Le pont de la Confédération et le péage
Interpellation--Ajournement du débat
14 mai 2019
Ayant donné préavis le 20 mars 2019 :
Qu’il attirera l’attention du Sénat sur :
a)L’importance du pont de la Confédération, de propriété fédérale, dans l’économie et le mode de vie des Prince Édouardiens, en tant que lien vital pour le commerce, le tourisme et le transport des produits de première nécessité;
b)Le lourd fardeau financier imposé par le péage sur ce pont, de 35 $ lors de son inauguration en mai 1997 et maintenant de 47,75 $, soit une augmentation de 36 %, ce qui, à 3,70 $ le kilomètre, en fait certainement l’un des trajets les plus coûteux au Canada;
c)Le fait que, même si les Prince Édouardiens se comptent chanceux d’avoir le pont de la Confédération en raison de sa très grande utilité et de l’économie de temps qu’il permet de réaliser durant le transport des biens en direction et en provenance de l’île, les résidents ont au départ accepté un péage parce qu’ils savaient qu’un système « d’utilisateur payeur » sous la forme de péages fait partie intrinsèque des programmes d’infrastructure fédérale de transport à grande échelle et que c’était pour eux la seule façon d’avoir un pont pour remplacer l’ancien service de traversier offert à l’année;
d)Le changement à la politique de l’utilisateur payeur de longue date lorsque Justin Trudeau a promis, à mi parcours de la campagne électorale de 2015, d’annuler le péage sur le futur pont Champlain – qui, comme le pont de la Confédération, est de propriété fédérale – en construction à Montréal s’il remportait les élections;
e)La victoire des libéraux en octobre 2015, qui a donné lieu à l’annulation du péage. Garder cette promesse électorale faite sous le coup de l’impulsion crée une rivalité entre les régions et les Canadiens. De nombreux Prince Édouardiens ont le sentiment que le gouvernement fédéral privilégie certaines régions en éliminant le péage sur un pont et pas sur l’autre, et se demandent pourquoi des Canadiens sont traités différemment selon l’endroit où ils vivent;
f)L’explication que le gouvernement a donnée à maintes reprises – à savoir que le statut de « pont de remplacement » du nouveau pont Champlain justifiait une telle inégalité – est insensée pour les grands perdants dans cette affaire, parce que le pont Champlain a été un pont à péage pendant 28 ans, soit jusqu’à ce qu’il ait été rentabilisé et que l’idée que le nouveau pont Champlain soit un « pont de remplacement » est une distinction sans importance. Chaque pont remplace quelque chose d’autre, qu’il s’agisse d’un ancien pont, d’un traversier ou d’une autre route. La décision de traiter les « nouveaux ponts » différemment des ponts « de remplacement » est autant une décision politique que celle d’annuler le péage sur le pont Champlain;
g)La déclaration faite en janvier 2017 par le premier ministre lorsqu’il a été questionné sur l’iniquité du péage sur le pont de la Confédération et s’est engagé, selon ses mots, « à examiner des mesures à prendre pour permettre aux gens de se déplacer librement et ouvertement au pays à peu de frais », un engagement aux Prince Édouardiens qui date de deux ans et n’est toujours pas remplie;
h)Par conséquent, le Sénat doit se pencher sur la pression qu’exerce sur l’unité nationale cette incohérence dans la façon de traiter les Canadiens selon l’endroit où ils vivent au pays, puis recommander au gouvernement des solutions afin de résoudre le problème.
—Honorables sénateurs, je souhaite parler de mon interpellation concernant le péage sur le pont de la Confédération, dont certains d’entre vous m’ont déjà entendu parler.
Le fondement de cette interpellation est l’incohérence d’une politique du gouvernement fédéral qui permet d’exiger 47,75 $ par passage sur le pont de la Confédération à l’Île-du-Prince-Édouard tout en annulant le péage proposé pour le nouveau pont Champlain à Montréal.
Même si les Prince-Édouardiens se comptent chanceux d’avoir le pont de la Confédération en raison de sa très grande utilité et de l’économie de temps qu’il permet de réaliser durant le transport des biens en direction et en provenance de l’île, les résidants ont au départ accepté un péage parce qu’ils savaient qu’un système d’utilisateur-payeur sous la forme de péages fait partie intrinsèque des programmes d’infrastructure fédérale de transport à grande échelle et que c’était pour eux la seule façon d’avoir un pont pour remplacer l’ancien service de traversier offert à l’année.
Au-delà du problème d’un péage de 47,75 $ pour les automobiles et des graves conséquences que cela peut avoir sur les habitants de l’île et sur le tourisme, il y a le péage beaucoup plus élevé pour de nombreux véhicules commerciaux et ce que cela signifie pour l’économie de l’île en général.
Tandis que je m’efforçais d’attirer l’attention de la population sur cette inégalité, des producteurs de grain et d’autres exportateurs m’ont parlé des droits de péage que doivent payer les transporteurs, qui sont de 72,50 $ pour une semi-remorque typique et peuvent représenter quelques milliers de dollars par année. Ces frais ont une incidence notable sur leur capacité de faire des affaires. Il s’agit à toutes fins pratiques de droits de douane sur les exportations, particulièrement pour l’agriculture et les pêches, deux secteurs essentiels à l’économie de l’Île du Prince-Édouard.
Pendant la dernière campagne électorale, le chef du Parti libéral, Justin Trudeau, a annoncé que, s’il était élu, il annulerait le futur péage prévu pour le nouveau pont Champlain de Montréal, un projet de construction de 4,2 milliards de dollars qui est maintenant presque terminé. Selon un estimé préparé en 2015 par le directeur parlementaire du budget, cette promesse du premier ministre Trudeau ferait perdre au Trésor fédéral des revenus de 4,3 milliards de dollars sur 30 ans, c’est-à-dire 143,3 millions de dollars par année.
Des coûts supplémentaires s’ajoutent également. En effet, contrairement à ce qui se fait pour le pont de la Confédération à l’Île du Prince-Édouard, où le péage est de 47,75 $, Ottawa paiera les frais d’entretien du pont Champlain, qui s’élèveront à 25 millions de dollars par année en moyenne. Au total, l’annulation du péage et l’entretien coûteront 168,4 millions de dollars par année.
En 2017, le ministre de l’Infrastructure et des Collectivités avait affirmé que le futur pont international Gordie-Howe, à Windsor, en Ontario, comprendrait un péage. Il y a maintenant deux projets de ponts de plusieurs milliards de dollars en cours au Canada. Cependant, alors qu’un passage sur le pont international Gordie-Howe à Windsor — dont le coût de construction et d’entretien est estimé à 5,7 milliards de dollars — exigera un péage, on pourra circuler tout à fait gratuitement sur le nouveau pont Champlain à Montréal. Pendant ce temps, les habitants de l’Île-du-Prince-Édouard paient toujours 47,75 $ pour franchir le pont de la Confédération, dont le coût de construction avait à peine dépassé le milliard de dollars dans les années 1990.
On peut donc se poser la question suivante : pourquoi les coûts de construction et d’entretien du pont Champlain à Montréal sont-ils entièrement assumés par les contribuables canadiens, alors que les personnes qui utilisent d’autres ponts détenus par le gouvernement fédéral doivent payer leur passage afin de couvrir ces coûts? Plus précisément, pourquoi le gouvernement fédéral est-il prêt à engager 168 millions de dollars par année pour éviter qu’il y ait un péage sur le pont Champlain et couvrir les coûts d’entretien de ce pont, alors qu’il n’est pas prêt à dépenser beaucoup moins pour retirer le péage du pont de la Confédération? Si on additionne la subvention versée à l’exploitant du pont de la Confédération et le montant reçu du péage, on est encore loin du coût annuel de la subvention pour le pont Champlain.
Le problème que représente cet écart va au-delà des simples questions d’équité, même si celles-ci sont très importantes. L’engagement du gouvernement à ne pas imposer de péage sur le pont Champlain va à l’encontre du plan décrit dans l’énoncé économique de l’automne 2016, où il disait qu’il voulait :
[...] tirer parti de cet investissement dans l’infrastructure, en attirant du capital privé [...]
Autrement dit, le gouvernement n’aura plus à payer entièrement pour les grands projets d’infrastructure. Il travaillera plutôt en partenariat avec le secteur privé ou il lui déléguera entièrement la tâche.
Bien entendu, les investisseurs privés ne vont pas financer les projets d’infrastructure des transports du Canada par bonté de cœur. Ils s’attendront à récupérer l’argent investi et à réaliser des profits, ce qui veut dire qu’il y aura des péages.
Il y a donc lieu de poser la question suivante : si les recettes provenant des péages sont si importantes pour la viabilité d’un programme de renouvellement des infrastructures, pourquoi n’y a-t-il pas de péage sur le pont Champlain?
Le gouvernement fédéral omet d’expliquer franchement aux Canadiens les raisons pour lesquelles il n’impose pas de péage sur le nouveau pont Champlain de Montréal, alors que la politique de l’utilisateur-payeur s’applique au pont de la Confédération à l’Île-du-Prince-Édouard et au futur pont international Gordie-Howe à Windsor. En fait, les justifications qu’il donne à cet égard sont pour le moins boiteuses.
Par exemple, des représentants du gouvernement ne cessent de répéter les propos que le ministre de l’Infrastructure a tenus dans cette enceinte le 10 mai 2016 :
[...] concernant le nouveau pont Champlain sans péage à Montréal, l’ouvrage que nous construisons est un remplacement. Ce n’est pas un nouveau pont. Le pont qui existe doit être remplacé. La raison pour laquelle nous nous sommes engagés à ne pas prévoir un péage sur le nouveau pont est que le pont actuel n’a pas de péage.
La réalité, chers collègues, c’est que l’actuel pont Champlain a été un pont à péage la moitié de son existence, de son inauguration, en 1962, jusqu’au 4 mai 1990. Le péage a alors été aboli parce que les coûts de construction avaient été remboursés. Il aura fallu 28 ans pour y arriver.
De plus, l’idée qu’il ne puisse pas y avoir de péage sur le nouveau pont Champlain parce qu’il s’agit d’un « pont de remplacement » aurait aussi dû s’appliquer au pont de la Confédération, qui a remplacé un service de traversier. Le Canada a fait une promesse constitutionnelle à l’Île-du-Prince-Édouard lors de son entrée dans la Confédération, en 1873. Les conditions de l’union lorsque l’Île-du-Prince-Édouard s’est jointe au Canada exigeaient ce qui suit :
Le gouvernement du dominion prend en charge les dépenses relatives :
[...] au transport toute saison par bateaux à vapeur, dans de bonnes conditions d’efficacité, des passagers et du courrier, entre l’île et le continent, en vue d’assurer une liaison permanente avec le chemin de fer intercolonial et le réseau ferroviaire du dominion [...]
Autrement dit, une liaison tout au long de l’année entre l’Île-du-Prince-Édouard et le Canada était une condition préalable à l’entrée de la colonie dans la Confédération. Au fil du temps et des percées technologiques, la « liaison permanente » est passée des « bateaux à vapeur » et des brise-glace aux traversiers et, aujourd’hui, au lien permanent qu’est le pont de la Confédération. Cette évolution a été reconnue et même permise par une modification à la Constitution en 1993, qui précisait ce qui suit :
[...] Qu’un ouvrage de franchissement reliant l’île et le continent remplace le service de bateaux à vapeur [...]
Aussi achalandé et important soit-il, le pont Champlain, le nouveau comme l’ancien, ne répond pas à une exigence constitutionnelle. C’est cependant le cas du pont de la Confédération.
Il convient également de rappeler qu’il n’y a rien dans la loi qui empêche de remplacer un pont sans péage par un pont avec péage. D’ailleurs, à l’origine, on prévoyait imposer un péage sur le nouveau pont Champlain, comme le précise le budget fédéral de 2014.
Si tous les contribuables canadiens doivent assumer collectivement le coût de construction et d’entretien du pont Champlain pour que Montréal ait un pont sans péage, financé par le gouvernement à hauteur de 4 milliards de dollars, alors les gens des autres régions du pays ont droit au même traitement.
Si le Canada doit abandonner le principe de longue date de l’utilisateur-payeur en ce qui concerne les mégaprojets de transport, alors les Prince-Édouardiens peuvent s’attendre à ce qu’on élimine le péage sur le pont de la Confédération, et les résidants du Sud de l’Ontario devraient pouvoir emprunter leur nouveau pont sans en assumer à eux seuls les coûts de construction et d’entretien.
Le premier ministre Trudeau a reconnu le problème du péage de 47,75 $ sur le pont de la Confédération dans le discours qu’il a prononcé lors d’une assemblée publique le 13 janvier 2017. Lorsqu’on lui a posé une question sur le péage outrageusement élevé sur le pont de la Confédération, il a répondu que le pont :
[...] avait coûté cher à construire et qu’il coûtait cher à traverser.
À la même assemblée publique, il s’est engagé à :
[...] chercher des solutions afin que les gens puissent se déplacer librement, efficacement et ouvertement à travers le pays, et ce, à un coût modeste.
Les habitants de l’Île-du-Prince-Édouard attendent toujours que le premier ministre instaure ce coût modeste.
En conclusion, le gouvernement du Canada doit répondre à deux questions. Y a-t-il quelqu’un qui trouve sensée la politique faisant du pont Champlain un pont sans péage? Pourquoi les Canadiens sont-ils traités différemment selon l’endroit où ils vivent? Merci.
Sénateur Downe, accepteriez-vous de répondre à des questions?
Oui.
Sénateur, je pose ma question en tant que partisan avoué du péage sur le pont Champlain, une position qui a fait dégringoler ma cote de popularité à Montréal. De toute évidence, vous êtes conscient de la situation particulière du pont Champlain. Il s’agit d’un pont urbain qui relie la banlieue et l’île de Montréal. L’une des difficultés associées à l’imposition d’un péage — et comme je l’ai dit, je souscris au péage — est que si vous imposez un péage trop élevé, les gens utiliseront simplement les quatre autres ponts, ce qui aggravera la congestion et réduira la rentabilité du pont.
Compte tenu de l’examen détaillé que vous avez fait du dossier, je me demande quelle solution vous proposeriez pour régler le problème.
Je vous remercie, sénateur Pratte, de votre question et de votre appui.
En fait, la réponse à votre question se trouve dans le budget de 2014, que je crois même avoir cité. C’est à ce moment que le gouvernement a établi le montant du péage, et je dois dire qu’il était très peu élevé. La différence entre les deux ponts s’explique évidemment par la densité de population dans un cas comme dans l’autre. Les ponts montréalais sont beaucoup plus fréquentés que ceux de l’Île-du-Prince-Édouard. Voilà pourquoi on était très loin de 47 $. Je crois en fait que c’était 1,50 $ ou 1,80 $ du passage. Selon moi, et à entendre votre question, je crois que vous êtes d’accord aussi, soit on applique le principe de l’utilisateur-payeur partout, soit on ne l’applique nulle part. Or, les péages sont une forme d’application du principe de l’utilisateur-payeur. Dans ce cas-ci, le montant exigé serait moindre. Les représentants fédéraux m’ont dit que le péage exigé sur le pont de la Confédération a été établi ainsi en partie à cause du volume du trafic. Je leur ai répondu que, s’il était plus bas, le trafic augmenterait très certainement.
Accepteriez-vous de répondre à une autre question, sénateur? Vous n’avez pas abordé les problèmes qu’éprouvent les insulaires quand ils doivent consulter un professionnel de la santé. Les coûts peuvent alors être très élevés. Même chose quand ils ont besoin d’un passeport — je me rappelle d’ailleurs que quelqu’un ici en a déjà parlé. Les insulaires sont souvent obligés de quitter leur île. Ils doivent faire l’aller-retour, surtout quand ils ont besoin de consulter un professionnel de la santé.
Diriez-vous comme moi que de nombreuses personnes n’ont pas les moyens d’absorber ces coûts supplémentaires?
Absolument, je suis content que vous en parliez. Je n’ai pas eu le temps de tout dire dans le discours. On entend souvent dire que nous sommes une petite province, mais il y en a 10, égales entre elles. La nôtre est tout simplement moins peuplée, ce qui signifie que de nombreux services médicaux, particulièrement pour les enfants, sont offerts à Halifax ou à Moncton et que les gens doivent se déplacer constamment pour les obtenir. En fait, l’un des groupes avec lequel je m’entretiens régulièrement est composé d’infirmières qui me font part des pressions terribles que cela exerce sur les finances familiales. Non seulement faut-il se déplacer, mais il faut faire constamment l’aller-retour, particulièrement pour les soins à donner aux enfants.
Vous avez mentionné les passeports. J’ai rapporté ici une anecdote à ce sujet. Je me trouvais au magasin du coin. Nous n’avons pas de bureau de passeport. Des agents viennent à l’occasion sur l’île, mais nous n’avons pas de bureau de passeport. Le propriétaire du magasin voulait retourner au Liban. Il a rempli sa demande de passeport et a conduit jusqu’à Halifax et tout était correct, mais, de retour à Charlottetown, il s’est aperçu qu’il y avait une erreur et a dû retourner à Halifax. Cela lui a coûté deux fois 47,75 $ avant même d’avoir payé le passeport. C’est un terrible inconvénient qui coûte très cher aux gens de l’île.
D’autres sénateurs ont des questions à poser. Voulez-vous cinq minutes de plus?
Oui, cinq minutes.
Est-ce d’accord, honorables sénateurs?
Merci, sénateur Downe, d’attirer l’attention sur cette question. C’est un dossier important au Sénat. À l’instar du sénateur Pratte, j’appuie moi aussi, en tant que sénateur de Montréal, l’imposition d’un péage pour le pont Champlain. D’ailleurs, j’appuie également l’imposition d’un péage pour l’entretien du pont Jacques-Cartier. J’estime que le principe de l’utilisateur-payeur est important. Je crois que les contribuables montréalais paient déjà des impôts fonciers considérablement plus élevés pour entretenir les infrastructures. Les gens de l’extérieur qui accèdent à l’île devraient payer leur juste part.
Cela dit, vous soulevez des points intéressants. À l’heure actuelle, le gouvernement négocie pour compenser le fait qu’il a changé ce partenariat public-privé en un pont sans péage à Montréal. Ni la Chambre des communes ni le Sénat n’a obtenu d’information du gouvernement. Des négociations sont en cours entre Transports Canada et les avocats de SNC-Lavalin, probablement les mêmes avocats qui demandent un accord de suspension des poursuites au gouvernement, pour autant que je sache. Le gouvernement dit qu’il fournira l’information au Parlement dès que possible. Bien entendu, vous savez que la session parlementaire se termine à la fin juin.
Êtes-vous préoccupé à propos de ces négociations? Y a-t-il un risque que nous n’obtenions pas ces chiffres avant les élections? Enfin, cette décision du premier ministre aux dernières élections était-elle motivée par des considérations financières ou politiques?
Je ne peux pas lire dans les pensées du premier ministre, mais bon nombre d’entre nous ici réunis ont déjà fait la promotion de promesses pendant une campagne électorale en pensant qu’elles leur permettraient de gagner des votes. Ils ont ensuite dû en subir les conséquences. Il se peut que cette question tombe dans l’une de ces catégories.
En ce qui concerne la première partie de votre question, lorsque le contrat a été octroyé pour la construction du pont Champlain, on s’attendait à ce qu’il y ait des postes de péage. Les infrastructures nécessaires pour le péage allaient être construites. L’entreprise chargée de construire le pont peut réaliser des économies appréciables. Je pense que SNC-Lavalin est propriétaire à 50 p. 100 de l’entreprise chargée de la construction du pont. Cette société pourra réaliser des économies de plusieurs dizaines de millions de dollars, car elle ne sera pas tenue de percevoir le péage, ce qui, pour elle, représente une autre source de revenus.
Sénateur Downe, j’aimerais, si je le peux, aborder un point qui constitue à mon avis un dilemme moral et éthique pour les Terre-Neuviens. La nôtre est la seule île, la seule province, qui n’est pas directement liée au Canada continental par un pont ou un tunnel. Nous dépendons fortement du service de traversiers de Marine Atlantique, ce qui suppose des coûts considérables pour les Terre-Neuviens qui veulent se rendre sur la partie continentale du pays. La majorité de nos produits maraîchers arrivent par traversier, un service qui peut varier selon la météo. Ne serait-il pas logique que le gouvernement fédéral envisage la gratuité pour les traversiers? Merci.
Vous soulevez un excellent point parce que, aussi grave que soit la situation à l’Île-du-Prince-Édouard, elle est encore pire à Terre-Neuve-et-Labrador. Les péages incroyablement élevés augmentent considérablement le coût de la vie. C’est pourquoi, lorsqu’une telle politique est modifiée, comme ce fut le cas après les élections de 2015, cela a des répercussions et des implications à l’échelle du Canada. J’ai des préoccupations. Nous parlons ici du projet de loi C-69. Nous parlons du projet de loi C-48, qui vise à interdire les pipelines et les pétroliers. Ce sont autant de sujets qui ont une incidence sur l’unité nationale, du point de vue de la solidarité et de l’égalité de traitement de tous les Canadiens.
La question du péage pose problème. Les habitants de l’Île-du-Prince-Édouard demandent des explications. Nous payons des impôts. Pourquoi nos impôts servent-ils à payer la construction d’un pont sans péage à Montréal alors qu’une autre partie de nos impôts est affectée à la subvention annuelle pour le pont de la Confédération quand nous payons aussi pour le traverser? Si la politique de l’utilisateur-payeur est en train de changer, je pense que Terre-Neuve-et-Labrador a de très bonnes raisons de penser qu’elle devrait être la première ou presque à en bénéficier.