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Projet de loi sur la Semaine de la gentillesse

Deuxième lecture—Suite du débat

25 septembre 2018


L’honorable Sénatrice Mary Coyle :

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer le projet de loi S-244, Loi instituant la Semaine de la gentillesse.

L’auteur Henry James a écrit ce qui suit :

Trois choses dans la vie humaine sont importantes. La première est d’être aimable. La seconde est d’être aimable. Et la troisième est d’être aimable.

Le dalaï-lama a déclaré ceci :

Ma religion est simple. C’est la gentillesse.

Nos estimés collègues, les sénateurs Munson, Plett et Martin, se sont déjà exprimés dans ce débat, en insistant sur l’importance d’adopter des comportements empreints de gentillesse, de compassion et de générosité envers les autres. C’est bon pour notre bien-être et pour la société canadienne.

Le sénateur Plett nous a avertis de nous méfier de la surutilisation d’outils de commémoration et de célébration. Nous ne voudrions pas réduire l’importance d’autres journées et événements qui sont célébrés à l’échelle nationale. Or, qu’y aurait-il de plus important que d’encourager et de renforcer les comportements aimables entre Canadiens?

La fin de semaine dernière à Ottawa, beaucoup d’actes de gentillesse ont été essentiels pour survivre au passage des trois tornades dans la ville. Je songe aux personnes qui ont offert de l’hébergement et des repas, qui ont réfrigéré l’insuline d’un voisin ou qui ont vérifié comment des personnes âgées ou handicapées se portaient. Sur la rue George près du marché, j’ai remarqué un parcomètre de gentillesse, où il est possible de faire un don pour appuyer les services offerts aux personnes qui vivent dans la rue à Ottawa. L’appareil ne vise pas à remplacer les dons directs pour aider les gens qui sont dans le besoin.

Imaginez si la semaine de la gentillesse était intégrée au programme scolaire et qu’on encourageait les jeunes Canadiens à faire preuve de gentillesse envers leurs pairs, les membres de leur famille et leurs voisins. On pourrait adopter cette habitude à longueur d’année.

Pas plus tard que la semaine dernière, on a rendu hommage à Elsie Yanik, une aînée métisse, en donnant son nom à une école de Fort McMurray. Bénéficiaire de la gentillesse d’autrui dans son enfance après avoir perdu sa mère, Elsie Yanik a passé le reste de sa vie à accomplir de nombreux gestes de bonté dans d’autres collectivités. Pour commémorer l’héritage d’Elsie Yanik, la direction de l’école a placé une affiche disant « la gentillesse est contagieuse », que les élèves ne peuvent pas manquer lorsqu’ils entrent dans le bâtiment tous les jours.

Avant ce débat, la déclaration de la sénatrice Hartling sur le pouvoir que peut exercer une seule personne et la campagne #BeccaToldMeTo, lancée par la regrettée Rebecca Shofield, une Néo-Brunswickoise courageuse et gentille, a vraiment donné le coup d’envoi de cette discussion concernant l’importance de la gentillesse et l’utilité de prendre le temps, chaque année, de célébrer et d’encourager les comportements et les actes de bonté.

Aujourd’hui, je souhaite vous inciter à appuyer ce projet de loi en vous racontant deux courtes anecdotes sur la gentillesse, en citant des travaux de recherche et des articles récents sur cette question et, en guise de conclusion, en faisant valoir mes derniers arguments.

La première anecdote sur la gentillesse me concerne personnellement.

Il y a un an, j’étais chauve et j’avais perdu cils, sourcils et ongles. Comme d’autres au Sénat, j’avais passé une année horrible à lutter contre le cancer — le cancer du sein dans mon cas. J’ai vécu une année de chirurgie, chimiothérapie et radiothérapie auxquelles s’ajoutait le lourd tribut physique, émotionnel et spirituel qui les accompagne. Un an après, j’ai l’impression d’être qualifiée pour rédiger une thèse de doctorat sur les expressions créatives de la bienveillance et les conséquences positives de celle-ci.

Je crois sincèrement que, outre les soins médicaux de calibre mondial que j’ai reçus, l’amabilité que m’ont si généreusement accordée parents, amis, voisins et étrangers ont considérablement aidé à ma guérison et à mon bien-être retrouvé, grâce auxquels je suis ici aujourd’hui.

Imaginez, environ deux semaines après mon premier traitement de chimiothérapie, mes cheveux, autrefois épais et très droits, se sont mis à tomber par poignées. C’est alors que j’ai rendu visite à la merveilleuse Darlene Hart, la coiffeuse locale et ministre chargée des femmes que la chimiothérapie a rendue chauves. J’ai retiré mon chapeau et Darlene a vu mon crâne chauve où restaient encore quelques touffes rebelles. Darlene m’a alors proposé de me raser la tête avant d’installer ma perruque.

Darlene a alors eu un geste authentique de compassion et d’amabilité envers moi, cette femme qui venait de perdre une bonne partie du sein droit et se sentait malade, faible, terrifiée et très vulnérable. Elle m’a demandé si je voulais faire face au miroir ou lui tourner le dos pendant qu’elle retirait les dernières touffes de cheveux avant de placer et de coiffer la nouvelle perruque. Darlene savait le traumatisme que moi et d’autres femmes subissons à cause du cancer et elle était disposée à trouver le moyen de minimiser ce traumatisme. Ce simple geste bienveillant de sa part m’a apaisée.

J’ai vécu des centaines de moments comme celui-là pendant la période de traitement et de rétablissement : mes filles, mes frères et mes sœurs qui sont venus me rendre visite en avion et mes chers amis qui me sont venus en aide au fil des mois; les fleurs de mes frères et sœurs et de maman qui arrivaient pile chaque fois que j’avais terminé un traitement de chimio; les amis m’offrant des statues de Ganesh, des drapeaux de prière, des drapeaux de l’espoir, des croix celtiques, de l’huile de l’oratoire Saint-Joseph et des larmes de Marie l’Égyptienne, des prières et des chansons pour moi dans la chapelle de l’hôpital pendant que je subissais une intervention chirurgicale; les repas; les cartes hebdomadaires — envoyées pendant des mois — d’amis en Angleterre; les cartes, les fruits et autres présents laissés à ma porte quotidiennement; mon voisin, qui venait déneiger l’entrée et l’allée de ma maison tous les matins avant même que j’ouvre les yeux. Il y a eu mes compagnons de randonnée et de raquette qui ont ralenti le pas pour que je puisse les suivre après ma dernière série de traitements de chimiothérapie, les amis qui m’ont hébergée et qui se sont joints à moi pour les réjouissances à la fin de mes traitements de radiothérapie à Halifax.

Je pourrais continuer, mais je ne le ferai pas. Ces expressions de gentillesse généreuses et originales m’ont donné beaucoup de force.

En mai, j’ai assisté à la cérémonie de remise des diplômes de la faculté de médecine de l’Université Dalhousie, lors de laquelle ma cousine a reçu son doctorat en recherche sur le cancer du sein, vraiment. À la cérémonie, les diplômés en médecine ont tous prêté le serment d’Hippocrate. Une phrase de ce serment m’a vraiment frappée :

Je me rappellerai que la médecine est un art autant qu’une science et que la chaleur, la sympathie et la compréhension peuvent l’emporter sur le scalpel du chirurgien ou le médicament du chimiste.

Les médecins, les infirmières, les technologues en radiation médicale et les autres professionnels de la santé qui se sont occupés de moi connaissaient tous très bien l’art de la gentillesse et la science de la médecine.

À mon arrivée au Sénat, on a aussi fait preuve de gentillesse envers moi, notamment en m’invitant rapidement à dîner; la sénatrice Marshall m’a montré où se trouvaient les toilettes des femmes; la sénatrice Saint-Germain m’a encouragée à choisir une date pour mon assermentation qui permettrait à ma famille d’y assister. J’ai assez parlé de moi maintenant.

Ma deuxième histoire sur l’importance de la gentillesse m’a été racontée par Tareq Hadhad, un de mes concitoyens à Antigonish.

Tareq est le premier réfugié syrien parrainé de la ville. Notre ville de 5 000 habitants compte maintenant cinq familles syriennes. Sa famille et lui ont fondé l’entreprise Peace by Chocolate.

Tareq a récemment publié cette petite histoire sur Facebook :

À la fin de décembre 2015, j’ai obtenu mon premier numéro de téléphone canadien. Deux heures après l’avoir obtenu, le premier appel que j’ai reçu provenait d’une femme dans la soixantaine venant de Terre-Neuve, mais vivant en Nouvelle-Écosse. Elle avait composé mon numéro en croyant appeler sa fille.

Elle a dit ceci : « Hé, Catherine, s’tu fais? »

J’ai répondu ceci : « Désolé, madame, pouvez-vous répéter ce que vous avez dit parce que je n’ai pas bien compris?

Elle tentait d’appeler sa fille.

Même si elle avait le mauvais numéro, nous avons parlé pendant 15 minutes, puis elle m’a demandé : « Ah oui, quel temps fait-il à Antigonish? Depuis combien de temps y habitez-vous? », ainsi de suite.

En fin de compte, lorsqu’elle a appris que j’étais un nouvel arrivant au pays, elle a continué à m’appeler tous les deux mois pour vérifier comment j’allais et si j’avais besoin de quelque chose.

Le mois dernier, après notre dernière conversation, elle m’a invité au mariage de son fils, qui aura lieu cet automne.

 

Tareq termine en disant ce qui suit :

Croyez-moi, les gens des Maritimes sont les plus aimables, les plus simples et les plus gentils que vous puissiez rencontrer.

Imaginez ce que cette simple expression de gentillesse de la part de cette femme signifiait pour ce jeune réfugié qui avait tout perdu à Damas : son foyer, la chocolaterie familiale, sa communauté et son cheminement de carrière.

Le livre de David R. Hamilton, The Five Side Effects of Kindness, affirme que, même si nous ne devrions pas faire preuve de gentillesse pour notre avantage personnel, il y a cinq principaux effets secondaires à la gentillesse. Le premier, dont nous avons un peu entendu parler, est l’euphorie de celui qui aide, cet état de bien-être produit par un niveau élevé de dopamine dans le cerveau. Le deuxième, c’est que la gentillesse est bonne pour le cœur. L’émotion chaleureuse amène notre corps à produire de l’ocytocine, une hormone qui protège le système cardiovasculaire. Le troisième est que la gentillesse peut ralentir le vieillissement, réduire l’inflammation liée au nerf vague et, encore une fois, produire de l’ocytocine. Le quatrième est que l’expression de gentillesse améliore les relations. Elle peut réduire la distance émotionnelle entre les personnes, et l’on se sent alors plus lié et plus connecté. Enfin, le cinquième effet secondaire est que la gentillesse est contagieuse. Elle peut inciter les autres à être gentils aussi et avoir un effet domino dans la société. Vous vous souvenez de la campagne #BeccaToldMeTo?

Dans son article sur les moyens d’éviter d’être un crétin qui est paru dans l’édition du samedi 26 mai du Globe and Mail, Wency Leung cite les deux ouvrages suivants : The Opposite of Hate: A Field Guide to Repairing Our Humanity, de Sally Kohn, et The Power of Kindness: Why Empathy is Essential in Everyday Life, du Dr Brian Goldman. Après avoir effectué de l’introspection et de vastes recherches, le Dr Goldman en est arrivé à la conclusion que la gentillesse et l’empathie constituent un choix — un choix entre nos propres besoins et notre instinct d’aider les autres. Il mentionne dans son livre ce qui serait nécessaire pour créer une société plus compatissante :

Il faut d’abord créer les conditions propices à la gentillesse et à l’empathie en réduisant la quantité de stress dans la société. Il faut faire en sorte que les gens mangent à leur faim, aient une raison d’être, jouissent d’une meilleure éducation, aient un meilleur accès à l’éducation, respirent de l’air propre, aient de l’eau potable et habitent dans des quartiers sûrs. Il s’agit des pierres d’assise de la société.

Le Dr Goldman conclut en disant qu’il est utile de voir des dirigeants donner l’exemple en adoptant un comportement aimable.

J’ajouterais que la véritable gentillesse, c’est-à-dire la sorte de gentillesse dont doivent faire preuve et que doivent encourager les parlementaires canadiens, est celle qui est axée sur la compréhension et l’expression d’une humanité commune et qui s’appuie sur ce qui est juste et bon.

Chers collègues, voici notre chance. Permettez-moi de vous lire le préambule du projet de loi S-244 :

Attendu :

que la gentillesse incite à faire siennes les valeurs que sont l’empathie, le respect, la gratitude et la compassion;

que les actes de gentillesse contribuent à améliorer la santé et le bien-être des Canadiens;

que certaines villes canadiennes célèbrent déjà la Semaine de la gentillesse;

que la désignation de la Semaine de la gentillesse et sa célébration partout au pays inciteront les Canadiens à poser des actes de gentillesse et à faire du bénévolat et des dons au bénéfice de l’ensemble de la population canadienne;

que la Semaine de la gentillesse permettra la mise en commun, par des particuliers et des organismes, de ressources, de renseignements et d’outils, entraînant ainsi la multiplication des actes de gentillesse;

que le Parlement estime que la Semaine de la gentillesse pourrait favoriser la création d’une culture de gentillesse au Canada tout au long de l’année,

Renvoyons ce projet de loi au comité afin que nous puissions disposer de nouveaux moyens et d’autres occasions de promouvoir la gentillesse dans notre pays et partout dans le monde. Ne serait-ce pas merveilleux si le Canada pouvait être reconnu comme un pays rempli de gens gentils et généreux? Cela pourrait grandement renforcer notre fameuse réputation de politesse.

Comme l’aurait déclaré Stephen Grellet, éminent quaker américain né en France :

Je ne passerai qu’une fois par ce monde; tout bien que je puis dispenser et toute bonté que je puis manifester, que je ne tarde ni ne manque à le faire, car je ne repasserai plus sur cette route.

Chers collègues, nous avons la chance unique de faire quelque chose de positif. Profitons de cette occasion et allons de l’avant avec ce projet de loi. Merci. Welalioq.

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