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Projet de loi sur des mesures en réponse à la COVID-19

Troisième lecture

2 octobre 2020


Propose que le projet de loi C-4, Loi relative à certaines mesures en réponse à la COVID-19, soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, c’est un privilège de prendre brièvement la parole à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-4, Loi relative à certaines mesures en réponse à la COVID-19.

Je voudrais d’abord remercier les ministres Qualtrough et Freeland d’être venues témoigner hier devant le comité plénier. Elles ont répondu à des questions pertinentes et parfois difficiles concernant le projet de loi et vous conviendrez avec moi, j’en suis sûr, que leur présence nous a été fort utile.

Ensuite, je veux revenir sur certains points très importants soulevés hier par ma collègue la sénatrice Martin. Il est important que nous comprenions bien ce qu’on nous demande d’approuver, surtout dans ce cas-ci, où il faut procéder rondement. Évidemment, c’est d’abord et avant tout la responsabilité des parrains et des porte-parole.

D’abord, la sénatrice Martin voulait avoir des précisions concernant le coût total lié au projet de loi C-4. La sénatrice Martin et moi pouvons confirmer que nous avons tous deux vérifié de façon indépendante les sommes présentées dans mon discours d’hier. Le coût des nouvelles prestations, la Prestation canadienne de relance économique, la Prestation canadienne de maladie pour la relance économique et la Prestation canadienne de relance économique pour les proches aidants, totalise 24 milliards de dollars.

De plus, les paiements prévus aux termes de la Loi sur les paiements relatifs aux événements de santé publique d’intérêt national totaliseront 17,14 milliards de dollars au 31 décembre 2020. C’est donc dire que les deux montants amenés par l’adoption du projet de loi C-4 totaliseront 41 milliards de dollars.

Les 10,2 milliards de dollars relatifs à l’assurance-emploi dont a parlé la ministre des Finances hier ne sont pas inclus dans le projet de loi à l’étude, puisqu’ils ont déjà été approuvés au moyen d’un arrêté d’urgence.

La sénatrice Martin a aussi posé une question concernant l’objectif de l’article 41 du projet de loi C-4, qui accorderait à l’Agence du revenu du Canada les sommes dont elle a besoin pour appliquer la loi et en contrôler l’application jusqu’au 31 mars 2024. Nous sommes en mesure de confirmer que cette autorisation de dépenser est conforme à l’article 36(b) du projet de loi C-4, qui accorde un délai de trois ans pour des poursuites engagées en lien avec les infractions prévues dans la loi; c’est à cela que servirait le financement dont il est question à l’article 41.

Sénatrice Martin, je vous remercie d’avoir soulevé ces questions et d’avoir collaboré avec moi pour y trouver des réponses.

Les modifications corrélatives de l’impôt sont souvent compliquées et elles ont tendance à semer la confusion dans notre esprit. Ainsi, brièvement, pour que nous puissions tous comprendre, je tiens à vous dire qu’après l’article 41, l’article 42 précise que les remboursements sont non imposables, l’article 43 traite des échanges de renseignements entre les ministères, comme l’Agence du revenu du Canada et Emploi et Développement social Canada. Quant à l’article 44, il concerne la retenue sur les paiements versés sous forme d’une somme forfaitaire, retenue qui devrait être de 10 %.

Honorables sénateurs, nous nous heurtons à une multitude de difficultés lorsque nous cherchons des solutions pour contribuer efficacement au Parlement en ces temps très difficiles. Le préavis de motion d’aujourd’hui, au sujet des séances hybrides, est une bonne nouvelle que nous accueillons tous avec joie.

J’ai écouté hier la grande variété de points de vue exprimés par des sénateurs de diverses régions, de divers milieux et de différents horizons politiques. Ces interventions étaient très impressionnantes, et je me suis senti, une fois de plus, très fier d’avoir la chance de siéger au Sénat. Cela m’a amené à réfléchir à toute l’influence que nous pourrions exercer à propos d’enjeux et de possibilités cruciaux pour les Canadiens si nous entreprenions d’y travailler ensemble. Beaucoup de nobles propositions ont été soumises en cette enceinte.

Le sénateur Harder a abordé la question de la création de richesse et de ce que nous pourrions faire pour accélérer la croissance économique et mieux harmoniser les rôles et les responsabilités au sein de notre fédération. Ces deux éléments vont évidemment de pair.

La sénatrice Bellemare a souligné qu’il est important de développer le marché du travail, particulièrement à l’intention des jeunes. Nous l’en remercions.

La sénatrice Pate a soulevé des enjeux sérieux et cruciaux liés à la pauvreté, au racisme et à leur intersection. La ministre Qualtrough a réagi de façon relativement positive, ce qui nous a tous réjouis, je crois.

Alors que nous continuons de composer avec les restrictions qu’impose la COVID-19, je remercie tous les sénateurs qui étaient avec nous sur place hier et aujourd’hui, tous ceux qui ont employé diverses méthodes pour participer aux travaux à distance, et les nombreuses personnes qui, à l’intérieur comme à l’extérieur du Sénat, nous offrent le soutien dont nous avons besoin pour faire notre travail.

Honorables collègues, il s’agit possiblement de la pire crise sanitaire et économique de notre génération, mais elle ne durera pas éternellement. Les Canadiens vont venir à bout de ces temps difficiles et ils le feront en travaillant ensemble. Personne ici ne veut que ses concitoyens soient victimes d’une maladie ou pire, ou se mettent en danger et prolongent ainsi toute possibilité de reprise économique.

Nous traversons une période hors de l’ordinaire, c’est le moins qu’on puisse dire. Au cours des hauts et des bas de la pandémie, tous les ordres de gouvernement sont obligés de prendre des décisions rapidement afin de protéger leurs villages, leurs villes, leur province et le pays. Le Sénat n’est pas exempt de la nécessité d’agir rapidement, et certainement pas de la responsabilité d’agir avec diligence. Je pense que nous aurons trouvé le meilleur équilibre possible en travaillant sur la question cette semaine.

L’adoption du projet de loi C-4 est nécessaire pour assurer la santé et la sécurité de tous les Canadiens, ainsi que leur sécurité de revenu et leurs moyens de subsistance. Elle est également nécessaire pour les entreprises qui sont les moteurs de l’économie.

Joignons-nous à nos collègues de l’autre endroit pour appuyer ce projet de loi crucial. Merci. Meegwetch.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) [ + ]

Honorables sénateurs, je remercie le sénateur Dean de ses réponses à mes questions, et je suis reconnaissante de pouvoir travailler avec lui pour apporter des précisions au Sénat. Comme il l’a mentionné, nous sommes à l’étape de la troisième lecture, et il est très important pour notre pays et pour le travail que nous faisons en tant que sénateurs d’agir de façon responsable et d’expliquer clairement ce que nous approuvons.

Ma déclaration d’aujourd’hui est un peu plus longue que celle d’hier, mais j’espère que vous me permettrez de faire une analyse plus approfondie en tant que porte-parole.

Je souhaite prendre la parole aujourd’hui, honorables collègues, au sujet du projet de loi C-4, Loi relative à certaines mesures en réponse à la COVID-19, officiellement présenté comme la Loi relative à la relance économique en réponse à la COVID-19.

Tout comme le parrain au Sénat, je tiens à remercier les sénateurs des efforts qu’ils ont faits en participant à notre comité plénier ainsi qu’aux débats d’hier et d’aujourd’hui. Je sais que chacun d’entre nous consacre beaucoup de temps à nos délibérations. J’aurais aimé que ce projet de loi puisse être étudié en comité. Nous avons fait une étude en comité plénier, mais le temps était limité. Deux heures, deux heures et demie, voire trois ou quatre heures, cela peut sembler beaucoup, mais nous sommes nombreux, et nous n’avons pas obtenu de réponse à des questions concernant certaines régions en particulier. Nous voici donc à l’étape de la troisième lecture.

Le projet de loi dont nous sommes saisis est la sixième mesure législative qui porte sur la pandémie de COVID-19. Cependant, il s’agit du premier projet de loi qui laisse entendre que nous nous concentrons maintenant sur la relance. Après tout, la partie 1 édicte la Loi sur les prestations canadiennes de relance économique. Le mot « relance » est inclus dans le nom de toutes les prestations. Je ne doute pas que nous serions tous heureux si la situation n’exigeait plus de prestations d’urgence, mais plutôt des prestations de relance. Toutefois, cette évaluation me semble quelque peu exagérée alors qu’il y a encore 1,1 million de personnes qui sont sans emploi au Canada à cause de la pandémie et que de nombreuses entreprises ne sont pas rouvertes ou sont sur le point de fermer leurs portes.

Il y a quelques semaines à peine, Restaurants Canada, un groupe de pression représentant 30 000 entreprises, a prévenu le gouvernement fédéral que plus de la moitié des restaurants risquaient de fermer leurs portes dans les trois prochains mois à cause des bouleversements économiques entraînés par la pandémie. Le groupe estime que 10 % des entreprises de services alimentaires ont dû fermer définitivement leurs portes à la suite des répercussions de la COVID-19.

D’après un sondage que la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante a mené auprès de ses membres, 3 % des entreprises qui fonctionnent toujours s’attendent à fermer définitivement leurs portes à cause de la COVID-19 et 9 % pensent qu’elles ne s’en remettront jamais complètement.

En juillet, Statistique Canada a rapporté que 19,3 % des entreprises ont indiqué pouvoir poursuivre leurs activités à leur niveau actuel de revenus et de dépenses pendant moins de six mois avant de devoir envisager d’autres mesures relatives au personnel, la fermeture ou la faillite.

Le programme inefficace qu’est l’Aide d’urgence du Canada pour le loyer commercial est maintenant arrivé à échéance, et le gouvernement n’a aucun plan pour aider les petites entreprises et leurs employés à traverser la deuxième vague de la pandémie. Le programme aurait dû permettre de verser des prestations aux petites entreprises pour les aider à payer leur loyer, mais la majorité d’entre elles n’y ont jamais été admissibles parce que le propriétaire devait accepter d’assumer 25 % du loyer. Je sympathise aussi avec les propriétaires, car ils ont eux aussi des factures à payer. Le gouvernement n’a jamais trouvé de solution à cette situation extrêmement difficile.

Honorables sénateurs, j’admire l’optimisme du gouvernement lorsqu’il parle de prestations de relance économique, mais je ne suis pas d’accord avec lui. Il y a de nombreuses entreprises et familles dans l’ensemble du pays, notamment des dizaines de milliers de Canadiens dans les industries de la chasse, de la pêche et des pourvoiries, comme nous l’a indiqué le sénateur Mockler dans sa question, et des artistes, pour ne nommer que ceux-là, qui ne partagent pas l’optimisme du premier ministre. Il s’agit certainement de prestations d’urgence — et non pas des prestations de relance économique — qui sont toujours très nécessaires en raison des conséquences terribles de la COVID-19 sur le Canada, qui ont été aggravées à cause de la mauvaise gestion du gouvernement.

La solide relance du Canada dépend de la réussite des petites entreprises, qui sont l’épine dorsale de l’économie. Au Canada, les petites entreprises, tant les entreprises familiales que les entreprises comptant jusqu’à 99 employés, représentent plus de 97 % de toutes les entreprises créatrices d’emplois. Leur survie est essentielle à la relance économique, mais les chiffres qu’on nous a donnés et que je vous ai présentés indiquent le contraire. Dans la région métropolitaine de Vancouver, où je vis, j’ai vu beaucoup d’entreprises fermées. Je connais moi-même des entrepreneurs qui sont sur le point de fermer leurs portes.

Honorables sénateurs, comme vous le savez, la date d’expiration de la Prestation canadienne d’urgence est arrivée. Le gouvernement nous a dit que 2,8 millions de prestataires sont en train de passer au régime d’assurance-emploi. Le projet de loi C-4 permettra de verser trois nouvelles prestations en plus du soutien fourni par le programme d’assurance-emploi.

Les conservateurs n’ont rien à redire sur la finalité de ces prestations d’urgence. Il s’agit de mesures cruciales en cette période tumultueuse. Étant donné que la Prestation canadienne d’urgence était un outil grossier, ces mesures supplémentaires se sont avérées nécessaires. Vous vous souviendrez peut-être que, à la suite de l’annonce de la création de la Prestation canadienne d’urgence, le Centre canadien de politiques alternatives avait estimé que le tiers des Canadiens au chômage se retrouveraient sans prestation d’assurance-emploi ni Prestation canadienne d’urgence. Les travailleurs à temps partiel, les travailleurs saisonniers et les travailleurs autonomes avaient tous été oubliés dans la première version. Puis, la Prestation canadienne d’urgence a donné lieu à toutes sortes d’histoires préoccupantes. Pensons notamment aux nombreux cas signalés de paiements reçus en double ou encore de demandes frauduleuses.

Le principal problème de ce programme est que le gouvernement n’a pas prévu de mesure pour inciter les bénéficiaires à retourner au travail une fois levé l’ordre de confinement. Par conséquent, la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante a déclaré en juillet que 20 % de ses membres avaient du mal à trouver des gens prêts à retourner au travail. Plus de la moitié ont cité le refus de leurs employés de perdre la Prestation canadienne d’urgence comme étant une raison majeure de la pénurie de main-d’œuvre. La province du Manitoba a même dû créer le Programme de reprise du travail du Manitoba, qui offrait aux gens un paiement pouvant aller jusqu’à 2 000 $ s’ils cessaient volontairement de percevoir la Prestation d’urgence canadienne et réintégraient le marché du travail. C’est peut-être bien la première fois de toute l’histoire que nous avons dû créer un programme gouvernemental pour amener les gens à renoncer à un autre programme gouvernemental.

L’un des grands défauts du gouvernement libéral actuel est son manque d’écoute. Tous les partis de l’opposition à la Chambre des communes ont exprimé leur frustration à maintes reprises, mais le gouvernement fonçait tête baissée, refusant unilatéralement de travailler dans un esprit de bonne entente et de collaboration, ce qui aurait permis d’offrir aux Canadiens les meilleures mesures de soutien possible pendant la pandémie. J’ai soulevé certaines de ces questions auprès du leader du gouvernement et des ministres qui ont comparu ici, surtout en ce qui a trait aux petites entreprises et aux microentreprises — les entreprises familiales.

Nous nous sommes retrouvés avec un ensemble sans cesse croissant de programmes gouvernementaux mal ciblés, plus coûteux et moins efficaces qu’ils auraient dû l’être. Les politiques étaient constamment remaniées, clarifiées et mises à jour et, comme cela vient de se produire, des mesures législatives n’ont jamais dépassé l’étape de la première lecture.

Ces trois nouveaux programmes constituent une amélioration qui est la bienvenue après la mauvaise gestion de la pandémie que nous avons constatée jusqu’ici de la part du gouvernement. Dommage qu’il ait fallu six mois pour y arriver. Ces programmes sont essentiels. Or, je m’inquiète de voir que le gouvernement semble penser que la reprise est déjà amorcée alors qu’on nous avertit que la deuxième vague est en train de nous frapper.

Dans l’allocution aux Canadiens qu’il a prononcée après le discours du Trône, le premier ministre l’a dit lui-même :

[...] la seconde vague ne fait pas que commencer, elle est déjà en cours.

Les chiffres sont clairs : le 13 mars, date à laquelle on est entrés en confinement, 47 nouveaux cas de COVID-19 avaient été signalés. Hier seulement, plus de 1 000 cas ont été signalés.

L’automne approche et il s’annonce bien pire que le printemps.

Si l’intention du premier ministre était de semer la confusion chez les Canadiens, il s’y est pris de la bonne façon. D’une part, le gouvernement veut faire croire aux Canadiens que les choses s’améliorent mais, d’autre part, le premier ministre nous dit que le pire est à venir. Je suppose que ce n’est guère surprenant, car c’est un signe que le gouvernement ne sait pas ce qu’il fait. Nous ne voyons pas de plan durable pour nous aider à traverser la pandémie, ni de plan financier pour que le Canada soit en bonne situation financière après la pandémie.

Au lieu de cela, nous semblons être en présence d’un gouvernement qui prend les dépenses gouvernementales pour des efforts de relance. Nous sommes en présence d’un premier ministre qui fait des déclarations spécieuses comme : « Nous avons assumé une dette pour que les Canadiens n’aient pas à le faire. » Que peut-il vouloir dire par là? Le premier ministre ne comprend-il pas que la dette publique doit être remboursée avec les fonds publics, lesquels proviennent de l’impôt sur les revenus durement gagnés par les Canadiens?

Le fait est que les contribuables devront rembourser chaque dollar emprunté par le gouvernement. Ce sont eux qui paieront les frais d’intérêt et s’acquitteront à terme du capital. Le gouvernement ne possède pas directement d’argent. L’argent qu’il détient provient des contribuables. Justin Trudeau ne rend service à personne lorsqu’il laisse entendre le contraire, et les dépenses déficitaires d’aujourd’hui deviendront demain la dette dont le fardeau incombera à nos enfants, à leurs enfants et à leurs petits-enfants.

Certes, les Canadiens qui ont perdu leur emploi ou leur revenu en raison de la mauvaise gestion gouvernementale de la pandémie ont besoin des prestations proposées dans le projet de loi à l’étude, mais ce dont ils ont encore plus besoin, c’est une meilleure gestion de la pandémie et une reprise économique responsable, deux choses que le gouvernement n’a pas su fournir.

Le deuxième avantage qu’offre le projet de loi, c’est la mise en place de la Prestation canadienne de maladie pour la relance économique. Lorsque le gouvernement juge nécessaire d’obliger les gens à ne pas se présenter au travail et à rester à la maison pour des raisons de santé publique, il est tout à fait logique qu’il leur offre les moyens de le faire. Toutefois, les communications du gouvernement au sujet de cette prestation prêtent parfois à confusion, c’est le moins que l’on puisse dire. Soyons donc bien clairs sur ce que la prestation comprend et sur ce qu’elle ne comprend pas.

Premièrement, il s’agit d’une prestation qui ne s’applique qu’aux absences liées à la COVID. Elle ne s’applique pas aux congés de maladie nécessaires pour d’autres raisons. Deuxièmement, elle ne peut être versée que pour une période de deux semaines. Une personne qui doit s’isoler plus d’une fois cette année n’aura pas droit à la prestation une deuxième fois. Il en ira de même pour la personne qui a la malchance d’être infectée à la COVID et qui a besoin de plus de deux semaines pour se remettre. Elle devra se débrouiller toute seule après deux semaines.

Troisièmement, cette prestation n’est pas permanente; elle disparaîtra après un an. Le projet de loi a été retardé à l’autre endroit parce que le gouvernement a dû négocier avec le NPD pour qu’il appuie le discours du Trône. Le NPD aurait voulu que la prestation s’applique à toutes les maladies, mais ce n’est pas le cas. Elle ne s’applique qu’à la COVID. Le NPD voulait que la prestation soit permanente; elle ne l’est pas. Elle n’est prévue que pour une période d’un an. Cette prestation va être utile à de nombreux Canadiens. Ce qui n’est pas utile c’est la façon dont le gouvernement réussit à semer la confusion avec presque chacune de ses annonces liées à la COVID.

La troisième prestation que ce projet de loi prévoit est la Prestation canadienne de relance économique pour les proches aidants. Certaines personnes se remettent au travail et doivent à nouveau prendre des congés parce que leur enfant a mal au ventre, une légère toux ou le nez qui coule et doit subir un test de dépistage de la COVID-19 avant de pouvoir retourner à l’école; il s’agit là d’un des grands défis posés par la pandémie. D’autres travailleurs ont des membres adultes de leur famille qui ont besoin de soins supervisés, mais leur unité de soins est fermée en raison de la pandémie. Ils n’ont alors pas d’autre choix que de s’absenter du travail pour s’occuper de ce proche malade. Ces situations sont extrêmement frustrantes et difficiles, tant pour les parents que pour les personnes qui s’occupent des enfants. Il convient que le gouvernement fournisse de l’aide aux personnes qui sont aux prises avec ces difficultés.

Je le répète, soyons clairs. Le premier ministre fait ces annonces comme si le gouvernement était là pour s’occuper de tous les problèmes, alors qu’en réalité, il s’agit de demi-mesures qui contribuent à atténuer les conséquences financières de la pandémie, mais qui ne les éliminent pas. Si un montant de 500 $ par semaine sur une période de 26 semaines peut sembler le pactole aux yeux d’un jeune de 15 ans qui n’a gagné que 5 000 $ l’année précédente, il n’en va pas de même pour la plupart des travailleurs canadiens.

Les Canadiens qui ont perdu leur emploi pendant la pandémie pour des raisons indépendantes de leur volonté ne cherchent pas la charité : ils veulent la certitude que procure un emploi. Les entreprises veulent pouvoir rouvrir leurs portes pour accueillir clients et employés. Voilà à quoi ressemble une véritable relance. Or, au lieu de faire preuve de leadership et de montrer clairement aux Canadiens la voie à suivre, le gouvernement a prorogé le Parlement, ce qui a soulevé beaucoup d’inquiétudes à propos de la date d’échéance des programmes, et il force les parlementaires, y compris les sénateurs, à expédier l’examen de ce projet de loi crucial.

Honorables sénateurs, le caucus conservateur appuie les programmes de soutien d’urgence prévus dans le projet de loi parce qu’il s’agit de mesures nécessaires, dont les Canadiens ont besoin de toute urgence. Ce qui n’a pas notre appui, par contre, c’est un gouvernement irresponsable sur le plan financier qui ne connaît rien à l’économie. Même en pleine pandémie, les Canadiens ont le droit de savoir comment ces programmes seront payés. Il est injustifiable de n’avoir ni budget ni plan financier. Ce sont les bases mêmes du gouvernement, et non des accessoires rutilants qu’on peut abandonner quand ils nous dérangent.

Je me soucie constamment du bien-être des générations futures, comme, j’en suis certaine, c’est le cas pour vous. À combien s’élèvera la dette publique dont ils devront s’acquitter? Quelles seront les conséquences sur les futurs taux d’imposition? Comment les décisions que nous prenons aujourd’hui affecteront-elles nos enfants et nos petits-enfants et leurs enfants? On nous avertit sans cesse que la population vieillit et que la main-d’œuvre n’évolue pas au même rythme, mais je ne suis pas convaincue que le gouvernement actuel prête attention à ces avertissements.

Permettez-moi de citer un rapport de l’Institut Fraser, qui est établi à Vancouver :

Les défis financiers du Canada vont bien au-delà de l’impact à court terme de la COVID-19. Le vieillissement de la population continuera d’exercer une pression à la hausse sur les finances fédérales et un nouveau déséquilibre structurel entre les recettes et les dépenses signifie que les déficits et la dette continueront probablement à augmenter pendant des décennies.

En raison d’un faible taux de croissance démographique et d’une espérance de vie de plus en plus longue, le pourcentage de la population dont l’âge est plus de 65 ans devrait passer à 25,6 % d’ici 2068. Cela nécessitera une hausse des dépenses dans les programmes de transfert de revenus aux personnes âgées comme la Sécurité de la vieillesse et le Supplément de revenu garanti.

Le déclin de la croissance démographique combiné au vieillissement de la population signifie aussi que le Canada sera probablement confronté à une baisse du taux d’activité, à une croissance plus lente de la population active et à un ralentissement de la croissance des recettes fiscales.

D’ici 2031, on prévoit que les dépenses pour les prestations aux aînés atteindront un sommet de 3,2 % du PIB, soit une augmentation de près de 0,5 points de pourcentage par rapport aux dépenses prévues en 2021.

Si on se fie aux tendances actuelles, les projections à long terme montrent que le gouvernement fédéral n’est pas en voie d’équilibrer le budget au cours des trois prochaines décennies.

J’ajoute également que j’ai eu une très bonne conversation avec la sénatrice Omidvar hier au sujet de la nécessité de réformer le système d’immigration et de trouver des solutions pour éliminer les obstacles parce que nous savons que l’avenir du Canada repose en partie entre les mains des immigrants et des nouveaux immigrants qui viendront au Canada. Ainsi, j’ai cité cet article de l’Institut Fraser dans l’espoir que nous collaborions pour trouver des solutions. C’est vraiment essentiel. Le sénateur Ngo a demandé a quel moment le budget serait équilibré. Eh bien, selon l’Institute Fraser, pas avant longtemps. Il faudra des décennies à cause de l’endettement croissant et des dépenses déficitaires, qui sont nécessaires en ce moment pour aider les Canadiens, j’en suis consciente, mais il faut un plan pour assurer un retour à la responsabilité financière.

Honorables sénateurs, le rapport de l’Institut Fraser est non seulement préoccupant, il est aussi alarmant. Avant que vous n’écartiez ces observations sous prétexte qu’elles proviennent d’un groupe de réflexion de droite, je vous rappelle que le directeur parlementaire du budget a répété à maintes reprises les mêmes avertissements au cours des dernières années.

Les défis qu’il nous reste à relever sont bien réels, et ils ne disparaîtront pas à la fin de la pandémie. Il est impératif qu’en tant que parlementaires, nous prenions le temps de regarder loin en avant pour voir ce qui nous attend. Il est impératif que les décisions que nous prenons aujourd’hui protègent non seulement les Canadiens d’aujourd’hui, mais aussi ceux qui viendront après nous. Merci.

L’honorable Pierrette Ringuette (Son Honneur la Présidente suppléante) [ + ]

Sénateur Harder, avez-vous une question? Sénatrice Martin, acceptez-vous de répondre à une question?

La sénatrice Martin [ + ]

Oui.

L’honorable Peter Harder [ + ]

Sénatrice Martin, je vous remercie de votre discours. J’ai une question à vous poser. Vous avez dit que vous et votre caucus appuyez le projet de loi et les mesures qu’il prévoit, mais dans votre discours, vous vous êtes dites préoccupée par la façon générale d’en traiter. Hier, lors du vote à l’étape de la deuxième lecture, le projet de loi a été adopté avec dissidence, ce qui veut dire que vous vous y êtes opposée. Dois-je conclure qu’étant donné que vous appuyez le projet de loi, vous voterez pour à l’étape de la troisième lecture?

La sénatrice Martin [ + ]

Je vous remercie de me donner l’occasion d’expliquer pourquoi nous avons adopté le projet de loi avec dissidence à l’étape de la deuxième lecture. Comme je l’ai dit dans mon discours, après en avoir discuté avec mes collègues, nous avons convenu qu’il nous fallait appuyer les prestations d’urgence pour les Canadiens en cette période de grand besoin. Or, le projet de loi comporte des mesures qui leur assurent ces prestations. Cependant, nous sommes préoccupés par le vocabulaire employé dans le projet de loi, comme je l’ai dit au sénateur Dean, et par la manière dont l’Agence du revenu du Canada récupérera des sommes qui peuvent découler des paiements en trop ou d’autres erreurs que nous ne pouvons pas toujours prévoir, mais auxquelles nous songeons, vu ce qui est arrivé avec la Prestation canadienne d’urgence.

Nous avons eu l’impression qu’on nous poussait dans le dos. Nous n’avons pas eu le temps d’étudier le projet de loi de manière rigoureuse et exhaustive ni de faire le travail que nous avons l’habitude — et le devoir — de faire. Nous sommes favorables aux mesures qu’il prévoit, mais certaines questions demeurent, notamment en ce qui concerne l’irresponsabilité budgétaire du gouvernement.

Pour ce qui est du plan lui-même, on ne nous en a pas communiqué tous les détails. Nous ne savons pas où en sont les finances de l’État. Nous en avons eu un bref aperçu cet été, et le directeur parlementaire du budget a produit un rapport à partir des données disponibles au 1er septembre, mais il ne tenait pas compte de ce qui se trouve dans le budget actuel. Voilà ce qui nous inquiète.

Sans vouloir répondre pour mes collègues, je dirais que c’est pour cette raison que nous avons demandé que le projet de loi soit adopté avec dissidence. Vous constaterez à l’issue de la troisième lecture que nous sommes favorables aux mesures d’urgence annoncées, mais nous n’en avons pas moins de profondes réserves.

Le sénateur Harder [ + ]

J’ai une question complémentaire. Pour qu’on se comprenne bien, je suppose qu’à la prochaine étape aussi, vous allez aussi demander que ce soit avec dissidence? Je sais que vous n’êtes pas la whip de votre parti, mais c’est le genre de chose à laquelle je m’attendrais du sénateur Plett.

Je rappelle simplement aux sénateurs qu’aux Communes, le vote a obtenu l’appui de tous.

La sénatrice Martin [ + ]

Selon ce que j’ai compris, l’autre endroit a tenu une séance hybride et le gouvernement n’a pas demandé de vote par oui ou non comme nous le ferions ici. Il y a eu des discussions, mais je n’en connais pas la teneur. Tout ce que je peux vous dire, c’est que ce qui s’est passé là-bas regarde les députés et que c’est à nous de décider de ce qui se passe au Sénat.

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) [ + ]

Honorables sénateurs, pas plus tard que la semaine dernière, le lendemain de la séance au Sénat, le gouvernement a déposé le projet de loi C-2, Loi relative à la relance économique en réponse à la COVID-19.

Il s’agit du premier projet de loi déposé au cours de la nouvelle session après les projets de loi symboliques C-1 et S-1. C’est le projet de loi sur lequel le gouvernement a travaillé au cours des cinq dernières semaines alors que le Parlement était prorogé. On le qualifie de « plan pour soutenir les Canadiens pendant la prochaine phase de la relance », et il a sans doute été passé au peigne fin par des armées d’avocats et de fonctionnaires afin de pouvoir être déposé le 24 septembre. Pourtant, c’est le projet de loi C-4 qui retient notre attention aujourd’hui, et non le projet de loi C-2. Une semaine seulement après son dépôt, le projet de loi C-2 semble destiné à mourir d’une mort lente et silencieuse au Feuilleton, n’ayant jamais été plus loin que l’étape de la première lecture.

Imaginez que vous expliquiez ce qui s’est passé à un jeune étudiant en sciences politiques. Comment vous y prenez-vous? Le projet de loi vedette du gouvernement pour la nouvelle session du Parlement a été enterré après seulement cinq jours. Ce n’est pas l’opposition qui l’aura rejeté, c’est plutôt le gouvernement lui-même qui l’aura abandonné.

Était-il si mauvais? Apparemment que non. La seule différence entre le projet de loi C-2 et le projet de loi C-4 est que le titre a été modifié et qu’un paragraphe de 37 mots — sur un total de 12 150 mots — a été ajouté à deux endroits différents. De telles modifications sont loin de nécessiter un tout nouveau projet de loi.

Chers collègues, la seule raison qui explique pourquoi le projet de loi a été abandonné puis remplacé par un nouveau projet de loi est tout simplement que le premier ministre voulait contourner le processus parlementaire.

Après s’être vanté qu’il était prêt à déclencher les élections pour défendre son programme audacieux, novateur et complètement vide, le premier ministre s’est précipité pour forger une entente avec le NPD au moyen de réunions derrière des portes closes et de négociations secrètes au lieu de débattre ses propositions à la Chambre des communes.

Le chef du NPD, Jagmeet Singh, a déclaré aux Canadiens la semaine dernière que la condition pour que son parti appuie le discours du Trône était que le premier ministre prolonge la Prestation canadienne d’urgence et offre des congés de maladie payés à tous les Canadiens. Cela signifie des congés de maladie payés permanents pour tous les Canadiens, peu importe la maladie, pas seulement la COVID-19.

Le seul problème avec cette entente est que le premier ministre n’avait aucune intention de la respecter. Toutefois, il y a deux choses dont le premier ministre avait besoin. Premièrement, il avait besoin d’une astuce pour bloquer le projet de loi afin de pouvoir signer une entente avec le NPD tout en donnant l’impression que les conservateurs étaient responsables des embûches qui ralentissaient les choses. Deuxièmement, il avait désespérément besoin que le NPD appuie le discours du Trône parce que les conservateurs et les bloquistes n’allaient certainement pas lui donner leur appui, ce qui le mettait dans le pétrin.

Après des heures de négociation, avec des mises à jour dans les médias afin de faire monter la tension dramatique, ils sont arrivés à une entente. Les manchettes disaient à peu près toutes la même chose : « Les libéraux s’entendent avec le NPD et évitent des élections ».

On dirait une véritable réussite. Mais qu’en a retiré le NPD au juste? En deux mots, absolument rien.

Le projet de loi C-2 offrait déjà deux semaines de congés de maladie payés par année à tous les employés du pays, pour des raisons liées à la COVID-19. Le projet de loi C-4 prévoit exactement la même chose. Les amendements que Jagmeet Singh a arrachés au premier ministre ne rendent pas les congés de maladie permanents et n’en étendent pas l’application à des problèmes de santé qui ne sont pas liés à la COVID-19. Le NPD n’a rien obtenu. Vous n’avez pas à me croire sur parole. On n’a qu’à lire le projet de loi.

Dans le projet de loi C-2, à l’alinéa 10(1)f), on peut lire qu’une personne est admissible à la prestation canadienne de maladie pour la relance économique si :

[...] elle a contracté la COVID-19 ou pourrait avoir contracté la COVID-19 ou parce qu’elle s’est mise en isolement sur l’avis de son employeur, d’un médecin, d’un infirmier praticien, d’une personne en situation d’autorité, d’un gouvernement ou d’un organisme de santé publique pour des raisons liées à la COVID-19.

Dans le projet de loi C-4, on trouve ce passage, auquel a été le sous-alinéa 10(1)f)(ii), qui indique qu’une personne est admissible à la prestation canadienne de maladie pour la relance économique si :

[...] elle a des affections sous-jacentes, suit des traitements ou a contracté d’autres maladies qui, de l’avis d’un médecin, d’un infirmier praticien, d’une personne en situation d’autorité, d’un gouvernement ou d’un organisme de santé publique, la rendraient plus vulnérable à la COVID-19 [...]

L’ajout de ce sous-alinéa apporte quelques précisions, mais il n’élargit aucunement les modalités d’application qui existaient déjà dans le projet de loi C-2.

On pourrait dire que le projet de loi C-4 a ajouté à la liste des facteurs comme les affections sous-jacentes, les traitements en cours ou le fait de contracter d’autres maladies. On pourrait certainement croire à un élargissement des modalités par rapport au projet de loi C-2.

Il y a cependant une lacune dans ce raisonnement. Ces facteurs étaient déjà inclus sans être énumérés, puisque les mesures du projet de loi C-2 s’appliquaient à toute personne qui devait s’isoler pour toute raison liée à la COVID-19, à la suite de la recommandation d’un médecin, d’un employeur, et cetera. Cela inclurait évidemment des facteurs comme les affections sous-jacentes, les traitements en cours ou le fait de contracter d’autres maladies.

On pourrait croire que le projet de loi C-2 limitait l’admissibilité aux congés de maladie uniquement aux personnes qui avaient la COVID-19 ou qui devaient s’isoler en raison de la COVID-19, et que l’amendement du NPD a éliminé cette limite.

C’est inexact. L’amendement n’a rien changé. Comme je l’ai déjà dit, dans le cas d’une personne qui a des affections sous-jacentes, qui suit des traitements ou qui a contracté d’autres maladies qui la rendent plus vulnérable à la COVID-19, cette personne serait déjà admissible selon le projet de loi C-2, parce qu’il incluait toute personne qui devait s’isoler pour des raisons liées à la COVID-19.

L’amendement du NPD n’a rien changé à part le titre du projet de loi. Tout cela n’était qu’un leurre politique. Le premier ministre et Jagmeet Singh ont fait semblant que le NPD avait gagné quelque chose.

Dans les faits, Justin Trudeau a réussi à acheter le soutien du NPD à très bon marché : il l’a obtenu en ne lui cédant absolument rien, à l’exception de la possibilité de se vanter d’un semblant de victoire.

De son côté, le premier ministre a évité des élections et il a inventé une histoire de toutes pièces. Comme les conservateurs auraient bloqué l’étude du projet de loi, il n’avait pas d’autre choix que de conclure un accord avec le NPD, puis de le faire adopter à toute vitesse.

En réalité, ce sont les conservateurs — seulement les conservateurs — qui ont fait pression pour se pencher sur le projet de loi pendant la fin de semaine afin qu’il n’y ait pas de problèmes, mais le gouvernement a refusé de le faire.

Le premier ministre se plaît à dire qu’il veut aider les Canadiens, mais il ne veut pas faire les efforts nécessaires pour obtenir des résultats dans les temps. Il savait pertinemment que la PCU allait arriver à échéance quelques jours plus tard et que les Canadiens étaient, avec raison, inquiets à ce sujet. Il n’a pourtant pas hésité à fermer le Parlement pour la fin de semaine, à retourner à la maison et à lancer le processus législatif d’un nouveau projet de loi le lundi suivant.

Chers collègues, ce projet de loi n’a pas été adopté il y a des semaines pour une seule raison : l’incompétence du gouvernement. Tout ce qui est prévu dans la mesure législative aurait pu être mis en œuvre bien avant la fin d’août, en évitant toutes ces complications.

Revenons sur ce qui s’est passé. Le 18 août, Justin Trudeau annonce la prorogation du Parlement. Il prétend qu’il est nécessaire de lancer une nouvelle session parlementaire axée sur la prochaine étape de la réponse du Canada à la COVID-19.

Voici ce qu’il a dit :

Nous avons besoin d’un mandat du Parlement pour avancer dans la mise en œuvre de ces idéaux ambitieux, et il est important que nous ayons l’occasion de débattre de la question.

Quels idéaux ambitieux? Il n’y a rien de nouveau dans le discours du Trône. On s’y contente de recycler de vieilles annonces. Le premier ministre n’avait pas besoin d’un nouveau mandat. Il en a déjà un, et c’est le même que son ancien mandat. Il doit s’atteler à la tâche.

Il doit cesser de se cacher dans son chalet ou son pavillon. Il doit arrêter de tergiverser et de se livrer à des jeux politiques. Il ne doit plus faire obstruction aux enquêtes sur ses multiples scandales. Le premier ministre doit cesser de fermer le Parlement, et il pourrait même travailler pendant les fins de semaine si c’est nécessaire pour faire le travail requis. Au lieu de cela, le 18 août, il a prorogé le Parlement.

Puis, le 20 août, soit deux jours plus tard, le gouvernement a soudainement annoncé l’adoption d’un ensemble de nouvelles prestations dans le cadre du plan de relance de l’après-COVID. Ces prestations devaient remplacer la Prestation canadienne d’urgence, qui prenait fin le 26 septembre. Le seul problème, c’est que le Parlement était déjà prorogé jusqu’au 23 septembre. En effet, le premier ministre semblait avoir oublié une chose que nous savons tous : à cause de la prorogation, le Parlement ne pouvait pas adopter les mesures législatives nécessaires pour instaurer ces nouvelles prestations.

Cela voulait dire que le Parlement allait rester les bras croisés pendant cinq longues semaines alors que l’horloge tournait. Lorsque le Parlement a finalement repris ses travaux, le gouvernement libéral a présenté une nouvelle mesure législative à la hâte et a insisté pour que l’opposition l’adopte sur-le-champ.

Toutefois, lorsque les conservateurs ont convenu de collaborer avec le gouvernement dans ce dossier et ont proposé de siéger toute la fin de semaine pour réaliser les travaux nécessaires, le gouvernement a refusé. Il a plutôt choisi de prendre la fin de semaine de congé, de conclure une entente séparée avec le NPD, de présenter une nouvelle mesure législative après la fin de semaine et ensuite d’invoquer l’attribution de temps pour la faire adopter à toute vitesse.

Hier, lorsque la ministre des Finances, Chrystia Freeland, était dans cette enceinte, elle a donné la nette impression que tous les députés à la Chambre s’étaient tenu la main en chantant « Kumbaya » pour adopter à l’unanimité le projet de loi C-4. Elle a dit ceci :

Le tout s’est déroulé en toute collégialité; l’ambiance était conviviale et même amicale. Les députés faisaient des blagues avec ceux des autres partis et, au bout du compte, le projet de loi a été adopté à l’unanimité.

Le sénateur Harder a fait allusion à cela deux ou trois fois au Sénat.

Je ne sais pas où était la ministre pendant les débats, mais ils n’étaient pas du tout conviviaux.

Lorsque le projet de loi a enfin été déposé à la Chambre des communes, le leader du gouvernement à la Chambre, Pablo Rodriguez, a dit ceci : « Il faut passer à l’action. Il y a urgence. » Ensuite, il a invoqué la clôture du débat avec l’appui du NPD. Est-ce là le genre de comportement que la ministre juge collégial?

Tous les partis, à l’exception du NPD, étaient outrés. Après avoir interrompu les travaux parlementaires pendant cinq semaines, les libéraux ont eu l’effronterie d’informer la Chambre qu’elle devait adopter à toute vapeur un projet de loi d’une valeur de 41 milliards de dollars après y avoir consacré seulement quatre heures et demie de débat parce que « c’est urgent ».

Chers collègues, c’est incroyable. Même des libéraux commencent à réaliser que ce n’est pas une façon adéquate de mener les affaires du pays.

En réponse à l’article du Globe and Mail intitulé « Les libéraux fédéraux limitent le débat sur la dépense de milliards de dollars en réponse à la pandémie », l’ancien député libéral Andrew Leslie a publié le gazouillis suivant :

Je me demande ce que penseraient nos grands premiers ministres. Pendant toute la Deuxième Guerre mondiale, jamais les premiers ministres britannique [...] et canadien [...] n’ont cherché à limiter les débats, particulièrement en matière de crédits.

Pour une fois, je suis entièrement d’accord avec un libéral. C’est la première fois que cela m’arrive en 70 ans, alors je ne compterais pas trop sur la possibilité que cela se reproduise de mon vivant.

Chers collègues, je ne suis pas certain que le gouvernement libéral comprenne comment les choses fonctionnent. Il existe une meilleure solution. Si les libéraux voulaient faire adopter le projet de loi, ils n’avaient qu’à se présenter au travail. S’ils voulaient amender le projet de loi pour accommoder le NPD, il y a un lieu où le faire, qui s’appelle le Parlement.

Pourquoi le gouvernement tient-il tant à conclure des ententes en cachette plutôt que de permettre la tenue d’un débat public en bonne et due forme? Pourquoi le gouvernement se faufile-t-il toujours pour éviter de rendre des comptes en limitant les jours de séances du Parlement, en mettant fin aux travaux des comités, en prorogeant le Parlement et en s’assurant que le débat sur des projets de loi importants se fasse derrière des portes closes? Pourquoi tout doit-il être réglé en urgence et pourquoi personne ne sait-il ce qui se passe d’un jour à l’autre?

Nous étions ici la semaine dernière et le représentant du gouvernement au Sénat a décrété que nous n’avions plus d’affaires gouvernementales à traiter. Selon lui, rien ne justifiait que nous siégions avant le 5 octobre et une motion en conséquence a été adoptée. Deux jours plus tard, chers collègues, le Président du Sénat était contraint d’annuler cette décision et de rappeler le Sénat pour le 30 septembre.

La même chose s’est produite hier. Le sénateur Gold a eu de la difficulté à répondre à une question bien simple du sénateur Tannas qui lui demandait s’il était confiant que le Sénat n’aurait pas à être rappelé avant le 27 octobre pour adopter des mesures d’urgence. Le sénateur Gold n’a pas été en mesure de nous assurer que cela n’arriverait pas.

On est en droit de se demander : « Comment le représentant du gouvernement au Sénat peut-il ne pas être au courant de ce que prépare le gouvernement? Comment pouvait-il ignorer la semaine dernière que le projet de loi C-2 devrait être adopté d’urgence et que le gouvernement avait l’intention de procéder à son adoption dès cette semaine? »

Je suis heureux que vous me posiez la question, chers collègues, car je peux y répondre. C’est parce que ce gouvernement est incompétent. Et malgré tous ses efforts, le sénateur Gold ne peut rien y faire. Je suppose que la raison pour laquelle on nous dit une chose, jeudi et une autre, vendredi, c’est que le sénateur Gold se fait dire une chose, jeudi et une autre, vendredi. Ce n’est pas parce que le sénateur Gold a changé d’avis. C’est parce que le premier ministre est incapable de se décider.

Ce gouvernement me rappelle un article que j’ai lu récemment au sujet d’un conducteur, en Alberta, qui a affolé un radar de police en roulant à 150 kilomètres à l’heure dans une zone limitée à 110.

Encore plus alarmant, l’agent de police n’avait pas été en mesure de voir de conducteur derrière le volant du véhicule alors qu’il passait à toute vitesse devant lui. Apparemment, le conducteur avait mis sa Tesla sur pilote automatique, incliné son siège et décidé de faire une sieste. Ce n’est que lorsque le policier s’est arrêté derrière lui et a mis en marche sa sirène que le conducteur s’est réveillé et a réalisé ce qui se passait.

C’est effrayant, chers collègues.

Que quelqu’un s’endorme au volant, c’est déjà grave en soi; mais, quand un conducteur prend la décision de faire une petite sieste alors que son véhicule de 2 100 kg roule à tombeau ouvert sur l’autoroute, c’est pire et on se dit que cette personne ne devrait pas conduire du tout.

J’ai l’impression qu’il en est de même avec le gouvernement. C’est comme s’il fonçait à toute allure sur l’autoroute tandis que le premier ministre est assoupi au volant, tout à fait inconscient qu’il s’apprête à prendre le champ à 150 kilomètres à l’heure. Le problème, c’est qu’il nous entraîne avec lui. À travers la fenêtre, nous voyons le fossé approcher et nous nous demandons si quelqu’un prête attention à la route.

Chers collègues, ce n’est pas seulement le fait que la PCU tirait à sa fin tandis que le gouvernement dormait au volant. D’autres mesures arrivaient aussi à terme. Par exemple, l’autorisation de dépenser pour les mesures en réponse à la COVID-19 devait expirer le 30 septembre. Le robinet d’où l’argent coule était sur le point d’être fermé, car la Loi sur les paiements relatifs aux événements de santé publique d’intérêt national était sur le point d’être automatiquement abrogée.

Vous vous souvenez peut-être de l’article 10 du projet de loi C-13, Loi concernant certaines mesures en réponse à la COVID-19. Je cite :

La Loi sur les paiements relatifs aux événements de santé publique d’intérêt national est abrogée.

L’article 11 se lit comme suit :

L’article 10 entre en vigueur le 30 septembre 2020

L’article 10 supprime la Loi et l’article 11 indique que l’article 10 n’entrera pas en vigueur avant la fin de septembre.

Cette disposition de caducité a été ajoutée au projet de loi après que les libéraux se sont fait prendre à tenter de se donner le pouvoir unilatéral d’imposer des taxes et de dépenser sans approbation parlementaire jusqu’à la fin de 2021.

Je ne sais pas à quel moment le gouvernement s’est rendu compte qu’il allait rater une échéance importante, mais quelqu’un a dû finir par sonner l’alarme et le gouvernement s’est réveillé.

Malgré le fait qu’il était fort disposé à dépenser l’argent des contribuables, le gouvernement n’allait pas réussir à verser tout cet argent avant l’échéance. Il restait encore 17,14 milliards de dollars à distribuer. Même moi, je suis étonné de voir que les libéraux, qui n’ont pas peur de dépenser, n’ont pas réussi à dépenser 325 milliards de dollars pendant la période de six mois prévue et qu’ils avaient besoin de plus de temps pour faire les chèques. Quoi qu’il en soit, l’article 11 de la Loi sur les mesures d’urgence visant la COVID-19 posait un problème aux libéraux. Le 30 septembre, il allait déclencher l’entrée en vigueur de l’article 10, qui abrogerait toute la loi, laissant du même coup les 17 milliards de dollars restants non utilisés puisque le gouvernement n’aurait plus l’autorisation de dépenser nécessaire.

Le résumé législatif du projet de loi C-4 qui a été fourni par le gouvernement dit ceci :

Faute de proroger la loi, les paiements de soutien pourraient être interrompus, ce qui aurait des répercussions désastreuses sur la vie des gens, les familles et les entreprises. Notamment :

• La Prestation canadienne d’urgence et la Prestation canadienne d’urgence pour les étudiants ne seraient plus versées aux Canadiens;

• Les montants destinés aux commandes essentielles d’équipement de protection individuelle pourraient ne pas être versés;

• Le versement aux provinces et aux territoires des fonds prévus dans l’Accord sur la relance sécuritaire pour le dépistage, le traçage des contacts et l’équipement de protection individuelle serait retardé.

De toute évidence, il fallait remédier à cette petite erreur, et c’est pourquoi la partie 3 du projet de loi C-2, devenu le projet de loi C-4, a été rédigée de manière à y inclure l’article 12, qui se lit ainsi :

L’article 11 de la Loi sur les mesures d’urgence visant la COVID-19 est remplacé par ce qui suit :

11 L’article 10 entre en vigueur le 31 décembre 2020.

Cette clause vise à reporter la date d’abrogation en vigueur et à fournir au gouvernement les outils dont il a besoin pour continuer de dépenser les fonds alloués, à condition que le projet de loi C-4 reçoive la sanction royale avant le 30 septembre.

Le problème est que le gouvernement a tergiversé si longtemps à cause de cette prorogation complètement inutile qu’il ne savait pas s’il parviendrait à faire adopter le projet de loi visant à reporter l’abrogation avant la fin du délai.

Le gouvernement avait besoin d’un plan B, car s’il ne parvenait pas à faire adopter le projet de loi avant la date butoir du 30 septembre, au moment de l’adoption du projet de loi C-4, la Loi sur le recouvrement des créances salariales aurait déjà été abrogée.

Pour parer à cette éventualité, le gouvernement devait trouver un moyen d’annuler l’abrogation sans mettre en danger le report de leur abrogation initiale, juste au cas où le projet de loi ne serait pas adopté avant le 30 septembre et où l’abrogation aurait déjà été reportée.

Vous avez déjà une migraine? Ce n’est pas dû à la COVID; c’est ce qui arrive lorsque le gouvernement dort au gaz.

Je ne suis pas sûr si je dois féliciter les avocats du gouvernement qui ont travaillé sur la partie 3 du projet de loi ou éprouver de la sympathie pour eux. Le gouvernement a été incapable de bien faire les choses la première fois et il a été incapable de faire les choses à temps la deuxième fois, alors ses avocats ont dû faire des acrobaties législatives pour parvenir à une solution et couvrir toutes les possibilités.

Au cas où il dépasserait la date limite de septembre, le gouvernement a ajouté le paragraphe 13(2), qui se lit comme suit :

Si la présente loi est sanctionnée après le 30 septembre 2020 :

a) les intertitres précédant l’article 10 et les articles 10 à 12 de la présente loi sont remplacés par ce qui suit :

Chers collègues, je ne prendrai pas de temps à passer en revue tout ce qui suit ce paragraphe parce que, primo, votre tête risque d’exploser, et, secundo, le projet de loi se trouve devant vous. Toutefois, ce qui suit est un nouvel article qui vise à remplacer l’ancien article de la page précédente de la même loi au cas où on dépasserait la date d’abrogation avant l’adoption du projet de loi.

Autrement dit, à cause de son incompétence, le gouvernement a dû présenter une mesure législative pour en modifier une autre qui prévoit une modification à la modification proposée avant même qu’elle n’ait été effectuée.

Voilà ce qui arrive quand on ne se présente pas au travail. Les choses se compliquent.

Honorables sénateurs, les autorisations de paiements prévues par la Loi sur les paiements relatifs aux événements de santé publique d’intérêt national ne sont pas les seuls éléments qui sont arrivés à échéance le 30 septembre dernier. Le projet de loi C-13 contenait une longue liste de dispositions législatives qui ont toutes été automatiquement abrogées à la fin septembre. C’est déjà chose faite.

Par exemple, le projet de loi C-13, Loi concernant certaines mesures en réponse à la COVID-19, avait modifié la Loi sur la Société d’assurance-dépôts du Canada afin de donner au ministre des Finances le pouvoir d’augmenter la limite de couverture d’assurance pour les dépôts. La modification a été abrogée le 30 septembre dernier.

Le projet de loi C-13 avait également modifié la Loi sur le développement des exportations pour autoriser le ministre des Finances à déterminer le montant du capital autorisé ainsi que certains montants maximums d’Exportation et Développement Canada. Cette modification a été abrogée le 30 septembre dernier.

La modification de la Loi sur la gestion des finances publiques, qui autorisait le ministre des Finances à contracter des emprunts sans l’approbation du gouverneur en conseil afin d’effectuer certains paiements, a été abrogée.

La modification de la Loi sur les brevets, conformément à laquelle le commissaire devait :

[...] autoriser le gouvernement du Canada et toute personne précisée dans la demande à fabriquer, à construire, à utiliser et à vendre une invention brevetée dans la mesure nécessaire pour répondre à une urgence de santé publique [...]

[...] a aussi été abrogée.

Les modifications à la Loi fédérale sur les prêts aux étudiants, à la Loi fédérale sur l’aide financière aux étudiants et à la Loi sur les prêts aux apprentis, qui prévoyaient qu’aucun intérêt n’était payable sur les prêts étudiants et qu’aucun montant n’était exigible par l’emprunteur sur le principal ou l’intérêt ont aussi cessé d’être en vigueur ainsi que le pouvoir temporaire accordé au ministre de prendre des arrêtés d’urgence.

Chers collègues, je ne sais aucunement si le gouvernement avait l’intention ou non de permettre que toutes ces modifications législatives cessent de s’appliquer, car lorsqu’il n’y a personne aux commandes de la locomotive, il est difficile de s’imaginer que le train puisse aller quelque part.

Cependant, nous saurons bien assez vite ce qui aura échappé au gouvernement si nous voyons apparaître dans le Feuilleton des mesures « urgentes » qu’il tentera de faire adopter à toute vitesse par le Parlement pour corriger les effets les plus récents de son manque de vigilance et de sa mauvaise planification. Vu l’incompétence dont le gouvernement fait constamment preuve et vu son mépris du Parlement, je ne serais pas surpris si cette mesure urgente arrivait plus tôt que tard.

Honorables sénateurs, l’incompétence du gouvernement me préoccupe grandement, et je suis d’autant plus préoccupé que je le vois conclure des ententes avec le Nouveau Parti démocratique afin de se maintenir au pouvoir.

Nous sommes dirigés par un gouvernement qui ne se soucie aucunement des déficits, de la dette ou des budgets. Il ne se rend pas compte que chaque sou dépensé sortira tôt ou tard des poches des contribuables, que nous devrons tous payer la dette qu’il accumule et que ce sont les entreprises, et non les gouvernements, qui créent les emplois. Le gouvernement libéral ne comprend pas la différence entre des investissements et des dépenses. Il ne connaît rien à l’économie, et il croit pouvoir dépenser impunément.

Le gouvernement semble prêt à laisser Jagmeet Singh diriger le pays chaque fois qu’il a besoin de lui pour demeurer au pouvoir un peu plus longtemps.

Honorables collègues, les choses allaient déjà assez mal quand les libéraux gouvernaient à partir du centre. Les libéraux sont rendus tellement à gauche qu’ils conduisent du mauvais côté de la route. Or, la seule chose pire qu’un conducteur endormi, c’est un conducteur endormi dont la voiture est du mauvais côté de la route.

Aujourd’hui, nous devrons nous prononcer sur un projet de loi qui creusera la dette nationale de 41 milliards de dollars, mais pourtant, le gouvernement ne nous a fourni aucun budget ou plan budgétaire. Le seul compte rendu auquel nous avons eu droit sur l’état des finances publiques était un bref aperçu présenté il y a maintenant 87 jours par un ministre des Finances à qui on a montré la porte depuis. Aujourd’hui, nous devrons nous prononcer sur un projet de loi qui débloquera 17 milliards de dollars pour venir en aide aux Canadiens, qui en ont bien besoin. Ces dépenses ont déjà reçu l’aval du Parlement, mais elles ont pris une nette tendance vers la gauche parce que le gouvernement actuel n’a que du mépris pour le Parlement. Voilà qui devrait nous inquiéter tous autant que nous sommes.

À leur corps défendant, les conservateurs — pour répondre à la question du sénateur Harder — vont permettre l’adoption de ce projet de loi, car les prestations qu’il prévoit sont capitales pour les Canadiens, mais cela ne signifie pas qu’ils n’ont pas de réserves, honorables sénateurs. Comme le faisait remarquer la sénatrice Martin, ce n’est pas parce qu’on demande qu’une mesure soit adoptée avec dissidence que l’on s’oppose forcément au principe sur lequel elle repose. Les Canadiens ont besoin de cet argent. Cela dit, le sénateur Harder voulait savoir si nous allions demander que le projet de loi soit adopté avec dissidence, et je peux lui répondre que c’est ce que nous ferons sans la moindre hésitation.

Avant même que le projet de loi soit renvoyé au Sénat, il ne restait presque plus de temps pour en débattre à cause des tactiques du gouvernement. Au cours des deux derniers jours, on n’a débloqué aucun montant des dépenses d’urgence liées à la COVID-19, qui ont été autorisées au titre de la Loi sur les paiements relatifs aux événements de santé publique d’intérêt national, à cause de la mauvaise gestion des libéraux. On ne peut verser aucune des nouvelles prestations tant que le projet de loi n’aura pas reçu la sanction royale. Les conservateurs ne retarderont pas la sanction royale. Nous voterons en faveur de l’adoption du projet de loi.

Honorables sénateurs, une chose est claire : la pandémie est un problème assez grave en soi, mais ses répercussions sur les Canadiens ont été multipliées par l’incompétence du gouvernement libéral et son mépris pour le Parlement. Honorables collègues, c’est quelque chose de vraiment regrettable. Merci.

L’honorable Donna Dasko [ + ]

Honorables sénateurs, je prends aujourd’hui la parole à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-4. Je veux d’abord remercier notre collègue le sénateur Dean de parrainer cette mesure législative.

Chers collègues, nous sommes en train d’étudier une autre mesure législative — la septième, d’après le sénateur Harder — présentée en réponse à la pandémie de COVID-19. Je repense aux premiers projets de loi qui visaient à renforcer les structures des programmes existants. Les projets de loi suivants visaient à créer de nouveaux programmes et des mesures de soutien du revenu pour les particuliers et les entreprises. Ensuite, on a présenté d’autres mesures législatives pour corriger les lacunes et prolonger la durée de ces nouveaux programmes. Maintenant, nous étudions un projet de loi visant à corriger les programmes de soutien, à les prolonger davantage et à en créer des nouveaux, et nous espérons que les mesures qui y sont prévues dureront jusqu’à la fin de la pandémie.

Le projet de loi dont nous sommes saisis énonce les détails d’un plan de soutien que le gouvernement a annoncé pour la première fois au mois d’août. La fin de la PCU, fixée au 26 septembre, laissait de nombreux Canadiens sans appui. Ce projet de loi aidera à répondre aux besoins de nombreuses personnes qui n’auraient pas été admissibles à l’assurance-emploi. Le projet de loi C-4 est un projet de loi omnibus qui propose la mise en œuvre d’une foule de programmes de prestations destinés à aider les Canadiens à traverser la crise pendant un certain temps. Parmi ces mesures, il y a la Prestation canadienne de relance économique, qui accordera 500 $ par semaine pendant un maximum de 26 semaines aux personnes qui ont perdu leur travail ou qui ont subi une perte de revenus; la Prestation canadienne de maladie pour la relance économique, qui veille à ce que tous les Canadiens aient un congé de maladie; et la Prestation canadienne de relance économique pour les proches aidants, qui versera 500 $ par semaine par ménage pendant un maximum de 26 semaines aux Canadiens qui sont incapables de travailler parce qu’ils doivent s’occuper d’un membre de la famille qui a contracté la COVID-19 ou des enfants parce que l’école ou le service de garde est fermé à cause du virus.

En plus des programmes de prestations, le projet de loi propose des changements au Code canadien du travail en vue de permettre aux travailleurs ou aux membres de leur famille de prendre un congé de maladie s’ils contractent la COVID-19. En raison de la récente recrudescence des cas de COVID-19 et de la reprise économique qui s’effectue de manière inégale, il est inévitable que le projet de loi n’offre pas de soutien à tout le monde dans le besoin ou à tous ceux qui sont touchés par la pandémie. Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’une mesure grandement nécessaire et digne d’être appuyée.

La pandémie de COVID-19 est une crise tant au chapitre de la santé que de l’économie. Tous les Canadiens ont vu leur vie chamboulée. Les gens ne voient plus leur famille et leurs amis, ne fréquentent plus les endroits publics, ne vont plus ni au cinéma, ni au restaurant, ni à des événements culturels et ne voyagent plus. Les Canadiens sont forcés de travailler de la maison, de maintenir une distance entre eux, de porter un masque, et j’en passe. Toutefois, bien que nous soyons tous touchés d’une quelconque façon, les plus vulnérables d’entre nous sont ceux qui souffrent le plus, tant en raison de la crise sanitaire qu’en raison de la crise économique. Les jeunes ont perdu des possibilités qu’ils avaient travaillé très fort pour obtenir. Les travailleurs du secteur tertiaire — surtout dans le domaine de la vente au détail et de l’hôtellerie — qui, déjà, étaient maigrement rémunérés, et dont une grande partie sont des femmes, ont perdu leur emploi. Les aînés dans les établissements de soins de longue durée décèdent en nombre disproportionné. Dans les collectivités où l’on tient de telles statistiques, on a appris que le taux d’infection au virus est supérieur chez les minorités raciales, de même que chez les ménages à faible revenu ou dont le logement est surpeuplé ainsi que chez les travailleurs essentiels, dont beaucoup sont faiblement rémunérés. La COVID-19 n’est pas un grand égalisateur; au contraire, elle creuse davantage les écarts.

Nous tentons maintenant de rebâtir, mais de rebâtir en mieux, comme le répète le gouvernement, alors même que nous devons combattre la deuxième vague d’infection. La semaine dernière, le gouvernement a présenté de très nombreuses mesures dans le discours du Trône. Il a promis d’investir dans les soins de santé, de créer un million d’emplois, de financer directement le logement et les infrastructures et d’injecter des fonds dans de nombreux autres secteurs de l’économie. Deux engagements ont particulièrement attiré mon attention, soit les promesses relatives aux soins de longue durée et aux garderies. Au sujet des soins de longue durée, la gouverneure générale a affirmé ceci :

[...] l’un des plus grands drames de cette pandémie est la perte de vies humaines dans les centres de soins de longue durée. Tous les aînés méritent de vivre en sécurité, dans le respect et la dignité.

Dans le cadre de l’étude menée par le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie au sujet de la réponse du gouvernement à la pandémie, nous avons entendu des appels à l’amélioration de la formation, à l’augmentation des salaires, à l’embauche de plus de personnel et à l’amélioration des contrôles et de la surveillance dans les établissements de soins pour les aînés partout au Canada. Des spécialistes nous ont également dit que le gouvernement fédéral devrait favoriser des changements en rendant le financement aux provinces conditionnel à l’amélioration des règlements, des normes et de la communication de renseignements. J’étais heureuse d’entendre dans le discours du Trône que le gouvernement fédéral avait l’intention de collaborer avec les provinces et territoires pour l’établissement de nouvelles normes nationales concernant les soins de longue durée et d’en faire davantage pour que les Canadiens du troisième âge puissent demeurer à la maison plus longtemps.

En ce qui concerne les garderies, je me suis également réjouie d’entendre la gouverneure générale annoncer que :

[...] le gouvernement réalisera un investissement important, soutenu et à long terme dans la mise en place d’un système d’apprentissage et de garde des jeunes enfants à l’échelle du Canada.

Honorables sénateurs, cela fait 50 ans que la Commission royale d’enquête sur la situation de la femme au Canada a dit clairement que l’un des plus grands obstacles à l’égalité économique des femmes était l’impossibilité d’avoir accès à des services de garde d’enfants à prix abordable. Les chiffres des derniers mois révèlent clairement l’inégalité. On apprend que 70 % des emplois qui ont été perdus en mars dernier au Canada chez les 25 à 54 ans étaient occupés par des femmes. En juin dernier, les femmes ayant des enfants d’âge scolaire étaient proportionnellement moins susceptibles d’avoir un emploi que les hommes dans la même situation. Même si une stratégie nationale en matière de garde d’enfants ne règle pas tout, il s’agit d’un excellent point de départ, tout comme les mesures comme la Prestation canadienne de relance économique pour les proches aidants, qui tient compte du fait que ce sont surtout des femmes qui assument ce rôle.

Un vrai changement nécessitera du leadership de la part du gouvernement fédéral. Il incombe au gouvernement fédéral de veiller à ce que toute entente conclue avec les provinces, en échange de fonds fédéraux, fixe des normes pour ces programmes, notamment un meilleur mécanisme de collecte et d’échange de renseignements entre les différentes administrations, de la surveillance et même des sanctions.

Les récentes ententes conclues avec les provinces dans le cadre de l’Accord sur la relance sécuritaire en échange d’un financement fédéral de 19 milliards de dollars ne m’inspirent pas confiance. Comme je l’ai déjà indiqué dans ma question au sénateur Gold, j’ai examiné ces ententes. Par exemple, en ce qui concerne les soins de longue durée, je constate que certaines ententes prévoient une hausse des niveaux de dotation, mais je ne vois aucune mention des normes qui sont si nécessaires et qui ont été réclamées par les experts pour garantir la santé et la sécurité des aînés dans les établissements de soins de longue durée. Il s’agit donc d’une de mes grandes préoccupations à l’égard de ces ententes.

En voici une autre : pour ce qui est de la gestion des données dans les soins de longue durée, dans les différents secteurs de la santé qui intéressent le gouvernement fédéral et les secteurs auxquels des fonds fédéraux sont affectés, je vois quelques mentions de partage de données entre les provinces, mais je ne vois rien concernant le partage avec le gouvernement fédéral, sauf dans le cas de la Colombie-Britannique.

Le gouvernement fédéral finance l’échange de données, mais on dirait qu’il n’en recueille pas pour atteindre ses objectifs importants. Voilà ce que je constate quand j’examine ces ententes. Qui plus est, je ne vois aucune disposition dans ces ententes qui permettent de surveiller les résultats. Je ne trouve pas non plus de sanctions ou de pénalités dans le cas où une province ne respecterait pas les ententes.

C’est peut-être caché dans les petits caractères. Je serais très heureuse de me tromper parce que je veux que les choses changent, croyez-moi.

Sans de telles dispositions, comment pouvons-nous croire que nous améliorerons ces programmes, que nous aiderons les gens dans le besoin et que nous rebâtirons en mieux? Sénateurs, j’appuie la mesure législative dont nous sommes saisis aujourd’hui, mais ne perdons pas de vue comment apporter les changements importants et à long terme que nous souhaitons. Merci beaucoup.

L’honorable Pierre J. Dalphond [ + ]

Honorables sénateurs et sénatrices, d’abord, permettez-moi d’offrir mes plus sincères condoléances à la famille de Joyce Echaquan, particulièrement aux sept enfants de cette jeune mère, et à toute la communauté atikamekw de Manawan.

Je suis natif de Joliette et j’ai travaillé durant de nombreuses années au centre hospitalier où Mme Echaquan est décédée. Je suis choqué par ce qui s’y est passé et cela me remplit de tristesse.

Mme Echaquan, une femme gravement malade, avait besoin d’aide médicale et de compassion. Cependant, parce qu’elle était une femme autochtone, elle a été traitée avec indifférence et mépris. Ce racisme est inacceptable et est, malheureusement, le reflet d’un racisme systémique plus profond. Toute la lumière doit être faite dans ce dossier et il faut espérer que tout cela mènera à des changements d’attitude et à une véritable réconciliation.

Permettez-moi ensuite de commenter brièvement le contexte entourant l’adoption du projet de loi C-4.

Depuis juin 2019, le Sénat a vu une réduction importante de ses activités. La pause estivale a été suivie d’élections générales, d’une lente reprise des travaux parlementaires, puis d’une pandémie. Par conséquent, depuis juin 2019, le Sénat a siégé seulement 128 heures échelonnées sur 32 jours. Au cours de la même période, la Chambre des communes a siégé 344 heures échelonnées sur 50 jours. Au chapitre des comités, la différence est encore plus flagrante.

La pandémie de COVID-19, la dynamique du gouvernement minoritaire à l’autre endroit et notre incapacité à arriver à un consensus sur la façon de nous acquitter de nos fonctions lors de la session précédente ont transformé — temporairement, j’espère — notre institution en organe d’adoption automatique, comme l’a bien décrit le sénateur Tannas, leader du Groupe des sénateurs canadiens. Pour entamer la reprise de nos activités normales avec la participation de tous les sénateurs, il faut tenir des séances hybrides.

Malheureusement, aujourd’hui encore, nous sommes appelés à ratifier à toute vitesse, sans tenir de longs débats ni faire une analyse sérieuse en comité parlementaire, un projet de loi très important dont les coûts associés excèdent 51 milliards de dollars.

Je dirais que je suis presque d’accord avec la sénatrice Martin et le sénateur Plett. C’est peut-être parce que je viens de Joliette, la circonscription de Roch LaSalle, un ami de la famille.

Pendant la première vague de la pandémie, le gouvernement a dû mettre en place de toute urgence des prestations temporaires pour soutenir les Canadiens, dont la Prestation canadienne d’urgence (PCU) et la Prestation canadienne d’urgence pour étudiants (PCUE). Malheureusement, la PCU a été conçue sans coordination avec l’assurance-emploi, ce qui a créé des distorsions dans le régime. Ainsi des travailleurs admissibles à l’assurance-emploi ont préféré demander la PCU, puisqu’elle donnait droit à un montant de 500 $ par semaine jusqu’à 26 semaines, alors qu’ils auraient eu droit à un montant moindre de l’assurance-emploi, qui était assujetti de surcroît à des retenues d’impôt à la source.

Quant à la PCUE, elle comprenait une disposition surprenante. Ainsi, un étudiant qui gagnait 1 001 $ pendant un mois perdait la totalité du montant de 1 500 $, alors que celui qui avait gagné 999 $ pouvait le garder en entier. De plus, en pratique, ces deux prestations ont eu des effets négatifs sur l’emploi. Au Québec, des employés de centres de soins de longue durée ont quitté leur emploi pour profiter de la PCU.

Dans le secteur de la restauration, des employeurs ont été incapables de recruter suffisamment d’étudiants cet été et ont dû limiter leurs heures d’ouverture. À travers le pays, plusieurs groupes d’affaires ont déploré des effets pervers similaires, et la sénatrice Martin y a également fait référence.

Nous pourrions tirer des leçons de l’expérience des États-Unis dans ce domaine. Aux États-Unis, le département du Travail se sert d’un programme conjoint fédéral-État pour fournir des prestations de chômage aux travailleurs admissibles qui ont perdu leur emploi. Chaque État gère un programme d’assurance-chômage distinct, mais tous les États doivent suivre les lignes directrices du gouvernement fédéral.

En réponse à la pandémie, le Congrès a adopté diverses mesures, dont la Coronavirus Aid, Relief, and Economic Security Act. Conformément à cette loi, qui s’accompagne de milliards de dollars, les États s’occupent de verser, jusqu’à la fin de l’année, l’assurance-emploi liée à la pandémie aux personnes qui travaillent à leur compte, qui cherchent un travail à temps partiel ou qui ne sont pas admissibles à l’assurance-chômage traditionnelle pour d’autres raisons. Les personnes qui reçoivent ce soutien financier doivent donner suite aux possibilités d’emploi appropriées qui leur sont communiquées, comme c’est le cas pour l’assurance-chômage traditionnelle. Autrement dit, ce programme spécial vise à fournir du soutien pendant un manque de travail temporaire, et il fait partie intégrante des outils disponibles pour gérer le marché du travail pendant la pandémie.

Par contraste, au Canada, la PCU et la Prestation canadienne d’urgence pour étudiants ont été lancées sans véritable coordination avec les provinces; on n’a pas exigé que les gens acceptent les offres d’emploi raisonnables, et on ne les a pas fortement encouragés à travailler ou à améliorer leurs compétences. Les programmes n’ont pas été pensés pour s’intégrer à un cadre plus large conçu pour aider les bénéficiaires à obtenir les compétences, la formation et les prestations d’assurance-emploi qui leur permettront de retourner travailler.

Alors que le taux de chômage est passé de 5,5 % en janvier à 13,7 % en mai, près de 9 millions de Canadiens ont demandé la Prestation canadienne d’urgence. L’Agence du revenu du Canada a accordé la prestation à environ 8,6 millions Canadiens, les aidant ainsi à payer leurs factures pendant une période difficile et à réduire leur stress.

En raison de ce que je viens de décrire, certains n’ont vu dans la Prestation canadienne d’urgence rien d’autre qu’une mesure budgétaire de soutien au revenu. Beaucoup, y compris des sénateurs, ont demandé que la prestation — dont la fin approche — soit remplacée par un revenu de base universel pour tous les Canadiens, quel que soit leur niveau de revenu, ou, au moins, par un revenu minimum garanti pour les Canadiens en dessous d’un certain niveau de revenu.

En juillet dernier, le directeur parlementaire du budget a évalué le coût d’un revenu de base garanti pour une période de six mois à compter d’octobre prochain. La mesure coûterait de 46 à 96 milliards de dollars, selon le taux de réduction applicable. Pour atténuer les coûts, le gouvernement pourrait annuler tous les crédits d’impôt fédéraux et provinciaux remboursables et non remboursables existants, tels que le crédit d’impôt pour aidants naturels, le crédit d’impôt pour personnes handicapées et le crédit pour la TPS, ce qui représenterait environ 15 milliards.

La réaction des premiers ministres provinciaux au discours du Trône a clairement indiqué que les gouvernements des provinces allaient s’opposer à toute initiative fédérale visant à remplacer ou à modifier les programmes sociaux offerts. Comme l’a dit le sénateur Harder hier soir, le Canada est une fédération, et l’une de nos fonctions est de représenter nos provinces et nos régions au Parlement fédéral.

À mon avis, mettre en œuvre un revenu garanti n’est pas une option réaliste sans la participation des provinces, sauf peut-être dans le cas des Premières Nations. Cependant, une réforme importante du régime d’assurance-emploi relève toujours exclusivement du gouvernement fédéral.

Dans le discours du Trône, le gouvernement a reconnu que cette pandémie a montré que le Canada a besoin d’un régime d’assurance-emploi adapté au XXIe siècle, y compris pour les travailleurs autonomes et les personnes qui travaillent dans l’économie de la demande, la gig economy.

Comme l’ont dit de nombreux experts et économistes — notamment notre collègue la sénatrice Bellemare —, il faut reconnaître que le régime d’assurance-emploi, dont l’accès est devenu trop limité, se trouve dans l’incapacité de répondre à des situations d’urgence qui ont un impact majeur sur l’emploi au pays.

Dans le discours du Trône, le gouvernement a annoncé qu’au cours des prochains mois, le régime d’assurance-emploi serait l’unique mécanisme de paiement des prestations relatives à l’emploi, même pour les travailleurs qui n’étaient pas admissibles à l’assurance-emploi avant la pandémie. Il s’agit d’une annonce très importante pour l’économie canadienne des petits boulots.

Honorables sénateurs, nous devrions être proactifs dans ce domaine. Nous devrions faire des études et inviter des spécialistes à des audiences de comité, pour pouvoir trouver le mécanisme approprié et envisager diverses solutions.

À mon avis, une telle réforme ne devrait pas être laissée à l’exécutif, qui se contentera de négocier en tant que gouvernement minoritaire pour obtenir l’aval d’un ou deux partenaires consentants à la Chambre des communes.

Soit dit en passant, le gouvernement a déjà modifié récemment le régime d’assurance-emploi en apportant des modifications à la réglementation pour faire passer pas moins de 2,8 millions de Canadiens de la Prestation canadienne d’urgence aux prestations d’assurance-emploi.

Les mesures temporaires suivantes seront ajoutées à ce qu’on présente comme la version simplifiée du régime d’assurance emploi : afin d’aider les prestataires à atteindre le seuil minimal requis pour avoir droit à l’assurance-emploi, les travailleurs recevront un crédit unique de 300 heures assurables pour les demandes de prestations régulières — soit en cas de perte d’emploi — ou de 480 heures assurables pour les demandes de prestations spéciales — parentales, de maladie, de maternité, de compassion et pour proches aidants. Autrement dit, les gens auront seulement besoin de 120 heures de travail pour avoir droit à des prestations, et celles-ci seront dorénavant d’au moins 500 $ par semaine afin de correspondre à ce qui était versé dans le cadre de l’ancienne Prestation canadienne d’urgence et à ce qui le sera avec la nouvelle Prestation canadienne pour la relance économique. Les travailleurs auront droit à au moins 26 semaines de prestations régulières. Depuis le 9 août et pour un an, le taux de chômage minimum a été établi à 13,1 % pour toutes les régions économiques de l’assurance-emploi afin de réduire le nombre d’heures requises pour avoir droit à des prestations. Enfin, le taux de cotisations — des employés et des employeurs — demeurera au niveau de 2020.

Collectivement, ces mesures représenteront des dépenses additionnelles de plus de 10 milliards de dollars pour le régime d’assurance-emploi.

C’est sans parler du fait que, pour aider les entreprises à garder leurs travailleurs, le gouvernement ajoutera 1,5 milliard de dollars aux 3,4 milliards qu’il a déjà transférés aux provinces et aux territoires dans le cadre des Ententes sur le développement du marché du travail et des Ententes sur le perfectionnement de la main-d’œuvre. Il bonifiera également de manière significative la Stratégie emploi et compétences jeunesse afin que les jeunes aient davantage d’occasions l’an prochain d’acquérir de l’expérience tout en étant rémunérés.

Enfin, les employeurs pourront profiter de la Subvention salariale d’urgence du Canada jusqu’à l’été prochain.

De toute évidence, la stratégie du gouvernement se résume désormais à la relance du marché du travail et à la création d’emplois. Malheureusement, la deuxième vague de COVID-19 frappe les Canadiens tandis que la réforme de l’assurance-emploi ne fait que commencer.

Ainsi, le projet de loi C-4, qui, comme l’a déclaré le sénateur Dean hier, prévoit trois prestations temporaires de 500 $ par semaines : la prestation canadienne de relance économique pour les travailleurs autonomes ou qui ne sont pas admissibles à l’assurance-emploi et que la COVID-19 empêche de travailler; la prestation canadienne de maladie pour la relance économique, pour les travailleurs qui sont malades et doivent s’isoler; la prestation canadienne de relance économique pour les proches aidants pour les Canadiens incapables de travailler parce qu’ils doivent s’occuper d’un enfant ou d’un membre de leur famille.

Le coût de ces trois prestations temporaires est considérable: 24 milliards de dollars pour la PCU seulement.

Son Honneur la Présidente suppléante [ + ]

Sénateur Dalphond, votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous cinq minutes de plus?

Le sénateur Dalphond [ + ]

Une minute suffira.

Son Honneur la Présidente suppléante [ + ]

Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Le sénateur Dalphond [ + ]

Merci. Contrairement aux prestations temporaires précédentes, les nouvelles sont clairement liées au marché du travail. Par exemple, les Canadiens qui touchent la nouvelle prestation canadienne de relance économique doivent être disponibles pour travailler, chercher un emploi et accepter une offre d’emploi lorsqu’il est raisonnable de le faire.

Je me réjouis également du fait que le projet de loi C-4 prévoit une réduction progressive de la prestation canadienne de relance économique au-delà d’un certain niveau de salaire gagné, au lieu d’une perte complète de la prestation. Voilà qui devrait inciter les travailleurs autonomes et d’autres travailleurs à recommencer à travailler, y compris à temps partiel, aussitôt que possible.

En terminant, je me demande si les travailleurs autonomes célibataires, qui ont subi une réduction de leur revenu de 40 000 $ ou 50 000 $ au cours des derniers mois, seront néanmoins en mesure d’encaisser des prestations. Cela me semble une dépense dont la nécessité n’est pas prouvée. Voilà une question qu’une étude en comité aurait pu approfondir.

Somme toute, honorables sénateurs et sénatrices, à l’instar de tous les partis à la Chambre des communes, j’appuie l’adoption de ce projet de loi, tout en déplorant cependant que le gouvernement ne nous ait pas donné l’occasion de l’étudier en profondeur. À cet égard, je me joins aux arguments de plusieurs collègues du caucus conservateur, avec lesquels il ne m’a pas fallu sept ans pour être d’accord.

Je vous invite à adopter le projet de loi C-4, qui donnera aux Canadiens une mesure législative nécessaire, et j’espère que nous nous attaquerons rapidement et sérieusement à une réforme en profondeur du régime d’assurance-emploi au Canada, afin qu’il s’adapte à la nouvelle économie.

Faisons en sorte que le Sénat contribue à apporter une plus-value grâce à sa réflexion. Le gouvernement en a besoin. Nous avons constaté que les programmes ont parfois été improvisés. Le gouvernement bénéficierait de l’éclairage que pourrait apporter le Sénat.

Merci, meegwetch.

L’honorable Dennis Glen Patterson [ + ]

Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui pour parler du projet de loi C-4. Certes, je reconnais que les Canadiens ont besoin de soutien et je ne veux pas empêcher des millions d’entre eux d’obtenir l’aide qu’il leur faut pour survivre à cette pandémie. Cependant, je dois me joindre à mes collègues de cette enceinte et de l’autre endroit et déplorer la vitesse à laquelle on nous oblige à étudier ce projet de loi. La discussion superficielle qui s’est tenue hier en comité plénier à propos du projet de loi a laissé plusieurs questions ouvertes ou sans réponse. Comme d’autres, j’aurais préféré que le Parlement ne soit pas prorogé pendant six semaines cet été, afin que nous puissions examiner attentivement les programmes et modifications aux politiques nécessaires pour appuyer réellement la population.

L’aide requise va bien au-delà de la prestation provisoire de 500 $ par semaine et des 10 jours de congé de maladie qui sont proposés. Les mesures de lutte contre la COVID-19 dont nous devons discuter — celles que je souhaite voir incluses dans ce projet de loi — sont celles qui visent à relancer notre économie. J’aurais aimé voir des mesures qui permettent de répondre aux besoins des propriétaires d’entreprise et des employeurs de ce pays, et tout particulièrement de ceux du Nunavut, qui ont besoin de l’aide fédérale pour éviter la faillite ou éviter de mettre leurs employés au chômage.

Je sais que de nombreux Canadiens aimeraient mieux gagner leur salaire habituel plutôt que d’essayer de survivre avec 2 000 $ par mois, un montant qui n’est pas grand-chose lorsqu’on tient compte du loyer, de l’épicerie et des services publics. Le coût des produits ne cesse d’augmenter parce qu’il y a des perturbations dans la chaîne d’approvisionnement, et les services deviennent de plus en plus chers en raison de l’augmentation des coûts d’exploitation des entreprises pendant une pandémie. Les factures s’accumulent, et les gens doivent être en mesure de subvenir à leurs besoins.

Des efforts ont été déployés en vue de combler l’écart. Le gouvernement du Nunavut et les hameaux ont travaillé d’arrache-pied avec les employeurs du Nunavut pour veiller à ce que les Nunavummiuts soient épaulés en ces temps difficiles et incertains.

Or, comme le territoire est composé de 25 collectivités uniquement accessibles par avion, le gouvernement du Nunavut a décidé que seuls les résidants du Nunavut et les travailleurs affectés aux services essentiels étaient admis sur le territoire. Il faut obligatoirement s’isoler pendant 14 jours dans une installation désignée et approuvée par le gouvernement avant de s’envoler vers le Nord, à quelques rares exceptions près pour les travailleurs essentiels. Puisque nous devons composer avec un grave problème de logement et un manque de ressources et d’infrastructures, et puisqu’il y a dans les territoires du Nord un pourcentage plus élevé de personnes avec des problèmes de santé, la propagation de la COVID-19 dans ces endroits pourrait être dévastatrice. C’est pour cette raison que les sociétés minières ayant des travailleurs du Nunavut ont dû obliger ces derniers à rester chez eux.

La plupart de ces sociétés continuent de verser généreusement aux Nunavummiuts un pourcentage de leur salaire, car elles comprennent qu’il est important pour ces personnes de pouvoir continuer de subvenir aux besoins de leur famille. Ces sociétés ont même créé, en collaboration avec les villages, des programmes de partage des revenus et de travaux communautaires afin de permettre aux employés de toucher leur plein salaire. En outre, de nombreux travailleurs du secteur minier au Nunavut ont même dû déménager plus au sud pour conserver leur emploi et se rendent en avion sur les lieux de travail.

Bien que ces mesures soient créatives et louables, il ne devrait pas être nécessaire pour les sociétés de supporter seules ce fardeau. Les différents secteurs et les différentes régions ont besoin de différents types de soutien. Nous devons faire le travail qui s’impose pour veiller à ce que les décisions que nous prenons à Ottawa répondent aux besoins des diverses entreprises au pays.

Voilà pourquoi, la semaine dernière, j’ai lancé un sondage à l’intention des entreprises du Nunavut. Je fais ce travail pour m’assurer que le gouvernement entende directement le point de vue des entreprises des territoires. Nous devons savoir ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas et quels sont les besoins.

J’en retire déjà des renseignements précieux, comme le fait que la Subvention salariale d’urgence du Canada, le Fonds d’aide et de relance régionale et l’aide de CanNor pour les entreprises dans les territoires sont les formes de soutien fédéral les plus utilisées. Toutefois, j’apprends également que les répondants ont connu, en moyenne, une baisse de revenu de 60 % et que, même si certains ont pu accéder aux programmes d’aide, beaucoup n’y sont pas admissibles, sont considérés comme présentant un risque trop élevé pour obtenir un prêt ou trouvent le processus de demande trop lourd et excessivement bureaucratisé.

Ce genre de données quantitatives est essentiel à la prise de décisions stratégiques judicieuses. J’aimerais remercier les sénatrices Anderson et Bovey d’avoir proposé de réaliser des sondages semblables dans leur région. Je pense que cela nous sera d’une grande aide pour dresser un portrait des éléments qui nuisent à la survie des entreprises du Nord.

Je sais déjà, comme je l’ai mentionné pendant la période des questions aujourd’hui, que l’industrie hôtelière se trouve dans une situation on ne peut plus difficile. Il ne faut pas oublier que les entreprises en question appartiennent à des Autochtones ou fournissent des emplois et une sécurité dont ont grandement besoin les Autochtones du Nord.

Les hôtels d’Arctic Co-operatives Limited, par exemple, sont répartis dans 20 localités du Nunavut et des Territoires du Nord-Ouest. En 2017, la coopérative a payé 32,5 millions de dollars en salaires et avantages sociaux et les différentes coopératives ont versé 8 millions de dollars en ristourne à plus de 65 000 membres locaux. Au Nunavut, les Inuits bénéficient directement des retombées de la présence de ce secteur.

Or, malgré leur importance pour l’économie du Nunavut, certains hôtels pourraient devoir fermer de façon permanente. Les restrictions très strictes imposées en matière de voyages dont j’ai parlé plus tôt et l’absence de déplacements entre les territoires — qui sont de toute façon d’un coût exorbitant — ont entraîné des taux d’inoccupation qui ne peuvent durer. Les appels à l’aide lancés au gouvernement fédéral n’ont pas donné de résultat utile.

La vérité, chers collègues, c’est que, si certains secteurs ont reçu de l’aide, comme le secteur aérien — et je suis bien content que les gouvernements fédéral et territoriaux aient soutenu les compagnies aériennes du Nord, qui y jouent un rôle essentiel —, de nombreux secteurs de l’économie canadienne souffrent toujours. En plus des hôtels qui sont en difficulté, des entreprises qui ne génèrent pas de revenus sont incapables d’avoir accès aux mesures d’aide du fédéral. De petites entreprises ont dû fermer leurs portes. De petites pourvoiries et entreprises touristiques au Nunavut ne savent pas si elles réussiront à retrouver les niveaux de revenus de l’avant-COVID.

Ce sont ces Canadiens que je voudrais pouvoir aider dès maintenant. Ce sont les mesures que je voudrais voir débattues dans le cadre de ce projet de loi. Malheureusement, il n’y a que des solutions temporaires.

La dernière fois que le Sénat s’est réuni pour étudier les programmes liés à la COVID, j’ai mentionné un problème dont les employeurs du Nunavut me parlent souvent : la difficulté à trouver des employés. Ils m’ont dit que le programme devait prévoir des incitatifs au travail. Finalement, le gouvernement les a écoutés et a tenu compte de leurs préoccupations dans ce projet de loi en ajoutant une exigence pour les bénéficiaires d’être prêts à accepter toute offre raisonnable de travail.

Je m’étais également plaint du fait que, même si beaucoup de demandeurs au Nunavut étaient admissibles, les critères d’admissibilité trop laxes et le manque de surveillance face à la fraude entraînaient des impacts sociaux négatifs, en particulier pour les toxicomanes. La situation a finalement été corrigée dans ce projet de loi, comme l’a souligné hier le sénateur Dean.

Des prestations de 2 000 $ par mois sont peut-être salutaires sur le coup, mais elles ne sont pas une solution à long terme. Les Canadiens ont besoin de savoir qu’ils pourront retourner au travail et retrouver la sécurité financière dont ils jouissaient avant la pandémie. Que faisons-nous pour veiller à ce qu’il en soit ainsi? Comment allons-nous sauver les entreprises canadiennes et leur permettre d’accorder à nouveau à leurs employés leur plein salaire?

Honorables sénateurs, j’aurais aimé que ce projet de loi propose des mesures à cet effet, mais ce n’est malheureusement pas le cas. Je voterai en faveur du projet de loi, mais je déplore que ces autres mesures n’en fassent pas partie.

Merci. Qujannamiik.

L’honorable Rosa Galvez [ + ]

Chers collègues, alors que nous nous réunissons pour adopter à la hâte le projet de loi C-4 dans le cadre d’une toute nouvelle session parlementaire, il ne faut pas oublier la situation précaire dans laquelle nous nous trouvons. La deuxième vague de la pandémie de COVID-19 se propage comme un feu de forêt dans l’ensemble du Canada. En mars, nous savions déjà que cela se produirait. Nous aurions dû être mieux préparés. Nous aurions pu éviter plus d’infections et de décès.

Les établissements de soins de longue durée ont été les plus durement touchés par la première vague de la pandémie au Canada. Ils ont enregistré un taux de décès de plus de 70 % chez les personnes de plus de 80 ans, ce qui est environ deux fois plus élevé que le taux moyen des autres pays développés. Un jour, le fait de laisser les aînés continuer à mourir pourrait être considéré comme un acte de négligence criminelle ou d’ignorance délibérée et les aînés ne sont pas les seules victimes de notre incapacité à planifier véritablement les soins de longue durée. Nous échouons aussi quand vient le temps de fournir des soins de longue durée aux écosystèmes qui nous gardent tous en vie et en bonne santé.

Le projet de loi C-4 prévoit de nouveaux congés de maladie bienvenus et une prestation de relance aux travailleurs indépendants, et il étend les mesures d’aide d’urgence. Comme nous nous apprêtons à adopter le huitième projet de loi d’urgence lié à la pandémie, je remarque que des mots clés ont changé d’un projet de loi à l’autre. En mars, nous parlions de mesures d’urgence, alors que le projet de loi C-4 vise enfin à assurer la relance, en commençant par la création de la Prestation canadienne de relance économique pour soutenir le système d’emploi.

Je suis ravie que le projet de loi C-4 offre un financement particulier pour certains des plus démunis de notre société, comme les sans-abris, les travailleurs étrangers temporaires, les communautés autochtones et les banques alimentaires, pour ne donner que quelques exemples. Cependant, les personnes qui gagnent moins de 5 000 $ par année, les plus pauvres de notre société — que nous pouvons voir tout près d’ici, sur la rue Rideau —, seront encore laissées pour compte. Espérons que le gouvernement saisira enfin l’occasion de mettre en place de façon permanente un revenu de base garanti comme moyen efficace d’offrir de l’aide financière à tous, car plus de 50 sénateurs, sous la direction des sénatrices Pate et Lankin, réclament cette mesure depuis le début de la crise. Cet appel a trouvé écho dans le rapport provisoire du Comité sénatorial permanent des finances nationales sur les mesures économiques liées à la COVID-19, dans lequel on recommande au gouvernement d’envisager cette idée.

Indéniablement, la COVID-19 nous offre le contexte et l’occasion idéale pour réfléchir profondément sur des questions fondamentales : comment en sommes-nous arrivés là? Comment pourrons-nous empêcher d’autres pandémies de se déclencher? Comment pouvons-nous relancer notre économie pour qu’elle soit résiliente? Comment donner espoir aux générations à venir?

Le premier ministre Trudeau a déclaré en avril dernier que ce n’est pas parce que nous sommes confrontés à une crise sanitaire que nous pouvons négliger la crise environnementale. Au printemps dernier, on a appris la création d’un groupe de ministres chargés de réfléchir à la relance économique. Le Portrait économique et budgétaire du 8 juillet indique ce qui suit :

C’est l’occasion pour le Canada de mieux se reconstruire grâce à des investissements dans une relance vigoureuse, inclusive et verte [...]

Dans le discours du Trône, le gouvernement a surtout répété ces anciens engagements tout en promettant d’établir un plan dans quelques mois. En effet, il faut prévoir un plan détaillé avec des échéanciers et des objectifs clairs, accompagnés d’un organigramme budgétaire. Comment prétendre vouloir construire un ouvrage sans plan ni ressources? Plus encore, comment convaincre les sceptiques sans leur présenter les retombées positives économiques, sociales et environnementales ou même la manière de financer notre œuvre? En agissant de la sorte, le gouvernement donne l’occasion aux sceptiques, aux pollueurs et aux profiteurs corporatistes de faire obstacle à la transition vers une économie faible en carbone et au développement d’une industrie et d’une main-d’œuvre du XXIe siècle, ce qui retarde et met à risque le progrès, la compétitivité et la prospérité des Canadiens face aux avancées d’autres pays développés.

On peut comprendre que certaines actions nécessaires afin de protéger l’environnement, la santé publique et les droits de la personne soient suspendues durant une pandémie mondiale, mais comment expliquer que les actions qui aggravent les problèmes aillent toujours de l’avant?

Vendredi, les étudiants et les travailleurs du Canada ont réagi au discours du Trône en manifestant dans les rues de plusieurs villes du pays contre la lenteur du gouvernement fédéral à prendre des mesures à l’égard de ses promesses en matière environnementale.

Un groupe de plus de 100 économistes et experts du domaine de l’énergie de partout au Canada, notamment des titulaires de chaire de recherche du Canada, un ancien économiste de l’Office national de l’énergie et un ancien président de BC Hydro ont envoyé récemment des lettres au gouvernement fédéral pour lui faire part de leurs préoccupations concernant la viabilité économique du projet d’expansion Trans Mountain, dont les coûts s’élèvent maintenant à 12,6 milliards de dollars, compte tenu de la COVID-19.

Selon le Globe and Mail, le gouvernement n’a jamais fourni d’analyse publique de rentabilité pour justifier un des plus grands investissements de deniers publics qu’il ait faits jusqu’à présent, alors que les acteurs internationaux se sont déjà rendu compte que les investissements de ce genre sont très risqués.

Chers collègues, nous devons faire plus pour régler les injustices sociales mises en lumière et empirées par la COVID-19.

À notre retour, il nous faut étudier et, je l’espère, adopter des politiques pour lutter contre l’inégalité croissante de la richesse au Canada, qui n’a fait que s’accentuer pendant la crise. Depuis le confinement imposé par la COVID-19 en mars 2020, la fortune totale des 20 Canadiens les plus riches a augmenté de 37 milliards de dollars. Selon un sondage récent, 82 % des Canadiens estiment que la richesse des mieux nantis du Canada s’est accrue ou n’a pas été touchée par la pandémie. On y apprend aussi que la plupart sont d’avis que le bien-être économique et social des jeunes, des Canadiens racialisés et des femmes a souffert de la crise, et qu’il est à tout le moins important de créer un impôt ou d’augmenter les impôts pour les Canadiens les plus riches afin de compenser les coûts entraînés par la crise de la COVID-19.

Nous pouvons faire fond sur la volonté politique des dernières années d’augmenter l’impôt du 1 % pour enfin s’attaquer aux échappatoires fiscales et aux paradis fiscaux, qui entraînent des pertes de milliards de dollars en recettes fiscales chaque année, des milliards qui pourraient aider à financer une relance équitable.

Selon des calculs fondés sur les données d’un rapport récent du directeur parlementaire du budget sur la distribution du patrimoine, l’application d’un taux d’imposition de 10 % aux 13 800 familles dont la valeur du patrimoine est supérieure à 20 millions de dollars produirait des recettes fiscales de 56,1 milliards de dollars la première année et permettrait de rembourser toutes les mesures de soutien d’urgence liées à la COVID-19 qui ont été prises à ce jour en moins de cinq ans. Cette crise est une occasion de mettre en œuvre une justice fiscale robuste et de financer la relance sans avoir recours à des mesures d’austérité néfastes.

Le projet de loi C-4 répond aux besoins immédiats des travailleurs sans emploi qui sont laissés pour compte par les mesures de sécurité sociale habituelles. Cependant, il n’offre pas de solution permanente ni de vision pour soutenir l’ensemble des travailleurs de façon continue et les aider à affronter d’éventuelles vagues de la pandémie.

Je mets le gouvernement au défi de proposer des programmes sociaux révolutionnaires qui nous permettront de répondre aux besoins des travailleurs, que la conjoncture soit bonne ou mauvaise, sans avoir à recourir à des mesures d’urgence en cas de pandémie.

J’appuie l’adoption du projet de loi C-4. Toutefois, comme plusieurs, je vous prie de travailler ensemble afin de saisir l’occasion que nous impose cette triste crise de la COVID-19 de favoriser le changement. Les attentes des Canadiens quant aux prochains budgets et projets de loi ne pourraient être plus élevées. Merci, meegwetch.

L’honorable Salma Ataullahjan [ + ]

Honorables sénateurs, je n’avais pas l’intention de prendre la parole au sujet du projet de loi C-4, mais en entendant le débat, j’ai réalisé qu’un groupe était laissé pour compte et j’ai pensé que je me devais de prendre la parole pour les défendre : les réfugiés arrivés au Canada et les Néo-Canadiens qui n’ont pas accès à l’ensemble des services de santé. Ils ont été oubliés. Si on regarde les données pour lesquelles une répartition a été effectuée, on constate que certains de ces groupes ont été les plus touchés par la COVID. Nous avons le devoir en tant que Canadiens de penser à ceux qui sont venus au pays en quête de sécurité et d’une meilleure vie.

Je comprends que, bien souvent, s’ils sont laissés pour compte, c’est parce que le Canada n’est pas la Banque mondiale et que personne ne pense à eux. Cependant, nous, les sénateurs, voyons les choses d’un autre œil; nous avons une vision plus globale et nous avons plus de compassion, oserais-je dire. Il ne faut pas oublier ces groupes, alors j’ai pensé que je vous en parlerais, parce que je l’ai fait à l’international et que des gens ont communiqué avec moi pour me dire que, effectivement, ces groupes étaient laissés pour compte. Or, ces gens existent et ce qui leur arrivera, au bout du compte, s’ils ne sont pas en santé ou si la COVID se répand dans leur communauté, aura une incidence sur nous tous, alors il ne faut pas les oublier. Merci beaucoup.

Son Honneur le Président [ + ]

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté, avec dissidence.)

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