Projet de loi relative à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat
28 février 2019
L’honorable Sénatrice Julie Miville-Dechêne :
Chers collègues, je prends la parole brièvement et sans prétention afin d’appuyer le projet de loi C-262, Loi visant à assurer l’harmonie des lois fédérales avec la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Ce projet de loi est une avancée réelle et concrète sur le chemin, je l’espère, du nécessaire processus de réconciliation.
À titre de représentante du Québec au sein de la délégation canadienne auprès de l’UNESCO, j’ai suivi le cheminement de cette déclaration dans les agences onusiennes. J’ai constaté la forte résistance de plusieurs pays à ce texte fondateur, qui affirme que les droits autochtones sont des droits humains purement et simplement. Il n’y a pas deux classes de citoyens. Cette déclaration — mon collègue l’a dit beaucoup mieux que moi — est non contraignante, mais peut guider les pays qui l’adoptent. Le projet de loi C-262 stipule que toutes les lois fédérales doivent être en harmonie avec les nombreux principes contenus dans cette déclaration. On parle de 46 articles, c’est beaucoup, donc le pari du Canada est audacieux. L’adoption de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones est un grand pas dans la reconnaissance internationale des violences colonisatrices, de la souffrance, des injustices qui en découlent et qui ont des conséquences encore aujourd’hui. Il est plus que temps de changer la relation entre l’État canadien et les peuples autochtones.
La question me touche d’autant que les femmes autochtones sont les plus grandes victimes dans notre société où l’inégalité entre les femmes et les hommes demeure. Quand j’étais présidente du Conseil du statut de la femme, j’ai collaboré avec l’organisme Femmes autochtones du Québec à la réalisation d’une publication chiffrée sur la situation dramatique des femmes des Premières Nations, un document à l’intention du grand public.
Les statistiques en disent long. Les femmes autochtones vivant hors de leur communauté ont un taux de pauvreté deux fois plus élevé que les femmes non autochtones. Les femmes autochtones sont trois fois plus susceptibles d’être victimes de violence conjugale que les femmes non autochtones.
Plus des trois quarts des jeunes filles autochtones âgées de moins de 18 ans ont été victimes d’agression sexuelle. Or, l’article 22(2) de la déclaration onusienne dit ceci : les États prennent des mesures, en concertation avec les peuples autochtones, pour veiller à ce que les femmes et les enfants autochtones soient pleinement protégés contre toutes les formes de violence et de discrimination et bénéficient des garanties nécessaires. Cet article permet d’espérer notamment que la souffrance des femmes autochtones fera l’objet au Canada de politiques et de mesures plus visionnaires, plus globales.
Il est inacceptable, par exemple, que, en raison d’un manque de logement, plusieurs familles s’entassent dans la même habitation. Cette promiscuité multiplie les difficultés, accentue les conflits et les épisodes de violence. Il est aussi incompréhensible qu’aujourd’hui, la Loi sur les Indiens discrimine toujours sur la base du sexe pour la transmission du statut autochtone. Par exemple, une femme autochtone ayant épousé un non-inscrit ne peut pas transmettre son statut à ses petits-enfants, contrairement à un homme autochtone.
Michèle Audette, une des commissaires de la Commission d’enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, a dit récemment ce qui suit lors d’une entrevue : les femmes autochtones ont été affectées par une ou plusieurs formes de génocide ici, au Canada. Mme Audette ne parle pas ici de génocide culturel, mais de génocide tout court, ce qui donne une indication du rapport à venir de la commission. Que signifie le fait d’harmoniser les lois fédérales avec la Déclaration onusienne des droits des peuples autochtones?
J’imagine déjà que bien des juristes auront leur opinion, mais, pour moi, nous avons un exemple sous les yeux, avec le projet de loi C-71 sur le contrôle des armes à feu. Michèle Audette est venue nous dire que ce projet de loi devrait porter une attention particulière à la violence dont sont victimes les femmes autochtones, notamment avec les armes à feu.
À son avis, cela veut dire qu’il faut consulter toutes les personnes qui vivent dans le même logement que celui qui demande un permis d’arme à feu, une procédure plus complexe que les vérifications qui découlent du projet de loi C-71. L’essentiel est de comprendre que oui, les peuples autochtones revendiquent leur autonomie et leurs droits ancestraux en matière d’armes à feu, mais cela n’empêche pas les femmes autochtones de dire haut et fort qu’elles ont besoin d’être mieux protégées.
Je profite d’ailleurs de l’occasion pour inciter le gouvernement du Québec à faire sienne la Déclaration de l’ONU sur les droits des peuples autochtones. C’est un signal fort, un symbole dans la marche vers la réconciliation. La Colombie-Britannique a déjà pris un engagement à cet effet.
En conclusion, le projet de loi C-262 constitue une reconnaissance claire de la place des peuples autochtones dans notre histoire, dans notre présent, et il nous donne des outils pour envisager un meilleur avenir. Il faut donc renvoyer ce projet de loi pour étude au comité. Meegwetch. Merci.