
Projet de loi interdisant la promotion des boissons alcooliques
Deuxième lecture--Ajournement du débat
5 décembre 2024
Propose que le projet de loi S-290, Loi visant à interdire la promotion des boissons alcooliques, soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet d’un projet de loi simple, le projet de loi S-290, Loi visant à interdire la promotion des boissons alcooliques.
Il s’agit d’un projet de loi qui traite de santé publique. Nous savons tous les coûts énormes que représentent les soins de santé dans ce pays. Le projet de loi concerne la santé globale des Canadiens. Il vise à opérer un changement générationnel, un changement pour le mieux. Je vous demanderais de garder ce principe en tête — celui d’un changement générationnel en matière de santé publique — pendant les prochaines minutes, alors que je vous expliquerai les raisons qui sous-tendent le projet de loi S-290.
Avant de continuer, je tiens à remercier les nombreux chercheurs en santé dévoués qui ont contribué à l’élaboration de ce projet de loi, y compris le Dr Adam Sherk, du Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances, et tous les membres de l’Institut canadien de recherche sur l’usage de substances de l’Université de Victoria. De plus, mon bureau doit beaucoup à la Communauté de pratique de l’évaluation des politiques canadiennes sur l’alcool, également connue sous le nom de CAPE. Ce groupe interdisciplinaire de décideurs, de praticiens et de personnes ayant une expérience vécue continue d’être une source d’inspiration, de soutien et de connaissances en matière de politiques, alors que nous travaillons à réduire les dommages causés par l’alcool au Canada. J’adresse des remerciements tout particuliers à la coordonnatrice de projet, Tina Price, pour son leadership.
Chers collègues, l’industrie de l’alcool bénéficie d’un passe-droit depuis bien trop longtemps. Les dégâts causés par leurs produits addictifs et cancérogènes coûtent plus cher à la société que le tabac. Pourtant, le Canada a interdit la publicité pour les produits du tabac en 1989. C’était il y a 35 ans. Les compagnies de tabac se sont battues bec et ongles pour maintenir leurs publicités au premier plan. L’industrie de l’alcool ne fait rien de moins. Elles sont très bien financées et elles tentent désespérément de garder le public dans l’ignorance.
Lorsque j’ai présenté le projet de loi S-254, qui exigeait de mettre des avertissements sur les risques de cancer sur les contenants de boissons alcoolisées, les sénateurs étaient favorables à son renvoi en comité. Au moment des débats, certains sénateurs ont longuement souligné la multitude de dommages autres que le cancer causés par la consommation d’alcool et se demandaient si l’énumération de tous ces dommages ne prendrait pas tout l’espace sur l’étiquette. En effet, la liste des préjudices établis liés à l’alcool est indiscutablement longue. Si je devais tous les énumérer maintenant, je dépasserais mon temps de parole de plusieurs heures. Je vais donc me contenter d’en souligner quelques-uns.
L’alcool est une substance cancérogène de classe 1. Il est la substance psychoactive la plus consommée au Canada. À l’échelle mondiale, il cause six décès par minute, soit trois millions de décès par année. L’alcool contribue à plus de 200 affections et complications.
Honorables sénateurs, il est 19 heures. Conformément à l’article 3-3(1) du Règlement, je suis obligée de quitter le fauteuil jusqu’à 20 heures, moment où nous reprendrons nos travaux, à moins que vous souhaitiez ne pas tenir compte de l’heure.
Vous plaît-il, honorables sénateurs, de ne pas tenir compte de l’heure?
Des voix : D’accord.
Des voix : Non.
Son Honneur la Présidente : J’ai entendu un « non ».
Honorables sénateurs, le consentement n’a pas été accordé. Par conséquent, la séance est suspendue, et je quitterai le fauteuil jusqu’à 20 heures.
L’alcool, un cancérogène de classe 1, est la substance psychoactive la plus consommée au Canada. À l’échelle mondiale, il cause six décès par minute, soit trois millions de décès par an. L’alcool contribue à plus de 200 maladies et légions traumatiques ou autres états pathologiques et est l’une des principales causes de décès évitables. Dans le monde entier, l’alcool est responsable de 18 % des suicides. Au Canada, ce chiffre est encore plus élevé. Environ 20 % à 30 % des décès par suicide impliquent la consommation d’alcool.
Selon l’Agence de la santé publique du Canada, « dans presque la moitié des cas observés de violence et d’agression, la consommation d’alcool par l’agresseur est impliquée ».
Il n’existe aucune quantité d’alcool médicalement sûre à consommer lors d’une tentative de grossesse ou pendant l’allaitement. L’alcool est indiscutablement toxique pour les fœtus. Ses effets, comme les fausses couches et le trouble du spectre de l’alcoolisation fœtale, sont imprévisibles et irréversibles. D’autres risques particuliers aux femmes incluent des niveaux élevés d’alcool dans le sang, une intoxication rapide et un risque accru de cancer du sein et de lésions hépatiques.
Pour les hommes, les données montrent qu’ils sont plus susceptibles d’être impliqués dans des collisions lorsqu’ils conduisent sous l’effet de l’alcool, d’être hospitalisés pour des urgences médicales liées à l’alcool et d’être diagnostiqués avec un trouble lié à l’alcool. Ils sont également plus susceptibles de mourir de causes liées à l’alcool.
Pour les jeunes, l’alcool est un facteur de risque comportemental majeur pour la mort et les problèmes sociaux. Ils sont plus susceptibles de boire de l’alcool avec excès que d’autres groupes, ce qui augmente les risques de blessures, d’agression, de violence en général, de violence conjugale et de déclin des performances scolaires. La consommation d’alcool chez les jeunes entraîne également un risque accru de conséquences négatives en raison d’une plus grande impulsivité, d’une maturité émotionnelle moindre, d’une faible masse corporelle et de la vitesse de conduite plus élevée qui caractérise ce groupe.
Vous serez sans doute intéressés de savoir qu’une étude a révélé qu’approximativement la moitié des élèves canadiens de la 7e à la 12e année avaient consommé de l’alcool en 2021 et 2022, avec un âge moyen de 13 ans pour la première consommation.
Comme l’indiquait le Journal of Epidemiology and Global Health, des études longitudinales récentes montrent que les jeunes ayant un niveau plus élevé d’exposition à la publicité sont plus susceptibles de commencer à consommer de l’alcool, et aussi de le consommer de manière nuisible.
Ce même journal indiquait également que l’industrie de l’alcool utilise de nouvelles tactiques de marketing furtif, comme les placements de produits, la création de nouveaux profils médiatiques, les canaux, les noms de marques et les conceptions graphiques ou les slogans, pour faire en sorte que ces éléments numériques ressemblent de près à l’identité de marque de l’alcool.
De même, les influenceurs sociaux influencent de manière considérable les décisions d’achat.
Comme vous le savez d’après notre discussion sur le projet de loi S-254, il existe un lien causal direct établi entre la consommation d’alcool et au moins sept types de cancers mortels connus.
Les maladies du cœur sont la deuxième cause de mortalité au Canada, après le cancer. Il est remarquable, Votre Honneur, que les ventes de vin rouge continuent de bénéficier d’une croyance qui a pourtant été totalement démentie, à savoir qu’il serait bénéfique pour la santé. Contrairement à ce qu’affirme la mythologie moderne, la consommation de vin rouge ne diminue pas, absolument pas, le risque de cardiopathie ischémique. C’est important de le souligner, car de nombreux Canadiens soucieux de leur santé croient encore ce mythe et boivent du vin rouge en pensant que c’est bon pour leur santé.
Du fait de cette image positive, d’autres personnes, qui sont très nombreuses, s’autorisent un premier verre — pour leur santé, bien sûr —, sauf qu’elles sont ensuite incapables d’arrêter. Pourquoi? Ce n’est pas parce qu’il s’agit de mauvaises personnes, mais parce que cette substance crée une dépendance. Elle entraîne une dépendance physique.
L’Association canadienne pour la santé mentale souligne que la dépendance physique a pour effet d’accroître la tolérance à cette drogue; il faut donc en consommer de plus en plus pour obtenir le même effet.
Une fois la dépendance installée, il peut être mortel de mettre fin à sa consommation sans supervision médicale. Parmi les possibles symptômes de sevrage figurent l’insomnie, les tremblements, la nausée et les convulsions. Les personnes dans un tel état peuvent être aux prises avec des hallucinations, de la confusion et de la fièvre et avoir le cœur qui s’emballe, ce qui, en l’absence de traitement, peut être mortel.
Je pourrais continuer encore longtemps, Votre Honneur. Le public peut facilement trouver des renseignements à ce sujet. Cela dit, les sénateurs qui souhaiteraient obtenir plus de données peuvent évidemment communiquer avec mon bureau. Nous leur fournirons tout ce dont ils ont besoin.
Lorsque nous parlons de restreindre la publicité sur l’alcool, certains peuvent penser qu’une telle chose est impossible, compte tenu de l’argent que les gouvernements gagnent sur les ventes d’alcool.
Pour ceux qui n’en ont jamais entendu parler, j’aimerais expliquer le concept du déficit associé à l’alcool au Canada. Un tel déficit se produit lorsque les recettes que le gouvernement perçoit grâce à la vente d’alcool et aux taxes sur ces ventes ne suffisent pas à compenser les coûts qu’il assume pour tenter de réparer les dommages que la consommation d’alcool cause à la société.
M. Adam Sherk écrit ceci dans le Journal of Studies on Alcohol and Drugs :
Au Canada, en 2020, les gouvernements ont engrangé des recettes 13,3 milliards de dollars canadiens grâce aux ventes d’alcool, mais ce montant a été contrebalancé par 19,7 milliards de dollars de coûts sociaux attribuables à la consommation d’alcool. Ce « déficit associé à l’alcool » a augmenté de 122 % en dollars réels au cours de la période étudiée, atteignant un sommet de 6,4 milliards de dollars en 2020 […]
Au cas où ce ne serait pas clair, permettez-moi de formuler autrement mon explication : les gouvernements — qu’ils soient provinciaux, territoriaux ou fédéraux — dépensent beaucoup plus d’argent pour lutter contre les méfaits de l’alcool qu’ils n’en perçoivent en recettes. La poursuite de cette mascarade va à l’encontre du bon sens économique.
Lorsque nous parlons de l’argent du gouvernement, nous parlons en fait de l’argent des contribuables. Alors, soyons bien clairs, ce sont les contribuables qui paient pour remédier aux problèmes de santé, à la perte de productivité et aux problèmes de justice pénale causés par les méfaits de l’alcool.
Les contribuables doivent assumer tous les coûts liés aux méfaits de l’alcool, tels que les hospitalisations, les interventions chirurgicales d’un jour, les visites aux urgences, les services ambulanciers, les traitements spécialisés, le temps des médecins et les médicaments sur ordonnance.
Les contribuables paient également pour la perte de productivité liée aux décès prématurés, à l’invalidité de longue durée et à l’invalidité de courte durée qui provoque de l’absentéisme et une diminution des performances au travail.
Les contribuables paient des sommes astronomiques pour la justice pénale, c’est-à-dire le maintien de l’ordre, les tribunaux, les services correctionnels et l’application des lois sur la conduite en état d’ébriété.
Les contribuables financent également la recherche et les programmes de prévention et paient pour les dommages causés par les incendies, pour les dommages causés aux véhicules automobiles et pour les tests de dépistage des drogues sur les lieux de travail.
Les lobbyistes de l’industrie de l’alcool, grassement rémunérés, invoqueront tous les arguments possibles pour empêcher la modification des lois relatives à la publicité sur l’alcool. Il s’agit des mêmes arguments tristes et fallacieux que ceux qui ont été utilisés par l’industrie du tabac il y a environ 25 ans. Tout comme l’industrie du tabac s’est battue contre l’interdiction de la publicité en affirmant qu’elle la privait de sa liberté d’expression, l’industrie de l’alcool fera exactement la même chose.
Dans le cas du tabac, la Cour suprême du Canada a estimé que l’objectif de santé publique justifiant les restrictions concernant la publicité sur le tabac était plus important que « l’expression commerciale de faible valeur » de l’industrie. Quand nous disposons d’une quantité encore plus grande de données solides et sans équivoque sur les méfaits de l’alcool, nous pouvons raisonnablement nous attendre au même résultat.
Certains législateurs bien intentionnés, sous l’influence de l’industrie, répliqueront que le gouvernement ne devrait pas se montrer aussi autoritaire. Ces personnes pensent que les gouvernements devraient se contenter de diffuser des messages d’intérêt public sur les méfaits de l’alcool. Malheureusement, il s’agit là d’une attitude naïve. Comme l’a fait remarquer Santé publique Ontario, lorsqu’il s’agit d’envoyer des messages au public, les gouvernements ne peuvent pas rivaliser avec la sophistication et l’ampleur des moyens de l’industrie.
Pour chaque dollar de publicité que les gouvernements sont en mesure de dépenser, l’industrie en dépensera des milliers de plus. Les contre-mesures en matière de relations publiques, comme les messages d’intérêt public, sont nécessaires, mais insuffisantes. Elles sont une bonne idée et peuvent effectivement jouer un rôle, mais elles sont insuffisantes à elles seules.
Selon Santé publique Ontario, il est :
[...] peu probable que le secteur public dispose des ressources substantielles nécessaires pour promouvoir et maintenir le même niveau de messages sur la santé.
L’Organisation mondiale de la santé recommande d’interdire totalement la publicité sur l’alcool. Comme elle le dit :
Les interdictions et les restrictions générales visant la publicité, les commandites et la promotion de l’alcool sont des mesures efficaces et économiques. L’adoption et l’application de dispositions interdisant ou restreignant la publicité dans le monde numérique auront des effets bénéfiques sur la santé publique et protégeront les enfants, les adolescents et les abstinents contre l’influence de ceux qui voudraient leur faire consommer de l’alcool.
L’Organisation ajoute ce qui suit sur un ton plutôt « sec », si vous me permettez l’expression :
Les producteurs d’alcool, les détaillants et le secteur de la commercialisation sont normalement consultés lorsque le gouvernement apporte des changements à la réglementation et aux pratiques de commercialisation de l’alcool. Cependant, les documents publiés indiquent qu’en général, ces organismes de l’industrie ne sont pas favorables au resserrement des dispositions législatives sur les pratiques de commercialisation.
De même, Votre Honneur, le Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances nous dit ceci:
[...] il apparaît urgent de revoir les règlements canadiens sur la promotion et la publicité de l’alcool ainsi que l’application de ces règlements.
Votre Honneur, ce que propose ce projet de loi est simple. C’est logique. Il est insensé de restreindre la publicité sur un agent cancérigène mortel et toxicomanogène du groupe 1 tout en autorisant la prolifération de la publicité d’un autre agent cancérigène mortel et toxicomanogène du groupe 1.
Le projet de loi S-290 est calqué sur la Loi sur le tabac et les produits de vapotage et la Loi sur le cannabis. Je ne suggère rien de radical ou de farfelu. On ne réinvente pas la roue. Ce sont l’industrie de l’alcool et ses facilitateurs qui font bande à part. On leur a accordé beaucoup plus de latitude qu’aux industries du tabac ou du cannabis, et ce, sans raison logique claire. Il n’est pas cohérent d’accorder aux promoteurs de l’alcool de grandes libertés qui sont refusées aux industries du tabac et du cannabis. Nous pouvons peut-être comprendre pourquoi les gens d’une autre époque ont rechigné à l’idée de modifier ainsi le libre marché.
Cependant, Votre Honneur, la question se pose à nouveau. Les données sont là. Les recherches ont été menées, et elles sont concluantes. Les coûts économiques et sociaux dépassent largement les revenus engrangés par les gouvernements. Pour ceux qui aiment les chiffres fiables et détaillés, prenons comme exemple les données de 2020 pour l’Ontario : les Ontariens ont consommé l’équivalent de 457 consommations standard par personne âgée de 15 ans et plus. Cette consommation a été la cause directe de 6 202 décès, de 38 043 années de vie productive perdues et de 319 580 admissions à l’hôpital. Cette année-là, les recettes de l’Ontario provenant de la vente d’alcool ont été de 5 162 milliards de dollars. Le coût économique pour nettoyer ce gâchis a été de 7 109 milliards de dollars. Donc, cette année-là, le déficit de l’Ontario en matière d’alcool s’est élevé à 1,9 milliard de dollars. C’est ahurissant.
Je vous rappelle que la situation est la même dans l’ensemble des provinces et des territoires, Votre Honneur. Il est temps d’y mettre un terme — non pas parce que je le dis, mais parce que les professionnels de la santé le disent. Nous avons les données et les recherches nécessaires. C’est maintenant aux législateurs de mettre en branle les changements qui transformeront une génération.
L’industrie se vantera des bonnes actions qu’elle fait en tant que commanditaire des arts, des sports et de projets communautaires environnementaux. Même si les efforts de l’industrie sont souvent bien intentionnés, les chercheurs ont constaté que cette bonne volonté est absente de certaines de ses activités. Prenons l’exemple du lien de causalité entre la consommation d’alcool et des cancers mortels. Le chercheur Mark Petticrew a constaté que l’industrie de l’alcool trompe le public sur les risques de cancer liés à son produit et utilise, pour ce faire, des tactiques éprouvées : le déni et l’omission, la distorsion et la diversion. Les représentants de l’industrie nient ou contestent le lien entre l’alcool et le cancer; ils déforment et minimisent les risques de cancer; ils détournent l’attention des effets indépendants de l’alcool et pointent plutôt vers un large éventail d’autres facteurs de risque et d’autres causes de maladie.
Si nous renforçons la réglementation concernant la publicité, le marketing et la promotion dans un domaine particulier, l’industrie transfère tout simplement ses fonds vers un autre domaine. Dans ce monde globalisé, numérisé et interconnecté, elle a toujours une longueur d’avance. C’est pourquoi il est nécessaire d’imposer des restrictions importantes, comme c’est le cas pour le tabac et le cannabis.
Votre Honneur, nous avons fait front commun contre l’industrie du tabac. Nous avions raison de le faire, et nous avons raison d’en faire autant dans le cas présent. Compte tenu de la montagne de données, peu importe le point de vue que l’on adopte, il est irrationnel de continuer d’accorder ainsi un passe-droit à une substance qui peut entraîner une dépendance et qui est cancérogène et psychoactive. Pour l’amélioration de la santé publique des Canadiens de la génération actuelle et des générations à venir, mettons fin à cette ère de promotion trop permissive des boissons alcooliques. Faisons les choses comme il se doit.
Je vous remercie pour le temps que vous m’avez accordé. Meegwetch.
Sénateur Brazeau, acceptez-vous de répondre à une question?
Oui.
Sénateur Brazeau, je vous remercie de votre discours. On constate une normalisation de l’abus d’alcool parmi les femmes, en particulier sur les médias sociaux. De quelle manière ce projet de loi pourrait-il inverser cette tendance?
Merci pour cette question très importante, sénatrice Osler. Prenons l’exemple du tabac. Depuis que nous avons mis fin à la promotion des produits du tabac il y a 20 ans, le tabagisme a diminué d’environ 20 %.
Comme vous l’avez mentionné, l’alcool est largement accepté. De nombreuses faussetés au sujet de l’alcool sont propagées par l’industrie elle-même. Il faut commencer quelque part. J’ai constaté que le fait que j’aie présenté deux projets de loi sur l’alcool procure aux professionnels de la santé et aux experts une tribune où ils peuvent discuter sans crainte des incidences négatives de l’alcool. Étant donné que l’alcool est largement accepté dans la société, je crois que bon nombre d’entre eux hésitent peut-être à parler des incidences négatives avec leurs patients, par exemple.
Il faut commencer quelque part, et le meilleur moyen est d’interdire la promotion de l’alcool. Je vous garantis qu’en l’espace d’une génération, les temps d’attente dans les hôpitaux diminueraient, tout comme le nombre de suicides et de décès, entre autres. Il faut toutefois commencer quelque part.
En 1988, l’alcool a été classé dans le groupe 1 des agents cancérigènes. Dix élections fédérales ont eu lieu depuis. Si nous faisons comme les parlementaires avant nous, nous laisserons à une autre génération le soin d’intervenir et rien ne changera. La situation ne s’améliorera pas.
Une très bonne occasion s’offre à nous, mais pas uniquement cela. J’aurais espéré que ce projet de loi émane du gouvernement, mais il ne s’agit pas d’une mesure qui attire beaucoup la faveur des électeurs. Ce n’est pas une mesure qui lui fera gagner des votes. Je le comprends. Voilà pourquoi je crois que le Sénat a la parfaite occasion de montrer et de mettre en évidence ce qu’il peut faire dans l’intérêt des Canadiens.
Ici, nous parlons précisément de la santé des Canadiens et de l’idée d’améliorer — nous l’espérons — la vie de la prochaine génération de Canadiens. Cependant, il faut bien commencer quelque part, et nous espérons que ce projet servira de tremplin pour faire diminuer les statistiques de consommation d’alcool au Canada.
Sénateur Brazeau, accepteriez-vous de répondre à une autre question?
Oui.
Merci. Je veux juste donner suite aux observations que vous venez de faire. Je vous remercie également de votre exposé. Vous avez présenté des arguments très, très solides.
Pour ajouter à ce que vous avez dit, pendant de très nombreuses années, le gouvernement fédéral a joué un rôle très marquant dans la lutte contre le tabac, en légiférant et en réglementant l’emballage, la publicité et bien d’autres aspects. Ma question est la suivante : que vous ont dit les gouvernements concernés? Que sont-ils prêts à faire? Sont-ils enclins à agir? Je parle du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux, car ces derniers jouent également un rôle. Pouvez-vous décrire leur réaction?
Vous venez de laisser entendre qu’il ne s’agissait pas d’une mesure qui, du point de vue politique, fera gagner des votes. Or, au fil des ans, les gouvernements provinciaux ont aussi joué un rôle important dans la lutte contre le tabagisme. Ma question porte sur l’alcool, sur ce que les gouvernements ont dit, et sur ce qu’ils semblent prêts à faire. Merci.
Merci beaucoup de la question, sénatrice Dasko. Je siège ici en tant que sénateur indépendant. Je ne suis pas ici pour faire des gains politiques. Maintenant, pour répondre à votre question, quand j’ai présenté le projet de loi S-254, il y a environ deux ans, mon bureau a écrit à tous les partis politiques fédéraux pour leur demander quelles étaient leurs politiques concernant l’alcool. En résumé, personne ne m’a répondu jusqu’à présent.
J’ai rencontré l’ancienne ministre de la Santé mentale et des Dépendances il y a environ un an. Malheureusement, je n’ai pas pu poser une seule question sur le projet de loi S-254.
Pour répondre à votre question, comme je l’ai dit, ce n’est pas une idée qui fera gagner des votes en ce moment, mais si de plus en plus de Canadiens sont conscients des effets négatifs de l’alcool — qui est une drogue —, eh bien, cela deviendra un enjeu électoral. Je peux vous assurer qu’en étant mieux informés, des gens de partout au pays exerceront beaucoup plus de pression sur les élus pour qu’ils fassent quelque chose à cet égard. Les gouvernements provinciaux ont raison de dire que la vente d’alcool est importante et qu’elle rapporte de l’argent, mais les Canadiens doivent savoir qu’ils devront assumer toutes les conséquences négatives qui, trop souvent, sont passées sous silence.
Je vous remercie grandement de votre discours, sénateur Brazeau, et de votre défense de cette cause importante. En parlant d’idée qui fera gagner des votes, le gouvernement fédéral actuel semble penser que détaxer la bière et le vin, entre autres, pendant deux mois lui permettra de gagner des votes. Ce congé de TPS temporaire entrera en vigueur le 14 décembre, et il devrait prendre fin vers la mi-février. Par conséquent, comme je l’ai mentionné l’autre jour ici, cette période englobe le mois de janvier sans alcool, moment où bien des personnes essaient d’inciter les autres à arrêter de boire et à réduire considérablement leur consommation d’alcool pour les raisons de santé que vous avez évoquées si éloquemment aujourd’hui. Que pensez-vous du fait que le gouvernement fédéral a décidé d’inclure la bière et le vin, mais pas un certain nombre d’autres produits essentiels, dans ce congé de TPS?
Merci de votre question. Je pense qu’il va sans dire que je ne suis absolument pas favorable à un congé de TPS sur l’alcool. On dirait qu’ils ont pris exemple sur Doug Ford en ce qui concerne l’alcool. Le gouvernement est libéral et, en Ontario, il est conservateur, mais comme je l’ai dit, je ne fais pas cela pour des raisons politiques. Tout ce que je dis, c’est qu’il est temps que tous les partis politiques prennent cette question au sérieux, car elle affecte directement la vie de nombreuses personnes. Où sont les leaders des saines finances publiques du Canada? Nous parlons ici de déficits. Je m’en tiendrai à cela. Merci.
C’est une très bonne remarque que vous avez faite sur les déficits et les coûts liés à l’enjeu que vous avez soulevé. Je sais que vous n’aviez qu’un certain temps pour faire ce discours, mais vous avez couvert beaucoup de choses. Vous avez parlé de la dépendance à l’alcool, mais peut-être pourriez-vous parler du fait que cette dépendance peut être associée à d’autres types de dépendances. Parfois, les gens sont dépendants d’autres substances ou comportements et l’alcool devient l’un des facteurs dans ce cercle vicieux. Comme la consommation d’alcool est largement acceptée dans la société, elle peut aggraver les difficultés auxquelles les gens se heurtent. Pouvez-vous nous en dire plus là‑dessus?
Je ne peux bien entendu pas parler au nom de tout le monde; c’est au cas par cas. Cependant, pour parler de ma propre expérience, l’alcool était la principale substance, et d’autres substances s’y ajoutaient, parce que, comme je l’ai dit dans mon discours, on acquiert une tolérance à l’alcool. Une fois que l’on a acquis cette tolérance, il en faut plus pour obtenir le même effet. Comme je l’ai dit, en ce qui me concerne, l’alcool était la principale substance, puis il y a d’autres substances qui s’ajoutent.
Fumer du tabac est légal au Canada, mais on n’en fait pas la promotion ni la publicité; c’est la même chose pour le cannabis. Par conséquent, la vraie question qu’il faut poser est celle-ci : pourquoi les entreprises qui produisent de l’alcool et l’industrie de l’alcool ont-elles un passe-droit? Si quelqu’un pouvait me donner une réponse à cette question, je serais peut-être satisfait. Toutefois, je n’ai encore rencontré personne qui m’ait donné une réponse qui mérite que je m’y attarde.
L’honorable sénateur accepterait-il de répondre à une question?
Oui.
Vous avez parlé de l’alcool, du tabac et du cannabis. Vous savez que j’ai récemment présenté un projet de loi, le projet de loi S-269, qui vise à mettre un frein à la publicité. Il ne vise pas le même objectif, mais le moment choisi est très semblable. Nous aurions aimé envisager une interdiction totale de la publicité. Nous avons aussi fait des recherches poussées sur le seuil fixé historiquement par la Cour suprême en ce qui a trait à l’alcool, mais aussi sur les contestations à la Cour suprême concernant l’alcool et le cannabis.
Bien sûr, je surveille le dossier de près, parce que si l’alcool peut être ou est reconnu, la demande d’interdiction totale de la publicité pourra être présentée rapidement.
Par conséquent, je me demande si vous voulez nous dire ce que vous en pensez, puisque les deux sont liés. Nous avons passé des mois à apprendre par quoi le tabac est passé dans les années 1980 et 1990, et nous avons en quelque sorte classé cela dans la catégorie « alcool et cannabis ». Sous cet angle, je me demande ce que vous en pensez.
Eh bien, à mon avis, selon ma propre expérience, l’alcool est le nouveau tabac, mais j’irai même plus loin. Comme je l’ai mentionné dans mes observations, les effets négatifs de l’alcool dépassent de loin les effets négatifs de la plupart des autres substances réunies. C’est pourquoi il faut interdire totalement leur publicité au Canada, tout comme nous l’avons fait pour les produits du tabac.