LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’ÉNERGIE, DE L’ENVIRONNEMENT ET DES RESSOURCES NATURELLES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le jeudi 16 février 2023
Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd’hui, à 9 h 1 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier de nouvelles questions concernant le mandat du comité.
La sénatrice Josée Verner (vice-présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La vice-présidente : Bonjour. Je m’appelle Josée Verner, je suis une sénatrice du Québec et je suis vice-présidente du comité.
Aujourd’hui, nous tenons une séance du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles.
[Traduction]
J’aimerais commencer par faire un petit rappel. Je demanderais à toutes les personnes présentes de s’abstenir de s’approcher trop près de leur microphone lorsqu’elles prennent la parole, ou de retirer leur oreillette si elles le font, pour éviter la rétroaction acoustique qui pourrait incommoder le personnel du comité dans la salle.
[Français]
J’aimerais maintenant présenter les membres du comité qui participent à la réunion aujourd’hui : Margaret Dawn Anderson, des Territoires du Nord-Ouest; David Arnot, de la Saskatchewan; Rosa Galvez, du Québec; Julie Miville-Dechêne, du Québec; Karen Sorensen, de l’Alberta.
Je vous souhaite la bienvenue, chers collègues, ainsi qu’à tous les téléspectateurs de partout au pays qui regardent nos délibérations.
Ce matin, nous poursuivons notre étude sur l’industrie canadienne du pétrole et du gaz.
Pour ce faire, nous accueillons, dans le cadre de notre premier panel —
[Traduction]
... deux représentants de la Coalition de grands projets des Premières Nations, qui se joindront à nous par vidéoconférence, soit Mme Sharleen Gale, cheffe et présidente de l’organisation, ainsi que M. Jesse McCormick, vice-président principal de la Recherche, de l’Innovation et des Affaires juridiques.
Nous accueillons également M. Stephen Buffalo, président et chef de la direction du Conseil des ressources indiennes du Canada, ainsi que M. John Desjarlais, président du conseil de l’Indigenous Resource Network. Tous deux participeront à la séance par vidéoconférence.
[Français]
Je vous souhaite la bienvenue et vous remercie d’avoir accepté notre invitation.
Vous avez cinq minutes chacun pour faire votre allocution d’ouverture.
[Traduction]
Nous allons tout d’abord commencer par Mme Gale.
Sharleen Gale, cheffe et présidente, Coalition de grands projets des Premières Nations : Bonjour, honorables sénateurs. C’est un plaisir de vous rencontrer aujourd’hui. Je m’adresse à vous depuis mon domicile, dans la Première Nation de Fort Nelson, sur les terres non cédées du territoire visé par le Traité no 8. Je m’appelle Sharleen Gale. Je suis la cheffe de la Première Nation de Fort Nelson, qui se trouve sur le territoire visé par le Traité no 8 en Colombie-Britannique. Je suis également la présidente de la Coalition de grands projets des Premières Nations, et c’est à ce titre que je prends la parole aujourd’hui.
Je suis accompagnée de mon collègue Jesse McCormick, vice-président principal de la Recherche, de l’Innovation et des Affaires juridiques de la Coalition de grands projets des Premières Nations.
Pour ceux qui ne connaissent pas notre organisation, la Coalition de grands projets des Premières Nations était au départ un regroupement de 11 nations. Elle compte maintenant 130 nations de sept provinces et territoires. Elle gère un portefeuille de projets d’une valeur de plus de 20 milliards de dollars, et un partenaire autochtone détient une participation dans tous les projets.
Notre objectif principal est d’améliorer le bien-être économique de nos membres en les aidant à prendre des décisions d’affaires éclairées concernant de grands projets d’infrastructure et d’exploitation des ressources. La coalition a contribué aux négociations qui ont abouti à plusieurs projets d’énergie propre, y compris le projet de ligne de transport d’électricité, qui va de Chatham à Lakeshore, en Ontario, dans lequel nos membres détiennent une participation de 50 % avec la société Hydro One, et le projet hydroélectrique NeToo, en Colombie-Britannique, dans lequel nos membres aimeraient avoir une participation majoritaire.
Nous voulons permettre à nos membres d’avoir une participation importante dans les grands projets. De plus, la coalition est devenue un leader d’opinion qui rassemble les dirigeants autochtones, le gouvernement et le secteur privé dans l’intérêt de nos relations commerciales mutuelles. Nous avons d’ailleurs réuni ces parties lors de la conférence sur l’atteinte de la carboneutralité que nous avons tenue en avril dernier, et nous tiendrons une conférence sur l’économie axée sur les valeurs en avril prochain.
On constate les effets des changements climatiques sur le territoire de la Première Nation de Fort Nelson depuis des décennies. Depuis que je suis jeune, nos aînés et nos gardiens du savoir nous font remarquer à quel point les hivers changent et que les changements climatiques se répercutent sur le nombre et la migration des animaux dans nos zones de chasse et de piégeage. Il en va de même pour nos cousins autochtones partout au Canada. Les changements climatiques affectent nos terres et nos cours d’eau, qui sont à la base de notre culture, de notre langue, de notre mode de vie et de notre survie.
La coalition est favorable à ce que le Canada prenne des mesures concrètes pour lutter contre les changements climatiques, notamment en ce qui concerne les projets d’énergie propre dans lesquels les Premières Nations pourraient détenir une participation. De nombreux Canadiens ne sont pas conscients des obstacles systémiques qui ont empêché les Premières Nations d’avoir une véritable participation économique dans les industries qui ont assuré la prospérité du reste du Canada. Nous nous attendons à ce que le gouvernement du Canada prenne des mesures ambitieuses pour atteindre l’objectif de zéro émission nette d’ici 2050, mais cela ne doit pas se faire au détriment des Premières Nations.
Aujourd’hui, le gouvernement doit favoriser la réconciliation économique tout en prenant des mesures concrètes pour lutter contre les changements climatiques. Ce que je souhaite, pour les Premières Nations du Canada, c’est qu’on réussisse à éviter les pires effets des changements climatiques et à assurer la prospérité de nos générations futures grâce aux décisions que nous prenons aujourd’hui d’investir dans des projets permettant de générer des revenus et de créer des emplois importants.
Lorsqu’il s’agit des industries, la coalition est neutre, en ce sens qu’elle aide les membres de nos Premières Nations à négocier des avantages et une participation financière aux grands projets, quel que soit le secteur. Étant donné que nos Premières Nations sont réparties un peu partout au Canada et qu’elles ont souvent peu de choix quant aux possibilités de développement économique qui s’offrent à elles, la coalition reste neutre pour ce qui est des industries choisies par ses membres. Compte tenu de cette approche neutre, les membres de nos Premières Nations s’investissent dans une diversité d’industries, que ce soit le gaz naturel, les mines, les lignes de transmission et la production hydroélectrique et solaire. À l’avenir, nous voulons voir une économie dynamique et autosuffisante qui repose sur les valeurs et les capacités des Autochtones.
Honorables sénateurs, selon la coalition, le gouvernement du Canada doit prendre des mesures pour aider les Premières Nations à prendre part aux projets d’énergie propre et à accélérer leur réalisation. Tout d’abord, le Canada doit investir davantage dans la capacité des Autochtones à mettre en œuvre un processus décisionnel éclairé et à accélérer le développement des projets; instaurer un programme national de garantie de prêts pour les Autochtones afin d’appuyer les possibilités de partenariat d’affaires; se tourner vers les nations autochtones pour trouver des moyens d’améliorer l’efficacité des processus de réglementation et d’approbation des projets au Canada; et enfin, appuyer les Premières Nations qui auront besoin de formation, d’éducation et d’autres mesures de soutien pour profiter des nouveaux débouchés en matière d’énergie propre.
Les Premières Nations sont aux premières lignes des changements climatiques et veulent être des partenaires dans la recherche de solutions. Au cours du dernier siècle, les Premières Nations ont été exclues du développement économique au Canada. Nous devons donc travailler tous ensemble pour veiller à ce que le prochain siècle soit fondé sur l’inclusion économique et notre prospérité commune.
Merci, mahsi’cho et hiy hiy.
[Français]
La vice-présidente : Merci beaucoup.
[Traduction]
Stephen Buffalo, président et chef de la direction, Conseil des ressources indiennes du Canada : Bonjour. Je vous remercie, madame la présidente et distingués membres du comité, de me donner l’occasion de prendre la parole aujourd’hui. Je m’appelle Stephen Buffalo et suis président et chef de la direction du Conseil des ressources indiennes du Canada. Notre organisation représente plus de 130 Premières Nations qui produisent du pétrole et du gaz ou qui ont un intérêt direct dans ce secteur. Nous avons pour mandat de plaider pour des politiques fédérales qui permettent d’accroître les possibilités de développement économique pour les Premières Nations et leurs membres. Nous sommes favorables au développement économique dans la mesure où il permet à nos nations de répondre aux besoins de leurs communautés.
Nous sommes également très soucieux de l’environnement. Notre rapport particulier à la terre fait partie de notre identité. Nos membres s’efforcent de trouver un juste équilibre entre l’économie et l’environnement, mais je doute que ce soit ce que fait le gouvernement fédéral. Je suis heureux que le comité se penche sur les changements climatiques ainsi que sur l’industrie pétrolière et gazière et qu’il prenne le temps de se renseigner sur tout ce que fait cette industrie pour satisfaire aux normes sociales et environnementales les plus élevées au monde.
Le comité veut se pencher sur l’importance du secteur pétrolier et gazier pour l’économie canadienne. Je peux vous dire que ce secteur est très important pour de nombreuses Premières Nations de l’Ouest canadien. Il est synonyme d’emplois, de contrats, de redevances et de titres de participation dans des projets importants. Aucun autre secteur au Canada n’a autant profité aux Premières Nations. On parle de milliers d’emplois, de millions de dollars en redevances et de milliards de dollars en contrats octroyés à des Premières Nations.
Je songe à ce que serait la situation des Premières Nations, à quel point nous serions plus avancés, si on permettait à notre industrie pétrolière et gazière de croître au même rythme que l’a fait cette industrie aux États-Unis au cours de la dernière décennie. Les États-Unis n’exportaient pas de gaz naturel liquéfié il y a à peine quelques années, et ils en sont aujourd’hui le plus grand exportateur. Ils sont passés de pays importateur d’énergie à l’un des plus grands exportateurs de pétrole et de gaz dans le monde. La qualité de nos ressources est comparable — je dirais même supérieure — à celles des États-Unis. Nous avons choisi l’approche opposée et enclavé notre pétrole et notre gaz, mais il n’est pas trop tard. Il y a une forte demande dans le monde pour notre énergie. Nos alliés veulent acheter notre pétrole et notre gaz, pas ceux de la Russie, de l’Arabie saoudite ni du Venezuela.
Les Premières Nations peuvent maintenant en bénéficier sur le plan économique et partager les ressources de leurs territoires avec le monde entier, mais le gouvernement canadien doit commencer à soutenir l’industrie au lieu d’essayer de l’anéantir. Qu’il s’agisse de la lourdeur de la réglementation ou de tous les coûts imposés par le gouvernement fédéral — la Loi sur l’évaluation d’impact, la taxe sur le carbone, l’interdiction des pétroliers, le Règlement sur les combustibles fossiles, l’échec des projets Northern Gateway et Teck Frontier et maintenant l’imposition d’un plafond d’émissions pour le secteur pétrolier et gazier, qui devra réduire ses émissions de 42 % d’ici 2030 —, une chose n’attend pas l’autre, et ce, alors que nous sommes en pleine crise énergétique.
Les Premières Nations souhaitent-elles produire de l’énergie de manière plus durable? Tout à fait. Et il est possible de le faire. Nous pouvons restaurer nos terres et presque les ramener à leur état d’origine. Nous pouvons produire le gaz naturel liquéfié le plus propre au monde. Nous pouvons aider nos alliés tout en aidant nos communautés des Premières Nations.
L’un des meilleurs exemples, dont je suis fier de parler, est la façon dont notre organisation, en collaboration avec l’industrie et les provinces de la Saskatchewan et de l’Alberta, s’est servi des fonds fédéraux pour nettoyer des puits de pétrole et de gaz orphelins, inactifs ou abandonnés, de même que des pipelines et des installations pétrolières et gazières. Ce programme a été une véritable réussite. À ce jour, nous avons nettoyé plus de 1 600 puits, pipelines et installations à divers degrés d’abandon et mis fin aux fuites de méthane. La réduction des émissions de méthane équivalait à retirer 250 000 véhicules de la circulation. Aussi incroyable que cela puisse paraître, certains ont critiqué cette initiative en disant que c’était une subvention aux combustibles fossiles. Nous en sommes rendus là.
Sachez que les Premières Nations au Canada doivent composer avec un organisme de réglementation qui est loin d’être à la hauteur. Certains de nos membres prennent part à un projet de séquestration du carbone de quelques milliards de dollars. Il s’agit d’un projet de grande envergure qui permet de rendre le pétrole, les produits pétrochimiques et l’hydrogène de l’Alberta plus propre. C’est ainsi que nous pouvons contribuer à atténuer les changements climatiques : en produisant du gaz et du pétrole selon les normes les plus rigoureuses et en aidant nos communautés à prospérer. Merci. Je répondrai volontiers à vos questions.
La vice-présidente : Merci beaucoup.
Monsieur Desjarlais?
John Desjarlais, président du conseil, Indigenous Resource Network : Merci, madame la présidente et honorables sénateurs, de m’avoir invité à prendre la parole aujourd’hui sur ces sujets très importants. Alors que le Canada et le reste du monde font face à une crise énergétique, on constate le rôle crucial que jouent les producteurs canadiens d’énergie en procurant de l’énergie propre et fiable au monde entier. Et surtout, nous devons être conscients du rôle que jouent les Autochtones, à titre de travailleurs, de propriétaires d’entreprise et de partenaires, dans le secteur énergétique.
[mots prononcés dans une langue autochtone]
Je m’appelle John Desjarlais. Je suis un Métis cri et je viens de la communauté historique de Cumberland House, dans le Nord-Est de la Saskatchewan. J’ai occupé divers postes dans le secteur des ressources pendant plus de 20 ans, soit comme travailleur, propriétaire d’entreprise, technicien et ingénieur professionnel.
Je m’adresse à vous aujourd’hui en tant que président de l’Indigenous Resource Network, un réseau de travailleurs et d’entreprises autochtones qui participent à l’économie axée sur les ressources. Nous avons pu jouer un rôle dans la promotion du développement responsable des ressources et la participation des Autochtones aux projets d’exploitation des ressources. D’après notre sondage, il ne fait aucun doute que les Autochtones au Canada sont favorables à l’exploitation des ressources. Soixante-cinq pour cent d’entre eux ont indiqué qu’ils appuyaient ou appuyaient fortement le développement des ressources.
Il faut maintenant voir comment on peut amener les communautés autochtones à participer à cette industrie afin de favoriser leur autonomie et leur autodétermination. Essentiellement, nous représentons les communautés autochtones et nous souhaitons qu’elles participent directement à l’industrie des ressources. Pour les travailleurs et les entreprises qui fournissent des biens et services à cette industrie, sachez que ce sont des emplois bien rémunérés qui leur permettent de subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille. De plus, ces projets profitent énormément aux entrepreneurs et aux entreprises autochtones, qui se voient accorder des contrats.
Par ailleurs, les communautés autochtones sont désormais bien plus que de simples intervenants; elles assument maintenant de nouvelles responsabilités en tant que partenaires financiers dans de nombreux projets. Elles ont récemment conclu des ententes importantes avec des sociétés comme Enbridge, où elles ont la possibilité d’acquérir une participation dans les projets réalisés sur leur territoire. Un regroupement de 23 communautés autochtones du Nord de l’Alberta ont acquis une participation dans certains pipelines de l’entreprise Enbridge pour 1,2 milliard de dollars. L’investissement représente 11,12 % de participation dans des pipelines du Nord de la région d’Athabasca. Il s’agit de la plus importante entente de ce genre et il y a de quoi se réjouir.
Les communautés autochtones auront désormais voix au chapitre et leurs propres sources de revenus. En Colombie-Britannique, il y a un autre exemple de réussite. LNG Canada joue un rôle majeur dans la participation au capital des Premières Nations. La Première Nation Haisla a conclu un partenariat sur un projet, Cedar LNG, qui permettrait d’acheminer de l’énergie canadienne propre vers des marchés asiatiques et de réduire les émissions de carbone.
De plus, la nation Nisga’a a proposé un projet, Ksi Lisims LNG, qui aurait la capacité d’exporter 12 millions de tonnes de gaz naturel liquéfié par an vers l’Asie.
La crise énergétique mondiale aura des répercussions partout dans le monde, en particulier sur les communautés à faible revenu. Les communautés autochtones de partout au Canada ont un rôle important à jouer pour répondre aux besoins en énergie du monde entier.
Puisque nous défendons les intérêts des travailleurs autochtones, il est important de parler des effets négatifs que les politiques peuvent avoir sur les travailleurs et l’industrie. Plus tôt cette année, le Canada a indiqué qu’il envisageait d’adopter des mesures législatives pour une « transition équitable ». Il convient donc de souligner les retombées positives du secteur pétrolier et gazier pour nos familles et nos communautés.
Les Autochtones qui travaillent dans le secteur pétrolier et gazier gagnent trois fois plus d’argent que dans tout autre secteur. Ils commencent à participer plus équitablement à cette industrie, ce qui fait en sorte qu’on remédie au manque de capacités des Premières Nations. Après des années à s’efforcer de combler ces lacunes, on craint qu’une telle transition nous désavantage et contribue à accentuer les disparités salariales et socio-économiques.
Contrairement aux autres secteurs, le secteur de l’énergie est propice à une participation équitable des Premières Nations, ce qui signifie que nous avons une plus grande influence sur les résultats environnementaux, le développement durable et les répercussions sur l’environnement.
Certaines des plus importantes entités et entreprises de développement économique sont soutenues par cette industrie. À titre de fournisseurs de services dans les domaines de la remise en état, de la protection et de la surveillance de l’environnement, nous pouvons, dans une certaine mesure, transposer nos valeurs dans la gestion durable de l’environnement. En ayant une participation dans les projets pétroliers et gaziers, nous pouvons directement évaluer la performance environnementale et les répercussions et donner des conseils à cet égard. En vertu de nos pouvoirs et au moyen de la réglementation, nous pouvons réclamer une amélioration de la durabilité et de la performance environnementales.
Kinanâskomitin. Je vous remercie de m’avoir invité à témoigner. Si vous avez des questions, je serai heureux d’y répondre.
La vice-présidente : Merci beaucoup.
Le sénateur Arnot : Je tiens à remercier les témoins pour leurs exposés. Ma question s’adresse à chacun des groupes. Nous avons entendu que l’accès au financement est l’un des gros obstacles à la véritable participation des Premières Nations aux grands projets. Il s’agit évidemment de sommes considérables. J’aimerais donc savoir quelles seraient vos suggestions à cet égard, car je constate ce que vous faites; chacun des groupes déploie des efforts pour arriver à la réconciliation et prend des mesures concrètes. Il s’agit aussi de mettre en œuvre les droits issus de traités dans un contexte moderne, car les traités étaient fondés sur les avantages mutuels, les partenariats et, essentiellement, le respect mutuel. Si on prend l’esprit et l’objet du traité, il ne fait aucun doute que ce qu’on visait à l’époque, c’était un partenariat d’égal à égal.
Je suis ravi d’entendre que vous allez de l’avant avec ces projets. J’aimerais toutefois savoir comment vous pourriez obtenir ces fonds, ces milliards de dollars, pour être un partenaire égal, ce qui est très important.
Je suis heureux d’entendre parler du projet des puits orphelins — c’est très important pour la Saskatchewan et l’Alberta — ainsi que du captage et du stockage souterrain du carbone. Encore une fois, la protection de la terre, de l’eau et de l’air est de la plus haute importance pour les Autochtones. Je sais que vous en tiendrez compte.
J’aime l’idée d’investir, mais aussi de créer des emplois, d’offrir de la formation et de participer aux avantages qu’offrent ces projets de développement des ressources. J’aimerais que vous me disiez ce que notre comité doit comprendre et faire pour vous soutenir dans ce que vous essayez de faire.
M. Buffalo : Si vous me le permettez, je répondrai à cette question en premier. Je vous remercie de la question.
Ici, en Alberta, nous avons eu de la chance. Le premier ministre de l’époque, Jason Kenney, a créé l’Alberta Indigenous Opportunities Corporation. Il se trouve que je suis maintenant le président de cette société et du conseil d’administration. Elle offre une garantie de prêt aux Premières Nations qui ne disposent pas du capital d’investissement nécessaire.
De plus, nous avons besoin d’un bon partenaire. Nous avons besoin de l’apport de l’industrie. Nous avons conclu quatre ententes. Comme mon collègue, John Desjarlais, l’a souligné, 23 Premières Nations, ainsi que des communautés métisses, ont récemment appuyé une entente importante avec Enbridge sur une participation dans un pipeline.
Avec ces quatre exemples, nous avons constaté, à l’Alberta Indigenous Opportunities Corporation, que les bandes verront 31 millions de dollars de revenus, qu’elles n’ont jamais vus auparavant, entrer dans leurs coffres en participant à ces occasions d’affaires. N’oubliez pas qu’il ne s’agit que d’une garantie de prêt. Ce n’est pas de l’argent.
Le gouvernement fédéral doit lui aussi soutenir un programme similaire. Nous l’avons dit à maintes reprises : des milliards de dollars sont générés dans nos territoires traditionnels, mais nous n’en voyons qu’une petite partie. Les gens pensent que nous nous contentons d’avoir les emplois. Non, nous avons besoin de plus. Vraiment, la clé de tout cela, c’est de nous affranchir de la Loi sur les Indiens. Il en résulterait ce que j’appellerais une occasion de partager les recettes provenant des ressources. Nous avons besoin d’un gouvernement qui veut le faire, tant à l’échelle provinciale qu’à l’échelle fédérale, pour aider les Premières Nations à s’affranchir de la Loi sur les Indiens.
Le sénateur Arnot : J’aimerais que les autres témoins interviennent également.
M. Desjarlais : Je peux également faire quelques observations à ce sujet.
Personnellement, j’ai eu la chance de participer en examinant ce qui a fonctionné en Alberta et d’aider à la mise sur pied d’une organisation similaire en Saskatchewan, soit la Saskatchewan Indigenous Investment Finance Corporation, ou SIIFC. La structure, l’organisation, l’objectif et le mandat de la SIIFC sont très semblables à ceux de l’Alberta Indigenous Opportunities Corporation, ou AIOC. Il s’agit d’offrir des possibilités financières sous la forme de garanties de prêt aux communautés autochtones afin qu’elles puissent participer aux investissements dans les infrastructures.
Comme M. Buffalo l’a mentionné, l’Indigenous Resource Network souhaite certainement plaider en ce sens. À quoi cela ressemble-t-il? Nous parlons notamment de la valeur de la participation et de ce qu’elle peut apporter : renforcement des capacités, atténuation des risques, pouvoir décisionnel, etc. Nous savons que les avantages ne se limitent pas aux revenus autonomes, dont M. Buffalo a parlé, qui sont très importants.
Nous constatons que les communautés autochtones parviennent mieux à la réconciliation lorsqu’elles sont autonomes, lorsqu’elles créent des programmes et des services pour elles-mêmes. Les revenus autonomes en sont un élément important, tout comme la propriété. Nous voulons que les gouvernements mettent en place des organisations et des mesures similaires qui viendraient appuyer ce type d’investissement au Canada.
Oui, cela nous intéresse beaucoup. Il y a une tendance. L’Indigenous Research Network fait actuellement campagne pour que l’on mène davantage d’activités de ce genre au Canada, à l’échelle des provinces, des territoires et du pays.
Il existe déjà des mécanismes efficaces et des arrangements financiers dont nous pouvons nous inspirer. Nous ne partons pas de zéro. Cela se fait déjà. Il s’agit simplement de le faire davantage et d’accélérer le rythme.
Mme Gale : Merci. Je crois que nous devons améliorer l’accès des Premières Nations aux capitaux. Ce n’est pas seulement un problème du gouvernement. C’est un problème qui nous touche tous. Les communautés autochtones, le secteur privé et le gouvernement ont tous un rôle à jouer.
Je vois cela comme une occasion. Comme M. Buffalo l’a dit, dans des provinces comme l’Alberta, l’Ontario et la Saskatchewan, on a mis en place une mesure de soutien financier appuyée par le gouvernement. Nous aimerions voir la même chose à l’échelle fédérale.
Mon territoire compte les trois plus grandes zones gazières d’Amérique du Nord. Depuis 1973, 12,6 milliards de dollars ont quitté notre territoire et nous avons eu très peu d’occasions de faire revenir cet argent dans nos communautés.
Je considère qu’il s’agit d’une réelle occasion pour nous d’avoir une participation dans de grands projets. Dans un cas, nous avons eu la possibilité d’en obtenir une pour un pipeline. Lorsque nous avons demandé un prêt, le moins cher que nous pouvions obtenir était au taux des cartes de crédit, soit entre 12 et 15 %. C’est un énorme problème.
Nous voulons jouir du même niveau de vie que les autres Canadiens. Nous voulons bâtir nos communautés, paver nos routes et avoir des centres de santé, un bon éclairage et des mesures de sécurité pour nos jeunes et nos aînés. C’est un véritable défi.
C’est l’un des plus gros problèmes que rencontrent les membres de notre coalition.
Le sénateur Arnot : Que répond Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada quand vous lui demandez ce type de soutien? Encore une fois, il s’agit clairement d’un droit issu d’un traité. Il s’agit certainement d’un droit de la personne et d’un droit autochtone.
Je me demande comment il réagit. C’est tellement logique. Cela correspondrait à la relation découlant des traités comme c’était prévu.
M. Buffalo : D’après mon expérience, lorsque nous sommes allés à Ottawa demander de l’argent pour le puits abandonné, en ce qui concerne l’AIOC — l’Alberta Indigenous Opportunities Corporation —, tous les gens à qui nous avons parlé sont d’avis que c’est une bonne idée. C’est seulement que personne ne veut vraiment assumer la responsabilité et faire avancer les choses comme il le faudrait.
À ma connaissance, les gens sur la Colline savent de quoi il s’agit et ce que cela a fait, mais appuierait-on un tel programme? Je ne sais pas qui prendrait cette décision, si c’est la ministre des Finances ou Services aux Autochtones Canada... Je ne pense pas qu’ils le feraient non plus.
Le sénateur Arnot : Il faut bien que quelqu’un le fasse.
M. Desjarlais : Oui. D’après notre expérience, qui est semblable à celle-là, nous avons entendu des choses. Nous avons l’impression que les gens comprennent que ce type de mécanisme existe et fonctionne. Absolument, c’est un aspect des droits et des droits issus d’un traité.
Nous n’avons jamais rien entendu d’officiel. Nous n’avons vu aucune initiative de ce type au fédéral. Essentiellement, nous sommes encore en train d’observer, d’attendre et d’espérer.
Le sénateur Arnot : Notre comité aimerait bien savoir ce qu’il devrait faire, à votre avis, pour faire pression sur le gouvernement fédéral, le pouvoir exécutif du gouvernement.
Mme Gale : Récemment, la coalition a écrit au gouvernement fédéral pour en demander la budgétisation. Malgré les âpres discussions, j’estime que c’est une nécessité immédiate.
Nous sommes au beau milieu d’une crise climatique. Pour que les Premières Nations apportent leur aide grâce à ces initiatives, il nous faut des capitaux.
Pour ma Première Nation, nous avons trouvé une autre destination à un vieux puits de pétrole et de gaz et nous avons obtenu une subvention fédérale de 40 millions de dollars. C’est la seule explication à la réussite de notre projet. Nous avons besoin d’autres moyens de financement pour nous assurer de contribuer véritablement à l’initiative du changement climatique.
Au Canada, à part les gouvernements et les municipalités, les Premières Nations sont les principaux propriétaires de projets de mise en valeur d’énergies propres. Il faut avoir accès au réseau pour vendre l’énergie à qui nous voulons.
Nous devons également chercher à collaborer avec nos homologues des États-Unis sans leur faire concurrence. En fait, nous devons collaborer et créer des synergies si nous voulons être un joueur de premier plan dans la réconciliation économique et devenir des champions du changement du climat économique en Amérique du Nord.
Avant le premier contact, nos routes commerciales étaient le fait de Premières Nations. Je suis Déné de Fort Nelson. Les minéraux critiques qu’on trouve sur notre territoire ont toujours été trouvés au Mexique et vice versa. Ceux qu’on ne pouvait trouver ici s’y trouvent maintenant, arrivés du Mexique, dans nos objets façonnés. Nous n’avions pas de frontières. C’était nos routes commerciales naturelles. Les frontières les ont fermées.
Nous devons regarder au-delà des frontières, en rassemblant encore, des deux côtés, les communautés autochtones. En nous réunissant avec nos cousins des États-Unis, nous pourrions vraiment opérer un changement significatif, un gros changement.
La sénatrice Sorensen : Merci. J’ai une question pour la cheffe Gale. Qu’on m’inscrive également pour le deuxième tour, si nous en avons le temps.
Simplement pour rappeler la mission de votre coalition, elle est de protéger l’air, les sols, l’eau et les sources de substances médicinales contre les répercussions de la mise en valeur des ressources en affirmant les lois traditionnelles de ses membres et l’influence de ces derniers sur les processus de l’environnement, la réglementation et la négociation.
Dans quelle mesure des lois telles que celle sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et d’autres créations juridiques ont-elles influé sur la capacité et les objectifs de votre coalition d’affirmer ce genre d’influence?
Ensuite, pouvez-vous formuler des observations sur la manière par laquelle les propriétaires des Premières Nations adoptent différentes méthodes pour concilier la protection de l’environnement et la mise en valeur des ressources?
Mme Gale : Évidemment, chaque communauté diffère beaucoup des autres. Chacune a des capacités très différentes, et c’est vrai d’un bout à l’autre du pays.
Chez la mienne, celle de Fort Nelson, les répercussions sur la communauté constituaient une grande question dans nos rapports avec l’industrie de la fracturation qui est venue sur notre territoire. Nous savons que nous devions parachever notre programme de tutelle et de gestion des terres.
Nous savons, par l’entremise de la coalition, qu’il est très important de concilier prospérité économique et intendance des terres. Voilà pourquoi nous focalisons sur ces deux volets. Nos membres nous disent de quels outils ils auront besoin pour prendre des décisions en connaissance de cause, particulièrement à l’égard de grands projets.
Pour revenir à ce que ma communauté a fait, et je crois que nous prêchons par l’exemple, nous avons collecté des données sur nos eaux et notre air. Nous documentons la modification des terres par l’observation des animaux. Les connaissances traditionnelles sont très importantes pour nous, et nous les combinons aux connaissances scientifiques.
La déclaration des Nations unies nous donne beaucoup de travail. Elle donne lieu à de multiples interprétations. Nous, les Premières Nations, nous la considérons comme un moyen pour nous acquitter de notre mandat et pour collaborer avec les cosignataires de notre traité.
En ma qualité d’Autochtone, une chose m’importe réellement : nous avons signé des traités avec un objectif de paix et de mise en commun; ce n’était ni une cession ni une reddition.
Tous, nous avons ainsi l’occasion de collaborer, de nous concerter et d’abolir des entraves centenaires, pour vraiment nous absorber dans nos économies.
Je suis persuadée que les Premières Nations sont des spécialistes de l’aménagement du territoire. On les a privées de toute possibilité de brasser des affaires. Nous sommes lents à prendre des décisions d’affaires. Nous avons donc besoin de ces outils. C’est là qu’intervient la coalition, pour donner cette capacité aux Premières Nations.
Puis-je confier la fin de la réponse à mon ami Jesse McCormick, mon bras droit, aujourd’hui?
La sénatrice Sorensen : Oui. Merci.
Jesse McCormick, vice-président principal de la Recherche, de l’Innovation et des Affaires juridiques, Coalition de grands projets des Premières Nations : Ici Jesse McCormick, depuis les territoires non cédés des nations des Tsleil-Waututh, des Musqueams et des Squamishs. Je vous remercie pour la question.
La Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones constitue la norme minimale pour la survie, la dignité et le mieux-être des peuples autochtones du monde. Cette synthèse du droit international et des droits de l’homme vise à favoriser la réussite des peuples autochtones sur tout le globe.
La Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones exige, dans le contexte fédéral, de se conformer à cette déclaration. Il serait utile au comité d’en témoigner dans son étude et de souligner le fait que la déclaration offre aux Premières Nations d’être des partenaires efficaces dans la mise en valeur des ressources naturelles et la transition vers des énergies propres.
M. Buffalo : Si je peux ajouter une observation de plus, le plus difficile dans tout cela, ce n’est pas de discuter du changement climatique et de tout le reste; depuis ma première comparution aux audiences du Sénat, le problème a toujours été la consultation. Aucun des membres du Conseil des ressources indiennes n’a jamais été consulté sur quelque aspect de cette question.
C’est vraiment ardu. Comme la cheffe Gale l’a dit, nous cherchons visiblement la protection équilibrée de l’environnement, mais en tirant parti des chances offertes. En fin de compte, c’est vraiment la Loi sur les Indiens qui entrave nos progrès.
Nous ne voulons pas dépendre du gouvernement fédéral pendant le reste de nos vies. Compte tenu des richesses naturelles du Canada, si nous pouvons trouver un peu de capacité de transport pour aider le monde à ne pas exporter de charbon mais, plutôt, du gaz naturel liquéfié, ce serait un premier pas pour purifier la planète.
Grâce à la déclaration des Nations unies, nous approchons de l’exercice des droits conférés par les traités, et notre peuple peut affirmer sa propre compétence sur ses terres. Je suis persuadé que la cheffe Gale dispose de ses propres lois traditionnelles que son peuple veut qu’elle invoque pour protéger ses terres, et cette action serait amplifiée.
Il est dommage que, par l’entremise du Conseil des ressources indiennes, nous devions transiger avec un organisme fédéral de réglementation qui ne réglemente rien. Pétrole et gaz des Indiens du Canada est peut-être la pire chose à survenir aux Premières Nations. Nous avons ces puits abandonnés sur les bras. Très bientôt, ils n’auront plus de propriétaires responsables. Comme en criant lapin.
Beaucoup de ces compagnies propriétaires sont disparues depuis longtemps. Nous avons les restes sur les bras. Entretemps, à la faveur de transferts fédéraux, le gouvernement a reçu tout son argent de notre province, l’Alberta, grâce au pétrole et au gaz ainsi qu’aux sables bitumineux.
La raison pour laquelle je suis ici, c’est d’assurer notre collaboration pour concilier la recherche de remèdes et celle d’occasions de développement économique. C’est également de ne perdre aucune occasion de développement économique. Que ce soit à la faveur de la déclaration des Nations unies ou que ce soit avec la collaboration du gouvernement fédéral, des choses doivent changer en cours de route.
Nous devons commencer à nous affranchir de la Loi sur les Indiens. C’est le principal obstacle. Merci.
La sénatrice Galvez : Merci beaucoup de reconnaître que, au Canada, les lois ainsi que le contexte et le cadre stratégiques changent. Nous avons mentionné la vérité et la réconciliation, la déclaration des Nations unies, la carboneutralité pour 2050. Nous voulons tous aller dans la direction montrée par ces politiques et ces lois.
Le rapport définitif de la Commission de réconciliation et de vérité énumérait 94 appels à l’action. Nous voulons la transition vers les énergies propres.
Je viens de lire une étude récente, Work and Health Challenges of Indigenous People in Canada, du Dr Quentin Durand-Moreau, de l’hôpital de l’Université de l’Alberta. Il y traite des problèmes et des inégalités vécus par les travailleurs qui font l’extraction naturelle du gaz et du pétrole. Les problèmes, notamment de santé comme l’hypertension et le diabète, englobent aussi des problèmes psychologiques et des manifestations de stress.
Comment ces grands travaux, par un effet de ruissellement, accroissent-ils et améliorent-ils, concrètement, le mieux-être des travailleurs et des générations ultérieures. D’abord, en ce qui concerne les revenus, pouvez-vous chiffrer le revenu moyen et le comparer à celui du reste du Canada pour en montrer l’augmentation? Ensuite, qu’en est-il de l’exposition aux contaminants et de l’amélioration des régimes alimentaires? Enfin, que pouvez-vous dire de la formation axée sur les compétences pour préparer les générations à cette nouvelle transition énergétique? Merci.
Je pose la question à Mme Gale, d’abord, puis à M. Buffalo. Merci.
Mme Gale : Merci pour votre question.
Nous savons tous que le progrès, quand il arrive dans nos territoires, nous apporte toujours des défis à relever.
Je dois dire que, à Fort Nelson, on nous a dit qu’un certain nombre de cancers rares sont apparus dans les environs depuis deux ou trois décennies. Ils s’en prennent aux jeunes et aux adultes.
C’est également difficile quand, malgré la présence d’une importante industrie, on ne peut même pas obtenir des soins convenables localement. Je vous ai dit que 12,6 milliards de dollars ont quitté notre communauté depuis 1973. On ne peut même pas accoucher ici. Ce serait formidable que la mise en valeur du territoire s’accompagne d’un meilleur accès aux services de santé.
Le revenu moyen des travailleurs du secteur du pétrole et du gaz pourrait se situer n’importe où, pour un adjoint administratif, entre 75 000 et 210 000 $. Je ne m’aventurerais même pas à chiffrer le salaire d’un président-directeur général, mais disons seulement qu’un directeur de secteur pourrait gagner de 300 000 à 400 000 $. Ça varie. Cela contribue à élever le niveau de vie local.
Sur une note personnelle, je travaille à l’usine de production de gaz de Fort Nelson depuis 20 ans. Ce travail a bien pourvu à la subsistance, aux vacances et aux avantages sociaux de ma famille. Nous voulons que cela finisse par paraître au bout d’un certain temps. Nous estimons que s’ils détenaient des participations financières, nos gens ne seraient pas seulement des travailleurs saisonniers. Ils ne seraient pas mis en disponibilité le printemps venu. Ils auraient des emplois à temps plein.
Nos gens valorisent l’instruction. Nous avons des médecins et des avocats. Beaucoup ne reviennent pas dans la communauté, qui ne leur offre rien de prometteur.
L’arrivée de l’industrie pose d’importants défis, mais, en même temps, en faisant participer les Autochtones à la réalisation de ces projets, à partir de rien, nous pouvons leur donner une envergure mondiale et en tirer des pratiques exemplaires. J’ai l’impression que lorsque ces projets se réalisent sans nous, nous sommes laissés derrière. Ensuite, nos connaissances traditionnelles et nos idées ne sont pas intégrées dans les travaux.
M. Buffalo : Merci pour la question. Pour abonder dans le même sens que la cheffe Gale, je vous renvoie à la Loi sur les Indiens. Nos communautés l’ont sur les bras. Quand nous obtenons la signature d’une entente globale de financement, on peine à trouver l’argent pour les soins de santé. Pour nos gens, il est souvent difficile de partir à la recherche de meilleurs soins. S’ils ne tirent aucun avantage médical de leur emploi, il devient vraiment difficile d’obtenir les bons médicaments pour s’attaquer à certains de ces problèmes. Chaque industrie autour de nous amène son lot de problèmes mentaux et physiques que nous avons évoqués — hypertension, diabète, tout ce qui y ressemble. Ce n’est pas seulement la faute du pétrole et du gaz.
Récemment, à Houston, j’ai assisté à la NAPE, une exposition sur le secteur pétrolier nord-américain. J’en retiens deux choses : le monde a sans cesse besoin de pétrole et de gaz, et la principale cause de l’endettement à l’échelle de la planète provient de la transition vers les énergies renouvelables. Les Premières Nations, qui cherchent l’occasion de fuir la pauvreté, voient se proposer à elles le pétrole et le gaz. Il est difficile d’investir dans des panneaux solaires et des parcs d’éoliennes, faute de capitaux. Je ne vous apprends rien si vous les connaissez un peu, elles, les problèmes qu’elles éprouvent et notre façon de nous astreindre à appliquer la Loi sur les Indiens. Vous savez que nos terres ne sont pas susceptibles d’être acceptées en nantissement. Il est donc vraiment difficile de participer à ces occasions d’investissement de plusieurs milliards de dollars, pour lesquelles nous avons besoin de l’appui fédéral ou celui d’un autre gouvernement.
Nous le faisons pour nous enrichir. Ensuite, peut-être pourrons-nous nous attaquer à certains de ces problèmes de santé et problèmes sociaux qui font la manchette. Le fait de ne même pas participer à un secteur localement dynamique, autour des territoires traditionnels, pour investir l’espace des énergies renouvelables, c’est inédit. Des étapes jalonnent cette route — le gaz naturel liquéfié, l’hydrogène. Ensuite, nous pourrons trouver à investir dans les énergies renouvelables.
La leçon de l’Allemagne est de ne pas nous reposer sur les énergies renouvelables. Très récemment, j’ai lu que ce pays retournait au charbon. À ma grande déception, nous exportons toujours du charbon à partir de Vancouver.
Actuellement, cela me semble illogique, mais veuillez comprendre que notre participation dans ce secteur vise à sortir les nôtres de la pauvreté. Tant qu’une politique fédérale sera en vigueur, comme la Loi sur les Indiens, nous devrons toujours chercher des solutions inédites. Malgré certains des problèmes et les problèmes de santé que vous avez exposés, l’accès à de meilleurs soins est une issue, mais elle n’est pas toujours accessible. Certaines de nos communautés sont éloignées. Celle de la cheffe Gale l’est tout à fait, comme elle vient de le dire. Impossible même d’accoucher dans cette région.
Nous avons une tâche immense si nous voulons sérieusement nous assurer que les Premières Nations sont de vrais partenaires et participants actifs et que le gouvernement fédéral se soucie de nos gens. Nous cherchons à maximiser les ressources autour de nous. C’est un dialogue et des consultations incessants pour trouver le juste milieu entre les avantages et les inconvénients.
Actuellement, comme on l’a dit, les membres du Conseil des ressources indiennes n’ont jamais été consultés sur aucune de ces politiques. Il me tarde que ces consultations commencent. Merci beaucoup.
M. Desjarlais : Je voudrais revenir sur les commentaires qui ont été formulés. Il est très intéressant de mener des études sur les répercussions sur la santé des travailleurs autochtones. Nous avons constaté, premièrement, en ce qui concerne les salaires — et nous sommes en train de terminer une recherche à ce sujet — qu’ils sont trois fois plus élevés dans l’industrie du pétrole et du gaz par rapport à d’autres industries en ce qui concerne les Autochtones. C’est ce que nous faisons valoir dans le cadre d’une campagne d’information. Voilà certaines des données préliminaires dont nous disposons.
Nous avons constaté également que cette industrie devance d’autres industries pour ce qui est de la participation équitable et véritable. Nous voyons beaucoup d’Autochtones participer à fond et posséder, gérer, contrôler et mener des entreprises et des modèles d’entreprises spécialisés.
Nous constatons que ces facteurs que sont l’emploi, le revenu et la participation en profondeur ont une influence sur la situation socioéconomique. Les Autochtones participent davantage, ce qui améliore leur situation sur le plan de la santé et d’autres déterminants. Nous estimons qu’il y a un lien avec la participation économique. La participation en profondeur est la clé. Nous avons observé que les Autochtones participent véritablement à l’ensemble de l’industrie, ce qui a un effet sur leur situation socioéconomique, et cela se répercute dans les collectivités. Cela ne fait aucun doute.
Je n’ai pas vraiment pris connaissance de l’étude, mais je ne serais pas étonné d’apprendre que les résultats sont les mêmes pour tous les groupes démographiques. Si un problème de santé est relié à un élément en particulier, je ne crois pas qu’il toucherait les Autochtones de façon disproportionnée. Je m’intéresse davantage à la situation socioéconomique. C’est là-dessus que nous travaillons. Nous essayons d’améliorer la situation socioéconomique et de favoriser la participation en profondeur des Autochtones. Il est vrai que l’industrie du pétrole et du gaz fait mieux à cet égard que toutes les autres industries.
C’est un élément important à prendre en considération relativement à la transition vers l’énergie propre. Il y a d’autres aspects favorisant le développement durable dont les Autochtones peuvent nous faire bénéficier grâce à leurs systèmes de valeurs, à savoir la perspective multigénérationnelle, le concept des sept générations, une vision à long terme, la richesse collective par opposition à la richesse individuelle. Ces philosophies autochtones sont un atout pour les projets d’exploitation des ressources.
Il est certain que nous voulons voir le moins de répercussions environnementales possible et le plus grand impact possible sur la situation socioéconomique, et la participation en profondeur des Autochtones est l’un des meilleurs moyens de parvenir à cela. C’est l’une des meilleures façons d’améliorer les résultats et les déterminants de la santé dont nous venons de parler, qui ont une incidence sur la pauvreté, l’éducation, l’incarcération, etc.
Mme Gale : La Première Nation de Fort Nelson montre bien ce qu’il est vraiment possible de faire lorsque nous avons accès à des fonds grâce à notre centrale géothermique, qui nous permet de faire face aux coûts des aliments et à l’inflation. Les collectivités nordiques ont difficilement accès à des aliments frais. Le projet de centrale géothermique génère beaucoup de retombées. Nous pouvons chauffer une centaine de serres, et nous explorons également d’autres possibilités. Il y a la production éventuelle de lithium et d’autres minéraux critiques, qui nous permettrait de contribuer à l’initiative de l’énergie propre visant à réaliser l’objectif que nous essayons tous d’atteindre d’ici 2050. Merci.
La sénatrice McCallum : Je vous remercie pour vos exposés.
Je tiens à féliciter le Conseil des ressources indiennes du Canada pour le travail qu’il a accompli en vue de réduire les effets des puits de pétrole abandonnés et de reconnaître l’énorme stress que subissent les organismes lorsqu’il s’agit d’établir des partenariats avec des sociétés pétrolières et gazières et le gouvernement du Canada quand ils sont issus de Premières Nations opprimées.
En ce qui concerne la fracturation et l’absence de mesures pour réduire les effets de l’exploitation du pétrole et du gaz... les sociétés ont une responsabilité légale à cet égard. Pour ce qui est des changements climatiques, il y a une absence de consultations à ce sujet du côté de l’industrie énergétique et du gouvernement canadien. Il y a aussi la loi sur la souveraineté, qui remet en question la propriété des ressources naturelle, et d’autres lois que nous adoptons, y compris celle sur le virage écologique des Prairies, qui précise que les ressources naturelles appartiennent aux provinces. Que recommanderiez-vous au gouvernement du Canada, et comment le Sénat peut-il vous aider à faire en sorte que les sociétés s’assoient à la table pour travailler avec les Premières Nations en vue de nettoyer le reste des terres, mais aussi pour élaborer une entente sur le partage des ressources?
Comment trouver un équilibre entre les priorités, notamment la violence contre les femmes? C’est un enjeu très important dans le secteur de l’extraction des ressources dont on ne parle pas. Si on ne s’attaque pas à ce problème, alors les peuples autochtones ne pourront jamais vraiment accéder à l’autonomie gouvernementale.
M. Buffalo : Merci, sénatrice McCallum, pour vos commentaires. Merci beaucoup.
À titre d’information, je tiens à dire que le Conseil des ressources indiennes, CRI, s’est adressé au gouvernement fédéral en mai pour lui demander 300 millions de dollars supplémentaires pour s’occuper des puits abandonnés, ici, en Alberta. Nous avons aussi demandé des fonds pour la Saskatchewan et la Colombie-Britannique, mais ces provinces ont leurs propres programmes. Pour l’Alberta, nous avons demandé 300 millions de dollars supplémentaires pour les quatre prochaines années, car nous prévoyons effectuer des travaux d’une valeur de 75 millions de dollars. L’affectation de 113 millions de dollars nous a permis de seulement effleurer la surface. Il faut procéder à la décontamination de l’environnement.
Je dois dire, honnêtement, que le territoire de notre Première Nation ne prend pas de l’ampleur, mais notre population est en croissance. Il est donc très important d’avoir accès aux terres et de les assainir. C’est une des principales priorités. Je le répète, l’organisme de réglementation fédéral Pétrole et gaz des Indiens du Canada, n’a pas été à la hauteur. Il n’a pas réglementé les ressources et il n’a pas aidé les Premières Nations. Il ne nous a pas aidés; il a plutôt tenté de faire dérailler les choses et de prendre le contrôle.
Nous devons faire en sorte qu’il y ait des consultations de manière continue avec les Premières Nations touchées. Il ne faut pas seulement s’occuper des Premières Nations qui vont suivre le plan fédéral, mais aussi des nations qui ont quelque chose à perdre. Nous devons — c’est ce que je dirai toujours — trouver un moyen de nous éloigner de la Loi sur les Indiens et de la façon dont nos collectivités sont contrôlées par cette loi. Cela mènera à un modèle de partage des revenus tirés des ressources, mais les participants doivent faire preuve de bonne volonté. Ce sera un long parcours. La transition ne s’effectuera pas l’an prochain ni dans les quatre prochaines années. Il faudra un travail et un dialogue continus.
Toutefois, je pense qu’il est très important de continuer à produire notre pétrole et notre gaz. J’ai hâte de voir si nous pourrons avoir recours à un meilleur hydrogène pour non seulement les autobus urbains, mais aussi pour les autres moyens de transport. Nous devons produire de l’énergie propre. Si nous pouvions exporter notre gaz naturel liquéfié chez nos alliés de l’autre côté de l’océan — plutôt que du charbon, comme je l’ai dit — je pense que nous contribuerions à assainir la planète.
Nous devons continuer dans cette voie. Je paie des taxes, et je constate que les taxes sur le chauffage et l’essence ont augmenté. Si les pipelines nous permettaient d’exporter nos ressources, peut-être que le contribuable ne paierait pas la facture. Peut-être que ce serait l’industrie, qui possède ces infrastructures.
Je le répète, j’espère que nous pourrons poursuivre le dialogue avec le gouvernement fédéral sur ce qui nuit à notre développement économique en raison de la Loi sur les Indiens. Merci.
Mme Gale : Si je puis me permettre, je tiens à dire que la Première Nation de Fort Nelson et les nations signataires du Traité no 8 donnent l’exemple. La Première Nation de Blueberry River a eu gain de cause en cour en juin 2021. Cette affaire a fait en sorte que tous les permis et tous les aspects ont fait l’objet de consultations avec les Premières Nations. Nous avons exprimé des préoccupations, mais rien n’a été refusé aux sociétés. Elles ont fonctionné à plein régime dans notre territoire.
Nous négocions avec le gouvernement provincial depuis 2021, et nous avons conclu un accord consensuel provisoire instaurant l’établissement d’un processus décisionnel partagé. C’est un élément essentiel pour le développement de notre nation et pour les Autochtones visés par un traité qui habitent sur nos territoires.
Je pense qu’il est très important qu’une partie des revenus tirés de l’exploitation de nos territoires soit versée aux collectivités dans lesquelles ces sociétés mènent des activités. Nous nous sommes adressés au programme des puits abandonnés. La fracturation a donné lieu à un immense gâchis sur nos territoires, alors que les sociétés sont parties avec des milliards de dollars dans leurs poches. Par le biais du programme fédéral, nous avons eu accès à des fonds. Notre service des terres est reconnu pour le travail de remise en état qu’il a accompli. Nous sommes invités à donner des conférences aux États-Unis et au Canada pour raconter notre histoire et communiquer nos pratiques.
Nous avons hâte d’utiliser ces serres, car elles nous permettront de cultiver nos propres plantes indigènes et de régénérer et récupérer nos terres.
La sénatrice Batters : Merci à tous nos témoins. J’aurais aimé que nous ayons une heure de plus avec vous. Vous nous êtes d’une aide précieuse et vous nous offrez une perspective très enrichissante.
Avec la taxe sur le carbone qui explose, la nouvelle norme sur les carburants propres qui s’annonce, les obstacles majeurs que l’on impose à la croissance de l’industrie pétrolière et gazière, et les projets de loi fédéraux draconiens que sont les projets de loi C-69 et C-48, on dirait bien que le gouvernement fédéral ne comprenne pas comment des partenaires autochtones comme vous et vos communautés peuvent jouer — et jouent, en fait — un rôle énorme dans l’exploitation écologiquement durable du pétrole et du gaz au Canada. Après tout, vous êtes les gardiens de la terre depuis si longtemps dans ce pays.
On dirait aussi que le plan de transition juste du gouvernement fédéral serait tout à fait injuste pour les Autochtones du Canada, compte tenu de l’énorme potentiel de croissance de l’emploi et des revenus que vous avez décrit pour les Autochtones dans l’industrie pétrolière et gazière. La sénatrice Galvez parle des risques de problèmes psychologiques et de stress; je dirais que la perte d’un emploi bien rémunéré dans l’une de ces industries pourrait avoir de graves répercussions de cette nature.
J’ai aussi trouvé très choquant d’entendre la cheffe Gale raconter que, pour la réalisation d’un projet d’oléoduc, les gens ne pouvaient pas obtenir un prêt à un taux d’intérêt inférieur à celui qui s’applique aux cartes de crédit.
Ma question s’adresse à M. Buffalo et à M. Desjarlais. Selon vous, qu’est-ce que le gouvernement fédéral ne comprend pas? Si vous aviez, pour le gouvernement, une seule recommandation à inclure dans notre rapport sur cette étude, quelle serait-elle?
M. Buffalo : J’aimerais commencer si vous le permettez, monsieur Desjarlais. S’il est une chose que je sais — et je reviens à l’exposition de l’industrie pétrolière nord-américaine à Houston —, c’est que le monde a besoin de toutes les formes d’énergie. Le Canada possède de précieuses ressources pétrolières et gazières. Dans le territoire de la cheffe Gale, il s’agit de gaz naturel. Nous produisons du gaz naturel, et nous allons en tirer du bon hydrogène bleu. Je pense que l’objectif devrait être de progresser dans cette direction.
L’inclusion ne repose pas uniquement sur les facteurs ESG — l’environnement, le social et la gouvernance —, mais aussi sur l’accès aux possibilités qui s’offrent. Le gouvernement fédéral devrait mettre en place un mécanisme, un plan, comme l’Alberta l’a fait avec l’Alberta Indigenous Opportunities Corporation, et offrir une garantie de prêt permettant aux membres de la nation de participer, et ce, non seulement en obtenant des emplois, mais aussi en devenant actionnaires. Encore une fois, à mon avis, nous devons nous débarrasser de la Loi sur les Indiens et nous orienter vers un modèle de partage des revenus générés par les ressources. Je ne sais pas quel est ce modèle, mais les possibilités existent, et le gouvernement doit être prêt à en parler. Nous ne pouvons pas simplement cesser d’exploiter le pétrole et le gaz au Canada. Cela n’a aucun sens. Nous n’aurons pas seulement des problèmes sociaux, mais aussi des problèmes de santé. Nous en avons en ce moment parce que nous sommes prisonniers de la Loi sur les Indiens. Il faut faire avancer les choses sur ce plan. Je vous remercie.
M. Desjarlais : En outre, il faut bien sûr faire passer le message « Rien pour nous sans nous ». Du point de vue des Autochtones, le paternalisme est très présent dans les processus de consultation et d’élaboration des politiques, si bien que nous n’avons pas l’impression que ces choses nous concernent. Elles n’ont pas vraiment d’incidence sur nous et ne nous servent pas.
Par ailleurs, le Canada doit comprendre qu’il faut beaucoup d’efforts, de ressources et de temps pour amener les Autochtones à participer de manière plus marquante, plus équitable et plus égale aux industries. C’est pourquoi le pétrole et le gaz sont si importants, car nous observons dans ce secteur les taux les plus élevés de participation équitable, non seulement sur le plan de la propriété, mais aussi sur le plan des possibilités liées à l’emploi, aux revenus et aux capacités, à la profondeur, aux aspects techniques et à la supervision, et ainsi de suite.
Il y a un réel problème, pour les entreprises et les travailleurs autochtones : ils doivent changer de cap alors qu’ils commencent à peine à prendre pied, à gagner leur vie et à exercer une influence sur ces facteurs socio-économiques dans ces industries. On craint que le fossé recommence à se creuser et que le fleuve s’élargisse. Les transitions de ce type sont incroyablement importantes, mais quelle forme doivent-elles prendre? Nous perdrions du terrain par rapport à l’influence que nous pouvons exercer sur les résultats socio-économiques des populations autochtones, car nous faisons déjà de grands progrès dans ces industries. Il faut que nous saisissions bien cet aspect au moment d’élaborer un plan de transition qui soit durable et utile pour bon nombre des communautés.
Mes collègues ont mentionné les effets de ces industries sur leurs communautés, et je les ai constatés. Je fais partie de cette communauté. Les effets sont considérables, et il faut que nous trouvions un juste équilibre, concernant cet aspect et cette approche.
La sénatrice Batters : Je vais terminer en remerciant M. Desjarlais. Je vis depuis toujours en Saskatchewan. Je tiens à vous remercier, votre communauté et vous-même, de tout ce que vous faites pour aider les gens.
M. Desjarlais : Tout le plaisir est pour moi.
[Français]
La vice-présidente : Nous allons dépasser le temps consenti un petit peu.
[Traduction]
Je vais demander aux témoins de répondre brièvement, si vous le pouvez.
La sénatrice Miville-Dechêne : Ma collègue a souligné la mesure dans laquelle cette discussion est intéressante. Je vais m’adresser précisément à la cheffe Gale, et je vais revenir à cette fin sur sa déclaration liminaire.
Je comprends très bien que toutes les sources d’énergie se valent, en ce qui concerne les recettes et l’argent, mais les industries, en particulier l’industrie pétrolière, n’ont pas toutes les mêmes répercussions du point de vue de l’environnement. Dans ce contexte, comment votre coalition peut-elle adopter une position que vous décrivez comme neutre par rapport à l’industrie?
Mme Gale : C’est en fait aux Premières Nations qu’il appartient de décider du type d’industries dont elles veulent faire partie. La Coalition des grands projets des Premières Nations adopte une position neutre. Notre mandat n’est pas d’encourager les communautés à prendre part à un projet. Ce sont elles qui nous soumettent la résolution de leur conseil de bande — ou RCB — adoptée par leur chef et leur conseil après consultation de leur communauté.
Ma communauté envisage de réaliser de nombreux projets liés à la lutte contre les changements climatiques, par exemple en adaptant les puits de pétrole et de gaz pour qu’ils servent à la géothermie. Nous avons travaillé en partenariat avec la municipalité pour protéger la plus grande forêt communautaire de la Colombie-Britannique. Nous envisageons d’aider d’autres pays à cesser de brûler du charbon et à produire des granules.
La portée ne se limite pas à une région ou à un petit territoire. En tant que membres des Premières Nations, nous avons une vision mondiale. Comment pouvons-nous aider nos homologues autochtones d’autres pays à renoncer aux combustibles sales? Je crois, comme Stephen Buffalo, que l’industrie pétrolière et gazière est importante. Il faut du pétrole et du gaz pour tout, comme mon ordinateur, mes vêtements, mon téléphone. Mais nous devons être capables de créer un équilibre entre ces industries et les industries renouvelables. Cela va dans le sens de la participation des Premières Nations au développement économique. Nous n’allons pas simplement épuiser toutes nos ressources sans nous occuper de notre peuple et de notre territoire. Notre responsabilité s’étend sur sept générations. Nous devons nous assurer que notre peuple continuera de disposer d’endroits où aller pour chasser, pêcher, piéger et cueillir ses médicaments.
Il s’agit d’une approche équilibrée, et c’est vraiment aux Premières Nations qu’il revient de décider où elles veulent s’engager, qu’il s’agisse d’une nation individuelle ou d’un groupe de nations qui se réunissent. Pour le gazoduc dont j’ai parlé, 20 Premières Nations se sont regroupées, car elles savaient à quel point elles seraient plus puissantes si elles travaillaient ensemble. Nous avons été assujettis à des processus coloniaux qui nous ont amenés à nous battre pour des questions de territoire et d’économie. Les Premières Nations ont réalisé que, pour réussir, nous devons travailler avec l’industrie. Nous devons travailler avec le gouvernement, et nous devons travailler les uns avec les autres. Nous connaissons du succès de cette manière.
Il y a en Ontario un précédent dont je suis très fière. L’industrie se joint à la discussion. Pour tous les projets d’Hydro One, les Premières Nations qui sont touchées auront une participation de 50 %.
Ce sont de nouvelles façons de faire des affaires avec les communautés autochtones, car le consentement des Autochtones est une condition préalable à la réussite des grands projets et des infrastructures d’énergie propre. Il ne fait aucun doute que les projets vont toucher des terres autochtones. Nous avons plus de 600 communautés autochtones au Canada. Nous sommes nombreux à faire valoir nos droits maintenant. Nous allons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour protéger nos territoires, car nous n’allons dorénavant pas permettre à quiconque d’avoir accès à nos ressources sans notre participation.
La sénatrice Miville-Dechêne : Je vous remercie beaucoup de votre réponse.
La vice-présidente : Merci à tous nos témoins du premier groupe. Nous allons maintenant poursuivre avec le deuxième groupe de témoins.
Nous accueillons Matthew Foss, du Conseil canadien pour l’entreprise autochtone, et Dale Swampy, président de la Coalition nationale des chefs.
Bienvenue, et merci d’être là. Chacun d’entre vous dispose de cinq minutes pour présenter sa déclaration liminaire.
Matthew Foss, Conseil canadien pour l’entreprise autochtone : Merci. Taanishi Matthew Foss dishinihkaashoon.
Bonjour. Je m’appelle Matthew Foss. Je suis membre de la Métis Nation of Alberta. En tant que vice-président de la recherche et des politiques publiques pour le CCEA, le Conseil canadien pour l’entreprise autochtone, je tiens à vous remercier, madame la présidente, ainsi que tous les distingués membres du comité, de me donner l’occasion de témoigner et de contribuer à cet important travail.
Aujourd’hui, je m’adresse à vous depuis mon bureau à domicile, sur les terres des Premières Nations du Traité no 6 et des Métis.
Depuis 1984, le CCEA se consacre à promouvoir la pleine participation des peuples autochtones à l’économie canadienne. Notre travail, nos programmes et nos priorités reposent sur des recherches fondées sur des données et favorisent la réconciliation économique comme moyen de rapprocher les entreprises autochtones et non autochtones du Canada. Il est indispensable de créer une base économique pour atteindre les résultats de la Stratégie économique nationale pour les Autochtones, ou SENA, et pour mettre en œuvre les recommandations de la Commission royale sur les peuples autochtones. Le SENA contient 107 appels à la prospérité économique, et plus d’un tiers d’entre eux sont directement liés à l’énergie, à l’environnement et aux ressources naturelles.
Avant de travailler au CCEA, j’ai dirigé pendant plus de 10 ans le travail d’analyse sur l’énergie pour le gouvernement de l’Alberta. Je suis un véritable expert des défis que notre planète doit relever en matière de climat et de ressources; j’ai prononcé des discours au Canada et à l’étranger devant des publics comme l’Agence internationale de l’énergie et le Forum international sur l’énergie.
L’enjeu des changements climatiques est grave. Les communautés autochtones font partie des communautés les plus touchées par les changements climatiques. Les modes de vie traditionnels sont menacés. Il faut s’adapter judicieusement. Les connaissances traditionnelles sont nécessaires, tout comme la sagesse des anciens et des gardiens du savoir.
Dans ma déclaration d’aujourd’hui, je vais insister sur deux points. Le gouvernement canadien doit éviter d’aggraver les dommages causés par les changements climatiques en privant les titulaires de droits autochtones de la possibilité de mettre à profit leurs connaissances traditionnelles, leur sagesse et leur autonomie pour déterminer ce qui vaut mieux pour leurs terres traditionnelles et leurs communautés. Le gouvernement canadien doit soutenir les communautés autochtones en leur fournissant les mécanismes financiers nécessaires pour qu’elles puissent participer en tant que partenaires à part entière aux projets d’exploitation des ressources.
La sécurité énergétique et la transition énergétique sont également des questions cruciales. Nous avons besoin à la fois des ressources énergétiques traditionnelles et des métaux et minéraux indispensables à l’électrification du système énergétique pour réduire les émissions ici et à l’étranger. La transition énergétique nécessite des ressources. Ces ressources proviennent des territoires traditionnels des communautés des Premières Nations, des Inuits et des Métis.
Pour asseoir la réputation du Canada en tant qu’endroit où faire des affaires, il faut que le Canada soit un endroit où l’on peut investir et où le développement est possible. Pour cela, le Canada doit respecter les droits des peuples, des communautés et des nations autochtones à déterminer eux-mêmes les activités de développement appropriées.
Il faut que les communautés autochtones bénéficient d’une part appropriée de la valeur économique des ressources exploitées sur leurs terres traditionnelles pour que soient garanties la stabilité des investissements et la réputation du Canada à l’échelle internationale. Pour préserver la réputation du Canada, il faut compter sur les décisions prises par les Autochtones concernant les mesures de protection de l’environnement appropriées.
Les politiques coloniales et le développement ont porté préjudice aux communautés autochtones et perturbé leurs modes de vie traditionnels. Refuser aux communautés autochtones la possibilité de faire valoir leurs propres intérêts grâce à l’un des rares mécanismes qui subsistent, à savoir le développement responsable des ressources, revient à perpétuer le colonialisme.
L’économie canadienne s’est construite sur les billions de dollars générés par l’exploitation des ressources, alors que la plupart des communautés autochtones continuent de vivre dans la pauvreté.
Les projets tels que l’exportation de gaz naturel liquéfié représentent des occasions sans précédent de faire passer les communautés autochtones de la pauvreté à l’autosuffisance, comme le démontre la nation Haisla. Les grands projets d’extraction de lithium, de nickel, de cuivre, de terres rares et d’autres minéraux à travers le Canada offrent les mêmes possibilités de transformation.
Les milliards de dollars en investissements et en revenus générés par ces grands projets d’exploitation des ressources sont porteurs d’un espoir d’autonomisation. Les possibilités en matière d’éducation, d’emplois bien rémunérés et d’infrastructures donnant par exemple accès à l’eau potable se conjuguent bien avec l’objectif de réduction des émissions mondiales. La pauvreté disparaît et le respect de soi s’installe.
Ces projets ont des conséquences. Pour faire obstacle aux effets négatifs, qui est mieux placé que les gardiens du savoir autochtone, dotés de ressources suffisantes, qui assument cette responsabilité depuis des temps immémoriaux?
Des communautés ont explicitement rejeté toute exploitation des ressources, comme elles en ont le droit, en se basant sur la compréhension qu’elles ont de leurs communautés et des conséquences d’une telle exploitation.
Priver les communautés autochtones de la possibilité de prendre part aux décisions concernant l’exploitation responsable des ressources naturelles équivaut à instaurer un nouveau cycle de colonialisme.
Ne pas donner aux communautés autochtones les moyens de participer à ces projets en tant que propriétaires et partenaires revient à perpétuer la marginalisation des peuples autochtones et à les priver des richesses qui existent sur leurs terres traditionnelles, ainsi qu’à pérenniser le cycle de la violence et de la pauvreté.
Marsee.
La vice-présidente : Monsieur Swampy, c’est à vous.
Dale Swampy, président, Coalition nationale des chefs : Bonjour. Je vous remercie de me donner l’occasion de m’adresser à vous aujourd’hui.
J’aimerais souligner que je m’adresse à vous depuis Calgary, en Alberta, le territoire traditionnel des Premières Nations du Traité no 7 et de la Confédération des Pieds-Noirs, qui comprend les Premières Nations Siksika, Piikani et Kainai.
Le Traité no 7 comprend aussi la Première Nation Tsuut’ina et la Première Nation Stoney Nakoda, qui comprend les Premières Nations Chiniki, Bearspaw et Good Stoney.
Je m’appelle Dale Swampy. Je suis membre de la nation crie de Samson, et président de la Coalition nationale des chefs, une coalition de chefs de partout au Canada qui appuient l’industrie.
Nous avons pour mandat de lutter contre la pauvreté dans les réserves. Nous travaillons à l’établissement d’ententes mutuellement avantageuses entre les Premières Nations et les partenaires de l’industrie des ressources dans le but d’accroître la prospérité économique des communautés qui vivent dans des réserves à l’échelle du Canada.
Nos communautés des Premières Nations sont tenues à l’écart de la richesse et de la prospérité du Canada depuis des siècles. La Coalition nationale des chefs cherche à améliorer notre participation et notre inclusion dans l’économie canadienne au moyen de partenariats avec la plus grande industrie du Canada, celle des ressources naturelles.
Nous croyons que l’industrie pétrolière et gazière du Canada est l’industrie la plus avancée du monde sur le plan technologique et qu’elle devrait être applaudie et non diabolisée, comme le fait actuellement le gouvernement fédéral avec ses mesures législatives paralysantes.
Le Canada est le chef de file mondial en matière de protection de l’environnement et de progrès dans le domaine des technologies propres. C’est pourquoi la NCC organise cette semaine à Calgary le sommet de l’énergie propre de la NCC. Nous mettons en valeur de nouveaux projets d’énergie propre, y compris l’Alliance Nouvelles voies. Nous y présenterons également quelques-uns des 146 projets d’énergie renouvelable en cours d’élaboration en Alberta, soit plus que toutes les autres provinces du Canada réunies. Nous montrerons également les nouveaux terminaux GNL ultramodernes du Canada, dans le Nord-Ouest de la Colombie-Britannique, et des sociétés minières viendront présenter leurs projets d’exploitation de métaux précieux dans la perspective de la transition vers l’énergie propre.
L’industrie pétrolière et gazière du Canada est de loin plus pertinente aujourd’hui qu’elle ne l’a jamais été. Nos communautés prennent part à de nouvelles initiatives importantes dans le domaine du pétrole et du gaz. Nous parlons de milliards de dollars en revenus que nous percevons et qui servent à financer le logement et les programmes culturels. Ces initiatives soutiennent notre avenir en faisant obstacle à la pauvreté dans nos réserves.
Le secteur pétrolier et gazier du Canada est un chef de file mondial en matière de production sûre, fiable et durable de pétrole et de gaz. Nous disposons des systèmes énergétiques les meilleurs et les plus efficaces au monde, qui sont à la fois sûrs et respectueux de l’environnement. Les émissions produites au cours du cycle de production sont les plus faibles de la planète et diminuent sans cesse. Le monde a impérativement besoin du pétrole et du gaz canadiens.
Le gouvernement doit se rendre à l’évidence : si nous n’opérons pas de transition durable vers des sources d’énergie propre, nous allons mettre en péril notre économie et créer une crise énergétique qui pourrait prendre des décennies à régler. Nous devons faire confiance à l’industrie du pétrole et du gaz pour nous accompagner dans cette transition. Nous possédons le savoir-faire pour y arriver. Avec l’aide des travailleurs et des professionnels du secteur pétrolier et gazier, nous serons en mesure d’atténuer les dommages que la transition pourrait causer à l’économie au pays et à notre mode de vie.
À l’instar de l’industrie pétrolière et gazière au Canada, les collectivités des Premières Nations veulent faire partie de la transition. Nous voulons jouer un rôle de premier plan en partenariat avec l’industrie la plus avancée du monde sur le plan technologique. Les communautés autochtones travaillent avec les sociétés LNG Canada et TC Énergie à bâtir un des plus grands ports de gaz naturel liquéfié du monde.
Nous travaillons avec d’autres sociétés pétrolières et gazières au développement des projets de gaz naturel liquéfié Woodfibre et Cedar pilotés par les Premières Nations. Nous collaborons avec six des plus grandes sociétés de sables bitumineux à la réalisation des projets de l’Alliance nouvelles voies, qui mettra sur pied un des plus grands projets de captage, d’utilisation et de stockage du carbone, ou CUSC, du monde. Une fois terminés, tous ces projets réduiront considérablement les émissions du Canada et nous aideront à atteindre les cibles de réduction des émissions pour 2030 et 2050.
Nous savons qu’il y a une demande à l’échelle mondiale pour le gaz naturel du Canada. Le reste du monde reconnaît que le gaz naturel peut remplacer le charbon utilisé comme source de production d’énergie et que cette matière première pourrait réduire considérablement les émissions à l’échelle de la planète. Plusieurs pays considèrent le gaz naturel comme une source d’énergie verte. Pourquoi le gouvernement fédéral ne le reconnaît-il pas?
L’industrie pétrolière et gazière au Canada est unique. Elle possède le meilleur bilan sur le plan de la participation et de la consultation des Autochtones. Elle met tout en œuvre pour que les communautés des Premières Nations profitent elles aussi des possibilités d’emploi et des contrats. L’industrie favorise aussi les investissements dans les communautés et la participation au capital des Premières Nations.
Aucun pays au monde n’applique de politiques qui s’approchent de ce que l’industrie pétrolière et gazière accomplit au Canada. L’inclusion des Autochtones dans les grands développements pétroliers et gaziers, conformément aux lignes directrices ESG, auxquelles toutes les sociétés adhèrent, est devenue prioritaire dans l’acceptation sociale des projets.
Nous devons être fiers de constater que l’industrie pétrolière et gazière au Canada est dirigée par des Canadiens. Le Canada est le meilleur endroit où vivre sur la planète. Les Canadiens sont les meilleures personnes au monde. Ils se préoccupent des terres et des ressources au pays. En voyant les efforts et les ressources que les Canadiens consacrent à la sécurité, à l’intégrité et à la protection de l’environnement, il faut faire tout ce qui est possible pour soutenir l’industrie.
Si nous choisissions de ternir l’industrie pétrolière et gazière, nous tournerions le dos à des décennies d’avancées technologiques et à de vaillants travailleurs canadiens très expérimentés et hautement spécialisés. Les communautés des Premières Nations comprennent la situation. Elles soutiennent fermement l’industrie pétrolière et gazière au Canada.
Nous travaillons fort pour que les nouvelles lois adoptées au titre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones instaurent à l’intention de l’industrie un régime réglementaire équitable. Ce régime devra renfermer une définition claire de participation et de consultation des Premières Nations. Il devra également préciser quelles communautés seront touchées par le développement de projets et les opérations qui s’y rattachent et les modalités liées à l’inclusion des Autochtones sur le plan de l’emploi, des investissements dans les communautés, de l’attribution des contrats et de la participation au capital.
Si les Premières Nations sont exclues de la transition vers l’énergie propre et de l’industrie pétrolière et gazière, les lois, les politiques ou la planification à long terme ne donneront pas les résultats escomptés.
Nous savons tous, mais nous avons peur de reconnaître que les besoins en matière de pétrole et de gaz vont continuer à augmenter. L’énergie produite par le pétrole et le gaz sera utilisée pendant encore de nombreuses années partout dans le monde. Si nous ne reconnaissons pas cette réalité, nous nous enfoncerons toujours plus dans une crise énergétique qui n’épargnera aucun Canadien. Cette crise entraînera une hausse incontrôlable du coût des services publics qui affectera au premier chef les plus démunis, notamment les communautés vivant dans les réserves.
Faisons en sorte que la transition énergétique soit durable. Ne mettons pas la charrue devant les bœufs en détruisant une industrie sans avoir de sources d’énergie durable, verte et propre pour la remplacer. Soutenons nos concitoyens qui travaillent dans l’industrie pétrolière et gazière et ses 14 000 travailleurs qui s’identifient comme membres des Premières Nations. Prenons des décisions éclairées sur les politiques énergétiques qui seront avantageuses pour l’économie et le bien-être des Canadiens, y compris les Premières Nations. Merci.
La vice-présidente : Merci beaucoup.
La sénatrice Sorensen : Merci beaucoup. Bienvenue aux deux témoins. En tant que sénatrice de l’Alberta, je suis vraiment ravie de vous voir ici.
Je voudrais que nous parlions un peu du passage de l’énergie fossile à d’autres formes d’énergie. Dans le cadre de notre étude, nous avons entendu plusieurs témoignages faisant valoir la nécessité de donner aux employés une formation qui leur permettra de se trouver un emploi ailleurs que dans l’industrie des combustibles fossiles. Les travailleurs autochtones du secteur de l’énergie risquent-ils d’être laissés à l’écart? Des possibilités de formation sont-elles offertes aux employés autochtones en ce moment? Le cas échéant, à quoi ressemblent ces possibilités?
M. Swampy : Tout d’abord, je souligne que la transition doit inclure l’industrie pétrolière et gazière. Cette industrie est la plus avancée au pays — certains diraient au monde — sur le plan technologique. Elle compte 14 000 travailleurs qui s’identifient comme Autochtones. Si vous voulez consulter les chiffres sur les projets d’énergie renouvelable au pays, vous n’avez qu’à appeler n’importe quel syndicat au pays. Les syndicats possèdent des bases de données bien garnies sur les projets qui seront lancés, car ils doivent être au fait de tout pour que leurs membres soient embauchés dans le cadre de ces nouveaux projets. Ils vous diront que 146 nouveaux projets d’énergie renouvelable seront lancés bientôt en Alberta, ce qui fait plus du double des projets de toutes les autres provinces combinées. Cet écart s’explique par la capacité technologique de l’industrie albertaine du pétrole et du gaz de développer des projets d’énergie renouvelable. L’industrie compte dans ses rangs des scientifiques qui font de la recherche et qui s’ingénient à améliorer les projets d’énergie renouvelable au pays.
À mon avis, c’est l’industrie pétrolière et gazière qui doit piloter cette transition. Comme groupe des Premières Nations, nous avons entendu tellement de nouvelles entreprises dire qu’elles pourraient construire une centrale solaire, un parc éolien, une usine de batteries pour véhicules électriques, un projet de CUSC ou une centrale sans émissions alimentée au gaz, alors qu’elles ne possédaient pas l’expérience, les connaissances ou les capacités de l’industrie pétrolière et gazière canadienne. N’importe laquelle des six sociétés de sables bitumineux ou n’importe quelle entreprise du secteur intermédiaire comme PC Énergie ou Enbridge vous dira qu’elle pourrait mettre en place ces systèmes demain matin. Vous voulez quelque chose de durable, de sensé et de viable économiquement? Ces entreprises pourraient le bâtir aujourd’hui, et le bâtir rapidement. Nous avons besoin par contre des technologies qui permettront à la transition verte de réellement remplacer l’industrie pétrolière et gazière. Ces technologies n’existent pas à l’heure actuelle. Des systèmes de batteries sont mis au point pour convertir les installations éoliennes et solaires en sources d’énergie non intermittentes, mais les projets de ce type sont pratiquement de cinq à sept fois plus coûteux que les systèmes fonctionnant au gaz. Cela n’a aucun sens.
Nous pensons que les élus qui nous représentent au fédéral vont nécessairement prendre des décisions éclairées en notre nom. Or, je ne discerne aucun processus décisionnel éclairé dans le système en ce moment, mais puisque nous cheminons vers une transition juste, les industries comme la nôtre sont obligées de mettre sur pied un plan de réduction des émissions à court terme ainsi que d’opérer une transition vers un environnement axé sur l’énergie verte qui est encore au stade théorique.
La sénatrice Sorensen : Merci de votre réponse. Je signale que je suis entièrement d’accord avec vous pour dire que l’industrie pétrolière et gazière au Canada doit montrer la voie vers l’énergie propre. Je vous remercie d’avoir mentionné l’Alliance nouvelles voies dont nous sommes très fiers en Alberta, bien évidemment.
Monsieur Foss, souhaitez-vous ajouter quelque chose?
M. Foss : J’aurais un commentaire à formuler sur le retard qu’accusent les jeunes et les travailleurs autochtones par rapport aux autres Canadiens quant à l’accès à la formation et au développement des compétences exigées. Ce problème de longue date ne se réglera pas du jour au lendemain. Des efforts continus devront être consentis pour encourager la mise en place de ressources pédagogiques pour les jeunes et les travailleurs autochtones. Comme l’a dit M. Swampy, la formation et le développement des compétences à acquérir en vue de la transition vers les nouvelles énergies renouvelables devront s’arrimer aux compétences existantes. La transition vers l’économie verte impliquera l’extraction de ressources, activité qui demande des compétences qui s’apparentent aux compétences de ceux qui travaillent dans les industries traditionnelles au Canada.
La sénatrice Galvez : Merci beaucoup d’être ici et de répondre à nos questions.
Je compte sur vous deux pour m’aider à faire avancer ma réflexion sur la transition. Vous et le groupe de témoins précédent nous avez dit que depuis la formation du Canada, il règne une approche colonisatrice qui s’est traduite pendant toutes ces années par la cession de territoires et par l’extraction prédatrice des ressources naturelles par les secteurs minier, gazier et forestier. Ces pratiques ont instauré au Canada — certains diront sur toute la planète — de la pollution, des inégalités et des iniquités généralisées et a fait naître le besoin de passer à un modèle différent.
J’aimerais que vous m’expliquiez comment le modèle et le plan que vous préconisez pour l’avenir diffèrent du modèle actuel sur le plan de la gouvernance, de l’économie, du tissu social et de la protection de l’environnement. Comment obtiendrons-nous des résultats différents si nous conservons la même approche?
Merci.
M. Foss : Ce que vous venez de dire démontre bien la nécessité de mettre en place un nouveau système. Les communautés autochtones doivent recourir au savoir ancestral et aux méthodes traditionnelles pour diriger cette transition. Les communautés des Premières Nations protègent l’Île de la Tortue depuis des temps immémoriaux. Elles possèdent les connaissances et elles respectent l’environnement. Il est important que le Canada fournisse aux communautés les ressources nécessaires pour renforcer leurs capacités et être en mesure de prendre des décisions éclairées. Le Canada doit financer adéquatement la participation au capital des communautés autochtones pour que ce soit elles qui prennent les décisions liées aux projets.
Personne ne sait à quoi ressemblera le système énergétique dans 50 ou 100 ans, mais nous savons que des décisions judicieuses devront être prises si nous voulons nous y rendre. Ce parcours exigera aussi le développement d’une quantité gigantesque de ressources et perturbera considérablement les terres des Premières Nations. Ces changements devront être apportés avec précaution en tenant compte des traditions autochtones et en donnant accès aux communautés autochtones au processus décisionnel concernant les procédures et les mesures de protection à instaurer.
M. Swampy : Je ne pense pas que nous connaissions les problèmes de pollution et les problèmes sociaux dont vous avez parlé. La sensibilité du secteur pétrolier et gazier vis-à-vis de ces questions a progressé énormément. Les entreprises s’efforcent de protéger l’environnement, et ainsi de suite.
Pour que la transition soit propre et durable, elle devra, selon nous, inclure le savoir-faire inhérent à l’industrie pétrolière et gazière. En attendant que l’industrie des énergies vertes soit durable et prête à remplacer le système actuel, il faut tâcher d’accroître le développement, les exportations et le nombre d’usines de gaz naturel liquéfié pour faire de cette matière première notre source d’énergie.
La seule manière d’y parvenir tout en continuant à réduire les émissions est de financer des projets de CUSC. Pour l’heure, les projets de CUSC reçoivent des crédits verts partout dans le monde, excepté au Canada. Tant qu’il n’y aura pas de crédits verts et de subventions du gouvernement, nous ne pourrons pas développer ces projets efficacement.
Les Premières Nations du Traité no 6 et du Traité no 8 travaillent fort pour faire partie de l’Alliance nouvelles voies. Nous croyons que ce projet accroîtra considérablement les possibilités d’emplois dans la communauté de même que la capacité des Premières Nations à contribuer à la prospérité du pays pendant les 30 ou 40 prochaines années. C’est un projet immense, un des plus grands au monde. Il permettra à l’Alberta d’atteindre ses objectifs de réduction des émissions d’ici 2030 et d’ici 2050. Nous espérons qu’en 2050 la technologie existera et que l’industrie des énergies vertes aura acquis l’expertise et les technologies qui lui permettront de prendre la relève de l’industrie pétrolière et gazière. D’ici là, je n’entrevois aucun changement pour les prochaines décennies. Nous devons franchir ces étapes.
Quant à l’acceptation sociale, la Coalition nationale des chefs a mis au point un programme en cinq étapes qui permettra de déterminer le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, conformément aux lois adoptées au titre la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Nous voulons un processus. En collaboration avec le comité du plan d’action, nous sommes en train d’en mettre un sur pied qui définit clairement ce dont les promoteurs ont besoin pour réaliser des projets liés aux ressources naturelles de cette nature. Lors de la première étape, le groupe régional de chefs touché par un projet donné, détermine en quoi consisteraient des consultations adéquates. La définition de la notion de consentement éclairé, qui revêt une grande importance pour les Premières Nations, constitue la deuxième étape. Nos élus, comme les vôtres, doivent donner un consentement éclairé. Vous consultez, je l’espère, des spécialistes techniques en mesure de fournir des conseils sur certaines questions et de faire voir les deux côtés de la médaille, et non pas seulement la perspective libérale. Vous regardez les choses sous l’angle des conservateurs, et non pas seulement sous la lorgnette libérale. Vous devez tenir compte du point de vue de la gauche et de la droite, ainsi que de celui des partis environnementalistes. Vous prenez ensuite la décision la plus applicable et faisable. Voilà ce que nous devons faire lors de la deuxième étape.
La troisième étape porte sur l’emploi. Nous ne voulons pas de la philosophie du meilleur effort. Nous voulons des possibilités d’emploi pour les membres des Premières Nations qui vivent dans la pauvreté dans les réserves. Soixante pour cent des résidants des réserves dépendent de l’aide sociale. Vingt milliards de dollars de fonds publics sont engloutis dans le mastodonte de l’aide sociale. Nous devons nous affranchir de ce système. Voilà la cause des problèmes sociaux tels que le suicide chez les jeunes, la consommation d’alcool et de drogue, les femmes disparues et assassinées. Ce sont les gens pauvres qui inspirent le racisme. Les personnes qui vivent dans la pauvreté ne sont pas respectées. Il faut rétablir les structures familiales. Nous pensons que c’est faisable. Le plan que nous avons mis sur pied pour favoriser la transition de l’aide sociale à l’emploi s’est soldé par une réussite dans deux cas distincts en Alberta. Nous voulons promouvoir ce plan auprès du gouvernement fédéral également.
La quatrième étape est l’attribution de contrats. Nous voulons sortir des réserves et obtenir des contrats dans les grands projets de développement. Cette aspiration n’est pas nouvelle. Au titre de 13 projets de loi adoptés aux États-Unis, 50 % de tous les projets de développement liés au secteur pétrolier et gazier et à d’autres ressources naturelles en Alaska étaient octroyés aux Premières Nations de cette région. Cette mesure a bien fonctionné. Les 13 entreprises visées sont très rentables. Elles ont d’ailleurs apporté la prospérité dans les communautés concernées.
La participation est importante. S’il ne s’agit pas d’un projet dirigé par les Premières Nations, nous voulons avoir la garantie d’y participer. Comme je l’ai mentionné, ce n’est pas la première fois. Dans le cadre de son projet de gaz naturel liquéfié, Coastal GasLink a accepté d’en vendre une partie aux Premières Nations. Nous voulons être au cœur des projets. Nous voulons participer avant la construction, avant que s’enclenche le processus de réglementation, car nous voulons non seulement être propriétaire, mais aussi assumer les risques, ceux liés à la protection environnementale. Nous voulons veiller à ce qu’il y ait une surveillance 24 heures sur 24, sept jours sur sept pendant les 30 années d’activités, et plus longtemps si nécessaire.
Ce sont des exemples de ce que nous voulons mettre en place. Nous avons étudié cela et nous sommes dans les affaires depuis près de sept ans. Nos chefs veulent mettre en place de vrais partenariats, et nous pensons que l’initiative Pathways Alliance est la première étape.
La sénatrice Batters : Je remercie nos deux témoins d’être avec nous aujourd’hui et de nous aider à comprendre vos points de vue importants sur ce sujet.
Monsieur Swampy, j’ai deux questions à vous poser. Mon temps sera sans doute limité, alors j’aimerais beaucoup pouvoir les poser toutes les deux.
Premièrement, vous avez beaucoup travaillé pour lutter contre la pauvreté dans les réserves. Vous avez parlé de quelques problèmes dans votre dernière réponse. Vous avez publié un article dernièrement dans le Financial Post disant que la politique climatique du gouvernement fédéral pourrait prolonger la pauvreté des Autochtones. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet? D’après vous, quelles mesures pourrait prendre le gouvernement pour remédier à la crise de la pauvreté dans les réserves?
M. Swampy : Je dirai tout d’abord que notre position sur les changements climatiques ou sur la transition, peu importe le nom utilisé, est que cela nuira à l’industrie pétrolière et gazière, et que ce qui nuit à cette industrie nuit aussi aux Premières Nations. L’industrie pétrolière et gazière adopte les lignes directrices sur les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance, et cela comporte un élément important pour l’exploitation dans ce secteur, soit que les Premières Nations doivent être parties prenantes et incluses dans les projets. C’est important. On voit que c’est en cours avec LNG Canada, Woodfibre LNG, Cedar LNG, les groupes qui s’occupent de l’exploitation de l’uranium dans le Nord-Ouest de la Saskatchewan, ceux présents dans le Cercle de feu dans le Nord de l’Ontario, dans les Maritimes, et dans le développement du secteur pétrolier et gazier au Nouveau-Brunswick. On voit cette participation. Au lieu de répondre comme ils le faisaient dans le passé quand des membres venaient les voir pour leur dire qu’ils avaient besoin d’un emploi, d’argent, d’une auto, les chefs et les conseils peuvent maintenant se tourner vers les entreprises pétrolières et gazières pour créer des programmes d’emploi.
Pour ce qui est de la pauvreté dans les réserves et de notre programme lié à l’aide sociale, nous avons deux cas qui ont bien fonctionné. Prenons l’exemple de la Première Nation de Fort McKay, l’une des communautés les plus riches en Amérique du Nord. Le revenu moyen des ménages y frise les 144 000 $. C’est incroyable. Les enfants grandissent en se disant que s’ils obtiennent leur diplôme de 12e année, ils pourront gagner 100 000 $ en travaillant pour les entreprises qui exploitent les sables bitumineux. Les départs sont peu nombreux dans cette communauté, car les jeunes grandissent et savent qu’ils pourront gagner de l’argent au sein de leur communauté comme nulle part ailleurs au pays.
Cela ne s’est pas produit du jour au lendemain. En 1976, quand l’exploitation des sables bitumineux a vraiment pris son envol, Fort McKay a fait l’objet d’un traitement particulier, car la communauté se trouvait au cœur même de cette exploitation. Lorsque les gens ont commencé à travailler, il n’a pas été facile pour eux de faire la transition de l’aide sociale à l’emploi. Suncor a compris cela. Au lieu de placer sur une liste noire ceux qui n’arrivaient pas à faire le travail la première fois, ses dirigeants les ont accueillis sans hésiter et ont poursuivi leurs efforts jusqu’à atteindre un niveau d’emploi de 100 %.
C’est ce dont nous avons besoin de la part du reste de l’industrie et du gouvernement : recevoir un traitement particulier. Je ne parle pas de chèques, de signer des chèques comme le fait Trudeau. Nous avons besoin d’un traitement particulier pour que les grandes entreprises, les Suncor au pays assument les coûts pour que nos gens fassent la transition de la réserve à l’emploi.
Cela prendra du temps. Nous devons nous engager à pouvoir le faire. Si les Canadiens étaient au courant des problèmes que nous avons dans les réserves, s’ils prenaient le temps d’en visiter une, ils verraient la situation dans laquelle nous nous trouvons, et ils seraient favorables à ce genre de programme de transition. Je pense que c’est important.
Nous devons sensibiliser les Canadiens au sort des Premières Nations afin qu’ils puissent jouer un rôle, et au lieu d’envoyer leurs dons à l’étranger dans des pays du tiers-monde, ils pourraient choisir d’aider les Premières Nations dans leur communauté.
La sénatrice Miville-Dechêne : Je vous remercie d’être avec nous.
J’aimerais avoir votre avis sur un sujet très délicat. Le fait de permettre à chaque communauté autochtone de prendre ses propres décisions, peu importe ces décisions, au sujet du développement de l’énergie est au cœur de la décolonisation et de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Toutefois, comme nous avons pu le voir lors des séances de la Conférence des parties, ou COP, il est nécessaire d’avoir des objectifs mondiaux pour sauver la planète.
Devrait-il y avoir une stratégie nationale d’élaborée par les Premières Nations et les Inuits au Canada pour combattre les changements climatiques?
M. Swampy : Oui, je crois que cela devrait être le cas.
Nous sommes dans une situation qui nous contraint à reconnaître que le développement de l’industrie pétrolière et gazière produit beaucoup d’émissions. Nous avons une industrie, en particulier en Alberta, qui est dirigée par des Canadiens. Suncor est la plus grande entreprise au Canada, et elle est dirigée par des Canadiens. Les Canadiens sont les meilleures personnes au monde. Ils sont conscients de leur environnement. Ils aiment le plein air. Ils connaissent l’importance de l’eau et des terres.
Nous pouvons donc réunir nos experts en technologie et travailler avec les Premières Nations pour favoriser une transition vers une énergie propre qui est durable, sans accroître de façon importante le coût de l’énergie.
Comme je l’ai mentionné, nous faisons partie des pauvres au pays. Lorsque les coûts de l’énergie et des services publics deviennent élevés, ce ne sont pas seulement les installations de production qui disparaissent, ce sont aussi nos gens qui quittent leur communauté parce qu’ils n’ont plus les moyens de chauffer leur maison.
Le Canada est un pays froid, et il faut aussi en tenir compte. Nous ne pouvons pas faire une transition vers une énergie verte n’importe comment, simplement parce que le reste de la planète nous dit que nous devons le faire. Nous avons besoin d’un modèle durable, et je pense que Pathways Alliance est un modèle durable pour pouvoir séquestrer le carbone dans le sol jusqu’à ce que nous mettions au point la technologie qui nous permettra de produire une énergie durable à un prix abordable pour nos gens.
C’est important. Les Premières Nations doivent faire partie du modèle de transition. Elles doivent avoir leur mot à dire. Je pense que vous allez constater qu’il y a beaucoup d’éléments positifs à intégrer aussi l’expertise technique des Premières Nations.
La sénatrice Miville-Dechêne : Je ne sais pas si M. Foss aimerait ajouter quelque chose à propos du difficile choix à faire entre la décentralisation des décisions et une stratégie mondiale pour combattre les changements climatiques.
M. Foss : J’ai quelques points à ajouter.
Oui, je suis tout à fait d’accord avec l’idée qu’il faut mettre en place une stratégie nationale pour les communautés et les nations autochtones, mais cela doit se faire en procédant à des consultations exhaustives. Il faut qu’elle soit élaborée conjointement avec les peuples autochtones afin que ce soit leur stratégie et non pas une stratégie imposée aux communautés autochtones par les Canadiens non autochtones.
Comme M. Swampy l’a mentionné, le fait d’habiter dans une région rurale et éloignée présente de très nombreux défis dans un climat froid, et il faut pouvoir compter sur une énergie fiable et sûre. Les possibilités d’exploiter ces ressources existent. Au fur et à mesure que le Canada et la planète font la transition du pétrole et du gaz, des hydrocarbures, vers d’autres formes d’énergie, encore une fois, ce sont les ressources naturelles — les minéraux, les métaux, etc. — extraites sur les terres des Autochtones qui vont alimenter aussi l’économie de demain.
Il faut que ce soit dirigé par des Autochtones et que les Autochtones aient leur mot à dire dans les engagements internationaux du Canada.
Il est très décevant de voir que jusqu’à maintenant, le Canada négocie sur la scène internationale sa façon de réagir à la crise climatique sans que les voix des Autochtones soient entendues à la table pour contribuer à définir la stratégie du pays.
La sénatrice McCallum : Je vous remercie de vos exposés.
Je veux revenir aux façons de vaincre la pauvreté dans les réserves. Avant de poser ma question, je veux mentionner que les projets de loi fédéraux que nous avons adoptés, y compris le C-69, visaient à lutter contre la destruction des modes de vie et des terres des Autochtones, mais que les provinces peuvent les contourner et continuer à les détruire.
Quand on pense à la Loi canadienne sur la protection de l’environnement et au fait que, même avec cette loi en place, le nombre de bassins de résidus a augmenté de 300 %, je comprends pourquoi ces projets de loi sont adoptés.
Quand on veut atténuer la pauvreté dans les réserves, comment peut-on s’attaquer aux effets des déterminants sociaux de la santé — comme la violence contre un partenaire intime, l’augmentation des suicides, des gangs et de la drogue — en même temps qu’au développement économique? La violence contre les terres et les femmes a toujours coexisté avec le colonialisme, et le colonialisme inclut l’extraction des ressources.
Comment s’attaque-t-on aux déterminants sociaux de la santé en même temps qu’au développement économique?
J’ai été heureuse d’apprendre que vous avez un programme lié à l’aide sociale. Comment est-il appliqué au sein et à l’extérieur de la communauté, car les scénarios seront différents dans les deux cas?
Je veux simplement ajouter que gagner de l’argent ne fera pas disparaître les maux. Travailler avec les Autochtones sur les terres autochtones... L’argent n’a jamais accompli tout ce qu’il aurait dû accomplir.
Je remercie nos deux témoins.
M. Swampy : Je vous remercie, sénatrice.
En tant que regroupement de dirigeants des communautés des Premières Nations, nous savons notamment que l’aide sociale dans nos communautés est essentiellement une structure de classes. Je dirais qu’il y a probablement 30 ou 40 % de nos communautés qui ont des structures familiales bien développées, où il y a de l’entraide et où on échappe à la violence familiale, à la consommation abusive d’alcool, aux drogues, etc.
Quand notre bande a mis sur pied son fonds de fiducie pour l’éducation, nous pensions pouvoir sortir les gens de l’aide sociale dans notre communauté. Cela a aidé 30 % de nos membres qui avaient des familles bien développées, des enfants qui allaient à l’école, etc. — nous sommes en fait devenus l’une des communautés ayant le taux le plus élevé par habitant de diplômes d’études postsecondaires —, mais cela n’a pas changé la situation. S’il en est ainsi, c’est parce que la plupart des gens sont des adultes, des mères monoparentales, des hommes dans la quarantaine qui n’ont jamais eu un emploi à temps plein de leur vie, et dont les compétences et le niveau d’éducation sont limités. Nous avons donc dû penser non pas à des programmes de mise à niveau, mais à des emplois pour lesquels il était facile de les former, comme ceux offerts dans les usines de conditionnement de la viande ou de la fabrication de maisons modulaires, les serres, etc.
Nos gens en avaient un besoin criant. Ils voulaient qu’on les respecte à nouveau. Ils voulaient avoir le respect de leurs enfants et de leur communauté, peu importe le salaire. Ils obtenaient tout au plus le salaire minimum, mais ils voulaient pouvoir travailler et contribuer à leur communauté et retrouver une structure familiale afin que leur style de vie change. Ils sont debout à 6 heures comme tout le monde et leurs enfants vont à l’école. Il est important pour nous de pouvoir faire la transition.
Toutefois, la transition de nos gens vers l’emploi entraînera des coûts. Nos gens, nous le savons, ne réussissent pas toujours. Un de nos projets pour les sortir de l’aide sociale n’a eu qu’un taux de succès de 33 %, mais c’était tout de même un succès pour nous. Cela voulait dire que 33 familles quittaient la réserve, faisaient le type de travail dans lequel elles pouvaient exceller, et amélioraient ainsi leurs perspectives de carrière. Elles pouvaient faire en sorte que leurs enfants aillent à l’école sur une base régulière afin qu’ils puissent avoir accès au fonds de fiducie pour l’éducation, puissent obtenir des bourses et des récompenses pour avoir terminé leur secondaire, des études postsecondaires, une maîtrise ou un doctorat, etc.
Nous avons besoin de ce traitement particulier, et je pense que c’est important. L’industrie pétrolière et gazière est notre plus important contributeur à cet égard. Même si c’est une industrie, comme vous le dites, qui avec le gouvernement fédéral a causé du tort aux Premières Nations, c’est maintenant le contraire. Cenovus a fait un don de 50 millions de dollars pour des programmes de logement social dans six communautés à Fort McMurray. Cela n’arrive nulle part ailleurs dans le monde. Nous avons besoin de ce traitement particulier et que ces grandes entreprises soient là pour nous aider.
M. Foss : Je pense que les problèmes liés à la pauvreté et les problèmes sociaux et environnementaux que l’exploitation des ressources a entraînés — et pas seulement l’exploitation des ressources, mais la marginalisation des peuples autochtones tout au long de l’histoire de notre pays — vont être surmontés grâce à un retour à l’autonomie gouvernementale et au rétablissement des cultures autochtones. Et comme M. Swampy l’a dit, c’est en ayant la possibilité de produire de la richesse, d’être partenaires dans des projets et de diriger que cela va se faire. Ce sont là des moteurs de transformation. C’est en ayant la possibilité de créer de nouvelles habitudes, de nouvelles méthodes et de rétablir celles de nos ancêtres que nous sortirons des cycles de la pauvreté actuels. L’exploitation des ressources est un enjeu crucial à cet égard.
La sénatrice Anderson : Je remercie nos deux témoins. Ma question s’adresse à M. Foss. La Stratégie économique nationale pour les Autochtones au Canada 2022 et ses 107 recommandations reposent sur quatre grands thèmes : la population, les terres, les infrastructures et les finances.
Quand, au départ, vous êtes clairement désavantagés par des mesures qui entravent les besoins fondamentaux des peuples autochtones, tels que la santé, l’éducation, les soins dentaires, la sécurité alimentaire, le logement et l’accès à l’eau potable. Comment pensez-vous que cette stratégie va s’inscrire dans la stratégie du Canada pour faire participer et inclure les Autochtones dans la croissance et le développement économiques, tout en répondant aux préoccupations climatiques? Merci.
M. Foss : Il y a évidemment des liens entre ces stratégies, mais l’essentiel est de fournir aux communautés autochtones les ressources — de nature économique principalement — afin qu’elles puissent accéder à une autodétermination véritable. Les 107 recommandations de la stratégie visent toutes à mettre en place les outils et les mécanismes d’autodétermination nécessaires au sein des communautés autochtones.
Il incombe au reste du Canada de soutenir cette démarche, de fournir les ressources suffisantes en injectant des capitaux, en offrant de la formation et en accordant un financement réel pour permettre aux institutions autochtones qui seront nécessaires de participer de façon significative à l’économie de demain.
Je vais terminer en disant que c’est en créant des possibilités que les communautés autochtones trouveront la prospérité, et ces possibilités proviennent notamment de l’exploitation des ressources partout au pays.
La sénatrice Anderson : Si je peux me permettre une question complémentaire. C’est bien d’avoir une stratégie, mais comme vous le savez sans aucun doute, nous en avons de nombreuses.
J’aimerais savoir comment vous vous assurez que le Canada appuie la stratégie? Comment procédez-vous pour demander des comptes au gouvernement sur sa mise en œuvre?
M. Foss : Je crois que les 107 appels à la prospérité sont là, tout comme les appels à l’action du rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes autochtones disparues et assassinées, comme dans tant d’initiatives de ce type auparavant. Le gouvernement canadien a vraiment l’obligation de suivre et de rendre compte de ses efforts en vue d’obtenir des résultats mesurables, notamment en ce qui concerne les marchés publics, les marchés réservés aux Autochtones, le financement adéquat des institutions, de l’éducation et des infrastructures autochtones, et les progrès réels en matière de consultations, afin d’éviter que les engagements du Canada sur la scène internationale pour réduire les émissions ne soient pris sans la participation des Autochtones à leur élaboration et à la façon de les honorer.
[Français]
La vice-présidente : Je vous remercie. J’aimerais remercier l’ensemble des témoins qui ont participé à notre réunion ce matin. Je vais ajourner la réunion. Merci beaucoup.