Projet de loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial
Vingt-cinquième rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles--Recours au Règlement--Décision de la présidence--Retrait de l'article
10 octobre 2024
Honorables sénateurs, je suis prête à rendre une décision sur le rappel au Règlement soulevé par le sénateur Plett le 3 octobre 2024 concernant la recevabilité de certains amendements proposés au projet de loi S-15, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial, dans le 25e rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.
Le leader de l’opposition a soutenu que les amendements proposés par le sénateur Klyne, le parrain du projet de loi, en comité, et contenus dans le rapport, dépassent la portée du projet de loi tel qu’approuvé par le Sénat à l’étape de la deuxième lecture. Si c’est le cas, ils ne peuvent pas être correctement devant le Sénat. Le sénateur Klyne, quant à lui, a estimé que le Sénat devrait poursuivre son étude des amendements qu’il a proposés. Je remercie les deux sénateurs, ainsi que la sénatrice Batters qui a également participé à l’examen du rappel au Règlement, pour leur contribution réfléchie sur une question importante.
Comme les sénateurs le savent, les amendements à un projet de loi doivent respecter le principe du projet de loi et sa portée, et doivent être pertinents au projet de loi. Tel qu’indiqué dans une décision du 9 décembre 2009 :
En général, on considère que le principe d’un projet de loi est l’idée qui le sous-tend. La portée du projet de loi correspond aux paramètres fixés par le projet de loi pour atteindre les buts ou objectifs visés, ou aux mécanismes généraux envisagés pour parvenir aux fins voulues. Enfin, la pertinence concerne la mesure dans laquelle un amendement se rapporte à la portée ou au principe du projet de loi à l’étude.
Tel qu’indiqué à la page 141 de La procédure du Sénat en pratique, cela signifie que :
Les amendements doivent ... avoir un lien quelconque avec le projet de loi à l’étude et ne peuvent introduire un élément ou facteur qui lui est étranger ou qui va à l’encontre de ses buts originaux. Ils doivent aussi respecter les objectifs du projet de loi. Pour juger de ces questions, il peut être nécessaire de se livrer à un exercice délicat, soit tenter de définir l’orientation et les objectifs fondamentaux du projet de loi. Pour ce faire, on pourra tenir compte de facteurs comme le titre intégral du projet de loi, sa teneur et le débat à l’étape de la deuxième lecture.
On peut donc tenir compte de la compréhension qu’ont les sénateurs du projet de loi, telle qu’exposée lors du débat en deuxième lecture, lorsqu’on effectue cette analyse. Comme le prévoit l’article 10-4 du Règlement, le principe du projet de loi est examiné à ce stade. Toutes les délibérations ultérieures peuvent être limitées par la décision sur le principe — et par les questions de portée et de pertinence qui en découlent — prise lorsque le Sénat approuve un projet de loi à cette étape. Aucun sénateur ne peut déterminer à lui seul si les amendements peuvent aller au-delà de ces paramètres.
Le fait qu’un comité adopte un amendement qui ne respecte pas le principe et la portée d’un projet de loi, ou qui n’y est pas pertinent, ne signifie pas que l’amendement ne peut être remis en question au Sénat. Même si on dit souvent que les comités sont maîtres de leurs procédures, ils doivent fonctionner dans le cadre des règles et pratiques du Sénat. Bien que cela soit rare, il y a eu des cas où un amendement apporté en comité a été contesté alors que le rapport était à l’étude au Sénat. Une fois le rapport adopté, une telle contestation n’est évidemment plus possible, puisqu’il s’agit de remettre en cause une décision du Sénat lui-même.
Ainsi, bien qu’il soit possible pour un comité de proposer des changements importants à un projet de loi, le comité doit le faire dans le cadre des règles et des pratiques du Sénat, y compris le respect du principe, de la pertinence et de la portée.
Lors de l’examen du rappel au Règlement, des inquiétudes ont été exprimées quant au fait de considérer les amendements contestés comme irrecevables, car cela pourrait avoir pour effet de restreindre indûment la flexibilité dont le Sénat et ses comités ont besoin. À cet égard, il convient de souligner que ces règles contribuent à assurer la structure et l’ordre des débats et qu’elles ne sont pas indûment contraignantes. À moins qu’un collègue ne soulève un rappel au Règlement, le débat se poursuivra presque toujours. Même si un rappel au Règlement était soulevé, il est tout à fait possible que les amendements en question soient jugés recevables. Le Sénat n’a pas choisi de s’imposer un système rigide de vérification préalable ou de validation des amendements et, dans la pratique, cette question ne se pose que très rarement, et seulement si un sénateur la soulève.
Dans le cas qui nous occupe, bien sûr, une telle préoccupation a été soulevée. Le contenu du projet de loi S-15 est clairement structuré autour des questions relatives aux éléphants et aux grands singes. C’est ce dont traite le projet de loi. Au cours du débat en deuxième lecture, les sénateurs se sont concentrés sur ces questions. Il convient également de noter que certains sénateurs ont établi une distinction claire entre le projet de loi S-15 et le projet de loi S-241, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial (grands singes, éléphants et certains autres animaux). Bien que le projet de loi S-15 ait été présenté comme s’inscrivant généralement dans le cadre du projet de loi S-241, il a été reconnu qu’il avait une portée beaucoup plus étroite, afin de prendre en compte les préoccupations qui avaient été notées lors de l’examen de ce dernier projet de loi.
Le fait de transformer une proposition portant sur deux types d’animaux exotiques, élaborée à des fins précises à la lumière de notre régime constitutionnel, en une mesure susceptible d’englober une liste ouverte d’espèces, sur la base de décisions du gouverneur en conseil et allant bien au-delà des éléphants et grands singes, serait une évolution surprenante. L’objectif peut être souhaitable ou non — c’est à chaque collègue d’en décider — mais une telle transformation ne peut pas être soutenue par le cadre du projet de loi S-15 tel qu’il a été présenté ou par la compréhension de ses objectifs et de sa structure qui étaient évidents lors du débat en deuxième lecture. Les amendements contestés dans le cadre du rappel au Règlement ne sont donc pas recevables, dans la mesure où ils vont au-delà de la cible initiale du projet de loi, à savoir les éléphants et les grands singes.
Cette analyse ne résout toutefois pas la question, car il faut également examiner la mesure de suivi qui s’impose. Dans nos cas récents, lorsque des rapports de comités contenaient des amendements dépassant la portée d’un projet de loi, tous les amendements étaient impliqués. Le contenu du rapport pouvait donc être évacué, et les projets de loi sont passés à la troisième lecture sans amendement. Étant donné que certains amendements contenus dans le rapport dont nous sommes saisis n’ont pas été contestés, cette option ne semble pas appropriée dans le cas présent.
La présidence voit donc trois options possibles. Premièrement, le Sénat pourrait poursuivre le débat sur le rapport, avec la limitation que la question ne peut pas être mise aux voix si le rapport reste dans sa forme actuelle. Cela nécessiterait qu’un sénateur propose un amendement pour supprimer les propositions qui dépassent la portée du projet de loi. Cette approche pourrait entraîner une certaine confusion quant à la nature exacte de la question traitée par le Sénat et quant à savoir si les modifications sont suffisantes pour garantir le respect de la portée.
Une autre approche — qui reflète la manière dont la Chambre des Communes a déjà traité cette question — serait que la présidence ordonne que les éléments impliqués soient supprimés du rapport. Cette approche ne serait toutefois pas conforme à la culture de notre institution, où les sénateurs sont généralement responsables des travaux, aidés par la présidence dans la conduite ordonnée des travaux. En outre, il convient de noter que certains éléments du rapport semblent contenir des dispositions qui sont irrecevables et d’autres qui ne le sont pas. Ainsi, la présidence est peu disposée à s’arroger un tel rôle dans le cadre d’un rapport long et complexe.
Tout bien considéré, il semblerait que l’approche la plus appropriée, dans ce cas particulier, serait que le rapport et le projet de loi soient renvoyés au comité. Cela permettrait au comité, qui dispose de l’expertise nécessaire, de corriger le rapport en supprimant les éléments qui vont au-delà de la portée du projet de loi. Le comité serait le mieux placé pour se prononcer sur les cas complexes à la lumière de ses travaux antérieurs sur le projet de loi. Bien que le comité puisse décider de la manière dont il souhaite procéder, ce travail pourrait être relativement limité, le comité n’ayant qu’à revoir le rapport, supprimer les dispositions qui ont été contestées dans le rappel au Règlement, apporter les ajustements nécessaires et adopter un nouveau rapport sur le projet de loi pour présentation au Sénat. Il ne serait pas nécessaire pour le comité de refaire l’étude article par article, à moins qu’il ne décide de procéder de cette façon.
La décision est donc que les amendements contestés dans le rappel au Règlement ne sont pas correctement soumis au Sénat. Pour permettre au comité de corriger cette situation, le rapport doit être rayé de l’ordre du jour, et renvoyé avec le projet de loi, au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, afin que celui-ci puisse apporter les corrections nécessaires et présenter un nouveau rapport qui respecte la portée du projet de loi. Ce nouveau rapport pourrait, bien entendu, être contesté à son tour si un collègue développait des arguments solides selon lesquels le résultat dépasse toujours la portée du projet de loi.
Votre Honneur, je suis conscient du travail qui a été fait et je dois respecter votre décision. Comme vous le suggérez dans votre conclusion, je ferai rayer le rapport de l’ordre du jour. Nous le renverrons au comité pour qu’il le corrige et nous le ramènerons sous une forme corrigée.