Aller au contenu

Le Code canadien du travail—Le Règlement de 2012 sur le Conseil canadien des relations industrielles

Projet de loi modificatif--Deuxième lecture

6 juin 2024


L’honorable Claude Carignan [ - ]

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-58, Loi modifiant le Code canadien du travail et le Règlement de 2012 sur le Conseil canadien des relations industrielles.

Ce projet de loi a pour principal objectif de créer une interdiction d’avoir recours à des travailleurs de remplacement dans les cas de déclenchement de grève ou de lock-out, dans les lieux de travail sous réglementation fédérale — par exemple, le transport aérien, les télécommunications, les banques, et cetera.

De plus, il a pour objectif de modifier le processus de maintien de certaines activités en milieu de travail. Par ce projet de loi, le gouvernement souhaite une amélioration des relations de travail partout au Canada.

Quelque temps avant de renvoyer le projet de loi au Sénat, le Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées de l’autre endroit a complété son examen. Je souligne ce fait, car je souhaite attirer votre attention sur ce projet de loi qui a suscité beaucoup d’intérêt, puisque ce comité a reçu 20 mémoires et entendu 37 témoins. D’ailleurs, je reviendrai sur certains de ces témoignages un peu plus tard durant mon discours.

Le projet de loi a poursuivi son cheminement à l’autre endroit, et je porte à votre attention le fait que celui-ci a été adopté à l’unanimité le 27 mai dernier.

Le projet de loi C-58 nous a finalement été renvoyé le 28 mai 2024 afin que nous procédions à un second examen objectif. Ne l’oublions pas, chers collègues, ce projet de loi aura une grande importance dans les rapports entre les syndicats et la partie patronale, mais aussi avec tous les Canadiens et Canadiennes.

Je vais maintenant résumer les grandes lignes de ce projet de loi. Celui-ci modifiera plus particulièrement le Code canadien du travail au moyen de cinq principales modifications que nous pouvons résumer comme suit : premièrement, en ce qui concerne les obligations relatives en matière de grèves et de lock-out, l’article 6 du projet de loi apporte des changements au Code canadien du travail en modifiant le processus de maintien de certaines activités en milieu de travail. En effet, des mesures sont prises afin que l’employeur et le syndicat s’entendent sur les modalités encadrant les activités qu’il est nécessaire de maintenir.

En plus, selon les modifications apportées, lorsque les parties ne seront pas parvenues à une entente dans le délai prévu par la loi, le Conseil canadien du travail tranchera, à la demande d’une partie, sur toute question en lien avec le maintien des activités nécessaires.

Deuxièmement, toujours en ce qui concerne les obligations en matière de grèves et de lock-out, l’article 9 du projet de loi abroge le paragraphe 94(2.1) du Code canadien du travail, ce qui a pour effet :

a) de modifier la portée de l’interdiction de recourir aux travailleurs de remplacement en en supprimant la nécessité de démontrer l’intention de miner la capacité de représentation du syndicat [...]

Dans le même ordre d’idées, les modifications apportées par l’article 9 du projet de loi viennent inclure une liste de personnes auxquelles il est interdit à l’employeur de recourir durant une grève ou un lock-out. Le même article prévoit donc :

b) d’interdire à l’employeur d’utiliser les services d’un employé d’une unité de négociation visée par une grève légale ou un lock-out légal visant l’arrêt du travail de tous les employés de l’unité [...]

Cet article prévoit des exceptions à ces interdictions en cas de menaces, de destruction ou de dommages.

Troisièmement, conformément à l’article 12 du projet de loi C-58, lorsque l’employeur passe outre les interdictions que je viens de mentionner, l’inclusion d’un nouvel article au Code canadien du travail établit « une amende maximale de cent mille dollars » par jour à l’endroit où l’infraction a lieu.

Quatrièmement, l’article 14 du projet de loi, toujours grâce à l’ajout d’un nouvel article au Code canadien du travail, donne dorénavant au gouverneur en conseil le pouvoir de :

[...] prendre des règlements établissant un régime de sanctions administratives pécuniaires qui vise à favoriser le respect des paragraphes 94(4) et (6) [...]

Cinquièmement et en dernier lieu, l’article 18 du projet de loi prévoit l’entrée en vigueur de la loi douze mois après la sanction.

Je vous disais un peu plus tôt que j’attirerais votre attention sur certains témoignages que le Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées de l’autre endroit a entendus.

Il est évident qu’un tel projet de loi provoque un choc des idées et crée des débats. Ainsi, avoir la possibilité d’entendre ces opinions très divergentes nous permet de bien saisir l’importance de notre travail, qui est d’effectuer un second examen objectif du projet de loi. En effet, les conséquences seront nombreuses non seulement pour les deux principales parties prenantes, mais aussi pour les fournisseurs, les commerçants et les consommateurs. Par conséquent, nous devons écouter et étudier avec la plus grande attention toutes les opinions qui ont été et seront portées à notre connaissance.

À titre d’exemple, le comité a entendu des témoignages de représentants de divers milieux syndicaux, comme le Syndicat des Métallos, le Syndicat canadien de la fonction publique et la Confédération des syndicats nationaux, pour ne nommer que ceux‑là. Le comité a aussi entendu des représentants de diverses associations. Par exemple, des représentants de la Canadian Canola Growers Association et de l’Association canadienne des télécommunications ont témoigné au sujet du projet de loi C-58.

Le comité a aussi entendu des représentants de différentes fédérations, comme la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante et la Fédération canadienne de l’agriculture.

Ces témoignages ont permis d’entendre des craintes et des enjeux relatifs à différents milieux. Par exemple, certains craignent de voir le nombre de grèves augmenter et sont inquiets que cela entraîne des répercussions qui iront au-delà du conflit de travail. D’autres estiment que la liste des exceptions relatives à l’interdiction de recourir aux travailleurs de remplacement devrait tenir compte de la réalité de certains milieux.

J’invite le comité qui procédera à l’examen du projet de loi C-58 à accorder une attention particulière à certains enjeux qui méritent d’être approfondis. Par exemple, le comité pourrait approfondir la réflexion sur l’impact qu’aura le projet de loi sur le rapport de force qui existera entre les parties syndicale et patronale après l’adoption du projet de loi. Avons-nous trouvé un juste équilibre, ou bien avons-nous, au contraire, créé un nouveau déséquilibre?

Y a-t-il lieu de restreindre davantage la liste d’exceptions relatives aux cas autorisés d’utilisation de travailleurs de remplacement, ou bien devons-nous, à l’opposé, élargir sa portée?

La formulation actuelle laissera-t-elle un flou difficile à interpréter en ce qui concerne par exemple des « menaces imminentes ou graves »?

Quel sera l’impact du projet de loi en dehors des parties directement impliquées?

Ce ne sont là que quelques exemples parmi de nombreuses pistes de réflexion.

Pour conclure, chers collègues, même si le projet de loi a été adopté à l’unanimité à la Chambre des communes, le Sénat doit néanmoins jouer sérieusement son rôle de second examen. Il doit se pencher sur les défaillances possibles du projet de loi qui pourraient avoir un impact majeur sur des travailleurs et des employeurs directement impliqués dans un conflit de travail, mais aussi sur les dommages collatéraux que pourraient engendrer les changements proposés par le projet de loi C-58.

En conséquence, j’invite le Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie, à qui sera renvoyé le projet de loi pour étude, selon toute vraisemblance, à se pencher tout particulièrement et attentivement sur les enjeux que j’ai évoqués précédemment, et bien au-delà de ceux-ci, lorsqu’ils pourront identifier des éléments en particulier.

Je vous remercie et vous invite à voter en faveur de ce projet de loi à l’étape de la deuxième lecture.

Son Honneur la Présidente intérimaire

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)

Haut de page