Projet de loi de Jane Goodall
Projet de loi modificatif--Deuxième lecture--Suite du débat
24 novembre 2022
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi S-241, loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial (grands singes, éléphants et certains autres animaux), dont le titre abrégé est Loi de Jane Goodall.
J’aimerais parler brièvement du processus entourant l’étude du projet de loi et de sa progression dans le temps, ainsi que de mon appui à ce que le projet de loi soit étudié davantage au comité. Comme vous vous en souviendrez, le projet de loi a trois grands objectifs : protéger les animaux sauvages en captivité, accroître la sécurité publique et promouvoir la conservation de la faune.
Le projet de loi, à défaut de satisfaire les nouvelles exigences, interdirait aux petits zoos de faire l’acquisition ou la reproduction de plus de 800 espèces, notamment les grands félins, les ours, les loups, de nombreux primates, les phoques, les lions de mer, les morses, les crocodiles, les anacondas, les serpents venimeux et plus encore. Il éliminerait également progressivement le maintien en captivité des éléphants au Canada. Étant donné notre climat froid, il n’est pas difficile de comprendre pourquoi garder des éléphants en captivité n’est pas idéal pour leur bien-être.
Pour les populations d’animaux sauvages actuellement en captivité, le projet de loi prévoit une clause de droits acquis, si bien qu’ils pourront demeurer là où ils sont. Toutefois, toute nouvelle reproduction en captivité ou exportation nécessiterait une licence délivrée par le gouvernement fédéral ou le gouvernement provincial compétent, le gouvernement fédéral étant le seul à pouvoir autoriser le passage aux frontières. Ces licences seraient accordées lorsque cela est dans l’intérêt de l’animal, de son bien-être individuel ou de la conservation de son espèce ou à des fins de recherche scientifique non dommageable, et sous certaines conditions.
Le projet de loi interdirait également les spectacles à des fins de divertissement et les promenades à dos d’éléphant à moins d’obtenir une licence d’un gouvernement provincial, également sous réserve d’éventuelles conditions.
En outre, le projet de loi S-241 créerait un cadre juridique transparent et accessible pour les organismes animaliers, comme les zoos, les aquariums et les sanctuaires de haute qualité, qui devraient satisfaire à cinq critères pour obtenir un permis fédéral afin d’élever ou de déplacer des individus des espèces touchées. Ces cinq critères sont les suivants : premièrement, prodiguer des soins aux animaux qui sont conformes aux normes professionnelles reconnues les plus élevées et aux pratiques exemplaires; deuxièmement, assurer la protection des divulgateurs; troisièmement, s’abstenir de toute activité qui dénature ou dégrade des animaux non domestiques vivant en captivité, notamment en les donnant en spectacle à des fins de divertissement; quatrièmement, faire l’acquisition d’animaux non domestiques d’une manière qui n’est pas préjudiciable aux populations; et cinquièmement, respecter les autres normes et pratiques exemplaires prévues par le ministre à la suite de consultations d’experts, fondées sur les meilleures données disponibles en matière de recherche scientifique, de médecine vétérinaire, de soins aux animaux ou de bien-être animal.
Notre ancien collègue, le sénateur Sinclair, a présenté la Loi de Jane Goodall il y a deux ans. Le sénateur Klyne, le parrain de cette nouvelle version, a parlé du projet de loi S-241 en mars de cette année. Depuis, nous avons entendu huit discours sur ce projet de loi qui totalisent un temps de débat de plus de deux heures et demie.
Chers collègues, cela fait du projet de loi S-241 le projet de loi présenté par un simple sénateur dont le Sénat a le plus débattu à cette étape au cours de la présente législature. Pour dire les choses simplement, nous pourrions parler du projet de loi sur le zoo qui avance à la vitesse d’un escargot. Je vérifie simplement si vous écoutiez.
Notre débat sera bientôt enrichi par le discours du porte-parole alors que nous nous approchons de l’étape du premier vote. Je reconnais les efforts déployés par le sénateur Plett qui, à titre de porte-parole dans ce dossier, a visité un grand nombre de zoos pour se préparer, comme il l’a mentionné. Toutefois, l’étude de ce projet de loi exigera aussi d’entendre les points de vue de spécialistes dans les sciences animales et de divers autres experts. Cela comprend le témoignage de la réputée Jane Goodall et de bien d’autres scientifiques et experts, notamment des représentants d’organismes de protection des animaux, qui voudront contribuer à nos travaux.
Comme pour tout autre projet de loi, le meilleur moyen de prendre en considération les témoignages de manière équitable et ouverte est d’en faire l’étude en comité. Ainsi, nous pourrions cerner les principaux enjeux, et ce projet de loi en soulève qui sont considérables.
Le 4 octobre dernier, la sénatrice Cordy a souligné que les comités sont disponibles dès maintenant pour entendre les témoins. Nous devrions saisir cette occasion pendant qu’elle s’offre à nous. C’est pourquoi je suis favorable à ce que ce projet de loi soit rapidement mis aux voix à l’étape de la deuxième lecture afin de le renvoyer au comité, qui pourra l’étudier. La Loi de Jane Goodall s’inscrit dans la foulée du bon travail accompli par le Sénat pour défendre les animaux sauvages. Je pense à ce qu’a fait le sénateur MacDonald dans le dossier des nageoires de requin, de même qu’aux réalisations des anciens sénateurs Wilfred Moore et Murray Sinclair avec le projet de loi S-203, Loi visant à mettre fin à la captivité des baleines et des dauphins.
S’il est adopté, ce projet de loi établirait la meilleure protection juridique au monde pour les animaux sauvages en captivité. Je tiens également à souligner que la protection accrue des animaux sauvages en captivité figure dans la lettre de mandat du ministre de l’Environnement et du Changement climatique, tout comme le devoir de contrer le trafic d’espèces sauvages, ce qui témoigne de l’appui démocratique de la population canadienne envers ces politiques.
Nous savons, grâce au courrier que nous recevons et aux médias sociaux, que de nombreux Canadiens et des gens du monde entier, notamment des jeunes, suivent les travaux du Sénat en s’intéressant de près à la Loi de Jane Goodall. Le public se demande quelles seront les prochaines étapes, tout comme certains d’entre nous. Ainsi, ce projet de loi est une occasion de démontrer aux Canadiens et aux députés que le Sénat travaille de façon réfléchie et collégiale.
Avant de prendre sa retraite, le sénateur Sinclair a répété devant cette assemblée qu’il souhaitait que le Sénat devienne une sorte de conseil des anciens du Canada. Pour y parvenir, il nous a dit que nous devrions apporter plus d’équité et de transparence aux débats que nous tenons et aux décisions que nous prenons au nom des Canadiens. Soyons à la hauteur de cet idéal, chers collègues, dans nos délibérations sur le seul texte de loi dont le sénateur Sinclair est l’unique artisan. Il a depuis été développé par le sénateur Klyne, que nous remercions. J’ajoute ma voix à celles de nombreux collègues impatients de passer à notre premier vote et à l’étude en comité de la Loi de Jane Goodall. Je vous remercie de votre attention.
J’ai quelques questions, si le sénateur Dean veut bien y répondre.
Je vais faire de mon mieux.
Merci, sénateur Dean.
J’ai trouvé étrange que le projet de loi S-241 remette pour ainsi dire les normes d’accréditation des zoos canadiens entre les mains d’un organisme américain, l’Association of Zoos & Aquariums, ou AZA.
En ce moment, aux États-Unis, la Chambre des représentants est saisie d’un projet de loi appelé SWIMS Act. Ce projet de loi interdirait la reproduction, l’importation et l’exportation des épaulards, des bélugas, des faux-orques et des globicéphales à des fins d’exposition publique aux États-Unis. C’est très semblable aux règles que les zoos et les aquariums canadiens doivent déjà respecter. Ce n’est toutefois pas le cas aux États-Unis pour l’instant.
Sénateur Dean, l’AZA s’oppose au projet de loi étatsunien.
Pouvez-vous me dire, sénateur Dean, pourquoi vous voudriez remettre les normes d’accréditation des zoos canadiens entre les mains d’un organisme américain qui n’appuie même pas les normes canadiennes existantes?
Sénateur Plett, je pourrais simplement dire — merci beaucoup pour la question, en passant — que l’on considère que les normes de l’AZA sont plus élevées que celles de son équivalent canadien. Les partisans du projet de loi et tous ceux qui l’appuient sont très favorables à l’adoption des normes de l’AZA. J’ignore pourquoi l’AZA a adopté cette position, si c’est bel et bien le cas. Je ne peux pas vous fournir plus de précisions à ce sujet.
Quant à la raison pour laquelle on mentionne l’AZA dans le projet de loi, c’est parce qu’elle offre les normes les plus élevées qui soient, et c’est ce que cherchent les partisans du projet de loi.
Il y a évidemment des gens qui affirment que l’AZA respecte des normes plus élevées. Or, l’organisme Aquariums et zoos accrédités du Canada le nie catégoriquement, et, dans les faits, il n’y a absolument aucune preuve que c’est le cas. Je tiens à préciser ma pensée, ne serait-ce que pour la consigner au compte rendu. Je prendrai la parole plus longuement sur le sujet en temps et lieu.
L’AZA s’oppose vivement à la SWIMS Act et prévient ses membres que si cette loi est adoptée, elle s’étendra bientôt à d’autres animaux comme les éléphants, les grands singes et les grands félins. L’Association exhorte ses membres à agir maintenant pour faire comprendre au Congrès que cette loi établit un dangereux précédent. L’AZA — l’organisme qui serait tellement supérieur à son pendant canadien — prévient ses représentants américains qu’elle ne veut pas que de telles mesures s’étendent aux éléphants et aux grands félins, une approche dont Jane Goodall fait la promotion au Canada, mais pas aux États-Unis.
Sénateur Dean, pouvez-vous m’expliquer pourquoi nous voudrions nous en remettre à un organisme dont les normes d’accréditation ne sont pas supérieures — malgré ce que certains ont pu vous dire — et qui, en plus de ne pas appuyer les normes canadiennes actuelles, s’oppose activement aux exigences imposées aux zoos par le projet de loi S-241?
Merci, sénateur Plett, pour ces questions complémentaires. Elles sont excellentes. Voici comment je comprends la situation. Le projet de loi est à l’étape de la deuxième lecture. Nous sommes ici pour discuter des principes du projet de loi, de ses buts et de ses objectifs, que j’ai essayé d’expliquer aujourd’hui. J’accueillerais volontiers les suggestions de l’Association of Zoos & Aquariums et de son pendant canadien, ainsi que d’experts en la matière, qui pourraient venir au comité pour participer au débat, explorer des avenues et nous renseigner sur les questions que vous soulevez.
La meilleure chose à faire consiste peut-être à procéder au vote à l’étape de la deuxième lecture, à renvoyer le projet de loi au comité, puis à nous pencher sur ce genre de détails. J’aimerais pouvoir répondre à ces questions aujourd’hui, mais je ne le peux pas. Je pense qu’on pourra y répondre de manière adéquate au comité. Alors, faisons avancer les choses et explorons ensemble ces questions ainsi que d’autres comme il se doit.
Merci beaucoup d’avoir soulevé ces questions aujourd’hui.
J’ai une dernière question, ou plutôt une observation. Dans votre discours, vous avez dit que j’ai visité différents zoos et aquarium, et c’est exact. Je suis allé au zoo de kangourous, à Kelowna, au zoo de Calgary, au zoo du parc Assiniboine, au Parc Safari, au zoo de Granby et au Parc Oméga, non loin d’ici.
Tous les intervenants au Sénat ont tout à fait le droit et ont même le devoir de donner leur avis, et je ne veux pas empêcher cela, mais il me semble qu’on laisse toujours entendre que quelqu’un pourrait chercher à retarder l’étude de ce projet de loi. Or, sénateur Dean, ne croyez-vous pas que le parrain et le porte-parole devraient faire ce que j’ai fait, c’est-à-dire visiter tous ces zoos avant que ce projet de loi soit renvoyé au comité, afin que nous ayons toute l’information nécessaire avant de procéder à l’étude en comité? Je crois qu’on pourra constater que, dans presque tous les cas, sinon la totalité, j’ai toujours été favorable à ce que les projets de loi dont nous avons été saisis au fil des années soient étudiés en comité. Je crois que c’est dans les comités que le Sénat travaille le mieux.
Sénateur Plett, avez‑vous une question?
Je vais donc appuyer cela, mais pas avant d’avoir visité autant de zoos et d’aquariums que je le juge nécessaire pour pouvoir informer les sénateurs au sujet des zoos. Le temps du sénateur Dean est-il écoulé?
Non, mais nous attendons votre question, sénateur Plett.
Y a-t-il d’autres personnes qui souhaitent poser des questions? Je vais terminer ce que je disais.
Sénateur Dean, ne pensez-vous pas qu’il est approprié d’obtenir le plus d’information possible avant de renvoyer ce projet de loi au comité afin que nous puissions tous parler en connaissance de cause?
Nous devons tous faire ce que nous croyons être nécessaire, vous y compris. Je suis sûr que je ne serai pas en mesure de vous dissuader d’agir ainsi. Je répéterai que je trouve qu’il est important de renvoyer ce projet de loi au comité. Je serais, bien sûr, très heureux que vous puissiez visiter tous les zoos que vous souhaitez.
Vous voudriez peut-être m’accompagner.
À ce sujet, je peux vous dire que je suis bien content d’être assis de ce côté-ci et d’écouter de longues questions plutôt que d’avoir à donner de longues réponses. Faites comme bon vous semble. Je ne reprendrai pas ma comparaison avec la vitesse d’un escargot, mais, oui, nous faisons ce que nous avons à faire. Je crois que le meilleur endroit où étudier les questions techniques et scruter en détail un projet de loi est le comité, mais je ne vous empêcherai pas d’aller où vous le voulez pour étudier les éléments qui vous intéressent.
Chers collègues, le temps est écoulé.