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Les préoccupations continues concernant l'agriculture canadienne, les milieux humides et la réaffectation des terres forestières

Interpellation--Ajournement du débat

5 octobre 2023


Ayant donné préavis le 26 septembre 2023 :

Qu’il attirera l’attention du Sénat sur les préoccupations que continuent de susciter la réaffectation des terres agricoles, des terres humides et des terres forestières du Canada, ainsi que la possible insécurité alimentaire, économique et sociale découlant de la capacité de production réduite de produits agricoles, de pâturages, de produits forestiers et d’aliments, tant à l’échelle nationale qu’internationale.

 — Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour parler de mon interpellation no 16, qui attire l’attention du Sénat sur les préoccupations que continuent de susciter la réaffectation des terres agricoles, des terres humides et des terres forestières du Canada, ainsi que la possible insécurité alimentaire, économique et sociale découlant de la capacité de production réduite de produits agricoles, de pâturages, de produits forestiers et d’aliments, tant à l’échelle nationale qu’internationale.

Chers collègues, il s’agit d’un enjeu crucial qui touche les populations du monde entier : la gestion de l’utilisation des terres aux fins de la sécurité alimentaire et de la production agricole.

Dans un monde confronté aux difficultés de nourrir une population en croissance, le Canada a la chance et la responsabilité particulières non seulement de nourrir sa population de manière durable, mais aussi de contribuer à la lutte contre la faim à l’échelle mondiale.

Devant la complexité des chaînes d’approvisionnement, l’augmentation du coût des aliments et le besoin pressant de logements, il est essentiel que nous prenions des mesures décisives pour garantir l’utilisation optimale de nos terres.

Le Canada demeure une puissance agricole, avec ses vastes étendues de terres fertiles capables de produire des récoltes abondantes et de nourrir du bétail. Néanmoins, ces dernières années, nous avons assisté à d’importants changements dans notre paysage agricole. L’urbanisation, l’industrialisation et les changements climatiques ont eu des répercussions sur nos régions agricoles traditionnelles, ce qui souligne la nécessité de jeter les bases d’une approche pancanadienne rationnelle et stratégique de la gestion de l’utilisation des terres.

Tout d’abord, chers collègues, examinons la question de la sécurité alimentaire. Bien que le Canada jouisse d’un approvisionnement alimentaire relativement stable, nous aurions tort de nous reposer sur nos lauriers. Le prix des aliments augmente. La population s’accroît, ce qui augmente la demande à laquelle l’industrie agricole doit répondre. La croissance de la population mondiale combinée aux aléas de la météo et à la dégradation des terres arables pose des défis considérables pour la production alimentaire mondiale. En tant que pays, nous devons saisir l’occasion d’assurer et d’accroître notre sécurité alimentaire et de devenir un chef de file mondial de l’agriculture durable. La réaffectation de terres agricoles ne peut que réduire la sécurité alimentaire.

Pour réussir, nous devons prioriser la protection des terres agricoles et promouvoir leur utilisation efficace. Il est essentiel de protéger nos zones agricoles de première qualité contre l’étalement urbain. Nous devons instaurer des politiques d’aménagement du territoire et des règlements de zonage stricts pour protéger notre patrimoine agricole tout en fournissant le cadre nécessaire à une croissance durable et en satisfaisant les besoins de notre propre population croissante.

Honorables collègues, je ne suis pas le seul à être préoccupé par la réaffectation de terres agricoles de première qualité, de terres humides et de terres forestières. Dans un communiqué daté du 30 mai, la présidente de la Fédération de l’agriculture de l’Ontario, Peggy Brekveld, a déclaré :

Nous comprenons la nécessité d’accroître l’offre de logements en Ontario et appuyons les efforts en ce sens. Cependant, nous voulons également éviter que les aménagements résidentiels empiètent sur les terres agricoles de l’Ontario, car celles-ci constituent notre ressource naturelle la plus précieuse.

Partout au Canada, chers collègues, nous perdons des terres agricoles fertiles et cultivables en raison d’une série de facteurs, mais le développement urbain est un grave sujet de préoccupation pour l’industrie depuis de nombreuses années. En fait, dans le cadre de l’étude sur les sols du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts, nous avons entendu à maintes reprises que, lorsque la couche arable est détruite, elle est essentiellement perdue à jamais parce que des milliers d’années peuvent être nécessaires pour la rétablir. Avec une population et une économie en croissance, céder des terres arables au développement a un coût que nous ne pouvons tout simplement pas nous permettre.

Je souligne que l’aménagement du territoire relève des provinces au Canada. Cependant, d’un point de vue agricole, il est impératif de protéger les terres cultivables et les capacités de production du pays. Le gouvernement fédéral, les provinces, les territoires et les municipalités doivent collaborer de façon cohérente pour relever les défis auxquels nous sommes confrontés en ce qui concerne la protection de notre approvisionnement alimentaire à l’échelle nationale et mondiale. Cette collaboration de tous les ordres de gouvernement contribuera également à mieux gérer l’aménagement du territoire, le développement et l’étalement urbain.

Tout en reconnaissant l’importance de respecter nos divers champs de compétence, nous devons aussi reconnaître l’interdépendance de nos provinces et territoires pour assurer la solidité et la pérennité du secteur agricole. Nous devons favoriser la coopération, mettre en commun les pratiques exemplaires et mettre en œuvre des politiques cohésives qui permettent de répondre aux divers besoins agricoles et de relever les défis dans ce secteur partout au pays. Cette approche collaborative assurera l’harmonisation de nos efforts collectifs, renforçant la protection de nos terres agricoles, de nos zones humides et de nos forêts, tout en garantissant nos capacités de production alimentaire pour les générations futures et en continuant de favoriser la croissance et le développement pour une population grandissante.

En outre, nous avons besoin d’une politique agricole globale qui tient compte de la diversité des paysages agricoles et des capacités de production à l’échelle du Canada. On trouve au pays une variété de conditions climatiques, de types de sols et de pratiques agricoles, des vergers de la Colombie-Britannique aux plaines fertiles des Prairies, en passant par les fermes laitières du Québec et les exploitations de pommes de terre de l’Île-du-Prince-Édouard. Conscient de ces caractéristiques régionales uniques, le gouvernement fédéral peut jouer un rôle central dans la coordination des efforts pour maximiser le potentiel de notre secteur agricole, tout en préservant nos ressources naturelles et en subvenant aux besoins d’une population croissante.

Par ailleurs, l’adoption de pratiques agricoles innovantes qui maximisent les rendements tout en réduisant au minimum leurs effets sur l’environnement contribuerait à la sécurité alimentaire, et accroître les rendements équivaut à accroître la productivité des terres. Les progrès technologiques tels que l’agriculture de précision, la culture hydroponique et l’agriculture verticale peuvent accroître considérablement la productivité tout en réduisant la consommation de ressources. En investissant dans la recherche, le développement et la mise en œuvre de nouvelles techniques, nous pouvons faire en sorte que nos agriculteurs adoptent ces pratiques, ce qui leur permettra de produire plus avec moins de ressources.

Toutefois, les pratiques agricoles durables ne suffiront pas, à elles seules, à garantir la sécurité alimentaire. Nous devons également nous attaquer aux problèmes qui découlent de la complexité des chaînes d’approvisionnement. Le Canada est un grand pays, et il est essentiel que les marchandises circulent efficacement de la ferme à la table. Nous devons investir dans les infrastructures et les réseaux de transport afin de permettre l’acheminement rapide et économique des produits agricoles vers les consommateurs. Renforcer les chaînes d’approvisionnement permettrait de réduire le gaspillage, de limiter les pertes et de faire en sorte que des aliments frais et nutritifs parviennent aux quatre coins de notre pays. De plus, nous devons tenir compte de l’augmentation du coût des aliments, une préoccupation majeure pour de nombreux Canadiens.

Une combinaison de facteurs, notamment l’inflation, les coûts de transport et les forces du marché mondial, a contribué à la hausse du prix des aliments essentiels. En tant que législateurs, nous avons le devoir de répondre à ce problème et d’alléger le fardeau qui accable les ménages canadiens. Une des façons de régler le problème de la montée du prix de la nourriture est d’accroître la production locale. Si nous soutenons les initiatives agricoles urbaines et à petite échelle, nous pourrons réduire notre dépendance aux biens et services importés et créer un système alimentaire plus résilient. Encourager l’établissement de jardins communautaires et de toitures-jardins et faire la promotion des marchés fermiers peut contribuer à renforcer les économies locales, à favoriser la coopération sociale et à offrir des fruits et légumes frais à tous les Canadiens.

En outre, nous devons essayer d’éliminer les obstacles dans la chaîne d’approvisionnement qui contribuent à la hausse des prix. Si nous éliminons la réglementation inutile, favorisons la concurrence loyale et faisons la promotion de la coopération entre les intervenants, nous pourrons arriver à un système plus efficient et transparent profitable aux producteurs et aux consommateurs.

Même s’il faut avant tout veiller à la sécurité alimentaire, je suis conscient que nous devons aussi tenir compte des besoins en logements dans nos centres urbains qui se développent rapidement et qu’il faut répondre à ces besoins. À mesure que la population augmente et que les villes se densifient, nous nous retrouvons avec la tâche difficile de tenir compte à la fois de la demande en logements et de la nécessité de préserver les terres agricoles. Nous devons adopter des stratégies novatrices en matière d’utilisation des terres pour promouvoir la densification, la mixité fonctionnelle et l’aménagement urbain durable. On peut construire des logements en hauteur au lieu de poursuivre l’étalement urbain qui a des répercussions sur les terres agricoles dans l’ensemble du pays. En bâtissant des collectivités dynamiques où il fait bon vivre, nous pouvons atteindre un équilibre entre les besoins en logements et la préservation des terres agricoles. Cependant, nous ne pourrons y arriver que si l’aménagement du territoire tient compte de la sécurité alimentaire, de la fertilité des terres et d’autres facteurs, et seulement lorsque tous les ordres de gouvernement prendront part aux décisions et aux discussions.

En conclusion, honorables collègues, le Canada doit jouer un rôle essentiel dans le renforcement de l’approvisionnement alimentaire mondial tout en répondant aux besoins de ses propres citoyens. En gérant efficacement nos ressources foncières, en protégeant nos principales zones agricoles et en adoptant des pratiques agricoles durables, nous pouvons accroître notre sécurité alimentaire tout en contribuant à nourrir le monde entier. Nous devons également résoudre les problèmes posés par la complexité des chaînes d’approvisionnement, la hausse du coût des aliments et les besoins en logements. Grâce aux efforts de collaboration, à l’innovation et à des mesures d’intervention stratégiques, je suis sûr que nous pourrons tracer la voie vers la prospérité, la durabilité et la sécurité alimentaire au Canada et dans le monde entier.

Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour mettre fin à l’élimination des terres arables et cultivables au profit du développement urbain, et j’espère que cette interpellation suscitera d’autres discussions au Sénat, parmi mes honorables collègues, à l’autre endroit et au sein de tous les ordres de gouvernement. Après tout, comme l’a expliqué l’honorable sénateur Gold dans une réponse à ma question du 9 mai 2023 sur l’étalement urbain :

[...] le gouvernement reconnaît le caractère essentiel d’un secteur agricole et agroalimentaire résilient, y compris la nécessité de préserver et de protéger les terres agricoles.

Il est temps, chers collègues, que le gouvernement se décide à reconnaître cette nécessité.

Je vous remercie, chers collègues, de votre attention et de votre dévouement à cette question vitale qui nous affectera, vous et moi, ainsi que nos familles, nos enfants, nos petits-enfants et nos arrière‑petits-enfants si nous n’agissons pas maintenant. Ensemble, soyons à la hauteur de la situation et façonnons un avenir meilleur pour notre nation et pour le monde entier avant que nous ne perdions davantage de terres agricoles aux quatre coins du pays à cause de plans d’aménagement du territoire mal conçus.

Merci. Meegwetch.

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