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Le Sénat

Motion tendant à former un comité sénatorial spécial sur le capital humain et le marché du travail--Suite du débat

1 novembre 2022


L’honorable Ratna Omidvar [ - ]

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer la motion de la sénatrice Bellemare tendant à créer un comité spécial sur le capital humain au Sénat.

Le marché du travail, les employeurs et les employés sont le moteur de notre économie et le fondement de notre prospérité. En 2021, 15,4 millions de Canadiens étaient employés à temps plein. La structure du comité doit tenir compte de leurs besoins et des perspectives des industries, des secteurs et des régions, qui devront occuper une place de choix dans les délibérations du comité.

À l’heure actuelle, ces priorités, comme celles dont nous avons débattu ici — le travail à la demande, l’évolution du marché du travail et les répercussions de l’intelligence artificielle et de la robotique sur l’avenir du travail — bénéficient, au mieux, d’une attention passagère de la part du Sénat.

Récemment, nous avons eu plusieurs débats sur l’assurance-emploi, et la nécessité d’une réforme de l’assurance-emploi est apparue clairement à beaucoup d’entre nous. Nous sommes également aux prises avec d’importantes pénuries de main-d’œuvre par secteur, par région et par saison. Ces questions, chers collègues, ne sont pas une considération secondaire. Elles s’inscrivent dans le courant dominant.

Je suis donc tout à fait d’accord avec la sénatrice Bellemare et les autres membres du Comité du Règlement quant à la nécessité de lancer un tel effort.

La forme obéit à la fonction, comme nous l’avons tous entendu, mais dans le cas du Sénat, nous avons besoin de la forme, de la structure et des arrangements pour nous mener à la sagesse.

Chers collègues, tant de choses ont changé dans le monde du travail au cours des trois dernières décennies. Les gens n’occupent plus un emploi durant toute leur vie. Des secteurs entiers du marché du travail ont été balayés et remplacés par d’autres. Apparemment, si vous êtes un influenceur sur les médias sociaux, vous faites partie de la catégorie la plus demandée, tandis que les piliers de notre économie, comme la fabrication, sont en fort déclin, succombant à la mondialisation et à l’automatisation. Pour certains, c’est la meilleure des époques, pour d’autres, c’est la pire.

La vitesse et le rythme des changements sont effrénés, et qui sait — ils pourraient encore changer si la relocalisation devient une réalité.

Nulle part ailleurs cela n’est plus clair que dans le monde de l’économie à la demande. Statistique Canada a remarqué que ce type particulier d’arrangement de travail — le « travail à la demande », comme nous l’appelons — a augmenté de 70 % pour atteindre 1,7 million de travailleurs. Le salaire moyen d’un travailleur à la demande est d’environ 4 000 $.

Avouons-le, 4 000 $, c’est bien s’il s’agit d’un emploi secondaire de soir ou de fin de semaine pour arrondir les fins de mois, mais je crois que nous savons tous ce que 4 000 $ représentent s’il s’agit de notre seule source de revenus.

Ce sont là des questions graves, chers collègues, et les travaux du Sénat doivent refléter les questions d’urgence nationale en évolution. Les travaux d’un comité du capital humain recouperont nécessairement ceux du Comité de l’immigration, car nous tentons de combler les pénuries de main-d’œuvre grâce à l’immigration. Les employeurs ont des problèmes de prévisibilité en raison de tout le temps qu’il faut pour obtenir un permis de travail. Les voies d’accès varient en fonction des régions, des secteurs et de ce qu’on appelle des travailleurs hautement qualifiés ou des travailleurs peu spécialisés. Je crois que ce nouveau comité sera bien placé pour accorder toute l’attention voulue à ce dossier, car la majorité des immigrants qui arrivent au pays — ils seront bientôt 500 000 par année, comme je l’ai appris aujourd’hui — demeureront sur le marché du travail. Toutefois, le dossier de l’immigration comporte aussi d’autres volets, comme la cohésion sociale, l’inclusion sociale, les droits des immigrants, la citoyenneté et le racisme, qui devraient tous rester au Comité des affaires sociales.

Il s’agit de sujets très importants pour l’édification de la nation. Je le souligne, car je ne veux pas qu’il y ait le moindre malentendu au sujet de mes propos. Je ne prétends pas que les travaux du Comité du capital humain devraient porter sur l’ensemble du dossier de l’immigration, bien au contraire.

Chers collègues, je suis aussi favorable à la création de ce comité. Je crois sincèrement qu’il pourrait s’agir du premier pas pour faire des avancées dans le processus de refonte de la structure globale des comités.

Bien que nous ayons ajouté de nouveaux comités au fil des ans, les mandats et les structures doivent être révisés. Je préside le Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie depuis une année seulement, mais j’y siège depuis près de quatre ans. À titre d’exemple, ce comité a un mandat très large qui englobe les affaires sociales, les sciences et les technologies. Par conséquent, ses travaux couvrent — ou devraient couvrir — l’espace, la physique, la chimie, la santé des Canadiens, les jeunes, les femmes, la communauté LGBTQ2+, les personnes défavorisées, les personnes handicapées, les étudiants, l’éducation, la cohésion sociale, le marché du travail et le multiculturalisme. La sénatrice Seidman me dira si j’ai oublié un élément dans cette liste.

Ce comité doit étudier un grand nombre de projets de loi ministériels et de plus en plus de projets de loi d’initiative parlementaire, autant en provenance du Sénat que de la Chambre des communes.

Je tiens à souligner l’importance des études menées par les comités sénatoriaux, surtout le Comité sénatorial des affaires sociales. Pensons aux rapports du sénateur Kirby sur la santé mentale, qui ont servi d’assises à la Commission de la santé mentale du Canada. J’aimerais aussi souligner le rapport sur l’autisme intitulé Payer maintenant ou payer plus tard, qui a finalement porté ses fruits, dans le projet de loi S-203. De plus, chers collègues, je vous rappelle que les rapports sur la pauvreté, le logement, l’invalidité et l’itinérance ont incité les gouvernements qui se sont succédé au fil du temps, peu importe les allégeances politiques, à mettre en œuvre des recommandations.

Parmi les études plus récentes, mentionnons l’étude sur la finance sociale, qui a conduit à l’annonce de la création du Fonds de finance sociale.

Ce ne sont là que quelques exemples, mais je tiens à souligner que le pouvoir et la longévité du Sénat résident réellement dans ses études.

Je souhaite aborder aussi un autre volet du mandat du Comité des affaires sociales, un volet dont on parle peu, celui de la science et de la technologie. Il s’agit selon moi d’un autre type de connaissances et de discours et, de manière générale, d’un sujet qui ne devrait plus relever du Comité des affaires sociales. Soulignons que la science générale, notamment la science fondamentale, fait rarement l’objet d’études à notre comité. Il est vrai que le comité a déjà étudié — la sénatrice Petitclerc s’en souviendra — l’intelligence artificielle dans le système de santé ainsi que les produits pharmaceutiques sur ordonnance, des sujets comportant une part de science. Ce sont toutefois des sujets liés à la santé, et ils ne constituent pas ce que j’appellerais de la science fondamentale.

Bref, le comité n’a fait aucune étude sur la science générale depuis plus d’une décennie, chers collègues.

En 2008, le comité a publié un rapport intitulé Réaliser le potentiel des sciences et de la technologie au profit du Canada. Il portait sur la stratégie en matière de sciences du gouvernement fédéral. Devant le large éventail de sujets qui s’offrent à nous, certains ont toutefois dû être mis de côté. Dans ce cas-ci, la science générale a été victime de ce trop-plein de sujets. C’est dommage, car la science est très présente dans nos vies. Il serait nécessaire et beaucoup plus approprié qu’un nouveau comité se concentre de façon plus ciblée sur la science.

Les changements que je propose permettraient au Comité sénatorial des affaires sociales de mettre l’accent sur la santé et les affaires sociales, y compris les sciences de la santé. Si ces changements sont apportés, le Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie deviendrait le comité des affaires sociales et de la santé.

Je parle à titre personnel, et non au nom du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie dont je suis la présidente. Je parle seulement en mon nom. Je tiens à le préciser.

Le calendrier des comités est une autre source de frustration pour moi. Nous devons choisir dans quels comités siéger. Cependant, à cause de la rigidité des horaires — et nous avons conservé le calendrier de la session précédente —, il est impossible d’aller assister, de temps à autre, à une réunion d’un autre comité dont l’horaire entre en conflit avec celui d’un comité où on a été nommé. J’aimerais qu’il y ait une certaine flexibilité dans les horaires des comités afin de permettre un plus grand échange d’idées.

Je sais qu’il s’agit de projets à long terme, mais ils sont cruciaux pour l’avenir du Sénat.

Je crois que commencer par cette petite mesure qu’est la création, pour une durée limitée, d’un comité sur le capital humain est quelque chose d’important, et j’espère que cette motion sera adoptée. Je vous remercie, chers collègues.

Son Honneur la Présidente intérimaire

Sénateur Patterson, avez-vous une question?

L’honorable Dennis Glen Patterson [ - ]

Oui, si vous le permettez.

Son Honneur la Présidente intérimaire

Sénatrice Omidvar, acceptez-vous de répondre à une question?

La sénatrice Omidvar [ - ]

J’accepte toujours de répondre à une question.

Le sénateur Patterson [ - ]

Sénatrice Omidvar, je vous remercie de votre discours. J’ai un peu d’expérience en matière de comités spéciaux, car le sénateur Watt et moi-même avons réussi à faire créer par le Sénat un comité spécial sur l’Arctique. La question qui se pose alors — et je ne m’oppose pas du tout à votre motion — est de savoir si les ressources sont suffisantes pour ajouter un comité. Les services de soutien sont-ils disponibles, et y a-t-il du temps dans le calendrier?

Je me demandais si vous aviez eu l’occasion d’explorer la question avec le Sénat.

La sénatrice Omidvar [ - ]

Merci de votre question, sénateur Patterson. En fait, c’est la grande question avec laquelle il faudra nous colleter. Cependant, sénateur Patterson, mon nom de famille est Omidvar, qui signifie « espoir » en persan. À mon avis, quand on veut, on peut. Il faut de la volonté pour régler cette question de réforme et de restructuration. Je crois que vous êtes un réformiste vous aussi. J’ai moi aussi vécu l’expérience d’un comité sénatorial spécial. J’ai regardé le sénateur Mercer réaliser sa création avec brio. Je ne pense pas qu’il faille confier la question aux efforts politiques d’un ou deux sénateurs, aussi réussis fussent-ils.

La sénatrice Bellemare a présenté cette motion de manière réfléchie. On en a discuté et elle a été bien élaborée par le Comité du Règlement. Je suis plutôt convaincue que le comité a eu des conversations avec l’Administration du Sénat, ou qu’il est en train d’en avoir. Je conclurai avec ma prémisse : quand on veut, on peut absolument. Merci.

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