DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS — L'honorable Frances Lankin, c.p.
Hommages
8 octobre 2024
Il est difficile de prendre la parole après cela, Frances.
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour rendre hommage à notre collègue extraordinaire et ma très chère amie, la formidable sénatrice Frances Lankin, qui s’apprête à quitter cette Chambre.
J’ai le plaisir de connaître Frances depuis environ 1988, année où je me suis jointe au Committee for ‘94. Notre objectif était de faire élire des femmes afin qu’elles occupent la moitié des sièges à la Chambre des communes en 1994. Eh bien, ce comité a échoué lamentablement, et les résultats à ce chapitre sont encore pitoyables. Nous avons donc jeté l’éponge, mais il était évident que Frances avait vraiment à cœur de promouvoir la présence des femmes en politique, et elle était elle-même sur le point d’entreprendre une carrière politique.
Lorsqu’elle s’est présentée comme candidate néo-démocrate à Toronto, dans le cadre des élections provinciales de 1990, les rênes du pouvoir semblaient hors de sa portée, car les libéraux au pouvoir avaient une bonne longueur d’avance dans les sondages. Cependant, les choses ont changé avant les élections. Le vent a soudainement tourné, et les néo-démocrates de Bob Rae ont causé toute une surprise en obtenant un gouvernement majoritaire. Je dirais à mes collègues ici présents de se méfier des sondages. Une avance dans les sondages peut disparaître en un clin d’œil.
Au sein du nouveau gouvernement, Frances Lankin est devenue la ministre responsable de tout : ministre des Services gouvernementaux, présidente du Conseil de gestion, ministre de la Santé et des Soins de longue durée et ministre du Développement économique et du Commerce. Comme l’ancien premier ministre Bob Rae me l’a dit la semaine dernière :
[...] Elle a été une leader remarquable : franche, réfléchie, passionnée et capable de s’attaquer à n’importe quel problème ou dossier avec patience et persévérance.
Elle est l’une des meilleures personnes que je connaisse.
Frances est restée à l’Assemblée législative après la défaite du gouvernement, puis elle est partie pour occuper le poste très exigeant de PDG de la plus grande organisation de Centraide du Canada, celle qui se trouve dans le Grand Toronto, poste qu’elle a occupé pendant environ 11 ans.
C’est à ce moment-là que j’ai appris à bien la connaître. Un autre groupe de féministes, qui cherchait à faire élire plus de femmes, a fondé l’organisme À voix égales en 2001. Pendant deux ans, nous nous sommes rassemblées dans son bureau de Centraide après le travail pour commander des pizzas, boire du vin et élaborer des stratégies pour créer un mouvement. Oui, elle était passionnée, mais c’est son intelligence, son sens de la stratégie et son attitude pragmatique qui m’ont inspirée à l’époque et qui m’inspirent encore aujourd’hui.
Nous l’avons constaté ici, dans cette enceinte. Nous avons entendu de nombreuses histoires sur le travail qu’elle a accompli. Elle a accepté des tâches spéciales et difficiles. En 2018, elle a eu recours à une démarche rare et époustouflante pour faire adopter le projet de loi qui a remplacé les mots « in all thy sons command » par « in all of us command » dans la version anglaise de notre hymne national, ce qui est un très grand symbole d’inclusivité. Récemment, elle a mené avec succès l’équipe gouvernementale pour faire adopter une motion essentielle visant à faire progresser notre Sénat indépendant. Il y aurait encore bien d’autres choses à raconter.
Sénatrice Lankin, vous avez fait le choix de nous quitter bien avant que sonne l’heure de votre retraite. Vous me manquerez. Merci de vos années de service. Je vous remercie aussi d’avoir été une merveilleuse amie et une grande source d’inspiration. Je suis impatiente de découvrir le prochain chapitre de votre vie remarquable.
Honorables sénateurs, je saisis l’occasion pour transmettre un message de notre chère collègue, la sénatrice Rose-May Poirier, qui est en ce moment en congé maladie, mais qui se sent beaucoup mieux. Elle ne pouvait pas être ici aujourd’hui, mais elle tenait à transmettre quelques mots à l’occasion de la dernière journée de la sénatrice Lankin au Sénat.
Chers collègues,
C’est avec le cœur un peu lourd que j’écris ces mots pour ma chère amie, la sénatrice Frances Lankin. Je suis déçue de ne pas pouvoir être parmi vous aujourd’hui, mais je le suis encore plus de ne pas être à vos côtés, sénatrice Lankin, en cette dernière journée au Sénat.
Même si nous ne siégeons pas du même côté du Sénat, nous avons développé une belle amitié en discutant des épreuves que nous avons toutes les deux traversées. Nous nous sommes épaulées mutuellement pendant ces périodes difficiles, et je serai éternellement reconnaissante du temps précieux et des conseils que vous m’avez offerts. Souvent, dans les périodes difficiles de nos vies, une certaine lumière perce la noirceur. Pour moi, vous avez été cette lumière, sénatrice Lankin, et j’espère l’avoir été pour vous.
Même si nous ne nous verrons pas à Ottawa, j’espère que nous resterons en contact au fur et à mesure que nous trouverons notre voie. Je ne serai peut-être pas là physiquement, ma chère amie, mais sachez que vous êtes dans mes pensées et mes prières alors que vous entamez le prochain chapitre de votre vie.
Votre amie pour toujours,
Rose-May.
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour rendre hommage à une sénatrice véritablement remarquable. La sénatrice Frances Lankin est l’exemple de ce qu’un sénateur indépendant peut devenir et accomplir lorsqu’il délaisse la politique partisane pour le plus grand bien de la population.
La sénatrice Lankin a toujours été prête à discuter des enjeux de manière approfondie et éclairée, tout en respectant ses interlocuteurs, peu importe leur point de vue. Elle était une fière et ardente défenseure de l’indépendance des sénateurs et de la réforme du Sénat. À mon avis, ce n’est pas une coïncidence si nous sommes parvenues à la même conclusion à la suite de nos fonctions de représentantes élues et de notre participation à un caucus partisan : nous voulons toutes deux un Sénat indépendant et fort afin d’assurer un avenir durable et respecté pour l’institution et ses membres.
La sénatrice Lankin était particulièrement fière lorsque le Sénat est devenu la première, et la seule, assemblée législative au pays à atteindre la parité hommes-femmes. Pendant la plus grande partie de sa vie, elle a fait son possible pour que les femmes brisent le plafond de verre, plafond qu’elle a d’ailleurs elle-même brisé en politique et dans la sphère socioéconomique.
L’une des contributions les plus marquantes de la sénatrice Lankin au Sénat est l’adoption de la Loi modifiant la Loi sur l’hymne national (genre), qui a modifié la version anglaise de l’hymne afin qu’il soit plus inclusif et qu’il corresponde mieux à la version française. Elle a défendu ce changement avec vigueur et c’est maintenant chose faite. Chapeau, Frances!
J’ai eu le plaisir de travailler en étroite collaboration avec elle au fil des ans. Je précise cependant que certaines de ces conversations de travail ont eu lieu à l’extérieur pendant que nous fumions.
Frances a su promouvoir des changements positifs et des moyens de rendre le Sénat plus fonctionnel tout en permettant à chacun de garder son indépendance et de défendre ses principes. Elle est d’avis que, même si nous avons parfois des désaccords — qu’il nous arrive d’exprimer avec ferveur —, cela ne veut pas dire que nous ne pouvons pas travailler ensemble pour atteindre un objectif commun.
Personne ne sera surpris d’apprendre que la chanson préférée de Frances est Raise a Little Hell. En lisant les paroles de la chanson, je me dis que c’est même son credo. Voici quelques lignes :
Si tu n’aimes pas ce que tu vois, pourquoi ne pas combattre cette situation?
Si tu sais que quelque chose ne va pas, pourquoi ne pas trouver une solution?
Un peu de révolte, que diable!
Sénatrice Lankin, le Sénat ne sera plus le même sans vous. Nous perdons l’une de nos meilleures collègues. Je promets que nous ferons de notre mieux pour combler le vide laissé par votre départ et pour nous révolter un peu de temps en temps.
Je vous remercie de votre travail, de votre amitié et de votre dévouement. Quel que soit le chemin que vous emprunterez, je vous souhaite de faire bonne route. Vous allez me manquer.
Je remercie également ma collègue, la sénatrice Martin, de m’avoir donné la possibilité de prendre la parole aujourd’hui. Ce genre de marque de considération compte beaucoup.
Honorables sénateurs, j’ai aussi rencontré Frances grâce au « Committee for ’94 » à Toronto dans les années 1980. Paradoxalement, alors l’objectif d’atteindre la parité hommes-femmes en politique avant 1994 n’a manifestement pas été atteint, c’est cette année-là que son leadership en tant que toute première ministre de la Santé de l’Ontario ouvertement féministe a entraîné d’énormes changements au cadre réglementaire des professions de la santé réglementées, notamment un tout nouveau code de protection pour les patients qui étaient victimes d’abus ou d’agressions sexuelles par des professionnels de la santé réglementés.
Je présidais le groupe de travail qui a amené ces changements, et je peux vous dire qu’ils ne se seraient en aucun cas produits sans le leadership de la sénatrice Lankin. Ils constituent à ce jour une norme mondiale qui a été copiée et adaptée dans le monde entier.
Sénatrice Lankin, votre décision de prendre une retraite anticipée mérite le respect. C’est ce que vous devez faire. Cependant, nous perdons une véritable doyenne du leadership parlementaire qui a excellé sans renoncer à sa praxis et à ses principes féministes.
Selon Maya Angelou :
S’engager dans une nouvelle voie est difficile, mais pas autant que de rester dans une situation qui ne permet pas à la femme de s’épanouir pleinement.
Helen Keller a dit :
Les plus belles et les meilleures choses du monde ne sont ni visibles ni même tangibles. C’est avec le cœur qu’on les perçoit.
Le cœur que je porte vient de la Conférence des parlementaires de la région arctique. Même s’il aide à garder mes vêtements en place, vous l’emporterez aujourd’hui parce que c’est un objet qui vient du Labrador et qui a été fait à la main en peau de phoque. J’espère qu’il vous rappellera à quel point vous avez une place dans nos cœurs au Sénat, que vous y siégiez ou non.
Je termine mes discours dans cette enceinte en trois langues — merci, thank you, meegwetch — que vous avez également employées aujourd’hui dans votre discours. La sénatrice McCallum m’a expliqué le sens du terme chi meegwetch. Oui, ce terme veut dire merci, mais il communique également, dans cette expression de gratitude, un engagement à transmettre ce que l’on a reçu en le donnant à d’autres, et c’est ce que je vous dis, Frances, en terminant aujourd’hui. Chi meegwetch à une femme forte et extraordinaire.