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Régie interne, budgets et administration

Septième rapport du comité--Suite du débat

26 septembre 2023


Honorables sénateurs, je n’avais pas l’intention d’intervenir sur l’article no 31, mais je me sens obligé de prendre la parole, compte tenu de la frustration que je ressens depuis des mois et même des années en voyant la direction que prend le Sénat, et surtout le Comité de la régie interne, des budgets et de l’administration. Il s’engage dans une voie où, à l’image du pays, nous dépensons des sommes exorbitantes très rapidement, souvent sans raison. De plus, je constate un changement radical de ce qui était la norme quand je suis arrivé au Sénat, c’est-à-dire rechercher le consensus et administrer le Sénat de manière non partisane, transparente, responsable et bilatérale.

À mon humble avis, le Comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration a pris la mauvaise habitude d’accepter automatiquement tout ce que l’administration propose comme dépenses. On hoche la tête et on obéit. Je vois une tendance troublante que je vais vous expliquer. Dans le budget de 2022, le montant demandé pour le Sénat est de 126,7 millions de dollars. En 2021-2022, c’était 121,8 millions. Je pense qu’on peut tous conclure que cela représente une forte hausse des dépenses, surtout quand on compare la quantité de projets de loi du gouvernement que le Sénat a eu à traiter depuis sept ans avec le nombre de projets de loi du gouvernement, le nombre de motions et le nombre de projets de loi d’initiative parlementaire qui ont été débattus et votés au Sénat pendant les sept années précédentes, sous un gouvernement différent. Surtout, si on compare le nombre d’études et de travaux en comités qui ont été réalisés entre mon arrivée au Sénat, en 2009, et 2015, c’est le jour et la nuit.

Permettez-moi toutefois de vous dire que si on regarde le bilan depuis mars 2016 — et c’est en mars 2016 que le gouvernement Trudeau a nommé le premier sénateur indépendant —, nous avons évidemment vu l’expansion qu’a prise ce groupe de sénateurs et la façon dont cette expérience évolue. Nous avons tous essayé de faire en sorte que cela fonctionne dans des circonstances difficiles.

En mars 2016, le budget de fonctionnement du Sénat du Canada était de 74,6 millions de dollars. En très peu de temps, il est passé de 74,6 millions de dollars à 126,7 millions de dollars. La question que je pose est la suivante : il n’y a rien de mal à ce que les dépenses et les investissements d’une organisation augmentent de 40 %, mais il faut aussi un rendement sur l’investissement. Franchement, je crains que ce rendement ne soit inexistant. C’est pourquoi l’opposition officielle — même si l’expression « opposition officielle » pose problème à certains, le Sénat a une opposition officielle et, Dieu merci, notre rôle consiste à exiger des comptes du gouvernement — demande depuis des années au gouvernement et à la majorité des personnes nommées par le gouvernement de prendre des mesures pour maîtriser ces dépenses et faire preuve de responsabilité et de transparence.

Outre le bilan du gouvernement, nous sommes également préoccupés par le fait que nous avons délaissé la recherche de consensus entre le gouvernement et l’opposition pour la tenue d’un nombre toujours croissant de votes sur différents sujets chaque fois qu’il y a désaccord entre les membres du comité. On peut observer cette tendance notamment au sein du Comité sénatorial permanent de la régie interne depuis les cinq ou six dernières années. Auparavant, si nous remontons par exemple en 2015 et au-delà, il n’y avait pas autant d’échanges acrimonieux. Lorsque j’étais président du comité, du moins, on cherchait toujours à atteindre le consensus. Ainsi, même si le comité directeur était surtout constitué du parti au pouvoir ou que la majorité du Comité de la régie interne lui était acquise, si la vice-présidence qui faisait partie de l’opposition n’était pas d’accord sur un point, on ne procédait pas aux modifications ou aux dépenses en question. Dans un souci de coopération, de responsabilisation et de transparence, il faudrait revenir à cette façon de procéder.

Une autre préoccupation de l’opposition officielle, et nous en parlons au Comité de la régie interne depuis plusieurs années, c’est que l’Administration semble prendre le contrôle du comité. Ce dernier a en effet le réflexe d’acquiescer aux propositions présentées par la Direction des services d’information, les finances ou divers secteurs administratifs du Sénat au lieu que les sénateurs soient les instigateurs de certaines de ces modifications et décisions.

Il n’appartient pas aux directeurs de départements de s’adresser au Comité de la régie interne pour lui dire essentiellement : « Nous pensons que c’est la meilleure solution pour le Sénat », puis que le comité accepte. Il fut un temps où ces décisions étaient prises par les sénateurs, pour les sénateurs et pour cette institution, et, bien franchement, un certain nombre d’entre nous qui sont là depuis longtemps ont l’impression que ces questions importantes ne font pas l’objet de consultations et ne sont pas portées à l’attention des leaders de nos groupes respectifs avant que des décisions soient prises.

J’ai un bon exemple. Notre institution parlementaire a subi une cyberattaque très importante, qui a été menée ces derniers jours contre la Chambre des communes et cette institution qu’on appelle le Sénat. Nos serveurs ont été attaqués par la Russie. Ils ont été attaqués du côté de la Chambre et du Sénat. Combien d’entre vous êtes au courant de cette attaque? Savez-vous pourquoi vous n’êtes pas au courant? C’est parce que vous ne semblez pas être des intervenants importants de cette institution. La Direction des services de l’information, elle, est au courant. L’Administration est au courant. J’espère que, à tout le moins, le Comité de la régie interne est au courant.

Je tiens à souligner que lorsque cela s’est produit du côté de la Chambre, les députés en ont été informés immédiatement, comme le veut la pratique normale d’une institution qui se gouverne elle‑même comme c’est le cas du Parlement. En fait, le département responsable de l’administration interne, les dirigeants, les leaders à la Chambre et les députés ont tous été informés immédiatement. Il s’agit d’une façon de faire normale pour un Parlement indépendant qui contrôle son propre destin. Au final, c’est du Sénat que le Comité de la régie interne reçoit le pouvoir administratif lié à notre institution. Il a des comptes à rendre au Sénat. Les administrateurs qui gèrent le Sénat le font à la lumière des directives du Comité de la régie interne, lesquelles doivent aussi être approuvées et autorisées par notre institution. C’est ainsi que fonctionne un Parlement légitime.

Bref, chers collègues, bon nombre d’entre vous se demandent peut-être pourquoi le poste 31 et le budget de 2023-2024 n’ont pas été approuvés. L’opposition officielle n’en a pas encore parlé parce que nous avons certaines préoccupations qu’il faudrait, selon nous, régler.

Excusez mes soupçons, mais ce manque de transparence et de responsabilité n’est pas surprenant en présence d’un gouvernement comme le gouvernement actuel. Chaque fois qu’il se trouve aux prises avec un scandale, il blâme tout le monde sauf lui-même. Il n’assume jamais ses responsabilités. Ces derniers jours, nous l’avons vu avec ce qui s’est passé à l’autre endroit. Il s’agit là d’une tache importante et d’une insulte à la mémoire de tous les Canadiens qui ont combattu pendant la Deuxième Guerre mondiale. Cet événement est inexcusable et inacceptable. Plutôt que le Bureau du protocole du Cabinet du premier ministre et le gouvernement en assument l’entière responsabilité, le premier ministre se sert du Président comme bouc émissaire. Il se cache depuis quelques jours. Au moins, dans cette enceinte, il y a un représentant du gouvernement qui ne se cache pas. Il est ici régulièrement, il écoute nos questions. Cela dit, malheureusement, nous, de l’opposition, sommes tout aussi frustrés. Il semble que nous n’obtenions jamais de réponses. Nous n’obtenons pas plus de réponses de sa part et de la part du gouvernement que de la part du Bureau de la régie interne sur ces questions importantes.

Prenez le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, par exemple. Au milieu des cyberattaques et de l’ingérence étrangère que personne ne nie — à propos desquelles nous devons prendre des mesures immédiates —, le gouvernement manque à l’appel. Il y a un processus lié au Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement...

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