DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS — La Journée internationale pour l'abolition de l'esclavage
29 novembre 2022
Chers collègues, la semaine dernière, j’ai profité de cette tribune pour faire un peu d’humour et saluer des vaches québécoises en quête de liberté.
Aujourd’hui, toutefois, mon propos est plus sérieux, parce qu’il est question d’êtres humains en quête de liberté, prisonniers qu’ils sont du travail forcé et du travail des enfants un peu partout sur la planète. Ce vendredi 2 décembre, nous soulignerons la Journée internationale pour l’abolition de l’esclavage. On estime que 50 millions d’êtres humains seraient victimes d’esclavage moderne. C’est 10 millions de plus qu’en 2016. On peut toutefois noter que le Canada progresse.
Après des années de surplace, le Comité des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes a terminé hier l’étude par article du projet de loi S-211, la Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaines d’approvisionnement. Il devrait sous peu être adopté à l’étape de la troisième lecture. Ce sera le point culminant de près de quatre ans de travail, en étroite collaboration avec le député John McKay et le Groupe parlementaire multipartite de lutte contre l’esclavage moderne et la traite des personnes.
Je tiens d’ailleurs à saluer la présence au Sénat de l’avocat Stephen Pike, un expert sur les questions de gouvernance, qui m’a épaulée dans la réflexion sur le projet de loi S-211. Le Sénat a voté à l’unanimité pour que les entreprises qui font affaire au Canada fassent leur part et qu’elles soient transparentes quant au risque que leurs chaînes d’approvisionnement emploient une main-d’œuvre captive. C’est un point de départ.
L’esclavage moderne est un problème complexe. Ces violations des droits de la personne prennent source dans la pauvreté et la vulnérabilité des uns, et la richesse et le pouvoir des autres. Ces jours-ci, comme l’a dit la sénatrice Jaffer, on peut penser à la construction et à la rénovation de huit stades de soccer au Qatar, où les amateurs suivent actuellement les matchs de la Coupe du monde.
Au cours des 12 années précédentes, des centaines de milliers de Népalais sont allés travailler sur ces chantiers. Réputés bons travailleurs, pas chers, on leur a assigné les tâches les plus dangereuses, selon une enquête du journal Le Monde.
Plusieurs de ces travailleurs ont dû emprunter des sommes importantes à des taux usuraires pour obtenir les papiers requis. Ils travaillaient donc en bonne partie pour repayer des dettes contractées pour être en mesure de travailler. C’est le cercle vicieux du travail forcé. De nombreux Népalais sont retournés chez eux blessés ou dans un cercueil. Sans indemnisation, ils ont laissé leurs dettes à leur famille.
En 2020, sous la pression de l’Organisation internationale du travail, le Qatar a imposé l’adoption d’un salaire minimum et permis aux migrants de changer d’emploi. Ces réformes étaient plus que nécessaires.
Toutes ces histoires ont suscité un malaise, bien sûr, mais pas assez pour un boycott. Quand les projecteurs s’allument et que les matchs commencent, on oublie tout cela. Malheureusement, et en dépit de nos avancées législatives, ces migrations d’êtres humains désespérés, cherchant à nourrir leur famille, risquent d’augmenter en raison des dérèglements climatiques et des conflits qu’ils alimentent.
Pour les pays riches comme le Canada, il faudra regarder la réalité en face et faire preuve d’intégrité. J’espère que nous ferons le choix de la cohérence. Merci.