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Projet de loi sur la diffusion continue en ligne

Projet de loi modificatif--Message des Communes--Motion d’adoption des amendements des Communes et de renonciation aux amendements du Sénat--Adoption de la motion d'amendement

20 avril 2023


L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) [ - ]

Je pense que le débat sur l’amendement a été ajourné à mon nom, Votre Honneur, mais je vais retirer cela. Je vais laisser la parole au sénateur Housakos, qui, je pense, a quelques mots à dire sur l’amendement avant que nous ne soyons prêts à passer au vote.

L’honorable Leo Housakos [ - ]

Je veux débattre de l’amendement proposé par le sénateur Tannas — encore une fois, je remercie le sénateur Tannas de toujours essayer de trouver des compromis dans cette enceinte. Il arrive aussi que nous, législateurs, entendions un tel mécontentement de la part de tant de Canadiens à l’égard d’un projet de loi du gouvernement, comme le projet de loi C-11, que nous ayons l’obligation à la fois constitutionnelle et morale, je pense, de faire en sorte que leurs voix soient entendues.

Je tiens à rappeler aux députés que notre comité, le Comité sénatorial permanent des transports et des communications, a mené une étude très approfondie. Nous avons étudié le projet de loi C-11 en profondeur, malgré les pressions de la part du gouvernement, comme beaucoup d’entre nous le savent, et, à de nombreuses occasions, des sénateurs d’en face. Il y a eu un refus d’entendre tous les témoins.

Tout au long de l’étude, nous avons appris que les créateurs de contenu numérique du Canada se faisaient servir des promesses creuses et faisaient l’objet d’intimidation et de menaces, que ce soit de la part du comité de l’autre endroit ou des médias. Vous ne pouvez pas le nier, sénateur Gold, vous ne le pouvez juste pas. Tout est là. Les témoins que nous avons entendus ont tout corroboré. Je n’invente rien. Lisez le rapport, chers collègues, parce que le comité a entendu 140 témoins en près de 70 heures, et c’est sans parler des 67 mémoires qu’il a reçus. Il s’agit d’une étude d’une ampleur et d’une profondeur inédites pendant laquelle nous avons entendu beaucoup de monde. Le résultat, nous le comprenons tous, c’est que le projet de loi C-11 est loin de faire l’unanimité.

Le milieu de la création numérique est en plein essor. Il compte des millions de Canadiens de tous les horizons pour qui les plateformes numériques où ils diffusent leur travail, leur art et leurs produits de communication constituent une part essentielle de leur existence. Il est vrai que le numérique constitue une part essentielle de nos vies. Or, ces gens sont inquiets, et leurs préoccupations doivent être prises en compte dans le projet de loi et dans la loi en général.

Je suis ici depuis assez longtemps pour savoir que, lorsque plusieurs gouvernements de suite — quelles qu’en soient les couleurs — hésitent à donner suite aux propositions du Sénat, ils nous font taire en nous demandant de présenter nos observations au sujet des projets de loi. Ils nous abreuvent de lettres, de promesses et d’engagements flous sur leur détermination à examiner les questions qui nous occupent et à tenir compte de l’avis du Sénat.

Je me rappelle qu’il y a quelques années, nous avons adopté un projet de loi important sur l’état de stress post-traumatique qui provenait du député Todd Doherty et que j’avais eu l’honneur de parrainer ici. Nous l’avions appuyé à l’unanimité, si vous vous rappelez bien, car il partait d’excellentes intentions. J’ai appris beaucoup de choses, d’ailleurs. J’ai appris que, quand on présente un projet de loi d’initiative parlementaire qui prévoit un cadre ou qui suppose une action quelconque de la part du gouvernement, mieux vaut avoir un échéancier.

Devinez ce qui s’est passé depuis que nous avons adopté à l’unanimité une mesure demandant un cadre sur l’état de stress post-traumatique? Absolument rien. Trois ans plus tard, les premiers intervenants souffrent toujours. On va évidemment nous répondre qu’on peut interpeller le ministre ou son sous-ministre. On peut toujours se plaindre après coup. Le travail accompli pour ce projet de loi était vraiment animé de bonne foi. Je reçois encore des appels de la part de premiers intervenants — de leurs parents, épouses, maris et enfants — et ils souffrent.

Tâchons de tirer des leçons de nos expériences et d’éviter de refaire constamment la même chose. Répéter les mêmes gestes, c’est la définition de la folie. C’est pour cela que rien ne se règle à Ottawa et que nous sommes ensuite réduits à donner des excuses aux intervenants pour justifier le statu quo.

Le moment est venu pour nous de défendre les millions de personnes qui se sont adressées au comité. Le gouvernement prétend avoir rejeté l’amendement qui aurait exclu le contenu généré par les utilisateurs parce qu’il veut donner au CRTC une certaine souplesse dans le cadre du processus de consultation sur le cadre réglementaire. Il sacrifie la clarté de la loi soi-disant pour garantir la clarté du processus de consultation. Est-ce que quiconque ici trouve que cela est sensé?

Le gouvernement a également indiqué qu’il avait examiné une échappatoire qui, si l’amendement était adopté, permettrait à des plateformes comme YouTube et TikTok de tirer profit de la diffusion d’événements tels que la Coupe du monde ou le Concours Eurovision de la chanson sans avoir à investir dans le paysage culturel du Canada. Ce sont les exemples qu’a utilisés le gouvernement.

Lorsque ces plateformes diffusent ce genre d’événements ou quelque chose comme une partie de la Ligue majeure de baseball, elles le font dans le cadre d’accords sur les droits de radiodiffusion avec les détenteurs de droits. Il ne s’agit pas d’un contenu généré par un utilisateur, mais d’un contenu sous licence téléchargé par le fournisseur lui-même, et il est couvert par l’alinéa 4.1(2)a). En d’autres termes, l’utilisation de ce type de contenu est déjà assujettie à la loi et n’est pas affectée d’un iota par cet amendement du Sénat.

Le sénateur Gold se contredit également lorsqu’il assure que le contenu généré par les utilisateurs n’est pas inclus dans le champ d’application du projet de loi et déclare que le contenu téléchargé par les utilisateurs qui contient de la musique n’est pas visé par la réglementation. C’est ce qu’il a dit dans son discours.

The Weeknd est un artiste que j’ai découvert au cours de l’étude et que mes enfants aiment beaucoup. J’ai toujours pensé que le week-end, c’était le samedi et le dimanche, et pour nous, les sénateurs, le vendredi, le samedi et le dimanche, mais c’est une autre histoire.

Lorsque les enfants font des défis de danse sur une chanson de The Weeknd, le gouvernement veut explicitement que cela soit inclus dans le champ d’application du projet de loi, ce qui est précisément ce que les maisons de disque ont dit ne pas vouloir.

Même en expliquant pourquoi il a rejeté les amendements les plus importants du Sénat — que, encore une fois, des milliers de créateurs qui privilégient le numérique nous ont demandé d’apporter —, le gouvernement se contredit une fois de plus.

Par ailleurs, tout cela est insensé, puisque l’amendement proposé par le Sénat à l’article 4 n’a aucune incidence sur la capacité du gouvernement de percevoir de l’argent auprès des plateformes. L’article 4 n’a rien à voir avec les obligations financières; il porte sur les obligations à l’égard des émissions.

C’est plutôt l’article 11 qui établit le pouvoir réglementaire d’imposer des obligations financières à des entreprises comme YouTube et TikTok; ce sont des dispositions qui n’ont rien à voir avec celles de l’article 4 qui portent sur la réglementation du contenu.

Lorsqu’on affirme, comme le gouvernement l’a fait, et comme le sénateur Gold l’a fait hier, que l’amendement que nous avons proposé à l’article 4 empêcherait le gouvernement d’établir des obligations financières, c’est de la foutaise, ou je devrais dire plutôt que c’est faux, et c’est loin de justifier le rejet des amendements du Sénat visant à protéger le contenu généré par les utilisateurs et à protéger les créateurs canadiens ainsi que leur gagne-pain.

Honorables collègues, les diffuseurs en continu, les blogueurs et le nouveau monde numérique génèrent des recettes de plusieurs milliards de dollars pour le gouvernement et permettent d’investir des milliards de dollars dans les arts et la culture au Canada. Encore une fois, selon les témoignages entendus par notre comité, en 2023, les arts et la culture au Canada ont connu une croissance d’une ampleur sans précédent. Je dirais même qu’il n’y a pas assez d’artistes, d’acteurs, de producteurs et de capitaux canadiens pour permettre à tous les artistes du pays de réaliser des films et des documentaires.

Le choix parmi les sources journalistiques et les blogues indépendants n’a jamais été aussi vaste qu’aujourd’hui sur les plateformes, car ces gens n’ont plus besoin de la permission du CRTC ni de Patrimoine canadien. Ils n’ont plus besoin de demander de l’argent au Fonds des médias du Canada ou à l’Office national du film du Canada. Ils obtiennent du financement ailleurs parce que les possibilités sur les plateformes numériques sont illimitées.

Chers collègues, j’aimerais conclure en disant que, même si j’apprécie les bonnes intentions du sénateur Tannas… Je dois dire que je sens beaucoup de bonne volonté, et après deux gouvernements de suite, c’est d’ailleurs ce que j’ai toujours constaté de la part de notre institution et de notre assemblée. Comme je le disais, j’ai beau apprécier les bonnes intentions du sénateur — et veuillez me pardonner, car mon commentaire se veut non partisan —, je ne fais pas confiance aux gouvernements qui nous promettent d’agir et nous demandent de leur faire confiance ou qui nous répètent que tel ou tel élément n’a pas besoin d’être ajouté au texte législatif du moment. J’ai été témoin de ce genre de scénario de nombreuses fois, sénateur Tannas. Nous sommes tous les deux ici depuis un bon bout de temps, et ce film-là, je l’ai déjà vu.

Chers collègues, nous avons le droit constitutionnel, pour ne pas dire l’obligation, de mettre notre pied à terre et de demander au gouvernement de revoir sa position. Ce que nous demandons n’a rien de nouveau, car des millions de Canadiens veulent que ce soit écrit noir sur blanc dans la loi.

Merci beaucoup.

Son Honneur la Présidente intérimaire

Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Son Honneur la Présidente intérimaire

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion d’amendement?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion d’amendement de l’honorable sénatrice Gagné est adoptée avec dissidence.)

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