PÉRIODE DES QUESTIONS — Les affaires étrangères et le commerce international
La détention de Canadiens en Chine
16 mai 2019
Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.
J’aimerais revenir sur quelque chose que le leader du gouvernement a affirmé ici même hier. Je le cite :
Il est clair que si nous avions un traité d’extradition avec la Chine, nous serions mieux placés pour gérer certains dossiers consulaires. Cependant, le fait est que les négociations visant l’extradition n’ont pas encore abouti, ce qui a des conséquences concrètes pour les Canadiens qui sont en Chine et qui craignent, comme nous tous, pour leur bien-être.
Sénateur Harder, cette déclaration a causé une certaine confusion parmi mes collègues, car, à notre connaissance, selon ce qui est prévu dans la Loi sur l’extradition, un traité d’extradition permettrait au Canada de demander à la Chine d’arrêter, de détenir et d’extrader des personnes afin qu’elles soient poursuivies au Canada pour des infractions aux lois canadiennes. Je vois mal comment un traité d’extradition avec la Chine aiderait la cause de M. Spavor ou celle de M. Kovrig. Les règles en matière d’aide consulaire sont consignées dans la Convention de Vienne. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi M. Trudeau et vous croyez qu’un traité d’extradition avec la Chine permettrait au Canada de demander que des citoyens canadiens n’ayant commis aucun crime en sol canadien soient extradés, dans le seul but de leur permettre de quitter la Chine?
Je remercie l’honorable sénateur de sa question. Il est clair que si nous avions un traité d’extradition avec la Chine — et j’espère que ce sera le cas un jour —, il y aurait une meilleure compréhension du régime de droit qui régit le processus d’extradition, ce qui aurait pu éviter l’incompréhension, le malentendu évident en ce qui concerne les mesures adoptées par le Canada dans la situation de Mme Meng. Si tout cela avait été bien compris et que le régime de droit canadien avait été clair, nous ne serions peut-être pas dans une situation où deux Canadiens sont détenus.
C’est ce que j’ai voulu dire et la raison pour laquelle j’ai dit cela. Je connais très bien les règles qui régissent les visites consulaires, mais je pense qu’une meilleure connaissance de nos systèmes judiciaires respectifs et de la gestion des traités d’extradition aurait été utile des deux côtés et, plus particulièrement, en ce qui concerne la compréhension qu’a la Chine de notre processus d’extradition.
Honorables sénateurs, l’enjeu ne consiste pas à établir une comparaison entre le Canada, qui est un pays assujetti à la primauté du droit, et la Chine, qui conçoit différemment cette notion. L’enjeu, c’est le fait que le gouvernement ne fait rien dans ce dossier et qu’il est incapable d’améliorer les relations entre le Canada et la Chine afin d’aider les citoyens canadiens dont la vie est en jeu.
Sénateur Harder, hier, vous avez servi une mise en garde à la suite de mes questions au sujet de MM. Spavor et Kovrig. Vous avez déclaré ce qui suit :
Il faudrait également résister à la tentation de mettre toute la faute sur le premier ministre, comme l’honorable sénateur tient tant à le faire. En l’occurrence, il s’agit de décisions prises par le gouvernement chinois.
Puis, vous avez ajouté ceci :
Il est important que nous ne cherchions pas à obtenir un avantage partisan dans une situation où des vies canadiennes sont en jeu.
Permettez-moi de citer l’honorable Stéphane Dion, qui, le 26 janvier 2015, alors qu’il était député libéral de l’opposition, a posé à la Chambre des communes une question sur Raïf Badawi, qui est incarcéré en Arabie saoudite :
Le premier ministre va-t-il intercéder lui-même directement auprès du nouveau roi saoudien, comme l’en prie l’épouse de M. Badawi?
La même demande voulant que le premier ministre Harper intercède directement auprès du roi saoudien a aussi été faite par plusieurs députés libéraux, dont l’honorable Irwin Cotler et l’honorable Marc Garneau, qui est actuellement ministre au sein du gouvernement de Justin Trudeau.
Sénateur Harder, pourquoi pensez-vous que les parlementaires ne devraient pas poser de questions difficiles au sujet de l’inaction du premier ministre Trudeau en ce qui concerne les Canadiens emprisonnés en Chine? Ou est-ce que, comme d’habitude, le sénateur Harder et nos collègues sénateurs estiment qu’elles deviennent partisanes lorsqu’elles sont posées par un conservateur?
Je remercie le sénateur de sa question. Je tiens d’abord et avant tout à assurer aux Canadiens que le premier ministre est personnellement et activement intervenu depuis le tout début de la situation mettant en cause, premièrement Mike Kovrig, puis d’autres Canadiens par la suite. D’autres ministres sont également intervenus et, comme je l’ai indiqué dans une longue réponse à une question précédente, le Canada a consulté bon nombre de ses alliés, qui ont à leur tour fait part de leurs préoccupations et de leurs intérêts à l’égard de cette affaire au gouvernement chinois.
Pas plus tard qu’il y a quelques heures, le premier ministre, qui était toujours à Paris, a fait la déclaration suivante à la presse :
Nous continuerons à collaborer avec nos alliés et à nous adresser directement à la Chine pour qu’elle comprenne que le Canada respecte la primauté du droit et sache que nous laisserons les procédures judiciaires se dérouler de façon indépendante au Canada mais que, parallèlement, nous défendrons toujours les Canadiens.
Il est important de reconnaître, particulièrement en ce jour où deux Canadiens viennent d’être formellement accusés, que nous devons collaborer pour minimiser les risques pour ces ressortissants canadiens et examiner attentivement toutes les possibilités pouvant permettre de dénouer cette impasse.
Les événements tragiques de la place Tiananmen ne remontent pas à si longtemps puisqu’ils sont survenus il y a quelques décennies. À cette époque, personne au Canada n’avait critiqué M. Mulroney pour le refroidissement des relations diplomatiques. La situation était claire. De la même manière, le refroidissement actuel résulte des mesures prises par la Chine. Voilà ce que j’ai dit plus tôt. Voilà pourquoi le gouvernement du Canada cherche à aplanir les difficultés.