de ma haute considération.
Gestionnaire, Bureau du secrétaire du gouverneur général,
Bonnie Jaskula
L’honorable
La Présidente du Sénat
Ottawa
Projets de loi ayant reçu la sanction royale le jeudi 12 décembre 2024 :
Loi modifiant la Loi sur la faillite et l’insolvabilité et la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (fiducie réputée — fruits et légumes périssables) (projet de loi C-280, chapitre 31, 2024)
Loi concernant l’allègement temporaire du coût de la vie (abordabilité) (projet de loi C-78, chapitre 32, 2024)
(1910)
[Traduction]
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, il est 19 heures. Conformément à l’article 3-3(1) du Règlement, je suis obligée de quitter le fauteuil jusqu’à 20 heures, moment où nous reprendrons nos travaux, à moins que vous souhaitiez ne pas tenir compte de l’heure.
Vous plaît-il, honorables sénateurs, de ne pas tenir compte de l’heure?
Des voix : D’accord.
Des voix : Non.
Son Honneur la Présidente : J’ai entendu un « non ».
Honorables sénateurs, le consentement n’a pas été accordé. Par conséquent, la séance est suspendue, et je quitterai le fauteuil jusqu’à 20 heures.
(La séance du Sénat est suspendue.)
(Le Sénat reprend sa séance.)
(2000)
La justice
La Loi sur l’abrogation des lois—Adoption de la motion tendant à faire opposition à l’abrogation de la loi et de dispositions d’autres lois
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 11 décembre 2024, propose :
Que, conformément à l’article 3 de la Loi sur l’abrogation des lois, L.C. 2008, ch. 20, le Sénat adopte une résolution faisant opposition à l’abrogation de la loi et des dispositions des autres lois ci-après, qui ne sont pas entrées en vigueur depuis leur adoption :
1.Loi sur les relations de travail au Parlement, L.R., ch. 33 (2e suppl.) :
-partie II;
2.Loi sur les contraventions, L.C. 1992, ch. 47 :
-alinéa 8(1)d), articles 9, 10 et 12 à 16, paragraphes 17(1) à (3), articles 18 et 19, paragraphe 21(1) et articles 22, 23, 25, 26, 28 à 38, 40, 41, 44 à 47, 50 à 53, 56, 57, 60 à 62, 84 (en ce qui concerne les articles suivants de l’annexe : 2.1, 2.2, 3, 4, 5, 7, 7.1, 9 à 12, 14 et 16) et 85;
3.Loi de mise en œuvre du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires, L.C. 1998, ch. 32;
4.Loi sur l’Office d’investissement des régimes de pensions du secteur public, L.C. 1999, ch. 34 :
-articles 155, 157, 158 et 160, paragraphes 161(1) et (4) et article 168;
5.Loi sur le Yukon, L.C. 2002, ch. 7 :
-articles 70 à 75, 77, paragraphe 117(2), articles 167, 168, 210, 211, 221, 227, 233 et 283;
6.Loi modifiant la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes et d’autres lois en conséquence, L.C. 2003, ch. 26 :
-articles 4 et 5, paragraphe 13(3), article 21, paragraphes 26(1) à (3) et articles 30, 32, 34, 36 (en ce qui concerne l’article 81 de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes), 42 et 43;
7.Loi d’exécution du budget de 2005, L.C. 2005, ch. 30 :
-partie 18 à l’exception de l’article 125;
8.Loi d’exécution du budget de 2009, L.C. 2009, ch. 2 :
-articles 394 et 401 à 404;
9.Loi sur les réseaux de cartes de paiements, L.C. 2010, ch. 12, art. 1834 :
-articles 6 et 7;
10.Loi visant à promouvoir l’efficacité et la capacité d’adaptation de l’économie canadienne par la réglementation de certaines pratiques qui découragent l’exercice des activités commerciales par voie électronique et modifiant la Loi sur le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, la Loi sur la concurrence, la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques et la Loi sur les télécommunications, L.C. 2010, ch. 23 :
-articles 47 à 51, 55, 68, paragraphe 89(2) et article 90;
11.Loi sur la révision du système financier, L.C. 2012, ch. 5 :
-articles 54 et 56 à 59;
12.Loi visant à protéger le système d’immigration du Canada, L.C. 2012, ch. 17 :
-articles 70 à 77;
13.Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité économique durable, L.C. 2012, ch. 19 :
-articles 459, 460, 462 et 463;
14. Loi de 2012 sur l’emploi et la croissance, L.C. 2012, ch. 31 :
-articles 361 à 364;
15.Loi visant à renforcer la justice militaire pour la défense du Canada, L.C. 2013, ch. 24 :
-articles 12, 13 et 46;
16.Loi sur l’accord définitif concernant la Première Nation de Yale, L.C. 2013, ch. 25 :
-articles 1 à 17, 19, 20, 21, 22, 23 et 24;
17.Loi no 1 sur le plan d’action économique de 2013, L.C. 2013, ch. 33 :
-paragraphe 228(2);
18.Loi sur le transfert de responsabilités aux Territoires du Nord-Ouest, L.C. 2014, ch. 2 :
-article 47;
19.Loi no 1 sur le plan d’action économique de 2014, L.C. 2014, ch. 20 :
-articles 371 à 373;
20.Loi visant la protection des mers et ciel canadiens, L.C. 2014, ch. 29 :
-article 28, paragraphe 29(1), articles 31, 33, 35, 37 à 39, paragraphe 40(1), articles 41 à 49, paragraphes 50(2) et (5), articles 52, 53, 55 et 56;
21.Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2014, L.C. 2014, ch. 39 :
-articles 306 et 308, paragraphe 309(1), article 311, paragraphe 313(2) et articles 387 à 400.
— Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet de la motion du gouvernement no 207, qui porte sur la Loi sur l’abrogation des lois.
Avant d’entrer dans les détails de la motion, j’aimerais présenter quelques renseignements généraux au sujet de la Loi sur l’abrogation des lois pour fournir un contexte utile à nos collègues qui sont arrivés récemment au Sénat. Les plus anciens d’entre vous sont déjà au courant, et je sais que vous avez attendu avec impatience mes observations sur ce sujet tout au long de l’année.
La Loi sur l’abrogation des lois a été adoptée en 2008. Elle est entrée en vigueur en 2010 par l’entremise du projet de loi S-207, une initiative de notre regretté collègue, l’honorable Tommy Banks — je vous en dirai plus à son sujet sous peu — qui a représenté la magnifique, et quelque peu compliquée, province de l’Alberta à la Chambre haute, de 2000 à 2011. Au cours des 15 années qui se sont écoulées depuis l’entrée en vigueur de son projet de loi, la motion que je présente aujourd’hui est devenue une sorte de tradition de Noël au Sénat. La motion est un mécanisme d’ordre administratif pour la législation fédérale qui vise à assurer la bonne tenue du corpus législatif fédéral par l’abrogation périodique des lois et dispositions non en vigueur qui ne sont plus nécessaires.
L’article 2 de la Loi sur l’abrogation des lois prévoit que le ministre de la Justice dépose un rapport annuel devant chaque Chambre du Parlement dans les cinq premiers jours de séance de celle-ci au cours de chaque année civile. Le rapport énumère les lois fédérales ou les dispositions de lois qui ne sont pas encore en vigueur et qui ont été sanctionnées il y a au moins neuf ans. En vertu de la Loi sur l’abrogation des lois, toute loi ou disposition figurant dans le rapport est automatiquement abrogée à la fin de l’année, à moins que l’une ou l’autre des Chambres n’adopte une résolution faisant opposition à son abrogation.
Cette année, le rapport énumérant toutes les dispositions devant être abrogées a été déposé le 31 janvier à l’autre endroit et le 7 février, au Sénat. Un rapport révisé comportant une disposition supplémentaire a ensuite été déposé le 22 mai.
Le ministère de la Justice du Canada a ensuite communiqué avec les ministères concernés pour leur demander si certaines des dispositions énumérées devraient être conservées. Voici le résultat de cette consultation interne : le gouvernement a recommandé d’autoriser l’abrogation de certaines dispositions de 4 lois, tout en reportant l’abrogation d’une loi complète et de dispositions de 21 autres lois. J’ai déposé une liste de ces dispositions dans un projet de résolution préparé par le ministère de la Justice le 5 novembre. Ce document, ainsi que le rapport annuel déposé en mai, a ensuite été renvoyé au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles pour qu’il l’étudie. Mon bureau a également transmis un document d’information par courrier électronique à tous les sénateurs le 27 novembre.
Le comité a entendu des fonctionnaires de 14 ministères et a produit un rapport qui a été déposé au Sénat la semaine dernière. À cet égard, j’aimerais remercier le sénateur Tannas et le Groupe des sénateurs canadiens d’avoir préconisé l’intégration de ce mécanisme d’examen par le comité dans le processus de la Loi sur l’abrogation des lois et d’avoir fait preuve de vigilance dans l’évaluation de cette importante motion annuelle. J’espère que cette nouvelle partie du processus, que nous avons instituée l’année dernière, se poursuivra à l’avenir.
Il y a eu un développement important depuis que le comité a entendu des témoignages. Ces derniers jours, et à la suite d’examens complémentaires menés par le ministère de la Justice, la ministre des Transports a mis en vigueur les articles 263, 266 et 267 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013. Ces dispositions, qui ont été publiées dans la Gazette du Canada le 4 décembre, avaient été incluses dans le projet de résolution que j’ai déposé le mois dernier. Toutefois, étant donné qu’elles sont désormais en vigueur, elles ne sont pas reflétées dans la motion dont nous sommes saisis, qui vise maintenant à reporter l’abrogation d’une loi complète et de 20 dispositions de lois.
Étant donné le temps de parole limité dont je dispose aujourd’hui, je vous renvoie aux documents de référence que mon bureau vous a transmis il y a quelques semaines si vous souhaitez obtenir une explication plus détaillée des dispositions dont le report de l’abrogation est recommandé et des raisons de ce report. En bref, la liste est la suivante :
La ministre des Affaires étrangères recommande le report de l’abrogation d’une loi complète, la Loi de mise en œuvre du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires.
Le ministre de la Justice, le ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, le ministre des Relations Couronne-Autochtones, le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, le ministre des Services publics et de l’Approvisionnement, le ministre de l’Environnement et du Changement climatique, le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté et le ministre des Affaires du Nord recommandent chacun le report de l’abrogation de dispositions d’une loi.
Le ministre de la Défense nationale, le ministre de la Sécurité publique, des Institutions démocratiques et des Affaires intergouvernementales, le ministre des Transports et le ministre du Travail et des Aînés recommandent chacun le report de l’abrogation de dispositions de deux lois.
La ministre des Finances et la présidente du Conseil du Trésor recommandent chacune le report de l’abrogation de dispositions de trois lois qui relèvent de leur portefeuille.
Les raisons de ces reports d’abrogation peuvent inclure les situations suivantes : un événement externe en suspens, comme la promulgation d’un traité international ou d’une loi provinciale ou territoriale; l’élaboration en cours de lois connexes; des litiges en cours; des processus réglementaires en cours; et des consultations ou l’élaboration de politiques en cours. Il pourrait également y avoir des situations où le fait de ne pas reporter l’abrogation pourrait avoir une incidence négative sur les relations internationales, les relations avec les Premières Nations, les Inuits ou les Métis, ou les relations avec les provinces et les territoires.
Il est important de noter que la Loi sur l’abrogation des lois prévoit que les reports d’abrogation ne sont valides que pour un an. Par conséquent, toutes les lois et toutes les dispositions dont l’abrogation est reportée cette année apparaîtront à nouveau dans le rapport annuel de l’année prochaine, et le Comité des affaires juridiques aura l’occasion de les étudier à nouveau et d’inviter des fonctionnaires à comparaître pour nous expliquer pourquoi elles n’ont pas encore été promulguées.
Il est également important de noter que la date limite pour reporter l’abrogation des dispositions est le 31 décembre. Autrement dit, si nous n’adoptons pas cette motion avant la fin de l’année civile, les dispositions que j’ai énumérées seront automatiquement abrogées, ce qui entraînera notamment des incohérences dans la législation fédérale, des tensions avec les provinces, les territoires et les peuples autochtones, des effets négatifs sur les relations internationales du Canada, et la nécessité probable d’adopter une nouvelle loi pour rétablir certaines des dispositions abrogées.
Pour toutes ces raisons, j’encourage les honorables sénateurs à appuyer cette motion du gouvernement. Je remercie à nouveau le comité de son travail et je vous remercie tous de votre attention.
Merci, hiy hiy.
Son Honneur la Présidente : Sénatrice Batters, avez-vous une question?
L’honorable Denise Batters : Oui.
Sénatrice LaBoucane-Benson, vous avez dit que c’est devenu une tradition des Fêtes, et je ne veux pas être celle qui place un morceau de charbon dans le bas de laine des sénateurs, mais je tiens à rapporter une observation importante que le Comité des affaires juridiques a formulée dans son rapport et qui n’avait pas été faite auparavant au cours des quelques années où nous avons examiné ces questions. Le Comité des affaires juridiques a déclaré ceci :
[...] le comité exprime son mécontentement concernant des retards importants dans l’entrée en vigueur de certaines autres mesures, particulièrement à l’égard de questions qui semblent relever du gouvernement, mais dont l’entrée en vigueur semble être compromise pour une question de ressources ou de priorité, ou les deux. Cette situation est préoccupante car, dans certains cas, des retards institutionnels, bureaucratiques ou administratifs dans l’entrée en vigueur des mesures législatives semblent aller à l’encontre de la volonté du Parlement telle que celui-ci l’a d’abord exprimée par l’édiction des lois ou des dispositions en question. En pareil cas, notamment lorsqu’il s’agit de questions particulièrement préoccupantes où d’importants retards compromettent l’entrée en vigueur des mesures, le comité envisagera de convoquer les sous-ministres des ministères concernés pour qu’ils présentent des explications plus approfondies, dans l’éventualité où ces mesures continueraient à figurer dans les rapports annuels subséquents.
Compte tenu de cette observation, madame la sénatrice, pouvez-vous nous confirmer que vous porterez cette préoccupation très importante à l’attention du gouvernement afin que ce genre de problème ne se reproduise plus? L’un des exemples tirés du rapport de cette année que je citerai est une affaire vieille de 19 ans qui remonte au scandale des commandites du gouvernement libéral. Notre comité demande donc au gouvernement de traiter ces questions plus rapidement afin d’éviter ce type de retard à l’avenir.
La sénatrice LaBoucane-Benson : Merci, chère collègue, d’avoir porté ce point à l’attention du Sénat. C’est vrai, il s’agit bien de l’observation faite par le comité. Je pense que le comité a fait un travail remarquable, qu’il a demandé des comptes aux représentants du gouvernement, qu’il a posé d’excellentes questions et qu’il a trouvé pourquoi certains éléments de la loi ne sont pas entrés en vigueur. Je serai heureuse de transmettre ce message.
L’honorable Scott Tannas : Merci, sénatrice LaBoucane-Benson, pour vos observations. Elles m’évitent certaines explications.
Premièrement, de nombreuses initiatives intelligentes proviennent du Sénat. En voici une. C’est le sénateur Tommy Banks qui l’a présentée. Malheureusement, il nous a fallu quelques années — depuis 2008 — avant de commencer à nous demander pourquoi nous adoptons simplement ces mesures.
(2010)
Nous recevons cette liste, mais elle arrive toujours à ce moment-ci, lorsque nous regardons nos montres en pensant à aller à une fête de Noël, à rentrer chez nous ou à faire n’importe quoi d’autre, alors nous l’adoptons.
Il y a quelques années, mes collègues du Groupe des sénateurs canadiens et moi avons eu une discussion, et nous nous sommes dit : « Qu’est-ce que c’est que cela? Pourquoi nous contentons-nous d’adopter la liste? Qu’est-ce que cela signifie? »
J’ai soulevé une idée à la réunion des leaders, et tout le monde a dit : « Oui, faisons-le. » Après avoir convoqué des fonctionnaires de différents ministères pour qu’ils nous fournissent des explications, nous venons de terminer la deuxième étude.
Je ne veux pas blâmer qui que ce soit en particulier, mais l’année dernière, on a fait beaucoup de remarques du genre : « Nous poursuivons les consultations avec tel ou tel ministère. » Puis, nous avons répondu : « Eh bien, cela fait deux décennies. Combien de temps vous faut-il pour discuter entre vous de quelque chose? » Ce fut la même chose cette fois encore. À plusieurs reprises, les consultations ont servi de prétexte à l’inaction.
Dans certains cas, lorsque nous sommes allés plus loin, la consultation n’était plus le problème. Il y avait d’autres préoccupations. Dans certains cas, il s’est avéré qu’il y avait des préoccupations légitimes, mais on ne voulait pas en parler parce que des subalternes étaient présents. Quelqu’un a dû mettre son patron en colère, et on l’a envoyé à la réunion. Bien des gens se tortillaient sur leur chaise et étaient mal à l’aise à cause de cela, ce qui signifie que cela fonctionne.
Notre insistance a donc fait bouger les choses. Par exemple, après que nous avons parcouru la liste et posé quelques questions, vous savez ce qui s’est passé? Tout à coup, une loi a été édictée entre la fin de la réunion et aujourd’hui.
Le processus fonctionne, et je suis vraiment fier du travail que nous avons fait collectivement pour en venir à la conclusion que l’adopter sans poser de questions n’est pas ce que Tommy Banks aurait voulu, ni ce que le Sénat voulait lorsqu’il l’a fait. J’en suis très heureux. Cela a certainement été très instructif.
Je peux vous donner quelques exemples de ce dont je parle. Dans certains cas, c’était un peu troublant. Voici un exemple. En 2005, le Parlement a adopté une loi visant à donner au ministre des Services publics l’autorité exclusive en matière de marchés publics, mais cette loi n’est pas entrée en vigueur parce que — selon le pauvre fonctionnaire malchanceux qui a été envoyé — le ministère a besoin de plus de temps pour consulter d’autres ministères. Combien de décennies leur faut-il?
C’est alors qu’on se rend compte que l’inertie bureaucratique joue vraiment contre la volonté du Parlement dans certaines circonstances. C’était un cas intéressant.
Il y a eu un autre cas qui a perturbé certains d’entre nous et qui portait sur les prestations supplémentaires de décès. Nous avons adopté une loi sur les prestations supplémentaires de décès qui seraient accordées par le ministère de la Défense nationale. La réponse est la suivante : consultation au sein du ministère de la Défense nationale depuis 20 ans.
Nous avons remercié cet homme. Il n’était pas très content. C’était indéfendable. Nous lui avons dit que nous espérions ne pas le voir l’an prochain, car nous espérons que ces dispositions législatives entreront en vigueur d’ici là. Nous verrons.
Je tiens à saluer le travail que Peter Price a effectué pour nous à l’égard de ce dossier. Il est le directeur de la recherche du Groupe des sénateurs canadiens, et sa participation à ce dossier depuis quelques années fait probablement de lui le principal expert au Canada en ce qui a trait à ce processus et à la Loi sur l’abrogation des lois.
Il a aidé le gouvernement relativement à quelques cas où il y avait de la confusion quant à ce qui devait être abrogé et ce qui ne devait pas l’être. Nous avons dû fouiller dans la paperasse et obtenir des avis juridiques pour que tout fonctionne, et c’est son travail qui a permis au gouvernement de produire la liste adéquate, tant l’année dernière que cette année.
Cela dit, chers collègues, j’ai bien hâte de parler d’une liste plus courte l’an prochain.
Merci.
Des voix : Bravo!
Son Honneur la Présidente : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
[Français]
Le Sénat
Adoption de la motion tendant à autoriser le Sénat à se réunir en comité plénier afin de recevoir James O’Reilly, candidat au poste de conseiller sénatorial en éthique
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 10 décembre 2024, propose :
Que, à 15 h 15 le mardi 17 décembre 2024, le Sénat se forme en comité plénier afin de recevoir James O’Reilly relativement à sa nomination au poste de conseiller sénatorial en éthique;
Que le comité plénier fasse rapport au Sénat au plus tard 65 minutes après le début de ses travaux;
Que les remarques introductives du témoin durent un maximum de cinq minutes;
Que, si un sénateur n’utilise pas l’entière période de 10 minutes prévue pour les interventions à l’article 12-31(3)d) du Règlement, les réponses du témoin y comprises, il puisse céder le reste de son temps à un autre sénateur.
Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
[Traduction]
Le discours du Trône
Motion d’adoption de l’Adresse en réponse—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Gold, c.p., appuyée par l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson,
Que l’Adresse, dont le texte suit, soit présentée à Son Excellence la gouverneure générale du Canada :
À Son Excellence la très honorable Mary May Simon, chancelière et compagnon principal de l’Ordre du Canada, chancelière et commandeure de l’Ordre du mérite militaire, chancelière et commandeure de l’Ordre du mérite des corps policiers, gouverneure générale et commandante en chef du Canada.
QU’IL PLAISE À VOTRE EXCELLENCE :
Nous, sujets très dévoués et fidèles de Sa Majesté, le Sénat du Canada, assemblé en Parlement, prions respectueusement Votre Excellence d’agréer nos humbles remerciements pour le gracieux discours qu’elle a adressé aux deux Chambres du Parlement.
L’honorable Fabian Manning : Honorables sénateurs, le débat a été ajourné au nom du sénateur Plett pour le reste de son temps de parole. Je demande le consentement du Sénat pour qu’il conserve son temps de parole après mon intervention d’aujourd’hui.
Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
Son Honneur la Présidente : Il en est ainsi ordonné.
Le sénateur Manning : Honorables sénateurs, je suis heureux de faire quelques observations aujourd’hui au sujet du discours du Trône.
Chers collègues, par une froide nuit de février 1985, je me suis joint à de nombreux autres Terre-Neuviens et Labradoriens à l’hôtel Newfoundland, à St. John’s, pour assister à la signature de l’Accord atlantique entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador. Il s’agissait d’un document détaillé qui établissait la gestion conjointe du développement de l’industrie pétrolière et gazière dans la province.
Ce jour de 1985 a été un jour historique pour les habitants de la province. Un accord historique a été signé ce soir-là et il a changé la donne pour Terre-Neuve-et-Labrador.
Chers collègues, je crois sincèrement que le jour d’aujourd’hui — le 12 décembre 2024 — restera gravé dans l’histoire de la province et du pays non seulement comme le jour où la donne a changé, mais aussi comme le jour où le monde tel que nous le connaissons a changé.
Lors d’une conférence de presse il y a quelques heures à peine, le premier ministre de Terre-Neuve, l’honorable Dr Andrew Furey, et le premier ministre du Québec, l’honorable François Legault, ont signé un protocole d’entente en vue d’un nouvel accord concernant Churchill Falls qui change effectivement la donne.
(2020)
Pour ceux d’entre vous qui ne connaissent peut-être pas l’histoire de Churchill Falls, permettez-moi de vous en dire quelques mots.
Le contrat initial de Churchill Falls a été signé il y a 55 ans, en 1969. Je n’avais que cinq ans à l’époque. Joey Smallwood était le premier ministre de la province. En 1969, la conclusion de l’entente a suscité une activité économique intense et a créé des emplois dont la population de la province avait grand besoin.
La grande fierté liée à cet énorme projet hydroélectrique a été de courte durée : on a découvert que, même si l’eau coule abondamment à Churchill Falls, les retombées économiques, elles, couleraient à flots dans les coffres du Québec, et non pas dans ceux de la population de Terre-Neuve-et-Labrador.
L’entente de 1969 devait venir à échéance en 2041. Partout à Terre-Neuve-et-Labrador, cette affaire est une source de ressentiment depuis longtemps. Le contrat initial n’incluait pas de disposition d’indexation.
Sans disposition d’indexation, Hydro-Québec a pu acheter l’électricité produite à Churchill Falls pour le prix dérisoire de 0,2 cent le kilowattheure, puis la revendre au prix fort.
Depuis 1969, le contrat a rapporté 28 milliards de dollars à Hydro-Québec contre seulement 2 milliards de dollars aux habitants de Terre-Neuve-et-Labrador. Comme je l’ai dit plus tôt, ce taux fixe et cet accord inéquitable devaient s’appliquer jusqu’en 2041.
C’était le cas jusqu’à aujourd’hui, quand le premier ministre Andrew Furey a déchiré l’accord de 1969. Avec le premier ministre du Québec, M. Legault, il a annoncé et signé un nouvel accord de partenariat historique qui changera véritablement la vie des habitants de ma province et qui, de surcroît, profitera à des générations de Terre-Neuviens et de Labradoriens pendant des dizaines d’années.
Le nouvel accord est important notamment parce qu’il bénéficie du soutien de la nation innue. Le grand chef Simon Pokue était l’un des signataires de l’accord d’aujourd’hui. Il a qualifié cette journée d’historique pour les deux provinces et pour les Innus.
L’accord signé aujourd’hui respecte également l’entente dite de la Nouvelle aube, qui garantit que les Innus du Labrador seront inclus dans tous les futurs projets énergétiques de notre province.
Que prévoit ce nouvel accord? Que signifie-t-il pour les habitants de Terre-Neuve-et-Labrador?
À partir de maintenant, le coût payé par Hydro-Québec passera de 0,2 à 5,9 ¢ le kilowattheure. C’est 30 fois le coût actuel.
Le coût actuel de 0,2 ¢ rapporte 20 millions de dollars par année aux caisses de Terre-Neuve-et-Labrador. Le nouveau prix, qui entrera en vigueur l’année prochaine, rapportera à la province 1 milliard de dollars par année.
D’ici à 2041, année où l’ancien contrat devait expirer, ce nouveau prix apportera 17 milliards de dollars supplémentaires à Terre-Neuve-et-Labrador, car, une fois l’accord finalisé, il sera rétroactif au 1er janvier 2025. En 2041, ce montant doublera une première fois, pour atteindre 2 milliards de dollars par an, et une seconde fois, pour atteindre 4 milliards de dollars par an en 2056.
Le nouvel accord comprend également une clause d’indexation des prix — qui n’existait pas dans le contrat de 1969, comme je l’ai mentionné précédemment — qui tiendra compte de la valeur du marché pendant la durée de ce nouvel accord de 50 ans.
Nous profitons enfin de la hausse des prix.
Trois nouveaux projets sont également inclus dans l’accord et on s’attend qu’ils vont tous augmenter la capacité du Labrador de 3 900 mégawatts. Le Québec a accepté de verser 3,5 milliards de dollars à Terre-Neuve-et-Labrador pour le codéveloppement des projets susmentionnés.
Au cours des 55 dernières années, Terre-Neuve a perdu des milliards de dollars. Grâce au nouvel accord conclu aujourd’hui, Terre-Neuve et le Labrador récolteront des milliards de dollars au cours des 50 prochaines années.
Pour le Québec, le protocole d’entente signifie un demi-siècle d’énergie hydroélectrique fiable qu’Hydro-Québec peut fournir à ses clients. Ce nouvel accord représentera entre 200 et 250 millions de dollars pour chaque province.
La deuxième partie de l’accord concerne le projet hydroélectrique de Gull Island, qui fait l’objet de discussions depuis longtemps et qui est l’un des derniers grands projets hydroélectriques non développés en Amérique du Nord.
À lui seul, ce projet va produire 2 250 mégawatts d’électricité, créer des milliers d’emplois bien rémunérés dans le secteur de la construction et rapporter des milliards de dollars à Terre-Neuve-et-Labrador pour les générations à venir. Ce projet, dans le cadre de l’entente signée aujourd’hui, va à lui seul changer la donne.
Le projet Gull Island sera une nouvelle entité détenue à 60 % par Newfoundland Hydro et à 40 % par Hydro-Québec. Hydro-Québec sera responsable du projet, gérera la construction et absorbera tout dépassement de coûts. Croyez-moi, après le dossier Muskrat Falls, c’est une bonne nouvelle pour nous.
Chers collègues, si j’ai l’air heureux aujourd’hui, c’est parce que je le suis. Je crois sincèrement qu’aujourd’hui, Terre-Neuve a tourné la page sur un accord conclu en 1969 qui nous avait laissé un goût amer dans la bouche. Nous nous étions sentis floués. Les gens de ma province s’étaient sentis floués.
Quand j’étais jeune, à Terre-Neuve-et-Labrador, assis autour de la table de cuisine, j’ai entendu à maintes reprises les gens parler de Churchill Falls, et c’était toujours de façon négative.
Lorsqu’on mentionnait le Québec pour une raison ou une autre, des sentiments négatifs remontaient à la surface à cause d’un accord déséquilibré que nous avons détesté en tant que peuple. Cela n’a rien à voir avec le peuple québécois. Après tout, je suis un partisan de la Sainte-Flanelle.
Pendant des années, les premiers ministres de Terre-Neuve, les uns après les autres, ont tenté de réparer cette injustice, que ce soit par des voies diplomatiques ou le système judiciaire. Tous ces efforts ont échoué.
Aujourd’hui, je suis convaincu que nous avons tourné la page et qu’un avenir meilleur se profile à l’horizon pour mes enfants, mes petits-enfants et les générations à venir.
En tant que Terre-Neuvien et Labradorien, j’ai prié pour que je vive jusqu’à 2041 — pour que je sois en vie et que je sois témoin de la réparation d’un tort. Grâce à cet accord, 2041 est arrivé sur les côtes de notre province 17 ans plus tôt que prévu.
Comme le premier ministre Furey l’a dit plus tôt cet après-midi, aujourd’hui, tout change pour Terre-Neuve-et-Labrador. Comme le premier ministre Legault l’a dit cet après-midi, c’est un accord gagnant-gagnant.
Je sais que je parle au nom de tous mes collègues de Terre-Neuve-et-Labrador — les sénateurs Wells, Ravalia et Petten — lorsque je dis que nous avons entendu l’histoire des chutes Churchill tout au long de notre vie. Aujourd’hui, c’est un nouveau départ.
Avec mes quelques mots ici aujourd’hui, je ne suis pas tout à fait en mesure d’expliquer ce que Churchill Falls a signifié pour le psychisme de mes concitoyens de Terre-Neuve-et-Labrador. J’ai toujours été un fier Terre-Neuvien et Labradorien. Je dois admettre que je suis un peu plus fier aujourd’hui. J’aimerais que mon père soit vivant pour être témoin de cet événement historique.
En conclusion, cela peut paraître étrange de la part d’un conservateur, et d’un fier conservateur de surcroît, mais à tout seigneur tout honneur. Je dis donc merci à toutes les personnes qui, ces dernières années, ont travaillé dans l’ombre, loin des projecteurs, tant à Terre-Neuve-et-Labrador qu’au Québec. Je suis persuadé que l’histoire montrera que leurs longues heures de travail et leur dévouement ont permis d’offrir un avenir plus brillant et plus sûr aux habitants de nos deux provinces.
De tous les premiers ministres du Québec, François Legault est le premier à avoir admis publiquement que Terre-Neuve-et-Labrador n’avait pas fait une bonne affaire en signant le contrat de Churchill Falls, en 1969. Je pense que c’est cette déclaration qui a créé un environnement de travail favorable à l’atteinte de l’accord d’aujourd’hui.
Je remercie sincèrement l’honorable Andrew Furey, le premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador, ma province, pour son travail acharné et sa détermination à parvenir à cet accord historique. Aucune entente ne plaira à tout le monde, mais je pense que le premier ministre Furey et son équipe ont conclu aujourd’hui une entente formidable pour les habitants de Terre-Neuve-et-Labrador. Pour beaucoup de gens dans ma province, il s’agit de quelque chose qu’ils ne pensaient jamais voir. Nombreux sont ceux qui, dans ma province, croyaient que c’était impossible.
(2030)
C’est une chose de corriger les erreurs du passé et d’en tirer des gains financiers, mais, dans cet accord, la cerise sur le gâteau c’est le fait qu’on a mis la touche finale aux perspectives économiques de demain. Il s’agit d’une approche équilibrée où les deux parties sont gagnantes. Je pense que les livres d’histoire retiendront ce jour comme celui où Terre-Neuve-et-Labrador a tourné la page, et on se souviendra du premier ministre Furey comme de son maître d’œuvre.
Que mes compatriotes de Terre-Neuve et du Labrador soient conservateurs, libéraux, néo-démocrates, verts ou sans affiliation politique, je pense que la grande majorité d’entre eux sont fiers et heureux de ce qui a été accompli aujourd’hui. L’entente d’aujourd’hui vise à corriger les erreurs du passé, à permettre au merveilleux peuple de Terre-Neuve-et-Labrador d’entamer un nouveau chapitre et à jeter les bases solides d’un avenir plus prospère pour tous ceux qui nous suivront. C’est assurément un jour de grande fierté pour nous tous.
Je vais conclure avec les derniers vers d’Ode to Newfoundland :
[...] Pour notre Terre-Neuve, patrie bien-aimée.
L’amour de nos aïeux, un phare;
Leurs valeurs, notre espoir; au ciel nous offrons leur prière.
Que Dieu protège Terre-Neuve [...]
Des voix : Bravo!
[Français]
Son Honneur la Présidente : Sénatrice Audette, avez-vous une question?
L’honorable Michèle Audette : J’ai une question à poser au sénateur Manning.
[Traduction]
Son Honneur la Présidente : Sénateur Manning, acceptez-vous de répondre à une question?
Le sénateur Manning : Avec plaisir.
Son Honneur la Présidente : Il reste peu de temps, la question doit être brève.
[Français]
La sénatrice Audette : Je vous remercie de faire enfin en sorte que les peuples innus du Labrador et du Québec — car pour nous, ce ne sont pas les mêmes frontières — fassent partie du protocole d’entente. Puis-je compter sur vous, sénateur Manning, pour que la nation innue soit toujours honorée dans cette entente et qu’elle soit partie prenante? De plus, me soutiendrez-vous lorsque je rappellerai au gouvernement du Québec que nous avons droit nous aussi à ce genre d’entente? Je vous remercie.
[Traduction]
Son Honneur la Présidente : Sénateur Manning, voulez-vous plus de temps pour répondre aux deux questions qui ont été posées?
Le sénateur Manning : Oui. Je peux parler vite, mais pas si vite.
Son Honneur la Présidente : Est-ce d’accord, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
Le sénateur Manning : Je vous remercie de la question. Vous comprendrez que je n’ai pas vraiment mon mot à dire pour ce qui est de déterminer qui est inclus et qui ne l’est pas, mais j’ai été ravi aujourd’hui de voir le grand chef parmi les signataires de l’entente.
Le grand chef a dit que l’entente de la Nouvelle aube garantit la participation des Innus, et qu’aucun autre projet au Labrador ou ailleurs dans la province n’ira de l’avant sans la participation des Innus. Je pense que ce message est on ne peut plus clair.
Encore une fois, comme je l’ai dit, je pense que l’entente d’aujourd’hui vient corriger les erreurs du passé en ce qui concerne l’aspect financier à Terre-Neuve-et-Labrador, mais je crois aussi que la participation de dirigeants innus aux discussions est aussi une façon de corriger les erreurs du passé. Je suis convaincu qu’il n’y aura pas de projet qui ira de l’avant à Terre-Neuve-et-Labrador — ni ailleurs au Canada, d’ailleurs — sans la participation des Premières Nations aux discussions, et je serai toujours en faveur de cela.
(Le débat est ajourné.)
L’ajournement
Adoption de la motion
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 11 décembre 2024, propose :
Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 17 décembre 2024, à 14 heures.
Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
La Loi sur les aliments et drogues
Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Dasko, appuyée par l’honorable sénatrice Busson, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-252, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (interdiction — publicité d’aliments et de boissons destinée aux enfants).
L’honorable Yuen Pau Woo : Merci. Je n’avais pas l’intention de parler du projet de loi C-252, mais je sens qu’il y a une volonté de le faire progresser dans le processus législatif. Comme la relâche approche, j’ai pensé que je pourrais dire quelques mots sur cette mesure pour aider à faire avancer les choses.
Permettez-moi tout d’abord de remercier la marraine du projet de loi, mon amie la sénatrice Dasko, ceux qui ont déjà appuyé le projet de loi — la sénatrice Petitclerc, en particulier — ainsi que les membres du Comité des affaires sociales, qui ont réalisé l’étude sur le projet de loi et qui nous ont soumis leur rapport.
Je n’ai pas assisté aux réunions du Comité des affaires sociales sur ce projet de loi. J’ai suivi les délibérations, mais puisque je n’étais pas aux premières loges, je n’ai pas une compréhension totale des nuances de ce débat. Par conséquent, je ne veux pas exagérer ma connaissance de ce qui s’est passé au Comité.
Cependant, vous vous rappellerez peut-être que j’ai posé des questions, tant à l’étape de la deuxième lecture qu’à celle du rapport. Vous avez peut-être décelé dans mes questions une certaine hésitation à l’égard de ce projet de loi. Je tiens à assurer à tout le monde que cette hésitation n’a rien à voir avec l’objectif du projet de loi. Je souscris pleinement à l’idée de limiter la publicité pour les aliments et les boissons destinée aux enfants de moins de 13 ans, notamment parce que j’ai moi-même souvent eu maille à partir avec l’industrie de la publicité lorsque mes propres enfants étaient séduits par des produits qui leur paraissaient irrésistibles. Je confirme d’ailleurs que j’ai souvent mordu la poussière.
Je ne suis pas un adepte du laisser-faire en matière de publicité. Je ne veux pas que tout soit permis et qu’aucune restriction n’encadre les types de publicité qui sont nocifs pour la société et, en particulier, nocifs pour les enfants. Je suis favorable à l’idée d’imposer des balises à l’industrie de la publicité — dans ce cas précis, en ce qui concerne la publicité pour les produits alimentaires et les boissons — dans le but de promouvoir une saine alimentation et un mode de vie sain.
Comme je l’ai dit dans mon discours sur le projet de loi C-282, relatif à la gestion de l’offre, les objectifs politiques peuvent être atteints par différents moyens. Quel que soit l’objectif politique en cause, la question qui se pose à nous en tant que législateurs, en tant que responsables de la réglementation qui font partie du pouvoir exécutif, c’est celle du choix du moyen d’action. Quel est le meilleur moyen d’atteindre un objectif politique donné?
L’instinct de nombreux responsables de la réglementation les pousse, évidemment, à réglementer. L’instinct de nombreux législateurs, dont beaucoup d’entre nous ici, les pousse à élaborer des règlements pour résoudre un problème, en quelque sorte de manière incidente : on impose une règle — « Nul ne peut faire ceci ou cela » — et, en conséquence, nul ne peut le faire. Les règlements ont un coût et ils ne sont pas infaillibles. Parfois, c’est très difficile de se défaire de règlements qui sont mauvais ou dépassés. C’est pourquoi je préfère pour ma part ce que l’on pourrait appeler une « réglementation modérée ». Ce n’est pas un terme que j’ai inventé. C’est un concept que de nombreux organismes axés sur la saine gouvernance préconisent, dont l’Organisation de coopération et de développement économiques. Il s’agit simplement de trouver, pour un objectif stratégique donné, la forme de réglementation qui est la moins intrusive, celle qui a les meilleures chances de succès. J’insiste sur ce point parce qu’il ne s’agit pas de réduire le fardeau qui pèse sur l’industrie ou les consommateurs, mais bien de trouver la meilleure voie pour concrétiser l’objectif à atteindre.
(2040)
Une des façons d’adopter une approche réglementaire modérée, c’est en misant sur les normes. Vous ne le savez peut-être pas, mais ce sont les normes qui font tourner le monde. Nous ne serions pas ici à profiter du système de chauffage, de ventilation et de climatisation, de l’éclairage, du réseau WiFi, des téléphones et de tout ce qui fait fonctionner cet édifice sans les normes qui ont été élaborées en grande partie par l’industrie, en concertation avec des parties prenantes, et qui ont ensuite été intégrées dans les pratiques des industries concernées : les électriciens, les gens de métier, les plombiers et ainsi de suite. Il ne s’agit pas à l’origine de mesures réglementaires coercitives.
J’aime croire que la même approche modérée fondée sur des normes aurait pu être appliquée pour atteindre l’objectif que nous visons ici, c’est-à-dire limiter et, en fait, interdire la publicité d’aliments et de boissons destinée aux enfants de moins de 13 ans.
Nous avons appris, notamment lors des audiences du comité, que l’industrie et les organismes publicitaires ont tenté de créer des codes pour régir la publicité destinée aux enfants. Durant de nombreuses années, ils avaient en place ce qu’ils appelaient l’Initiative canadienne pour la publicité sur les aliments et les boissons destinée aux enfants. J’estime qu’il est juste de dire que ce fut un échec, et le comité a fourni des preuves que cela n’a pas fonctionné.
L’industrie a alors tardivement tenté de se ressaisir et de créer un code de pratiques plus strict, qu’elle a appelé le Code des pratiques responsables en matière de publicité sur les aliments et les boissons destinée aux enfants, qui est entré en vigueur l’an dernier seulement. Selon l’industrie, il s’agit d’un code obligatoire que les annonceurs sont tenus de respecter, à défaut de quoi les radiodiffuseurs qui diffusent ces publicités seront privés de leur licence. Il se tient un débat à savoir si le code est réellement obligatoire, mais je ne parlerai pas de cela.
Je ne vais pas remettre en question le jugement du comité, qui a conclu que ce code obligatoire récemment mis en place par l’industrie n’est pas adéquat. C’est sa conclusion. Je dirai cependant qu’elle est un peu prématurée. Après tout, le code est seulement en vigueur depuis moins d’un an. En tout cas, il n’a pas impressionné le comité.
Toutefois, j’espère que, malgré la conclusion du comité, l’industrie pourra quand même prendre part à l’élaboration de la réglementation qui s’imposera si nous adoptons ce projet de loi visant à régler le problème des publicités destinées aux enfants.
J’étais heureux d’entendre la marraine du projet de loi confirmer que les fonctionnaires de Santé Canada avaient bien l’intention de consulter les représentants de l’industrie pour travailler avec eux à l’élaboration de la réglementation nécessaire.
Il se peut que le code de l’industrie ne réponde pas aux normes visées par Santé Canada. Toutefois, si le code respecte ou dépasse les normes que Santé Canada souhaite intégrer dans les réglementations contraignantes, il y a lieu d’adopter ce code dans son intégralité par la voie d’un mécanisme que l’on appelle l’« incorporation par renvoi ». Autrement dit, on prend le travail de l’industrie et des intervenants qui ont élaboré ce code, on reconnaît qu’il répond à tous les objectifs que nous voulons atteindre — le gouvernement et le Parlement — et on l’intègre dans la réglementation comme moyen, d’une part, de reconnaître que l’industrie s’est approprié ces exigences, mais aussi de lui redonner la responsabilité de s’assurer que ces règles sont respectées.
Avant que nous passions — très bientôt, j’espère — au vote qui pourrait mener à l’adoption de ce projet de loi, j’aimerais simplement dire que je ne voudrais pas que les fonctionnaires compétents de l’Agence canadienne d’inspection des aliments, de Santé Canada et d’ailleurs voient cela comme une façon de les autoriser à inventer des règlements. Je sais que parler d’inventer des règlements peut avoir une connotation péjorative, mais ce que je veux dire, c’est que la bureaucratie a tendance à élaborer des règlements simplement parce qu’on lui demande d’en créer. J’espère qu’en apportant notre modeste contribution, nous encouragerons les fonctionnaires à travailler avec l’industrie en vue d’examiner la possibilité de recourir à l’incorporation par renvoi à une étape ou à une autre du processus d’élaboration des règlements.
Honorables collègues, c’est tout ce que j’avais à dire à ce sujet. Je respecte vraiment le travail de ma collègue, la sénatrice Dasko, qui a défendu ce projet de loi, le travail du comité et le rapport qui a été présenté. Il est temps que nous prenions une décision sur ce projet de loi, et je demande respectueusement que nous le mettions aux voix.
Des voix : Le vote!
Son Honneur la Présidente : J’aimerais donner la parole au sénateur Black. Je crois que vous avez une question.
L’honorable Robert Black : J’aimerais poser une question au sénateur Woo, s’il accepte d’y répondre.
Je vous remercie, sénateur Woo, de vos observations sur le travail considérable que l’industrie a fait — je l’apprécie — et sur votre espoir que de plus amples consultations seront menées auprès de celle-ci.
Je me demande si vous êtes au courant des différences de terminologie entre les versions française et anglaise en ce qui concerne le « marketing » et la « publicité », ce qui pourrait créer davantage de confusion au bout du compte. Êtes-vous au courant de cet aspect?
Le sénateur Woo : Je vous remercie, sénateur Black, de la question. Je suis au courant des documents que vous, moi et d’autres avons reçus et qui font valoir cette affirmation. Je n’ai aucune raison de la remettre en question. Je ne maîtrise pas suffisamment le français pour me permettre de me prononcer de manière définitive. C’est peut-être quelque chose dont vous voulez parler, mais je ne peux pas vraiment m’avancer sur le sujet.
Le sénateur Black : Si votre français et mon français ne sont pas assez bons, y aurait-il lieu de faire vérifier par quelqu’un d’autre les versions anglaise et française pour assurer leur concordance?
Le sénateur Woo : Le sénateur Carignan a peut-être une opinion là-dessus. Il a les compétences linguistiques en français. Nous devons nous tourner vers notre comité. Je respecte les membres du comité. J’imagine qu’ils ont examiné les versions dans les deux langues. S’ils avaient eu une préoccupation, ils l’auraient exprimée. Je le répète, je n’ai pas assez de connaissances pour me prononcer sur le sujet.
L’honorable Leo Housakos : J’ai quelques questions pour le sénateur Woo.
Premièrement, sénateur Woo, je ne comprends pas comment vous justifiez le fait que vous avez récemment voté en faveur d’un congé de TPS sur la malbouffe, mais que vous faites preuve d’un enthousiasme débordant au sujet de ce projet de loi, que vous présentez comme la solution miracle pour empêcher que tous les jeunes enfants développent une dépendance au sucre raffiné.
(2050)
Mon autre question porte que quelque chose de très troublant. Vous avez admis dans votre discours que le projet de loi nécessite des règlements et que Santé Canada et le gouvernement vous ont assuré qu’ils consulteront l’industrie après son adoption et que, bien sûr, ils élaboreront les règlements connexes. Au cours de la dernière décennie, le gouvernement a pris l’habitude d’exclure les règlements du débat et de l’équation quand nous examinons un projet de loi, ce qui est très problématique, car, très souvent, comme nous le savons en tant que législateurs, ce sont les règlements qui déterminent les résultats d’un projet de loi.
La même erreur s’est produite avec le projet de loi C-11, que nous avons adopté à la hâte au Sénat. C’est le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes qui devait élaborer les règlements, et, un an et demi plus tard, bien sûr, c’est la catastrophe, et nous attendons toujours les règlements.
Ma question est donc la suivante : ne serait-il pas prudent pour nous de nous assurer que le gouvernement et la fonction publique joignent les règlements au projet de loi avant même que nous envisagions de le mettre aux voix?
Le sénateur Woo : Je vous remercie de votre question. Dans cette énumération, il y avait des questions sur trois ou quatre projets de loi distincts. Tout d’abord, vous lirez peut-être la transcription de mon discours. Je n’ai pas manifesté beaucoup d’enthousiasme pour le projet de loi, si je me souviens bien. En fait, j’ai dit que je regrettais qu’on n’ait pas accordé plus d’attention aux opinions de l’industrie à ce sujet. Je ne suis donc pas certain que votre interprétation mérite une réponse, car elle ne concorde pas avec ce que j’ai dit.
En ce qui concerne la question plus générale de la réglementation…
Son Honneur la Présidente : Sénateur Woo, votre temps de parole est écoulé.
Le sénateur Woo : J’aimerais avoir l’occasion de terminer mes réflexions.
Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé?
Des voix : D’accord.
Le sénateur Woo : En fait, je suis contre l’inclusion de règlements détaillés dans les projets de loi. Je pense qu’il n’est pas de notre ressort d’entrer dans les détails de nombreuses questions techniques. Je sais que les législateurs ont l’instinct et une sorte de réflexe de vouloir concevoir des dispositions réglementaires très spécifiques en application d’un projet de loi, mais je ne suis pas certain que nous ayons l’expertise nécessaire pour le faire.
Ma philosophie, c’est que notre travail consiste à légiférer, en termes relativement généraux, de manière à établir des instructions claires sur la direction à prendre, mais pas à élaborer des règlements détaillés que les fonctionnaires n’auront plus qu’à suivre.
Permettez-moi également de dire que mes fonctions de coprésident du Comité mixte permanent d’examen de la réglementation m’amènent souvent à examiner avec mes collègues des règlements qui ne correspondent pas nécessairement à la loi. Ce problème est en partie causé par nos efforts trop soutenus pour inclure des instructions spécifiques dans nos projets de loi, car ces instructions créent des problèmes aux fonctionnaires qui tentent de concilier l’objet d’un projet de loi avec les règlements que nous y avons intégrés de force.
La sénatrice Martin : Je propose l’ajournement du débat.
Son Honneur la Présidente : L’honorable sénatrice Martin, avec l’appui de l’honorable sénatrice Seidman, propose que le débat soit ajourné à la prochaine séance du Sénat. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : Non.
Des voix : Oui.
Son Honneur la Présidente : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Des voix : Oui.
Son Honneur la Présidente : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.
Des voix : Non.
Son Honneur la Présidente : À mon avis, les non l’emportent.
Et deux honorables sénateurs s’étant levés :
Son Honneur la Présidente : Je vois deux sénateurs se lever. Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?
Une voix : Une heure.
Son Honneur la Présidente : Le vote aura lieu à 21 h 53. Convoquez les sénateurs.
(2150)
La motion, mise aux voix, est rejetée :
POUR
Les honorables sénateurs
Ataullahjan | Martin |
Batters | Plett |
Black | Quinn |
Carignan | Richards |
Housakos | Robinson |
MacDonald | Seidman |
Manning | Wells (Terre-Neuve-et-Labrador)—14 |
CONTRE
Les honorables sénateurs
Al Zaibak | Loffreda |
Arnot | MacAdam |
Aucoin | McNair |
Boehm | Mégie |
Boniface | Moncion |
Boudreau | Muggli |
Burey | Osler |
Busson | Oudar |
Cardozo | Pate |
Clement | Patterson |
Cormier | Petitclerc |
Coyle | Petten |
Dasko | Prosper |
Deacon (Ontario) | Ravalia |
Dean | Ringuette |
Duncan | Ross |
Francis | Saint-Germain |
Gerba | Senior |
Gold | Simons |
Greenwood | White |
Harder | Woo |
Kingston | Youance |
Kutcher | Yussuff—47 |
LaBoucane-Benson |
ABSTENTION
L’honorable sénateur
Deacon (Nouvelle-Écosse)—1 |
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, la troisième lecture du projet de loi a commencé le 3 décembre. C’était la semaine dernière. La semaine dernière, nous avons entamé la troisième lecture. Aujourd’hui, on nous demande de mettre le projet de loi aux voix. Le projet de loi n’a pas été débattu ce soir avant que le sénateur Woo ne prenne la parole, et il a dit lui-même qu’il n’était pas prévu qu’il prenne la parole aujourd’hui. Comme l’a dit le sénateur Woo, le projet de loi présente des lacunes majeures. L’une d’entre elles, et non la moindre, comme l’a souligné le sénateur Black, est la différence marquée entre la version anglaise et la version française de la mesure législative.
Manifestement, ce que le Groupe des sénateurs indépendants nous force à faire ce soir, avec l’aide de quelques autres sénateurs, ne relève pas du second examen objectif. Le gouvernement joue le jeu à fond.
(2200)
Ces sénateurs veulent que nous adoptions ce projet de loi — je répète, un projet de loi d’initiative parlementaire. Non seulement toute l’équipe gouvernementale vote, mais en plus elle indique aux autres comment voter. Toutefois, ces sénateurs sont, bien sûr, tous indépendants.
Ils veulent que nous adoptions le projet de loi immédiatement tout simplement pour nous montrer qu’ils sont majoritaires et qu’ils sont désormais aux commandes.
La sénatrice Saint-Germain veut nous contraindre à adopter un projet de loi qui comporte des lacunes importantes et a des conséquences importantes pour diverses entreprises, sans débat approprié et sans possibilité de consulter les parties prenantes ou de proposer des amendements réalistes.
Ce projet de loi n’est pas urgent. Il est débattu au Parlement depuis des années. Une version de ce projet de loi a été débattue au Parlement lorsque les conservateurs étaient au pouvoir. Le projet de loi n’entrera pas en vigueur avant des mois, voire des années, même s’il est adopté ce soir.
Chers collègues, si nous voulons être la Chambre de second examen objectif, nous devons appuyer sur la touche « pause ». Le projet de loi doit faire l’objet d’un débat approfondi. Sa marraine nous en a parlé il y a une semaine. Faisons notre travail en tant que Sénat. Prenons le temps d’étudier ce projet de loi très attentivement.
Lorsque nous reviendrons en février, le projet de loi sera encore à l’étape de la troisième lecture, et nous aurons amplement le temps d’en débattre. Si nous le jugeons nécessaire, nous le mettrons aux voix. Cependant, en raison des tactiques de la majorité des sénateurs ici, je n’ai pas d’autre choix, Votre Honneur, que de présenter un amendement pour nous donner un peu de temps pour étudier ce projet de loi.
Motion d’amendement
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :
Que le projet de loi C-252 ne soit pas lu maintenant pour une troisième fois, mais qu’il soit lu pour une troisième fois dans six mois à compter de ce jour.
Merci, Votre Honneur.
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, avant de lire la motion, permettez-moi de fournir une brève explication. Cette motion est ce qu’on appelle un amendement de renvoi, et elle est expliquée aux pages 132 et 133 de La procédure du Sénat en pratique.
La formulation normalisée de cette motion, soit que le projet de loi soit lu dans six mois, reflète l’usage parlementaire historique. Dans la pratique, l’adoption de cette motion a pour effet d’entraîner le rejet du projet de loi. La motion peut être débattue et ajournée, mais elle ne peut pas être modifiée.
Cela dit, l’honorable sénateur Plett, avec l’appui de l’honorable sénatrice Seidman, propose que le projet de loi C-252 ne soit pas maintenant lu pour la troisième fois, mais qu’il soit lu une troisième fois dans six mois à compter de ce jour.
[Français]
L’honorable Lucie Moncion : Considérant le commentaire que vous venez de faire, considérant la proposition du sénateur Plett et considérant le fait que le sénateur Plett utilise souvent la phrase disant qu’il se fait tard et que nous sommes fatigués, je crois qu’il serait sage que nous réfléchissions davantage à ceci, donc je propose :
Que la séance soit maintenant levée.
Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : Oui.
Des voix : Non.
[Traduction]
Son Honneur la Présidente : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Des voix : Oui.
Son Honneur la Présidente : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.
Des voix : Non.
Son Honneur la Présidente : À mon avis, les oui l’emportent.
Et deux honorables sénateurs s’étant levés :
Son Honneur la Présidente : Je vois deux sénateurs se lever. Y a-t-il entente sur la sonnerie?
Une voix : Maintenant.
Une voix : Une heure.
Son Honneur la Présidente : Le vote aura lieu à 23 h 4. Convoquez les sénateurs.
(2300)
La motion, mise aux voix, est adoptée :
POUR
Les honorables sénateurs
Al Zaibak | Loffreda |
Arnot | MacAdam |
Aucoin | McNair |
Black | Mégie |
Boehm | Moncion |
Boniface | Osler |
Boudreau | Oudar |
Busson | Pate |
Cardozo | Patterson |
Clement | Petitclerc |
Cormier | Petten |
Coyle | Prosper |
Dasko | Ringuette |
Deacon (Ontario) | Robinson |
Dean | Ross |
Francis | Saint-Germain |
Gold | Senior |
Greenwood | Simons |
Harder | Sorensen |
Kingston | Woo |
Kutcher | Youance |
LaBoucane-Benson | Yussuff—44 |
CONTRE
Les honorables sénateurs
Ataullahjan | Martin |
Batters | Plett |
Carignan | Ravalia |
Housakos | Seidman |
MacDonald | Wells (Terre-Neuve-et-Labrador)—11 |
Manning |
ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs
Aucun
(À 23 h 9, conformément à l’ordre adopté par le Sénat plus tôt aujourd’hui, le Sénat s’ajourne jusqu’au mardi 17 décembre 2024, à 14 heures.)