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Projet de loi sur l’assurance médicaments

Troisième lecture--Débat

9 octobre 2024


L’honorable Joan Kingston [ - ]

Honorables sénateurs, je reconnais tout d’abord que nous nous trouvons sur le territoire non cédé de la nation algonquine anishinaabeg. Ma maison se trouve sur la terre traditionnelle non cédée des Wolastoqiyik, telle qu’établie dans une série de traités de paix et d’amitié, qui est située près de Wolastoq, la belle et généreuse rivière.

Je prends la parole aujourd’hui pour apporter mon soutien total au projet de loi C-64. Pour paraphraser le rapport Hoskins, un régime d’assurance-médicaments universel, complet et à payeur unique, qui assure une couverture universelle au premier dollar des produits pharmaceutiques, est la bonne solution pour le Canada. Je suis aux premières loges de l’évolution des soins de santé au Canada depuis 50 ans. J’ai obtenu mon diplôme d’infirmière moins de dix ans après l’adoption de la Loi sur les soins médicaux, et le Nouveau-Brunswick a été la dernière province à mettre en place l’assurance-maladie, juste après le Québec, en janvier 1971.

Il a fallu six ans pour que toutes les provinces s’y rallient, et une commission royale avait déjà demandé l’ajout d’un programme national d’assurance-médicaments à notre système de santé. La Loi canadienne sur la santé a ensuite été adoptée, en 1984, pour établir les principes fondamentaux du système de santé public, c’est-à-dire la gestion publique, l’intégralité, l’universalité, la transférabilité et l’accessibilité à tous.

Alors que les sondages d’opinion suggèrent que le soutien des Canadiens à l’assurance-maladie est resté plus ou moins constant depuis sa création, le système de santé, lui, n’est pas demeuré inchangé.

Les technologies médicales ont fait de grands progrès. L’un des plus spectaculaires concerne la disponibilité et l’utilisation accrues de médicaments sur ordonnance pour traiter un large éventail de problèmes de santé dans la communauté, ce qui signifie que les progrès pharmaceutiques ont aidé les gens à gérer leurs affections chroniques de façon à préserver leur bien-être sans passer par les hôpitaux. Les médicaments correctement prescrits semblent généralement correspondre à la définition des « soins médicalement nécessaires ».

Pourtant, en raison de la structure de notre régime d’assurance-maladie, l’assurance-maladie publique universelle au Canada prend fin dès qu’un patient doit faire remplir une ordonnance. Comme l’assurance-maladie ne couvre pas le coût des médicaments sur ordonnance, de nombreux patients doivent payer de leur poche les médicaments dont ils ont besoin, à moins d’être hospitalisés. De nombreux autres rapports qui ont été déposés au Parlement dans les années 1990 et au début des années 2000, dont le rapport Kirby du Sénat, préconisaient l’instauration d’un programme national d’assurance-médicaments.

Pour certains d’entre nous qui voyions les médicaments devenir de plus en plus essentiels à la santé alors qu’ils demeuraient hors de portée pour de nombreux Canadiens, cela semblait être un rêve. Au Canada, une personne sur dix n’était pas en mesure de payer un ou plusieurs de ses médicaments sur ordonnance. De ce nombre, 38 % bénéficiaient d’une assurance privée et 21 % d’une assurance publique, mais leur assurance ne couvrait pas entièrement le coût de leurs médicaments sur ordonnance.

Selon un rapport de 2024 provenant de l’Institut canadien d’information sur la santé :

Le prix des médicaments d’ordonnance au Canada s’inscrit au troisième rang des plus élevés parmi les pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et devrait continuer d’augmenter.

Autrement dit, au moins 7,5 millions de Canadiens n’ont pas les moyens de payer leurs médicaments parce qu’ils n’ont pas de couverture d’assurance adéquate.

Au Canada, on tient souvent pour acquis qu’un régime d’assurance-médicaments serait trop coûteux, et c’est surtout vrai depuis l’augmentation rapide du prix des traitements et des médicaments efficaces dans les années 1960. Cependant, entretemps, des pays comme le Royaume-Uni et l’Australie ont mis en place et consolidé des régimes complets et universels d’assurance-médicaments. Ces deux pays se sont dotés de régimes d’assurance-médicaments universels à payeur unique et ils ont réussi mieux que les régimes d’assurance-médicaments canadiens actuels à maîtriser les coûts. Si on calcule le montant combiné des dépenses privées et publiques pour les médicaments, le Canada paie plus par habitant que n’importe quel autre pays de l’OCDE, mis à part les États-Unis, et même s’il paie plus cher, l’accès aux médicaments y est moins bon. D’autres pays comme l’Australie nous montrent comment le Canada pourrait intégrer plus pleinement cette analyse dans les décisions relatives à la liste de médicaments et à la négociation des prix.

Les infirmières connaissent bien les histoires déchirantes de patients qui ont vu leur état de santé se détériorer ou qui ont perdu la vie à cause du coût croissant des médicaments sur ordonnance ou d’une couverture inadéquate. Le non-respect des traitements lié au coût des médicaments est un obstacle financier qui empêche les patients de suivre les traitements et qui a un impact important sur la santé des personnes et sur le système de santé canadien. Réfléchissez à ceci :

La recherche montre que les patients canadiens sont plus susceptibles de ne pas respecter les traitements à cause des coûts que les patients d’autres pays riches qui ont un régime universel d’assurance-médicaments. Cela est particulièrement vrai pour les Canadiens en âge de travailler qui ne sont pas admissibles aux régimes publics d’assurance-médicaments offerts aux habitants plus âgés dans plusieurs provinces. En fait, les Canadiens en âge de travailler sont plus de deux fois plus susceptibles ne pas respecter les traitements à cause des coûts que des gens du même âge au Royaume-Uni, en France, en Norvège et aux Pays-Bas, où la couverture des médicaments est incluse dans le système de soins de santé universels.

Lorsqu’un régime d’assurance-médicaments sera pleinement mis en œuvre, les patients canadiens auront accès aux médicaments dont ils ont besoin, ce qui améliorera leur sécurité financière et leur état de santé. Le projet de loi C-64 crée les conditions et les bases d’un véritable régime d’assurance-médicaments universel.

Tous les jours, les infirmiers observent chez leurs patients les conséquences de l’absence de couverture universelle et équitable pour les contraceptifs et les médicaments contre le diabète, qu’il s’agisse de grossesses non désirées ou de personnes qui divisent leurs médicaments contre le diabète pour qu’il dure plus longtemps ou qui se privent de manger. Comme première étape, le projet de loi C-64 garantira que tous les patients canadiens obtiendront les contraceptifs et les médicaments contre le diabète auxquels ils ont droit. Évidemment, le système de santé s’en portera mieux, étant donné les coûts associés au non-respect des traitements prescrits.

Dans leur rapport intitulé Pharmacare 2020 : L’avenir de l’assurance-médicaments au Canada, Steven Morgan, Danielle Martin, Marc-André Gagnon et leurs collègues font valoir que la mise en place d’une couverture universelle et publique des médicaments réduira les coûts du régime de santé en prévenant la sous-utilisation des médicaments par les individus, ce qui coûte au régime de santé de 1 à 9 milliards de dollars par année.

L’Association médicale canadienne félicite aussi le gouvernement d’avoir présenté le projet de loi C-64 et appuie pleinement son adoption rapide. Elle a déclaré que le projet de loi vise essentiellement à abolir les obstacles à l’un des aspects les plus fondamentaux des soins de santé : l’accès. Avant de prescrire des médicaments d’ordonnance, plus de 70 % de nos membres tiennent compte de la capacité de payer de leurs patients. Avec l’inclusion des contraceptifs et des médicaments pour le traitement du diabète dans la première phase de la mise en œuvre du projet de loi, l’assurance-médicaments aura un effet significatif sur la vie de nombreux Canadiens. C’est le premier pas vers un continuum de soins de santé abordables et accessibles pour l’ensemble de la population.

Un nouveau sondage national publié en février 2024 révèle que plus d’un adulte sur quatre au Canada — 28 % — a dû faire des choix difficiles pour se procurer des médicaments sur ordonnance, notamment en réduisant ses dépenses d’épicerie, en retardant le paiement de son loyer, de son hypothèque ou de ses factures de services publics, ou en s’endettant. Ce sondage a également révélé que près d’un quart des Canadiens — 22 % — ont déclaré avoir fractionné des pilules, sauté des doses ou décidé de ne pas renouveler ou faire exécuter une ordonnance en raison du coût. En 2021, 16 % des adultes âgés de 25 à 34 ans et 4 % des personnes âgées de 65 ans et plus n’ont pas pris leurs médicaments tels que prescrits parce qu’ils n’en avaient pas les moyens. En conséquence, un Canadien sur dix souffrant d’une maladie chronique s’est retrouvé aux urgences en raison de l’aggravation de son état de santé, parce qu’il n’avait pas les moyens d’acheter des médicaments sur ordonnance. Le coût pour la santé du patient et pour le système de santé est très élevé.

Une bonne partie du travail de mise en place d’un régime national d’assurance-médicaments, tel que le prévoit le projet de loi C-64, sera effectué au moyen de négociations avec les provinces et avec l’aide du comité d’experts et de la nouvelle Agence des médicaments du Canada. En particulier, le projet de loi C-64 prévoit que la nouvelle Agence des médicaments du Canada travaillera à l’élaboration d’une liste nationale de médicaments, soit une liste exhaustive et fondée sur des données probantes des médicaments sur ordonnance couverts par le régime d’assurance-médicaments. Elle élaborera également une stratégie nationale d’achat en gros et appuiera la publication d’une stratégie pancanadienne relative à l’utilisation appropriée des médicaments sur ordonnance. Le ministre constituera également un comité d’experts chargé de formuler des recommandations sur le fonctionnement et le financement du régime d’assurance-médicaments au Canada.

Un organisme unique qui achète les médicaments pour tous les Canadiens aura le poids nécessaire pour négocier des prix plus bas pour les médicaments, ce qui permettra de réaliser des milliards de dollars d’économies chaque année. Les familles, les particuliers et les employeurs tireront tous un avantage financier de la mise en œuvre d’un régime d’assurance-médicaments.

Comme le signale Marc-André Gagnon :

Les principales assertions de ceux qui s’opposent à un régime d’assurance-médicaments universel sont qu’une telle réforme de la couverture des médicaments éliminerait les régimes privés « plus généreux » et réduirait l’accès que les Canadiens ont actuellement à des médicaments plus coûteux. La plupart de ces assertions sont tout simplement trompeuses; la crainte qu’un régime d’assurance-médicaments universel rationnerait les médicaments et entraverait l’accès de certains patients aux médicaments repose sur une méconnaissance de la réalité de l’assurance-médicaments, de la tarification des médicaments et de l’accès aux médicaments.

Les objectifs du projet de loi sont les suivants : améliorer l’accessibilité des produits pharmaceutiques, et ce, de façon uniforme à l’échelle du Canada, y compris au moyen de leur couverture, ce qui est très important pour une province comme le Nouveau-Brunswick; améliorer le caractère abordable des produits pharmaceutiques, y compris par la réduction des obstacles financiers pour les Canadiens; favoriser l’utilisation appropriée des produits pharmaceutiques, notamment l’utilisation qui priorise la sécurité des patients, qui optimise les résultats en matière de santé et qui renforce la viabilité du système de santé, afin que soient améliorés la santé et le bien-être physiques et mentaux des Canadiens; et offrir la couverture universelle des produits pharmaceutiques à l’échelle du Canada.

Les principes énumérés dans le projet de loi sont censés guider les efforts visant à améliorer la couverture pour les Canadiens et à s’aligner avec les travaux en cours relativement aux médicaments pour les maladies rares et à l’Agence des médicaments du Canada. Le projet de loi ouvre la voie à des accords bilatéraux avec les provinces et les territoires qui le souhaitent en prévoyant un engagement fédéral en faveur d’un financement à long terme de l’assurance-médicaments, à commencer par le financement actuel des médicaments pour le traitement des maladies rares, conformément à ce qui a été annoncé en 2019.

Le 18 décembre 2023, le gouvernement du Canada a annoncé la création de l’Agence des médicaments du Canada. L’Agence des médicaments du Canada, ou AMC, sera créée à partir de l’actuelle Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé, ou ACMTS, et en partenariat avec les provinces et les territoires. L’ACMTS est un organisme qui existe depuis longtemps.

Il est essentiel que les prochaines étapes décrites dans le projet de loi C-64 soient réalisées sans délai afin que la mise en œuvre puisse commencer.

Le projet de loi décrit les fonctions de l’AMC, qui est un élément fondamental du régime national d’assurance-médicaments, comme suit :

L’analyse de l’efficacité clinique et du rapport coût-efficacité de médicaments sur ordonnance, notamment des conseils pour aider les régimes d’assurance-médicaments fédéral, provinciaux et territoriaux à inscrire des médicaments sur ordonnance sur la liste. Cette liste est un plancher, et non un plafond, et, comme toutes les listes, elle est appelée à s’allonger. Les données et les analyses pharmaceutiques feront partie du travail de l’AMC, de même que la prescription et l’utilisation appropriées des produits pharmaceutiques et la coordination du système pharmaceutique.

Le ministre doit demander à l’AMC d’élaborer la liste et la stratégie au plus tard au premier anniversaire de la sanction du projet de loi.

Au plus tard 30 jours après la date de sanction du projet de loi, le ministre constitue un comité d’experts — et en prévoit la composition — chargé de formuler des recommandations sur les options de fonctionnement et de financement d’un régime d’assurance-médicaments national et universel à payeur unique.

Au plus tard au premier anniversaire de la sanction du projet de loi, le comité fait rapport par écrit de ses recommandations au ministre.

La mobilisation des ministres commencera au cours des prochaines étapes, notamment des discussions avec les provinces et les territoires concernant les accords bilatéraux.

Bien sûr, ce travail a déjà commencé, et la Colombie-Britannique montre le chemin, elle qui a déjà signé un protocole d’entente avec le gouvernement fédéral, ouvrant la voie à une entente bilatérale une fois que le projet de loi C-64 aura été adopté à la Chambre.

Le ministre demandera que, dans l’année suivant la sanction royale du projet de loi, l’Agence canadienne des médicaments élabore également une stratégie nationale d’achat en gros.

Comme je l’ai dit, le régime d’assurance-maladie a évolué depuis sa création. Les soins de santé au Canada peuvent et doivent continuer d’évoluer. Grâce au projet de loi C-64, nous faisons un premier pas afin d’améliorer l’accès aux soins que les Canadiens veulent et dont ils ont besoin.

La population canadienne est en faveur d’un régime universel d’assurance-médicaments à payeur unique. Un sondage national réalisé en 2024 a révélé que huit personnes sur dix — 82 % — conviennent que le gouvernement fédéral a la responsabilité de veiller à ce que toutes les personnes vivant au Canada aient accès à une couverture pour les médicaments sur ordonnance.

Il y a 7,5 millions de Canadiens qui attendent d’avoir accès à des médicaments qui pourraient leur sauver la vie. Je vous demande, chers collègues, de vous joindre à moi afin d’appuyer le projet de loi C-64. Faisons ce premier pas vers une meilleure santé et un meilleur bien-être pour tous les Canadiens.

Merci. Woliwon.

L’honorable Jane Cordy [ - ]

Honorables sénateurs, je voudrais commencer par souligner que je m’adresse à vous depuis les terres non cédées des peuples algonquin et anishnaabe.

Je prends la parole aujourd’hui pour appuyer le projet de loi C-64, Loi concernant l’assurance médicaments.

Le projet de loi dont nous sommes saisis est le résultat de la collaboration et de la négociation entre le ministre de la Santé, Mark Holland, et le député néo-démocrate Peter Julian. C’est un premier pas vers un régime d’assurance-médicaments universel à payeur unique. L’assurance-médicaments est une pièce manquante dans la concrétisation de la promesse d’un véritable système de santé universel à payeur unique au Canada.

Le projet de loi C-64 n’est pas parfait, mais il est important. Il faut que nous gardions à l’esprit que cette mesure législative est le fruit de négociations méticuleuses et parfois difficiles à l’autre endroit entre des partis qui ont des points de vue différents sur les modalités de l’établissement du régime universel d’assurance-médicaments canadien.

Quand le ministre de la Santé a comparu devant le comité, il a insisté sur ce point. Il a dit ceci :

Il s’agit, de loin — et j’ai pris part à quantité de tâches complexes — de la tâche la plus difficile à laquelle j’ai jamais participé. Chaque syllabe et chaque mot de ce projet de loi ont été débattus et discutés. C’est le résultat d’une très importante collaboration. Ce n’est pas un parti, mais deux, aux points de vue très différents, qui ont réussi à trouver un terrain d’entente.

Je reconnais volontiers que le texte est imparfait, mais en l’occurrence, nous devons faire très attention à ne pas laisser le mieux être l’ennemi du bien.

Je pense que les négociations difficiles entourant le projet de loi C-64 ont occasionné certaines ambiguïtés à l’égard de cette mesure législative. Par contre, chers collègues, ce qui n’est pas ambigu, c’est l’intention du projet de loi et ses avantages pour les Canadiens.

La sénatrice Omidvar a présenté des statistiques du Conference Board du Canada qui indiquent que près de 10 % des Canadiens ne sont pas assurés ou n’ont pas les moyens de payer leurs primes.

La sénatrice Osler a cité un rapport de Statistique Canada publié en 2022. Selon ce rapport, 21 % des Canadiens ont déclaré ne pas avoir d’assurance pour couvrir les coûts des médicaments sur ordonnance.

La sénatrice Mégie a fait remarquer que, dans son rapport final publié en 2019, le Conseil consultatif sur la mise en œuvre d’un régime national d’assurance-médicaments a constaté qu’un Canadien sur cinq — soit 7,5 millions de citoyens — n’ont pas d’assurance ou possèdent une assurance qui ne suffit pas à couvrir adéquatement le coût de leurs médicaments.

Peu importe la statistique que l’on consulte, on peut dire que ces chiffres sont alarmants. D’un bout à l’autre de notre pays, les personnes qui n’ont pas accès aux médicaments à un prix abordable sont parmi les plus vulnérables sur le plan financier. Or, dès l’entrée en vigueur du programme, nos concitoyens les plus démunis seraient directement et immédiatement touchés par ses effets positifs.

Honorables sénateurs, l’objectif ultime est de créer un régime d’assurance-médicaments qui soit véritablement complémentaire de notre système de santé en rendant les médicaments sur ordonnance plus accessibles et abordables pour les Canadiens d’un océan à l’autre. Comme l’a déclaré la Fédération canadienne des syndicats d’infirmières et d’infirmiers dans le mémoire qu’elle a présenté au comité :

Un programme universel d’assurance-médicaments à payeur unique est non seulement un impératif moral, mais aussi une solution pratique pour améliorer les résultats en matière de santé et la stabilité financière pour tous les Canadiens.

Honorables collègues, des témoins nous ont dit que la liste des médicaments contre le diabète et des contraceptifs était loin d’être suffisamment exhaustive, et certains ont dit que le projet de loi est trop limité parce qu’il se concentre uniquement sur les médicaments contre le diabète et les contraceptifs. Je suis d’accord. Tout cela est vrai.

Cependant, j’approuve également l’approche du ministre, qui veut lancer un régime universel d’assurance-médicaments en commençant par offrir une couverture de base ciblée. Honorables sénateurs, mettons en place un régime d’assurance-médicaments. Lancer un programme de cette envergure et de cette portée n’est pas une mince affaire. Ce régime pourrait être une grande source de soulagement pour les Canadiens qui doivent actuellement composer avec un ensemble disparate de couvertures et de régimes publics.

Comme vous le savez, l’assurance-médicaments relève des provinces et des territoires. Il faudra négocier avec chaque province et territoire. Nous avons déjà entendu dire qu’un protocole d’entente a été signé avec la Colombie-Britannique. Nous savons donc que le travail est déjà commencé. Je suis convaincue qu’au fur et à mesure que le programme sera mis en œuvre, il continuera de prendre de l’expansion et d’évoluer. Cependant, commençons tout simplement par le mettre en place.

Je voterai en faveur du projet de loi C-64 afin que tous les Canadiens aient accès aux médicaments et aux dispositifs pour le traitement du diabète et la contraception.

Honorables sénateurs, je soutiens pleinement l’adoption de ce projet de loi. Je pense qu’il y a trop d’incertitudes dans le climat politique actuel pour que nous retardions plus longtemps l’adoption de ce projet de loi. Si vous croyez, comme moi, à un régime universel d’assurance-médicaments à payeur unique au Canada, j’estime qu’il nous incombe d’adopter ce projet de loi le plus tôt possible. Autrement, cette chance pourrait être perdue pour une autre génération. Merci.

L’honorable Mary Coyle [ - ]

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui sur le territoire non cédé du peuple algonquin anishinaabe pour appuyer le projet de loi C-64, Loi concernant l’assurance médicaments, qui constitue une avancée historique pour la santé et le bien-être des Canadiens, pour les droits de la personne, pour l’équité et pour la responsabilité financière.

Comme l’a dit la sénatrice Mégie hier soir, ce projet de loi comble une lacune majeure dans notre système de santé actuel. C’est une question d’équité pour les 7,5 millions de Canadiens qui n’ont pas de couverture d’assurance.

Comme l’a expliqué la sénatrice Pate, marraine compétente du projet de loi C-64, dans son discours à l’étape de la deuxième lecture, la loi sur l’assurance-médicaments énonce :

[...] les principes fondamentaux des premières étapes, d’une importance vitale, vers un régime national d’assurance-médicaments pour le Canada. Il présente un plan de collaboration avec toutes les provinces et tous les territoires désireux d’offrir une couverture universelle à payeur unique pour les médicaments nécessaires, en commençant par un certain nombre de contraceptifs et de médicaments contre le diabète. [...]

Il soutient également l’élaboration d’une liste nationale de médicaments sur ordonnance et de produits connexes essentiels et il prévoit l’élaboration d’une stratégie nationale d’achat en gros, sous la houlette de l’Agence des médicaments du Canada.

La sénatrice Omidvar, d’autres collègues et des témoins au comité ont souligné que le projet de loi n’était pas parfait. Certains l’ont même qualifié de problématique. Il y a en effet un certain nombre de préoccupations concernant la clarté, les définitions, la compétence provinciale et certains autres éléments. La plupart des intervenants, mais pas tous, ont exprimé le désir d’aller de l’avant de toute façon, puisqu’il s’agit d’une première étape importante.

Chers collègues, je voudrais d’abord vous raconter quelques expériences personnelles liées au sujet dont nous discutons. Je vais parler des enjeux de santé des Autochtones au Canada, notamment du diabète. Je vais brièvement parler de ma province, la Nouvelle-Écosse, et je terminerai en parlant de ce que nous coûte l’absence d’investissement dans un régime d’assurance-médicaments.

Chers collègues, il y a 49 ans, j’étais enceinte. J’avais 20 ans, j’étais en deuxième année de linguistique à l’Université d’Ottawa et en couple avec mon amoureux de longue date qui étudiait à l’Université de Guelph. Nous étions ensemble depuis la 11e année, et il est devenu mon mari. La méthode contraceptive que nous utilisions était inadéquate et n’avait pas fonctionné. On nous a dit qu’il était possible d’obtenir un avortement à New York et que l’adoption était une solution offerte dans la région.

Cette grossesse a bouleversé notre vie et elle m’a plongé — ainsi que mon petit ami — dans une crise. Nous avons fini par élever une magnifique famille ensemble, une famille qui comprend ce premier enfant imprévu, mais je comprends très bien que ce genre de dénouement n’était pas toujours possible ou souhaitable à l’époque et qu’il ne l’est pas non plus aujourd’hui pour de nombreuses personnes qui se retrouvent dans une telle situation.

L’accès à des contraceptifs fiables et de qualité est essentiel pour permettre aux femmes de vivre pleinement leur vie. Dans son mémoire qui encourage l’adoption rapide du projet de loi C-64, Action Canada pour la santé et les droits sexuels présente les faits suivants : près du quart des Canadiens — 9 millions de personnes — sont en âge de procréer, et 46 % des grossesses au Canada n’étaient pas prévues — comme ma première. Parmi les femmes qui ont eu recours à l’avortement, 70 % ont déclaré ne pas avoir de couverture pour les produits contraceptifs, et le prix est le plus important obstacle à l’accessibilité des produits contraceptifs au Canada. L’organisme affirme que les grossesses imprévues ont de profondes répercussions sur les personnes, les familles, le système de santé et l’ensemble de la société.

Chers collègues, sur une autre note personnelle, en 1992, mon père, Bernard Charles Patterson, est décédé à l’âge de 71 ans à l’hôpital Civic d’Ottawa à la suite d’une amputation de la jambe due au diabète qui a entraîné des complications, dont un accident vasculaire cérébral et un infarctus. Mon père est mort prématurément même s’il vivait à Ottawa, avait accès à des soins et pouvait acheter des médicaments. Ce n’est pas le cas de bien des personnes diabétiques au Canada.

Dans un article intitulé « Combattre le fantôme », paru le 26 septembre dans le Globe and Mail, Patrick White cite de nombreuses études relatives au diabète chez les populations autochtones et rurales. Il écrit :

Un article paru en 1937 dans le Journal de l’Association médicale canadienne déclarait que « les Indiens ne sont pas sujets au diabète ». On y citait des examens physiques et des analyses d’urine effectués sur 1 500 membres des Premières Nations de la Saskatchewan ne révélant aucun signe de cette maladie.

Dans les années 1970, une étude publiée dans le Lancet allait dissiper cette illusion. En effet, les chercheurs ont découvert que près de la moitié des Pimas en Arizona étaient atteints de diabète […] Le Canada a vécu la même situation en 1997, lorsque des chercheurs ont déclaré qu’un membre sur quatre de la Première Nation de Sandy Lake, située dans le Nord-Ouest de l’Ontario, souffrait de cette maladie chronique […]

En 2002, le gouvernement du Manitoba a publié un rapport montrant que, comparativement aux autres Manitobains de la province, les membres des Premières Nations de la province étaient quatre fois plus nombreux à recevoir des traitements […], mais que le taux d’amputations dues au diabète était 16 fois plus élevé.

Selon l’article, l’Office régional de la santé de Marquette a observé que le taux d’amputations dues au diabète était 71 fois plus élevé chez les membres des Premières Nations.

Selon l’auteur, « les chercheurs considèrent que 85 % des amputations dues au diabète peuvent être évitées à l’aide d’un dépistage et de soins médicaux adéquats ».

Selon Diabète Canada :

Les populations autochtones du Canada […] ont plus de problèmes de santé que la plupart des gens et sont notamment plus susceptibles de développer le diabète de type 2. Il en est ainsi en raison d’une combinaison de facteurs, notamment les politiques coloniales passées et présentes du Canada, comme les pensionnats, les hôpitaux pour les Autochtones et la rafle des années 1960. Il y a aussi l’accès insuffisant à des aliments sains, nutritifs et abordables, de même qu’une forte prédisposition génétique au diabète de type 2 […]

Diabète Canada précise également ceci :

Les Autochtones […] reçoivent un diagnostic de diabète à un plus jeune âge, leurs symptômes sont plus aigus, ils courent plus de risques de complication et les traitements donnent de moins bons résultats chez eux.

Dans sa note d’information du 25 septembre sur le projet de loi C-64, l’Association nationale autochtone du diabète a indiqué qu’elle appuie l’intention du projet de loi. Elle a également affirmé ce qui suit :

Bien que nous exprimions certaines préoccupations, nous ne souhaitons pas que le Sénat retarde ou modifie ce projet de loi. L’accès à plusieurs médicaments contre le diabète et [aux] contraceptifs est urgent pour certains peuples autochtones les plus vulnérables, notamment les Premières Nations non‑inscrites et les Métis, qui sont actuellement exclus du programme des SSNA.

Le sigle SSNA désigne les Services de santé non assurés, qui couvrent les membres inscrits des Premières Nations et les Inuits.

Devant le comité, Céleste Thériault, directrice générale de l’Association nationale autochtone du diabète, a ajouté ce qui suit :

Nous croyons vraiment que ce projet de loi apporte des changements transformateurs à la façon dont nous prenons soin des Canadiens, y compris des Autochtones au Canada, en ce qui concerne l’assurance-médicaments [...] les Autochtones doivent avoir accès à un régime d’assurance-médicaments dès maintenant, plus précisément les membres non inscrits des Premières Nations et les Métis qui paient actuellement de leur poche, s’ils n’ont pas d’assurance privée.

Notre collègue la sénatrice Thomas Bernard a attiré notre attention sur le travail de la Health Association of African Canadians. Elle a souligné que, à l’instar des Autochtones au Canada, les Afro-Canadiens sont touchés de façon disproportionnée par les maladies chroniques comme le diabète. L’organisation affirme ce qui suit :

La Health Association of African Canadians espère que l’élimination des obstacles financiers pour obtenir des médicaments sur ordonnance et des produits connexes [...] nous fera progresser vers les soins de santé équitables que nous souhaitons.

Le taux de pauvreté en Nouvelle-Écosse est le plus élevé du pays. En Nouvelle-Écosse, 22 % des familles avec enfants vivent sous le seuil de la pauvreté et 36,6 % des enfants néo-écossais d’origine africaine âgés de moins de 17 ans vivent dans la pauvreté. Selon la Nova Scotia Health Coalition, la mise en place d’un programme national d’assurance-médicaments à payeur unique est une extension nécessaire du régime public d’assurance-maladie au Canada. Elle affirme qu’un tel programme doit être universel, accessible, complet, fondé sur des données probantes, responsable, administré par l’État et entièrement financé.

Au sujet du financement, je voudrais soulever, avant de conclure, quelques points concernant les coûts de l’absence d’investissement dans l’assurance-médicaments.

Chers collègues, je suis une grande admiratrice de la Dre Iris Gorfinkel, une médecin de famille établie à Toronto. Elle dit les choses comme elles sont et est très bien informée sur tout un éventail de questions liées à santé. Je me réjouis toujours de la voir invitée comme experte à la radio de la CBC, l’une de mes stations préférées.

Je veux citer quelques extraits d’un article d’opinion qu’elle et Joel Lexchin, un professeur spécialisé dans les politiques de santé, ont publié dans le Toronto Star plus tôt ce mois-ci. L’article est intitulé « Voici quelle est l’omission flagrante dans la conversation nationale sur les soins de santé, selon les médecins ». Je vais citer quelques passages de cet article. En voici un premier :

Si l’on a beaucoup parlé des coûts publics supplémentaires associés à une assurance-médicaments universelle, on n’a pas assez insisté sur les autres coûts qu’on paie continuellement parce que les médicaments sur ordonnance ne sont pas couverts.

Voici un autre extrait :

Près de 60 % des Canadiens atteints de diabète ont déclaré ne pas suivre les traitements qui leur sont prescrits parce qu’ils n’ont pas les moyens de payer les médicaments, les appareils et les fournitures. Ce manque d’abordabilité déclenche une coûteuse cascade de dommages touchant les nerfs et les vaisseaux sanguins, ce qui peut entraîner des crises cardiaques, des accidents vasculaires cérébraux, une insuffisance rénale et la cécité. Chacun de ces problèmes entraîne à son tour davantage de visites à l’urgence et d’hospitalisations et augmente la probabilité d’un décès prématuré.

Un autre passage dit ceci :

Les grossesses non planifiées obligent les femmes à penser à la possibilité d’un avortement, à envisager l’adoption du bébé, ou à élever un enfant sans le soutien financier, physique et émotionnel nécessaire. Chacune de ces situations est coûteuse non seulement pour le système de santé, mais aussi pour les programmes d’aide publique.

Voici un autre extrait de l’article :

Les médicaments inabordables réduisent la qualité de vie globale et pèsent lourdement sur la santé physique et mentale des gens; 7,5 millions de Canadiens n’ont pas d’assurance-médicaments parce que, dans bien des cas, le coût de cette assurance entrerait en concurrence avec des dépenses de base telles que le loyer et la nourriture.

Toujours dans le même article, on peut lire ceci :

Tous les autres pays de l’OCDE offrant une couverture universelle des soins de santé incluent les médicaments sur ordonnance. Les raisons pour lesquelles ils le font sont claires comme de l’eau de roche : prévenir les dommages physiques, émotionnels et sociétaux qui résultent directement du coût élevé des médicaments. Ignorer ces multiples avantages revient à minimiser les plus grands bienfaits qu’offre la couverture universelle des médicaments.

La Dre Gorfinkel et le professeur Lexchin renforcent les arguments déjà convaincants en faveur du projet de loi C-64, Loi concernant l’assurance médicaments.

Honorables collègues, la loi sur l’assurance-médicaments pourrait avoir un impact positif considérable en amont sur la santé et la vie de nombreuses personnes au Canada, en particulier les plus défavorisées. Cette première étape dans la mise en place d’un régime universel d’assurance-médicaments pour les Canadiens compte beaucoup, et, comme l’ont dit nos collègues, il faudra y porter une grande attention pour la mener à bien, régler les détails et travailler sur les relations — mettre en œuvre, évaluer, ajuster et, finalement, élargir le régime. Un système d’assurance-médicaments bien conçu et bien mis en œuvre pourrait être un tournant dans notre société, car il comblera les lacunes de notre très précieux système d’assurance-maladie.

Honorables collègues, adoptons ce projet de loi historique et suivons, soutenons et promouvons son succès. Nos concitoyens comptent sur nous.

Merci.

L’honorable Pat Duncan [ - ]

Honorables sénateurs, je tiens tout d’abord à remercier le sénateur Cardozo de m’avoir permis de prendre la parole avant lui aujourd’hui.

Il y a quelques années, une amie de ma sœur aînée avait perdu ses parents et, bon nombre d’entre nous reconnaîtront cette scène : elle triait toute la paperasse. Elle a publié l’un des documents sur Facebook. C’était la facture que ses parents avaient reçue quand elle est née à l’hôpital de Whitehorse.

Cela a piqué ma curiosité. Tous mes frères et sœurs sont nés sur des bases de la Royal Air Force aux quatre coins de la Grande-Bretagne, alors je savais qu’il n’y avait aucune facture pour les accouchements. Cependant, comme j’ai les documents de la famille, je me suis demandé si, dans l’une de ces boîtes au sous-sol, il y avait une facture pour ma naissance à Edmonton en 1960. Heureusement, en cette ère des moteurs de recherche modernes, je n’ai pas eu à passer à travers les boîtes; j’ai constaté que l’Alberta fournit gratuitement des services hospitaliers depuis l’adoption de la loi modifiant la Hospitalization Benefits Act, la loi sur l’assurance-hospitalisation, en 1958 et la conclusion d’une entente de partage des coûts avec le gouvernement fédéral.

Notre famille a déménagé au Yukon en 1964 parce que mon père allait travailler dans l’administration des hôpitaux et du système de santé pour le gouvernement du territoire. Je me souviens, au primaire, que je défendais le travail de mon père concernant la Loi sur l’assurance-santé du Yukon. La loi prévoyait l’inscription obligatoire, un concept qui ne plaît pas beaucoup à certains Yukonnais. La Loi sur l’assurance-santé du Yukon de 1972 est demeurée pratiquement inchangée, mis à part la question du paiement et du non-paiement des primes. Certains de mes collègues qui ont de l’expérience en politique provinciale se souviendront peut-être des discussions de l’époque.

Pour donner un peu de contexte, honorables sénateurs, le Yukon, jusqu’à la deuxième moitié des années 1970, était un territoire dont l’administration était étroitement liée à Ottawa. Les représentants élus au Conseil territorial du Yukon, devenu aujourd’hui l’Assemblée législative du Yukon, ont obtenu de plus en plus de pouvoirs. Fait à souligner, c’est en 1985 qu’ont été conclus les accords fondés sur la formule de financement des territoires et que le Yukon a pu gérer lui-même son budget au moyen de plans sur trois et cinq ans.

Ma volonté de défendre le système de santé canadien, née à l’école primaire, a été ravivée lorsque j’ai été élue. Lors de la première conférence des premiers ministres de l’Ouest à laquelle j’ai participé, en 2000, j’ai pu voir l’ex-premier ministre Klein et l’ex-premier ministre Dosanjh débattre de la question du projet de loi no 11 de l’Alberta. Certains considéraient que la Loi canadienne sur la santé ne s’appliquait pas. J’ai de nombreux souvenirs de désinformation au sein de la population canadienne — de voir Ralph Klein pointer du doigt d’autres premiers ministres en leur disant : « Avez-vous vraiment lu le projet de loi? ».

Plus particulièrement, lors de cette conférence des premiers ministres de l’Ouest, je me souviens que l’ex-premier ministre Doer a dit que le Canada est la quatorzième province à la table des négociations quand il est question des soins de santé. Le Canada a une responsabilité envers les Premières Nations, les Inuits et les Métis, les Forces armées canadiennes et la GRC. L’administration du premier ministre Doer avait des difficultés particulières concernant le transport des patients du Nord du Manitoba à Winnipeg pour des séances de dialyse et d’autres traitements médicaux.

M. Klein a également quitté cette réunion pour régler une grève du personnel infirmier qui avait des conséquences pour tous nos budgets.

C’était à cette conférence ou à une autre que, à la table des négociations, le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest travaillaient avec la Colombie-Britannique et l’Alberta à un achat en grande quantité auprès de sociétés pharmaceutiques de médicaments fournis aux citoyens par l’intermédiaire des hôpitaux et des programmes publics afin de réaliser des économies dans les budgets de santé. Le prix était beaucoup moins élevé si nous les achetions tous ensemble, si toutefois nous étions en mesure de travailler ensemble.

La Commission Romanow a suivi peu de temps après mon mandat. En écho à ce que je viens de dire au sujet de l’ex-premier ministre Doer et de la hausse des coûts du transport des patients, un des coûts les plus élevés dans le budget des soins de santé du Yukon, c’est le transport des patients à Vancouver, à Calgary ou à Edmonton pour qu’ils y reçoivent un traitement médical qui n’est pas offert au Yukon. Une des deux recommandations de la Commission Romanow portait sur l’accès. Encore une fois, il s’agit de l’accès des régions éloignées et du Nord aux services de santé. Le principe de l’accès aux soins de santé est l’un des principes inscrits dans la Loi canadienne sur la santé.

Le rapport Romanow a aussi recommandé la création d’un transfert pour les médicaments onéreux afin de protéger les Canadiens qui ont besoin d’une pharmacothérapie coûteuse, ce qui rendrait le système plus complet en intégrant les soins à domicile prioritaires à la Loi canadienne sur la santé et en améliorant la couverture des médicaments sur ordonnance.

J’ai quitté la politique à peu près à cette époque pour travailler dans les mêmes bureaux d’inscription et d’administration de l’assurance-maladie où mon père avait travaillé.

Permettez-moi de vous parler d’expériences sur le terrain liées à la deuxième recommandation du rapport Romanow, qui portait sur l’assurance-médicaments. Au Yukon, le Programme d’assurance-médicaments et le Programme d’aide aux maladies chroniques fournissent des médicaments aux personnes non assurées pour certaines maladies, dont le diabète. Ces programmes ne tiennent pas compte du revenu de la personne; la recommandation d’un médecin suffit. De plus, les médicaments sur ordonnance ne coûtent rien aux personnes âgées de plus de 65 ans.

Il y a une exception importante pour les personnes qui sont des membres inscrits d’une Première Nation et qui ont droit à une protection en vertu du Programme des services de santé non assurés, ou SSNA. Ces personnes doivent faire appel à ce programme pour leurs médicaments.

J’ai été confrontée à un exemple concret des difficultés que pose ce système mixte avec le médicament Avastin. Approuvé à l’origine pour le traitement du cancer de la vessie, il était aussi utilisé pour traiter la dégénérescence maculaire, un emploi non conforme à l’étiquette. Les bénéficiaires du Programme SSNA pouvaient obtenir ce médicament avant qu’il soit ajouté à la liste des médicaments admissibles du Yukon comme traitement dans le cadre du Programme d’aide aux maladies chroniques. Certains Yukonnais ont bénéficié de l’assurance et d’autres non. D’un point de vue administratif et politique, encore aujourd’hui, l’administration et le remboursement des médicaments sur ordonnance demeure un problème.

Des Yukonnais m’ont dit que de nouveaux médicaments onéreux — pour le traitement de la sclérose en plaques, par exemple — peuvent faire partie de la liste des médicaments admissibles d’une province, mais pas d’une autre. Il peut arriver qu’une portion du traitement soit couverte par un régime provincial, mais que le traitement ne soit pas du tout assuré dans une autre province.

Chers collègues, je pense que ces expériences personnelles dont je viens de vous parler illustrent plusieurs points. Au bout du compte, le système de soins de santé du Canada est une œuvre inachevée et notre pays est relativement jeune.

Le fait d’être témoin d’un changement transformationnel comme celui de ce projet de loi sur notre système de santé, et d’y participer, a pour effet secondaire de mettre notre patience à l’épreuve. Je reconnais d’ailleurs que certains Canadiens sont un peu à bout de patience.

Dans son livre intitulé Health for All, Jane Philpott a souligné le même point que la sénatrice Pate dans son discours :

Le développement de nos systèmes de santé est paralysé. Après avoir réalisé des progrès impressionnants au cours de la deuxième moitié du XXe siècle, les systèmes de santé du Canada n’ont pas mis en œuvre la vision intégrale des fondateurs de l’assurance-maladie, qui incluait une assurance-médicaments universelle financée par l’État [...]

On a discuté de l’importance d’une liste nationale de médicaments afin que tous les Canadiens puissent avoir accès aux médicaments sur ordonnance essentiels et aux produits connexes dont ils ont besoin, à un coût raisonnable pour leurs régimes de soins de santé. Il s’agit de l’article 8 du projet de loi C-64.

Honorables sénateurs, permettez-moi de ramener votre attention sur le Yukon. En 2018, le premier ministre du Yukon de l’époque et la ministre de la Santé et des Ressources humaines de l’époque ont demandé à d’éminents Yukonnais d’entreprendre un examen approfondi des programmes de santé et de services sociaux au Yukon. Le chapitre 8 du rapport La population d’abord portait sur des moyens d’assurer la viabilité financière du système. Voici ce que dit la recommandation 8.4 : « Travailler en partenariat avec le gouvernement fédéral pour appuyer un modèle de programme universel d’assurance-médicaments pancanadien. »

Il s’agit de la position actuelle du Yukon, et je l’appuie pleinement.

Enfin, chers collègues, je tiens à souligner que la recommandation du Yukon et mon dernier point aujourd’hui portent sur l’allusion au partenariat. Il y a actuellement des élections dans trois provinces, et le monde entier traverse une période sociopolitique difficile. L’élaboration d’un régime national d’assurance-médicaments exige que tous les partenaires se présentent à la table de négociations pour poursuivre notre travail de mise en place d’un système national de santé dont nous pouvons tous faire partie et dont nous pouvons tous être fiers à juste titre.

Tout comme nous sommes sur le point de nous réunir autour d’une table pour exprimer notre gratitude et célébrer la famille, je vois le projet de loi C-64 comme le Canada qui dresse la table d’un régime national d’assurance-médicaments et qui invite les territoires et les provinces à se joindre au repas. Pour certains sénateurs, la fourchette est peut-être mal placée ou quelqu’un a peut-être oublié la purée de canneberges. Néanmoins, nous sommes réunis autour de la table et nous partageons un repas.

Des sénateurs ont parfois comparé la légifération à la fabrication de saucisses. Sur une note personnelle, je tiens à remercier la sénatrice Lankin, qui est sur le point de prendre sa retraite. Je souligne ses nombreuses qualités, dont celle de comprendre qu’il n’y a pas de méthode infaillible pour en arriver à une bonne mesure législative. Parfois, mieux vaut travailler avec les ingrédients que l’on a, même si la recette n’est pas au point, et tenter le tout pour le tout.

Tout comme les saucisses et la préparation d’un bon repas, il faut du temps et des ingrédients essentiels.

Le projet de loi C-64 contient suffisamment d’ingrédients essentiels pour mettre en place un régime national d’assurance-médicaments. Je demande à mes collègues du Sénat d’appuyer son adoption afin que le Canada, les provinces et les territoires puissent se réunir autour de la table, travailler ensemble et veiller à ajouter cet autre élément au système de santé du Canada, dont l’objectif est d’assurer une bonne santé pour tous.

Peut-être que le Canada ne peut pas obliger les provinces à venir — trois provinces sont en pleine campagne électorale en ce moment. Qui va prédire l’avenir? Cela dit, je pense qu’il nous incombe d’aider le Canada à mettre la table pour encourager les gens à venir — en faisant preuve de gentillesse et de respect relativement à ce qui se passe dans leur propre province ou territoire — et à s’asseoir avec nous afin d’élaborer une méthode de mise en œuvre de ce projet de loi, de manière à ce que les Canadiens de tout le pays puissent avoir accès, sur une base égale et équitable, aux médicaments dont ils ont besoin, et ce, sans frais.

Chers collègues, je vous remercie de votre temps et de votre attention. Mahsi’cho.

L’honorable Andrew Cardozo [ - ]

Honorables sénateurs, c’est un privilège de prendre la parole dans cette enceinte importante pour parler d’un projet de loi crucial, le projet de loi C-64, Loi sur l’assurance médicaments. Il s’agit d’un enjeu que j’ai souvent abordé dans cette enceinte avant que le projet de loi ne soit présenté. Je suis donc heureux d’être ici aujourd’hui.

Chers collègues, je suis le porte-parole du Groupe progressiste du Sénat pour ce projet de loi. Je dispose donc d’un temps de parole de 45 minutes, et la Présidente m’a assuré que nous resterions ici tant que je n’aurais pas fini mon discours. Je plaisante. Selon moi, la durée maximale de tous les discours ne devrait pas dépasser 15 minutes. S’il est impossible de transmettre un message pendant ce laps de temps, le message n’en vaut probablement pas la peine. Mais c’est un sujet pour un autre jour.

On a beaucoup parlé de ce projet de loi. Je souhaite prendre quelques minutes pour placer ce que nous faisons dans un contexte historique. Je parlerai de deux développements importants qui ont eu lieu en 1960 et de deux autres qui ont suivi en 1961 parce qu’ils sont pertinents aujourd’hui. Ils concernent les trois partis politiques nationaux.

Tout d’abord, en 1960, le Nouveau Parti démocratique de la Saskatchewan, dirigé par Tommy Douglas, a proposé un régime d’assurance-maladie dans sa plateforme électorale. Deuxièmement, toujours en 1960, le Parti libéral du Canada, sous la direction de Lester B. Pearson, a tenu sa conférence des penseurs, connue sous le nom de conférence de Kingston. C’est à cette occasion que le Parti libéral a, pour la première fois, fait de l’assurance-maladie un objectif national, qu’il a ensuite intégré à son programme lors des élections de 1962 et 1963.

Puis, en 1961, le gouvernement de Tommy Douglas a mis en œuvre le régime d’assurance-maladie provincial, la Saskatchewan Medical Care Insurance Act, que les électeurs de la province appuyaient, même si elle était controversée pour certains et que la profession médicale y était vivement opposée.

Deuxièmement, la même année, le premier ministre progressiste-conservateur John Diefenbaker a mis sur pied la Commission royale d’enquête sur les services de santé, sous la direction d’Emmett Hall, également un conservateur, qui a présenté son rapport en 1964. Dans ce rapport, Hall a déclaré : « La seule chose qui coûte plus cher que de bons soins de santé, c’est l’absence de soins de santé. »

La loi fédérale sur les soins de santé a été adoptée par un gouvernement libéral minoritaire appuyé par le NPD. Le NPD fédéral de l’époque était dirigé par Tommy Douglas, que j’ai mentionné précédemment, dont le programme novateur en Saskatchewan avait inspiré le régime national d’assurance-maladie.

Il est intéressant de noter que la situation est la même aujourd’hui. Un gouvernement libéral minoritaire appuyé par le NPD vient de présenter un projet de loi sur l’assurance-médicaments.

Je veux mentionner que, en 1966, alors que le Parti libéral était manifestement favorable au régime d’assurance-maladie, le financement n’avait pas encore été confirmé. Voici l’histoire : Mitchell Sharp était ministre des Finances et, quelques jours avant le budget de cette année-là, il envisageait de faire marche arrière et de ne pas dévoiler le financement qui ferait de l’assurance-maladie une réalité parce qu’il estimait que le gouvernement ne pouvait pas se le permettre. Une rébellion a éclaté au sein du caucus libéral et, à la dernière minute, Sharp a réintroduit le régime d’assurance-maladie dans le budget.

Je dis cela parce qu’aujourd’hui, même si nous pensons que l’assurance-maladie est une valeur canadienne fondamentale qui nous accompagne depuis toujours, il s’en est fallu de peu qu’elle ne soit pas mise en place à l’époque. Je fais le parallèle avec le programme national de garderies présenté par le gouvernement de Paul Martin en 2005-2006. Parce qu’il n’a pas été entièrement confirmé par le Parlement, il a été annulé par le gouvernement suivant, et il n’a vu le jour que près de 20 ans plus tard.

Ce que nous faisons cette semaine dans cette enceinte est important. C’est un bon chapitre de l’histoire du Canada qui se déroule ici.

En ce qui concerne le projet de loi examiné aujourd’hui, comme le rapport Hoskins l’a clairement indiqué en 2019, le Canada est le seul pays au monde doté d’un système de santé universel qui n’offre pas de couverture universelle des médicaments sur ordonnance. Il est grand temps que nous cessions d’être l’exception et que nous rejoignions le courant dominant.

En fait, le rapport de la Commission Hall de 1964, qui a mené à la création du régime d’assurance-maladie, recommandait une assurance-médicaments, c’est-à-dire que le gouvernement fédéral établisse un formulaire national, centralise l’achat des médicaments, procède à des achats en gros et maintienne le coût des prescriptions à 1 $, ce qui équivaudrait à environ 10 $ aujourd’hui. Les recommandations d’Emmett Hall sur cet aspect n’ont pas été mises en œuvre à l’époque, et nous voici 60 ans plus tard; mieux vaut tard que jamais. Je suis heureux que les recommandations de cette commission royale soient mises en œuvre aujourd’hui.

Les origines de l’assurance-médicaments remontent à plus de six décennies et sont attribuables aux trois partis.

La grande avancée suivante a été l’adoption de la Loi canadienne sur la santé, présentée par Monique Bégin, qui était ministre de la Santé nationale et du Bien-être social dans le gouvernement de Pierre Trudeau. Cette loi repose sur cinq principes : la transférabilité, l’accessibilité, l’universalité, l’intégralité et la gestion publique. Mon seul regret concernant cette initiative importante est qu’elle n’ait pas inclus l’assurance-médicaments.

Passons au projet de loi C-64. Jusqu’à présent, le projet de loi couvrira deux types de médicaments. Il s’agit de médicaments très importants et cette couverture aidera un grand nombre de Canadiens, mais j’aurais aimé que le projet de loi soit plus ambitieux. Je pense que ce que nous avons maintenant est un bon et solide début. En fait, nous ouvrons la porte à une couverture complète des médicaments pour les Canadiens.

Je tiens à prendre un moment pour féliciter le ministre libéral de la Santé, Mark Holland, et le porte-parole du NPD en matière de santé, Don Davies, pour le projet de loi dont nous sommes saisis. Il faut des parlementaires qui ont une vision et une ambition qui transcendent les clivages politiques pour faire avancer les choses, et c’est précisément ce qu’ils ont fait.

Ce fut vraiment un long parcours. Rappelons que le régime d’assurance-maladie a été mis sur pied une étape à la fois. Ce ne sont pas toutes les provinces qui ont adhéré au programme immédiatement. Certaines avaient déjà un régime et ont demandé un droit de retrait avec compensation, mais elles ont fini par y adhérer. Il a fallu six ans, mais on a fini par rallier toutes les provinces. J’ajouterais qu’en ce qui concerne le projet de loi actuel, j’estime que le droit de retrait avec compensation demeure une option, que ce soit pour le Québec ou pour d’autres provinces.

Honorables collègues, j’appuie le projet de loi C-64. Je suis pour l’achèvement du travail que John Diefenbaker, Emmett Hall, Lester B. Pearson, Tommy Douglas et Monique Bégin ont accompli au fil de plusieurs décennies. Merci.

Son Honneur la Présidente [ - ]

Sénatrice Batters, avez-vous une question?

L’honorable Denise Batters [ - ]

Oui. Sénateur Cardozo, au début de votre discours, vous avez dit que vous vous considérez comme le porte-parole du Groupe progressiste du Sénat pour ce projet de loi. Je pense que, selon le nouveau Règlement, le bon terme est « sénateur désigné » ou quelque chose du genre.

Étant donné que vous vous êtes désigné comme porte-parole pour ce projet de loi, j’aimerais savoir si le gouvernement vous a donné une séance d’information sur le sujet.

Le sénateur Cardozo [ - ]

Non.

L’honorable Leo Housakos [ - ]

Le sénateur Cardozo accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Cardozo [ - ]

Compte tenu de l’heure, je vais me contenter des questions auxquelles j’ai déjà répondu. Merci.

Honorables sénateurs, en tant que sénatrice indépendante du Manitoba, je reconnais que je viens du territoire du Traité no 1 et de la patrie des Métis de la Rivière-Rouge. Je remercie le peuple algonquin anishinaabeg d’avoir permis au Parlement du Canada de s’installer sur son territoire non cédé.

Honorables collègues, depuis quelques années, j’ai l’honneur de coprésider l’Association canadienne des parlementaires pour la population et le développement, qui se concentre sur la manière dont nous, parlementaires, pouvons promouvoir et protéger la santé sexuelle et les droits génésiques, et dont la liberté de choisir est la valeur fondamentale. La contraception est un élément fondamental du projet de loi sur l’assurance-médicaments et elle est essentielle à la santé mentale et physique de millions de personnes au Canada. Aujourd’hui, je souhaite donner une voix à de jeunes leaders canadiens qui chérissent leur santé sexuelle et leurs droits génésiques.

Je félicite la sénatrice Pate d’avoir habilement parrainé cet important projet de loi qui change la vie des Canadiens, ainsi que nos collègues du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie, habilement présidé par la sénatrice Omidvar — vous me manquez —, pour leur examen minutieux et approfondi du projet de loi C-64 en notre nom. Le projet de loi C-64 est très ambitieux et il devrait être considéré comme un point de départ. Il n’est pas parfait, mais il est nécessaire à ce moment-ci, et je suis impatiente de voter en sa faveur pour qu’il devienne une loi au Canada.

Je remercie ma collègue du Manitoba, la sénatrice Osler, d’avoir exprimé ses préoccupations judicieuses, hier. Je redoute moi aussi que la mise en œuvre du régime ne se fasse pas en douceur, vu les négociations bilatérales sur le financement qui devront avoir lieu. Il n’est pas surprenant que la jurisprudence de notre système de common law montre que le manque de clarté sur la répartition des enveloppes dans les services de santé donnera probablement lieu à des contestations juridiques. C’est ce qui ressort de l’affaire Chaoulli c. Québec, qui met en évidence le fait qu’un manque de clarté dans la répartition des responsabilités entre le financement privé et le financement public de la santé peut entraîner des conflits judiciaires. Je prends aussi bonne note des réserves exprimées par le sénateur Gignac.

Je m’inquiète également du mandat et de la composition du comité d’experts proposé. Comme l’ont souligné de nombreux témoins au comité, les mécanismes de transparence et de reddition de comptes doivent être appliqués avec vigilance en ce qui concerne la composition du comité, les conflits d’intérêts et, ce qui est peut‑être le plus dangereux, l’ingérence potentielle de l’industrie. Je souscris à l’affirmation de la sénatrice Moodie : le projet de loi doit être considéré comme le point de départ et non comme la ligne d’arrivée. Cela dit, c’est un début, un premier pas qu’on attend depuis longtemps et dont on a désespérément besoin.

Malgré toutes les lacunes du projet de loi, le NPD et le gouvernement devraient être félicités d’avoir accordé la priorité aux contraceptifs en tant que première catégorie de médicaments couverts. En théorie, la possibilité de faire des choix éclairés en matière de santé sexuelle et d’accéder à des services adéquats de santé sexuelle et reproductive est un droit fondamental au Canada. Or, comme je le rappelais régulièrement à mes étudiants dans mes cours sur les droits de la personne, connaître ses droits, les revendiquer et les exercer sont en fait trois choses différentes.

La vérité, c’est qu’au Canada, même s’il y a des précédents juridiques, les femmes, les filles ainsi que les personnes bispirituelles, trans et non binaires vivent trop souvent une dure réalité qui n’est pas représentative de leurs droits. À l’heure actuelle, leur autonomie, leur sécurité, leur autodétermination et leur capacité à véritablement faire des choix ne sont pas conformes à leurs droits.

Certaines personnes sont touchées de manière disproportionnée. Les femmes autochtones ou handicapées ont été soumises à la stérilisation et à la contraception forcées. Les femmes socialement marginalisées et celles ayant un faible revenu se heurtent encore à des obstacles pour tout ce qui touche la santé génésique parce qu’elles n’ont pas les moyens d’accéder à cette catégorie de soins. L’éducation sexuelle des jeunes en milieu scolaire est inégale. Pourtant, la démocratie inclusive au Canada passe par une véritable justice en matière de procréation, ce qui comprend l’accès à une gamme complète de mesures de soutien, y compris les services d’avortement, la contraception, l’éducation à la santé et la planification familiale.

Au Canada, près du tiers des femmes ont eu au moins un avortement au cours de leur vie, mais l’accès à cette procédure médicale varie considérablement en fonction de qui vous êtes et de l’endroit où vous habitez. Il a clairement été démontré que le fait de soutenir des choix concrets en matière de santé génésique offre de nombreux avantages à la société et aux familles, y compris aux enfants. Comme la sénatrice Coyle l’a souligné aujourd’hui, de nombreuses grossesses ne sont pas planifiées dans notre pays. Les femmes issues des populations marginalisées et vulnérables sont surreprésentées parmi celles qui ont des grossesses non planifiées, surtout les femmes qui souhaitent obtenir des moyens de contraception et des choix en matière de santé génésique.

À l’heure actuelle, au Canada, la contraception sans danger n’est souvent qu’un rêve pour bien des gens, y compris ceux qui vivent dans le Nord ou dans des régions rurales ou éloignées, ceux qui sont d’origine autochtone, ceux qui souffrent de toxicomanie ou d’une maladie mentale et ceux de statut socioéconomique inférieur. En l’absence d’un régime fédéral d’assurance-médicaments, l’accès à des moyens de contraception modernes, efficaces et abordables diffère d’une province ou d’un territoire à l’autre, malgré le fait que le Canada est doté d’un système de santé universel et d’une loi universelle sur la santé.

Au pays, les provinces fournissent un ensemble disparate de mesures d’aide financière pour accéder aux contraceptifs, ce qui signifie que, même si les populations vulnérables ciblées telles que les jeunes, les personnes à faible revenu et les personnes non assurées ont peut-être un accès subventionné à certaines formes de contraception, le coût demeure le principal obstacle à l’accès pour l’ensemble des Canadiens. Tant et aussi longtemps que la couverture financière demeurera inégale, les gens vont continuer de dépendre de réseaux d’organismes de défense des intérêts tels qu’Action Canada pour obtenir des renseignements fiables et fondés sur les données probantes concernant les formes de contraception disponibles dans leur province ou territoire respectif et la façon dont ils peuvent se les procurer afin de pouvoir prendre les bonnes décisions en ce qui a trait à leur santé.

Son Honneur la Présidente [ - ]

Sénatrice McPhedran, je regrette de devoir vous interrompre, mais il est 16 heures.

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