La dépénalisation de lusage de cannabis en Australie et aux États-Unis: Ses effets
Eric Single, Paul Christie et Robert Ali
Journal of Public Health Policy, 21,2 (été 2000) : p. 157-186.
Sommaire Le présent document offre un sommaire comparatif des effets des mesures de dépénalisation de lusage de cannabis dans deux pays. En Australie, un modèle de dépénalisation fondé sur l« expiation » a permis déviter que des condamnations au criminel soient prononcées contre de nombreux contrevenants, mais un nombre important dentre eux ny ont malgré tout pas échappé à cause dun « élargissement du filet » concernant la détection des infractions en matière de cannabis, et du défaut de paiement par de nombreux contrevenants des « droits dexpiation » dont lacquittement leur aurait permis déviter de telles poursuites. En dépit de ces problèmes, lapproche fondée sur lexpiation a été rentable et a permis de réduire les coûts dapplication de la loi sans entraîner une augmentation de lusage du cannabis. Aux États-Unis la dépénalisation de lusage de cannabis a également contribué à réduire les coûts dapplication et a permis de réorienter lutilisation des ressources vers la lutte contre le commerce illicite de cannabis et dautres drogues illicites. Il ny a pas eu daugmentation de lusage de cannabis ni de problèmes graves qui pourraient être attribués à la dépénalisation. Les auteurs de la présente communication examinent les conséquences pour dautres pays, en attachant une attention particulière à limportance des questions dapplication de la loi, à la surveillance et à lévaluation. Bien que la dépénalisation ait permis de réduire les coûts dapplication de la loi et autres coûts sans aggraver du même coup les problèmes liés à lusage de cannabis, la légalisation de cette drogue ou la dépénalisation dautres drogues illicites ne donnerait pas nécessairement les mêmes résultats. |
La dépénalisation de lusage de cannabis en Australie et aux États-Unis : Ses effets
Introduction et contexte
En Australie, aux États-Unis et dans dautres pays, on continue à sintéresser à la réforme des lois sur le contrôle de lusage de cannabis afin de réduire les coûts élevés dapplication de la loi ainsi que les conséquences préjudiciables de la pénalisation des personnes en possession de cannabis pour leur usage personnel. Chaque année, un nombre considérable de citoyens, en majorité jeunes, sont arrêtés et poursuivis pour possession de cannabis. Si cela narrivait pas, beaucoup dentre eux nauraient pas de casier judiciaire, sans compter que la pénalisation na peu ou pas deffet apparent sur les taux dusage de cannabis ou sur les préjudices liés à cette drogue.
Il ny a pas destimations précises des coûts dapplication des lois sur la possession de cannabis mais tout donne à penser que ces coûts sont importants. On estime que la lutte antidrogue a coûté plus de 404,2 millions de dollars australiens en Australie en 1992 (13) et plus de 17,4 milliards de dollars US aux États-Unis la même année (24). Outre les coûts élevés dapplication, la politique dinterdiction de lusage de cannabis a entraîné dautres coûts sociaux, notamment lempiètement sur les droits et libertés individuels pour faciliter la lutte antidrogue, les effets préjudiciables dun casier judiciaire pour un grand nombre de personnes condamnées, les effets des sanctions (amendes, emprisonnement) sur ces derniers, et dautres répercussions sociales négatives sur les usagers; notamment dans le domaine de lemploi et dans le domaine familial à cause de la discorde provoquée par une arrestation pour possession de cannabis.
La pénalisation de la possession de cannabis est censée avoir un effet dissuasif. Il existe cependant peu de preuves de sa force de dissuasion. On a constaté des augmentations importantes de lusage de la marijuana dans les années 1960 et 1970 en dépit de limposition de sanctions pénales pour possession de cannabis aux États-Unis (7, 23, 44) et en Australie (17). Ces tendances à laugmentation de lusage de cannabis ne prouvent pas de manière concluante que labsence dun effet de dissuasion est nul car on ne sait pas si la consommation aurait augmenté encore plus si la possession de cannabis navait pas été interdite. Néanmoins, il est intéressant de noter que les non-usagers mentionnent rarement la crainte de conséquences légales comme raison de leur abstinence (34, 44). En fait, les raisons les plus fréquemment données sont le manque dintérêt pour lusage de cannabis ou la crainte quil ait un effet nocif sur la santé (33, 44). On ne peut discerner aucune tendance en ce qui concerne la disponibilité apparente de cannabis en dépit de la lutte antidrogue vigoureuse aux États-Unis (30, 31, 52). Les recherches criminologiques sur la dissuasion dautres formes de comportement déviant indiquent quil ny a, en général, pas deffet de dissuasion lorsque le risque de détection et de punition est faible. Cest manifestement le cas en ce qui concerne lusage de cannabis (23). Au Canada, qui jusquà la fin des années 1980, avait les taux les plus élevés par habitant darrestation pour possession de cannabis au monde, on a estimé que moins de un pour cent des usagers et un dixième de un pour cent des incidents dutilisation étaient détectés par la police (33).
Ainsi, en Australie comme aux États-Unis, les lois interdisant la possession de cannabis entraînent des coûts dapplication et des coûts sociaux considérables; pourtant, elles semblent avoir peu deffet de dissuasion. Dans les années 1970, 11 États américains ont adopté des lois de « dépénalisation » qui réduisaient à une simple amende les peines pour possession de cannabis; plus récemment, plusieurs administrations en Australie ont adopté des mesures similaires. En 1987, lAustralie-Méridionale a adopté un système de « sanction pécuniaire » pour les infractions mineures en matière de cannabis (y compris son utilisation et sa culture à usage personnel), qui comprend la remise aux contrevenants repérés davis dexpiation ou limposition damendes. Dans les années 1990, le Territoire de la capitale de lAustralie et le Territoire du Nord ont suivi cet exemple et ont adopté des systèmes similaires dexpiation. Plus récemment, en 1998, Victoria a mis en uvre un système davertissements aux personnes coupables dune infraction mineure liée au cannabis et lAustralie-Occidentale a depuis fait de même.
On a dit de ces changements apportés à la loi concernant la possession de cannabis quil sagissait de mesures de « dépénalisation », mais ce nest pas tout à fait exact, car la possession de cannabis continue de faire lobjet de sanctions pénales dans ces administrations. Dans le cas de la possession de cannabis, on utilise en général le terme « dépénalisation » pour décrire les lois qui imposent des sanctions autres que lemprisonnement aux personnes possédant de petites quantités de cannabis destiné à leur usage personnel. Même en vertu de ces soi-disantes lois de dépénalisation, la possession de cannabis demeure illégale, encore que la peine maximale soit limitée à une amende. Donc, lorsquon évalue leffet de ces mesures, il est important de noter quil sagit uniquement de leffet de la réduction des peines plutôt que de leffet de leur élimination totale.
Le débat sur les lois concernant lusage de cannabis, et en particulier la dépénalisation de son usage personnel, tourne autour dun certain nombre darguments pour et contre la réforme. Certains de ces arguments sont appuyés ou réfutés à divers degrés par des preuves empiriques; dans dautres cas, il sagit darguments qui invoquent certaines valeurs sans nécessité de preuves empiriques. Un des arguments clés en faveur de la dépénalisation de lusage personnel de cannabis est quune condamnation au criminel portée au casier judiciaire est une mesure totalement disproportionnée à la nature de linfraction, et quune condamnation a des effets sociaux négatifs importants sur des contrevenants qui sont par ailleurs respectueux des lois. En fait, on peut faire valoir que si lon réduisait les peines, cela pourrait augmenter leffet de dissuasion, car les forces policières hésiteraient moins à inculper les contrevenants si le châtiment était mieux adapté à la gravité du crime (38). On fait également valoir que la poursuite au criminel constitue une atteinte plus grave aux droits et libertés individuels sous prétexte de répression des toxicomanies. On soutient en plus que la dépénalisation de lusage de cannabis ne servirait quà établir une distinction entre le marché de cette drogue de celui des autres drogues illicites et donnerait limpression que le cannabis nest pas considéré par les autorités de la même manière que les drogues illicites telles que lhéroïne et les amphétamines. Enfin, on fait fréquemment valoir que la dépénalisation de lusage de cannabis permettrait de libérer dimportantes ressources dans le domaine de la lutte antidrogue et de la justice pénale et réduirait les coûts connexes pour la collectivité (11).
Les adversaires de la dépénalisation de cannabis estiment quune telle démarche donne limpression à la société, et en particulier aux jeunes, que lusage de cannabis nest pas considéré comme un problème grave et quil comporte peu de risques, ce qui pourrait contribuer à en accroître lusage au sein de la collectivité. On fait aussi parfois valoir quune approche plus libérale à lusage de cannabis pourrait encourager la consommation dautres drogues illicites (la « théorie de lintroduction »). Il y a cependant lieu de noter que la plupart des jeunes commencent à utiliser des drogues licites (alcool et tabac) avant de consommer des drogues illicites. On ajoute que les principales drogues licites que sont lalcool et le tabac, constituent un lourd fardeau pour notre société à cause des maladies et des problèmes sociaux quelles causent, et quune approche plus libérale à lusage de cannabis pourrait accroître les problèmes de santé. En Australie-Méridionale, les adversaires de la méthode dexpiation ont convenu que cette approche faciliterait la vente de petites quantités de cannabis et réduirait ainsi le risque de poursuite au criminel. En outre, la police aurait des difficultés à appliquer un système damendes perçues sur place, et leur réputation professionnelle en souffrirait (11).
Quel que soit le point de vue sur la question, il est clair que le débat politique, tant aux États-Unis quen Australie, nest pas fondé sur une base solide de recherches, que lon a adopté des approches législatives différentes selon le lieu et le moment, et que lon a peu ou pas planifié lévaluation des effets qu'auraient les changements et de leur suivi permanent. Adversaires et partisans sont partis du principe que si lon modifiait la politique, cela aurait certaines répercussions mais ils noffrent guère de preuve empirique à lappui de leur conclusion.
Objet
Le présent document a pour objet de résumer et de comparer les effets des mesures de dépénalisation de cannabis en Australie et aux États-Unis. Dans chaque cas, on présentera des données relatives à son effet sur les taux et le rythme de consommation et les indicateurs deffets nocifs liés au cannabis ainsi quaux répercussions sur le système de justice pénale et sur les usagers individuels. Les auteurs de la présente communication examineront également la mesure dans laquelle leffet de la dépénalisation peut être correctement jaugé dans chaque cas, y compris la disponibilité des données et leur caractère plus ou moins exhaustif. Ils concluront en examinant les effets de la réforme de la politique en matière de drogues dans dautres pays, et présenteront des recommandations sur lélaboration de mesures similaires dans dautres administrations en se fondant sur lexpérience australienne et américaine.
La politique en matière de cannabis en Australie et aux États-Unis
Il existe un certain nombre de similarités et de différences qui pourraient avoir de limportance entre lAustralie et les États-Unis en ce qui concerne la politique en matière de cannabis, ainsi que le contexte politique et social dans lequel cette politique fonctionne. LAustralie et les États-Unis sont des pays relativement vastes, où les conditions climatiques sont favorables à la culture de cannabis dans des zones étendues. LAustralie est relativement proche des régions productrices dopium de lAsie du sud-est alors que les États-Unis sont relativement proches des régions productrices de cocaïne de la Colombie et dautres parties de lAmérique du Sud. Les deux pays ont des économies de marché bien établies. Ils ont tous deux un système de gouvernement fédéral dans lequel ce sont les gouvernements dÉtat qui ont la compétence principale en ce qui concerne lapplication des lois régissant lusage ou le trafic de drogues illicites, si bien que la coordination des politiques fédérale et dÉtat en matière de drogues est un sujet constant de litige dans les deux pays. La principale similarité entre eux est peut-être le fait quils sappuient sur le droit pénal pour interdire lutilisation des drogues. Même dans les États américains et australiens qui ont « dépénalisé » le cannabis, sa possession est illégale et donne lieu à des sanctions. Dans les deux pays la réaction fondamentale devant les problèmes de drogue est daffecter des ressources considérables à linterdiction de loffre et à lapplication des lois contre la possession de drogues illicites.
Il y a cependant aussi des différences entre les deux pays en ce qui concerne le contexte social et politique dans lequel fonctionne la politique en matière de cannabis. LAustralie est beaucoup moins peuplée et géographiquement plus isolée. Alors que lAustralie na pas de frontière commune avec un autre pays, les États-Unis ont de longues frontières avec le Mexique et le Canada, ce qui rend plus difficile le contrôle du trafic des drogues. Dans ce pays, la disparité entre les revenus les plus élevés et les plus bas est sensiblement plus grande, et les divisions raciales et ethniques sont plus marquées. Bien que la santé des Autochtones soit indiscutablement un problème aigu et permanent en Australie, lusage de drogues illicites nest pas considéré comme un problème de nature raciale, comme cest parfois le cas aux États-Unis (40). Le système de bien-être social est plus développé en Australie où il existe un régime universel de soins de santé.
Il y a aussi des différences importantes dans lapproche fondamentale à la politique en matière de drogues, la façon dont celle-ci est élaborée et le rôle joué par différents groupes socio-politiques dans le domaine des drogues. Contrairement aux politiques de « guerre contre les drogues » de États-Unis, la SNAD (Stratégie nationale antidrogue) est un ensemble complet de mesures portant non seulement sur les drogues illicites mais également sur les drogues licites telles que lalcool. Deuxièmement, la SNAD est fondée sur le principe de la minimisation des préjudices (14). Elle privilégie la réduction des conséquences négatives de lusage des drogues plutôt que lélimination proprement dite de lusage des drogues ou le maintien de labstinence.
La politique américaine en matière de drogues, en revanche, rejette clairement la minimisation des préjudices et vise lélimination totale de lusage des drogues. La prévention de lusage des drogues est essentiellement fondée sur la « tolérance zéro » et a un caractère plus punitif. Des cadres supérieurs de la police ont publiquement recommandé le recours à la peine de mort pour les infractions en matière de drogue (5:38), et William Bennett, directeur de lOffice of National Drug Control Policy (appelé le « tsar de la drogue ») avait même recommandé à lépoque, lors dune émission-débat, que pour résoudre le problème des drogues on devrait peut-être décapiter les coupables (31). Bien que ce genre de fleurs de rhétorique est une manifestation extrême de la mentalité des partisans de la guerre contre les drogues, elles montrent bien le contexte dans lequel les mesures de dépénalisation de cannabis fonctionnent aux Etats-Unis. Les autorités fédérales nont pas donné leur appui à la dépénalisation à laquelle sont en général opposés les organismes dapplication de la loi et les organisations non gouvernementales qui soccupent des problèmes de drogue. La réduction des sanctions, lorsquil sagit dune drogue illicite, est souvent considérée comme incompatible avec lapproche généralement punitive à la prévention.
En Australie, les organismes dapplication de la loi se sont montrés beaucoup plus favorables aux mesures de minimisation des préjudices telles que la dépénalisation de lusage de cannabis (46). Les responsables de ces organismes sont beaucoup plus fréquemment partisans de cette méthode que leurs homologues américains; ils y voient en effet un nouveau rôle possible à jouer, celui de « services de police communautaires ». Ces services privilégient le travail avec les professionnels de la santé et les groupes communautaires pour régler les problèmes sous-jacents. Les organismes américains, au contraire, ont plus tendance à considérer leur rôle de lutte antidrogue comme un des aspects du rôle traditionnel de la police qui consiste à arrêter les criminels (39).
De la même manière, les organisations non gouvernementales qui soccupent des problèmes de drogue ont plus tendance à appuyer la dépénalisation de cannabis et les autres politiques de minimisation des préjudices en Australie (1). Les groupes dusagers de drogue qui reçoivent une aide financière du gouvernement dans le cadre de programmes de prévention des maladies transmissibles, exercent aussi des pressions en faveur de la réforme de la politique en matière de drogue en Australie. Ces groupes nexistent pratiquement pas aux États-Unis. En fait, les mêmes événements dans les deux pays conduisent souvent à des conclusions contraires sur le plan des politiques. Alors que la mort prématurée dun toxicomane aux États-Unis est en général considérée comme la preuve quil faudrait redoubler defforts pour imposer un régime rigoureux dinterdiction les familles des toxicomanes australiens victimes de leur assuétude parviennent souvent à la conclusion inverse et considèrent que le décès du membre de leur famille prouve léchec des politiques dinterdiction et montre clairement que la politique en matière de drogue devrait être modifiée.
Il y a donc plus de chances que la dépénalisation de cannabis soit considérée comme incompatible avec la politique générale en matière de drogues dans le contexte américain, mais quelle concorde avec la stratégie générale dans le contexte australien. Lappui du public à des mesures telles que la dépénalisation de cannabis a été beaucoup plus ouvertement exprimé en Australie quaux États-Unis Pendant toutes les années 1980, une série de sondages Gallup ont montré quenviron les trois quarts des Américains sont opposés à la légalisation de la marijuana (27). Au contraire, une enquête australienne effectuée en 1993 a révélé que plus de la moitié de la population estimait que lusage personnel, la possession et la culture de cannabis devraient être légalisés (6). La même étude a montré que trois quarts environ des Australiens croient que lusage personnel, la possession et la culture ne devraient pas être considérées comme des infractions pénales.
Les Australiens tendent plus à utiliser le cannabis que les Américains qui consomment plus fréquemment dautres drogues illicites. Le tableau 1 illustre les résultats des enquêtes nationales auprès des ménages sur les taux dusage de cannabis déclarés par les répondants au cours de leur vie, au cours des 12 mois écoulés, du mois précédent ou de la semaine précédente. Les taux dusage de cannabis étaient à peu près les mêmes dans les deux pays jusquà la fin des années 1980, mais au cours de la dernière décennie, lusage de cette drogue sest répandu chez les Australiens. Aux États-Unis, le pourcentage de répondants qui ont déclaré avoir utilisé de la marijuana a lentement augmenté depuis la fin des années 1970. Le taux dusage actuel (usage au cours des 12 mois écoulés) a diminué aux États-Unis de 14 % en 1985 à 8 % en 1992, et il est demeuré relativement stable depuis. Les taux dusage mensuel et hebdomadaire ont également diminué aux États-Unis entre le milieu des années 1980 et le début des années 1990. Les enquêtes à léchelle nationale faites aux États-Unis en 1996 et 1997 ont révélé des augmentations petites mais statistiquement significatives de lusage de cannabis, en particulier chez les jeunes.
Insérer le tableau 1 ici
LAustralie na pas connu de baisses analogues des taux dusage courant et hebdomadaire de cannabis. Cest ainsi que les résultats des enquêtes depuis 1995, année la plus récente pour laquelle on dispose de données pour les deux pays, révèlent des taux dusage plus élevés au cours de lannée précédente (13 % en Australie et 8 % aux États-Unis). En outre, les taux dusage hebdomadaire sont plus élevés chez les Australiens dans le cas des deux années sur lesquelles on dispose de données comparables. Donnelly et Hall (17) ont observé quil y a plus dusagers de cannabis australiens quaméricains qui déclarent en avoir consommé au moins une fois par semaine (11 % en Australie et 8 % aux États-Unis).
Le tableau 2 présente un choix de données sur le groupe dâges des jeunes adultes (20 à 29 ans) dans la série denquêtes américaines Monitoring the Future (30), en comparaison dun groupe dâge similaire (19 à 28 ans) dans les enquêtes nationales australiennes. Bien que les groupes dâges ne soient pas exactement les mêmes, il semble bien que les jeunes australiens aient plus tendance que leurs homologues américains à consommer de cannabis (42,6 % au lieu de 26,5 % en 1995). Cela confirme la conclusion de Donnelly et Hall (17) concernant les adolescents dâge scolaire dans les deux pays. Ces auteurs ont comparé les résultats des enquêtes Monitoring the Future auprès des élèves des écoles secondaires avec les enquêtes effectuées auprès des étudiants de la Nouvelle-Galle du Sud et de Victoria et ont noté que les taux dusage de cannabis étaient plus élevés dans les échantillons australiens. En revanche, on peut également constater au tableau 2 que les jeunes Américains ont plus tendance que leurs homologues australiens à utiliser dautres drogues illicites (13,8 % au lieu de 10,9 %).
Insérer le tableau 2 ici
Dans les deux pays, le portrait socio-démographique dun usager de cannabis est celui dun jeune homme libre de liens familiaux. Les taux dusage sont les plus élevés chez les célibataires dun peu moins ou dun peu plus de 20 ans (16, 52). Aux Etats-Unis, cest chez les Noirs que lusage actuel de la marijuana et le plus élevé et chez les Hispaniques quil est le plus bas (52). Il existe un rapport entre le chômage et les taux plus élevés dusage de cannabis, et des différences géographiques importantes existent entre les taux dusage dans les deux pays. Aux États-Unis, les taux sont relativement élevés dans les grandes villes et dans les États de lOuest (52). En Australie, ils sont les plus élevés dans le territoire du Nord (52 % des répondants en ont utilisé à un moment ou à un autre et 21 % lont fait au cours des 12 derniers mois en 1995), dans le Territoire de la capitale australienne (42 % et 16 %, respectivement) et en Australie-Occidentale (37 % et 16 %, respectivement). Cest au Queensland, que le cannabis est le moins utilisé (26 % et 10 % respectivement). (16).
Leffet de la dépénalisation en Australie
LAustralie-Méridionale a été la première administration australienne à mettre en uvre un système dexpiation pour les infractions mineures liées au cannabis. Ce modèle d« interdiction avec sanctions pécuniaires » (38) ne constitue pas une dépénalisation complète de lusage personnel de cannabis car les contrevenants peuvent être condamnés au criminel sils ne paient pas les droits dexpiation à temps. Bien que des systèmes dexpiation analogues aient depuis été mis en vigueur dans le Territoire de la capitale australienne et dans le Territoire du Nord, la présente section sera surtout consacrée à lexpérience en Australie-Méridionale, car celle-ci a fait lobjet de nombreuses évaluations (3, 11, 18, 42).
LAustralie-Méridionale a adopté le système de CEN (Avis dexpiation pour usage de cannabis) en 1987, après une période de débats communautaires et politiques intenses. À lépoque, le gouvernement avait fait beaucoup defforts pour que lon adopte une nouvelle approche à légard de la possession de cannabis, position qui lui avait été inspirée par lexpérience des États américains qui avaient suivi une démarche moins punitive. Les principaux arguments en faveur dun système dexpiation étaient les économies possibles et la réduction des effets sociaux négatifs sur les personnes condamnées pour une infraction mineure en matière de cannabis. Ce second point de vue était inspiré par la conviction que les préjudices potentiels causés par lutilisation de cannabis étaient moins graves que les préjudices dus à une condamnation au criminel.
Effets sur les rythmes de consommation de cannabis : On a effectué plusieurs enquêtes sur lusage de drogues pour déterminer leffet potentiel de ladoption de la méthode dexpiation sur les niveaux et les rythmes de consommation de cannabis en Australie-Méridionale; chaque analyse a ainsi permis de compléter le tableau en apportant des données plus récentes (p. ex., 11, 18, 19). Aucune de ces études na révélé une augmentation de lusage de cannabis en Australie-Méridionale qui soit liée à ladoption du système de CEN. Le pourcentage dusage de cannabis au cours de la vie a augmenté sensiblement en Australie-Méridionale et est passé de 26 % en 1985 à 36 % en 1995, mais on a observé des augmentations analogues pour la même période dans des administrations où lusage de cannabis est totalement interdit, comme cest le cas à Victoria et en Tasmanie. On a aussi constaté une augmentation, dans toute lAustralie, des taux dusage hebdomadaire de cannabis au cours de la période de 1985 à 1995, et lAustralie-Méridionale nétait pas différente du reste du pays en ce qui concerne cet indicateur (19). Une étude comparative des personnes condamnées pour infraction mineure en matière de cannabis en Australie-Méridionale et en Australie-Occidentale est parvenue à la conclusion que le recours au système de CEN ou à la démarche plus punitive fondée sur linterdiction navait quun faible effet dissuasif sur les usagers de cannabis (3). Dans ces deux administrations, les contrevenants ont déclaré quun avis dexpiation ou une condamnation avait peu ou pas deffets sur lusage ultérieur de cannabis et dautres drogues, et la plupart dentre eux ont dit que même sils étaient pris en faute de nouveau, ils continueraient à utiliser la drogue (3).
Effets sur les systèmes dapplication de la loi et de justice pénale : Le système du CEN utilisé en Australie-Méridionale a fortement marqué les taux de détection dinfraction mineure liée à lusage de cannabis, ce qui était inattendu. Le nombre des CEN signifiés aux contrevenants est passé denviron 6 000 en 1987-1988 à environ 17 000 en 1993-1994 et les années suivantes (12). Cet « élargissement du filet » nest lié à aucun changement des habitudes dusage de cannabis, mais sexplique par le fait quil est plus facile pour la police de traiter les infractions mineures et que plutôt que de décider de donner des avertissements informels, elle enregistre beaucoup plus fréquemment toutes les infractions mineures.
Depuis le début de lutilisation des CEN, le taux de paiement des droits dexpiation na pas dépassé 50 %. Un nombre important de contrevenants mineurs pour usage de cannabis ont été condamnés au criminel parce quils navaient pas payé ces droits. La charge imposée aux tribunaux na pas été aussi lourde quon pourrait sy attendre car bon nombre de ceux qui avaient reçu une sommation à comparaître ont décidé de plaider coupables par écrit et nont donc pas comparu en personne. La vaste majorité des cas dexpiation traités par les tribunaux ont abouti à la condamnation des contrevenants qui ont dû payer des amendes dont le montant était analogue à celui des droits dexpiation, plus les dépens.
Le personnel policier et celui des services de justice pénale étaient fermement partisans du système de CEN, et ceux qui administraient et appliquaient le système se sont montrés peu favorables à un retour à la méthode antérieure (50). Le système de CEN sest avéré relativement économique (8). Le coût unitaire de traitement dun avis dexpiation, lorsque le paiement est fait dans les délais, est estimé à environ 30 $. Les coûts totaux liés au système de CEN en 1995-1996 ont été estimés à 1,2 million de dollars environ (à lexclusion du temps consacré par la police pour déceler linfraction). Les recettes totales fournies par le paiement des droits et les amendes étaient de lordre de 1,7 million de dollars. La rentabilité serait manifestement plus grande sil était possible daccroître le taux dexpiation. On a également estimé que si une méthode dinterdiction avait été en vigueur en Australie-Méridionale cette année-là, le coût total aurait été denviron deux millions de dollars et les recettes tirées des amendes, denviron un million de dollars.
Connaissance de la question, attitudes et autres effets sociaux : En 1993, les habitants dAustralie-Méridionale et du Territoire de la capitale australienne, seules administrations utilisant à lépoque une méthode dexpiation pour les infractions mineures liées à lusage de cannabis, étaient nettement plus mal informés que ceux des autres administrations des conséquences judiciaires de lusage personnel de cannabis (6). Par exemple, 34 % des répondants de lAustralie-Méridionale et 43 % de ceux du Territoire de la capitale australienne croyaient à tort quils pouvaient légalement posséder de cannabis destiné à leur usage personnel, opinion qui nétait partagée que par moins de 10 % des répondants de la plupart des autres administrations. La mise en vigueur du système de CEN semble avoir créé un malentendu au sein de la collectivité en ce qui concerne la légalité de lusage personnel de cannabis, ainsi quau sujet des conséquences de linfraction.
Les entretiens avec les contrevenants auxquels des avis dexpiation avaient été signifiés ont montré que leurs opinions au sujet des effets de ce système étaient très différentes. Un pourcentage important dentre eux ont déclaré que le paiement de la CEN leur avait causé des difficultés financières, et la majorité jugeait que les amendes étaient excessives. Les répondants dAustralie-Occidentale, État où régnait linterdiction à lépoque de létude, ont manifesté plus de crainte et moins de confiance à légard de la police que léchantillon dAustralie-Méridionale après que leur infraction ait été décelée. En outre, les contrevenants de lOuest ont déclaré plus fréquemment que ceux du Sud quil leur avait été difficile dobtenir ou de conserver un emploi après que leur infraction ait été établie et quà cause de celle-ci, ils avaient eu des difficultés sur le plan de leurs relations et du logement. Il ny avait cependant pas de différence entre eux en ce qui concerne les difficultés rencontrées lorsquils voyagaient outre-mer, leurs opinions deux-mêmes comme criminels, ou leur utilisation de drogue après leur infraction (34).
Questions et problèmes de mise en uvre : Comme on la indiqué ci-dessus, l« élargissement du filet » et le faible taux dexpiation ont posé de constants problèmes de mise en uvre du système (42). La police signifie un nombre élevé davis dexpiation et la plupart des contrevenants qui ne paient pas le droit afférent sont condamnés au criminel (12). Donc, une des conséquences imprévues du système de CEN a été que le nombre de personnes criminalisées est aussi élevé et peut-être même plus élevé quil ne létait avant ladoption de ce système. Une des raisons du non-paiement des droits dexpiation fréquemment invoquée par les contrevenants est que cela leur crée des difficultés financières (26). Ils font aussi valoir quun petit nombre davis dexpiation relatifs à lusage de cannabis sont signifiés dans le contexte du dépôt dautres accusations, pour lesquelles la comparution au tribunal est de toute façon nécessaire. Dans un nombre inconnu et sans doute réduit de cas, les contrevenants fournissent des renseignements signalétiques insuffisants ou faux au moment où linfraction est décelée, si bien que les poursuites sont plus tard impossibles..
La raison la plus importante du faible taux dexpiation tient peut-être au fait que les contrevenants comprennent mal les lois relatives à lusage de cannabis et les conséquences du non-paiement des amendes dexpiation. Trois quart des membres dun groupe de contrevenants qui navaient pas payé ces amendes ont déclaré quils ne savaient pas quà cause de ce non-paiement, ils auraient un casier judiciaire (26). Beaucoup de gens ne se rendent pas compte que la possession de cannabis est illégale, comme nous lavons déjà indiqué, et ils ne comprennent pas les conséquences judiciaires des options dexpiation, ce qui montre bien combien il est important dexpliquer au public les détails et leffet des changements législatifs.
Reconnaissant quun grand nombre de personnes continuent à être condamnées au criminel pour infraction mineure en matière de cannabis, le gouvernement dAustralie-Méridionale a modifié les méthodes de paiement pour les infractions expiables liées à cette drogue, afin daugmenter le nombre des contrevenants qui décident de payer les droits afférents à ces infractions. Il est maintenant possible de faire des versements échelonnés ou deffectuer du travail communautaire au lieu de payer les droits. Reste à voir quel sera leffet de ces nouvelles options pour les contrevenants assujettis au CEN.
Dautres questions de mise en uvre se posent également : il est important davoir des systèmes efficients denregistrement et de gestion des données relatives aux infractions, en particulier lorsque les données concernant les infractions assujetties au CEN sont séparées des données de justice pénale. Il est important de pouvoir suivre les résultats, y compris les conclusions définitives et les sanctions, pour les cas dexpiation qui aboutissent à des poursuites formelles. Dans la pratique, la tâche est difficile pour de nombreuses administrations, car les dossiers de la police, des tribunaux et (ou) linformation sur les sanctions sont souvent conservés séparément. Pour identifier les récidivistes, il faudrait mettre en place un système fiable de suivi des infractions assujetties au CEN commises par la même personne. Il faudrait également améliorer les procédures pour aider la police à identifier correctement les contrevenants lorquelle signifie des avis dinfraction, et il serait indispensable dassurer un suivi de ces contrevenants, le cas échéant. Des mesures de surveillance très rigoureuses ne seront peut-être pas nécessaires; il suffira simplement dappliquer plus strictement les procédures actuelles utilisées pour obliger les contrevenants à fournir une preuve didentité.
Le système du CEN en Australie-Méridionale pose un autre problème dapplication : pour quune infraction liée à la culture de cannabis puisse être expiée, le nombre de plants ne doit pas dépasser dix. Au départ, on avait jugé que cela constituait un nombre raisonnable de plants de cannabis pour ceux qui les cultivaient pour leur usage personnel, étant donné quils en perdraient probablement un certain nombre au cours du cycle de croissance et que les usagers réguliers pourraient satisfaire leurs propres besoins en ne récoltant que la quantité nécessaire pendant la croissance des plants. En fait, on récolte habituellement le plant tout entier lorsquil est adulte. Même lorsquil ne sagit que dun seul plant, celui qui la cultivé court le risque dêtre détecté avec un kilo ou plus de cannabis séché, ce qui exclut loption dexpiation, car la limite de la possession personnelle est de 100 grammes. Les améliorations des techniques hydroponiques ainsi que le clonage et lhybridation des plants de cannabis permettent de réduire les pertes et daccroître la production. On a donc fait valoir que trois plantes cultivées constitueraient une limite plus appropriée à lapplication de loption dexpiation.
Effet de la dépénalisation aux États-Unis
Les années 1970 ont été marquées aux États-Unis par un mouvement en faveur de la réforme des lois relatives à lusage de la marijuana. À cause de lusage très répandu et croissant de marijuana en dépit de sa pénalisation, les coûts dapplication et les frais de justices sont devenus importants, et le public se montre plus tolérant à légard de lusage de cette drogue. En octobre 1973, lOregon a réduit la possession de moins dune once de marijuana à une infraction assujettie au paiement maximum dune amende de 100 $. De 1973 à 1978, dix autres États ont adopté des lois réduisant la peine maximale pour possession de cannabis à une simple amende (45).
Effet sur lusage de cannabis : Les données dont on dispose montrent que ces mesures de dépénalisation ont sensiblement réduit les coûts dapplication, mais nont eu que peu ou pas deffet sur les taux dusage. On a effectué des évaluations des mesures de dépénalisation à léchelle de lÉtat en Oregon (20), Maine (36), Ohio (48) et Californie (10). En Oregon, une série détudes effectuées après que la loi ait été modifiée (20) na pas révélé de changements importants des taux dusage, mais étant donné labsence de données antérieures au changement (autre que les questions rétrospectives dune fiabilité douteuse) aucune interprétation concluante des résultats nest possible. Dans le Maine, une étude a posteriori effectuée par lOffice of Alcoholism and Drug Abuse Prevention de lÉtat (36) est conclue par une évaluation très positive dune mesure de dépénalisation, en dépit de labsence de données antérieures au changement de la loi. En Ohio et en Californie, on a effectué des sondages avant et après les changements apportés à la loi en ce qui concerne la possession de cannabis. En Ohio, une mesure de dépénalisation est entrée en vigueur en novembre 1975. Chez les personnes de 18 à 24 ans, lusage a augmenté de 27 % en 1974 à 33 % en 1978 (48), tandis que chez les personnes de 25 à 34 ans, cet usage est passé de 6 % en 1974 à 19 % en 1978. En Californie (10), la proportion dadultes ayant déclaré quils navaient jamais utilisé de marijuana est passée de 28 % en février 1975 à 35 % en novembre 1976, 11 mois avant et après la « dépénalisation ». Ainsi, les quatre évaluations à léchelle de lÉtat des mesures de dépénalisation ont révélé de modestes augmentations des taux dusage déclaré. Les auteurs de toutes ces études ont décidé que les augmentations nétaient pas significatives et ont conclu que les mesures de dépénalisation étaient un succès, bien que les mêmes données auraient fort bien pu être utilisées pour parvenir à la conclusion inverse.
La principale limitation de ces premières évaluations était labsence de groupe de contrôle ou de données comparatives permettant destimer les taux dusage auxquels on aurait pu sattendre si la loi navait pas été modifiée. Trois études effectuées au milieu des années 1970 utilisaient cependant une forme de groupe de contrôle. Stuart et ses collègues (49) ont conclu que, comparé à trois collectivités voisines du Michigan, lusage de marijuana navait pas été affecté par plusieurs changements apportés aux règlements municipaux relatifs à lusage de cannabis, y compris une mesure de dépénalisation prévoyant une amende maximum de cinq dollars, dans la collectivité de Arbor. Une analyse secondaire de quatre enquêtes nationales effectuées aux États-Unis entre 1972 et 1977 na noté aucun changement dutilisation de la marijuana pouvant être attribué à la dépénalisation (43, 45). Les États qui ont réduit les sanctions après 1974 (il sagissait essentiellement dun groupe dÉtats ayant adopté la dépénalisation) ont connu une augmentation de lusage de marijuana chez les adolescents (de 12 à 17 ans) comme chez les adultes (de 18 ans et plus), mais lusage de cette drogue a augmenté encore plus dans les États qui imposaient les peines les plus sévères. La troisième étude contrôlée a trait à la série denquêtes nationales « Monitoring the Future » auprès délèves de lenseignement secondaire. Johnston (28) avait effectué un échantillonnage superposé des élèves de cycle supérieur et avait conclu que : [TRADUCTION] « La dépénalisation na pratiquement eu aucun effet, que ce soit sur lusage de marijuana ou sur les attitudes et les convictions relatives à lusage de la marijuana chez les jeunes Américains de ce groupe dâges » (29:27, italiques dans le texte original).
La raison profonde pour laquelle la dépénalisation na pas donné lieu à une augmentation de lusage de cannabis pourrait fort bien sexpliquer par le fait que la réduction des peines en vertu des lois sur la dépénalisation ne semble pas avoir eu deffets appréciables sur la disponibilité de la drogue (52). Il ny a pas de liens apparents entre les tendances de lusage et les tendances relatives à la disponibilité apparente. Bien que la consommation de cannabis soit demeurée relativement constante au cours de la première moitié de la décennie et ait ensuite légèrement augmenté de 1995 à 1997, il y a eu relativement peu de changements de la disponibilité apparente de cette drogue; en effet, environ 60 % des Américains ont déclaré que, pendant toutes les années 1990, il était assez « facile » ou « très facile » dobtenir de la marijuana (52).
Les changements des taux dusage semblent être plus étroitement liés à lévolution de lopinion concernant les risques de santé quà la disponibilité de la drogue ou aux changements, quels quils soient, de son statut juridique. La tendance à la hausse de lusage de cannabis dans les années 1970, aussi bien dans les États pratiquant la dépénalisation que dans les autres, ne sest pas maintenue au cours de la décennie suivante. Dans les années 1980 et au début des années 1990, lusage de cannabis a partout diminué aux États-Unis (52). On a commencé à se montrer moins tolérant, en particulier chez les jeunes, aussi bien dans les États « dépénalisés » que dans les autres. Par exemple, des enquêtes annuelles effectuées auprès des étudiants en Californie, État dépénalisé, ont révélé quils avaient tendance à se montrer moins tolérants à légard de lusage de marijuana (48). Sur le plan national, en 1985, 22 % seulement des étudiants de première année dans les collèges se sont déclarés favorables à la légalisation de la marijuana alors que leur pourcentage était de 53 % en 1977 (4). En 1997, 58 % des élèves de cycle supérieur dans les écoles secondaires pensaient que lusage régulier de marijuana présentait des risques graves pour la santé, alors quil ny en avait que 35 % en 1978 (30).
Comme on peut le voir au tableau 1, à partir de 1985-1997, un rapport apparaît clairement dans lenquête nationale auprès des ménages des États-Unis sur labus des drogues entre le risque perçu pour la santé et lusage de cannabis chez les jeunes âgés de 12 à 17 ans. On ne peut pas être certain du rapport de cause à effet entre les données longitudinales. Néanmoins, il est intéressant de noter quau fur et à mesure que le risque perçu pour la santé augmentait à la fin des années 1980, les taux dusage de cannabis diminuaient. Lorsque la perception du risque pour la santé a commencé à diminuer au milieu des années 1990, les taux dusage de cannabis ont recommencé à augmenter.
Insérer la figure 1 ici
Effets sur lusage par le public et sur le système de soins de santé : On a limpression que lusage de marijuana na pas augmenté dans les lieux publics. Dans son évaluation de la politique relative à lusage de la marijuana dans huit États dont cinq avaient « dépénalisé » cette drogue, la conférence nationale des gouverneurs concluait : [TRADUCTION] « On craint également que la dépénalisation ne contribue à une augmentation de sa présence et de son usage dans le public. Les entretiens que nous avons menés ont montré quil ny avait pas de changement appréciable » (41:1). Les effets marqués sur le système des soins de santé étaient rares (45). Étant donné les difficultés de détection de lintoxication par le cannabis, il ny avait pratiquement pas non plus de preuve de son effet sur la fréquence de la conduite sous lempire de cannabis.
Effets sur les coûts et les priorités de la lutte antidrogue : Les avantages offerts par la dépénalisation tiennent surtout aux économies quelle permet de faire aux systèmes dapplication de la loi et au système de justice pénale. Dans tous les États dépénalisés, il y a eu une réduction du nombre et de la nature des cas liés à lusage de marijuana traités dans le cadre du système dapplication de la loi (45). Il apparaît que les services de police dans ces États dépénalisés ont réorienté leurs efforts en faveur de la détection des infractions plus graves et de lusage dautres drogues illicites ainsi que de larrestation des contrevenants. En Californie, les inculpations pour possession de marijuana ont diminué de 36 % au cours de la première année mais les inculpations autres que pour possession simple (p. ex., possession avec intention de vendre, commerce illicite, etc.) nont pas diminué comme en témoigne une augmentation des arrestations pour acte délictueux graves (2). Il y a donc eu une diminution du traitement des contrevenants pour possession de cannabis, une diminution du nombre des incarcérations et une augmentation des recettes tirées des amendes, alors que le coût total de la lutte contre la marijuana a sensiblement diminué. Par exemple, en Californie, son coût total est tombé de 17 millions de dollars au cours de la première moitié de 1975 à moins de 4,4 millions de dollars au cours de la première moitié de 1976 (10).
Conclusions et recommandations
Les mesures de dépénalisation aux États-Unis et en Australie ont été beaucoup moins radicales que leur nom ne le laisse supposer. Les nouvelles lois ont entraîné un changement des sanctions : désormais, les personnes inculpées pour possession de cannabis ne pouvaient plus être assujetties à des peines de prison, condamnation qui était déjà assez rare dans la plupart des administrations, et elles pouvaient éviter les condamnations au criminel avec les problèmes que cela entraîne. Dans les deux pays, ces lois sur la dépénalisation ne semblent pas avoir eu deffet marqué sur les taux dusage, comme beaucoup craignaient que cela se produise.
En Australie, le modèle de dépénalisation fondé sur le modèle dexpiation a permis à de nouveaux contrevenants dêtre condamnés au criminel. Cependant, un nombre important dentre eux a malgré tout été condamné à cause dun « élargissement du filet » général de la détection des infractions en matière de cannabis et du défaut de paiement des droits dexpiation à temps par un pourcentage élevé des contrevenants, ce qui était dû en grande partie au fait que les usagers de cannabis ne comprenaient pas bien les conséquences judiciaires du non-respect de cette obligation. En dépit de ces problèmes, la majorité du personnel de police et de celui de la justice pénale considérait que lapproche fondée sur lexpiation était un succès, encore que certains aient fait observer quil y avait eu quelques difficultés de mise en uvre et quil y avait aussi des problèmes opérationnels constants. Cette approche semble être plus économique quun système dinterdiction et de poursuite des infractions mineures liées au cannabis. Sur le plan de la dissuasion, le modèle fondé sur lexpiation et celui de linterdiction totale de lusage de cannabis semblent être lun et lautre incapables dempêcher les contrevenants et la population en général de consommer cette drogue. Il na pas été possible de montrer que la mesure de dépénalisation contribuait à une augmentation de lusage de cannabis.
Aux États-Unis, la dépénalisation a permis de réaliser des économies importantes dans la lutte antidrogue grâce à la diminution du nombre de cas de possession de cannabis et à laugmentation des recettes tirées des amendes. Cela a permis de réorienter les ressources vers la poursuite des trafiquants et lapplication des lois relatives aux autres drogues. On ne peut pas prétendre que les lois sur la dépénalisation ont permis déliminer les coûts sociaux et les conséquences individuelles préjudiciables liées à linterdiction de lusage de cannabis, mais il semble que la dépénalisation ait permis de réduire les coûts dapplication des règlements sans accroître les risques pour la santé et la sécurité liés à lusage de cannabis. En dépit des résultats, la dépénalisation na pas été universellement considérée comme un succès aux États-Unis Cela est peut-être dû en partie au manque de données concluantes bien que le public et les médias aient accordé beaucoup dattention à ces mesures, aucune étude nationale sur leffet de la dépénalisation na jamais été commanditée. On continue aussi à craindre que la dépénalisation de cannabis ne conduise à la libéralisation des politiques relatives aux autres drogues illicites.
Pour évaluer et comparer leffet des mesures de dépénalisation de cannabis, il importe de considérer les objectifs de la politique relative à cette drogue. Aux États-Unis, le but exprès de cette politique est la prévention ou la cessation de tout usage de cannabis, alors quon Australie, on sefforce surtout de minimiser les maux liés à sa consommation. Bien que les deux stratégies utilisées pour atteindre les objectifs de la politique en matière de drogues soient donc nettement différentes, le but explicite dans les deux pays est essentiellement le même : réduire au minimum les risques pour la santé et la sécurité liés à lusage de drogues.
La politique en matière de drogues a cependant un second objectif implicite dont on fait rarement état : réduire au minimum les coûts sociaux et les conséquences préjudiciables sur le plan individuel dues aux tentatives de contrôle de leur usage. Il y a toujours des limites, financières et autres, aux efforts qui peuvent être déployés pour réduire les préjudices liés à lusage de drogues. Il faut donc toujours établir un équilibre entre les avantages de la politique officielle et les coûts dapplication de cette politique. On doit donc juger les mesures de discrimination non seulement en fonction de leurs effets sur lusage de cannabis et les conséquences sur la santé et la sécurité publiques, mais aussi en fonction de leurs effets sur la réduction des coûts dapplication et des autres coûts sociaux quimplique le contrôle de lusage de cette drogue. Lorsque lon applique cette double norme à leffet des mesures de dépénalisation en Australie et aux États-Unis, on parvient aux conclusions suivantes :
- La réduction des peines maximales pour possession de cannabis excluant dorénavant la possibilité de recevoir une peine de prison na pas eu deffets visibles sur les taux dusage de cannabis ou sur les problèmes liés à cet usage. Cette constatation valait pour toutes les administrations australiennes et américaines qui avaient adopté des mesures de dépénalisation.
- La dépénalisation a permis de réaliser des économies importantes au plan des coûts dapplication et des autres coûts sociaux. Limportance de ces économies est cependant largement déterminée par la manière dont les mesures sont appliquées. Dans le cas du système de CEN utilisé par lAustralie-Méridionale, des économies ont également été réalisées en dépit de « lélargissement du filet » et, ce qui était inattendu, du faible taux de paiement des amendes dexpiation. Il est clair que des économies encore plus importantes auraient été réalisées si le taux dexpiation avait été plus élevé.
- La conceptualisation des problèmes liés au cannabis et les politiques connexes adoptées pour les résoudre ont plus dimportance que les données empiriques dans la façon dont le public et les décideurs perçoivent leffet de la dépénalisation. Bien que ces données montrent quaux États-Unis la dépénalisation a été un modèle de réforme judiciaire réussi, où les coûts ont été réduits sans changement des taux dusage, la dépénalisation est plus souvent considérée comme un succès en Australie où les problèmes dapplication ont quelque peu réduit le degré de réussite de mesures similaires. On est contraint de se demander si lopinion publique à légard de la dépénalisation dans les deux pays est plus fondée sur des idées reçues en ce qui concerne une politique appropriée en matière de drogue que sur des données empiriques.
- Si lidéologie joue un rôle clé dans leffet perçu de la dépénalisation de cannabis, cela tient en partie au fait que les données empiriques sont habituellement insuffisantes. Les mesures de dépénalisation ont en général été mises en vigueur sans quon se préoccupe de lévaluation ou de la surveillance des effets. Aux États-Unis, on na jamais commandité détudes sur leffet de la dépénalisation de cannabis à léchelon national. Les évaluations commanditées au niveau de lÉtat ont tendance à se limiter aux données recueillies après que la politique ait été modifiée et sans que le choix dindicateur de succès approprié ait préalablement fait lobjet dun consensus.
- La manière dont les mesures de dépénalisation sont appliquées par la police et par la justice pénale peut avoir une influence sur leffet quont ces mesures sur la santé et sur le plan social. En Australie-Méridionale, labsence apparente defforts déducation du public, et des auteurs dune infraction liée au cannabis, en particulier, au sujet de suites données à ces infractions dans le cadre du modèle dexpiation, semble avoir conduit à une sous-estimation générale de la gravité des infractions pour usage personnel et avoir contribué, en conséquence, à une proportion étonnamment élevée de droits dexpiation impayés et de condamnations pour défaut de paiement.
Ces conclusions nous conduisent à présenter les recommandations suivantes aux administrations qui envisagent dadopter des mesures de dépénalisation :
- La dépénalisation et les mesures similaires de réforme du droit devraient être soumises à une évaluation systématique des effets. Celle-ci pourrait porter sur les points suivants : collecte de données de base avant la mise en uvre de nouvelles mesures législatives; établissement de systèmes de collecte et de suivi permanents des données pour établir des statistiques sur les infractions; mises à jour régulières concernant leffet sur les rythmes de consommation grâce à des enquêtes auprès de la population sur lusage de drogue; établissement de systèmes de surveillance des coûts dapplication; enquêtes auprès des contrevenants et sources clés afin dévaluer les conséquences non intentionnelles.
- Il conviendrait de tenir pleinement compte des questions dapplication et des problèmes potentiels quelles soulèvent et, dans la mesure du possible, de les régler. Il faudrait envisager des procédures de remplacement qui permettraient peut-être déviter les problèmes dapplication, par exemple, paiement retardé ou paiement échelonné dans le cadre dun système dexpiation. Lexpérience acquise grâce à ce système en Australie-Méridionale a montré combien il était important dêtre prêt à « nuancer » les paramètres opérationnels du système afin den accroître lefficience et de mieux sensibiliser le public aux changements qui pourraient être apportés à lapproche législative à légard dune activité aussi répandue que la consommation de cannabis.
- Il conviendrait détudier les effets pertinents et délaborer des indicateurs de succès spécifiques en étroite collaboration avec toutes les parties intéressées, notamment les services de santé publique, les organismes dapplication de la loi, les bureaux daide sociale, les usagers et les organisations non gouvernementales. Les effets devraient comprendre non seulement les taux dusage mais aussi les rythmes de consommation susceptibles dêtre préjudiciables, les indicateurs de préjudice, les effets sur les pratiques et les priorités dans le domaine de lapplication de la loi, les effets sur les tribunaux et le système pénal, les effets économiques et la mesure dans laquelle les usagers sont marginalisés par une politique particulière.
- Lédiction de la dépénalisation et de réformes judiciaires similaires devrait être fixée de manière à ce que lon puisse recueillir des données pertinentes avant et après le changement de politique.
- Lévaluation de leffet et la surveillance des indicateurs de succès devraient non seulement tenir compte des effets sur une période relativement brève de un à deux ans, par exemple, mais aussi des effets à long terme.
La réduction des peines encourues pour possession de cannabis excluant lincarcération comme sanction possible est à bien des égards un modèle de réforme judiciaire réussi dans le domaine des drogues car celui-ci offre des avantages évidents et peu ou pas de conséquences négatives. Laspect essentiel de la dépénalisation de lusage de cannabis est que cette approche ne semble pas contribuer à augmenter la disponibilité et lusage de cette drogue non plus que les problèmes liés à la consommation. Il y a plusieurs raisons pour cela. Les contrôles exercés sur la disponibilité de cannabis ont probablement eu moins deffets sur son usage et sur les problèmes qui lui sont liés que les contrôles sur la consommation dautres drogues illicites. Le cannabis est une drogue qui présente peu de risques de dépendance. On dit souvent delle quelle produit des effets agréables, mais elle crée beaucoup moins daccoutumance que dautres drogues illicites telles que lhéroïne ou la cocaïne, qui ont beaucoup plus tendance à créer la dépendance ou à pousser à un usage compulsif.
Le cannabis est très populaire; cest de loin la drogue illicite la plus largement utilisée dans les deux pays. On a dit quaux États-Unis, le marché de cannabis « approchait de la saturation » (23) et cest probablement aussi vrai de lAustralie. La plupart des gens connaissent quelquun qui pourrait leur procurer de cannabis ou les mettre en contact avec un fournisseur. Bien que des milliers de jeunes aient été arrêtés et fait lobjet dune instruction au criminel pour possession de cannabis, le risque darrestation est probablement beaucoup plus faible quil ne lest pour la cocaïne, lhéroïne ou dautres drogues illicites, ce qui freine lusage de cannabis est la crainte quil nait des effets préjudiciables pour la santé plutôt que la crainte de conséquences judiciaires.
Dans de telles circonstances, on ne devrait pas être surpris de constater que la réduction à une simple amende des peines pour possession de cannabis nait pas entraîné de changements importants des taux de consommation. On ne devrait pas interpréter le succès de la dépénalisation comme la preuve que lusage de cannabis est sans risque ou que sa légalisation naurait guère deffet. Lusage de cannabis peut devenir compulsif et créer des problèmes même lorsquil ne sagit que dun usage occasionnel, et un accroissement soudain de sa disponibilité, en cas de légalisation, pourrait fort bien provoquer une augmentation importante des taux dusage et donc, du nombre de personnes qui connaissent des problèmes à cause de cela. Cependant la dépénalisation na pas changé la disponibilité ou lusage de cannabis de manière appréciable. La dépénalisation a donc réussi à réduire les coûts sociaux sans accroître les problèmes liés à lusage aux États-Unis et en Australie, mais il ne faudrait pas y voir la preuve que les effets seraient les même si lon légalisait le cannabis ou si lon dépénalisait dautres drogues illicites.
Tableau 1 : Tendances de la consommation de cannabis et dautres drogues illicites en Australie et aux États-Unis
1979 |
1982 |
1985 |
1988 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
|
Avez-vous jamais consommé du cannabis au cours de votre vie | |||||||||||
--Australie | -- |
-- |
28 |
28 |
32 |
34 |
34 |
-- |
31 |
-- |
-- |
--États-Unis | 28 |
29 |
29 |
31 |
31 |
30 |
31 |
31 |
31 |
32 |
33 |
Consommation de cannabis au cours des 12 mois écoulés | |||||||||||
--Australie | -- |
-- |
-- |
12 |
12 |
-- |
12 |
-- |
13 |
-- |
-- |
--États-Unis | 17 |
16 |
14 |
10 |
9 |
8 |
9 |
9 |
8 |
9 |
9 |
Consommation de cannabis au cours du mois écoulé | |||||||||||
--Australie | -- |
-- |
-- |
-- |
-- |
-- |
-- |
-- |
-- |
-- |
-- |
--États-Unis | 13 |
12 |
10 |
6 |
5 |
5 |
5 |
5 |
5 |
5 |
5 |
Consommation de cannabis au cours de la semaine écoulée | |||||||||||
--Australie | -- |
-- |
-- |
5 |
5 |
-- |
4 |
-- |
5 |
-- |
-- |
--États-Unis | -- |
-- |
-- |
5 |
3 |
-- |
2 |
-- |
-- |
-- |
-- |
Sources :
Commonwealth Department of Health and Family Services, National Drug Strategy Household Survey: Survey Report 1995, Canberra, Department of Health and Family Services, 1996, p. 30.
Commonwealth Department of Health and Family Services, Statistics on Drug Abuse in Australie 1994, Canberra, Department of Health and Family Services, 1994, tableau 5.1.
Donnelly, N. et Hall, W., Patterns of cannabis use in Australie, NDS, monographie no 27,Canberra, Australian Government Printing Service, 1994, tableau 7.
Makkai, T. et McAllister, I., Marijuana in Australie: patterns and attitudes, NDS, monographie no 31, Canberra, Australian Government Printing Service, 1997, figure 1.1, figure 5.1.
U.S. Department of Health and Human Services, Preliminary Results from the 1997 National Household Survey on Drug Abuse, Washington, Department of Health and Human Services, 1998, tableaux 3B, 4B, 5B.
Tableau 2 : Tendances récentes de la consommation de marijuana et dautres drogues illicites chez les jeunes adultes en Australie et aux États-Unis
1988 |
1991 |
1993 |
1995 |
|
Consommation de marijuana au cours des 12 mois écoulés | ||||
--Australie (20 à 29 ans) | 35,4 |
37,5 |
43,3 |
42,6 |
--États-Unis (19 à 28 ans) | 31,8 |
23,8 |
25,1 |
26,5 |
Consommation dautres drogues illicites au cours des 12 mois écoulés | ||||
--Australie (20 à 29 ans) | 7,8 |
10,6 |
9,2 |
10,9 |
--États-Unis (19 à 28 ans) | 21,3 |
14,3 |
13,0 |
13,8 |
Sources :
Australie : National Drug Strategy household surveys, mentionné au tableau 31 et au tableau 38 dans Williams, Paul, Progress of the National Drug Strategy: Key National Indicators, Canberra, Dept of Health and Family Services, publication numéro 2116, 1997.
États-Unis : Tableau 8 dans Johnson, L., OMalley, P. et Bachman, J., Monitoring the Future, Volume II: College and Young Adults, Washington, National Institutes of Health, 1997.
Figure 1 : Tendances de la consommation de cannabis et risque perçu de consommation de cannabis dans la population des jeunes de 12 à 17 ans aux États-Unis, 1985-1997
Notes de fin de document :
- Le chiffre pour les États-Unis est emprunté au tableau 6.2 dans Harwood et al. (24). Il ninclut pas les dépenses privées telles que les coûts davocat. Bien que les estimations de coût présentées dans les études américaines et australiennes comprennent les coûts dapplication des lois contre le trafic de drogue et la possession de drogues illicites autres que le cannabis, il est probable quun pourcentage important de ces coûts est lié à la possession de cannabis car ces cas constituent un pourcentage élevé de toutes les inculpations liées à la drogue dans les deux pays.
- Pour parvenir à empêcher un comportement déterminé, la punition doit également être perçue comme rapide. On manque de données sur le temps moyen qui sécoule entre la détection et la punition pour les infractions en matière de cannabis, mais cet élément nécessaire de la dissuasion manque également peut-être.
- La minimisation des effets préjudiciables nest pas contraire aux interventions axées sur labstinence car les programmes de réduction des effets nocifs est souvent la première étape sur la voie de labstinence (35). Cela nimplique pas nécessairement non plus lappui à la légalisation des drogues, car il existe manifestement des moyens dappliquer des programmes de minimisation des méfaits tout en continuant à interdire lusage de drogue au sein de la population.
- Comme le déclarait le président du American Council for Drug Education : « Cela signifie linterdiction absolue de lusage de drogue dans les écoles, dans le milieu de travail, sur les routes et dans les familles. Il faut que les sanctions soient rapides, efficaces, et appuyées par tous les segments de notre société » (21).
- M. Bennett aurait déclaré : « Légalement, ce sera difficile. Mais quelquun qui vendrait des drogues à un enfant? Moralement, cela ne me pose pas du tout de problème. » (32).
- Un des auteurs de cet article a évalué la Stratégie nationale antidrogue au nom du gouvernement du Commonwealth en 1996-1997 (46). Après avoir achevé le rapport, les évaluateurs ont reçu plusieurs lettres de parents désespérés dont les enfants étaient morts dune surdose. Une réaction très fréquente était de se demander sil était sage de marginaliser les usagers de drogue et de les empêcher de faire appel à une aide qui aurait pu sauver la vie de leurs enfants. Comme lun des parents la dit : « Il y a quelque chose qui ne va pas dans notre système actuel les méthodes que nous utilisons quelles quelles soient, sont inefficaces. Il faut absolument trouver une meilleure façon de lutter contre les drogues dans notre collectivité ».
- On ne saurait trop souligner lattitude générale plus favorable à la réforme de la répression des toxicomanies en Australie. Plusieurs organisations non gouvernementales et représentants des services dapplication des lois en Australie étaient hostiles à tout changement à la politique dinterdiction, et il y a des groupes importants aux États-Unis qui luttent pour la réforme de la politique antidrogue.
- Il est difficile de comparer les taux dusage de cannabis en Australie et aux Etats-Unis. Les enquêtes dans chaque pays ont été effectuées à des moments différents et on a utilisé des questions différentes sur lusage de drogues. Il y a deux séries denquêtes nationales aux États-Unis : une enquête nationale auprès des ménages menée par le National Institute of Drug Abuse depuis 1972 (51, 52) et des enquêtes permanentes auprès des jeunes et des jeunes adultes intitulées « Monitoring the Future » (30, 31). En Australie, la Stratégie nationale antidrogue a effectué des enquêtes nationales auprès des ménages en 1985, 1988, 1991, 1993 et 1995 (15, 16).
- En vertu du Système de CEN utilisé en Australie-Méridionale, un avis dexpiation peut être signifié aux personnes prises en infraction par la police, ou celles-ci doivent payer une amende « sur place ». Elles peuvent être libérées du CEN sur paiement du droit prescrit dans les 30 ou 60 jours qui suivent, selon le montant de lamende. Habituellement, lorsque ce paiement nest pas effectué dans les délais, les contrevenants peuvent être condamnés au criminel pour infraction en matière de cannabis. On y fait exception lorsquune affaire est classée ou le défendant bénéficie dun verdict dacquittement, mais cela narrive que dans la minorité des cas. Les droits dexpiation atteignent 50 à 150 $, et sappliquent aux infractions pour possession de 100 grammes de cannabis ou de 20 grammes de résine de cannabis, pour possession de matériel de consommation de cannabis ou pour culture de dix plants de cannabis.
- Sarre et al. (42) avaient prévu ce phénomène après lévaluation des neufs premiers mois de fonctionnement du système de CEN. Bien que cela napparût pas clairement à ce moment-là, ils ont souligné cet « élargissement du filet » dans lequel ils voyaient un nouveau problème probable, estimant quil y aurait sans doute une augmentation du nombre d infractions mineures pour usage de cannabis qui seraient traitées formellement dans le cadre du modèle dexpiation.
- Les raisons du faible taux dexpiation sont examinées plus loin.
- Les raisons couramment citées à lappui du système étaient les suivantes : sa rentabilité perçue, sa commodité pour les agents dapplication de la loi, et sa capacité de réduire les effets sociaux négatifs liés à une condamnation. La principale réserve exprimée par le secteur de lapplication de la loi avait trait au travail du groupe détude sur les drogues. Le personnel spécialisé dans la répression des toxicomanies estimait que la limite de dix plants de cannabis en culture tolérée dans le système dexpiation, était trop élevée et que cela avait poussé des groupes de criminels à exploiter ce système en pratiquant la culture commerciale de cannabis en lots séparés de dix plants. Ces agents réclamaient que pour que le système dexpiation puisse être appliqué, le nombre de plants soit ramené à trois ou quatre.
- Les coûts unitaires augmentaient sensiblement lorsque laffaire était portée devant le tribunal ou lorsque lon utilisait dautres formules de paiement.
- Une évaluation plus récente du système dexpiation en Australie-Méridionale a montré quil y avait eu peu de changement dans le degré de sensibilisation à la question. Vingt-quatre pour cent des membres dun échantillon de 1997 pensaient que la possession de moins de 100 grammes de cannabis était légale, et 53 % croyaient quil était légal de faire pousser trois plants de cannabis pour son usage personnel. En outre, 40 % seulement des membres de cet échantillon savaient que des conséquences judiciaires étaient liées aux infractions en matière de cannabis couvertes par le système dexpiation (25).
- Il est difficile de déterminer si le système de CEN a eu un effet sur lattitude du grand public à légard de l'usage de cannabis. Comme ce système est mal compris, il semble peu probable quil ait amené un changement sensible des attitudes au sein de la collectivité. En Australie-Méridionale, on semble être assez tolérant à légard de lusage de cannabis à des fins personnelles, mais on ne lest pas lorsquil sagit dactivités concernant des quantités commerciales de cannabis (25). On ne dispose pas de données comparables sur les tendances, mais à cet égard, lAustralie-Méridionale ne semble pas être différente des autres administrations.
- Les recherches les plus récentes sur ces questions (12) ont ceci dimportant quil na pas été possible de relier les données disponibles concernant les avis dexpiation en matière de cannabis avec les résultats ultérieurs devant les tribunaux ou autres conséquences pour tous les cas dans lesquels les contrevenants nont pas payé les droits dexpiation. Depuis 1987, les données concernant le non-respect des avis dexpiation en Australie-Méridionale ont été isolées des données de la justice pénale, ce qui sexplique en partie par le fait que lon ne considère pas que le paiement dun droit dexpiation constitue un aveu de culpabilité. Par ailleurs, on na jamais tenté didentifier les récidivistes en Australie-Méridionale, que ces récidivistes paient les droits dexpiation dans les délais ou non. En revanche, dans le système plus récemment mis en vigueur davertissements officiels pour infraction en matière de cannabis à Victoria, lidentification des récidivistes est un élément clé.
- Dans certains cas, la peine maximum est une amende lorsquil sagit de délinquants primaires. Après un référendum tenu en 1998, lOregon a annulé la loi sur la dépénalisation. Au cours de la même période, un autre État a adopté une mesure de dépénalisation mais la ensuite abrogée. En avril 1977, le Dakota du Sud a réduit à une amende de 20 $ la peine maximale pour possession de moins dune once de marijuana, mais cette loi a été abrogée en 1989. La plus haute cour de lAlaska a décidé quil était inconstitutionnel de posséder de la marijuana dans le secret de sa propre résidence mais la possession de cannabis a été repénalisée en 1990 (23). Il y a donc toujours eu une période où de neuf à onze États « décriminalisés » avaient réduit la peine pour possession de cannabis à une simple amende.
- Au départ, lobjet de la présente étude nétait pas dévaluer leffet des changements apportées aux dispositions juridiques relatives au cannabis. Cependant, pendant la brève période couverte par létude, Ann Arbor a apporté quatre changements majeurs à sa politique relative à lusage de cannabis, ce qui était tout à fait imprévu : une réduction des peines (lemprisonnement demeurait cependant possible), la dépénalisation (peine maximum : amende de cinq dollars), remise en vigueur de peines sévères et finalement, retour à la « dépénalisation ». Données recueillies à quatre périodes différentes à Arbor et dans les groupes de référence (où les peines imposées pour usage de marijuana navaient connu aucun changement).
- Bien que cela ne concerne pas directement la dépénalisation de la possession pour usage personnel, on peut également noter que lenquête nationale sur les ménages des États-Unis en 1997 portant sur labus de drogues comportait un échantillonnage superposé des répondants californiens afin dévaluer leffet dun référendum sur la légalisation de la marijuana à des fins médicales (32). On a constaté quil ny avait pas daugmentation de lusage de marijuana en Californie chez les adultes ou chez les jeunes de 12 à 17 ans.
- En Californie, les arrestations pour possession de marijuana ont diminué de 36% au cours de la première moitié de 1976 lorsque la dépénalisation était en vigueur, par rapport à la première moitié de 1975. Ces taux relativement faibles darrestation se sont maintenus dans les années 1980 (2). Il y a eu une diminution similaire des arrestations pour possession de marijuana dans les autres administrations dépénalisées à la suite du changement apporté à la loi : 43 % au Minnesota; 36 % à Columbus (Ohio); et 41 % à Denver (Colorado) (41).
- Il convient cependant de noter que la dépénalisation na pas éliminé tous les coûts sociaux liés à la politique en matière de cannabis. Bien que la possession de cannabis ne soit plus une cause dincarcération dans les États dépénalisés, elle demeure illégale. Les coûts de traitement des cas de possession ont diminué, mais les pouvoirs de fouille et de saisie de la police demeurent et inévitablement, doivent être largement exercés tant que la possession demeure une infraction. En outre, selon les dispositions institutionnelles concernant la tenue des casiers judiciaires dans une administration, tant que la possession de cannabis demeure une infraction, il est inévitable quil y ait des conséquences négatives sur le plan individuel, en particulier les conséquences qui découlent de létablissement dun casier judiciaire.