Projet de loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial
Vingt-cinquième rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles--Débat
3 octobre 2024
Honorables sénateurs, en tant que parrain du projet de loi S-15 d’initiative ministérielle, je prends la parole pour soutenir l’excellent rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles sur cette mesure législative, qui comprend des amendements importants et des observations.
Comme vous le savez, ce projet de loi propose une protection juridique pour les éléphants et les grands singes en captivité. Grâce aux amendements proposés dans le rapport, le projet de loi peut également fournir un mécanisme pour protéger davantage d’espèces sauvages au fil du temps, comme les grands félins, ainsi que la sécurité publique.
Avant de passer au rapport, rappelons que le projet de loi S-15 répond au mandat électoral que les Canadiens ont accordé au gouvernement, qui consiste à protéger la faune sauvage en captivité en s’appuyant sur les lois canadiennes de 2019 relatives à la captivité des baleines et des dauphins. Le projet de loi bénéficie du soutien de Jane Goodall — qui nous a rendu visite au printemps — et d’une coalition de 10 grands zoos canadiens et organismes de protection des animaux.
Le projet de loi S-15 exige une licence pour l’acquisition, la reproduction, l’importation ou l’exportation d’éléphants et de grands singes, mais seulement à des fins de conservation ou de recherche scientifique ou bien si c’est dans leur intérêt. À l’heure actuelle, les 25 éléphants et les 30 grands singes qui se trouvent en captivité à quatre endroits au Canada seront tous protégés par des droits acquis.
Le projet de loi vise à mettre fin à la reproduction commerciale et à la vente d’éléphants au Canada, y compris à la séparation cruelle des couples mère-fille, qui restent normalement unis pour la vie. Il empêchera également la répétition de situations tristes comme celle de Lucy, l’éléphante solitaire d’Edmonton, tout en permettant des transferts vers des refuges situés dans un climat plus chaud, si cela s’avère nécessaire.
De plus, le projet de loi S-15 empêcherait l’importation des plus proches parents vivants de l’humanité — les grands singes, ce qui inclut les chimpanzés, les gorilles, les orangs-outans et les bonobos — dans de petits zoos privés ou en tant qu’animaux de compagnie exotiques. Enfin, il interdirait l’utilisation de ces espèces dans des spectacles de divertissement, tels que les spectacles de cirque avec des éléphants qui ont eu lieu en Ontario.
Passons au rapport du Comité des affaires juridiques. Sur une période de trois mois, nous avons tenu 12 réunions et entendu 45 témoins, dont le ministre de l’Environnement et du Changement climatique, Steven Guilbeault, ainsi que des scientifiques, des organisations non gouvernementales, des zoos, des sanctuaires et des professeurs de droit.
Nous avons également reçu 22 mémoires.
Aujourd’hui, je vais d’abord parler des preuves scientifiques et juridiques que le comité a reçues, puis des amendements présentés dans le rapport et, enfin, des observations du comité.
Tout d’abord, penchons-nous sur les preuves scientifiques et juridiques en lien avec le projet de loi S-15. Le comité a reçu des preuves concluantes de la part de scientifiques indépendants indiquant que la captivité est un risque de cruauté pour les éléphants et les grands singes, et que ce projet de loi est nécessaire pour protéger ces êtres qui ont une conscience de soi, qui ressentent des émotions et qui sont très sociaux.
Par exemple, le neuroscientifique Bob Jacobs nous a dit que les environnements pauvres et le stress chronique en captivité peuvent causer des lésions cérébrales, entraîner des comportements anormaux et compromettre les systèmes immunitaires chez les éléphants, les grands singes, les grands félins et d’autres espèces sauvages. Il a dit ce qui suit à propos des éléphants : « À tous les égards, cela équivaut à forcer un être humain à vivre toute sa vie dans une salle de bains. »
Le comité s’est penché sur des préoccupations propres au Canada, comme le fait de garder les éléphants à l’intérieur en hiver, de séparer les paires d’éléphants mère-fille et d’utiliser des crochets pour contrôler les éléphants par la douleur et la peur.
Pour ce qui est des données scientifiques concernant les éléphants, le comité a entendu les témoignages en faveur du projet de loi de Keith Lindsay et de Jan Schmidt-Burbach, et il a reçu des mémoires en faveur du projet de loi de la part de M. Jacobs et de 24 experts des éléphants.
Pour ce qui est des données scientifiques concernant les grands singes, le comité a entendu les témoignages en faveur du projet de loi de Lori Marino et de Mary Lee Jensvold. En ce qui concerne les détails juridiques du projet de loi S-15, les témoignages présentés au comité ont confirmé que la compétence fédérale inclut le droit pénal et le droit commercial international pour empêcher la cruauté envers les animaux ou protéger la sécurité publique.
Sur ce point, j’invite mes collègues à examiner le témoignage des professeures Angela Fernandez et Jodi Lazare ainsi que leur mémoire signé par quatre autres professeures de droit.
Les témoignages scientifiques et juridiques présentés au Comité des affaires juridiques étaient exhaustifs et déterminants. La captivité des animaux sauvages, comme les éléphants et les grands singes, peut être une forme de cruauté, et le projet de loi S-15 relève de la compétence du gouvernement fédéral.
Je passe maintenant aux amendements contenus dans le rapport sur le projet de loi S-15.
Premièrement, le comité a adopté un amendement de la sénatrice Clement visant à interdire les promenades à dos d’éléphant. Pour mettre les choses en contexte, African Lion Safari, près d’Hamilton, offrait des promenades à dos d’éléphant. En 2019, un cornac a été victime d’une attaque et a été grièvement blessé. L’Association of Zoos and Aquariums, un organisme américain d’accréditation, a mis fin aux promenades à dos d’éléphant dans ses organisations membres en 2011. Aquariums et zoos accrédités du Canada a fait de même en 2021. Cet amendement donnera valeur légale à cette politique au Canada.
Deuxièmement, le comité a adopté une série d’amendements de la sénatrice Clement qui changent l’un des trois motifs justifiant l’octroi d’une licence afin de remplacer « recherche scientifique » par « recherche scientifique pour la conservation ». Ces amendements ont été apportés à la demande de l’Institut Jane Goodall du Canada et de neuf des plus grands zoos du Canada et ONG qui défendent le bien-être des animaux. L’objectif de ces amendements était de supprimer une échappatoire possible qui aurait permis d’importer des éléphants et d’en faire l’élevage ou de les exporter pour des motifs scientifiques ténus qui ne présentent pas d’avantage pour la conservation de l’espèce.
D’ailleurs, des témoins ont dit au comité que les éléphants en captivité en Amérique du Nord et la recherche scientifique qui y est associée n’ont pas de valeur importante du point de vue de la conservation. Cet amendement permettra une meilleure protection des éléphants en captivité, notamment en augmentant les chances que les mères et les filles restent en ensemble, puisqu’on sait maintenant que leur séparation est cruelle et contre nature.
Troisièmement, le comité a adopté une définition en termes simples de « grand singe », qui nomme les espèces concernées, conformément à la proposition de la sénatrice Batters. Ce changement rend la loi plus facile à comprendre, ce qui est une bonne chose.
Quatrièmement, le comité a adopté un amendement de la sénatrice Simons qui porte sur la détermination de la peine pour les infractions concernant des animaux en captivité. En plus de prévoir une amende et une déclaration de culpabilité par procédure sommaire pour reproduction ou spectacle illégaux, l’amendement de la sénatrice Simons encourage les juges à ordonner des conditions pour protéger les animaux concernés ou à les relocaliser dans de meilleurs endroits aux frais du contrevenant. Une telle mesure aurait pu encourager la Couronne de l’Ontario à donner suite aux accusations portées par la police de Niagara en 2021 contre Marineland pour des spectacles de dauphins qui auraient été illégaux. Kaitlyn Mitchell, avocate pour Animal Justice, nous a dit que Marineland semble avoir été en mesure de faire fi de cette loi.
Cinquièmement, en tant que parrain du projet de loi et sénateur indépendant qui travaille sur ce sujet depuis plusieurs années, j’ai proposé une série d’amendements connue sous le nom de « disposition de Noé », qui a été adoptée par le comité. Cette mesure, qui a été nommée d’après l’arche de Noé par l’honorable sénateur Murray Sinclair, prévoit un mécanisme qui permettra au Cabinet fédéral éventuellement de désigner, par décret, d’autres espèces sauvages bénéficiant des mêmes protections juridiques que les éléphants et les grands singes.
L’ajout de la « disposition de Noé » avait été demandé...