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Projet de loi sur l'unité de l'économie canadienne

Troisième lecture--Débat

26 juin 2025


Honorables sénateurs, je ne sais pas si c’est pareil pour vous, mais j’ai l’impression d’être en salle de classe à la dernière journée d’école. On ressent beaucoup de fébrilité dans la salle, et je suis conscient que je retarde cette fin des classes.

Je tiens à remercier tous les sénateurs qui se sont exprimés à l’égard de ce projet de loi et qui ont proposé des amendements. Je remercie tout particulièrement le parrain du projet de loi pour la diligence dont il a fait preuve afin de faire progresser l’étude de cette importante mesure législative.

J’ai déjà communiqué à chacun de vous par courriel mon intention de proposer deux amendements. En fait, j’ai laissé entendre que c’était mon intention tôt dans le débat, au cours de l’étude en comité plénier, lorsque j’ai posé à la ministre des questions portant précisément sur la teneur des amendements que je vais proposer.

Permettez-moi d’abord de préciser que j’appuie le projet de loi C-5, pour toutes les raisons décrites par d’autres partisans du projet de loi. Ainsi, j’estime que mes amendements respectent l’esprit du projet de loi et visent simplement à corriger ce qui m’apparaît comme des omissions ou des incohérences, intentionnelles ou non, dont même le gouvernement reconnaît l’existence.

Depuis que j’ai fait part de mon intention, j’ai eu la chance d’avoir des conversations avec des représentants du gouvernement qui m’ont assuré qu’ils reconnaissaient les lacunes que j’ai soulignées dans le projet de loi et qu’ils chercheraient à les corriger. Je n’en dirai pas plus sur ces conversations essentiellement privées, bien qu’il soit possible, bien sûr, que le gouvernement en dise davantage à ce sujet à la fin de mon discours.

Chers collègues, les deux points que je soulèverai sous peu concernent d’abord une incohérence dans le projet de loi qui découle d’un amendement adopté par la Chambre des communes. Comme vous le savez, le projet de loi énonce un certain nombre de facteurs à prendre en considération pour désigner des projets d’intérêt national. Cette désignation s’appuie sur cinq critères.

Parallèlement, il y a une nouvelle disposition dans le projet de loi — là encore proposée et adoptée par la Chambre des communes — qui établit un registre dans lequel on consignera les façons dont les projets jugés d’importance nationale ont satisfait aux critères de sélection initiaux. Curieusement, la liste des critères du registre ne correspond pas à la liste de la section « Facteurs » du projet de loi. Le point manquant est à l’alinéa e), soit « contribuer à la croissance propre et à l’atteinte des objectifs du Canada en ce qui a trait aux changements climatiques ».

Il est très curieux que, d’une part, nous établissions un critère pour désigner un projet et que, d’autre part, nous n’ayons pas l’obligation de rendre compte du projet après l’avoir sélectionné. Le gouvernement nous a assuré que ce n’était pas son intention, comme l’a dit publiquement le sénateur Yussuff. Je crois que c’est vrai. Je crois également que si cet amendement n’est pas adopté au Sénat, il fera tout son possible pour remédier à la situation.

Cependant, cela soulève la question de savoir comment cette incohérence s’est produite. Il semble qu’elle découle d’un amendement qui a été proposé en comité par un député conservateur. Je ne sais pas. Il se peut que cela soit passé en douce et que les gens n’y aient pas porté attention. Nous pourrions offrir des interprétations moins charitables, mais une interprétation serait qu’on a l’intention d’accorder moins de poids à ce critère, et je pense que ce serait injuste, vu ce que nous voulons voir dans la classification et la désignation des projets nationaux.

Je le redis, je crois que le gouvernement a véritablement l’intention de régler ce problème dès que possible, et il se peut bien qu’il doive le faire en l’absence d’un amendement que nous serions appelés à examiner, mais nous sommes dans une situation de gouvernement minoritaire, et il se peut que des partisans de l’autre Chambre soient déterminés et qu’ils expriment clairement leur volonté d’exclure l’alinéa e) de la disposition relative au registre. C’est le premier amendement que je vais proposer sous peu.

Le deuxième amendement est un peu plus ésotérique, mais je l’ai évoqué tellement souvent dans mes interventions que vous en saisissez l’essentiel. Il a trait à la Loi sur les textes réglementaires, qui a été pratiquement abrogée par ce projet de loi.

La Loi sur les textes réglementaires est une loi obscure qui établit des procédures, des obligations en matière de préparation de rapports et divers processus de consultation qui peuvent sembler fastidieux et être qualifiés à juste titre de « formalités administratives inutiles ».

Je comprends que le gouvernement souhaite supprimer certaines de ces lourdeurs administratives et bureaucratiques, non seulement pour accélérer le processus d’approbation des projets, mais aussi, et surtout, pour donner aux promoteurs de projets l’assurance que les projets d’intérêt national ne seront pas paralysés.

Je pense que c’est un bon objectif. Ce que je m’apprête à proposer n’y fait aucun obstacle.

Mais la Loi sur les textes réglementaires, aussi vaste soit-elle, comprend également une disposition qui confère des pouvoirs au Comité mixte permanent d’examen de la réglementation, dont j’ai eu l’honneur de faire partie et de présider lors des législatures précédentes. Ce comité examine les règlements et les instruments réglementaires adoptés en vertu des projets de loi que nous adoptons afin d’assurer leur conformité aux projets de loi adoptés.

Il est évident que nous ne pouvons pas entrer dans les détails des réglementations nécessaires à l’entrée en vigueur d’un projet de loi. C’est pourquoi il y a, au sein de ce Parlement et de tous les parlements inspirés du modèle de Westminster, ce type de comité chargé d’examiner la conformité des règlements avec la loi.

Malheureusement, en supprimant en bloc l’application de la Loi sur les textes réglementaires, l’article 19 de cette loi prend également effet, ce qui invalide le travail du Comité mixte permanent chargé de l’examen des règlements.

Le gouvernement répondra à juste titre qu’un autre mécanisme a été mis en place par des amendements adoptés à la Chambre des communes, à savoir le comité d’examen parlementaire. Ce comité est fondé sur les pouvoirs conférés par la Loi sur les mesures d’urgence. Je crois comprendre qu’il s’agira également d’un comité mixte qui aura le pouvoir d’examiner l’application de la loi. C’est une bonne mesure, mais elle ne constitue pas un véritable comité d’examen de la réglementation, essentiellement pour deux raisons.

La première est que le comité d’examen parlementaire adoptera une approche plus générale pour déterminer si le ministre a exercé ses pouvoirs correctement et si l’application du projet de loi C-5 est correcte dans ses grands traits.

Je ne pense pas que ce comité entrera dans les détails techniques ni qu’il aura l’expertise technique nécessaire pour relever d’éventuelles petites erreurs juridiques dans les règlements associés au projet de loi lui-même. Ce type de travail spécialisé, qui nécessite le soutien spécialisé d’un secrétariat technique dont c’est la seule mission, c’est-à-dire d’une équipe juridique, peut être fait par le Comité mixte permanent d’examen de la réglementation.

De plus, le mécanisme d’examen parlementaire établi n’a pas de pouvoir de désaveu. Le pouvoir de désaveu, c’est ce qui permet au Comité d’examen de la réglementation, à l’issue d’un processus rigoureux d’enquête et de questionnement des représentants du gouvernement, voire d’un ministre, de rejeter un règlement parce qu’il n’est pas conforme à la loi.

Précisons que ce pouvoir n’est exercé que très rarement. Son exercice doit faire l’unanimité au sein du comité, lequel est typiquement non partisan. À la législature précédente, nous avons malheureusement dû aviser le gouvernement de notre intention de rejeter un règlement dans cinq domaines. Je vous épargne les détails et dirai simplement que le fait d’avoir avisé le gouvernement de notre intention de rejeter des règlements pris en application de cinq lois distinctes a, dans certains cas, amené les ministères à prendre des mesures correctives, tandis que, dans les autres cas, on y travaille encore.

Bref, ce pouvoir est réel, il peut avoir une incidence positive pour faire en sorte que les règlements soient conformes à la loi, et on l’exerce avec parcimonie. Il n’y a aucune raison de croire que ce comité traiterait l’examen du projet de loi C-5 d’une manière différente.

Cela dit, il y a peut-être un moyen pour le comité d’examen parlementaire d’incorporer l’examen de la réglementation dans ses travaux. Si cet amendement n’est pas adopté, peut-être pourrons-nous nous pencher collectivement sur la question, ou peut-être le gouvernement pourrait-il proposer une solution.

Chers collègues, je vais vous lire le texte de l’amendement dans un instant. Je tiens à dire que j’espère qu’il sera adopté, mais je ne vais pas insister sur la tenue d’un vote par appel nominal. Si l’amendement est rejeté, je partirai du principe que c’est parce que nous faisons confiance au gouvernement pour régler le problème lui-même et que cela se fera d’une manière ou d’une autre.

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