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L'étude de la motion tendant à autoriser une modification à la Constitution (Loi sur la Saskatchewan) par proclamation de Son Excellence la gouverneure générale

Quatrième rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles--Débat

5 avril 2022


L’honorable Mobina S. B. Jaffer [ + ]

Propose que le rapport soit adopté.

 — Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour vous rapporter les discussions tenues lors de l’étude de la motion no 14 par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Cette motion concerne les impôts payés par la Compagnie du chemin de fer Canadien du Pacifique en Saskatchewan.

Faute de temps, le comité n’a pas été en mesure de nous présenter un rapport détaillé. Je crois cependant qu’il est important que vous entendiez tous les grandes lignes des divers témoignages d’experts. Je veux aussi vous dire que ce n’est peut-être pas la seule fois où nous étudierons cet enjeu. Nous pourrions en effet voir la question soulevée par le gouvernement de l’Alberta et le gouvernement du Manitoba.

Cela étant dit, le comité a entrepris l’étude de la motion no 14 durant la semaine du 21 mars. Cette motion est liée à la proposition de modification constitutionnelle concernant la Loi sur la Saskatchewan. Jusqu’à maintenant, la motion a reçu un soutien unanime à l’Assemblée législative de la Saskatchewan et à l’autre endroit.

Le 23 mars, le comité a tenu deux réunions, pour une durée totale de huit heures. Il y a entendu 12 témoins ayant des points de vue divers sur la question.

Les personnes suivantes étaient présentes lors de la première réunion : l’honorable Gordon Wyant, Louise Baird, Daniel Bourgeois, Michelle Lang, Warren Newman, Nancy Othmer, Merrilee Rasmussen et Michael Vandergrift.

M. Vandergrift est le sous-ministre des Affaires intergouvernementales du Bureau du Conseil privé. Il a rappelé au comité que la possibilité d’une modification constitutionnelle bilatérale, bien que rare, n’est assurément pas sans précédent. En effet, il a dit :

La Saskatchewan demande que les chambres du Parlement adoptent des résolutions parallèles, autorisant ainsi l’abrogation de l’article 24 de la Loi sur la Saskatchewan conformément à la procédure de modification de l’article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982. Si une autre assemblée législative provinciale adoptait une résolution pour apporter une modification constitutionnelle bilatérale de nature similaire, que ce soit l’Alberta, le Manitoba ou toute autre province, le gouvernement du Canada étudierait et examinerait la modification proposée, comme nous l’avons fait dans ce cas. Bien que cette proposition de modification constitutionnelle bilatérale soit rare, elle n’est pas sans précédent. La procédure de modification bilatérale a en fait donné lieu à sept modifications constitutionnelles depuis 1982, chacune d’entre elles ayant modifié des dispositions de la Constitution du Canada qui s’appliquaient à une seule province.

Le témoin suivant était Nancy Othmer, sous-ministre adjointe du Secteur du droit public et des services législatifs, au ministère de la Justice du Canada. Mme Othmer nous a fait un rappel détaillé de la procédure applicable à toute modification constitutionnelle et a cité deux exemples historiques exceptionnels de propositions de modification constitutionnelle. Elle a dit :

[...] il existe cinq procédures d’amendement. Deux d’entre elles ont été largement diffusées : la procédure normale et la procédure de consentement unanime. La procédure normale, en vertu de l’article 38 de la Loi constitutionnelle de 1982, exige l’autorisation de cette chambre et de la Chambre des communes et d’au moins 7 des 10 assemblées législatives provinciales représentant 50 % de la population provinciale. Juste une seule modification constitutionnelle a été apportée dans le cadre de cette procédure 7/50, et c’était en 1983, pour renforcer les droits des peuples autochtones en vertu de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

La procédure de consentement unanime est énoncée à l’article 41 et elle s’applique à un nombre limité de sujets. Elle requiert l’approbation des deux chambres fédérales ainsi que des 10 assemblées provinciales. L’accord du lac Meech et l’accord de Charlottetown étaient des propositions constitutionnelles soumises à cette norme rigoureuse.

Nous avons ensuite entendu le témoignage de l’honorable Gordon Wyant, député provincial ainsi que ministre de la Justice et procureur général de la Saskatchewan. Je tiens à dire que le ministre Wyant a été un témoin exceptionnel. Je l’ai trouvé très ouvert aux questions du comité et tout aussi franc dans ses réponses.

Le ministre Wyant a présenté avec éloquence la position du gouvernement de la Saskatchewan :

[L’article 24] restreint les pouvoirs d’imposition de la population de la Saskatchewan et confère un avantage concurrentiel important à l’une des entreprises les plus prospères et les plus rentables du Canada, le chemin de fer du Canadien Pacifique.

Selon nous, l’article 24 est une mauvaise politique fiscale. Il signifierait qu’une société commerciale est un resquilleur, qui a le droit de profiter de tous les services et de toutes les infrastructures de la Saskatchewan, mais qui n’est pas tenu de payer sa juste part d’impôts.

L’équité fiscale signifie que tous les résidants et toutes les sociétés commerciales paient leur juste part [...]

Le ministre Wyant a souligné que le CP dit ne pas avoir à payer sa part. Il a ensuite ajouté ceci :

À notre avis, c’est une gifle pour les habitants de la Saskatchewan qui paient leur juste part.

Nous avons ensuite entendu une avocate, Merrilee Rasmussen. Me Rasmussen a décrit son expérience professionnelle à l’égard de la motion no 14. Voici quelques-uns de ses souvenirs :

[...] mon rôle dans la proposition d’abrogation [...] a commencé au début des années 1990 [...] au ministère des Affaires intergouvernementales de la Saskatchewan [...] Nous avons préparé à l’époque une proposition de résolution, mais elle n’a pas été reprise par le gouvernement de l’époque. Je suppose que la raison de cela, c’est que, comme l’a souligné le ministre Wyant, la question de l’imposition du CP ne posait aucun problème pratique, car le CP avait payé des impôts depuis que la Saskatchewan était devenue une province en 1905.

Nous avons ensuite entendu Warren Newman, avocat général principal en droit public au ministère de la Justice du Canada. Selon Me Newman :

[...] nous parlons d’un amendement à la Constitution du Canada. Des témoins vous ont parlé plus tôt des amendements apportés à Terre-Neuve concernant les écoles confessionnelles. Il y a eu trois amendements. L’un de ces amendements a été apporté en 1997, et il s’agissait, une fois encore, d’une modification touchant une clause — la clause 17 — au sujet des écoles confessionnelles, et un litige est apparu à la suite de cet amendement. La province a fait marche arrière en 1998 et a proposé un autre amendement visant à abolir complètement les garanties, et cet amendement constitutionnel a été adopté tant par l’Assemblée législative provinciale que par les assemblées législatives fédérales. Il y a eu un litige subséquent sur ce point, et j’y ai également fait allusion. Le tribunal a confirmé la validité de l’amendement [...]

Daniel Bourgeois, avocat général principal en droit fiscal au ministère de la Justice du Canada, a donné son avis au comité à propos du lien entre cette motion et la cause en instance :

Cette procédure de modification constitutionnelle qui vise à abroger l’article 24 de la Loi sur la Saskatchewan n’aura pas d’incidence sur la procédure fédérale ni sur l’obligation contractuelle existante. Donc, non, ce processus n’aura pas d’incidence sur les arguments soulevés dans le cadre de la procédure devant la Cour fédérale.

Louise Baird, sous-ministre adjointe aux Affaires intergouvernementales du Bureau du Conseil privé, ainsi que Michelle Lang, cheffe de cabinet de l’honorable Gordon Wyant, ministre de la Justice et procureur général de la Saskatchewan, ont été d’un précieux soutien au ministre Wyant, et nous sommes reconnaissants de leur comparution.

À la deuxième réunion, nous avons reçu James Clements, Dwight Newman, Benoît Pelletier et Patrick Taillon. James Clements est vice-président principal responsable de la planification stratégique et de la transformation technologique à Canadien Pacifique. M. Clements a encouragé le comité à tenir compte du contexte historique des engagements pris par le Canadien Pacifique et le gouvernement fédéral, et je le cite :

[...] le Parlement du Canada a adopté la loi de 1881 sur le CFCP. Cette loi comprenait un ensemble de mesures incitatives pour aider à financer et à construire le chemin de fer ainsi qu’un ensemble d’obligations pour le CP, notamment la construction du chemin de fer et une obligation unique à l’époque, celle de l’exploiter à perpétuité.

L’une de ces mesures incitatives, l’article 16, exemptait à tout jamais d’impôt une partie des activités du CP.

Honorables sénateurs, les témoins suivants sont des experts en droit constitutionnel. Nous avons d’abord entendu Benoît Pelletier, qui est professeur à l’Université d’Ottawa. J’aimerais vous faire part de la réponse de M. Pelletier quand je lui ai demandé si l’adoption de cette motion aurait des effets sur les poursuites en cours. Plus précisément, les poursuites par lesquelles on demande le remboursement des impôts déjà payés pourraient-elles suivre leur cours et le processus serait-il considéré comme sans interférence? La réponse de M. Pelletier a été éloquente, claire et digne de son expertise. La voici dans ses propres mots :

[...] cette question de rétroactivité n’est pas simple. Dans le cas qui nous occupe, nous parlons de fiscalité, qui n’est pas un sujet très délicat pour la plupart des gens. Mais, supposons que nous parlons par ailleurs des droits de la personne. Supposons que nous parlons d’une situation où le constituant a décidé de priver de manière rétroactive une personne de ses droits. Cette question de rétroactivité n’est pas une chose qui pourrait se régler simplement. C’est une question de légitimité, et non pas de légalité ou de constitutionnalité. Je fais une différence entre les deux. Dans ce cas-ci, une question de légitimité et d’équité se pose. Cependant, je suis arrivé à la conclusion que, en ce qui concerne l’aspect constitutionnel de la question, la motion est valide et la modification serait valide, si elle est adoptée par le Sénat, la Chambre des communes et l’Assemblée législative de la Saskatchewan.

Ensuite, le comité a entendu le témoignage de Dwight Newman, professeur de droit et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les droits des Autochtones dans le droit constitutionnel et international à l’Université de la Saskatchewan. M. Newman a partagé son expertise du droit constitutionnel avec le comité. À son avis :

Il y a eu un soutien populaire massif, en Saskatchewan, pour la modification constitutionnelle qui vous a été présentée.

La modification en question est, à de nombreux égards, une simple adaptation du texte constitutionnel visant à répondre aux circonstances d’aujourd’hui à l’aide d’une correction et de clarifications de ce texte assez cohérentes, de bien des façons, avec les modes d’utilisation de cette formule de modification.

Le dernier témoin que nous avons entendu à la première réunion est Patrick Taillon. M. Taillon est professeur et codirecteur du Centre d’études en droit administratif et constitutionnel de l’Université Laval.

M. Taillon a partagé son point de vue sur la motion en déclarant ce qui suit :

[...] la résolution lancée par la Saskatchewan est très importante. Elle permet de mieux comprendre pourquoi, parfois, on réussit sur le front constitutionnel alors que, parfois, on échoue. Comme d’autres modifications réalisées avec la procédure bilatérale prévue à l’article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982 [...]

Son Honneur la Présidente intérimaire

Sénatrice Jaffer, je suis désolée, mais votre temps de parole est écoulé.

Sénatrice Simons, votre microphone est éteint. Honorables sénateurs, il semble que le système connaisse des ratés. Nous allons donc suspendre la séance pendant quelques minutes.

Son Honneur la Présidente intérimaire

Honorables sénateurs, on me dit que la console fonctionne à nouveau. Je le précise pour que vous sachiez que ce problème technique n’est pas lié au mode hybride de la séance.

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