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Projet de loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial

Vingt-cinquième rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles--Débat

25 septembre 2024


L’honorable Brent Cotter [ + ]

Propose que le rapport soit adopté.

 — Je prends la parole à propos du 25e rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Ce rapport a été présenté le 20 juin 2024 par l’ancienne sénatrice Jaffer. Il porte sur le projet de loi S-15, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial. Il s’agit d’un projet de loi émanant du gouvernement dont le parrain est le sénateur Klyne et le porte-parole, le sénateur Plett. Le projet de loi a fait l’objet de nombreux débats au comité et il a été amendé de façon substantielle avant son renvoi au Sénat.

Comme le savent les sénateurs chevronnés, il est de mon devoir de présenter le rapport et les amendements au projet de loi, y compris en précisant le but et la justification derrière chaque amendement. Cette obligation suppose que j’ai une mémoire encyclopédique de la version du projet de loi qui a été renvoyée au comité avant tout amendement. Tout ce que je vais dire vous paraîtra naturel. J’avoue ne pas avoir une telle mémoire. Je vais donc prendre un moment pour faire un survol de la version initiale du projet de loi, puis j’expliquerai les amendements dans ce contexte.

Le projet de loi est communément appelé le « projet de loi de Jane Goodall », quoiqu’il puisse être appelé le « projet de loi Cher », comme l’ont appris certains d’entre vous qui ont reçu un courriel hier soir. Comme l’indique clairement son préambule original, le projet de loi vise à étendre la protection et la réglementation des animaux sauvages en captivité en interdisant la mise en captivité de certains animaux sauvages, en particulier les grands singes et les éléphants, en empêchant leur reproduction en captivité avec certaines exemptions et en imposant aux contrevenants des sanctions prévues par le droit criminel. Par ailleurs, le projet de loi établirait un régime sous l’autorité du ministre de l’Environnement pour délivrer des permis à des organismes afin qu’ils puissent garder de grands singes et des éléphants en captivité à des fins précises liées au bien-être de l’animal ou à sa conservation ou à des fins scientifiques, et pour établir les conditions dans lesquelles les animaux peuvent être importés, exportés et transportés.

Le projet de loi original comptait 10 pages et aurait entraîné des modifications du Code criminel et de la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial afin d’atteindre ces objectifs. Le projet de loi a été renvoyé au comité le 19 mars 2024, et le comité a commencé son étude le 10 avril. Au total, le comité a consacré 20 heures et 30 minutes à l’étude du projet de loi au cours de 12 réunions, dont 5 ont été consacrées à l’étude article par article. Quarante-huit témoins ont comparu, nous avons reçu 33 mémoires et, la plupart du temps, le nombre de membres votants du comité passait de 12 à 14.

Au total, 23 amendements au projet de loi ont été proposés : 15 ont été adoptés, 13 modifiaient le projet de loi et 2 modifiaient le préambule. Les amendements ont été proposés par les sénateurs Klyne, Plett, Clement, Batters, Simons, Dalphond et moi-même. Le débat sur le projet de loi a été vigoureux, si je puis dire, et l’ancienne sénatrice Jaffer, qui présidait alors le comité, s’est bien acquittée de sa tâche en nous guidant tout au long de l’examen du projet de loi.

Je passe maintenant aux amendements adoptés par le comité. Je pense qu’il sera plus utile que je décrive les amendements et leurs conséquences plutôt que de vous les lire.

Premièrement, le préambule initial du projet de loi S-15 précisait que le Parlement reconnaît l’évolution de l’opinion publique sur la captivité de certaines espèces animales non domestiques. Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a amendé le préambule en supprimant cette affirmation.

Dans sa version initiale, le préambule précisait également que :

[le Parlement] est d’avis que la science établit que certains animaux, notamment les éléphants et les grands singes, ne doivent pas vivre en captivité en raison de la cruauté que cela représente [...]

Le comité a supprimé la référence à la « science » et l’accent mis sur les éléphants et les grands singes pour une raison qui sera bientôt évidente. Il a également amendé le libellé en mentionnant le risque pour la sécurité publique, qui s’ajoute au risque de cruauté.

Ces amendements au préambule s’alignent sur d’autres amendements au projet de loi adoptés par le comité.

Je passe maintenant au contenu du projet de loi, en commençant par l’article 1. L’amendement le plus important, soit l’ajout de ce qu’on surnomme la « disposition de Noé », a été fait par le sénateur Klyne, parrain de cette mesure, à l’étape de l’étude article par article. Comme son nom l’indique, cette disposition rappelle l’arche de Noé. Vous comprendrez son importance grâce à la petite explication que voici. La « disposition de Noé » permettrait au gouverneur en conseil, donc au Cabinet, de désigner d’autres espèces d’animaux non domestiques vivant en captivité, par exemple, de grands félins non indigènes, afin qu’ils soient aussi couverts par les protections et les interdictions prévues dans le projet de loi S-15 pour les éléphants et les grands singes. Les espèces non domestiques qu’il serait possible de désigner ainsi sont illimitées, d’où la référence à l’arche de Noé.

Cet amendement permettrait au gouverneur en conseil de restreindre ou d’interdire, par voie de règlement, la captivité, l’importation ou la reproduction de ces autres types d’animaux sans avoir à faire adopter d’autres mesures législatives semblables au projet de loi S-15. Selon l’amendement, ces désignations seraient fondées sur les meilleures données disponibles en science, en médecine vétérinaire, en soins animaliers ou en matière de bien-être animalier; elles devraient aussi respecter plusieurs critères liés aux caractéristiques des animaux en captivité.

Les animaux servant à la production alimentaire au Canada seraient exclus de cette disposition; ils ne pourraient pas être désignés.

L’article 1 a aussi modifié ou ajouté d’autres exceptions concernant la possession d’animaux qui pourraient être désignés à l’avenir. Parmi ces exceptions figure la captivité légitime visant à protéger des biens ou la sécurité publique et le fait de mener des activités de piégeage.

Enfin, le libellé de l’exception relative à la possession autorisée d’un éléphant, d’un grand singe ou d’un animal désigné en vue de lui procurer des soins vétérinaires a été modifié pour permettre la captivité lorsque l’animal est détenu dans le but de le soigner ou de le réadapter s’il est blessé ou en en détresse.

En outre, le comité a amendé l’article 1 afin d’ajouter deux mécanismes supplémentaires liés à la transparence et à la responsabilité lors de la désignation des animaux en captivité.

Premièrement, le ministre de l’Environnement et du Changement climatique serait tenu de donner un avis public six mois avant sa recommandation de désigner de nouvelles espèces, afin de donner aux parties prenantes l’occasion de présenter leurs observations et de permettre à l’industrie de s’adapter. Deuxièmement, des consultations obligatoires doivent avoir lieu avec des représentants du secteur zoologique, des biologistes de la faune, des experts en soins animaliers et des représentants provinciaux responsables du bien-être animalier, ainsi qu’avec des représentants des personnes ou des groupes qui sont titulaires d’un droit ancestral, autochtone ou issu d’un traité reconnu et confirmé par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

En modifiant cet article, le comité a également ajouté deux obligations, pour le ministre, de publier un rapport concernant les consultations entreprises et toute donnée appuyant la proposition de désigner de nouvelles espèces. Ce rapport doit ensuite être déposé devant chaque chambre du Parlement et être mis à la disposition du public, sur le site Web du ministère.

En outre, le comité a amendé l’article 1 pour préciser que l’utilisation d’un éléphant, d’un grand singe ou d’un animal désigné comme moyen de transport constituerait une infraction criminelle. Le fait de les donner en spectacle est déjà interdit par le projet de loi S-15. Cet amendement vise à interdire explicitement les promenades à dos d’éléphant au Canada.

Comme je l’ai mentionné, le projet de loi initial énonçait quelques exceptions autorisant la possession, la reproduction, la fécondation ou la reproduction naturelle d’espèces visées par la loi, notamment lorsqu’il s’agit du bien-être de l’animal, d’un programme de recherche scientifique ou de conservation.

Comme on jugeait que l’expression « recherche scientifique » était trop large, le comité a amendé l’article 1 pour préciser que le programme de recherche scientifique doit être mené à des fins de conservation, en soulignant le lien entre la recherche et l’amélioration de la viabilité à long terme des espèces à l’état sauvage.

En ce qui concerne la définition de « grand singe », le comité a remplacé la définition originale pour énumérer expressément les espèces qui relèvent de cette définition. La nouvelle définition précise qu’un grand singe désigne toute espèce du genre Gorilla, Pan ou Pongo, notamment le gorille, le bonobo, le chimpanzé et l’orang-outan.

Une autre disposition porte sur les ordonnances des tribunaux rendues dans l’intérêt de l’animal. Les infractions créées dans le projet de loi S-15 sont punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire et sont passibles d’une amende maximale de 200 000 $. Outre les dispositions du code relatives à la confiscation et à la détermination de la peine, le comité a modifié l’article 1 afin d’autoriser expressément les tribunaux — il s’agit d’un pouvoir que le tribunal peut utiliser, et non pas d’une obligation — à ordonner au délinquant de prendre, à ses frais, certaines mesures dans l’intérêt de l’animal à l’égard duquel l’infraction a été commise ou d’autres animaux dont le délinquant a la possession et qui appartiennent à la même espèce ou à une espèce étroitement apparentée. Ces mesures pourraient inclure ce qui suit : modifier les conditions physiques ou sociales de la captivité, reloger l’animal dans un autre établissement ou sanctuaire, ou abandonner le droit de propriété sur l’animal et confier celui-ci à l’autorité responsable du bien-être des animaux.

Il y a aussi une série de modifications corrélatives pour harmoniser le projet de loi avec d’autres éléments de la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial, et du processus administratif de délivrance de permis qui y est associé.

Enfin, en ce qui concerne les autres modifications, le comité a modifié l’article 11 — nous en avons terminé avec l’article 1 — en fixant comme date d’entrée en vigueur le premier anniversaire de la sanction royale du projet de loi. Ce délai permettrait à l’industrie d’adapter ses installations opérationnelles afin qu’elles soient conformes aux nouvelles dispositions du Code criminel et au nouveau régime de réglementaire applicables aux éléphants et aux grands singes en captivité.

Pour conclure, le comité s’est livré à une discussion et à un débat vigoureux, ce qui semble être la règle lorsqu’un comité formé de 14 personnes se réunit. Après une longue étude article par article du projet de loi et des amendements — comme je l’ai dit, il y avait 23 amendements proposés, dont 13 ont été adoptés au cours de l’étude article par article sous la direction de la présidente du comité de l’époque, l’ancienne sénatrice Jaffer —, le projet de loi a été adopté par le comité dans cette forme amendée. Merci.

Honorables sénateurs, en tant que parrain du projet de loi S-15 du gouvernement, je prends la parole pour appuyer l’excellent rapport du Comité sénatorial des affaires juridiques sur ce projet de loi, y compris les amendements et les observations importantes. Comme vous le savez, ce projet de loi propose une protection juridique pour les éléphants et les grands singes en captivité. Grâce aux amendements qui figurent dans le rapport, le projet de loi peut fournir un mécanisme pour protéger davantage d’espèces animales sauvages au fil du temps, comme les grands félins et...

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