L'étude des populations de phoques
Adoption du huitième rapport du Comité des pêches et des océans et de la demande de réponse du gouvernement
24 septembre 2024
Honorables sénateurs, j’interviens au sujet du rapport du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans intitulé Assurer l’avenir de la chasse au phoque : passons à l’action.
Je tiens à féliciter mes collègues, en particulier le président du comité, le sénateur Manning, pour ce rapport qui appuie la chasse au phoque au Canada. Il s’agit d’un rapport important, car il examine les populations de phoques au pays et leur incidence sur les pêches, les écosystèmes, la chasse au phoque et l’industrie des produits du phoque. L’étude souligne également l’importance culturelle et économique de la chasse au phoque pour les communautés éloignées, côtières et autochtones. Il contient beaucoup de bonnes recommandations que le gouvernement devrait examiner attentivement et suivre.
Chers collègues, pendant l’été, le secteur de la bienfaisance m’a fait part d’une série de recommandations, et j’estime qu’il serait prudent que je les rapporte ici officiellement. Comme vous le savez, j’entretiens des liens étroits avec ce secteur et j’ai défendu ses intérêts et ses causes dans cette enceinte.
Permettez-moi, cependant, de dire d’entrée de jeu que je n’ai pas l’intention de retarder l’adoption du rapport ni de proposer des changements. Toutefois, je pense que nous savons tous que les recommandations des études en comité sont parfois mises en œuvre par le gouvernement ou par un législateur dans l’une ou l’autre des Chambres. J’espère que, si cela se produit, mes commentaires au nom du secteur pourront être pris en considération, d’autant plus que le secteur n’a pas été invité à comparaître comme témoin.
Bien que le rapport contienne des recommandations et des conclusions importantes, la recommandation 4 soulève des préoccupations. La recommandation 4 demande que le gouvernement du Canada examine et modifie sans tarder la Loi de l’impôt sur le revenu et les autres lois connexes pour que l’on puisse révoquer le statut des organismes de bienfaisance et sans but lucratif enregistrés au Canada qui auraient produit de la mésinformation ou de la désinformation sur la chasse au phoque ou l’industrie des produits de phoque ou qui en auraient fait la promotion. De plus, on recommande d’obliger les organismes de bienfaisance et sans but lucratif à indiquer le nom de chaque donataire dont le total des dons à l’organisme dépasse 5 000 $.
Comme l’indique le rapport, l’objectif principal de cette recommandation est de contrer ce qui est décrit comme de la mésinformation et de la désinformation diffusées par certains organismes de protection des animaux au sujet de l’industrie canadienne de la chasse au phoque. Selon le rapport, ces organisations ont présenté sous un faux jour la portée, la réglementation et les pratiques de la chasse au phoque, ce qui a nui aux communautés autochtones qui pratiquent la chasse au phoque sans cruauté et respectueuse de l’environnement depuis des générations. Le rapport présente la recommandation comme une étape nécessaire vers la vérité et la réconciliation.
Bien que je comprenne les préoccupations au sujet de la mésinformation, je crois que cette recommandation peut avoir des conséquences imprévues. Recommander des modifications à la Loi de l’impôt sur le revenu afin de pénaliser les organismes de bienfaisance et les organismes sans but lucratif qui auraient fait de la mésinformation créerait un dangereux précédent. Comme l’a écrit Terrance Carter, l’un des principaux avocats spécialistes des organismes de bienfaisance au Canada :
Une telle mesure permettrait de faire de la révocation du statut d’organisme de bienfaisance (pour les organismes de bienfaisance enregistrés) et du statut d’exonération fiscale (pour les organisations à but non lucratif) un outil politisé qui pourrait être utilisé à tout moment contre les organismes de bienfaisance et les organisations à but non lucratif qui mèneraient des programmes ou des activités contraires à la politique du gouvernement au pouvoir.
À l’heure actuelle, il s’agit de la chasse aux phoques, mais demain, ce pourrait être la politique en matière de santé ou tout autre sujet sur lequel les organisations peuvent avoir des points de vue qui remettent en cause le gouvernement en place.
Nous avons déjà été témoins des conséquences de la politisation du statut d’organisme de bienfaisance. Entre 2012 et 2015, le gouvernement Harper a lancé des vérifications approfondies ciblant les organismes de bienfaisance environnementaux, suscitant la peur et l’incertitude au sein du secteur caritatif. C’était une façon d’utiliser la politique fiscale pour faire taire les voix dissidentes.
Si le gouvernement devait donner suite à la recommandation 4, l’implication est claire : toute organisation défendant un point de vue contraire à la politique du gouvernement risquerait de perdre son statut d’exonération fiscale. Cette situation aurait l’effet d’une douche froide sur la liberté d’expression et étoufferait le débat politique sain, qui est la pierre angulaire d’une société démocratique.
Comme l’a fait remarquer la fondation Muttart en réponse à une situation semblable en Alberta, où une enquête publique a été lancée sur le financement étranger de l’activisme antipétrole :
Les opinions — pour ou contre — ne sont pas trompeuses ou fausses; ce sont des opinions [...] Le fait de ne pas être d’accord avec le gouvernement ou avec les acteurs de l’industrie énergétique n’est pas un acte répréhensible; c’est simplement ce qui se passe dans une société libre et démocratique.
Les mêmes principes s’appliquent ici.
Par ailleurs, selon un témoignage entendu au comité, le problème ne vient peut-être pas d’organismes canadiens. À une question du sénateur Colin Deacon, l’ancienne sénatrice Hervieux-Payette a répondu ceci :
Je n’ai pas le souvenir qu’il s’agissait d’un grand groupe d’organismes canadiens. Nous connaissons surtout l’organisme américain.
Honorables collègues, nous devons donc faire preuve de prudence lorsqu’il s’agit de faire d’importants changements ayant une incidence sur toutes les activités uniquement pour quelques personnes.
De plus, l’Agence du revenu de Canada — et j’insiste sur ce point — dispose déjà des outils nécessaires pour déterminer si l’organisme de bienfaisance enregistré respecte le critère de l’intérêt public. Susan Manwaring, du cabinet Miller Thomson, — une autre grande juriste canadienne spécialiste des organismes de bienfaisance — a dit ceci :
La loi oblige actuellement les organismes de bienfaisance à mener leurs activités sans faire de mésinformation ou de désinformation. En cas de mésinformation ou de désinformation, l’Agence du revenu de Canada dispose des outils nécessaires pour vérifier et pénaliser l’organisme de bienfaisance, ou encore lui retirer son statut.
La deuxième partie de la recommandation inquiète aussi le secteur de la bienfaisance. En obligeant les organismes de bienfaisance ou à but non lucratif à divulguer le nom des personnes ayant fait un don de plus de 5 000 $, on porte atteinte au droit qu’a quiconque — y compris nous-mêmes — de faire un don anonyme. De nombreux donateurs souhaitent rester anonymes pour des raisons personnelles, culturelles ou autres. L’obligation de déclaration publique pourrait décourager la philanthropie, en particulier dans les domaines où soutenir certaines causes pourrait entraîner des risques ou des critiques.
Selon Susan Manwaring, cette recommandation pourrait enfreindre les lois sur la protection de la vie privée et compliquer les collectes de fonds qui permettent aux organismes de bienfaisance de faire leur bon travail. L’Agence du revenu du Canada a déjà toute l’information sur les donateurs dont elle a besoin pour mener des vérifications et suivre les activités inappropriées.
Chers collègues, même si je comprends l’intention du rapport visant à protéger les pratiques autochtones et à défendre la vérité, les mécanismes proposés à la recommandation 4 ont de graves conséquences imprévues qui pourraient aller bien au-delà de l’industrie de la chasse au phoque. Nous ne devons pas laisser le désir légitime de lutter contre la mésinformation nous mener vers une voie où le statut d’organisme de bienfaisance est utilisé comme un outil pour limiter la liberté d’expression ou pour réduire au silence les gens. Je n’ai évidemment pas besoin de vous rappeler que le secteur des organismes de bienfaisance et des organismes à but non lucratif joue un rôle essentiel dans la société civile, et nous devons préserver son indépendance.
Travaillons ensemble à répondre aux préoccupations soulevées dans le rapport sans prendre des mesures susceptibles de miner les principes associés à la liberté d’expression, aux dons de bienfaisance et au débat démocratique.
Je conclurai en rappelant l’objectif de mon discours : je ne souhaite pas modifier le rapport ou retarder son adoption. Je tiens plutôt à ce que les préoccupations du secteur des organismes de bienfaisance soient consignées au compte rendu. Merci.
Je vous remercie, sénatrice Omidvar, pour votre intervention aujourd’hui et je vous remercie d’avoir discuté de la question avec moi avant d’en parler dans cette enceinte. J’appuie moi aussi le secteur des organismes de bienfaisance et des organismes sans but lucratif dans tout le pays et en particulier dans ma province, Terre-Neuve-et-Labrador, où je soutiens bon nombre d’entre eux. Ils font et continuent à faire de l’excellent travail.
La recommandation 4 est le fruit de discussions que nous avons eues au comité et avec des acteurs de l’industrie qui sont préoccupés par la possibilité que des organismes de bienfaisance dans notre pays utilisent l’argent pour répandre de la désinformation au sujet d’une industrie qui est d’une importance vitale pour Terre-Neuve-et-Labrador ainsi que pour certaines régions du Canada atlantique, du Québec et de tout le pays.
La recommandation ne réclame pas la prise de mesures draconiennes du jour au lendemain. Je tiens à m’assurer que tout le monde la connaît :
Recommandation 4 (modifications à la Loi de l’impôt sur le revenu)
Le comité recommande que le gouvernement du Canada examine et modifie sans tarder la Loi de l’impôt sur le revenu et au besoin les autres lois connexes pour s’assurer que les organismes de bienfaisance et sans but lucratif enregistrés au Canada qui produisent de la mésinformation ou de la désinformation sur la chasse au phoque ou l’industrie des produits de phoque ou qui en font la promotion perdent leur statut les exemptant de payer des impôts.
Sénatrice Omidvar, la conduite d’un examen pose-t-elle problème au même titre que le fait de frapper à la porte de certains organismes de bienfaisance au pays qui pourraient se servir de leur accès au statut d’organisme de bienfaisance pour répandre de la désinformation?
Sénateur Manning, je vous remercie une fois de plus pour votre travail dans ce rapport. Ma réponse à votre question serait qu’un tel examen pourrait bien ouvrir une porte qui... je dirai simplement ceci : je ne prévoyais pas répondre à des questions sur ce rapport, car, bien franchement, je ne faisais que lire les préoccupations du secteur. J’aurais aimé que vous convoquiez des représentants du secteur caritatif pour discuter du sujet avant d’en venir à ce que je considère être une recommandation d’une portée plutôt considérable.
Je comprends parfaitement votre point de vue. Je suppose que la question qui m’a été posée depuis que cela est devenu un enjeu au cours de la dernière semaine est la suivante : si un organisme de bienfaisance n’a rien à cacher, pourquoi devrait-il s’inquiéter de la tenue d’un examen?
Sénateur Manning, l’Agence du revenu du Canada dispose déjà des outils pour établir si un organisme de bienfaisance répond aux critères très stricts de l’intérêt public. Tout organisme peut faire l’objet d’un contrôle à n’importe quel moment afin d’établir si les dons en argent sont utilisés pour défendre l’intérêt public.
En passant, même si l’Agence du revenu du Canada éprouve des difficultés, elle fait un travail plutôt exhaustif. Je pourrais vous parler d’organismes qui ont dû cesser toutes leurs activités parce qu’ils faisaient l’objet d’une vérification. Souvent, dans la plupart des cas en fait, l’Agence du revenu du Canada n’opte pas pour la révocation, mais elle procède plutôt à un examen administratif. L’organisme reçoit une lettre lui disant : « Nous avons découvert telle ou telle chose — des choses pas très reluisantes — et nous vous accordons tel délai pour remédier à la situation. »
Encore une fois, si on avait convoqué des témoins du secteur de la bienfaisance, ils nous auraient dit que ce processus existe déjà et qu’il y a une marge entre mener un examen et révoquer le statut d’organisme de bienfaisance.
Honorables sénateurs, je n’avais pas l’intention de prendre la parole aujourd’hui. Je n’étais pas préparée à le faire, mais je ne veux pas non plus être la cause d’un retard dans l’adoption de ce rapport. Ce rapport est le fruit d’un excellent travail et d’un examen minutieux.
Mes remarques et mes préoccupations font suite à la présentation de la sénatrice Omidvar aujourd’hui, et je l’en remercie. Je remercie également le comité pour son travail.
Je dirai ceci : j’ai connu l’époque des audits agressifs et influencés par le contexte politique de nombreux organismes de bienfaisance du pays, et je sais que l’Agence du revenu du Canada a la réputation d’aborder ces examens d’une manière qui montre à quel point elle ne comprend pas la complexité, la motivation, l’altruisme et l’apport de ces organisations de bienfaisance dans la société, pas plus que les perturbations que son approche provoque.
La sénatrice Omidvar a tout à fait raison de dire que le cadre réglementaire actuel prévoit des outils pour donner suite aux préoccupations légitimes qui ont été soulevées par les membres du comité après avoir entendu les témoignages des personnes convoquées. Ces outils permettent de mener les vérifications adéquates.
Je veux aborder brièvement la question de l’argent versé à des organismes de bienfaisance canadiens à des fins politiques et différentes des objectifs de l’organisme concerné. Je veux souligner qu’il existe des lois et des règles interdisant déjà de tels mouvements d’argent, à moins qu’une structure ait été mise en place pour les rendre possibles et légales.
Par exemple, après les événements du 11 septembre, les Canadiens désiraient ardemment faire des dons devant être envoyés à New York pour aider ses habitants à accomplir l’énorme travail de réparation du cœur, de l’âme et de l’esprit qui devait être accompli. À l’époque, j’étais présidente et directrice générale de Centraide Toronto et nous avons — conformément aux règles en place et comme le demandaient d’ailleurs de nombreux donateurs, y compris les sociétés donatrices — conclu un accord transfrontalier avec un groupe multicaritatif établi et reconnu légalement à New York en particulier, mais aussi aux États-Unis. Notre homologue United Way a joué un rôle important à cet égard.
Nous sommes devenus responsables de la gestion de cet argent. Nous disposions d’un accord transfrontalier qui était reconnu par l’Agence du revenu du Canada et qui imposait une certaine rigueur, comme il se doit. L’organisme homologue aux États-Unis devait y répondre et s’y conformer. Nous sommes devenus les responsables de ces dollars. C’est ce que font souvent les organisations caritatives. Elles gèrent l’argent des Canadiens qui souhaitent changer des choses par l’intermédiaire du secteur caritatif.
Comme la sénatrice Omidvar, j’ai reçu des appels au cours de l’été de la part de personnes inquiètes que nous connaissons toutes les deux et avec qui nous avons travaillé de nombreuses années dans le secteur de la bienfaisance. Les gens ont frémi. Comme l’a souligné la sénatrice Omidvar, il y avait une véritable tristesse et une colère latente quant au fait que personne ne leur ait demandé leur avis. Je suppose que le comité n’a pas pensé à faire cela au cours de ses délibérations. Comme les comités sont maîtres de leurs travaux, ils peuvent solliciter l’opinion des intéressés. Cela n’a pas été fait. Il est préoccupant de constater qu’un rapport contenant des recommandations de l’ampleur de celles qui figurent au point 4 puisse être considéré comme un signal adressé à l’Agence du revenu du Canada visant à lui demander de changer de comportement.
Nous avons déjà été témoins d’un tel comportement, qui est problématique, et il y a eu un effort considérable auquel la sénatrice Omidvar et moi-même avons participé. En collaboration avec des représentants de l’Agence du revenu du Canada et de nombreux autres ministères du gouvernement fédéral, une table de concertation avec le secteur des organismes de bienfaisance a été mise en place afin d’améliorer les relations entre les deux parties. En fait, j’ai eu l’occasion de présider une commission — un groupe d’experts, comme on l’appelait — constituée par le gouvernement Harper et chargée d’examiner les règles relatives aux subventions et aux contributions, ainsi que la répartition des fonds publics fédéraux. Une grande partie de ce travail concernait le secteur des organismes de bienfaisance. Il existe une relation très forte entre ce dernier et le gouvernement fédéral. Le travail effectué à la table de concertation a donné lieu à de nombreuses recommandations intéressantes, dont beaucoup ont été mises en pratique.
La préoccupation exprimée par le secteur et mentionnée par la sénatrice Omidvar en ce qui concerne la confidentialité des donateurs est un très gros problème. Il y a des donateurs que nous connaissons tous et que nous adorons célébrer. Des ailes de musées et d’hôpitaux portent leur nom, ou encore les carrefours communautaires que nous établissons dans les quartiers mal servis de Toronto où le taux de pauvreté est élevé. Il y a des donateurs qui sont fiers de voir leur nom associé à ces initiatives. D’ailleurs, dans la stratégie sur les carrefours communautaires, chacun des carrefours auxquels nous avons travaillé avait reçu des dons d’un million de dollars de la part de donateurs. Ce sont des sommes non négligeables.
Il existe également des donateurs qui, quel que soit le stade où ils sont rendus dans la vie, ne désirent pas faire l’objet de marque de reconnaissance. Ils font preuve de générosité, mais souhaitent que la réputation de leur entreprise privée ou de leur fondation familiale parle d’elle-même et se contentent de voir l’incidence qu’ils ont dans les rapports fournis par les organismes de bienfaisance concernés. Cette recommandation, à elle seule, risque de refroidir certains donateurs — et en général, les donateurs anonymes donnent de grosses sommes d’argent. Il n’existe et ne doit y avoir aucune raison de divulguer leurs dons à l’ensemble de la population canadienne. Cela va à l’encontre de la raison d’être du secteur de bienfaisance.
Je me fais l’écho des préoccupations du secteur et des belles paroles de la sénatrice Omidvar. Bien que je ne veuille pas retarder la publication du rapport, j’ai parlé à des collègues qui conviennent qu’il s’agit d’un secteur économique extrêmement important qui est mal compris et qui pourrait facilement être affaibli par le genre de préoccupations que le comité a soulevées dans son rapport. Je comprends pourquoi les membres du comité se sont engagés dans cette voie. Encore une fois, le comité, en tant que maître de la planification de ses propres activités, aurait tout à fait le droit d’entreprendre une étude de suivi pour examiner les préoccupations qui ont été soulevées.
Je me suis entretenue avec le sénateur Manning et je lui suis reconnaissante de m’avoir dit que ces recommandations seront faites. L’Agence du revenu du Canada et le gouvernement pourront ou non les appliquer. S’ils le faisaient, il y aurait probablement des consultations, et ce serait une autre occasion pour le secteur caritatif de se faire entendre. S’il y avait des modifications — pas des modifications réglementaires, bien que ce soit possible — à la loi qui régit l’Agence du revenu du Canada en ce qui concerne le secteur caritatif, il y aurait une occasion de formuler des commentaires, et le projet de loi reviendrait au Sénat.
Je ne pense pas que ce soit suffisant. Je demanderais respectueusement au comité d’ajouter un deuxième volet plus ciblé à l’étude sur cette question afin d’entendre des témoignages du secteur caritatif. En réfléchissant sagement à ce qu’il entend, le comité modifiera ou clarifiera peut-être l’intention et les mécanismes permettant de remédier à ses préoccupations, ceux déjà en place et tout autre qui pourrait être nécessaire dans l’avenir.
Je demande humblement au comité d’y réfléchir et d’inviter le secteur caritatif à établir un dialogue, afin que le comité puisse écouter et aborder ces préoccupations dont j’ai été témoin dans mon ancien rôle et qui, à mon avis, sont très valables et nuisent au secteur et au bon travail qu’il tente d’accomplir. Merci beaucoup.
Sénateur Manning, avez-vous une question?
Oui. Je remercie la sénatrice Lankin de ce qu’elle a dit aujourd’hui dans cette enceinte et de m’avoir fait part à l’avance de ses préoccupations au sujet de la recommandation. Je ne vois pas d’inconvénient à discuter avec mon comité des préoccupations que vous avez soulevées et de certaines options pour y remédier.
Notre comité est préoccupé depuis toujours par la désinformation et la mésinformation qui cible l’industrie de la chasse au phoque. C’est une dure bataille. J’ai eu l’occasion d’aller à Bruxelles, et il est très difficile d’essayer de promouvoir l’industrie dans un monde où les mensonges et la tromperie prennent le dessus. Nous essayons d’apporter notre contribution non seulement pour protéger l’industrie dans sa forme actuelle, mais aussi pour l’améliorer.
Vous avez parlé de fonds étrangers acheminés par l’entremise d’organismes de bienfaisance canadiens. Si des organismes de bienfaisance au Canada reçoivent de l’argent de l’étranger et diffusent de la désinformation au sujet de l’industrie de la chasse au phoque, n’est-ce pas inquiétant, et ne devrions-nous pas au moins trouver une façon de sensibiliser la population et de corriger la situation?
Tout à fait, sénateur Manning. Je comprends le travail qui a été fait pour que le comité produise ce rapport et l’importance de la question que vous avez soulevée. Le contexte est très particulier au Canada et dans d’autres parties du monde en ce qui concerne l’industrie de la chasse au phoque.
Vous avez raison. Je répondrais qu’il existe déjà des moyens permettant aux gens de soulever cette question auprès de l’Agence du revenu du Canada, tout comme l’Agence du revenu du Canada dispose de moyens lui permettant d’enquêter sur cette question et de prendre des mesures à l’égard de certains organismes de bienfaisance, ce qui peut ou non conduire à la révocation de leur permis d’organisme de bienfaisance, grâce auquel ils peuvent recevoir des dons de bienfaisance et les distribuer au pays.
Tout d’abord, je tiens à dire que je ne parlerai pas de chasse au phoque, parce que je comprends les enjeux en cause. Pour tout dire, si je peux me permettre un bref aparté, il y a de nombreuses années, à mon époque syndicaliste, j’ai assisté à un congrès du Syndicat national des employées et employés généraux du secteur public, et l’un des dirigeants et représentants de la Newfoundland Association of Public Employees, que vous connaissez sans doute très bien, tout comme certaines des personnes qui en font partie, a livré un brillant plaidoyer en faveur de la chasse au phoque. À l’ordre du jour se trouvait une résolution qui, quoique partant d’une très bonne intention, était mal comprise et recommandait d’interdire la chasse au phoque. Ce type — et j’avoue que j’aimerais pouvoir m’exprimer avec tout le charme du dialecte terre-neuvien, car mon histoire n’en serait que plus drôle — a dit comprendre nos inquiétudes. Il comprenait par exemple que la plupart des Canadiens n’avaient aucun scrupule à prendre un homard vivant et à entendre les cris stridents qu’il produit quand on le plonge dans une marmite d’eau bouillante, même si chacun sait qu’il s’agit en réalité du bruit que fait la vapeur en s’échappant. Il a réussi à montrer de manière extrêmement réussie et éloquente que, quand on manque d’information pour se prononcer sur un sujet donné, mais qu’on ose malgré tout y aller d’opinions senties sous prétexte qu’il s’agit, politiquement, de la chose à faire, on risque de créer autant de remous que ceux qui ont secoué le secteur de la chasse au phoque.
Je suis d’accord avec vous. Je suis favorable à ce que fait le comité, mais ce que vous avez entendu ne s’applique qu’à une petite partie du secteur de la bienfaisance. Les témoins n’ont pas parlé des possibles répercussions profondes de la recommandation que vous avez présentée. Cette recommandation convient bien au contexte général du rapport, et le gouvernement fédéral — et plus particulièrement l’Agence du revenu — dispose déjà des outils et des mécanismes nécessaires pour remédier à ces problèmes.
Je vous invite encore une fois à prendre le temps d’écouter ce que le secteur a à dire, et de voir s’il y a moyen de peaufiner votre recommandation de façon à régler les problèmes soulevés tout en tenant bien compte des règles, des mécanismes, des lois et de leur application. Vous allez constater que ces mécanismes existent, et vous pourrez voir comment ils fonctionnent, et comment ils ont déjà fonctionné, de sorte que, dans les comptes rendus et dans les recommandations présentées au gouvernement, on comprendra bien que le comité ou cette auguste assemblée ne souhaite pas, par l’adoption et l’application générale de ces recommandations, déclencher des conséquences imprévisibles et très malheureuses pour le secteur de la bienfaisance.
Honorables sénateurs, le temps est écoulé. Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)